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Dossier : 2012-4385(GST)G

ENTRE :

AMNON BENAROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Requête pour la réouverture de l’audience et pour permettre la production en preuve de documents, entendue le 31 mars 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Louis P. Bélanger

Avocat de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

 

ORDONNANCE

La requête pour la réouverture de l’audience datée du 17 octobre 2014 en vertu de l’article 138 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) et pour obtenir une ordonnance de la Cour permettant la production en preuve de documents est rejetée avec dépens, conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints.

Signé à Montréal, Québec, ce 16e jour d'avril 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2015 CCI 91

Date : 20150416

Dossier : 2012-4385(GST)G

ENTRE :

AMNON BENAROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Favreau

[1]             Par sa requête datée du 17 octobre 2014, l’intimée a demandé la réouverture de l’audience du 16 octobre 2014 de la Cour entre ces mêmes parties en vertu de l’article 138 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), et une ordonnance de la Cour permettant la production en preuve, sur la base d’une déclaration sous serment produite en vertu de l’article 71 des Règles et de l’article 335(5) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, telle que modifiée, (la « LTA ») des documents suivants (les « Documents ») :  

a)       un certificat enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 de la LTA;

b)       un bref d’exécution daté du 27 février 2007; et;

c)        un procès-verbal de carence (nulla bona) daté du 28 février 2007.

[2]             L’intimée a demandé que ladite requête soit tranchée sur la base des observations écrites soumises et sans comparution des parties conformément au paragraphe 69(1) des Règles.

[3]             Au soutien de sa requête, l’intimée invoque les moyens suivants :

a)            lors de l’audience de la cause, l’appelant a principalement invoqué un motif de contestation qui n’était pas énoncé dans son avis d’appel;

b)           le motif de contestation soulevé pour la première fois lors de la plaidoirie de l’appelant est le défaut par l’intimée de produire en preuve le certificat et le bref de saisie retourné, nulla bona, le tout conformément à l’article 323(2)a) de la LTA;

c)            comme le nouveau motif de contestation n’a pas été soulevé dans l’avis d’appel, l’intimée n’a pas eu la possibilité de produire les éléments de preuve en sa possession qui sont pertinents à cette question qui lui est préjudiciable.

[4]             L’intimée a utilisé les éléments suivants de preuve documentaire au soutien de sa requête :

a)            un affidavit de Me Nicolas C. Ammerlaan daté du 17 octobre 2014 attestant des échanges qu’il a eus avec le procureur de l’appelant avant l’audience de la cause; et

b)           un affidavit de madame Catherine Ippersiel de l’Agence du revenu du Québec daté du 17 octobre 2014 attestant que les Documents constituent des copies de documents faits par le ministre ou par une autre personne exerçant les pouvoirs de celui-ci.

[5]             L’affidavit de Me Ammerlaan atteste des faits suivants :

1.         Je suis le procureur de l’intimée dans ce dossier portant le numéro de Cour 2012-4385(GST)G;

2.         J’ai pris connaissance de tous les documents pertinents à cette requête et en possession de l’intimée;

3.         Durant les semaines précédant l’audience fixée le 16 octobre 2014 de la présence [sic] cause, le procureur de l’appelant m’a informé que les motifs qui seraient invoqués se circonscriraient aux suivants :

a) La question de « timing » des événements, c’est-à-dire la séquence chronologique de l’émission des différents avis de cotisation en litige;

b) L’amendement au paragraphe 323(1) de la LTA, en vigueur au 29 juin 2005;

c) La notion de contrepartie à la cession du droit de propriété par l’administratrice à l’appelant.

4.         Lors de l’une de ces conversations téléphoniques, le procureur de l’appelant m’informait qu’il renonçait à invoquer la prétendue inexactitude de la cotisation sous-jacente établie à l’endroit de la société 4158831 Canada Inc.;

5.         Le 12 septembre 2014, la procureure de l’appelant me confirmait par courriel que ce dernier ne contesterait pas la cotisation mentionnée au paragraphe précédent;

6.         J’ai alors confirmé par courriel les points désormais en litige;

7.         Par la suite, il y eut des discussions entre moi-même et les procureurs de l’appelant concernant la position de l’intimée relativement aux trois points toujours en litige, mentionnés au paragraphe 3 de mon affidavit;

8.         J’ai peu de temps après soumis au procureur de l’appelant ma jurisprudence concernant les trois points mentionnés au paragraphe 3 de mon affidavit;

9.         Le 14 octobre 2014, le procureur de l’appelant m’a demandé sur lequel des deux sous-paragraphes 323(2)a) ou 323(2)b) de la LTA l’intimée s’était basée pour cotiser l’administratrice, et m’a demandé de lui fournir les documents pertinents, le cas échéant;

10.     Par courriel daté du 14 octobre 2014, j’ai informé le procureur de l’appelant que l’intimée s’était basée sur le sous-paragraphe 323(2)a) de la LTA et je lui ai transmis le rapport d’autorisation pour l’émission d’une cotisation administrateur, confirmant qu’un bref de saisie exécution mobilière fut rapporté insatisfait en date du 27 février 2007;

11.     Le lendemain matin, le 15 octobre 2014, j’ai transmis aux procureurs de l’appelant, copie des documents suivants :

a)    Les certificats d’exigibilité;

b)    Les brefs de saisie-exécution;

c)    Le procès-verbal du rapport de carence.

12.     Vers 16h00, le 15 octobre 2014, le procureur de l’appelant m’a informé par téléphone que ce dernier désirait néanmoins procéder le lendemain;

13.     Quand j’ai demandé quel motif en particulier allait être soulevé lors de l’audience, le procureur de l’appelant m’a répondu qu’il ne voulait « dévoiler ses cartes ».

14.     J’ai alors spécifiquement demandé au procureur si l’appelant allait invoquer les brefs de saisie que je venais de lui fournir, puisque le cas échéant, je ferais témoigner l’agente de recouvrement qui exerce sa profession à Québec, afin de mettre en preuve lesdits brefs;

15.     Le procureur de l’appelant m’a répondu qu’il allait seulement y faire « allusion » et il se questionnait sur la nécessité de faire déplacer la personne mentionnée au paragraphe précédent de mon affidavit, puisque « de toute façon les documents se trouvant au dossier de la Cour fédérale sont de nature publique ».  

[6]             L’appelant s’oppose à la requête de l’intimée en date du 17 octobre 2014 conformément à l’alinéa 69(3)a) des Règles et demande qu’une audience soit tenue pour trancher la requête de l’intimée conformément à l’alinéa 69(3)b) des Règles.

[7]             Le procureur de l’appelant soumet que les Documents ne font pas partie de la liste des documents déposée par l’intimée et, qu’à l’audience du 16 octobre 2014, l’intimée n’avait toujours pas soumis au dossier de la Cour dans la présente cause la preuve nécessaire pour rencontrer les conditions prévues à l’article 323 de la LTA et ce, malgré le fait, qu’au paragraphe 36 de l’avis d’appel, l’appelant demande spécifiquement que l’intimée produise la preuve que les conditions d’application de l’article 323 de la LTA ont été rencontrées.

[8]             Sous la rubrique « Liability of the director of the Company », l’article 36 de l’avis d’appel est rédigé de la façon suivante :

36. First, the Appellant request that the Respondent provides evidence that the condition for the application of section 323 of the ETA have been met.

[9]             Avant l’audience de la cause le 16 octobre 2014, le procureur de l’intimée et le procureur de l’appelant ont eu des échanges, par courriel et par téléphone, portant sur la cause. Ces échanges sont les suivants :

a)       le 12 septembre 2014, lors d’un appel téléphonique, Me Ammerlaan et les procureurs de l’appelant (Me Paul Martel et Me Mélissa Carew, ont eu des discussions préliminaires ayant trait à un règlement potentiel et, le cas échéant, au déroulement de l’audience;

b)       par un courriel daté du 12 septembre 2014, la procueure de l’appelant a confirmé à Me Ammerlaan que la cotisation établie le 30 mars 2005 à la société 4158831 Canada inc. relativement à la LTA ne serait pas contestée;

c)        par un courriel daté du 17 septembre 2014, Me Ammerlaan a fait part aux procureurs de l’appelant de sa compréhension des questions en litige bien que ce point n’ait jamais été abordé lors de la conversation téléphonique du 12 septembre 2014;

d)       par un courriel daté du 17 septembre 2014, Me Martel a demandé à MAmmerlaan de lui fournir des précisions de même que les informations demandées lors de la conversation téléphonique du 12 septembre 2014;

e)        le 29 septembre 2014, Me Martel a fait parvenir à Me Ammerlaan un nouveau courriel réitérant les demandes formulées dans son courriel du 17 septembre 2014;

f)         par un courriel daté du 29 septembre 2014, Me Ammerlaan a confirmé qu’il a pris connaissance du courriel de Me Martel et il l’a informé qu’une réponse suivra sous peu;

g)       par un courriel daté du 3 octobre 2014, Me Ammerlaan a répondu au courriel de Me Martel du 17 septembre 2014 en lui transmettant une décision de la Cour du Québec datée du 9 janvier 2013 dans l’affaire Monios en indiquant que cette décision reflète la position de l’intimée dans le présent dossier, répond aux interrogatoires de Me Martel concernant la question du « timing » et traite de la notion du partage du patrimoine familial dans le cadre du transfert de la résidence familiale;

h)       le 9 octobre 2014, lors d’un entretien téléphonique, les procureurs de l’appelant ont demandé de recevoir une copie du rapport de vérification relativement à la responsabilité de l’administratrice;

i)         par un courriel daté du 9 octobre 2014, Me Ammerlaan a répondu au courriel des procureurs de l’appelant en les informant qu’il n’y avait pas de rapport de vérification comme tel, mais plutôt un rapport d’autorisation d’émettre une cotisation en main-tierce. Les procureurs de l’appelant ont alors demandé une copie de ce rapport d’autorisation;

j)         le 10 octobre 2014, lors d’un entretien téléphonique, les procureurs de l’appelant ont demandé à Me Ammerlaan sur quelle preuve il prévoyait se baser afin de rencontrer le fardeau de la preuve quant aux conditions du paragraphe 323(2) de la LTA et, plus précisément, Me Martel a demandé à Me Ammerlaan s’il avait les Documents;

k)       par un courriel daté du 10 octobre 2014, Me Ammerlaan a fait parvenir aux procureurs de l’appelant, un mémoire d’opposition et il y mentionne également que si la société avait été dissoute ou liquidée, il n’aurait pas besoin du bref de saisie;

l)         le 14 octobre 2014, dans un courriel contenant plusieurs informations, Me Ammerlaan a transmis aux procureurs de l’appelant le rapport d’autorisation non signé pour l’émission d’une cotisation administrative et il y mentionne qu’il a assigné deux (2) témoins, soit le vérificateur de la société 4158831 Canada inc. et l’agente de perception ayant autorisé l’émission de la cotisation cessionnaire;

m)    le 15 octobre 2014, lors d’un nouvel entretien téléphonique, le procureur de l’appelant a de nouveau demandé au procureur de l’intimée s’il avait en sa possession les Documents;

n)       le 15 octobre 2014, Me Ammerlaan  a transmis par courriel aux procureurs de l’appelant une copie des Documents;

o)       le 15 octobre 2014, un autre entretien téléphonique a eu lieu entre les procureurs des parties et le procureur de l’appelant a alors confirmé que l’audience du 16 octobre 2014 aurait lieu et qu’il y ferait sûrement référence aux Documents, lesquels avait été demandés à plusieurs reprises.

[10]        Lors de l’audience de la requête, le procureur de l’intimée a déposé à la Cour le contre-interrogatoire de Me Ammerlaan sur son affidavit détaillé, lequel n’est pertinent qu’à l’égard des questions de fait relatées par Me Ammerlaan. La liste de documents qui a été déposée et signifiée par l’intimée en date du 11 septembre 2013 a été déposée à nouveau pour satisfaire un engagement pris lors du contre-interrogatoire.

[11]        Me Paul Martel a témoigné à l’audience pour confirmer les échanges, par téléphone ou par courriel, avec Me Ammerlaan avant l’audience du 16 octobre 2014. Me Martel a expliqué que, lors de l’appel téléphonique du 10 octobre 2014, il avait soulevé les quatre (4) points en litige suivants :

a)       la question de savoir si l’utilisation par l’appelant du produit de la vente du condominium de madame Benaroch pour faire l’acquisition d’une nouvelle résidence constituait un transfert sans contrepartie (article 47 de l’avis d’appel qui a été nié par l’intimée);

b)      la modification apportée à l’article 323 de la LTA en 2005 pour y inclure la responsabilité d’administrateur pour des crédits sur intrants remboursés en trop ou par erreur;

c)       le rapport d’opposition;

d)      si les conditions d’application de l’article 323 étaient celles prévues à l’alinéa 323(2)a) ou celle prévu à l’alinéa 323(2)b)?

[12]        Me Martel a expliqué qu’il avait reçu la réponse de Me Ammerlaan le 14 octobre 2014 par courriel à l’effet que les conditions d’application de l’article 323 étaient celles prévus à l’alinéa 323(2)a) de la LTA.

[13]        Concernant le paragraphe 13 de l’affidavit de Me Ammerlaan, Me Martel a indiqué que sa réponse à l’effet qu’il ne voulait pas “dévoiler ses cartes » n’était pas exacte. Selon Me Martel, il aurait plutôt indiqué « comme il n’a pas l’habitude de plaider ses causes la veille des procès, qu’il allait sûrement y référer en parlant des Documents » .

[14]        Me Martel a de plus indiqué que, lors de l’audience, l’intimée n’avait toujours pas mis en preuve les Documents et l’intimée n’avait aucun témoin présent dans la salle d’audience. Lors de la suspension de l’audience par la Cour pour permettre au procureur de l’intimée de considérer si des témoins seraient assignés, Me Martel a affirmé ne pas avoir eu de discussion avec Me Ammerlaan concernant des témoignages additionnels, ni concernant la production des Documents. À la reprise de l’audience, le procureur de l’intimée a confirmé à la Cour qu’il n’aurait pas de témoin.

[15]        Me Martel a confirmé n’avoir jamais fait d’admission concernant les conditions d’application de l’article 323 de la LTA et de n’avoir jamais renoncé à un quelconque élément de preuve.

[16]        En contre-interrogatoire, Me Martel a reconnu, qu’avant les plaidoiries lors de l’audience du 16 octobre 2014, il n’y avait eu aucune référence aux Documents par l’une ou l’autre des parties. Pour permettre à Me Martel de répondre adéquatement, le procureur de l’intimée avait préalablement déposé une copie de la transcription de l’audience du 16 octobre 2014. Me Martel a de plus confirmé qu’aucun fait dans l’avis d’appel ne fait référence aux Documents.

[17]        Me Mélissa Carew a également témoigné à l’audience en tant que procureure de l’appelant. Elle était présente lors des conversations téléphoniques avec Me Ammerlaan et elle a vu l’ensemble des courriels échangés avec MAmmerlaan. Elle a confirmé l’exactitude des courriels et elle a corroboré le témoignage de Me Martel.

Le droit

[18]        L’article 323 de la LTA prévoit ce qui suit :

(1) Responsabilité des administrateurs – Les administrateurs d'une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l'exige l'article 230.1, un montant au titre d'un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d'une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

(2) Restrictions − L’administrateur n'encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 316 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l'objet d'une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l'ordonnance.

(3) Diligence – L’administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

(4) Cotisation – Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l'avis de cotisation applicable.

(5) Prescription – L’établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

(6) Montant recouvrable – Dans le cas du défaut d'exécution visé à l'alinéa (2)a), la somme à recouvrer d'un administrateur est celle qui demeure impayée après l'exécution.

(7) Privilège – L’administrateur qui verse une somme, au titre de la responsabilité d'une personne morale, qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite a droit au privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n'avait pas été versée. En cas d'enregistrement d'un certificat relatif à cette somme, le ministre est autorisé à céder le certificat à l'administrateur jusqu'à concurrence de son versement.

(8) Répétition – L’administrateur qui a satisfait à la réclamation peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la réclamation.

[19]        L’article 138 des Règles prévoit la réouverture de l’audience dans les circonstances suivantes :

(1)   Le juge peut rouvrir l'audience avant que le jugement n'ait été prononcé aux fins et aux conditions qui sont appropriées.

(2)   À tout moment avant le jugement, le juge peut attirer l'attention des parties sur toute lacune dans la preuve de certains faits ou de certains documents pertinents à la cause d'une partie, ou sur toute lacune dans l'instance, et permettre à une partie de la combler aux fins et aux conditions qui sont appropriées.

Analyse

[20]        L’arrêt phare en matière de réouverture de l’audience est l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc. 2001 CSC 59, dans lequel la Cour suprême du Canada a énoncé les critères applicables à la réouverture de l’audience, lesquels ont été repris par le juge Rossiter (alors juge en chef adjoint) dans l’arrêt Clyde House, 2009 CCI 245 au paragraphe 9 :

a)       si le nouvel élément de preuve avait été présenté, l’issue du procès aurait-elle été vraisemblablement différente?

b)       aurait-il été possible d’obtenir l’élément de preuve avant le procès en faisant preuve de diligence raisonnable?

[21]        De plus, la Cour suprême du Canada a souligné que la jurisprudence exige que le juge de première instance n’exerce son pouvoir discrétionnaire de rouvrir le procès qu’« avec modération et la plus grande prudence de façon à éviter la supercherie et le recours abusif aux tribunaux » (paragraphe 61 de l’arrêt Sagaz, précité).

[22]        Concernant le premier critère applicable à la réouverture de l’audience, à savoir si l’issue du procès aurait été différente si le nouvel élément de preuve avait été présenté, je ne peux répondre à cette question de façon définitive. Il ne fait pas de doute que les Documents auraient dû être déposés à l’audience même s’ils ne faisaient pas partie de la liste des documents de l’intimée. Par contre, je ne crois pas que le dépôt des Documents aurait changé l’issue du procès à cause du fait que le huissier de justice qui a procédé à la saisie-exécution et qui a rédigé le rapport de carence n’a pas été assigné pour témoigner à l’audience. Me Martel savait que les deux seuls témoins qui avaient été assignés étaient le vérificateur et l’agente de perception. C’est sans doute une des raisons pour laquelle Me Martel a insisté pour que l’audience du 16 octobre 2014 ait lieu malgré la réception des Documents la veille de l’audience.

[23]        Pour ce qui est du deuxième critère, à savoir s’il aurait été possible d’obtenir d’élément de preuve avant le procès en faisant preuve de diligence raisonnable, je dois répondre à cette question dans l’affirmative. Les éléments de preuve servant à démontrer la responsabilité de l’administratrice de la société 4158831 Canada Inc. n’ont été transmis aux procureurs de l’appelant que le 15 octobre 2014, soit la veille du procès, alors que la saisie-exécution a été réalisée le 27 février 2007, que le rapport de carence est daté du 28 février 2007, que les cotisations établies à l’égard de madame Ahuva Benaroch sont datées du 28 mars 2007 et que la cotisation initiale établie à l’égard de l’appelant est datée du 25 septembre 2007, laquelle a été remplacée par une nouvelle cotisation datée du 13 juillet 2012. Considérant que les évènements auxquels les Documents font référence remontent à l’année 2007, il m’apparaît évident que les éléments de preuve auraient pu être obtenus longtemps avant l’audience en faisant preuve de diligence raisonnable.

[24]        Considérant que l’intimée n’a pas satisfait au moins un des critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz précité, il ne s’agit pas ici d’une affaire justifiant la réouverture de l’audience en vertu de l’article 138 des Règles.

[25]        Au paragraphe 36 de son avis d’appel, l’appelant demande que l’intimée soumette la preuve que les conditions d’application de l’article 323 de la LTA ont été rencontrées. Je ne vois rien dans ce paragraphe qui puisse avoir induit en erreur le procureur de l’intimée. Au paragraphe 29 de la réponse à l’avis d’appel, il est précisé, quant aux paragraphes 36 à 38 de l’avis d’appel, que l’intimée s’en remet aux dispositions de l’article 323 de la LTA. Les parties ne sont pas prises par surprise et l’article 323 doit être lu dans son ensemble. Les conditions d’application se trouvent au paragraphe 323(2) et l’intimée a le fardeau de démontrer que les conditions d’application sont rencontrées pour que la responsabilité d’un(e) administrateur(trice) puisse être engagée.

[26]        Le fait que la cotisation établie à l’égard de l’appelant soit une cotisation en main-tierce ou une cotisation sous jacente suite à un transfert de bien entre personnes ayant un lien de dépendance ne change en rien à l’obligation pour l’intimée d’établir en premier lieu la responsabilité de l’administrateur(trice). Le fardeau de la preuve est le même dans tous les cas.

[27]        Dans le présent cas, l’intimée n’a pas été empêchée de faire sa preuve et les éléments de preuve étaient disponibles. Me Martel a demandé au procureur de l’intimée de préciser en vertu de quel alinéa du paragraphe 323(2), l’intimée désirait utiliser pour établir la responsabilité de l’administratrice. Ayant reçu comme réponse que l’alinéa 323(2)a) serait invoqué, Me Martel a alors demandé qu’on lui transmette une copie des Documents nécessaires pour rencontrer les exigences de l’alinéa en question.

[28]        Dans l’intérêt de la justice, la requête de l’intimée est rejetée et les dépens afférents à la présente requête sont adjugés à l’appelant.

Signé à Montréal, Québec, ce 16e jour d'avril 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 91

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-4385(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

AMNON BENAROCH ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 31 mars 2015

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DE L’ORDONNANCE :

le 16 avril 2015

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Louis P. Bélanger

Avocat de l'intimée :

Me Antoine Lamarre

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Louis Bélanger

Cabinet :

Stikeman Elliot LLP

Montréal (Québec)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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