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Dossiers : 2012-1431(IT)G

2013-203(IT)G

Entre :

la compagnie d’assurance standard Life

du Canada,

appelante,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]

 

Appel entendu les 6, 7, 8 et 9 octobre 2014 et les 26 et 27 mars 2015, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Hemant Tilak

Me Pooja Samtani

Me Al Meghji

Me Alexander Cobb

Me Victoria Creighton

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Stephen Oakey

Me Jenna Clark

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006 et 2007 est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2015.

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2015.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2015 CCI 97

Date : 20150420

Dossiers : 2012-1431(IT)G

2013-203(IT)G

Entre :

la compagnie d’assurance standard Life

du Canada,

appelante,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]


motifs du jugement

Le juge Pizzitelli

[1]             L’appelante, une société résidant au Canada qui exploite une entreprise d’assurance sur la vie au Canada, interjette appel à l’encontre de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2006 et 2007. Les nouvelles cotisations ont eu pour effet de réduire le prix de base de ses biens d’assurance désignés pour les deux années, donnant ainsi lieu à des augmentations du revenu imposable à l’égard de ces biens au titre de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

[2]             Pour l’année d’imposition 2006, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante qui a eu pour effet de réduire le prix de base des biens en cause d’un montant de 1 160 214 582 $, donnant ainsi lieu à une augmentation du revenu imposable de l’appelante, lequel est passé de 66 550 675 $ à 78 966 698 $. Pour l’année d’imposition 2007, le ministre a établi une nouvelle cotisation qui a eu pour effet d’augmenter le revenu imposable de l’appelante à la suite du rajustement à la baisse pour 2006 du prix de base des biens visés qui a été reporté à 2007 et dont je discuterai plus à fond plus loin. La modification du prix de base a évidemment eu une incidence non seulement sur le revenu imposable mais sur les niveaux de réserves, les intérêts courus et les éléments connexes en raison de ce même rajustement, et ces répercussions sont reflétées dans les nouvelles cotisations en cause.

[3]             Avant l’instruction, les parties ont convenu d’un exposé conjoint des faits qui est joint à l’annexe A de la présente décision. La plupart des faits et des éléments de preuve en litige concernent la question factuelle de savoir si l’appelante exploitait une entreprise aux Bermudes en 2006 et en 2007, et cette question sera examinée lors de son analyse.

[4]             La principale question à trancher dans les présents appels, qui ont été entendus en même temps et sur preuve commune, est celle de savoir si le ministre a eu raison de réduire le prix de base de certains biens de l’appelante en tenant pour acquis que celle-ci n’avait pas droit à une hausse de son prix de base en raison de l’inapplicabilité du paragraphe 138(11.3) de la Loi.

[5]             Avant d’analyser la thèse des parties, il est nécessaire de comprendre les dispositions du paragraphe 138(11.3) de la Loi, qui est rédigé ainsi :

Présomption de disposition

138(11.3) Sous réserve du paragraphe (11.31), lorsque le bien d’un assureur sur la vie résidant au Canada qui exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger ou le bien d’un assureur non-résident remplit l’une des conditions suivantes :

a)    il est un bien d’assurance désigné de l’assureur pour une année d’imposition qui, bien que lui appartenant à la fin de l’année d’imposition précédente, n’était pas son bien d’assurance désigné pour cette année précédente,

b)    il n’est pas un bien d’assurance désigné pour une année d’imposition, mais appartenait à l’assureur à la fin de l’année d’imposition précédente et était son bien d’assurance désigné pour cette année précédente,

les règles suivantes s’appliquent :

c)    l’assureur est réputé avoir disposé du bien au début de l’année pour un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce moment et l’avoir acquis de nouveau immédiatement après ce moment à un coût égal à cette juste valeur marchande;

d)    en cas d’application de l’alinéa a), le gain ou la perte éventuel découlant de la disposition est réputé ne pas être un gain ou une perte provenant d’un bien d’assurance désigné de l’assureur pour l’année;

e)    en cas d’application de l’alinéa b), le gain ou la perte éventuel découlant de la disposition est réputé être un gain ou une perte provenant d’un bien d’assurance désigné de l’assureur pour l’année.

[6]             La définition de « bien d’assurance désigné » se trouve au paragraphe 138(12) et est rédigée en ces termes :

« bien d’assurance désigné »

« bien d’assurance désigné » En ce qui concerne l’année d’imposition d’un assureur (sauf celui résidant au Canada qui n’a exploité d’entreprise d’assurance‑vie à aucun moment de l’année) qui, au cours de l’année, exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger, bien déterminé en conformité avec les règles prévues par règlement. Toutefois, pour son application à une année d’imposition, l’expression « bien d’assurance désigné » pour l’année d’imposition 1998 ou une année d’imposition antérieure s’entend d’un bien qui était, aux termes du présent paragraphe dans sa version applicable aux années d’imposition terminées en 1996, un bien utilisé ou détenu pendant l’année par un assureur dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada.

[7]             En bref, en vertu des dispositions pertinentes du paragraphe, lorsque le bien d’un assureur sur la vie résidant au Canada qui exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger est un bien d’assurance désigné de l’assureur pour une année d’imposition et qu’il était détenu par l’assureur à la fin de l’année d’imposition précédente, mais qu’il n’était pas un bien d’assurance désigné pour cette année antérieure, l’assureur est alors réputé avoir disposé du bien au début de l’année pour un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande et l’avoir acquis de nouveau à un coût égal à cette juste valeur marchande sans avoir à réaliser un gain ou une perte provenant de la disposition réputée. Il en résulte une hausse du prix de base du bien en question au début de l’année à sa juste valeur marchande pour les besoins du calcul d’un gain ou d’une perte provenant du bien pour l’année à l’égard de laquelle ce gain ou cette perte est déclenché.

[8]             Selon l’appelante, elle a rempli toutes les conditions du paragraphe, à savoir : elle est une société d’assurance sur la vie résidant au Canada qui a exploité une entreprise d’assurance à la fois au Canada et aux Bermudes par l’entremise d’une succursale, tant en 2006 qu’en 2007. Elle soutient qu’elle satisfait aux conditions, dans les faits et selon la présomption prévue au paragraphe 138(1). En outre, elle fait valoir qu’elle a, pour chacune des années 2006 et 2007, désigné des biens qu’elle détenait au cours de l’année précédente, mais qui n’étaient pas désignés au cours de cette année précédente. Elle soutient donc que, suivant l’interprétation législative, elle était admissible à la hausse du prix de base en question. Subsidiairement, elle soutient qu’elle avait droit à la hausse du prix de base à l’égard des biens désignés en 2007 uniquement.

[9]             L’intimée fait valoir que la disposition ne s’applique pas à l’appelante pour les deux raisons suivantes :

1)      l’appelante n’a pas exploité d’entreprise aux Bermudes, que ce soit en 2006 ou en 2007, mais a uniquement donné [traduction] « l’impression » de le faire au moyen d’opérations qui étaient un [traduction] « artifice », tel qu’il est énoncé dans ses réponses,

2)      le paragraphe 138(11.3) ne s’appliquait pas même si l’appelante avait exploité une entremise aux Bermudes au cours de l’une des années d’imposition ou des deux années en cause et il ne pouvait donc y avoir une hausse du prix de base. Plus précisément, l’intimée soutient que, pour 2006, les biens en cause ne pouvaient pas avoir été « désignés » au cours de l’année précédente, étant donné que les parties ne contestent pas qu’il est reconnu que l’appelante n’a pas exploité d’entreprise aux Bermudes en 2005. En effet, l’intimée fait valoir qu’un assureur ne peut pas inscrire une hausse au cours de la première année des opérations de sa succursale à l’étranger, car l’assureur doit exploiter l’entreprise d’assurance sur la vie d’un assureur sur la vie multinational à la fois au cours de l’année de désignation et de l’année précédente. Pour 2007, l’intimée soutient que l’appelante aurait pu inscrire une hausse du prix de base uniquement s’il y avait eu un changement dans les placements faisant partie des biens d’assurance désignés en 2007 par rapport aux placements désignés en 2006, ce qui n’était pas le cas dans les faits, étant donné que les mêmes placements ont été désignés pour les deux années.

[10]        Comme je l’ai mentionné plus tôt, la plupart des éléments de preuve, tant ceux présentés dans l’exposé conjoint des faits que ceux provenant du témoignage de plusieurs témoins, portent sur le litige factuel qui est la question de savoir si l’appelante a dans les faits exploité une entreprise aux Bermudes en 2006 et/ou en 2007 ou les deux, en examinant de manière générale les indices de commercialité en fonction des mesures concrètes prises ou de l’absence d’activités ou en fonction des documents à l’appui présentés en preuve, soit [traduction] « l’artifice » mentionné par l’intimée. Bien que la question puisse être théorique si je conclus que le paragraphe 138(11.3) ne s’appliquait ni à 2006 ni à 2007, j’ai l’intention d’examiner la question factuelle, peu importe l’issue de la première question de droit.

A. La question de l’interprétation juridique

[11]        Comme le révèle l’exposé conjoint des faits, l’appelante n’a pas exploité une entreprise aux Bermudes ni dans aucun autre pays que le Canada au cours de son année d’imposition 2005. Au cours de cette année antérieure, l’appelante a exclusivement exploité une entreprise d’assurance sur la vie au Canada.

[12]        Si, comme le soutient l’intimée, un bien peut uniquement être un bien désigné à l’égard d’une année dans le cas où l’appelante a exploité une entreprise à la fois au Canada et à l’étranger au cours de l’année précédente, l’appel de l’appelante serait rejeté à tout le moins pour 2006 puisqu’elle n’a pas exploité d’entreprise en 2005. L’appel sera vraisemblablement rejeté pour 2007 s’il est également conclu, à l’égard de la question factuelle, qu’elle n’a pas exploité d’entreprise aux Bermudes en 2006 et en 2007. L’intimée fait aussi valoir que, si l’appelante n’a pas gain de cause à l’égard de la question de droit pour 2006, elle pourrait également ne pas avoir gain de cause pour 2007 en raison de l’absence de modification de la liste des biens d’assurance désignés justifiant une hausse du prix de base en 2007, ce que conteste l’appelante.

[13]        Les parties soutiennent toutes deux que le sens ordinaire du libellé du paragraphe appuie leur thèse et que cela devrait être suffisant pour trancher la question. Si je conclus qu’il existe une ambiguïté en ce qui a trait au sens ordinaire du libellé, les parties soutiennent qu’il me faut prendre en compte l’approche contextuelle et téléologique qui, selon chacune d’elles, appuie leur thèse. Les deux parties invoquent et reconnaissent les règles d’interprétation législative que la Cour suprême a résumées dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10, [2005] 2 RCS 601 :

[…] L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[14]        Si l’approche fondée sur l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique (« TCT ») donne lieu à une interprétation qui est toujours ambiguë, l’appelante soutient, ce que l’intimée ne conteste pas, que la disposition doit être interprétée en faveur de l’appelante conformément au principe selon lequel « […] l’incertitude raisonnable ou l’ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable », qui a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Johns‑Manville Canada Inc c La Reine, [1985] 2 RCS 46, 85 DTC 5373, à la page 5384.

[15]        Je commencerai par une analyse du sens textuel ou du « sens ordinaire » du paragraphe et je poursuivrai par la suite avec l’approche fondée sur une analyse contextuelle et téléologique mentionnée dans l’arrêt Hypothèques Trustco, précité.

1.            L’approche fondée sur le sens textuel ou « sens ordinaire »

[16]        Le préambule du paragraphe en question est rédigé ainsi :

Présomption de disposition

138(11.3) Sous réserve du paragraphe (11.31), lorsque le bien d’un assureur sur la vie résidant au Canada qui exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger ou le bien d’un assureur non-résident remplit l’une des conditions suivantes : […]

[17]        Le sujet du préambule est le « bien » qui est décrit comme étant le bien « d’un » propriétaire et, par conséquent, appartenant dans les faits à un propriétaire possédant les caractéristiques suivantes :

1)       le propriétaire doit être un assureur sur la vie résidant au Canada;

2)      ce même propriétaire, c’est-à-dire l’« assureur sur la vie », doit exploiter une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger.

[18]        En d’autres mots, le propriétaire du bien doit logiquement être un assureur sur la vie multinational avant de satisfaire aux autres exigences. À l’alinéa 138(11.3)a) par exemple, la disposition emploie les mots « l’assureur » dans chacun des trois passages qui énoncent les conditions applicables au bien visé et qui doivent être respectées, à savoir :

1)      le bien de l’assureur est un bien d’assurance désigné pour l’année d’imposition;

2)      le bien appartenait à l’assureur à la fin de l’année d’imposition précédente;

3)      le bien n’était pas un bien d’assurance désigné de l’assureur pour l’année précédente.

[Souligné pour faire ressortir le texte.]

[19]        Dans chaque cas, l’assureur renvoie à l’assureur décrit dans le préambule, c’est-à-dire celui qui doit – une condition absolue et non une condition facultative – exploiter une entreprise d’assurance à la fois au Canada et à l’étranger. « L’assureur » doté de ces caractéristiques est le même dans les passages qui suivent le préambule à l’alinéa a), qui énonce les trois conditions concernant le bien lui‑même plutôt que son propriétaire, qui est déjà défini dans le préambule. [Souligné pour faire ressortir le texte.]

[20]        La version anglaise du paragraphe est la suivante :

138(11.3) Deemed disposition. Subject to subsection (11.31), where a property of a life insurer resident in Canada that carries on an insurance business in Canada and in a country other than Canada or of a non-resident insurer is

(a)   designated insurance property of the insurer for a taxation year, was owned by the insurer at the end of the preceding taxation year and was not designated insurance property of the insurer for that preceding year, or

(b)   not designated insurance property for a taxation year, was owned by the insurer at the end of the preceding taxation year and was designated insurance property of the insurer for that preceding year,

the following rules apply:

(c)   the insurer is deemed to have disposed of the property at the beginning of the year for proceeds of disposition equal to its fair market value at that time and to have reacquired the property immediately after that time at a cost equal to that fair market value,

(d)   where paragraph (a) applies, any gain or loss arising from the disposition is deemed not to be a gain or loss from designated insurance property of the insurer in the year, and

(e)   where paragraph (b) applies, any gain or loss arising from the disposition is deemed to be a gain or loss from designated insurance property of the insurer in the year.

[21]        Je conviens aussi avec l’intimée que la version française du libellé renvoie à « son bien », l’adjectif possessif « son » renvoyant à « l’assureur », ce qui confirme l’interprétation de la version anglaise selon laquelle le bien est celui du même assureur, celui qui doit être un assureur sur la vie multinational résidant au Canada durant toutes les périodes pertinentes.

[22]        En conséquence, je ne peux souscrire à la prétention de l’appelante selon laquelle l’interprétation de l’intimée fondée sur le sens ordinaire exigerait que nous interprétions les mots qui se trouvent à l’exigence numéro 3 au paragraphe [18] ci‑dessus « n’était pas un bien d’assurance désigné » en y ajoutant des mots pour qu’ils signifient « n’était pas un bien d’assurance désigné mais aurait pu être un bien d’assurance désigné ». Il n’est simplement pas nécessaire d’ajouter ces mots, puisqu’il s’ensuit que, si nous remplaçons le mot « l’assureur » à l’exigence numéro 2 du paragraphe [18] ci‑dessus par les mots du préambule qui le décrivent, soit l’« assureur sur la vie résidant au Canada qui exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger » pour que la phrase signifie « le bien appartenait à l’assureur sur la vie résidant au Canada qui exploitait une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger à la fin de l’année d’imposition précédente », cet assureur doit alors avoir fait la désignation au cours de l’année précédente aux fins de l’exigence numéro 3 ci-dessus suivant la définition de « bien d’assurance désigné » prévue au paragraphe 138(12) reproduit ci-dessus, qui exige que l’assureur soit un assureur sur la vie multinational résidant au Canada pour faire la désignation.

[23]        Il s’ensuit que, comme l’appelante n’était pas un assureur multinational en 2005, elle n’a pas fait de désignation ni ne pouvait la faire pour cette année. Ainsi, le bien n’était pas « un bien désigné ou un bien non désigné » aux fins du paragraphe 138(11.3) pour l’année précédente. Le régime de la disposition ne s’appliquait tout simplement pas à l’appelante. L’appelante peut avoir désigné les biens en 2006 une fois devenue un assureur sur la vie multinational résidant au Canada, mais elle ne l’a pas fait et ne pouvait le faire en 2005, car elle n’était pas un assureur multinational à ce moment-là. J’emploie les mots « l’appelante peut » avoir été un assureur sur la vie multinational en 2006 ci-dessus en raison du désaccord factuel quant à la question de savoir si l’appelante exploitait une entreprise d’assurance aux Bermudes en 2006, une question qui reste encore à trancher. En conséquence, la thèse de l’appelante selon laquelle le bien doit être soit « un bien désigné », soit « un bien non désigné » au cours de l’année précédente n’est pas exacte. Je conviens avec l’intimée qu’il existe une troisième option, à savoir celle selon laquelle le bien n’est ni l’un ni l’autre.

[24]        Je conviens également avec l’intimée que l’interprétation de la disposition par l’appelante nécessiterait l’ajout de mots, comme je le souligne ci-après, à la fin de la disposition pour qu’elle soit rédigée ainsi : [traduction« […] n’était pas son bien d’assurance désigné pour cette année précédente même si le bien n’était pas détenu par un assureur multinational au cours de l’année précédente ». Manifestement, ces mots n’existent pas.

[25]        Je souscris à l’argument de l’intimée portant que le paragraphe 138(11.3) s’applique uniquement aux biens de multinationales qui étaient désignés ou n’étaient pas désignés au cours d’une année pendant laquelle elles étaient des multinationales. À mon avis, il n’existe tout simplement pas d’ambiguïté réelle et raisonnable du point de vue textuel qui justifie un examen plus en profondeur de l’approche fondée sur une analyse contextuelle et téléologique mentionnée dans l’arrêt Hypothèques Trustco. L’appelante a reconnu qu’elle n’était pas un assureur multinational en 2005 et qu’elle ne pouvait donc pas remplir la condition prévue à l’exigence numéro 2 mentionnée au paragraphe [18] ci‑dessus. Selon cette condition, les biens doivent lui appartenir au cours de l’année précédente en qualité d’assureur sur la vie multinational et ne peuvent pas avoir été des biens qui n’étaient « pas désigné[s] » pour l’année précédente pour répondre à l’exigence numéro 3 du paragraphe [18] ci‑dessus, puisqu’elle n’avait pas les moyens ni la capacité de le faire. En conséquence, comme l’appelante n’a pas satisfait aux exigences prévues au paragraphe 138(11.3) en 2006, elle ne pouvait pas s’appuyer sur la règle de la disposition réputée prévue dans ce paragraphe et le prix de base de ces biens ne pouvaient pas être haussé à leur juste valeur marchande pour l’année 2006. Son appel pour cette année doit donc être rejeté.

[26]        La prochaine question qui se pose est celle de savoir si le sens ordinaire du paragraphe permettrait une hausse du prix de base pour l’année 2007 si on en vient à conclure que l’appelante exploitait une entreprise aux Bermudes au cours de l’année 2006. En 2007, l’appelante a désigné pratiquement les mêmes placements qu’elle avait désignés en 2006, qui constituaient 100 pour 100 de ses placements. Il n’y avait donc pas de modification réelle dans les placements désignés. Selon l’intimée, le paragraphe 138(11.3) s’applique pour hausser le prix de base uniquement en présence d’une modification des placements désignés ou d’un [traduction] « changement d’utilisation » de ces mêmes placements. En d’autres mots, le paragraphe s’applique lorsque des placements différents s’ajoutent à la liste de biens désignés ou lorsque des placements sont retirés de celle‑ci. L’appelante soutient que la hausse a automatiquement lieu une fois que les placements deviennent des biens désignés pour la première fois. Ainsi, si on en vient à la conclusion que l’appelante a exercé une entreprise aux Bermudes, donc à l’étranger, en 2006, de sorte qu’elle satisfait à cette condition, la désignation qui a eu lieu en 2007 viserait ces placements au titre de « biens d’assurance désignés ». Ces placements seraient donc réputés avoir fait l’objet d’une disposition le 1er janvier 2007 à leur juste valeur marchande et leur prix de base serait le même, ce qui donnerait lieu à une hausse du prix de base.

[27]        En fait, l’appelante utilise le même argument d’interprétation qu’elle a utilisé pour justifier sa thèse à l’égard de l’année d’imposition 2006 ci‑dessus, sauf que, pour 2007, elle soutient que la question de savoir si elle était une multinationale au cours de l’année précédente n’est plus un facteur. Je ne souscris pas non plus à la thèse de l’appelante en ce qui a trait à 2007.

[28]        À mon avis, il est clair que le sens ordinaire du paragraphe 138(11.3) exige un changement dans la composition des placements faisant partie des « biens d’assurance désignés ». L’appelante elle-même soutient dans son mémoire que la règle est une règle transitoire qui s’applique au changement du statut d’un bien quant à la désignation et je suis d’accord avec elle. Si le bien était un bien désigné en 2006 et que le même bien est un bien désigné en 2007, il n’y a eu aucun changement du statut du bien quant à sa désignation. Cela est compatible avec le sens textuel de l’alinéa a) du paragraphe 138(11.3), qui vise un bien qui est un « bien d’assurance désigné de l’assureur pour une année d’imposition […] [et qui] n’était pas son bien d’assurance désigné pour cette année précédente ». Cela est également compatible avec le sens textuel de l’alinéa b), qui vise un bien qui « n’est pas un bien d’assurance désigné pour une année d’imposition […] [et qui] était son bien d’assurance désigné pour cette année précédente. » Le libellé n’inclut pas un bien qui était un bien d’assurance désigné pour l’année précédente et est un bien d’assurance désigné pour l’année suivante, pas plus qu’il n’inclut un bien qui n’était pas un bien d’assurance désigné pour une année précédente et n’est pas un bien d’assurance désigné pour l’année en cours. [Souligné pour faire ressortir le texte.]

[29]        À mon avis, il est donc clair que les placements qui constituent des biens d’assurance désignés pour une année pendant laquelle le contribuable est une multinationale suivant une année où il ne l’était pas, comme en l’espèce, conserveraient leur prix de base existant et seraient assujettis à des gains ou à des pertes à leur égard par suite de toute disposition ultérieure réelle ou réputée qui pourrait autrement s’appliquer selon la Loi. À titre d’exemple, les règles de l’évaluation à la valeur du marché de l’article 142 donneraient lieu à une disposition à la juste valeur marchande pour l’année d’imposition 2007.

[30]        Uniquement en ce qui a trait à ce qui précède, les appels de l’appelante seraient rejetés tant pour 2006 que 2007 en fonction du sens ordinaire de la disposition.

[31]        Toutefois, même si je devais conclure qu’il existe une ambiguïté dans le sens ordinaire de la disposition, de sorte qu’elle est aussi en mesure d’appuyer la thèse de l’appelante selon laquelle il n’est pas nécessaire que l’assureur soit un assureur multinational au cours de l’année précédente ou il n’est pas nécessaire qu’il y ait un changement dans les placements désignés d’une année à l’autre, à mon avis, l’approche fondée sur une analyse TCT appuierait davantage l’interprétation de l’intimée que celle de l’appelante.

2.                 L’approche fondée sur une analyse TCT

[32]        Dans ses remarques préliminaires, l’appelante a déclaré que l’article 138 avait pour objet de prévoir que, pour les entreprises d’assurance, la règle générale qui consiste à imposer les résidents du Canada sur leur revenu de toutes provenances était modifiée de sorte que les sociétés d’assurances sont uniquement imposées sur une base [traduction« territoriale » ou [traduction« au Canada uniquement ». L’intimée conteste la qualification de l’article par l’appelante, soutenant que la disposition ne crée aucun nouveau régime d’imposition ou de régime territorial. Selon l’intimée, la disposition crée des règles spéciales au sein du seul régime fiscal applicable au Canada en vertu de la Loi.

[33]        Peu importe la qualification de la disposition par les parties, logiquement, l’exception ne s’applique que lorsqu’un assureur exploite aussi une entreprise « à l’étranger » pour employer les mots exacts qui se trouvent dans les paragraphes 138(2) et (11.3) plus particulièrement. Sans une exception particulière, il est bien établi en droit qu’à toute hausse du prix de base d’un élément d’actif particulier à son acquisition correspond en règle générale l’inclusion d’un gain dans le revenu, qu’il s’agisse d’un gain en capital ou autre, conformément au régime général de la Loi d’imposer un contribuable à l’égard de la disposition d’un bien dans l’année de la disposition. En l’absence d’une telle exception précise, autoriser une hausse du prix de base sans l’inclusion d’un gain correspondant dans le revenu par l’une des parties donnerait lieu à un gain fortuit, comme l’a laissé entendre l’intimée.

[34]        L’article 138 se trouve dans la section F de la Loi intitulée « Règles spéciales applicables en certains cas ». L’article 138 est lui-même intitulé « Compagnies d’assurance ». Ainsi, il est clair jusqu’à maintenant que nous sommes en présence de règles spéciales applicables en certains cas à des compagnies d’assurances. À vrai dire, l’intimée a raison de dire que la section F, à titre de partie de la même Loi, ne crée pas un nouveau régime d’imposition [traduction« territorial » ou [traduction« applicable uniquement au Canada », mais qu’elle crée un ensemble de règles spéciales à l’intérieur du régime existant d’impôt sur le revenu canadien. Selon moi, le libellé de la disposition ou de la Loi elle‑même ne mentionne aucunement un nouveau régime d’imposition [traduction« territorial » ou [traduction« applicable uniquement au Canada ».

[35]        Lors de son plaidoyer, l’intimée a expliqué que la pratique de l’industrie de l’assurance d’exploiter une entreprise à l’étranger par l’intermédiaire d’une succursale plutôt que de constituer des sociétés distinctes ou d’autres entités juridiques dans ces ressorts est la raison pour laquelle ces règles spéciales existent. Les règles visent à ce qu’un assureur résidant au Canada, qui serait autrement imposé sur son revenu de toutes provenances en vertu de l’article 3 de la Loi, ne soit pas imposé sur le revenu provenant d’une entreprise d’assurance étrangère ou sur un revenu de placement attribuable à cette entreprise étrangère. L’appelante n’a pas contesté cette affirmation.

[36]        La description que fait l’appelante de ces règles spéciales, ou de ce régime [traduction« applicable uniquement au Canada », se retrouve au paragraphe 103 de son mémoire des faits et du droit présenté au titre de son argumentation écrite initiale dans la présente affaire, et est rédigé ainsi :

[traduction]
103.     Le régime « applicable uniquement au Canada » est un écart par rapport au régime général de la Loi. Pour un assureur sur la vie canadien multinational, la règle est énoncée à l’alinéa 138(2)a) et est appuyée par plusieurs règles précises. L’alinéa 138(2)a) précise que le régime « applicable uniquement au Canada » s’applique à un assureur sur la vie résidant au Canada qui est un assureur sur la vie multinational. Il prévoit que, si un assureur sur la vie résidant au Canada est un assureur sur la vie multinational au cours d’une année d’imposition, son revenu ou sa perte pour l’année d’imposition résultant de l’exploitation d’une entreprise d’assurance est le montant de son revenu ou de sa perte pour l’année d’imposition provenant de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada.

[37]        L’alinéa 138(2)a) est rédigé ainsi :

Revenu ou perte de l’assureur

138. (2) Malgré les autres dispositions de la présente loi :

a)    si un assureur sur la vie résidant au Canada exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger au cours d’une année d’imposition, son revenu ou sa perte pour l’année résultant de l’exploitation d’une entreprise d’assurance correspond au montant de son revenu ou de sa perte pour l’année provenant de l’exploitation de l’entreprise d’assurance au Canada;

[38]        La disposition ci-dessus énonce clairement la règle spéciale prépondérante pour les assureurs sur la vie multinationaux résidant au Canada, à savoir que leur revenu ou leur perte pour l’année est limité au revenu ou à la perte provenant de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada. Selon le corollaire évident, tout revenu ou toute perte provenant de l’exploitation d’une entreprise d’assurance sur la vie à l’étranger pendant cette année n’est pas inclus dans l’impôt canadien. En ce sens, on pourrait dire que les règles spéciales sont des règles [traduction« territoriales » ou des règles [traduction« applicables uniquement au Canada », comme l’a fait l’appelante, mais il est clair que son revenu ou sa perte est uniquement déterminé en fonction de l’entreprise d’assurance exploitée au Canada et non à l’étranger, comme le prévoient ces règles spéciales.

[39]        Il est également clair qu’un assureur sur la vie résidant au Canada n’est pas visé par ce régime spécial ou ces règles spéciales à l’égard d’une année à moins d’exploiter également une entreprise d’assurance à l’étranger. En 2005, l’appelante n’a clairement pas exploité d’entreprise à l’étranger. Ainsi, le traitement de son revenu et de sa perte pour cette année relèverait du régime général d’imposition du revenu de toutes provenances, incluant les gains et les pertes en capital à la disposition seulement, réputée ou autre, et ne serait pas assujetti à ce régime spécial ou à cet ensemble de règles spéciales.

[40]        À mon avis, les autres dispositions de l’article 138 précisent les types de revenus ou de déductions ou prévoient un traitement particulier à leur égard en précisant les limites applicables à l’inclusion du revenu, aux déductions effectuées à l’égard d’intérêts et aux dividendes reçus de sociétés, le refus de crédits pour impôt étranger, l’inclusion des montants prescrits dans le calcul du revenu et, en ce qui a trait à la disposition en cause en l’espèce, le traitement fiscal de biens qui sont des biens d’assurance désignés au cours d’une année et qui ne le sont pas dans une autre ou inversement, alors qu’ils sont visés par ce régime ou cet ensemble de règles spéciales. [Souligné pour faire ressortir le texte.]

[41]        À titre d’exemple de telles dispositions qui fournissent des éclaircissements ou des précisions, nous n’avons qu’à examiner l’alinéa 138(2)b), qui s’applique également à un assureur sur la vie multinational qui réside au Canada et qui est clairement inclus en raison de la mention « il est entendu » :

b)    si un assureur sur la vie résidant au Canada exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger au cours d’une année d’imposition, il est entendu :

(i)    qu’aucun montant n’est à inclure, dans le calcul de son revenu ou de sa perte pour l’année résultant de l’entreprise d’assurance qu’il exploite au Canada, au titre de ses revenus bruts de placement pour l’année provenant de biens qu’il utilisait ou détenait dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance et qui ne sont pas des biens d’assurance désignés pour l’année d’imposition de l’assureur,

(ii)   que, dans le calcul de ses gains en capital imposables ou de ses pertes en capital déductibles pour l’année résultant de la disposition d’immobilisations (appelées « biens d’entreprise d’assurance » au présent sous-alinéa) qu’il utilisait ou détenait, au moment de la disposition, dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance :

(A)  l’assureur doit inclure le montant de chacun de ses gains en capital imposables ou pertes en capital déductibles pour l’année résultant de la disposition, au cours de l’année, de tout bien d’entreprise d’assurance qui était un bien d’assurance désigné pour l’année d’imposition de l’assureur,

(B)  l’assureur ne doit inclure aucun montant au titre de son gain en capital imposable ou de sa perte en capital déductible pour l’année résultant de la disposition, au cours de l’année, de tout bien d’entreprise d’assurance qui n’était pas un bien d’assurance désigné pour l’année d’imposition de l’assureur;

[42]        Comme l’appelante l’a souligné dans son argument, le sous‑alinéa 138(2)b)(i) ci‑dessus veille à ce que, dans le calcul du revenu ou de la perte de l’assureur multinational résultant de l’entreprise qu’il exploite au Canada, aucun montant ne soit inclus dans le calcul de ses « revenus bruts de placement » provenant de biens qu’il utilisait ou détenait dans le cadre de l’exploitation de cette entreprise au Canada, à moins que ces biens n’aient été des biens d’assurance désignés. Il y a lieu de souligner que cette disposition est la seule applicable en l’espèce, étant donné que les parties conviennent que la hausse contestée du prix de base s’applique uniquement à ce genre de biens.

[43]        Deux exigences ressortent clairement du sous‑alinéa 138(2)b)(i) en ce qui a trait à l’inclusion du revenu, à savoir, dans les revenus bruts de placement : les biens donnant lieu aux revenus doivent être des biens que l’assureur « utilisait ou détenait dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance » au Canada et les biens doivent être « des biens d’assurance désignés ». Il s’ensuit logiquement que, si dans le régime [traduction« applicable uniquement au Canada », décrit par l’appelante et mentionné à l’alinéa 138(2)a) ci‑dessus, seul le revenu ou la perte de l’assureur sur la vie multinational résultant de l’exploitation d’une entreprise au Canada est inclus à des fins fiscales, et que suivant l’alinéa 138(2)b), les revenus bruts de placement et les gains ou pertes en capital sont calculés en fonction de biens utilisés ou détenus pour exploiter son entreprise, la mention de [traduction] « son entreprise » dans ce dernier cas peut uniquement désigner l’entreprise d’assurance exploitée au Canada.

[44]        Il se peut toutefois que ces biens puissent être utilisés ou détenus pour l’exploitation d’une telle entreprise au Canada, mais qu’ils ne soient pas des « biens désignés » pour l’année, de sorte qu’ils ne seraient clairement pas inclus dans le calcul du revenu ou de la perte de l’assureur sur la vie multinational qui exploite une entreprise d’assurance au Canada. Cela ne signifie pas que ce revenu ne serait pas du tout imposé au Canada, puisque le traitement d’un tel revenu peut être assujetti à l’impôt au titre de revenu provenant de biens ou de sources autres que ceux d’une entreprise, ce que vise l’article 138, ou être imposé dans un autre ressort dans lequel la société résidant au Canada exploite également une entreprise. Évidemment, il ne s’agit pas d’une question en cause en l’espèce.

[45]        À ce moment-ci, je fais la distinction entre les biens [traduction] « utilisés et détenus » et les biens [traduction] « désignés » parce qu’elle est pertinente pour la résolution du litige entre les parties quant à l’objet et à la signification du paragraphe 138(11.3). L’intimée adopte la thèse selon laquelle ce paragraphe est une règle relative au [traduction] « changement d’utilisation » et elle déclare ce qui suit au paragraphe 274 de ses observations écrites :

[traduction]

274.     L’interprétation textuelle de la disposition révèle qu’elle s’applique au changement d’utilisation des biens d’une multinationale, non à l’inclusion de biens dans le régime d’imposition de la multinationale. Une analyse téléologique révèle que la disposition visait à imposer des éléments d’actif utilisés au Canada, et une analyse contextuelle appuie l’interprétation selon laquelle cette disposition est destinée à imposer des éléments d’actif utilisés dans les entreprises d’assurance canadiennes.

[46]        Toutefois, aux paragraphes 118 et 119 de son mémoire des faits et du droit initial, l’appelante adopte la thèse, s’appuyant sur une ancienne note explicative de 1996, selon laquelle le paragraphe est une [traduction] « règle transitoire qui s’applique lors d’un changement de statut de biens de placement quant à leur désignation » pour [traduction] « veiller à ce que les gains ou pertes provenant des biens et accumulés avant les années d’imposition particulières ne soient pas imposés par la suite au moyen d’une disposition réputée à la juste valeur marchande et d’une nouvelle acquisition à un coût égal à la juste valeur marchande au début d’une année d’imposition particulière. » De plus, dans ce cas, le gain ou la perte réputé qui survient dans l’année particulière est expressément réputé ne pas être un gain ou une perte provenant du bien d’assurance désigné pour cette année particulière, de sorte que le gain ou la perte n’est pas non plus inclus dans le revenu de l’assureur sur la vie multinational résultant de l’exploitation de son entreprise d’assurance pour l’année particulière au titre du régime [traduction« applicable uniquement au Canada ». L’appelante soutient de plus qu’il n’est pas nécessaire que les biens désignés soient de fait utilisés dans l’entreprise d’assurance canadienne de l’assureur multinational.

[47]        Les deux parties ont raison dans une certaine mesure. L’intimée a raison en ce que l’analyse contextuelle relative au paragraphe 138(2) ci-dessus montre clairement que les revenus bruts de placement ou les gains ou pertes en capital doivent provenir de biens que l’assureur sur la vie multinational « utilisait ou détenait » dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada pour que les règles spéciales s’appliquent. L’appelante renvoie à l’ancien libellé du paragraphe 138(11.3), qui incluait le mot « utilise » dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance avant que les modifications apportées aux dispositions n’introduisent la notion de « bien d’assurance désigné ». Il est clair que la mention historique d’« utilise » a été conservée dans le paragraphe 138(2) ci‑dessus, qui guide le paragraphe 138(11.3). Je conviens donc que les modifications à cette dernière disposition sont dans une certaine mesure compatibles avec les fins historiques.

[48]        Toutefois, comme l’a souligné l’appelante, ces biens doivent également être des biens « désignés ». Je souscris donc à l’affirmation de l’appelante portant que la règle est une règle transitoire qui s’applique au changement de statut d’un bien quant à la désignation. La définition même de bien d’assurance désigné peut ne pas précisément contenir l’exigence d’utilisation, mais il ressort clairement du paragraphe 138(2) que ces biens doivent être des biens que l’assureur « utilisait ou détenait ». L’une ou l’autre exigence doit donc être remplie pour que les biens soient visés par les règles spéciales. Quoi qu’il en soit, comme je le mentionne plus loin, les exigences pour détenir et inscrire des biens d’assurance désignés comme forme de soutien financier pour couvrir le passif de réserve canadienne donnent à penser que ces biens seraient automatiquement des biens que l’assureur « utilisait » pour cette entreprise canadienne une fois désignés et il ne fait pas de doute qu’à tout le moins l’assureur les « détenait » à ces fins.

[49]        En outre, l’intimée a reconnu qu’il n’était pas nécessaire que les biens soient utilisés dans l’entreprise d’assurance au Canada dans le sens factuel du terme, et il semble donc que l’insistance de l’intimée sur cette question soit erronée.

[50]        Nonobstant l’exigence historique voulant que ces biens soient dans les faits utilisés dans l’exploitation d’une entreprise au Canada, je souscris entièrement à la thèse de l’appelante selon laquelle la notion de « désignation » a remplacé ce libellé pour les années postérieures à 1996, et il est clair qu’il n’était plus nécessaire que les placements soient utilisés dans les faits dans l’entreprise pour être considérés comme des biens d’assurance désignés. Cela ressort également de façon claire de la définition de « bien de placement » à l’article 2400 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement », qui mentionne ce qui suit à l’alinéa b) : « fonds de terre, bien amortissable ou bien qui serait un bien amortissable s’il était situé au Canada et était utilisé ou détenu par lui pendant l’année dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise d’assurance au Canada […] ». De même, le paragraphe 2401(3) du Règlement, qui concerne l’ordre de désignation des biens, mentionne expressément que les biens de placement qui doivent être désignés pour l’année relativement aux entreprises d’assurance que l’assureur exploite au Canada incluent les autres biens de placement que les biens de placement canadiens. Il est clair que les biens doivent appartenir à l’assureur ou être détenus par lui, mais il n’est pas nécessaire qu’ils soient dans les faits utilisés dans l’entreprise comme cela était exigé auparavant. Néanmoins, ces biens sont réellement utilisés dans l’entreprise par suite de leur désignation.

[51]        Je souscris également à l’argument de l’appelante portant qu’il est nécessaire d’examiner le régime de désignation pour situer adéquatement les thèses concurrentes des parties. Comme je l’ai mentionné plus tôt, selon la définition prévue au paragraphe 138(12), un « bien d’assurance désigné » pour une année d’imposition d’un assureur multinational est un bien déterminé en conformité avec les règles prévues par règlement. Comme l’appelante l’a souligné au paragraphe 106 de son mémoire, [traduction] « [l]a définition ne s’applique pas à un assureur sur la vie résidant au Canada qui exploite son entreprise uniquement au Canada ». Je souscris à cette affirmation et je dois en toute logique conclure qu’il ne peut y avoir de « bien d’assurance désigné » avant qu’un assureur ne devienne un assureur multinational. Ainsi, il ne pouvait donc pas y avoir de désignation pour une année antérieure avant que l’assureur ne devienne un assureur multinational. Par conséquent, aucun changement de désignation au moment de la première désignation ne ferait intervenir le paragraphe 138(11.3).

[52]        Les dispositions réglementaires applicables qui définissent un « bien d’assurance désigné » se trouvent à la partie XXIV du Règlement pris en vertu de la Loi, plus particulièrement à l’article 2401 qui énonce qu’un « bien d’assurance désigné » est un bien désigné conformément aux règles énoncées aux paragraphes 2401(2) et (7) du Règlement. Ces dispositions prévoient les règles régissant l’ordre de désignation de différents types de placements, comme je l’ai mentionné plus tôt, et prévoient les limites des montants ainsi désignés. Comme l’appelante l’a déclaré au paragraphe 108 de son mémoire :

[traduction]
108.     En termes simples, la Loi et les règles prévues par règlement exigent qu’un assureur sur la vie multinational désigne, dans sa déclaration de revenus pour chacune des années d’imposition, des « biens de placement » ayant une « valeur » totale pour l’année d’imposition égale au montant de la « moyenne du fonds de placement canadien » pour l’année d’imposition.

[53]        Les mots entre guillemets ci-dessus sont définis à l’article 2400 du Règlement et, bien que cette désignation soit détaillée et complexe, il est clair que la désignation, que le ministre peut faire si le contribuable ne la fait pas ou ne la fait pas conformément aux règles, a pour objet de prévoir que l’assureur sur la vie résidant au Canada détient une réserve minimale de placements pour qu’il puisse satisfaire à ses obligations au titre de ses polices d’assurance, qu’il s’agisse d’assurance‑vie, d’assurance‑invalidité ou d’un autre type d’assurance. En ce sens, la désignation n’est pas facultative, puisque l’assureur doit désigner un montant minimal et un type de placements.

[54]        Comme je l’ai mentionné plus tôt, seul un assureur sur la vie multinational résidant au Canada est tenu de désigner des biens de placement dans sa déclaration de revenus pour une année à titre de « biens d’assurance désignés ». Il accomplit cela en énumérant les placements dans une annexe 150 jointe à sa déclaration de revenus pour l’année.

[55]        Il ne fait pas de doute que l’appelante a déposé l’annexe pertinente pour l’année d’imposition 2006 et que les placements énumérés ne faisaient l’objet d’aucun changement, étant donné qu’ils étaient tous énumérés de manière semblable dans l’annexe pertinente déposée pour 2007. Il ne fait également aucun doute que l’appelante n’a pas rempli une telle annexe pour 2005, ni qu’elle y était tenue, alors qu’elle n’était pas un assureur multinational, ce qui n’est pas contesté.

[56]        Ce qui ressort clairement de l’analyse de l’article 138 ci‑dessus est qu’un assureur sur la vie résidant au Canada qui a exploité une entreprise au Canada et à l’étranger est tenu de désigner un niveau minimal de certains placements qu’il utilise dans le cadre de l’exploitation de son entreprise au Canada ou qu’il détient (c’est-à-dire dont il est propriétaire) en guise de réserve et de les énumérer dans une annexe jointe à sa déclaration de revenus chaque année pendant laquelle il est un assureur multinational. La désignation et l’annexe connexe ont pour but de prouver que l’assureur a satisfait aux exigences financières gouvernementales pour remplir les obligations relatives à ses polices d’assurance, qui peuvent varier d’une année à l’autre en fonction du niveau de polices dans le portefeuille de l’assureur. En ce sens, l’assureur « utilise » les biens désignés pour satisfaire à ses obligations au Canada, qu’il utilise ou non ces biens dans les faits ou de toute autre manière dans le cadre de l’exploitation de son entreprise au Canada. Il m’apparaît donc que l’accent mis sur la question de savoir s’il y a eu un changement d’« utilisation » ou de « désignation » est quelque peu redondant dans ce contexte et devient assez interchangeable. Quoi qu’il en soit, le paragraphe 138(2) mentionne clairement que les biens doivent être utilisés ou « déten[us] » également et, ainsi, la prétention de l’intimée au paragraphe 192 de ses observations écrites portant que [traduction] « [l]e concept de bien d’assurance désigné va de pair avec le concept d’imposer uniquement des biens qui sont utilisés ou détenus pour gagner un revenu imposable au Canada » est une prétention valable. Une fois « désignés », l’article 138 dicte le traitement fiscal de tels placements faisant partie d’une telle liste comme étant imposés au Canada lorsqu’ils cessent d’être désignés.

[57]        Ainsi, selon l’analyse contextuelle en ce qui a trait aux dispositions de l’article 138 dans sa totalité et à celles du Règlement, le paragraphe 138(11.3) s’applique à l’égard des biens d’un assureur sur la vie multinational qui deviennent des biens d’assurance désignés ou qui cessent d’être des biens d’assurance désignés, ou, dans un sens plus général, des biens qui s’ajoutent à la liste de biens d’assurance désignés ou qui en sont retirés d’une année à l’autre. Cela est compatible avec le libellé de l’alinéa 138(11.3)a), qui vise un « bien d’assurance désigné de l’assureur pour une année d’imposition qui […] n’était pas son bien d’assurance désigné pour cette année précédente », et avec le libellé de l’alinéa 138(11.3)b), qui vise un bien qui n’était « pas un bien d’assurance désigné pour une année d’imposition […] et était son bien d’assurance désigné pour cette année précédente ». En ce sens, il s’agit bien d’une règle transitoire mais d’une règle qui ne s’applique que lorsque le bien est ajouté à la liste ou en est retiré ou n’est pas sur la liste et y est ajouté.

[58]        Dit simplement, les biens doivent être ajoutés à la liste pendant que l’assureur est déjà un assureur sur la vie multinational et devaient y être l’année précédente avant de pouvoir en être retirés, ou les biens devaient être des « biens désignés » par un assureur multinational avant de ne pas être des biens désignés par un tel assureur, pour que puisse s’appliquer la hausse réputée du prix de base. Comme l’appelante le déclare elle‑même au paragraphe 112 de son argumentation relative aux renseignements apparaissant à la page 1 de l’annexe 150 elle-même, [traduction] « seul un assureur qui exploite une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger au cours de l’année d’imposition est tenu de désigner des placements et d’énumérer les placements désignés dans l’annexe ».

[59]        De plus, il ne suffit pas que les biens se trouvent simplement sur la liste pour que le traitement fiscal prévu à ce paragraphe s’applique. La conséquence fiscale est déclenchée par le retrait des biens de la liste, ce qui est compatible avec l’objet de la disposition, selon lequel seuls sont imposés les gains ou les pertes qui se sont accumulés pendant que les biens étaient des « biens désignés ». Aux fins du calcul d’un tel gain ou d’une telle perte lorsque les biens sont retirés de la liste, on présume, à ce paragraphe, que le prix de base des biens est leur juste valeur marchande lorsqu’ils ont été ajoutés à la liste uniquement si les exigences du paragraphe sont remplies, à savoir que le contribuable était déjà un assureur multinational résidant au Canada et qu’il s’agit d’un ajout à une liste qui existait et dont l’existence était exigée à ce moment‑là.

[60]        En conséquence, la prétention de l’appelante selon laquelle le paragraphe est une règle transitoire qui s’applique lors d’un changement du statut du bien de placement quant à sa désignation est exacte. L’appelante n’a toutefois pas raison lorsqu’elle laisse entendre qu’un changement de statut quant à la désignation au titre du paragraphe 138(11.3) peut avoir lieu d’une année à l’autre lorsqu’un assureur sur la vie n’est pas un assureur multinational au cours des deux années et n’est donc pas tenu de déposer la liste, ou de la faire autoriser par le ministre, pour les deux années. De même, il ne peut y avoir de changement de statut des biens de placement quant à la désignation pendant que les mêmes biens demeurent sur la liste comme c’était le cas pour ce qui est du dépôt des formulaires de l’appelante pour les années 2006 et 2007.

[61]        La prétention de l’appelante selon laquelle l’article ou la Loi ne définit pas ce que signifie « n’est pas un bien d’assurance désigné » est tout simplement erronée. Il est clair que, suivant la Loi et les dispositions réglementaires applicables, le mot « désigné » signifie que le bien doit se retrouver sur la liste. Il est donc raisonnable que les mots « n’est pas un bien d’assurance désigné » signifient que le bien n’a pas été ajouté à la liste, alors qu’il aurait pu l’être, par le contribuable qui était tenu de créer la liste, comme l’a soutenu l’intimée, et ainsi effectuer un changement, ou que le bien a été intentionnellement retiré de la liste dans une année ultérieure, donnant ainsi lieu à un changement. Comme l’énonce clairement le paragraphe 138(2), qui est la disposition d’assujettissement, cette interprétation est conforme à l’objet général du paragraphe, qui est d’imposer uniquement les gains ou les pertes à l’égard des biens d’assurance désignés en autorisant des changements aux composantes de ces biens ou à la liste, au besoin ou selon que le désire le contribuable ou le ministre. Cette interprétation respecte également le régime de la Loi, qui est d’imposer les gains ou les pertes au moment de la disposition ou disposition réputée, à moins d’une disposition expresse contraire. L’assureur résidant au Canada peut continuer d’être le propriétaire des placements, mais il peut être réputé en disposer en raison de leur ajout à la catégorie des « biens d’assurance désignés » ou de leur retrait de celle‑ci, avec les conséquences qu’une telle chose comporte en ce qui concerne le prix de base dans le calcul du gain ou de la perte dans l’avenir.

[62]        Encore une fois, si le paragraphe 138(2) n’impose que les revenus bruts de placement et les gains ou les pertes en capital afférents à des « biens d’assurance désignés », les biens doivent déjà être désignés avant qu’un événement déclencheur ultérieur survienne pour créer le gain ou la perte. Le mécanisme de calcul de ce bien ou de cette perte est prévu par la disposition déterminative du paragraphe 138(11.3), mais le gain ou la perte survient uniquement au moment de la disposition réelle du bien désigné ou de sa disposition réputée lors de son retrait de la liste. L’interprétation de l’appelante selon laquelle le simple fait de devenir un placement désigné au titre des règles sur les biens d’assurance désignés est le mécanisme déclencheur de l’imposition rendrait les deux dispositions incompatibles l’une avec l’autre plutôt que de les harmoniser, comme l’exigent les principes énoncés dans l’arrêt Hypothèques Trustco.

[63]        En conséquence, je ne souscris pas à la partie de l’affirmation de l’appelante selon laquelle la règle est une règle transitoire applicable pour [traduction] « veiller à ce que les gains ou pertes provenant des biens et accumulés avant les années d’imposition particulières ne soient pas imposés » ou pour éviter l’imposition de biens détenus avant que l’appelante devienne un assureur sur la vie multinationale. Une telle interprétation est beaucoup trop libérale et va non seulement à l’encontre des règles usuelles de l’imposition de tels biens à leur disposition, mais elle ne tient pas compte de l’objet de la règle, qui est d’imposer uniquement les changements de valeur pendant le temps où les biens sont détenus à titre de biens d’assurance désignés. Comme l’a souligné l’intimée, le libellé du paragraphe 138(11.3) ne vise pas directement la réalisation de gains ou de pertes résultant exclusivement de la première désignation. En effet, cela irait directement à l’encontre de la disposition d’assujettissement du paragraphe 138(2), qui impose uniquement les dispositions de biens d’assurance désignés ou, en d’autres mots, qui impose les gains réalisés au Canada. En conséquence, dans le cas de l’appelante, les placements inscrits sur la liste des biens d’assurance désignés dans la première année où l’appelante est tenue d’avoir une telle liste, seraient à leur prix de base historique et ne feraient l’objet d’aucune hausse. Lors de leur disposition réelle ou de leur disposition réputée, tous les gains en capital réalisés seraient reconnus, y compris les gains réalisés avant la désignation des biens. Les dispositions du paragraphe 138(11.3) relatives à la hausse ne s’appliqueraient pas pour hausser le prix de base de ces éléments d’actif, puisque le seul fait qu’ils aient été ajoutés sur la liste n’est pas suffisant pour que la disposition s’applique. Voilà la seule interprétation harmonieuse que j’estime raisonnable dans le cadre d’une analyse contextuelle et téléologique.

[64]        Les parties ont aussi offert une autre analyse contextuelle. L’appelante et l’intimée ont toutes deux utilisé les analogies qu’offre l’article 128.1 : l’appelante a pour sa part utilisé l’analogie du traitement fiscal applicable à un contribuable ayant immigré au Canada au titre du paragraphe 128.1(1), alors que l’intimée a présenté l’analogie d’un contribuable émigrant du Canada au titre du paragraphe 128.1(4). En termes simples, un contribuable qui immigre au Canada est traité comme s’il avait disposé de ses biens à leur juste valeur marchande avant d’entrer au Canada et un prix de base équivalant à cette juste valeur marchande est attribué à ces biens aux fins de l’impôt au Canada pour l’avenir. Si cet immigrant dispose de ces biens après avoir établi sa résidence au Canada, il est imposé sur l’augmentation de la valeur ou le gain réalisé alors qu’il était au Canada. De même, un contribuable qui émigre du Canada est traité comme s’il disposait de ses biens à leur juste valeur marchande et réalisait un gain ou une perte aux fins de l’impôt au Canada. Il est par la suite réputé avoir acquis de nouveau les biens à un coût égal au produit de disposition réputé ou à leur juste valeur marchande pour l’avenir. Encore ici, l’émigrant est imposé au Canada sur l’augmentation de la valeur de ses éléments d’actif.

[65]        En appliquant l’analogie de l’immigrant au fonctionnement du paragraphe 138(11.3), l’appelante soutient dans les faits que la disposition réputée est le mécanisme déclencheur de l’impôt au Canada. En toute franchise, elle utilise à mon avis la mauvaise analogie ou, à tout le moins, une analogie incomplète et elle interprète erronément le fonctionnement du paragraphe 128.1(1). L’immigrant est réputé acquérir un nouveau prix de base à la juste valeur marchande, un peu comme, suivant le paragraphe 138(11.3), un placement nouvellement désigné serait réputé acquérir un prix de base à la juste valeur marchande par suite d’un changement dans la liste des placements. Une telle disposition déterminative ne déclenche toutefois pas un événement imposable pour les besoins de l’impôt sur le revenu au Canada. La vente ultérieure des biens de l’immigrant ou une disposition réputée, par exemple si l’immigrant devient un émigrant, déclencherait de telles conséquences fiscales au Canada. De même, la hausse réputée du prix de base envisagée par le paragraphe 138(11.3) ne donne pas lieu à un gain ou à une perte imposable sur les biens au Canada. Le gain ou la perte est déclenché par un événement ultérieur, comme la disposition réelle des biens par l’assureur ou l’absence de désignation des biens sur la liste dans une année ultérieure, puisque seulement les gains ou les pertes à l’égard d’un « bien d’assurance désigné » sont en fait imposés au Canada en vertu du paragraphe 138(2).

[66]        À mon avis, en ce qui a trait aux circonstances de l’espèce, la position d’un émigrant qui est réputé vendre ses biens qui sont assujettis à l’impôt au Canada à leur juste valeur marchande constitue une meilleure analogie. Par analogie, l’assureur qui dispose dans les faits de biens qui avaient été désignés ou qui cesse de désigner des biens dans des années ultérieures déclenche la conséquence fiscale à ce moment‑là.

[67]        Selon moi, la meilleure analogie utilise à la fois l’analogie de l’immigrant et celle de l’émigrant. L’immigrant est réputé disposer de ses biens à leur juste valeur marchande avant de résider au Canada et acquiert un prix de base au Canada à l’égard de ces biens à cette juste valeur marchande. Si l’immigrant décide de vendre les biens alors qu’il réside au Canada ou s’il décide de quitter le Canada, il déclenche une autre disposition à la juste valeur marchande permettant de réaliser un gain ou une perte accumulé pendant sa résidence au Canada à l’égard de la valeur des biens. Le paragraphe 138(11.3) traiterait les placements de la liste comme étant les biens d’assurance désignés d’un assureur multinational, à l’instar des biens de l’immigrant qui a apporté ses éléments d’actif dans le régime canadien en raison de sa nouvelle résidence. Un prix de base est attribué aux biens d’assurance désignés d’un assureur multinational équivalant à leur juste valeur marchande. Une fois que les biens d’assurance désignés sont vendus ou qu’ils quittent la liste, une disposition de ces biens a lieu selon le paragraphe 138(2), et le gain ou la perte est calculé en prenant en compte le prix de base attribué au départ selon le paragraphe 138(11.3), en conformité avec la politique qui consiste à imposer uniquement le revenu accumulé alors qu’il a été gagné dans l’entreprise d’assurance au Canada.

[68]        L’erreur que commet l’appelante dans son approche est qu’elle traite la règle de la disposition réputée sur l’immigration comme si cette règle était ce qu’elle décrit comme étant le régime [traduction« applicable uniquement au Canada » pour établir un prix de base aux fins de réaliser le gain ou la perte au Canada, ce que le régime ne prévoit tout simplement pas.

[69]        Dans le contexte de cette analogie, il est également utile de souligner que, si la personne immigrant au Canada n’était pas en mesure d’immigrer ou changeait d’avis, les dispositions du paragraphe 128.1(1) n’auraient aucun effet sur le prix de base de ses biens aux fins de l’impôt sur le revenu au Canada. Cette personne ne serait tout simplement pas assujettie à la règle. De même, si l’assureur n’est pas devenu un assureur multinational comme l’exige la Loi ou s’il n’a pas satisfait aux autres conditions prévues au paragraphe 138(11.3) pour déclencher l’application de la disposition déterminative, il ne serait pas assujetti à cette règle et les biens de l’assureur résidant au Canada seraient imposés en conformité avec les autres règles de la Loi, et celles‑ci n’autorisent nettement pas une hausse du prix de base sans la réalisation d’un gain.

[70]        Je suis sensible à l’argument de l’appelante voulant que l’article 128.1 et d’autres exemples dans la Loi soient différents du paragraphe 138(11.3) en ce qui a trait au moment de la disposition réputée, à savoir si elle survient immédiatement avant l’immigration ou l’émigration ou à la fin de l’année précédente par opposition au premier jour de l’année. Ce moment ne change toutefois en rien la politique ou l’objet sous-jacent des dispositions. Selon moi, le moment où a lieu la disposition n’est tout simplement pas pertinent.

[71]        À mon avis, l’appelante tente simplement de manipuler le libellé clair et précis de la disposition, s’appuyant sur une analyse contextuelle et téléologique, pour créer un gain fortuit ou un bénéfice auquel elle n’a pas droit. Je conclus que le paragraphe 138(11.3) n’a pas pour effet de hausser le prix de base des biens de l’appelante à leur juste valeur marchande ni en 2006 ni en 2007 aux fins du calcul de son revenu pour ces années, peu importe si l’appelante a, en 2006 et/ou en 2007, exploité dans les faits une entreprise aux Bermudes. Son appel à l’égard de ces deux années doit donc être rejeté.

B.      Arguments factuels relatifs à l’exploitation d’une entreprise à l’étranger

[72]        L’appelante soutient qu’elle a réellement exploité une entreprise aux Bermudes à la fois en 2006 et en 2007 parce qu’elle était réputée le faire au titre du paragraphe 138(1) de la Loi et parce qu’elle l’a réellement fait, ce qui constitue une question mixte de fait et de droit. J’examinerai tout d’abord la disposition déterminative avant d’aborder la deuxième question.

1.     La disposition déterminative du paragraphe 138(1)

[73]        L’appelante soutient que, selon le paragraphe 138(1), elle est réputée avoir exploité une entreprise aux Bermudes en 2006 et en 2007 parce qu’elle a obtenu les permis et les enregistrements d’entreprise nécessaires aux Bermudes pour exploiter une entreprise et parce qu’elle a conclu des traités de réassurance avec Standard Life Assurance Company of Bermuda Limited au cours de chacune de ces années, peu importe la thèse de l’intimée selon laquelle ces permis, enregistrements et traités peuvent ne pas avoir eu d’effet juridique.

[74]        Le paragraphe 138(1) est rédigé ainsi :

Compagnies d’assurances

138(1) Toute société, qu’il s’agisse ou non d’une mutuelle, qui, au cours d’une année d’imposition, a été partie à des contrats d’assurance ou à d’autres ententes ou rapports d’une catégorie particulière d’après lesquels il est raisonnable de considérer qu’elle a entrepris :

a)    soit d’assurer d’autres personnes contre des pertes, dommages ou frais de toute nature;

b)    soit de payer des prestations d’assurance à d’autres personnes :

(i)    lors du décès d’une personne,

(ii)   à l’occasion d’un événement ou d’une éventualité inhérente à la vie humaine,

(iii)  pour une durée dépendant de la vie humaine,

(iv)  à une date fixée ou déterminable dans l’avenir,

que ces personnes soient ou non des membres ou des actionnaires de la société, est, indépendamment de la forme ou des effets juridiques de ces contrats, ententes ou rapports, réputée, pour l’application de la présente loi, avoir exploité une entreprise d’assurance de cette catégorie au cours de l’année en vue d’un bénéfice, […]

[75]        Bien que les clauses et l’effet des traités en cause soient contestés, même si je reconnais pleinement que les traités nos 1 et 2 ont été signés dans ces années respectives et qu’ils prévoient la prise en charge du passif relatif aux paiements de rentes pour « payer des prestations d’assurance à d’autres personnes […] pour une durée dépendant de la vie humaine », comme une rente le ferait indubitablement, « indépendamment de la forme ou des effets juridiques de ces contrats », tel que le mentionne la disposition ci-dessus, je ne peux pas conclure que la disposition établit que l’appelante a exploité une entreprise à l’étranger. Le libellé de la disposition ne fait aucunement état de l’endroit où l’entreprise est exploitée et ne mentionne aucune « succursale », mais uniquement la société. Il ne fait aucun doute que la société de l’appelante exploite une entreprise d’assurance. La disposition qui précède peut au mieux confirmer ce résultat dont les parties conviennent, mais, à défaut d’un arrêt faisant autorité appuyant la prétention de l’appelante en l’espèce, lequel n’a pas été invoqué au cours des débats, ce paragraphe ne peut servir d’appui pour établir que l’appelante exploitait une entreprise d’assurance aux Bermudes. [Souligné pour faire ressortir le texte.]

[76]        Je suis sensible aux observations de l’intimée concernant les versions antérieures de cette disposition, qui visait les mutuelles et les associations de secours mutuels qui peuvent ne pas exploiter une entreprise à des fins lucratives, et je conviens que ces observations expliquent l’objet de la disposition. Toutefois, il n’est pas nécessaire que j’examine en profondeur l’approche fondée sur une analyse TCT lorsque le libellé de la disposition ne peut pas de quelque façon que ce soit étayer une détermination de l’endroit où une société exploite une entreprise.

2.     Question de fait relative à l’exploitation d’une entreprise d’assurance aux Bermudes

a)   Fardeau de la preuve

[77]        Comme je l’ai mentionné plus tôt, la plus grande partie de l’instruction a porté sur la question de savoir si l’appelante exploitait une entreprise aux Bermudes en 2006 et en 2007. Avant d’aborder cette question, j’estime qu’il est nécessaire d’examiner la question de savoir à quelle partie incombe le fardeau d’établir ce fait. Bien que l’appelante n’ait pas mentionné ce sujet dans sa plaidoirie finale, elle le mentionne dans ses arguments préliminaires et, dans une certaine mesure, dans ses arguments écrits.

[78]        L’appelante soutient que l’intimée n’a pas, dans ses actes de procédure, formulé l’hypothèse selon laquelle l’appelante n’exploitait pas d’entreprise aux Bermudes. L’appelante n’a donc pas le fardeau de détruire une hypothèse qui n’existe pas.

[79]        L’intimée a toutefois souligné que l’appelante elle-même a supposé ce fait dans son avis d’appel modifié et que, dans la réponse modifiée de l’intimée, l’intimée a nié ce fait. L’intimée soutient qu’il ne lui est pas nécessaire de formuler une hypothèse négative dans sa réponse alors qu’elle a nié l’allégation positive de l’appelante, qui déclarait qu’elle exploitait une telle entreprise.

[80]        À vrai dire, je suis d’accord avec l’intimée à l’égard de cette question pour deux motifs. Premièrement, comme l’a soutenu l’intimée, il est clair qu’elle a, dans sa réponse modifiée, nié l’allégation selon laquelle l’appelante exploitait ainsi une entreprise. La thèse de l’intimée est claire, et l’appelante avait été avisée de ce à quoi elle devait répondre. Je ne comprends pas la raison pour laquelle une dénégation fondamentale doit être répétée selon des termes précis dans une section appelée « Hypothèses ». Deuxièmement, à mon avis, l’intimée a clairement présumé ce fait de toute manière. Comme l’appelante l’a elle‑même reconnu, l’intimée a supposé que les actions de l’appelante étaient un simple [traduction] « artifice » pour donner [traduction] « l’impression » qu’elle exploitait une entreprise, « un trompe-l’œil » selon les mots mêmes de l’appelante, bien que je ne convienne pas nécessairement que les deux désignent la même chose ou que l’intimée l’a décrit de cette manière. Je ne vois pas quelle autre conclusion peut être tirée de tels mots si ce n’est que l’appelante n’a pas exploité d’entreprise. Dans les faits, de tels mots sont une expression plus forte de la déclaration d’une même chose à mon avis. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que l’appelante était tout à fait consciente de la question qui devait être traitée à l’instruction, tant en raison de ses allégations de fait positives, mais également en raison de l’hypothèse de l’intimée qui se trouve à l’alinéa 18x) de la réponse dans le dossier 2013‑203(IT)G, selon laquelle [traduction] « l’appelante n’a pas établi qu’elle exploitait une entreprise d’assurance à l’étranger dans les années d’imposition 2006 ou 2007 », soit la condition prescrite par le paragraphe 138(11.3) dont il a été question précédemment.

b)  Le critère relatif à l’exploitation d’une entreprise à l’étranger

[81]        Avant d’analyser la preuve pour distinguer les faits qui peuvent ou non appuyer la thèse de l’appelante selon laquelle elle exerçait une entreprise aux Bermudes en 2006 et en 2007, il serait utile d’établir le critère juridique à appliquer, puisque l’appelante a mentionné qu’il s’agissait d’une question mixte de fait et de droit.

[82]        Bien que les parties aient semblé adopter une opinion quelque peu différente dans leurs arguments écrits, ou à tout le moins mettre l’accent sur de la jurisprudence et des arguments différents, il ressort clairement de leurs arguments écrits, et plus particulièrement de leurs plaidoiries, qu’il n’y a guère de désaccord entre les parties à l’égard de cette question, toutes deux s’appuyant souvent sur la même jurisprudence. Bref, les deux parties conviennent qu’il n’existe pas un seul critère pour décider si une entreprise est exploitée à l’étranger et qu’il est nécessaire d’examiner l’ensemble des circonstances. Selon leur nature, les circonstances englobent à la fois la question de savoir si une entreprise était exploitée et la question de savoir si elle était exploitée à l’étranger.

[83]        En effet, les deux parties conviennent que le critère relatif aux [traduction« éléments essentiels » est la méthode appropriée à appliquer en l’espèce, et s’appuient sur la décision du juge Boyle de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Caballero c La Reine, 2009 CCI 390, [2009] DTC 1249, qui a bien exprimé l’essence du critère aux paragraphes 6 à 8 :

[6]       Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), il est possible de commencer à exploiter une entreprise avant le début de ses activités. On peut s’attendre à ce qu’au cours de son existence, une entreprise ait différents types et niveaux d’activités. Les activités menées par une entreprise pendant les phases de démarrage et de fermeture peuvent être très différentes de ses activités pendant la phase d’exploitation. Il se peut même qu’une entreprise soit relativement inactive si ses activités normales sont interrompues.

[7]       Le passage suivant est tiré de ma décision dans Spasic c. La Reine, 2009 CCI 193 :

[10]      L’ancien juge en chef de la Cour, le juge Bowman, dans sa décision de 1998, Kaye v. The Queen, 98 DTC 1659, décrivait en termes simples le critère à appliquer : « Y‑a‑t‑il une entreprise véritable? » Puis il tenait les propos suivants :

[…] Il faut se demander : « Est‑ce qu’une personne raisonnable qui examine une activité en particulier et applique des normes courantes de gestion d’entreprise affirmerait qu’il s’agit bien d’une entreprise? » Pour répondre à la question, la personne raisonnable fictive examinerait entre autres choses la structure du capital, les connaissances du participant et le temps consacré à l’activité. Elle évaluerait également si la personne qui prétend exploiter une entreprise a procédé de façon ordonnée et méthodique, de la manière dont une personne en affaires procéderait normalement.

[…]

En fin de compte, les choses se résument à évaluer, en faisant preuve de sens pratique, l’ensemble des facteurs, en accordant à chacun l’importance qui convient dans le contexte global. Bien entendu, on ne doit pas faire fi de la vision et de l’imagination de l’entrepreneur, mais ce sont là deux aspects qui sont difficiles à évaluer à prime abord. En d’autres termes, si vous voulez qu’on vous traite comme un homme d’affaires, agissez en homme d’affaires.

[11] Dans l’arrêt Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, 2002 DTC 6969, la Cour suprême du Canada parle de la nécessité de considérer la nature commerciale ou non de l’activité en cause.

[8]       Dans Gartry v. The Queen, 94 DTC 1947, une décision maintes fois citée, l’ancien juge en chef Bowman s’est penché sur la question de savoir quand un contribuable avait commencé à exploiter son entreprise de pêche commerciale dans une affaire où le bateau qu’il était en train d’acheter et qui devait servir à l’exploitation de l’entreprise avait coulé avant que le contribuable n’en soit devenu propriétaire. Le contribuable avait alors renoncé à exploiter son entreprise et avait demandé la déduction de diverses dépenses qu’il avait engagées à l’égard de l’entreprise, notamment pour obtenir des actifs incorporels (par exemple, des frais juridiques, des frais comptables et des frais d’assurances, etc.). Le juge Bowman s’est exprimé de la sorte au paragraphe 16 de Gartry :

[16]      […] Pour ce qui est de la détermination du moment où une entreprise débute, il n’est pas réaliste de dire que c’est au moment où l’on commence à tirer de l’argent du commerce ou de la fabrication d’un bien ou de la prestation d’un service ou, à l’autre extrême, que c’est au moment où l’on a pour la première fois eu l’intention de lancer l’entreprise. Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, mais, lorsqu’un contribuable a pris des mesures importantes, des mesures essentielles pour exploiter l’entreprise, il est juste de conclure que l’entreprise avait démarré. Assurément, tel est le cas ici. L’appelant avait emprunté de l’argent, convenu d’acheter le navire, recruté un équipage, obtenu les permis nécessaires, pris des arrangements avec un nombre appréciable de propriétaires de bateau titulaires de permis de classe « G » pour qu’ils utilisent ses services lorsque le navire serait prêt, commandé et payé des modifications devant être apportées au navire et souscrit à une assurance. À mon avis, l’entreprise avait débuté et était bien avancée lorsque les dépenses en question ont été faites. Les bulletins d’interprétation n’ont évidemment pas force de loi, et il convient d’y faire référence avec circonspection. Toutefois, les observations formulées dans le bulletin d’interprétation IT-364 quant à savoir quand une entreprise débute ont beaucoup de bon sens tant du point de vue du droit que du point de vue de la réalité commerciale. L’appelant a satisfait aux critères énoncés dans ce bulletin. […]

[84]        Il y a lieu de souligner que, dans la décision Caballero, le juge Boyle a jugé que l’appelant exploitait une entreprise et a conclu ce qui suit au paragraphe 11 :

[11]     En l’espèce, il est manifeste que les efforts faits par M. Caballero pour lancer son entreprise dépassaient largement la simple phase de la conception; il faisait des travaux préliminaires plutôt qu’un simple examen optimiste de possibilités d’affaires. M. Caballero faisait des efforts sérieux et raisonnables, de manière soutenue, pour permettre à son entreprise de commencer ses activités normales. […] [Sans caractères gras dans l’original.]

[85]        À mon avis, il ressort clairement de la décision Caballero et de la jurisprudence qui exprime une opinion semblable que, durant la phase initiale d’une entreprise, le contribuable doit avoir pris les mesures essentielles pour la démarrer et pour qu’elle soit exploitée de façon continue. Cette jurisprudence inclut l’arrêt MNR v MP Drilling Ltd., 76 DTC 6028 (CAF), dans lequel la Cour d’appel fédérale a précisé, à la page 6031, que l’entreprise contribuable « existait déjà et faisait ce que toute entreprise nouvelle doit normalement faire pour commercialiser sa marchandise ». Cette jurisprudence inclut également l’arrêt Harquail c La Reine, 2001 CAF 320, 2001 DTC 5630, dans lequel la Cour d’appel fédérale mentionne, au paragraphe 62, que certaines activités qui constituent l’exploitation d’une entreprise se situent sur un spectre. Même si la décision Caballero ne visait pas l’exploitation d’une entreprise à l’étranger, son approche reposait sur de la jurisprudence qui portait sur cette question, comme la décision London Life Insurance Co c La Reine, [1988] 1 CF 46, une affaire semblable à celle en l’espèce en ce que la Cour fédérale devait également trancher la question de savoir si l’appelante exploitait une entreprise aux Bermudes. Dans cette affaire, le juge Martin de la Cour fédérale, division de première instance, a décrit ainsi, au paragraphe 40, les activités de la contribuable aux Bermudes au cours de l’année de démarrage :

40        Le fait que la demanderesse ait délivré seulement deux polices aux Bermudes en 1976 et ce uniquement à la fin de décembre a peu d’importance. Elle a mis en œuvre au mois de mai son projet d’entreprise aux Bermudes, et elle a par la suite tout fait pour réaliser ce projet. Son intention d’exploiter une entreprise aux Bermudes était évidente bien avant décembre 1976. Dès le mois d’août 1976, elle a lancé son entreprise en demandant à son agent de solliciter des contrats d’assurance auprès de résidents des Bermudes, dans le but de rendre l’opération viable. Les opérations de 1976 n’étaient que le début d’une série d’activités systématique ou habituelle qui visait et continuait à viser la rentabilité. [Sans caractères gras dans l’original.]

[86]        Il ressort clairement de la décision London Life que le juge Martin a examiné plusieurs critères pour décider si la contribuable exploitait une entreprise aux Bermudes, y compris le [traduction] « critère relatif aux bénéfices », pour trancher la question de savoir si des bénéfices provenaient de l’exploitation d’une entreprise dans ce pays, le critère relatif au [traduction] « lieu des ventes ou des contrats » et la définition législative d’entreprise dans un tel pays. Il a conclu qu’aucun critère n’était dans les faits déterminant et que l’effet cumulatif de tous les critères le menait à conclure que la contribuable exploitait une entreprise aux Bermudes. Il a conclu ce qui suit au paragraphe 43 :

43        Ainsi donc, aucun des nombreux critères que les avocats m’ont mentionnés n’est déterminant mais ils ont un effet cumulatif qui est déterminant lorsqu’on les applique tous ensemble. Les contrats d’assurance délivrés en 1976 ont été conclus aux Bermudes, une partie essentielle de l’entreprise de la compagnie, ses ventes, a été effectuée aux Bermudes par l’entremise de son agent, et le fait d’inciter des résidents des Bermudes à conclure des contrats d’assurance‑vie correspond précisément à ce que l’on entend ordinairement par l’exploitation d’une entreprise d’assurance et à la définition qu’en donnent les textes législatifs. Ces faits, ainsi que les autres les activités exercées par l’agent de la demanderesse aux Bermudes, dont j’ai déjà fait mention, m’ont convaincu que, en 1976, celle-ci a effectivement exploité son entreprise aux Bermudes.

[87]        Il est inutile de dire que la Cour s’est concentrée sur les activités de la contribuable aux Bermudes pour analyser la question de savoir si, en fait, elle avait fait toutes les choses nécessaires pour mettre son plan à exécution. La Cour a établi que toutes les circonstances lui permettaient de conclure que la compagnie exploitait une entreprise aux Bermudes.

[88]        En ce qui concerne la jurisprudence qui précède, je dois souscrire à l’argument de l’appelante selon lequel le critère servant à décider si le contribuable exploite une entreprise d’assurance à l’étranger, comme l’exige le paragraphe 138(11.3), comporte une approche en deux étapes. Premièrement, il y a lieu de vérifier l’intention des parties pour déterminer « l’entreprise » que le contribuable avait l’intention d’exploiter, à savoir déterminer ce qu’est « l’entreprise d’assurance » dans le contexte de l’espèce. Deuxièmement, il y a lieu d’établir si le contribuable a pris, de manière soutenue, des mesures sérieuses en vue de mettre en œuvre les [traduction] « éléments essentiels » lui permettant d’exploiter l’entreprise qu’il avait l’intention d’exploiter ou, en d’autres mots, mettre son plan à exécution.

c)   L’intention du contribuable – Quelle entreprise était visée?

[89]        Bien que l’intimée soutienne que l’appelante n’avait pas l’intention d’exploiter d’entreprise, il serait pertinent, à mon avis, d’examiner la question du point de vue de la contribuable, puisque c’est son entreprise alléguée qui est en cause. L’appelante a mentionné tout à fait clairement que son plan était d’établir une entreprise de réassurance aux Bermudes, principalement pour réassurer des polices d’assurance‑vie dans le but de réduire ou de créer une couverture à l’encontre de ses importants risques liés à la longévité provenant de son entreprise d’assurance canadienne qui mettait l’accent sur les rentes. Selon la preuve, les rentes étaient environ quatre fois plus importantes que la partie de son entreprise concernant l’assurance-vie. De plus, selon le témoignage d’anciens dirigeants et conseiller de l’appelante, le directeur des finances, l’administrateur fiscal et le conseiller comptable ont tous mentionné les grandes préoccupations de l’appelante à l’égard de ses risques liés à la longévité.

[90]        Comme les témoins l’ont évoqué, l’appelante, en raison de l’importance du portefeuille de contrats de rente par rapport à l’entreprise d’assurance‑vie, avait des risques suffisamment importants pour la mettre en faillite si ses clients assurés vivaient plus longtemps que les estimations actuarielles. Dans un tel cas, elle serait tenue de verser les rentes pendant leur vie plus longue, réduisant ou éliminant ainsi ses bénéfices ou pire encore. La preuve montre que ses comptables et actuaires, Ernst & Young, lui ont conseillé d’augmenter son portefeuille de polices d’assurance-vie qui comporte des risques liés à la mortalité. Cela signifie que, plus les clients vivent longtemps, plus l’appelante dispose de temps pour payer les fonds au décès, ce qui contrerait les risques liés à la longévité. Puisque le marché canadien était concurrentiel et qu’il était un petit marché par rapport au marché plus important des États-Unis, on a conseillé à l’appelante de mettre l’accent sur l’accès au marché américain. La manière la plus rapide et la plus rentable de le faire était de réassurer des blocs d’assurance‑vie d’entreprises appartenant à d’autres assureurs sur la vie plutôt que de tenter de placer des vendeurs sur le terrain pour vendre des polices directement et bâtir son entreprise d’assurance sur la vie, comme cela a été le cas dans l’affaire London Life.

[91]        Le plan ou l’intention susmentionné de l’appelante a été souligné dans l’argumentation et est ressorti non seulement du témoignage de ses anciens dirigeants et conseiller mentionnés ci-dessus, mais est aussi ressorti des résolutions adoptées par les administrateurs et les actionnaires de l’appelante et de la société mère du Royaume-Uni, ainsi que de ses plans d’affaires, dont certains étaient joints à ces résolutions, ou bien de la correspondance présentée en preuve.

[92]        L’intention de l’appelante d’établir une entreprise de réassurance sur la vie est solidement étayée et soulignée par les arguments et la preuve par écrit de l’appelante. Cette intention est énoncée plus particulièrement aux paragraphes 25 à 29 de son mémoire des faits et du droit qu’il convient de reproduire :

[traduction]
25.       En 2006, SLAC [l’appelante] avait environ 10,7 milliards de dollars de passif relatif aux rentes et 1,8 milliard de dollars d’obligations au titre des produits d’assurance sur la vie. Étant donné que le volume des activités d’assurance sur la vie était beaucoup moins important que le volume des contrats de rente, SLAC était grandement exposée aux risques liés à la longévité et ne disposait d’aucune couverture efficace pour les contrer.

26.       Les risques accrus liés à la longévité constituaient un véritable problème qui avait des répercussions financières réelles sur SLAC. Il ne s’agissait pas d’un problème qui se réglerait lui-même. La tendance de l’espérance de vie était à la hausse et, en 2005 et en 2006, rien ne laissait prévoir que la situation changerait. En conséquence, il était commercialement logique de faire quelque chose concernant le problème des risques liés à la longévité. Comme l’a décrit Christian Martineau, l’ancien directeur des finances de SLAC, un remède contre le cancer ou les maladies du cœur auraient pu causer la faillite de la société au Canada. Ainsi, plus tôt les risques liés à la longévité étaient pris en compte, meilleure s’en trouverait la situation de l’appelante.

27.       Les risques liés à la longévité constituaient un problème pour SLAC depuis un bon moment et la société avait étudié différentes possibilités pour les régler, y compris vendre plus de polices d’assurance‑vie et acquérir des portefeuilles fermés de polices d’assurance‑vie. Toutefois, régler le problème des risques liés à la longévité en souscrivant un plus grand nombre de polices d’assurance‑vie n’était pas une solution viable. SLAC aurait été tenue de souscrire quatre ou cinq fois plus de polices d’assurance‑vie que ce contenaient ses portefeuilles à la fin de 2006. Cela n’était tout simplement pas réalisable. En fait, en 2006, d’après les projections de SLAC, il devait y avoir une diminution des activités d’assurance sur la vie, non pas une augmentation.

28.       La réassurance était la solution logique au problème des risques liés à la longévité. En réassurant de l’assurance‑vie, SLAC pouvait essentiellement acheter des risques liés à la mortalité sans s’engager dans le processus de vente de nouvelles polices d’assurance‑vie, un processus à traitement capitalistique. [Sans caractères gras dans l’original.]

29.       L’acquisition d’activités de réassurance par l’entremise d’une succursale aux Bermudes était une idée qui était « avancée » au sein de SLAC depuis un long moment. À titre d’exemple, au début de 2005, M. Martineau a demandé à Jim Doherty du cabinet Ernst & Young S.E.N.C.R.L./s.r.l. (« E&Y ») d’examiner pour SLAC la possibilité de s’engager dans la réassurance d’assurance‑vie. M. Doherty a étudié plusieurs marchés étrangers que SLAC pouvait envisager de pénétrer et a présenté ses recommandations à M. Martineau en février 2005.

(Notes de bas de page omises.)

[93]        Ce qui importe c’est que l’intention ou le plan visait clairement à mettre sur pied une entreprise de réassurance d’assurance‑vie, pas simplement une entreprise de réassurance. L’appelante a confirmé ce point dans son mémoire de réponse, au paragraphe 19 :

[traduction]
19.       L’entreprise exploitée par la succursale visait, vise et a toujours visé à être une entreprise de réassurance et, plus particulièrement, de réassurance d’assurance‑vie par l’accès au marché des États-Unis et à d’autres marchés internationaux depuis les Bermudes […]

[94]        En effet, il est clair que l’accès au marché des États-Unis, au départ par l’intermédiaire des Bermudes, était la priorité, comme l’appelante le confirme au paragraphe 32 de son mémoire :

[traduction]
32.       Afin de s’engager efficacement dans la réassurance d’une manière qui atténuerait les risques liés à la longévité, il était nécessaire que SLAC ait accès à un marché plus vaste que le Canada. Selon le résultat de l’analyse d’E&Y, qui se reflète à la fois dans la note de service de février 2005 et dans le plan d’affaires qui a été éventuellement mis au point pour la succursale, SLAC avait la possibilité d’avoir accès au marché de la réassurance des États-Unis et, plus particulièrement, d’y avoir accès à partir des Bermudes.

[95]        Il y a lieu de mentionner que les arguments de l’appelante présentés ci‑dessus renvoyaient au procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration de sa société mère, Standard Life PLC, tenue le 28 novembre 2006, au cours de laquelle la proposition de l’appelante visant à établir une succursale aux Bermudes a été approuvée. Cette proposition était jointe au procès-verbal de cette réunion. Sur la première page de la proposition suivant la page couverture, sous la rubrique intitulée [traduction] « 2. Résumé des recommandations et des propositions clés », le fondement principal de l’établissement de la succursale aux Bermudes, qui est compatible avec tous les arguments de l’appelante mentionnés ci-dessus, est clairement énoncé et est rédigé ainsi :

[traduction]

La succursale appuiera le plan d’affaires de SCDA [définie précédemment comme étant la Compagnie d’assurance Standard Life du Canada, l’appelante en l’espèce] en fournissant une source d’activités rentables sans la nécessité d’injecter des capitaux de l’extérieur de SCDA et sera conforme à l’atteinte de l’ensemble des cibles du plan d’affaires de SCDA. La contribution aux bénéfices sera au départ peu importante.

Les activités de la succursale incluront les risques liés à la mortalité, qui contribueront à l’atténuation de l’exposition de SCDA aux risques liés à la longévité provenant de ses activités de rentes. Grâce à son offre d’assurance et de réassurance, la succursale des Bermudes permettra à SCDA d’atténuer certains risques liés à la longévité découlant des rentes en gérant de façon concurrente les flux d’éléments d’actif et leur durée dans les portefeuilles des activités d’assurance et de réassurance par opposition à ceux des activités de rentes.

[96]        En effet, Jim Doherty d’Ernst & Young a insisté à l’instruction sur le fait que le plan [traduction] « consistait principalement à vendre sur le marché américain ». En outre, il ressort clairement de la page 6 du plan d’affaires de l’appelante joint au procès‑verbal de la réunion du conseil d’administration, daté du 15 décembre 2006, approuvant la mise sur pied de la succursale aux Bermudes et le plan lui-même, que, bien que le but ait été l’accès au marché clé américain depuis une plateforme aux Bermudes, [traduction] « une présence physique sera vraisemblablement nécessaire d’ici cinq ans, soit à New York, soit à Chicago » .

d)  Les mesures essentielles

[97]        L’appelante soutient avoir pris toutes les mesures essentielles aux Bermudes pour suivre son plan ou, en d’autres mots, pour donner effet à son intention déclarée et l’a fait de manière soutenue, ce qui a finalement donné lieu à l’exploitation rentable d’une succursale qui existe même encore aujourd’hui. De plus, l’appelante soutient qu’il n’est pas possible de séparer les mesures qu’elle a prises en 2006 et en 2007 du succès actuel de l’exploitation de la succursale, comme le montre le témoignage de M. Martineau, qui a souscrit à l’affirmation à ce sujet faite par l’avocat en contre‑interrogatoire et à l’interrogatoire préalable.

[98]        Les mesures essentielles que l’appelante soutient avoir prises aux Bermudes consistent en l’obtention du permis nécessaire pour exercer ses activités aux Bermudes et vendre de la réassurance, l’embauche d’une employée, la sollicitation de contrats et la signature de deux traités de réassurance. Un traité est daté du 22 décembre 2006 et a comme date d’entrée en vigueur le 31 décembre 2006; il a été modifié le 30 mars 2007, sa date d’entrée en vigueur étant le 31 décembre 2006. Le deuxième traité est daté du 30 mars 2007 et a comme date d’entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Parmi les autres mesures essentielles, mentionnons la signature d’autres ententes comme un bail de location de locaux et d’autres services. Dans les faits, l’appelante soutient que sa situation est semblable à celle de la contribuable dans l’affaire London Life, précitée, sauf qu’elle ne vendait pas directement des polices d’assurance‑vie aux Bermudiens, mais exerçait des activités de réassurance.

[99]        À première vue, si l’on examine le vernis qui recouvre les mesures essentielles énumérées par l’appelante, on serait tenté d’imaginer une société qui a commencé à faire les choses habituelles qui sont nécessaires pour démarrer une entreprise et de présumer qu’elle a pris toutes les mesures essentielles parce qu’aujourd’hui l’appelante exploite ce qui semble être une succursale qui connaît du succès aux Bermudes. La preuve montre qu’après 2009 elle a conclu des traités de réassurance avec des parties avec lesquelles elle n’avait pas de lien de dépendance pour réassurer des blocs d’assurance‑vie, ce qui répond à son intention ou à son objectif déclaré d’atténuer les risques liés à la longévité. Toutefois, après avoir analysé les mesures mentionnées par l’appelante pour répondre aux critères et avoir examiné ce qui se trouve sous le vernis présenté, je ne suis pas convaincu que l’appelante a pris les mesures essentielles ni qu’elle l’a fait de manière soutenue pour plusieurs motifs par rapport à chacun des éléments essentiels allégués, que j’examinerai maintenant.

i)     Permis et autorisations

[100]   Premièrement, j’accorde peu de poids au fait que, le 21 décembre 2006, la Bermuda Monetary Authority a accordé à l’appelante l’autorisation de vendre de la réassurance. Cette autorisation, délivrée en vertu du Insurance Act, 1978, était assortie de la condition suivante :

[traduction]
3.         Il est interdit à la société, à moins d’avoir obtenu au préalable l’approbation écrite de la Bermuda Monetary Authority, de souscrire toute autre assurance que la réassurance d’une société affiliée.

[101]   Une telle autorisation restrictive n’est guère compatible avec l’intention déclarée de vendre de la réassurance sur la vie principalement sur le marché des États‑Unis. De plus, l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve précisant qu’elle pouvait atteindre de tels objectifs uniquement en effectuant des ventes en faveur de ses sociétés affiliées. En outre, si l’appelante pouvait concrétiser son intention de réassurer de l’assurance-vie pour régler les problèmes de risques liés à la longévité qui pouvaient potentiellement causer sa faillite en s’appuyant uniquement sur le portefeuille de sa société affiliée, elle aurait pu alors, en toute logique, le faire sans mettre sur pied une succursale aux Bermudes. Rien dans la preuve ne donne à penser que l’intention de l’appelante était de limiter les activités de sa succursale en faisant uniquement affaire avec ses sociétés affiliées, et ce concept va à l’encontre de son énoncé général, qui était d’accéder au vaste marché des États‑Unis à partir des Bermudes.

[102]   L’appelante soutient que cette restriction a été levée en 2009, après qu’elle a ultérieurement présenté une demande à cette fin à la Bermuda Monetary Authority. Selon l’appelante, je devrais considérer que l’autorisation limitée initiale était une étape vers cette autorisation finale. Je peux difficilement qualifier une interruption de 2,5 ans d’efforts faits de manière soutenue en vue d’exploiter une entreprise avec l’intention déclarée d’être rentable à l’intérieur d’une période de trois à cinq ans. De même, lorsque j’analyse ce facteur à la lumière de la preuve selon laquelle l’appelante n’avait pas engagé d’employé possédant des connaissances en réassurance avant 2008 ou plus tard, élément que j’examinerai plus en détail plus loin, il est clair qu’une telle autorisation restreinte a encore moins d’importance.

[103]   Plus précisément, la Bermuda Monetary Authority a, avant de délivrer son autorisation limitée dans sa lettre du 17 novembre 2006, mentionné à l’appelante que sa demande était approuvée sous réserve de la réception d’un engagement selon lequel la succursale ne souscrirait pas d’assurance à des parties non liées sans tout d’abord engager un réassureur d’expérience et solliciter l’approbation de la Bermuda Monetary Authority concernant cet assureur et le plan d’affaires complémentaire. Il est tout à fait clair que la voie de la souscription de réassurance avec des parties non liées, à savoir la plupart des parties sur le vaste marché des États-Unis, était bloquée par un obstacle qui exigeait la présence des bonnes personnes sur le terrain aux Bermudes, une exigence à laquelle l’appelante était entièrement capable de satisfaire. Elle n’a fait aucun effort sérieux pour franchir cet obstacle avant 2009 et ne l’a fait qu’à partir de cette année-là.

(ii)   Embauche d’employés

[104]   La preuve de l’appelante souligne avec insistance le fait qu’elle devait s’engager dans la réassurance d’assurance‑vie pour atténuer ses risques liés à la longévité. Ses propres plans et documents montrent clairement qu’une personne d’expérience serait nécessaire, mais elle a engagé Elaine Furbert qui, d’après la preuve, n’avait nettement pas de compétences dans ce domaine particulier, mais était une comptable qui avait travaillé pour les avocats de la société affiliée de l’appelante aux Bermudes. Même M. Doherty a déclaré dans son témoignage qu’il avait supposé que Mme Furbert possédait de telles compétences ou avait été formée pour les acquérir. Je ne peux pas raisonnablement ni un tant soit peu conclure que l’appelante avait respecté l’élément essentiel relatif à l’embauche du personnel compétent pour exécuter son plan aux Bermudes.

[105]   L’entreprise déclarée dans laquelle était engagée l’appelante était la réassurance d’assurance-vie aux Bermudes, qui avaient accès au marché principal des États‑Unis. Le témoignage de Mme Furbert n’a pas porté directement sur son propre rôle. Toutefois, la preuve provenant des réponses données suivant des engagements pris lors du processus d’interrogatoire préalable révèle clairement qu’elle travaillait au bureau uniquement deux jours par semaine en moyenne. La preuve révèle aussi qu’elle ne s’est pas non plus vraiment présentée au travail en 2006 après avoir été engagée le 18 décembre de la même année en raison de la période des fêtes et du fait que le bureau n’était pas adéquatement meublé. À vrai dire, la seule preuve crédible de son rôle est qu’elle a signé trois lettres types rédigées par Jim Doherty, lettres qui devaient au départ être signées par M. Messier, et adressées à trois filiales de l’appelante, qui, d’après mes constatations n’étaient pas des filiales américaines, et dans lesquelles on sollicitait des contrats pour la succursale, et qu’elle semble avoir signé les traités de réassurance mentionnés ci‑dessus, comme l’exigeait son employeur. Présenté en preuve, son curriculum vitæ ne fait état d’aucune expérience dans l’industrie de l’assurance autrement qu’à titre de comptable ou de commis comptable et, à plus forte raison, dans les domaines de la vente d’assurance‑vie ou de réassurance, de la commercialisation ou de la négociation de quelque sorte que ce soit.

[106]   Dans la décision London Life, la Cour fédérale a conclu que le mandataire de la contribuable aux Bermudes, un assureur enregistré aux Bermudes, exerçait des activités auprès des résidents bermudiens, le marché cible, y compris évaluer leur capacité de faire les paiements et délivrer les contrats pour les rendre exécutoires, et que cela consistait en des éléments essentiels de la vente des produits de la contribuable aux Bermudes. En d’autres mots, dans l’affaire London Life, la contribuable avait le personnel approprié pour vendre ses produits aux Bermudes. En l’espèce, je ne peux pas conclure que Mme Furbert était la personne appropriée pour accomplir ce qui était essentiel. Par conséquent, l’appelante ne disposait pas de moyens sérieux et essentiels aux Bermudes pour exploiter son entreprise d’assurance en 2006 ni en 2007. N’ayant pas de personnel d’expérience en matière de réassurance, l’appelante ne pouvait tout simplement exploiter une telle entreprise, et il ressort clairement de la preuve que ce n’est que quelque temps après le début de 2008 que des membres du personnel ayant de l’expérience sont entrés en scène.

[107]   L’appelante a non seulement engagé une employée qui ne pouvait réaliser ses objectifs, mais elle a passé outre à la possibilité d’engager une personne compétente. La preuve non contestée montre que l’appelante a retenu les services d’une entreprise de recrutement d’employés, ou cabinet de recrutement de cadres comme on les appelle en général, aux Bermudes aux termes d’un contrat daté du 13 décembre 2006 et signé par Sylvain Messier le 18 décembre 2006. M. Messier était un employé de l’appelante au Canada chargé de mettre à exécution le plan relatif à la succursale des Bermudes et de trouver des candidats éventuels qui avaient de l’expérience dans le domaine de la réassurance.

[108]   Chose remarquable, le 13 décembre 2006, un représentant du recruteur a transmis un courriel à M. Messier et à ses collègues à l’adresse de courriel canadienne de l’appelante et a nommé trois candidats possibles pour le poste de directeur général et les moments (heure des Bermudes) au cours des deux jours suivants où ils étaient libres pour avoir une conversation. Dans un courriel de ce représentant adressé à M. Messier et à ses collègues, le représentant a de fait mentionné Mme Page Rouse à titre de candidate privilégiée et précisé les modalités de rémunération dont il avait discuté avec elle. Le 18 décembre 2006, l’appelante a fait signer à Mme Rouse une autorisation relative à la communication de ses renseignements personnels, comme le voulait la pratique d’après le témoignage de l’appelante, mais cette dernière a également envoyé un contrat de travail daté du 18 décembre 2006, déjà signé par M. Messier, qui l’engageait en qualité de directrice générale au salaire de 225 000 $US, plus une prime discrétionnaire de 50 000 $ et une indemnité de logement de 72 000 $. Le contrat précisait aussi ses fonctions dans une annexe détaillée jointe à celui-ci, lesquelles comprenaient, à tout le moins, l’ensemble de la commercialisation, des ventes et de la gestion, de même que le développement de la succursale. Les fonctions étaient résumées ainsi au haut de la page sous la rubrique intitulée [traduction] « Résumé des fonctions » :

[traduction]
Responsable de la conception, du développement et de la gestion de la stratégie en matière de commercialisation, de vente et de service à la clientèle afin d’atteindre les cibles en matière de part de marché, de service et de rentabilité, qui sont compatibles avec les plans d’affaires de Standard Life. Établir et développer la succursale de Standard Life Canada aux Bermudes.

[109]   Toutefois, au paragraphe 20 du contrat, l’appelante incluait la phrase suivante :

[traduction]
La présente offre est valable jusqu’au mardi 19 décembre 2006, 9 h (heure des Bermudes).

[110]   Fait étonnant, la candidate proposée dès le lendemain de l’engagement du recruteur et qui possédait l’expérience et les compétences pour vendre et commercialiser de la réassurance aux Bermudes, répondant ainsi à l’intention déclarée de l’appelante, ne disposait que moins de 24 heures pour accepter un emploi pour une entreprise qui, selon la description de l’appelante, devait avoir une durée longue et indéterminée.

[111]   Lorsqu’elle a été invitée à fournir au recruteur les raisons pour lesquelles elle avait refusé le poste, Mme Rouse a précisé dans un courriel à ce représentant qu’elle l’aurait accepté [traduction] « n’eût été l’absence de période de transition », car elle ne pouvait pas quitter l’emploi qu’elle occupait en une journée. Elle a de plus mentionné qu’elle [traduction] « n’avait pas été en mesure d’obtenir suffisamment de détails concernant le plan d’affaires de Standard Life », soit le plan mentionné dans l’annexe jointe au contrat de travail précité, [traduction] « à l’intérieur de ce court délai et ainsi être suffisamment à l’aise. »

[112]   Aucune explication n’a été donnée à l’égard du court délai d’acceptation ou des raisons pour lesquelles aucun effort n’avait été fait pour donner suite à cette candidature en offrant un délai de transition raisonnable ou l’information demandée. L’appelante a plutôt offert l’emploi de directeur général à une comptable rattachée au bureau de ses avocats et dont le curriculum vitae présenté en preuve ne fait état d’aucun lien avec l’industrie de l’assurance ni d’aucune expérience dans ce domaine si ce n’est avoir travaillé à titre de comptable pour établir et tenir le grand livre et assurer le respect des exigences en matière de communication d’information de la direction pour son ancien employeur qui était une compagnie d’assurance.

[113]   Assez curieusement, Mme Furbert a aussi signé une autorisation de communication de ses renseignements personnels, également datée du 18 décembre 2006, avant même d’être prise en considération pour le poste et pendant que l’offre faite à Mme Rouse était en vigueur. Mme Furbert a conclu un contrat semblable au contrat de travail de Mme Rouse, aussi daté du 18 décembre 2006 et qui définissait son rôle en qualité de directrice générale, mais avec un salaire de seulement 150 000 $US, sans prime discrétionnaire ni indemnité de logement, et aucune annexe décrivant ses fonctions n’était jointe comme c’était le cas pour le contrat de travail de Mme Rouse. Encore ici, assez curieusement, Mme Furbert n’a eu que jusqu’à 9 h (heure des Bermudes) le lendemain pour accepter l’offre et elle semble l’avoir également signée le 18 décembre 2006, à l’instar de M. Messier. M. Messier ne conteste pas dans son témoignage que Mme Furbert a été engagée parce que Mme Rouse avait refusé l’emploi, mais aucune explication n’a été présentée concernant les incohérences concernant les dates et le libellé. En toute franchise, j’ai de sérieux doutes quant à la crédibilité des actions de l’appelante et du témoignage de M. Messier, qui n’ont pas été conciliés.

[114]   À mon avis, il ne s’agit rien de plus qu’une tentative flagrante de manipuler des dates et des actions pour donner l’impression que l’appelante avait fait des efforts sérieux pour engager la bonne personne et qu’elle s’était contentée d’une autre personne qui pouvait, d’un point de vue administratif, l’aider à poursuivre sa voie vers une exploitation complète jusqu’à ce que les bonnes personnes soient engagées, alors qu’il est évident qu’elle a choisi de ne pas engager et d’intéresser la candidate qui aurait pu immédiatement l’aider à exécuter ses plans.

[115]   Lorsqu’une partie munie d’un plan clair et précis dit une chose et agit ensuite de manière délibérée pour faire échouer ce plan, ce que j’estime que l’appelante a fait en l’espèce en ce qui a trait à l’embauche de personnel en 2006 et en 2007, il n’est pas possible de dire qu’une telle personne a pris des mesures sérieuses, de manière soutenue, pour mettre en œuvre son plan ou le suivre.

(iii)  Contrats de réassurance

[116]   Bien que l’appelante ait soutenu qu’elle avait dans les faits conclu deux traités de réassurance avec Standard Life Assurance Company of Bermuda Limited (« SLBL »), une société liée, comme preuve de son exploitation d’une entreprise en 2006 et en 2007, je ne suis pas convaincu que c’est ce qu’elle a fait effectivement.

[117]   En ce qui concerne le traité de réassurance daté du 22 décembre 2006 et dont la date d’entrée en vigueur est le 31 décembre 2006 (le « traité no 1 »), il y a eu un grand désaccord quant aux circonstances entourant le moment et la question de savoir si la copie conforme présentée en preuve, et dont l’intimée conteste l’authenticité, était réellement le traité no 1 dans la forme dans laquelle il aurait été signé le 22 décembre 2006. La signature de l’administrateur de SLBL et celle de Mme Furbert sont toutes deux datées du 22 décembre 2006, soit quelques jours seulement après l’embauche de cette dernière. La signature de Christian Martineau, qui semble avoir été apposée à la même date, apparaît sur une autre page avec une police de caractère nettement différente. Selon le témoignage de M. Martineau, l’entente lui avait été envoyée par télécopieur à son bureau de Montréal et il l’avait signée à cette date, comme l’exige la procédure de la société. Pour sa part, M. Messier a déclaré dans son témoignage qu’il était dans le bureau de Montréal ce jour‑là et qu’il avait été témoin de la signature de M. Martineau sur le document,  au bureau de sa secrétaire.

[118]   Le problème que pose la crédibilité de ce témoignage est que la copie conforme présentée en preuve montre clairement une annexe 5 qui est datée du 28 mars 2007, mais M. Martineau a énergiquement insisté sur le fait que l’annexe était jointe au moment de la signature. Cela soulève la question évidente de savoir comment une annexe datée trois mois après la date de la signature pouvait être jointe au formulaire du traité no 1 qui a été prétendument signé.

[119]   Nonobstant le témoignage des deux dirigeants de l’appelante, l’appelante savait très bien que l’intimée avait mis en cause l’authenticité de ce traité no 1. L’intimée a demandé une copie du traité original dans une demande de communication de documents datée du 4 février 2013, dans laquelle elle a demandé ce qui suit à l’appelante au paragraphe 27 de l’annexe A de cette lettre :

[traduction]
27. Fournir à l’intimée au début de l’interrogatoire préalable l’original des traités de réassurance mentionnés aux numéros 16 et 18 de la liste de documents de l’appelante.

[120]   L’appelante n’a jamais fourni les originaux pour examen, même lorsque la demande lui en a été faite à l’interrogatoire préalable.

[121]   On pourrait penser que la police de caractère et la date différentes apparaissant dans l’annexe seraient suffisantes pour que l’appelante souhaite fournir une preuve de l’authenticité de ses documents ou fournisse une explication autrement crédible, mais à mon avis aucune n’a été présentée. Ce ne sont pas que ces incohérences qui mettent en doute la crédibilité et l’authenticité du document signé à cette date et dans cette forme. D’autres témoignages présentés par d’anciens employés ou consultants de l’appelante révèlent également qu’il n’aurait peut‑être pas été possible de signer une entente dans sa forme définitive le 22 décembre 2006.

[122]   Mary Stock était l’actuaire externe d’Ernst & Young dont l’appelante a retenu les services en vertu d’un mandat daté du 20 décembre 2006. Dans son témoignage, elle a déclaré que le processus de formulation d’un traité comportait la négociation de la liste des conditions entre les parties (SLAC et SLBL) et que la signature du traité avait habituellement lieu dans les 90 jours suivant la fin de l’année quand toutes les données et tous les renseignements pouvaient être confirmés, y compris la nature exacte du passif qui était assumé à la date d’entrée en vigueur et les éléments d’actif qui devaient être transférés en contrepartie. Ce processus était conforme à ce qu’a décrit dans son témoignage Jim Doherty, l’actuaire et le conseiller de l’appelante.

[123]   La preuve d’une liste de conditions datée du 28 décembre 2006 laissait croire à Mary Stock que des négociations étaient en cours entre les parties relativement aux conditions qui avaient été retenues et que les traités seraient signés après entente concernant toutes les conditions. Cela me donne à penser que le traité no 1 n’aurait pu être signé dans sa forme le 22 décembre 2006.

[124]   Mary Stock a également déclaré dans son témoignage qu’elle avait accompli la plus grande partie de son travail pour l’appelante au cours des trois premiers mois de 2007 et qu’elle avait achevé la liste des éléments d’actif dont le transfert était prévu dans le cadre du traité no 1 en mars 2007, en conformité avec la date de l’annexe de ce traité qui est datée du 28 mars 2006. Cela donne certes à croire que l’annexe datée du 28 mars 2007 jointe au traité doit y avoir été ajoutée après la date à laquelle M. Martineau allègue l’avoir signé.

[125]   De plus, le courriel du 15 mars 2007 de Mme Stock à Jim Doherty débute avec la remarque suivante :


[traduction]

Puisque j’ai commencé par le traité no 1 et que les traités sont presque identiques, les observations concernant le traité no 1 s’appliquent pour la plupart également au traité no 2.

[126]   Ces observations incluaient ce qui suit : [traduction] « Éléments qui doivent être changés. 1. L’annexe 5 doit être remplie et jointe », et plus loin, sous la rubrique [traduction] « Autres éléments à prendre en compte », [traduction] « 1. Une grande partie des conditions s’appliquent à l’assurance-vie et non aux rentes ».

[127]   Dans son témoignage, elle a déclaré qu’à l’occasion de son examen du traité qui avait été rédigé au départ par le cabinet d’avocats Blakes, plusieurs conditions qui renvoyaient à une situation d’assurance‑vie devaient être modifiées pour refléter un contrat de réassurance de rentes. Il est donc clair que les conditions du contrat n’ont pas été arrêtées avant le 15 mars 2007, au plus tôt, et que le traité n’aurait pu être signé dans sa forme définitive le 22 décembre 2006, puisqu’il renvoyait uniquement à des rentes à ce moment-là.

[128]   Inutile de dire que cela soulève la question de savoir pourquoi l’actuaire externe examinait des projets de traité rédigés par des avocats renvoyant à la réassurance d’assurance‑vie en mars 2007, en l’absence de l’annexe 5, et proposant des modifications au texte du traité qui, selon M. Martineau, avait été signé avec l’annexe jointe en décembre 2006. J’ai de sérieuses réserves quant à la crédibilité de M. Martineau à l’égard de ces questions.

[129]   La totalité du témoignage de Mme Stock porte sur des sujets qui vont au‑delà du simple rôle d’apporter une touche finale ou de rajuster les montants aux montants réels à la fin de l’année, ce qui constitue à première vue une preuve que le traité n’a pas été achevé en 2006 et, par conséquent, n’a pas été conclu en 2006.

[130]   Le témoignage de Jim Doherty a également soulevé des préoccupations concernant cette question. Il a aussi déclaré dans son témoignage que les listes de conditions étaient des documents importants démontrant les conditions dont les parties avaient tout d’abord convenu après les avoir négociées, puis les avaient envoyées aux avocats pour rédiger le traité.

[131]   Il a aussi confirmé que les dates d’entrée en vigueur choisies sont habituellement la fin du mois ou de l’année pour faciliter l’évaluation du passif et des éléments d’actif qui doivent être transférés ou cédés, laquelle évaluation finale a généralement lieu 90 jours plus tard, une fois que les données et les valeurs réelles sont disponibles pour égaliser les chiffres estimatifs utilisés dans le traité ou les rajuster. Compte tenu de ce qui précède, il est clair que l’annexe datée du 28 mars 2007 peut refléter cette égalisation, mais cela n’explique pas comment l’annexe aurait pu être jointe au traité no 1 original, comme l’a laissé entendre M. Martineau.

[132]   Lorsqu’on lui a demandé la raison pour laquelle la liste de conditions du 28 décembre portait une date antérieure à la date du traité no 1, il a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait aucune idée de la raison pour laquelle c’était le cas et qu’il se serait attendu à une date antérieure. Il a également convenu qu’il avait envoyé un courriel à France Boudreau, une adjointe de Sylvain Messier, le 18 décembre 2006 dans lequel il demandait à voir une ébauche du traité et qu’il avait été informé par un courriel de réponse (présenté en preuve) que le traité n’était pas dans une forme dans laquelle il pouvait être signé. Son témoignage révèle de plus qu’il n’est pas vraisemblable que le traité no 1 ait été signé le 22 décembre 2006. Certes, même si elle avait été mise au point dans l’intervalle, une ébauche aurait été transmise au conseiller clé de l’appelante concernant la transaction après qu’il l’eut demandée.

[133]   Une autre partie du témoignage de M. Martineau soulève aussi des préoccupations quant à la véracité de son témoignage selon lequel il a signé le traité no 1 dans sa forme définitive le 22 décembre 2006. Il a également déclaré dans son témoignage qu’il existait un comité de révision et de nomination dont le mandat consistait à réviser les opérations importantes et à présenter des recommandations au conseil d’administration. Il a déclaré dans son témoignage que, le 22 décembre 2006, il avait signé un résumé aux fins d’obtenir la ratification et l’approbation du traité no 1 auprès de SLBL et qu’il a assisté à la réunion du comité, comme le montre le procès‑verbal de cette réunion, daté du 22 février 2007, qui mentionne sa participation et qui mentionne l’adoption d’une résolution concernant la présentation du traité au conseil d’administration pour sa ratification et son approbation. En contre‑interrogatoire, il n’a pas répondu directement à la question de savoir si le procès-verbal du 22 février 2007 précisait que les administrateurs n’avaient pas ratifié le traité no 1 en décembre et a plutôt répondu qu’en ce qui le concernait, le marché avait été conclu en décembre 2006. Il ne croyait pas qu’il était membre du conseil d’administration en 2006 et ne pouvait se souvenir si le traité avait été présenté au conseil, accompagné de la résolution du comité de révision. Il a toutefois mentionné dans son témoignage que le conseil d’administration adoptait généralement les résolutions du comité de révision, à moins que des administrateurs particuliers ne s’y opposent. À vrai dire, son témoignage était quelque peu flou et évasif sur ces questions.

[134]   En ce qui concerne l’ensemble du témoignage contradictoire et vague concernant la mise au point et la signature du traité no 1, je ne peux pas convenir qu’il a été clairement établi que le traité daté du 22 décembre 2006 a été signé dans sa forme définitive à cette date, et encore moins qu’il existait sous une forme définitive pouvant ainsi être signé à cette date. De plus, l’appelante n’a pas fourni l’original du traité pour examen par l’intimée lorsqu’on lui a demandé de le faire, même si l’appelante était la seule en mesure de le faire afin de clarifier la question. Je dois convenir avec l’appelante elle-même qu’une inférence défavorable devrait être tirée lorsqu’une partie est la seule en mesure d’appeler un témoin ou de présenter une preuve qui pourrait élucider des faits et que cette partie ne le fait pas, suivant un fondement comme celui exprimé dans l’arrêt Lévesque c Comeau, [1970] RCS 1010, aux pages 1012 et 1013, et que la Cour a suivi dans la décision Pièces automobiles Lecavalier Inc c La Reine, 2013 CCI 310, 2014 DTC 1126, aux paragraphes 48 à 52.

[135]   Enfin, j’accorde beaucoup de poids au fait que les deux traités de réassurance sont, sans conteste, des traités qui portent sur la réassurance des rentes détenues par SLBL et non des traités de réassurance d’assurance‑vie. Après avoir présenté une preuve détaillée et insisté sur le besoin pressant de régler les risques liés à la longévité, l’appelante contracte d’autres obligations pour réassurer des rentes et laisse au mieux entendre que cela a eu un effet neutre sur les risques de l’appelante liés à la longévité. Je conclus que cette thèse n’était pas crédible. De plus, même si ces traités ont effectivement eu un effet neutre, aucun élément de preuve n’a démontré avec certitude que leur effet était uniquement neutre. On a seulement démontré qu’il se pouvait que l’effet soit neutre. Il faut avoir beaucoup d’imagination pour croire l’appelante lorsqu’elle soutient que ces traités ont aidé à régler ses risques liés à la longévité. La réalité pure et dure est que la conclusion de traités visant la réassurance de rentes n’était pas compatible avec le plan très clair de contrer les risques liés à la longévité en mettant l’accent sur la réassurance d’assurance-vie. Encore une fois, lorsqu’une partie ne suit pas son propre plan et ses propres priorités, elle ne peut s’insurger contre l’absence de crédibilité accordée à ses arguments.

[136]   Les arguments de l’appelante ne m’ont tout simplement pas convaincu que celle‑ci devait créer du volume dans les portefeuilles de polices d’assurance de la succursale ou qu’elle ne pouvait pas s’adresser à d’autres parties avec des portefeuilles vides. Comme l’intimée l’a clairement énoncé, un tiers examinerait la solidité sous-jacente de la société canadienne, non sa nouvelle succursale, pour évaluer la position financière de l’appelante. Cela ressort clairement de la preuve même de l’appelante et de ses plans, notamment la proposition de mettre sur pied une succursale de SCDA aux Bermudes présentée au conseil d’administration du Royaume-Uni de l’appelante. À la page 4 de cette proposition, sous la rubrique intitulée [traduction] « 3. Fondement de la mise sur pied de la succursale aux Bermudes », l’appelante déclare ce qui suit :

[traduction]
[…] Un avantage de la souscription des polices proposées par l’entremise d’une succursale de SCDA située aux Bermudes plutôt qu’auprès de SLBL est que la succursale sera alors en mesure de s’appuyer sur la solidité financière et la cote de crédit de SCDA pour la souscription de polices et la souscription de réassurance et faire face au marché mondial de la réassurance.

[137]   De plus, dans le plan d’affaires du 30 octobre 2006 déposé auprès de la Bermuda Monetary Authority à l’appui de la demande de l’appelante concernant la mise sur pied d’une succursale aux Bermudes en vertu du Insurance Act de ce ressort, l’appelante fait une déclaration presque identique sous la rubrique intitulée [traduction] « Objet de l’entreprise » :

[traduction]
[…] L’entreprise est établie à titre de succursale des Bermudes étant donné qu’elle sera alors en mesure de s’appuyer sur la solidité financière et la cote de crédit de SCDA pour la souscription de polices et la souscription de réassurance et faire face au marché mondial de la réassurance.

[138]   L’appelante a même laissé entendre dans ses arguments de réponse que, selon son plan du 30 octobre 2006, elle proposait à la Bermuda Monetary Authority de prendre en charge les polices existantes de SLBL et ainsi les traités de réassurance conclus faisaient déjà partie du plan. En effet, l’appelante souligne une disposition du plan qui se trouve au paragraphe 4, sous la rubrique concernant la description du produit, et qui est rédigée ainsi :

[traduction]
Il est prévu que la succursale des Bermudes tirera avantage du portefeuille de polices existantes de SLBL en offrant à SLBL ses services de réassurance. La succursale des Bermudes pourrait alors s’établir au départ en réassurant les polices existantes de SLBL aux Bermudes. Cela aidera la succursale des Bermudes à mettre en œuvre sa stratégie relative aux produits de réassurance et à réaliser ses objectifs.

[139]   Les [traduction] « objectifs » mentionnés ci-dessus doivent assurément désigner les objectifs de l’appelante visant à atténuer ses risques liés à la longévité, comme l’a déclaré avec beaucoup d’insistance l’appelante tout au long de l’instruction. En effet, deux paragraphes plus loin, sous la même rubrique, se trouve le paragraphe qui, à mon avis, étaye les objectifs réels :

[traduction]
La succursale des Bermudes jouera un rôle important en appui au plan d’affaires de SCDA. En plus de fournir une source rentable d’activités, la succursale des Bermudes constituera une couverture naturelle à l’exposition de SCDA en ce qui a trait aux risques liés à la longévité découlant de ses activités relatives aux rentes. Grâce aux produits d’assurance et de réassurance offerts, la succursale des Bermudes permettra à SCDA d’atténuer les risques liés à la longévité provenant des rentes en gérant de façon concurrente les flux d’éléments d’actif et leur durée dans les portefeuilles d’assurance et de réassurance par opposition aux contrats de rente.

[140]   Il ressort clairement de ce dernier paragraphe que l’objectif ou le plan de l’appelante était toujours d’utiliser la succursale des Bermudes pour couvrir ses risques liés à la longévité. Il s’ensuit donc que la seule manière évidente de tirer avantage de la réassurance du portefeuille de polices de SLBL suivant ces plans ou objectifs aurait été de réassurer les polices d’assurance‑vie existantes de SLBL, non ses contrats de rente. L’appelante a fait le contraire en concluant les traités.

[141]   L’appelante souligne le fait que, le 28 décembre 2006, des éléments d’actif lui ont été transférés en provenance du compte de SLBL en contrepartie du portefeuille des rentes réassurées par elle et que ce transfert et cette prise en charge du passif figurent dans les états financiers dressés pour la succursale. Cela semblerait être une mesure importante appuyant la réalisation du traité no 1. La difficulté que soulève pour moi cet élément de preuve est qu’il est présenté à l’appui d’une mesure qui n’était pas compatible avec l’objectif ou l’intention déclarés de l’appelante. Il est donc difficile d’y accorder du poids dans un tel contexte. Toutefois, d’un point de vue axé exclusivement sur la preuve, l’exposé conjoint des faits mentionne ce qui suit au paragraphe 31 :

[traduction]
Le traité no 1 déclare que la succursale des Bermudes a pris en charge des provisions techniques s’élevant à 15 384 662 $ et des primes s’élevant à 15 077 302 $ de Bermuda Limited.

[142]   Le fait que le traité exige qu’une commission de cession de 450 000 $ soit versée à SLBL, sous réserve d’un rajustement actuariel, peut très bien expliquer la différence. Toutefois, au paragraphe 5, le traité exige ce qui suit en ce qui concerne les primes de réassurance :

[traduction]
En contrepartie des provisions et du passif cédés au réassureur relativement aux rentes (les « provisions cédées »), à la date d’entrée en vigueur, la société transfère au réassureur des éléments d’actif d’une valeur égale aux provisions cédées ou leur correspondant à la date d’entrée en vigueur (les « éléments d’actif transférés ») et, à ce titre, à la date d’entrée en vigueur, la société transfère les éléments d’actif figurant à l’annexe 5 de la présente entente.

[143]   L’entente n’était accompagnée d’aucune liste des provisions cédées représentant la liste des rentes transférées. Ces contrats de rente ont été ajoutés uniquement à l’entente de modification du 30 mars 2007 en guise d’annexe 3.

[144]   L’annexe 5 jointe à l’entente est datée du 28 mars 2007 et fait état du transfert d’éléments d’actif d’une valeur de seulement 14 051 096,96 $. Outre la question évidente de savoir comment il est possible de transférer des éléments d’actif conformément à une liste n’étant pas encore dressée, aucune explication n’a été présentée concernant la raison pour laquelle SLBL a uniquement transféré des éléments d’actif d’une valeur de 14 051 096,96 $, alors que la succursale des Bermudes prenait en charge des provisions s’élevant à 15 384 662 $, contrairement à l’exigence prévue par le traité. La différence de 1,2 million de dollars est de loin supérieure à la commission de cession de 450 000 $ prévue par le traité.

[145]   Les trois pages d’états financiers non datés et non signés présentés en preuve pour les deux exercices financiers se terminant au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007 pour la succursale révèlent que cette dernière a pris en charge le même montant de provisions techniques nettes mentionné dans l’exposé conjoint des faits. Toutefois, la liste des éléments d’actif, dont le total est supérieur aux provisions techniques, ne montre toujours pas le total des types ou combinaisons d’éléments d’actif parmi ceux énumérés dans la liste qui équivalent à 14 051 096,96 $. Bien que je sois sensible au fait qu’il peut très bien y avoir une explication, comme un transfert supplémentaire d’argent comptant à l’égard duquel la preuve n’est pas claire, les documents financiers, à l’instar de la plus grande partie des arguments ou de la preuve de l’appelante, semblent m’obliger à supposer un grand nombre de faits non présentés en preuve.

[146]   De la même façon, comme l’a souligné l’intimée, outre le fait que les états financiers ne sont pas signés et ne sont pas datés, aucun élément de preuve n’a été présenté concernant la raison pour laquelle ils ont été dressés ni concernant leur utilité. Des éléments de preuve révèlent qu’ils n’accompagnaient aucune demande présentée à la Bermuda Monetary Authority en 2009 ni qu’ils servaient à autre chose. Évidemment, cela ne signifie pas que leur mise au point ne servait à rien, et il semble qu’ils pouvaient en eux‑mêmes être utiles uniquement à des fins internes. Toutefois, ce qui me pose problème, c’est qu’ils me sont peu utiles pour évaluer le traité de réassurance, et les questions soulevées quant aux incohérences ci‑dessus ne font que s’ajouter à la liste des questions sans réponse que j’ai à l’esprit.

[147]   Ce qui est également clair, ce que les parties ne contestent pas, c’est que l’appelante a géré la société des Bermudes, SLBL, à partir de Montréal et que SLBL détenait dans les faits un bloc de polices d’assurance‑vie dont le total était supérieur à 640 millions de dollars. L’appelante aurait pu tout aussi facilement réassurer une partie de ce bloc de polices, ce qui aurait été compatible avec son plan déclaré, mais elle ne l’a pas fait, plus particulièrement lorsque cet important portefeuille de polices d’assurance‑vie l’aurait encore plus grandement aidé à atténuer ses risques liés à la longévité. On ne m’a fourni aucune explication concernant la raison pour laquelle l’appelante a conclu des traités de réassurance qui ne pouvaient pas causer de tort, mais qui assurément ne pouvaient l’aider à réaliser ses objectifs ou ses plans alors qu’elle avait dans les faits la capacité de le faire d’une manière beaucoup plus substantielle et qu’elle a choisi de ne pas le faire. En effet, l’appelante était grandement exposée aux risques liés à la longévité qui menaçaient sa viabilité, l’incitant à consacrer son temps et son énergie à obtenir un accès au vaste marché de l’assurance‑vie des États-Unis par l’entremise d’une succursale aux Bermudes. Tous ces éléments ont été réitérés à plusieurs reprises dans les résolutions, les plans et les témoignages tout au long de l’instruction. Dans de telles circonstances, je ne peux tout simplement pas accorder quelque poids que ce soit à la conclusion de ces traités de réassurance en 2006 et en 2007, même en écartant les préoccupations de l’intimée et la preuve qui donne à penser que le traité de 2006 peut ne pas être celui qui a été conclu en 2006.

(iv)  Autres ententes et autres indices relatifs à l’exploitation d’une entreprise

[148]   Outre les contrats de travail susmentionnés et le traité no 1, les seuls éléments de preuve montrant l’existence d’autres ententes conclues en 2006 sont les suivants : l’ouverture d’un compte bancaire à la Butterfield’s Bank; la signature d’un bail pour la location du petit bureau de direction qui, selon que le reconnaît l’appelante elle-même, n’était pas un bail à long terme et, bien sûr, l’accord de recrutement d’employés. Tous les documents ont été signés par M. Messier, un employé de l’entreprise canadienne de l’appelante. La preuve montre aussi qu’Elaine Furbert n’a pas eu le pouvoir de signature à la banque avant février 2007 et un accès bancaire par courriel avant mars 2007, qu’elle n’a pas eu de carte professionnelle, qu’elle n’a pas disposé d’une adresse de courriel avant 2007 et qu’elle ne s’est pas présentée au bureau en 2006 en raison de la période des Fêtes et du fait qu’il n’était pas meublé adéquatement. Il est par conséquent difficile d’accorder à ces facteurs quelque poids que ce soit dans l’analyse des mesures qui ont été prises aux Bermudes.

[149]   L’appelante mentionne également les lettres de sollicitation rédigées par Jim Doherty apparemment pour qu’elles soient signées par M. Messier et qui, dans les faits, ont été signées par Elaine Furbert et envoyées à trois sociétés du groupe Standard Life, aucune n’étant adressée à un membre des États-Unis. Pour une personne qui, selon le témoignage de M. Messier, devait être responsable de la commercialisation, il ressort de la preuve qu’elle semble n’avoir fait aucune autre action en ce qui a trait à la commercialisation ou à la prospection téléphonique, aux conférences ou à d’autres moyens de solliciter des clients. Je souligne que le fait qu’elle ne possédait aucune connaissance spécialisée en réassurance a évidemment une incidence à cet égard.

[150]   Je ne peux pas conclure qu’une de ces autres ententes ou mesures démontre des efforts sérieux faits de manière soutenue pour faire ce qu’une compagnie d’assurance ferait normalement pour démarrer et mettre sur pied une entreprise de réassurance sur la vie en 2006.

[151]   En ce qui concerne 2007, outre un traité de réassurance supplémentaire portant sur un montant inférieur à celui du premier traité qui réassurait de la même manière des rentes et la modification du premier traité en augmentant effectivement le montant de rentes réassurées et auxquels j’accorde peu d’importance relativement à la présente question, les seules autres activités ont été les suivantes : l’envoi de trois autres lettres types signées par Elaine Furbert le 6 septembre 2007 à des membres du groupe; une modification au contrat de travail d’Elaine Furbert, datée du 28 novembre 2007, qui ramenait son salaire à 40 000 $US et reconnaissait qu’elle pouvait travailler pour d’autres et joignait au contrat une annexe décrivant ses fonctions qui sont clairement des fonctions liées à la comptabilité, à la tenue de livres et aux systèmes de dossiers connexes; la signature d’une entente de recrutement avec Elliot Partnership, datée du 17 septembre 2007, pour trouver un nouveau directeur général pour une succursale où travailleraient six personnes dans l’avenir; la signature d’un bail pour de nouveaux locaux à bureaux et un contrat d’architecture pour dresser des plans et gérer le projet de rénovation de ces locaux à bureaux, datés d’août 2007; la signature d’un nouveau contrat de travail avec Michael Downie, daté du 5 décembre 2007 et signé par Elaine Furbert et Sylvain Messier. M. Downie a été engagé en qualité de nouveau directeur général à compter du 1er janvier 2008 et son contrat était beaucoup plus détaillé que les contrats antérieurs en ce que ses fonctions étaient énoncées dans une annexe détaillée du contrat et incluaient la responsabilité de la commercialisation et de la vente de réassurance, un véritable élément essentiel des activités de réassurance, contrairement au cas d’Elaine Furbert initialement.

[152]   L’appelante n’a pas fourni d’explication concernant la raison pour laquelle elle a attendu si longtemps pour chercher un nouveau directeur général, mais l’entente de recrutement a été signée en septembre 2007, ce qui est difficilement compatible avec l’affirmation de l’appelante selon laquelle elle a pris, de manière soutenue, des mesures pour trouver la bonne personne. De plus, aucun élément de preuve ne révèle qu’elle a trouvé M. Downie par l’entremise de Elliott Group, bien que cela semble être l’inférence qu’on me demande de tirer. L’appelante n’a pas non plus présenté de curriculum vitae décrivant ses compétences, bien que la preuve révèle clairement qu’il n’était pas un assureur, et elle a engagé les personnes compétentes nécessaires pour répondre à une condition de son permis modifié.

[153]   Il y a évidemment des éléments de preuve montrant que l’appelante avait l’intention d’obtenir de nouveaux locaux à bureaux au cours de l’été de 2007 et qu’elle a engagé un architecte pour dessiner et surveiller les rénovations à cette nouvelle adresse en août de la même année. La preuve révèle toutefois que l’appelante a conclu une entente en août 2007 pour louer et rénover des locaux dans un édifice qui devait être bâti à la nouvelle adresse et qu’elle a dans les faits conclu un bail de location à l’égard de ces locaux le 9 avril 2008, pour une durée de cinq ans. Un certificat d’occupation a aussi été délivré à l’appelante à la même date. Il ressort clairement de la preuve documentaire que la locataire s’était engagée à l’égard de nouveaux locaux à bureaux dans un édifice que devait bâtir le propriétaire et dont l’achèvement a eu lieu en avril 2008. Cette preuve révèle l’exploitation d’une entreprise en 2008.

[154]   Quoi qu’il en soit, aucun élément de preuve ne donne à penser que d’autres efforts ont été faits pour obtenir de nouveaux contrats, signer ou négocier d’autres contrats de réassurance ou faire des ventes de quelque nature que ce soit après la signature du second traité en mars 2007. Il n’y a pas non plus d’élément de preuve concernant la participation à des conférences, à des réunions ou à d’autres événements en vue de commercialiser la réassurance ou toute autre assurance en fait, outre les trois lettres types signées et datées du 6 septembre 2007 qui ne constituent certainement pas une preuve d’efforts faits de manière soutenue. En fait, la seule demande de la part de la succursale de l’Asie du groupe, qu’Elaine Furbert a fait suivre au bureau du Canada, a été rejetée pour toutes sortes de raisons, allant de l’incapacité de répondre à l’échéancier de la succursale de l’Asie à une fixation de prix qui ne convenaient pas, en passant par le fait que la succursale de l’appelante ne souscrivait pas ce type de réassurance d’assurance‑accidents. Toutes ces raisons m’amènent à douter de la crédibilité de la preuve de l’appelante en ce qui concerne les actions d’Elaine Furbert et de l’appelante en général concernant son explication à propos de l’entreprise qu’elle disait exploiter.

[155]   La preuve montre qu’après avoir été engagé, M. Downie a de fait embauché des assureurs d’expérience et du personnel de soutien en 2008 et par la suite. Cela donne à penser que l’appelante a entrepris des efforts sérieux pour être en mesure d’exploiter une entreprise de réassurance sur la vie, y compris les éléments essentiels de la vente, de la commercialisation et de l’embauche de personnel compétent. Tous ces éléments ont par ailleurs mené l’appelante à présenter une demande de modification de son permis, qu’elle a obtenue, lui permettant de faire des affaires avec des personnes non liées. Cela a donné lieu à la signature d’au moins cinq contrats de réassurance sur la vie avec des parties non liées de 2009 à 2011. Il est toutefois clair que ces efforts sérieux, notamment l’embauche de personnel compétent et le déménagement dans de nouveaux bureaux en 2008 qui pouvaient recevoir ce personnel, se sont déroulés de façon prédominante en 2008, soit la première année que la succursale des Bermudes semble avoir eu son propre papier à en-tête, et par la suite mais non avant. Il n’est pas non plus possible de dire que ces efforts ont été continuellement liés aux efforts et aux mesures limités de 2006 et de 2007 qui semblent plus appuyer le fait qu’il n’existait aucune intention sérieuse d’exploiter une entreprise de réassurance sur la vie à ce moment‑là. Pour une raison ou une autre, l’appelante semble, à mon avis, avoir changé de cap au début de 2008.

Conclusion concernant la question de l’exploitation d’une entreprise

[156]   Compte tenu de la preuve dont je dispose, je ne peux pas conclure que l’appelante exploitait dans les faits une entreprise aux Bermudes en 2006 ou en 2007, puisque pendant ces années elle n’a pas satisfait au critère relatif aux éléments essentiels mentionnés dans la décision Caballero ou dans la jurisprudence précitée. L’appelante n’avait pas d’employés ni de personnel compétents d’expérience pour lui permettre de commercialiser ou d’obtenir des polices de réassurance sur la vie par l’intermédiaire d’activités aux Bermudes au cours de l’une ou l’autre année, pas plus qu’elle ne disposait de locaux à bureaux appropriés pour exercer ses activités, et elle n’a fait aucun effort de manière soutenue à cet égard. En effet, l’omission d’engager une directrice générale appropriée et compétente en la personne de Mme Rouse, lorsqu’elle avait l’occasion de le faire n’eut été l’échéancier irréaliste qu’elle s’est elle-même imposé, donne à penser que l’appelante n’avait aucunement l’intention d’engager cette personne ou qu’elle avait renoncé à cette intention. De plus, les contrats de réassurance conclus et décrits comme étant les traités nos 1 et 2 tout au long de l’instruction n’étaient pas compatibles avec la poursuite des buts et objectifs de l’appelante consistant à atténuer ses risques liés à la longévité au moyen de la réassurance d’assurance‑vie, malgré ce qui a été déclaré clairement et avec insistance à plusieurs reprises dans la preuve. Je ne peux considérer ces activités ou autres activités accessoires à l’appui de ces ententes comme l’exploitation d’éléments essentiels dans la poursuite de l’intention déclarée de l’appelante. En outre, nonobstant le but déclaré d’avoir accès au marché plus vaste des États-Unis et le besoin d’avoir une présence physique dans ce pays dans un délai de cinq ans, absolument aucun élément de preuve n’a été présenté pour donner à penser qu’elle a mis en œuvre cet élément essentiel de quelque autre manière. Contrairement à la décision London Life, où les activités de la contribuable consistaient à poursuivre son plan déclaré, les activités de l’appelante en l’espèce ne le faisaient pas, pas plus qu’elles n’étaient suffisantes. Pour tout dire, à mon avis, l’appelante n’a nettement pas satisfait au critère et, selon moi, ses actions n’étaient pas autre chose qu’un [traduction] « artifice », comme l’a soutenu l’intimée, pour donner l’impression qu’elle exploitait une entreprise ou, de façon plus appropriée, pour être en mesure de soutenir qu’elle en exploitait une alors qu’elle ne le faisait pas dans les faits.

Artifice

[157]   Bien qu’il ne me soit pas nécessaire d’examiner plus à fond l’argument de l’intimée à propos de l’artifice, il serait approprié de déclarer que j’ai conclu que l’appelante n’exploitait pas les éléments essentiels d’une entreprise de réassurance sur la vie. À titre d’exemple, l’appelante n’avait pas d’employés d’expérience appropriés qui lui auraient permis d’exploiter l’entreprise de réassurance sur la vie qu’elle avait l’intention d’exploiter selon son témoignage. De plus, en tentant d’obtenir des contrats de réassurance de rente, elle a agi d’une façon diamétralement opposée à son intention déclarée. Tout ce qui précède a eu lieu dans un contexte dans lequel elle avait la capacité d’engager le personnel approprié et de conclure des contrats de réassurance sur la vie.

[158]   Comme l’a soutenu l’intimée, la Cour suprême du Canada a fait la distinction entre « trompe-l’œil » et « artifice », ce qui a été reconnu dans les arrêts Entreprises Ludco Ltée c Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 RCS 1082, Backman c Canada, 2001 CSC 10, [2001] 1 RCS 367, et Spire Freezers Ltd. c Canada, 2001 CSC 11, [2001] 1 RCS 391, comme une tromperie qui ne vise pas la validité juridique d’une opération, comme dans le cas d’un trompe-l’œil, mais vise l’intention pour laquelle le contribuable conclut l’opération. Pour déterminer la manière dont les tribunaux devraient cerner la question de savoir si l’intention ou l’objet déclaré est présent ou la norme à appliquer, le juge Iacobucci a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Ludco, au paragraphe 54 :

[…] Dans l’interprétation de la Loi, tout comme dans d’autres domaines du droit, les tribunaux appelés à dégager l’objet d’une mesure ou l’intention de son auteur doivent déterminer objectivement la nature de la fin poursuivie en tenant compte à la fois des éléments subjectifs et objectifs pertinents […]

[159]   L’intimée a décrit la situation de façon assez précise, à mon avis, au paragraphe 170 de ses observations écrites :

[traduction]

170.     Aucun des objectifs déclarés de l’appelante dans les plans ou les propositions d’affaires en 2006, ni les autres objectifs déclarés à l’instruction ne sont compatibles avec ses actions. Comme cela a été mentionné précédemment, chacun des témoins a déclaré que SLAC voulait couvrir ou réduire ses risques liés à la longévité, mais, pour ce faire, il fallait obtenir des polices d’assurance‑vie. L’appelante a fait le contraire : elle a acquis des contrats de rente qui n’ont fait qu’augmenter son exposition aux risques liés à la longévité. Quels qu’aient été les objectifs éventuels de l’appelante, les actions qu’elle a posées en 2006 et en 2007 ne l’ont pas été en vue d’atteindre ces objectifs.

[160]   Après avoir examiné la totalité de la preuve de manière objective, je ne peux pas conclure que le petit nombre d’activités de l’appelante en 2006 et en 2007 peut donner à penser qu’une entreprise de réassurance était exploitée aux Bermudes. Je conviens avec l’intimée que ces activités étaient destinées à donner l’impression que l’appelante exploitait une telle entreprise à des fins lucratives, alors que, dans les faits, la seule fin défendable était l’obtention d’un avantage fiscal. Dans les circonstances, je ne suis pas d’accord pour dire que l’avantage fiscal n’était qu’une fin parmi d’autres et, en toute honnêteté, je souscris au témoignage de M. Faille, le seul témoin convoqué par l’appelante et son ancien directeur fiscal et vice-président des finances, qui a reconnu qu’à son avis, le seul objectif consistait à obtenir l’avantage fiscal de la hausse prévue par le paragraphe 138(11.3). La preuve ne fait état d’aucune autre fin.

[161]   À mon avis, la preuve montre clairement que l’appelante connaissait les modifications à venir de la Loi découlant des règles relatives à l’évaluation à la valeur du marché qui entraient en vigueur le 1er janvier 2007. Suivant ces règles, l’appelante aurait été tenue de réaliser un gain en capital sur ses placements jusqu’à concurrence de leur juste valeur marchande. La preuve montre qu’elle a mis à exécution un stratagème de façon précipitée et contraire aux affaires, prenant des actions contraires à sa propre intention déclarée, afin d’être en mesure de soutenir qu’elle exploitait une entreprise à l’étranger en 2006 et ainsi faire valoir que l’application du paragraphe 138(11.3) hausserait le prix de base à la juste valeur marchande en franchise d’impôt. Or, j’ai évidemment conclu que cette disposition ne s’appliquait pas à elle. Je conclus que ses actions à ce titre n’étaient qu’un artifice destiné à tromper le ministre pour lui faire croire qu’elle exploitait une entreprise aux Bermudes à des fins lucratives, alors que son véritable objectif était uniquement d’obtenir un avantage fiscal.

Décision

[162]   Le paragraphe 138(11.3) ne s’applique pas pour hausser le prix de base des éléments d’actif en cause de l’appelante ni en 2006 ni en 2007, à la fois parce que l’appelante n’a pas satisfait aux exigences légales prévues par le paragraphe en 2006 et en 2007 et parce que l’appelante n’a pas dans les faits exploité une entreprise aux Bermudes et, par conséquent, à l’étranger en 2006 ni en 2007.

[163]   Les appels de l’appelante sont rejetés avec dépens en faveur de l’intimée. Toutefois, si l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision quant aux dépens, elle peut me présenter pour examen des observations écrites sur les dépens dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2015.

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de septembre 2015.

Mario Lagacé, jurilinguiste


ANNEXE A

[traduction]

2012-1431(IT)G, 2013-203(IT)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

la compagnie d’assurance standard Life

du Canada,

appelante,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

 

 

Exposé conjoint des faits

 

Les parties au présent litige admettent, aux fins du présent litige seulement, l’exactitude des faits ci-après énoncés ainsi que l’authenticité des documents mentionnés dans le présent exposé conjoint des faits (l’« exposé conjoint »), compte tenu des réserves ci-après. Les parties peuvent contester l’exactitude de toute déclaration contenue dans ces documents :

A.     L’appelante

1.      La Compagnie d’assurance Standard Life du Canada (l’« appelante ») est une société régie par la Loi sur les sociétés d’assurances (Canada).

2.      Elle est une société canadienne imposable, une institution financière et une compagnie d’assurance‑vie pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi »).

3.      L’appelante réside au Canada pour l’application de la Loi et y a toujours résidé. Elle exploite actuellement, et a toujours exploité, une entreprise d’assurance sur la vie au Canada.

4.      L’appelante est une filiale indirecte de Standard Life plc, un important fournisseur de produits et de services d’épargne à long terme et de placement.

5.      Le siège social de Standard Life plc est situé à Édimbourg, en Écosse. Standard Life plc compte environ six millions de clients partout dans le monde et exerce ses activités dans plusieurs pays, notamment au Royaume-Uni, au Canada, en Europe, en Asie et au Moyen‑Orient.

6.      En 2004, l’appelante est devenue une filiale à cent pour cent de Standard Life Financial Inc. (« SLFI »). SLFI est une société de portefeuille constituée au Canada en 2004. Elle est une filiale à cent pour cent de Standard Life Oversea Holding Company, une société constituée au Royaume‑Uni et résidente de ce pays et qui, quant à elle, est détenue en propriété exclusive par Standard Life plc, qui est inscrite à la Bourse de Londres.

7.      L’exercice financier de l’appelante se termine le 31 décembre (l’« année d’imposition »).

8.      Avant l’année d’imposition 2006, l’appelante n’exploitait pas d’entreprise d’assurance à l’étranger.

9.      Au 31 décembre 2005, l’appelante a déclaré qu’elle avait des biens de placement qu’elle utilisait dans le cadre de l’exploitation de son entreprise d’assurance sur la vie au Canada, qui avaient une valeur comptable (coût) de 13 197 890 996 $ et un coût fiscal de 12 059 979 282 $[1]. Ces éléments d’actif comprenaient des placements hypothécaires, des obligations, des fonds communs de placement, des placements dans des fonds distincts, des placements immobiliers et des placements de coentreprise.

10.    Au 1er janvier 2006, l’appelante a déclaré que ses placements avaient une juste valeur marchande qui excédait leur coût fiscal des montants suivants[2] :

Éléments d’actif

Montant

Placements hypothécaires

285 754 263 $

Obligations

668 914 712 $

Placements dans des fonds communs de placement

1 739 214 $

Placements dans des fonds distincts

936 749 $

Placements immobiliers

130 611 288 $

Placements de coentreprise

49 955 488 $

B.     Bermuda Limited

11.    Standard Life Assurance Company Bermuda Limited (« Bermuda Limited ») est une filiale indirecte de Standard Life plc. En 2006, sa société mère directe était SLFI.

12.    Bermuda Limited est liée à l’appelante et, par conséquent, est réputée avoir un lien de dépendance avec l’appelante pour l’application de la Loi.

C.     La succursale des Bermudes

13.    Le 19 octobre 2006, à la demande de l’appelante, Appleby Hunter Bailhache, un fournisseur de services juridiques, fiduciaires et administratifs extraterritoriaux, a transmis à l’appelante une note de service précisant le processus à suivre pour obtenir les permis nécessaires afin de devenir un assureur autorisé à exercer ses activités aux Bermudes[3].

14.    Le 30 octobre 2006, l’appelante a présenté une demande à la Bermuda Monetary Authority (la « BMA ») sollicitant l’autorisation d’établir une succursale aux Bermudes (la « succursale des Bermudes ») à titre d’assureur à long terme[4].

15.    Avant octobre 2006, les services de M. Doherty, d’Ernst & Young S.E.N.C.R.L./s.r.l., avaient été retenus pour effectuer du travail pour l’appelante et Bermuda Limited. En octobre et en novembre 2006, M. Doherty a aussi retenu les services d’Assurage Actuariat Consulting Inc. pour l’aider dans son travail[5].

16.    Par résolution des actionnaires datée du 10 novembre 2006[6], Standard Life plc a ratifié, confirmé et approuvé en principe ce qui suit :

a)      l’établissement de la succursale des Bermudes;

b)      le plan d’affaires présenté au conseil d’administration;

c)      la nomination de M. Doherty d’Ernst & Young en qualité d’actuaire autorisé en vertu des lois des Bermudes;

d)      l’injection de capitaux dans la succursale des Bermudes;

e)      la nomination des vérificateurs de [l’appelante] à titre de vérificateurs de la succursale des Bermudes.

17.    Dans une lettre datée du 17 novembre 2006[7], la BMA a informé Appleby Hunter Bailhache que la demande de l’appelante avait été approuvée sous réserve et après examen des éléments suivants :

a)      la confirmation que l’appelante accepterait que son permis soit assorti d’une restriction importante lui interdisant d’exercer d’autres activités que celles de souscrire de la réassurance d’une société affiliée, sans avoir obtenu au préalable l’approbation écrite de la BMA;

b)      un engagement selon lequel l’appelante embauchera un assureur d’expérience en produits de réassurance avant de souscrire de la réassurance de sociétés non liées et sollicitera l’approbation de la BMA à l’égard de cet assureur et du plan d’affaires connexe (qui inclura une explication détaillée de la souscription de réassurance auprès de sociétés non liées).

18.    Le 21 novembre 2006, l’appelante a répondu à la BMA pour lui fournir la confirmation et l’engagement demandés dans la lettre du 17 novembre 2006. Plus particulièrement, l’appelante a pris l’engagement d’engager un assureur d’expérience en produits de réassurance, qui pouvait être un particulier ou un cabinet, à obtenir l’approbation de la BMA à l’égard de cet assureur et à obtenir l’approbation de la BMA à l’égard du plan d’affaires connexe incluant une explication détaillée de la souscription de réassurance auprès de sociétés non liées, avant de souscrire de la réassurance de sociétés non liées[8].

19.    Le 28 novembre 2006, un document concernant l’établissement de la succursale des Bermudes a été présenté pour approbation à une réunion du conseil d’administration de Standard Life plc[9].

20.    Le 7 décembre 2006, conformément aux articles 134 et 136 du The Companies Act 1981 (Bermudes), la BMA a délivré un permis à l’appelante[10].

21.    Le 7 décembre 2006, l’appelante a envoyé des lettres à Swiss Re Life and Health Canada, à Lincoln National Life Insurance Company et à RGA Compagnie de réassurance‑vie du Canada[11], des sociétés cédantes avec lesquelles Bermuda Limited avait déjà conclu des accords de réassurance.

22.    Au 12 décembre 2006, l’appelante avait terminé un plan d’affaires concernant l’établissement de la succursale des Bermudes, plan qui a été présenté à son conseil d’administration et approuvé par celui-ci à l’occasion d’une réunion tenue le 15 décembre 2006. À cette réunion, le conseil d’administration a également approuvé la délégation de pouvoir au « directeur général » de la succursale des Bermudes – qui n’était pas encore engagé – pour signer les documents pour le compte de l’appelante aux Bermudes[12].

23.    Le 21 décembre 2006, l’appelante a été enregistrée par le Registrar of Companies aux Bermudes et l’enregistrement entrait en vigueur le 19 décembre 2006[13].

24.    Le 21 décembre 2006, l’appelante a été enregistrée en qualité d’assureur à long terme conformément au Insurance Act 1978, sous réserve des conditions dont l’enregistrement était assorti. L’enregistrement entrait en vigueur le 19 décembre 2006[14].

25.    Conformément à une lettre de mission datée du 20 décembre 2006, l’appelante a employé Ernst & Young S.E.N.C.R.L./s.r.l. pour fournir des services à la succursale des Bermudes. Dans cette lettre, la succursale des Bermudes a convenu que Mme Mary Stock agirait en qualité d’actuaire indépendante[15].

26.    Le 21 décembre 2006, M. Doherty d’Ernst & Young S.E.N.C.R.L./s.r.l. a été désigné et il a été approuvé par les autorités des Bermudes en qualité d’actuaire pour les besoins du Insurance Act 1978 (Bermudes)[16].

27.    Le 21 décembre 2006, trois lettres ont été envoyées à trois entités étrangères du groupe Standard Life concernant la succursale des Bermudes[17]. L’authenticité de ces lettres n’est pas admise.

28.    Un document daté du 22 décembre 2006 entre Bermuda Limited et la succursale des Bermudes était intitulé Reinsurance Treaty (traité de réassurance, le « traité no 1 »)[18]. L’authenticité de ce document n’est pas admise.

29.     Le traité no 1 stipule que Bermuda Limited convient de réassurer auprès de la succursale des Bermudes 25 % du passif et des obligations au titre des rentes en dollars canadiens souscrites avant le 1er décembre 2006 par Bermuda Limited.

30.     Le traité no 1 stipule qu’il entre en vigueur à la fermeture des bureaux le 31 décembre 2006 et prévoit le transfert d’éléments d’actif d’une valeur égale au passif cédé.

31.     Le traité no 1 déclare que la succursale des Bermudes a pris en charge des provisions techniques s’élevant à 15 384 662 $ et des primes s’élevant à 15 077 302 $ de Bermuda Limited[19].

32.     Le 30 mars 2007, le traité no 1 a été modifié aux Bermudes, et ces modifications stipulaient qu’elles entraient en vigueur le 31 décembre 2006[20].

33.     Le 30 mars 2007, la succursale des Bermudes et Bermuda Limited ont signé un nouveau « traité no 2 », dont l’entrée en vigueur était le 1er janvier 2007, qui stipulait que la succursale des Bermudes réassurait des rentes supplémentaires souscrites par Bermuda Limited avant le 31 décembre 2006[21].

34.     Conformément au traité no 2, la succursale des Bermudes a réassuré et pris en charge d’autres provisions techniques s’élevant à 12 018 000 $ et d’autres primes s’élevant à 11 801 000 $ de Bermuda Limited[22].

35.     Le 6 septembre 2007, trois lettres ont été envoyées à trois entités étrangères au sein du groupe Standard Life concernant la succursale des Bermudes.

D.      Bureaux

36.     En octobre 2006, l’appelante, par l’entremise de Mme France Boudreau, consultante externe de l’appelante à Montréal, a commencé la recherche de bureaux aux Bermudes[23]

37.     Le 18 décembre 2006, un accord relatif à des bureaux de services a été signé avec FSC Management Bermuda Limited pour la fourniture de locaux à bureaux, des installations et services connexes à la succursale des Bermudes. L’accord a été signé et accepté pour le compte de « Standard Life Assurance Company of Canada, Bermuda Branch » [La Compagnie d’assurance Standard Life du Canada, succursale des Bermudes]. Suivant cet accord, la succursale des Bermudes a également obtenu un numéro de téléphone[24].

38.     Le 18 décembre 2006, un bail a été signé pour la location d’un bureau de direction à « Channel House », situé au 104 Longfield Road, bureau 3, Southside, St. David’s, aux Bermudes. Le bail a été signé et accepté pour le compte de « Standard Life Assurance Company of Canada, Bermuda Branch »[25].

39.     Le 22 décembre 2006, l’appelante a, pour le compte de la succursale des Bermudes, payé à l’avance trois mois et demi de loyer pour l’utilisation du bureau de St. David’s[26].

40.     En juillet 2007, la succursale des Bermudes a convenu en principe de louer de nouveaux bureaux situés au 131, rue Front, à Hamilton, aux Bermudes[27].

41.     Le 10 août 2007, la succursale des Bermudes a conclu un contrat avec un entrepreneur pour réaliser un « aménagement » des nouveaux bureaux[28] et a signé un bail le 29 août 2007[29].

42.     Prenant effet le 8 avril 2008, un certificat d’utilisation et un permis d’occupation ont été délivrés à la succursale des Bermudes[30]. La succursale des Bermudes a signé un bail modifié le 9 avril 2008 et l’ouverture à ce nouvel endroit a eu lieu à cette date[31].

E.      Employés

43.     Le 13 décembre 2006, l’appelante a retenu les services d’une entreprise de recrutement des Bermudes, « bermudaREcruit Ltd. », pour trouver un candidat convenable pouvant agir en qualité de « directeur général » de la succursale des Bermudes[32].

44.     Le 18 décembre 2006, la succursale des Bermudes a conclu un contrat de travail[33] avec Mme Elaine Furbert, qui était également une consultante auprès de Appleby Hunter Bailhache[34].

45.     Dans le cadre de son emploi à la succursale des Bermudes, Mme Furbert a reçu un salaire et a eu une assurance-maladie et des avantages sociaux[35].

46.     Le 28 novembre 2007, le contrat de travail de Mme Furbert a été modifié[36].

47.     Vers la fin de 2007, l’appelante a retenu les services d’Elliott Partnership pour trouver un directeur général[37].

48.     Le 5 décembre 2007, la succursale des Bermudes a conclu un contrat en vue d’engager M. Michael Downie en qualité de directeur général[38]. Il a commencé à travailler pour la succursale des Bermudes à compter du 1er janvier 2008. Mme Furbert a continué à travailler pour la succursale des Bermudes jusqu’au 26 août 2010.

F.      Arrangements bancaires et dépôts réglementaires

49.     Le 8 décembre 2006, l’appelante a ouvert un compte bancaire aux Bermudes auprès de The Bank of N.T. Butterfield & Son Limited[39].

50.     Le 27 décembre 2006, l’appelante a transféré 427 955,15 $US dans ce compte bancaire[40].

51.     En février 2007, l’appelante a obtenu de son conseil d’administration les approbations nécessaires pour autoriser la succursale des Bermudes à ouvrir de nouveaux comptes bancaires au besoin, sous réserve de limites monétaires précises[41]. Le « directeur général » de la succursale des Bermudes était également expressément autorisé à gérer ces comptes bancaires.

52.     L’appelante a déposé les déclarations annuelles auprès de la division d’assurance de la BMA à l’égard de 2006 et de 2007[42].

G.     Biens de 2006 visés par le présent appel

53.     Dans sa déclaration de revenus produite au titre de la partie I de la Loi pour l’année d’imposition 2006, l’appelante a énuméré certains biens à l’« annexe 150 » au motif qu’il s’agissait de biens désignés pour l’année d’imposition 2006 suivant l’article 2401 du Règlement de l’impôt du revenu (le « Règlement ») pour l’année (les « biens désignés de 2006 »).

54.     Des biens que l’appelante a déclarés comme étant des biens « désignés » appartenaient à l’appelante à la fin de l’année d’imposition 2005 (les « biens de 2006 »). Pour l’année d’imposition 2005, l’appelante n’a pas rempli la partie de l’annexe 150 qui concernait le passif de réserve et le relevé des biens de placement[43].

55.     Les biens de 2006 comportaient des obligations, des placements hypothécaires, des fonds communs de placement, des placements dans des fonds distincts, des placements immobiliers et des placements de coentreprise. Aucun des biens de 2006 n’était un « bien évalué à la valeur du marché » de l’appelante pour l’année d’imposition 2005 (au sens du paragraphe 142.2(1) de la Loi).

56.     L’appelante n’était pas en mesure ni n’avait le droit de désigner des biens d’assurance ou de ne pas désigner des biens d’assurance pour l’année d’imposition 2005, puisque selon la condition préalable à une telle désignation, selon l’article 2401 du Règlement pour l’application de la définition de « bien d’assurance désigné » au paragraphe 138(12), l’assureur doit exploiter une entreprise d’assurance au Canada et à l’étranger au cours de l’année.

H.      Biens de 2007 visés par le présent appel

57.     Dans sa déclaration de revenus produite au titre de la partie I de la Loi pour l’année d’imposition 2007, l’appelante a énuméré certains biens à l’« annexe 150 » au motif qu’il s’agissait de biens désignés pour l’année d’imposition 2007 conformément à l’article 2401 du Règlement (les « biens désignés de 2007 »).

58.     Des biens que l’appelante a déclarés comme étant des biens « désignés » appartenaient à l’appelante à la fin de l’année d’imposition 2006 (collectivement appelés les « biens de 2007 »). Les biens de 2007 comportaient des obligations, des placements hypothécaires, des fonds communs de placement, des placements dans des fonds distincts et des placements immobiliers.

59.     Aucun des biens de 2007 n’était un « bien évalué à la valeur du marché » de l’appelante pour l’année d’imposition 2005 (au sens du paragraphe 142.2(1) de la Loi).

I.       Nouvelles cotisations

60.     Au moyen de nouvelles cotisations, dont l’avis était daté du 6 décembre 2011 et du 28 juin 2012 (les « nouvelles cotisations »)[44], le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour modifier les montants inclus ou déduits dans le calcul de son revenu et de l’impôt exigible au titre de la partie I de la Loi pour les années d’imposition 2006 et 2007.

61.     Le fondement des nouvelles cotisations était que le paragraphe 138(11.3) ne s’appliquait pas aux années d’imposition 2006 et 2007.

62.     Plus précisément, dans la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2006, le ministre a modifié ainsi les montants inclus ou déduits à l’égard des biens de 2006 dans le calcul du revenu de l’appelante au titre de la partie I de la Loi pour l’année d’imposition 2006 :


Biens de 2006

Selon la déclaration

Inclusion (ou déduction) dans le revenu selon la nouvelle cotisation de 2006

Augmentation (ou diminution) de revenu par rapport à la déclaration

Obligations

41 897 089 $

51 119 655 $

9 222 566 $

Placements immobiliers

(9 852 496 $)

0 $

9 852 496 $

Fonds communs de placement

1 076 046 $

2 472 986 $

1 396 940 $

Placements dans des fonds distincts

801 011 $

1 771 856 $

970 845 $

Immobilier :

 

 

 

Récupération

184 083 638 $

4 661 155 $

(179 422 483 $)

Perte finale

42 983 633 $

(104 841 $)

42 878 792 $

Déduction pour amortissement

(37 149 340 $)

(26 050 743 $)

11 098 597 $

Gains en capital

7 586 697 $

11 193 706 $

3 607 009 $

63.     De même, dans la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2007, le ministre a rajusté ainsi les montants inclus (ou déduits) par l’appelante dans le calcul de son revenu au titre de la partie I de la Loi pour l’année d’imposition 2007 à l’égard des biens désignés de 2006 et des biens désignés de 2007 :

 

Biens désignés
de 2006 et de 2007

Selon la déclaration

Inclusion (ou déduction) dans le revenu selon la nouvelle cotisation de 2007

Augmentation (ou diminution) du revenu selon la nouvelle cotisation  par rapport à la déclaration

Obligations

36 893 653 $

41 031 970 $

4 138 317 $

Obligations; montants transitoires[45]

(14 335 485 $)

103 199 822 $

117 535 307 $

Placements immobiliers

(41 220 684 $)

(626 268 $)

40 594 416 $

Placements dans des fonds distincts et fonds communs de placement

(11 954 022 $)

19 121 005 $

7 166 982 $

Immobilier :

 

 

 

Récupération

1 906 037 $

11 234 408 $

9 328 371 $

Déduction pour amortissement

(33 668 653 $)

(23 043 493 $)

10 625 160 $

Gains en capital

11 678 776 $

8 870 955 $

(2 807 781 $)

J.       Oppositions

64.     Par voie d’avis d’opposition datés du 4 janvier 2012 et du 25 septembre 2012, l’appelante s’oppose dûment aux nouvelles cotisations[46].

Les parties aux présentes conviennent que le présent exposé conjoint n’empêche aucune d’entre elles de présenter des éléments de preuve pour compléter les faits reconnus aux présentes, étant entendu que ces éléments de preuve ne peuvent contredire les faits reconnus.

DATÉ à Toronto, dans la province de l’Ontario, ce 30e jour de septembre 2014.

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L/s.r.l.

    (signature de Hemant Tilak)   

Par : Al Meghji

Hemant Tilak

Pooja Samtani

Osler, Hoskin & Harcourt

S.E.N.C.R.L/s.r.l.

C.P. 50

1, First Canadian Place

Toronto (Ontario)  M5X 1B8

Tél. :       416-862-5677

Téléc. :   416-862-6666

Avocats de l’appelante

DATÉ à Toronto, dans la province de l’Ontario, ce 30e jour de septembre 2014.

Sous‑procureur général du Canada

    (signature de Jenna Clark) 

Par : Naomi Golstein

Jenna Clark

Stephen Oakey

Services du droit fiscal

Ministère de la Justice du
Canada

Bureau régional de l’Ontario

The Exchange Tower

Bureau 3400, CP 36

130, rue King ouest

Toronto (Ontario)  M5X 1K6

Tél. :    416-973-2334

Téléc. : 416-973-0810

Avocats de l’intimée


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 97

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2012-1431(IT)G; 2013-203(IT)G

INTITULÉ :

La Compagnie d’assurance Standard Life du Canada et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 6, 7, 8 et 9 octobre 2014 et les 26 et 27 mars 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge F.J. Pizzitelli

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 avril 2015

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Hemant Tilak

Me Pooja Samtani

Me Al Meghji

Me Alexander Cobb

Me Victoria Creighton

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Stephen Oakey

Me Jenna Clark

Avocats inscrits aux dossiers :

Pour l’appelante :

Nom :

Hemant Tilak

 

Cabinet :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] L’Agence du revenu du Canada n’a pas vérifié ces valeurs. Toutefois, la juste valeur marchande de ces éléments d’actif en 2006 et en 2007 n’est pas contestée et n’est pas en cause dans le présent appel.

[2] Voir la note de bas de page 1.

[3] Note, Recueil conjoint de documents, onglet 1.

[4] Lettre, Recueil conjoint de documents, onglet 2.

[5] Factures, Recueil conjoint de documents, onglet 3.

[6] Résolution, Recueil conjoint de documents, onglet 4.

[7] Lettre, Recueil conjoint de documents, onglet 5.

[8] Lettre, Recueil conjoint de documents, onglet 6.

[9] Procès-verbal de la réunion du conseil d’administration et proposition d’établissement d’une succursale de La Compagnie d’assurance Standard Life du Canada aux Bermudes, daté du 28 novembre 2006, Recueil conjoint de documents, onglet 7.

[10] Permis, Recueil conjoint de documents, onglet 8.

[11] Lettres, Recueil conjoint de documents, onglet 9.

[12] Procès-verbal du conseil d’administration, plan d’affaires – 2006-2010, daté du 12 décembre 2006, recueil conjoint de documents, onglet 10.

[13] L’enregistrement était daté du 21 décembre 2006.

[14] Certificat d’enregistrement daté du 21 décembre 2006, Recueil conjoint de documents, onglet 11.

[15] Lettre de mission, Recueil conjoint de documents, onglet 12.

[16] Certificat, Recueil conjoint de documents, onglet 13.

[17] Lettres, Recueil conjoint de documents, onglet 14.

[18] Traité en sa forme actuelle, tel qu’il a été certifié le 9 juillet 2013, Recueil conjoint de documents, onglet 15.

[19] États financiers non vérifiés de 2006, Recueil conjoint de documents, onglet 16.

[20] Modification du traité, Recueil conjoint de documents, onglet 19.

[21] Traité no 2, Recueil conjoint de documents, onglet 17.

[22] États financiers non vérifiés de 2007, Recueil conjoint de documents, onglet 18.

[23] Note au dossier, Recueil conjoint de documents, onglet 20; divers documents tirés de la recherche de bureaux, Recueil conjoint de documents, onglet 21.

[24] Accord relatif à des bureaux de services, Recueil conjoint de documents, onglet 22.

[25] Ibid., photographies du bureau de St. David’s, Recueil conjoint de documents, onglet 23.

[26] Livre comptable, Recueil conjoint de documents, onglet 24.

[27] Entente de principe, Recueil conjoint de documents, onglet 25.

[28] Contrat, Recueil conjoint de documents, onglet 26.

[29] Bail, Recueil conjoint de documents, onglet 27.

[30] Certificat d’utilisation et permis d’occuper, Recueil conjoint de documents, onglet 28.

[31] Bail modifié, Recueil conjoint de documents, onglet 29.

[32] Contrats de recrutement, Recueil conjoint de documents, onglet 30.

[33] Contrat de travail, Recueil conjoint de documents, onglet 31.

[34] Mme Furbert a été admise à titre de comptable agréée en 1981 et est membre de l’Insitute of Chartered Accountants of England and Wales. Mme Furbert fournissait des services de consultation auprès de Reid Management Limited depuis 1999. Cette société a agi comme représentant principal de la succursale des Bermudes et se spécialise dans la prestation de services juridiques, fiduciaires et administratifs. À compter du 31 août 2008, la raison sociale Reid Management Limited est devenue Appleby Management (Bermuda) Ltd.

[35] Contrat de travail, Recueil conjoint de documents, onglet 31.

[36] Modification du contrat signé le 18 décembre 2006, Recueil conjoint de documents, onglet 32.

[37] Lettre, Recueil conjoint de documents, onglet 33.

[38] Contrat de travail, Recueil conjoint de documents, onglet 34.

[39] Autorisation d’ouvrir un compte bancaire et documents de l’ouverture du compte, Recueil conjoint de documents, onglet 35.

[40] Transfert, Recueil conjoint de documents, onglet 36.

[41] Extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de La Compagnie d’assurance Standard Life du Canada tenue le 22 février 2007, Recueil conjoint de documents, onglet 37.

[42] Déclarations annuelles, Recueil conjoint de documents, onglet 38.

[43] Annexe 150 de la déclaration de revenus de 2005, onglet 39.

[44] Nouvelles cotisations, Recueil conjoint de documents, onglets 40 et 41.

[45] Montants transitoires touchés par les paragraphes 142.5(2), 142.51(3) et 142.51(5) de la Loi.

[46] Oppositions, Recueil conjoint de documents, onglets 42 et 43.

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