Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2014-3116(IT)I

ENTRE :

 

LA SUCCESSION DE LA DÉFUNTE

HELEN BOULDIN BALANKO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 12 mars 2015, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

Devant : L’honorable juge Gerald J. Rip

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. John Hamilton

Avocat de l’intimée :

MZachary Froese

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2003 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19jour de mars 2015.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mai 2015.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

Référence : 2015 CCI 66

Date : 20150319

Dossier : 2014-3116(IT)I

ENTRE :

 

LA SUCCESSION DE LA DÉFUNTE

HELEN BOULDIN BALANKO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Rip

[1]             Les fiduciaires de la succession de la défunte Helen Bouldin Balanko interjettent appel à l’encontre d’une cotisation d’impôt sur le revenu établie pour l’année 2003, en date du 8 avril 2013, afin d’être autorisés à désigner à titre de résidence principale l’ancien bien de Mme Balanko à Whistler, en Colombie‑Britannique (le « bien de Whistler »)[1].

[2]             Mme Balanko est décédée en 2005. Le bien de Whistler a été vendu en 2003, mais après qu’elle eut transféré le bien à son époux en 1991. Le gain tiré de la vente du bien lui a été attribué. Dans sa déclaration de revenus pour 2003, elle n’a pas déclaré que le bien de Whistler était sa résidence principale.

[3]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé de désigner le bien de Whistler comme étant la résidence principale de Mme Balanko parce que [traduction] « un autre membre de l’unité familiale avait désigné un autre bien à titre de résidence principale pour la période visée ». L’autre membre de l’unité familiale était le Dr Balanko, l’époux de Mme Balanko.

[4]             L’appelante a témoigné que Mme Balanko était séparée de son époux depuis 1983 aux termes d’un accord écrit de séparation et que le Dr Balanko, dentiste, et elle, vivaient séparément. Ainsi, aucun autre membre de l’unité familiale n’avait fait une désignation de résidence principale au cours de la période pertinente.

[5]             Mme Balanko a acheté le bien de Whistler en 1976 pour la somme de 41 900 $ et, en 1991, elle a transféré la propriété du bien au Dr Balanko moyennant la somme d’un dollar. Mme Balanko n’a pas déclaré la disposition du bien de Whistler en faveur du Dr Balanko dans sa déclaration de revenus pour 1991 ni dans d’autres déclarations de revenus. La question de savoir si elle a conservé la propriété bénéficiaire du bien n’a pas été soulevée lors de l’instruction. La valeur du bien en 1991 était supérieure à un dollar. En 2003, le Dr Balanko a vendu le bien de Whistler pour la somme de 350 000 $. Le ministre a calculé qu’un gain en capital de 243 009 $ avait été réalisé à la disposition du bien et que celui‑ci avait été attribué à Mme Balanko : paragraphe 74.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[6]             Le fils de Mme Balanko, John Balanko (« John »), a déclaré que Mme Balanko ne demeurait pas dans le bien de Whistler et qu’il s’agissait d’une propriété de vacances de la famille. Cependant, la question de savoir si le bien de Whistler peut être désigné ou non comme résidence principale pour cette raison n’a pas été plaidée et n’est pas en litige[2].

[7]             John avait 23 ans lorsque ses parents se sont séparés, en 1983. Il se souvenait que c’était son père qui s’était séparé de sa mère, mais que ses parents étaient restés en bons termes. Il a dit qu’après la séparation, sa mère avait entretenu une relation avec un autre homme.

[8]             John a mentionné qu’après la séparation, le Dr Balanko avait continué de vivre dans la résidence familiale sur Pinecrest, à Vancouver. Ce bien a été vendu quelque part entre 1985 et 1987.

[9]             Pour établir la cotisation, le ministre a tenu pour acquis que, depuis 1992, un bien sur Greenleaf Road (le « bien Greenleaf »), à Vancouver, était la propriété conjointe du Dr Balanko et de Mme Balanko. John a témoigné que les propriétaires du bien Greenleaf étaient son père et lui, et non sa mère et son père. Il a affirmé que sa mère n’avait jamais vécu dans le bien Greenleaf. John a mentionné qu’il avait vendu son intérêt dans le bien Greenleaf à son frère au début de l’été 2000.

[10]        John a produit une déclaration solennelle du Dr Balanko, datée du 13 juin 2005, selon laquelle Mme Balanko et lui avaient vécu séparément du 15 janvier 1983 au 7 février 2005, soit la date du décès de Mme Balanko. Dans la déclaration solennelle, le Dr Balanko a nié que Mme Balanko vivait en union de fait avec quelqu’un d’autre.

[11]        John se souvenait qu’un appartement au sous-sol avait été aménagé dans le bien Greenleaf et que, lorsqu’il était revenu à Vancouver après avoir occupé un poste d’enseignant à Winnipeg, son père demeurait dans le sous‑sol. John a dit que son père [traduction] « gardait tout » et qu’il entreposait tous ses dossiers et documents personnels dans le sous‑sol du bien Greenleaf.

[12]        Au décès de Mme Balanko en 2005, le Dr Balanko a emménagé dans le condominium de celle‑ci sur Mariner’s Walk (le « bien Mariner’s »), à Vancouver. Mme Balanko avait acheté le bien Mariner’s [traduction] « vers 1986 » selon John, et en 1991 selon l’Agence du revenu du Canada. Dans son testament, daté du 12 décembre 2003, Mme Balanko a légué le reliquat de sa succession à [traduction] « [s]on époux », le Dr Balanko. Il n’y a pas de legs précis dans le testament. Le reliquat comprenait l’intérêt de Mme Balanko dans le bien Mariner’s.

[13]        Dans son testament, Mme Balanko a aussi mentionné qu’elle détenait un intérêt de 50 p. 100 dans le bien Greenleaf, mais que toutes les charges grevant son intérêt relevaient de son fils Michael William Balanko. Il semble que, selon le testament, le reliquat comprenait un intérêt de 50 p. 100 dans le bien Greenleaf  et que le Dr Balanko en avait hérité. Cela semble contredire le témoignage de John selon lequel le Dr Balanko et lui étaient propriétaires du bien Greenleaf jusqu’à ce qu’il transfère son intérêt dans le bien à son frère, en 2000.

[14]        Aucun accord écrit de séparation n’a été trouvé dans les biens de Mme Balanko ni dans ceux du Dr Balanko à leur décès respectif.

[15]        John a témoigné que, lorsque ses parents s’étaient séparés, il leur avait souvent rappelé de préparer et de signer un accord de séparation. Il était préoccupé par le fait qu’ils demeureraient responsables des dettes de l’autre. Il a également témoigné qu’il avait vu divers documents, sans toutefois les lire, sur la table de cuisine dans la maison de son père, lesquels documents, d’après ce qu’il avait pu comprendre, avaient trait à des discussions relatives à la séparation. Son père lui avait aussi dit qu’il avait soulevé la question de l’accord de séparation auprès d’avocats et d’un juge qui étaient ses patients alors qu’ils se trouvaient à son bureau ou dans un contexte social. Il n’a toutefois pas retenu les services d’un avocat pour rédiger l’accord. John a déclaré que sa mère et son père s’étaient adressés à des amis pour obtenir des conseils.

[16]        Enfin, un jour, alors que John demandait encore une fois à son père ce qui se passait avec l’accord de séparation, son père lui a répondu qu’il [traduction] « s’en était occupé » et John a supposé qu’un accord écrit de séparation avait été rédigé et signé par chacun de ses parents étant donné que son père était un homme honnête. Il n’a jamais vu d’accord écrit de séparation.

[17]        John croit que l’accord écrit de séparation a été détruit dans un incendie au  bien Greenleaf le 3 mars 2013.

[18]        Le Dr Balanko est décédé le 22 décembre 2011. Le bien Greenleaf a été désigné comme étant sa résidence principale pour la période allant de 1992 à son décès.

[19]        L’article 54 de la Loi de l’impôt sur le revenu est rédigé ainsi :

« résidence principale » S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition […] dont le contribuable est propriétaire au cours de l’année conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que :

“principal residence” of a taxpayer for a taxation year means a particular property that is a housing unit, … that is owned whether jointly with another person or otherwise, in the year by the taxpayer, if

a)         le contribuable étant un particulier […] le logement soit normalement habité au cours de l’année par le contribuable, par son conjoint ou ancien conjoint ou par un enfant du contribuable.

(a)        where the taxpayer is an individual … the housing unit was ordinarily inhabited in the year by the taxpayer, by the taxpayer’s spouse or former spouse or by a child of the taxpayer.

toutefois […]

except …

c)         à moins que le contribuable […] ne l’ait désigné comme étant sa résidence principale pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires et qu’aucun autre bien n’ait été désigné, pour l’application de la présente définition, pour l’année par le contribuable, par une personne qui a été son conjoint tout au long de l’année (sauf une personne qui, tout au long de l’année, a vécu séparée du contribuable en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation) […]

(c)        where the taxpayer is an individual … the particular property was designated by the taxpayer in prescribed form and manner to be the taxpayer’s principal residence for the year and no other property has been designated for the purposes of this definition for the year by the taxpayer, by a person who was throughout the year the taxpayer’s spouse (other than a spouse who was throughout the year living apart from and was separated under a judicial separation or written separation agreement from the taxpayer), …

[20]        Malheureusement pour l’appelant, il n’y a pas d’accord écrit de séparation. Si Mme Balanko a signé un accord écrit de séparation, personne n’en connaît le contenu. L’alinéa c) de la définition de l’expression « résidence principale » figurant à l’article 54 est très clair : si un contribuable est encore marié, seulement une personne, soit le contribuable ou l’époux, peut désigner un bien comme étant sa résidence principale, sauf si le contribuable et l’époux sont séparés en vertu d’un accord écrit de séparation. Le fait que le Dr Balanko ait informé John qu’il [traduction] « s’en était occupé » pour ce qui est de l’accord écrit de séparation qui aurait été rédigé peut donner à penser que Mme Balanko et lui ont peut‑être réglé leurs affaires d’une autre façon. Encore une fois, on ne m’a pas présenté d’accord écrit de séparation.

[21]        L’absence de l’accord écrit de séparation qui est exigé par la Loi de l’impôt sur le revenu est une omission plus grave que l’absence de reçus pour prouver une dépense : Hickman Motors Ltd c. Canada[3]. L’existence d’un accord écrit de séparation est une exigence dans les circonstances du présent appel, et, pour une raison quelconque, il ne peut être obtenu.

[22]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19jour de mars 2015.

« Gerald J. Rip »

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mai 2015.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 66

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-3116(IT)I

INTITULÉ :

LA SUCCESSION DE LA DÉFUNTE HELEN BOULDIN BALANKO c.

SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 mars 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Gerald J. Rip,

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 mars 2015

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. John Hamilton

Avocat de l’intimée :

Me Zachary Froese

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           La nouvelle cotisation a été établie suivant une divulgation effectuée en décembre 2012 dans le cadre du Programme des divulgations volontaires.

[2]           Voir cependant le bulletin d’interprétation IT‑120R6, au paragraphe 5. La question de savoir si Mme Balanko pouvait désigner le bien de Whistler comme étant sa résidence principale puisqu’elle n’en était pas propriétaire au moment de la vente en 2003 a été soulevée par l’avocat de l’intimée. Cette question n’a toutefois pas été plaidée par la Couronne et je n’ai pas à la trancher.

[3]           [1997] 2 R.C.S. 336, au paragraphe 87.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.