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Dossier : 2014-234(IT)I

ENTRE :

LINDA CORKUM,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu les 27 juin et 4 novembre 2014

à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Devant : L’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Thomas Owen

Me Benjamin Carver

Avocate de l’intimée :

Me Jan Jensen

 

JUGEMENT MODIFIÉ

Les appels des déterminations faites, sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants, au supplément de la prestation nationale pour enfants et au crédit pour taxe sur les produits et services à l’égard des années de base 2009, 2010 et 2011, sont rejetés conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

Le présent jugement modifié se substitute au jugement daté du 23 février 2015.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de juillet 2016.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef Rossiter


Référence : 2015 CCI 38

Date : 20150223

Dossier : 2014-234(IT)I

ENTRE :

LINDA D. CORKUM,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Rossiter

Contexte

[1]             Le présent appel interjeté par Linda Corkum porte sur la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE), le supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE) et le crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS).

[2]             En 2001, le mari de l’appelante s’est rendu en Égypte pour travailler comme chargé d’enseignement adjoint au National Institute of Oceanography and Fisheries (l’Institut) et pour terminer ses études de doctorat. L’appelante a accompagné son mari en Égypte et elle n’est pas revenue au Canada avant octobre 2013. En 2009, en 2010 et en 2011, elle a eu droit à la PFCE, au SPNE et au CTPS.

[3]             L’appelante affirme qu’elle était résidente du Canada pendant ces années-là, et le ministre du Revenu national (le ministre) affirme le contraire.

Exposé des faits

[4]             L’appelante était mariée à Khalid Abaza. Elle a quitté le Canada en 2001 pour se rendre en Égypte avec son mari, qui poursuivait ses études de doctorat en océanographie et pêcheries à l’institut en question, en plus d’y travailler comme chargé d’enseignement adjoint, poste qu’il avait accepté avant de quitter le Canada. Les seuls effets qu’elle a apportés en Égypte étaient ses vêtements. Ses meubles ont été entreposés dans le sous-sol de la résidence de sa sœur au Canada, et ce, sans frais.

[5]             L’appelante a vécu en Égypte avec son mari pendant douze ans, de 2001 à 2013. Son premier enfant avait deux ans quand ils sont partis pour l’Égypte et il était né en Égypte. Son deuxième enfant venait de naître quand ils ont quitté le Canada, et son troisième enfant est né en Égypte. Par suite de la demande faite par son mari, elle a obtenu un visa égyptien qui lui donnait le droit de demeurer en Égypte pour une période d’un an à trois ans et qui a été renouvelé. Elle a eu droit à la PFCE, au SPNE et au CTPS pendant neuf ans.

[6]             Les versements de PFCE, de SPNE et de CTPS étaient déposés automatiquement dans le compte bancaire de l’appelante. Elle avait accès à son compte par internet, et n’utilisait jamais le guichet automatique pour y accéder. Elle utilisait toujours la monnaie égyptienne seulement, jamais de cartes de crédit. Son mari gérait toutes les questions financières et l’argent de la famille. Il gérait également tous les aspects externes de leur vie, y compris le magasinage des produits de première nécessité. Il prenait les décisions pour tout, y compris pour les questions liées à l’éducation et à la santé. Apparemment, il est de tradition musulmane que ces décisions soient prises par le chef du ménage, à savoir le mari. Les divertissements étaient peu fréquents, sinon inexistants, sauf peut-être pour faire une promenade dans le parc ou pour amener les enfants déguster une crème glacée. L’appelante ne pouvait sortir avec les enfants sans son mari. Si des visiteurs venaient du Canada, elle pouvait leur montrer le quartier. L’appelante a appris comment fonctionnait la société égyptienne; elle parle un peu l’arabe, mais elle ne le lit pas et ne l’écrit pas. Elle n’avait que des connaissances en Égypte, principalement des parents d’amis de ses enfants. Elle est musulmane pratiquante depuis 1991 et, par conséquent, elle n’allait pas normalement à la mosquée avec son mari. Elle avait très peu d’interaction avec d’autres personnes. Durant la période qu’elle a qualifiée de trouble, en 2009 et 2010, l’appelante vivait avec ses beaux-parents parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité.

[7]             L’appelante et sa famille vivaient comme une famille égyptienne normale dans un appartement très semblable à un appartement au Canada. L’appelante accomplissait les tâches d’une femme au foyer; elle faisait le ménage, la vaisselle et le lavage. Elle n’avait pas l’intention de travailler en Égypte, ses enfants étaient en bas âge et elle ne voulait pas travailler, elle voulait s’occuper de ses enfants et, de plus, elle n’avait pas de visa de travail pour l’Égypte. Elle aurait eu le droit de devenir citoyenne égyptienne, parce que son mari avait la citoyenneté égyptienne, mais elle ne l’est jamais devenue. Si elle l’était devenue, elle aurait pu travailler, voter et bénéficier d’une protection médicale, mais elle avait décidé de ne pas devenir citoyenne égyptienne. Elle ne payait pas d’impôts égyptiens et elle était en Égypte seulement pour permettre à son mari de faire ses études et d’enseigner.

[8]             L’appelante a communiqué, notamment par courriel, avec des amis à Ottawa et en Nouvelle-Écosse, en 2009, relativement à des possibilités d’emploi pour son mari.

[9]             L’appelante a affirmé que les années 2009 et 2010 ont été marquées par de l’agitation politique en Égypte et que les troubles ont recommencé en 2013. Ce nouveau soulèvement a pesé lourd dans sa décision de revenir au Canada. Elle dit avoir eu beaucoup de mal à obtenir les documents pour rentrer au pays.

[10]        Le mari de l’appelante a terminé ses études doctorales en 2004 et obtenu son diplôme en 2005. Il a fait évaluer ses titres universitaires au Canada, et ils ont tous été jugés équivalents à des diplômes canadiens. L’évaluation de ses titres universitaires était, semble‑t‑il, une condition préalable pour obtenir un emploi au Canada. Le mari s’est renseigné sur l’emploi au Canada, a cherché des possibilités de franchise ou d’emploi et s’est procuré les lettres de recommandation certifiées et les copies certifiées de son diplôme de doctorat nécessaires. À la fin de 2010, il s’est aperçu que lui et sa famille ne pouvaient tout simplement pas rester en Égypte et qu’il devait faire renouveler les passeports nécessaires pour sa femme et ses enfants. Le mari de l’appelante a affirmé qu’il avait l’intention de quitter l’Égypte le plus tôt possible. L’une de ses enfants souffrait d’un trouble déficitaire de l’attention qui nécessitait qu’elle soit dispensée de certaines matières scolaires pour tenir compte de ses besoins et qui l’empêcherait de s’inscrire à un programme d’études universitaires en Égypte.

[11]        Le mari de l’appelante a été chargé d’enseignement adjoint à l’Institut de 2001 à 2005 et chargé d’enseignement à plein temps de 2005 à 2013. Après l’obtention de son diplôme de doctorat en 2005, le mari a continué à travailler à l’Institut et il s’est engagé dans un projet échelonné sur plusieurs années qui répondait aux critères d’une recherche postdoctorale, jusqu’en 2013. Le mari a alors décidé que lui et sa famille resteraient en Égypte, à moins qu’il n’obtienne un emploi au Canada.

Question en litige

[12]        L’appelante était-elle résidente pour l’application des dispositions relatives à la PFCE, au SPNE et au CTPS pour les années de base 2009, 2010 et 2011? (Pour avoir droit aux crédits, à la PFCE, au SPNE et au CTPS, le contribuable doit être résident canadien durant les périodes pour lesquelles il demande le crédit.)

Analyse

[13]        L’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») donne la définition d’un particulier admissible à la PFCE et au SPNE. L’article 122.5 de la Loi, qui traite du CTPS, établit quelles sont les personnes qui ne sont pas des particuliers admissibles, des proches admissibles ou des personnes à charge admissibles. Le paragraphe 250(1) de la Loi définit les conditions applicables pour qu’une personne soit réputée résider au Canada.

[14]        Dans la décision Hasin c. La Reine, 2013 CCI 72, la juge Campbell a résumé l’analyse à faire relativement aux demandes de PFCE, de SPNE et de prestation pour enfants handicapés (PEH) de la façon suivante :

[9]        Au paragraphe 2 de l’arrêt Laurin c. La Reine, 2008 CAF 58, 2008 D.T.C. 6175, la juge K. Sharlow de la Cour d’appel fédérale résume succinctement la position de la Couronne à l’égard de la résidence dans cette affaire et l’adhésion de la Cour d’appel à cette position :

[2]        L’appelante soutient qu’est résident dans un pays un contribuable qui, dans sa vie de tous les jours, y habite d’une manière régulière, normale ou habituelle, par opposition à quelqu’un qui y demeurerait exceptionnellement, occasionnellement ou par intermittence. Nous en convenons.

[10]      Dans la jurisprudence, on a énuméré plusieurs facteurs qui, bien qu’ils ne soient pas exhaustifs, sont importants pour trancher la question de la résidence et, en fin de compte, celle de savoir s’il y a lieu de verser des prestations en application de l’article 122.61. Au paragraphe 13 de la décision The Queen v. Reeder,[1975] C.T.C. 256, 75 D.T.C. 5160, le juge Mahoney a mentionné ce qui suit :

[…] Ces éléments sont notamment :

a. le genre de vie passé ou présent;

b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

c. les liens dans le ressort de cette juridiction;

d. les liens en d’autres lieux;

e. le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger.

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d’autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d’une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu’un individu peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue fiscal.

[15]        Dans la décision Snow c. La Reine, 2012 CCI 78, il est fait référence à l’arrêt Thomson c. M.N.R., [1946] R.C.S. 209, qui explique en détail la différence entre résider et séjourner. Au paragraphe 47 de l’arrêt Thomson, le juge Rand affirmait ce qui suit :

[TRADUCTION]

47.       La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes, montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes affaires, mais aussi suivant les différents aspects d’une même affaire. Dans un cas donné, on y retrouve certains éléments, dans d’autres, on en trouve d’autres dont certains sont fréquents et certains autres nouveaux.

48.       L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

49.       Aux fins de la législation de l’impôt sur le revenu, il est nécessaire de considérer que chaque personne a, en tout temps, une résidence. Il n’est pas nécessaire à cet effet qu’elle ait une maison ni un endroit particulier où elle demeure, ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c’est de déterminer dans l’espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache ce mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d’apprécier la résidence habituelle est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle, temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s’accompagne également d’une notion de caractère provisoire et de retour.

[16]        Dans la décision Snow c. La Reine, précitée, l’appel a été accueilli relativement à la période où l’époux de l’appelante faisait ses études de maîtrise. Au cours de ces quelques années, l’appelante n’a pas adopté le mode de vie coutumier de la Nouvelle‑Zélande; son séjour là‑bas avait un « caractère provisoire ». Lorsque son époux a décidé d’entreprendre des études doctorales, la nature de son séjour a changé. La Cour a fait le raisonnement suivant :

23        Toutefois, lorsque M. Lewis a entrepris ses études au niveau du doctorat, je ne suis pas convaincue que le séjour de Mme Snow est demeuré provisoire. Cet engagement à plus long terme, survenant après que la famille eut séjourné en Nouvelle‑Zélande pendant trois ans, donne à penser que la famille s’est vraisemblablement établie en Nouvelle‑Zélande en y adoptant son mode de vie coutumier. Mme Snow avait peu de liens de résidence au Canada à ce moment‑là et elle a cessé d’être une résidente canadienne à ce moment.

[17]        Dans ce cas particulier, l’appelante a invoqué la décision Perlman c. La Reine, 2010 CCI 658, qui portait sur le fardeau de la preuve. Il avait été jugé dans cette affaire que l’appelant était résident du Canada aux fins de l’admissibilité à un crédit. La preuve présentée par l’appelant montrait, semble‑t‑il, qu’il avait toujours eu l’intention de revenir au Canada après ses études. Le plan initial était d’étudier pendant au moins deux ans, mais, à la fin des deux ans, compte tenu de son intérêt, de ses aptitudes et de son succès, il a décidé de poursuivre d’autres études supérieures à l’étranger. Pendant son absence, il avait reçu une offre pour occuper un poste de professeur dans une école canadienne, qu’il avait repoussée jusqu’à ce qu’il ait obtenu le titre recherché. De plus, il avait apparemment conservé ses comptes bancaires au pays, ses régimes enregistrés d’épargne‑retraite et d’épargne‑études pour ses enfants et un compte de placement d’un montant considérable détenu auprès d’un courtier canadien. Il n’avait pas de carte de crédit étrangère. Il était citoyen canadien et seulement citoyen canadien. Il avait laissé tous les biens qu’il possédait à Toronto et maintenu des liens spirituels et religieux étroits avec sa communauté religieuse à Toronto. Il avait continué d’exercer son droit de vote aux élections canadiennes. Il était devenu membre d’un parti politique canadien. Il avait toujours produit ses déclarations de revenus au Canada et déclaré ses revenus gagnés à l’étranger.

[18]        À l’opposé de la décision Perlman se trouve la décision Bower c. La Reine, 2013 CCI 183, dans laquelle l’appelant vivait en Indonésie avec sa conjointe et les enfants de celle‑ci. Au paragraphe 17, le juge Bocock a déclaré ce qui suit :

[17]      Cette conclusion est compatible avec la décision rendue dans l’affaire Perlman, étant donné que, dans cette affaire beaucoup plus équivoque, le ratio était lié à l’intention clairement ininterrompue qu’avait le contribuable de revenir au Canada, non pas à titre de pire scénario, mais plutôt à titre d’objectif de carrière et de plan de vie à long terme qu’il avait sans cesse exprimé. En revanche, bien que M. Bower dise qu’il reviendra au Canada à une date ultérieure, la Cour conclut que, pour ce faire, il devrait modifier son intention actuelle, rompre ses liens les plus importants ou les transposer et transférer les attributs de la vie quotidienne de l’Indonésie afin que le Canada redevienne son lieu de résidence habituelle et principale. Jusqu’à ce que ce jour arrive, M. Bower demeure un non‑résident du Canada.

[19]        Compte tenu de la preuve présentée, la Cour peut statuer clairement sur l’affaire : l’Égypte est le pays où l’appelante menait sa vie quotidienne, là où elle a résidé de manière régulière, normale et habituelle pendant des années. Elle n’a fait aucune visite au Canada pendant toute la période qu’elle a passée en Égypte, notamment pendant les années de base. Les liens avec Canada étaient pour le moins limités, sinon inexistants. Ses meubles avaient été entreposés dans le sous‑sol de la maison de sa sœur, et ce, sans frais. Elle avait un peu de famille au Canada, mais elle communiquait très peu avec elle. Sa vie dépendait totalement de la vie de son mari. Ils étaient musulmans, et cette religion commande que ce soit le mari qui prenne toutes les décisions et gère toutes les questions financières. Elle ne pouvait aller nulle part sans lui. Elle était étroitement liée à la famille de son mari et a même vécu avec celle‑ci pendant un certain temps.

[20]        Même si le séjour avait initialement pour but de permettre à son mari de terminer ses études, le diplôme de doctorat qu’il a obtenu en 2005 a permis à celui-ci d’occuper un emploi essentiellement permanent qui a duré jusqu’en 2013. Les habitudes de vie passées et présentes de l’appelante ont pris leur source en Égypte. Elle avait vécu en Égypte avec sa famille pendant de nombreuses années avant les années de base et elle a continué d’y vivre durant ces mêmes années. Elle vivait, selon le mode égyptien, sa vie d’épouse d’un citoyen égyptien qui occupait un emploi à plein temps et de mère de trois jeunes enfants. Elle ne voulait ni un emploi en Égypte, ni la citoyenneté égyptienne; elle voulait prendre soin de ses enfants et de son mari, et c’est ce qu’elle a fait.

[21]        L’appelante s’est intégrée à la communauté locale autant qu’elle a pu – elle était musulmane, prenait soin de ses enfants, pratiquait sa religion rigoureusement, ce qui a permis son intégration à la communauté locale, et célébrait le mode de vie de cette communauté. Elle a établi des liens avec sa communauté grâce à son mari et à la famille de son mari.

[22]        En ce qui a trait aux biens et aux placements, elle n’en avait aucun au Canada, pas plus que des intérêts commerciaux ou des intérêts culturels ou sociaux. Elle n’y avait pas non plus de résidence familiale. Ses enfants fréquentaient l’école en Égypte et son foyer familial a évolué pendant une longue période en Égypte. Son adresse postale était en Égypte. Certains de ses meubles personnels avaient été entreposés chez sa sœur, sans frais, et ce, pendant presque douze ans. Elle n’avait aucun prêt en souffrance au Canada. Elle n’avait pas de carte de crédit au Canada. Elle avait un compte bancaire canadien qui avait été ouvert sur Internet, et non en personne, et elle faisait toutes ses opérations bancaires par Internet. Elle n’avait aucun régime enregistré d’épargne-études pour ses enfants, rien de cette nature. Il ne semble pas avoir de permis de conduire canadien ni des intérêts commerciaux ou économiques, y compris des biens, au Canada.

[23]        Elle avait déjà exprimé l’intention de revenir au pays une fois les études doctorales de son mari terminées, et ce, il y a plusieurs années avant les années de base, mais cela ne s’est jamais produit. Elle n’a fait aucun voyage au Canada dans l’intervalle.

[24]        Il me paraît évident que leur long séjour en Égypte s’expliquait par le fait qu’ils avaient réussi à s’établir en adoptant le mode de vie égyptien. C’est dans ce pays que son mari a fait ses études et, une fois ses études terminées, il a continué d’occuper une poste à plein temps en Égypte pendant les années qui ont suivi, de 2005 à 2013. Les enfants de l’appelante ont été élevés en Égypte selon le mode de vie coutumier égyptien et y ont fait leurs études. Il m’apparaît plutôt évident qu’au fil du temps, ils se sont attachés à l’Égypte. Les enfants y ont été élevés et, en fait, deux d’entre eux y sont nés, et celui qui est né au Canada avait presque deux ans lorsqu’ils ont déménagé en Égypte.

[25]        Je crois que l’intention de l’appelante peut seulement être déduite des faits qui ont été présentés devant la Cour. Si l’intention de l’appelante était de revenir au Canada, il n’y a pas vraiment de fondement à cette intention et, très certainement, l’intention de revenir au Canada n’était pas présente au cours des dernières années de leur séjour en Égypte, depuis que son mari avait obtenu son diplôme de doctorat en 2005. Ses études étaient censées être la raison pour laquelle ils vivaient en fait dans ce pays. Après que le mari de l’appelante a obtenu son diplôme, on ne peut plus vraiment parler d’un séjour. Il semble qu’il y ait eu une tentative au hasard de chercher de l’emploi au Canada, mais, à mon avis, il faut plus que cela pour établir la résidence et il faut aussi une intention d’être résident canadien pour la période visée. Je suis d’avis que les liens et les signes importants de la vie quotidienne de l’appelante en Égypte étaient si forts au cours de cette longue période que la résidence principale ordinaire de l’appelante était en Égypte, et très certainement pas au Canada. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de février 2015.

« E.P. Rossiter »

Juge en chef Rossiter


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 38

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2014-234(IT)I

INTITULÉ :

LINDA CORKUM c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 juin 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 février 2015

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Owen H.C. Thomas et Benjamin Carver

Avocate de l’intimée :

Jan Jensen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Owen H.C. Thomas

 

Cabinet :

Ferrier Kimball Thomas

Bridgewater, Nouvelle-Écosse

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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