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Dossier : 2013-4636(EI)

ENTRE :

MARIA COSTODIA RIZZO,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

BOND INTERNATIONAL COLLEGE,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Maria Costodia Rizzo (2013-4637(CPP)) le 25 février 2015, à Hamilton (Ontario).

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Dominique Gallant

Représentant de l’intervenant :

M. Hugh McKeown

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national datée du 31 octobre 2013 est confirmée.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour d’avril 2015.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juin 2015.

 

M.-C. Gervais


Dossier : 2013-4637(CPP)

ENTRE :

MARIA COSTODIA RIZZO,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

BOND INTERNATIONAL COLLEGE,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Maria Costodia Rizzo (2013-4636(EI)) le 25 février 2015, à Hamilton (Ontario).

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Dominique Gallant

Représentant de l’intervenant :

M. Hugh McKeown

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision du ministre du Revenu national datée du 31 octobre 2013 est confirmée.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour d’avril 2015.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juin 2015.

 

M.-C. Gervais


Référence : 2015 CCI 103

Date : 20150427

Dossiers : 2013-4636(EI)

2013-4637(CPP)

ENTRE :

MARIA COSTODIA RIZZO,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

BOND INTERNATIONAL COLLEGE,

intervenant.

[traduction française officielle]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]             Ces deux appels ont été entendus ensemble, étant donné qu’ils portent sur la même question.

a)                 L’appelante occupait-elle un emploi ouvrant droit à pension auprès de son employeur au sens du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le « RPC ») du 15 août 2012 au 16 novembre 2012 (la « période »)?

b)                L’appelante occupait-elle un emploi assurable auprès de son employeur au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la « LAE ») du 15 août 2012 au 16 novembre 2012?

[2]             La réponse à ces deux questions est simplement « non ». Par conséquent, les deux appels doivent être rejetés.

Contexte factuel :

[3]             L’appelante exerce la profession d’enseignante depuis le milieu des années 1980.

[4]             L’employeur, Oxstand-Bond International College (ci-après « Oxstand »), exploite une école qui offre à des étudiants de la République populaire de Chine le programme scolaire ontarien ainsi que des crédits d’études menant à l’obtention du diplôme d’études secondaires de l’Ontario. Oxstand est inscrite auprès de la division des écoles à l’étranger du ministère de l’Éducation de l’Ontario. Oxstand est une entreprise enregistrée en Chine, sise au 2040 Buxin Road, district de Luohu, à Shenzhen, en République populaire de Chine. Oxstand n’exerce pas ses activités au Canada, bien que certaines de ses entités affiliées, comme le Bond International College, Bond Schools International and Bond Education Group, exercent certaines de leurs activités au Canada.

[5]             L’intervenant, Bond International College (ci-après, « BIC »), est situé au 1500 Birchmount Road, à Toronto. Il est inscrit à titre d’école privée auprès du ministère de l’Éducation de l’Ontario. BIC est autorisé à octroyer des crédits d’études menant à l’obtention du diplôme d’études secondaires de l’Ontario. BIC soutient catégoriquement qu’il n’est pas et qu’il n’a jamais été l’employeur de l’appelante.

[6]             Bond Schools International (ci-après « BSI »), une entreprise également située au 1500 Birchmount Road, à Toronto, fournit des conseils à des écoles chinoises qui désirent offrir un programme scolaire canadien dans le but de délivrer des diplômes d’études secondaires canadiens en Chine. BSI est enregistrée en Chine et je constate qu’elle exerce également certaines de ses activités au Canada. BSI a conclu un contrat avec Oxstand, selon lequel cette dernière recrute et recommande des enseignants qui désirent exercer leur profession en Chine.

[7]             L’entreprise Bond Education Group (ci-après « BEG ») est également située au 1500 Birchmount Road, à Toronto, au Canada. M. Hugh McKeown assume la direction des programmes internationaux de BEG et il occupe le rôle de directeur canadien pour le compte d’Oxstand. M. Mckeown avait pour tâche d’assurer aux parents qu’un éducateur canadien fournissait des conseils au nom d’Oxstand. Selon M. McKeown, BEG est une organisation-cadre.

[8]             Le 23 juillet 2012, l’appelante a conclu un contrat avec Oxstand, dans lequel elle a convenu d’aller enseigner en République populaire de Chine (tel qu’il appert de la pièce A‑1). Ce contrat devait durer deux ans, soit du 15 août 2012 au 15 août 2014. Ce contrat d’emploi était détaillé; il renfermait même des dispositions sur le transport aérien, l’hébergement, l’assurance-maladie, etc. Oxstand a convenu d’aider raisonnablement l’appelante à obtenir un visa, un permis de travail ou une carte de résidence et de payer les frais y afférents. Oxstand a également convenu de verser tous les impôts chinois applicables pour le compte de l’appelante. Les parties ont conclu que le contrat [traduction] « sera[it] régi et interprété conformément aux lois de la République populaire de Chine » et qu’elles [traduction] « s’en remett[ai]ent à la juridiction des tribunaux de la République populaire de Chine concernant les obligations et les créances liées aux présentes ». L’appelante a signé le contrat en son propre nom, et M. Hugh McKeown, de BEG, l’a signé à la fois pour Oxstand et au nom de cette dernière. M. McKeown a déclaré que BEG et lui-même étaient autorisés par Oxstand à recruter des enseignants ontariens compétents et à conclure des contrats avec eux et à recourir à leurs services afin qu’ils aillent enseigner en Chine. Toutefois, M. McKeown affirme catégoriquement que ni lui, ni BEG, BIC ou BSI n’étaient l’employeur de l’appelante; M. McKeown et BEG ont agi uniquement pour le compte d’Oxstand et en son nom afin de recruter des enseignants.

[9]             L’appelante s’est bel et bien rendue en Chine afin d’enseigner, comme le prévoyait son contrat avec Oxstand. Elle a enseigné du 27 août 2012 au 16 novembre 2102, date à laquelle son emploi a pris fin pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les questions que la Cour doit trancher. Il apparaît clairement que, bien des questions demeurent non résolues entre l’appelante et M. McKeown, mais celles‑ci n’ont aucune incidence sur la question de savoir si l’emploi de l’appelante ouvrait ou non droit à pension au titre du RPC et était un emploi assurable au titre de la LAE.

[10]        L’appelante a dû quitter la Chine, prétendument parce qu’elle violait le statut de son visa en Chine et qu’elle était réputée habiter en Chine illégalement. À son retour au pays, l’appelante a fait une demande de prestations au titre du programme canadien d’assurance-emploi en janvier 2013. Un renvoi a été fait afin de déterminer le statut de son emploi chez Oxstand du 15 août au 16 novembre 2012. Le 8 mai 2013, on a rendu une décision selon laquelle l’emploi de l’appelante auprès d’Oxstand n’ouvrait pas droit à pension au titre du RPC et n’était pas assurable au titre de la LAE, compte tenu du fait qu’elle avait fourni des services à l’étranger, et que, par conséquent, l’emploi en question ne correspondait ni à la définition d’un emploi ouvrant droit à pension, ni à celle d’un emploi assurable. Elle a fait appel de cette décision au ministre du Revenu national (le « ministre »), qui a confirmé la décision le 31 octobre 2013. L’appelante a alors interjeté appel devant la Cour.

[11]        Les actes de procédure, la documentation examinée et les témoignages démontrent clairement que l’appelante travaillait pour Oxstand, à Shenzhen, en Chine, aux termes d’un contrat de louage de services. Oxstand a traité l’appelante comme une employée, en effectuant les retenues à la source applicables et en payant l’impôt sur le revenu de la Chine pour son compte. Il n’existe aucun accord de sécurité sociale entre le Canada et la Chine qui ferait correspondre l’emploi de l’appelante auprès d’Oxstand à la définition d’un emploi ouvrant droit à pension ou à celle d’un emploi assurable. La vraie question consiste à savoir si Oxstand est un employeur canadien ou non, et si l’appelante résidait habituellement ou non au Canada. Si tel était le cas, alors elle occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

Dispositions législatives

[12]        La disposition applicable du RPC est libellée en ces termes :

6(1) Emplois ouvrant droit à pension — Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a) l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

[…]

[13]        L’article 16 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385 (le « RRPC ») est en partie rédigé ainsi :

16(1) L’emploi ouvrant droit à pension comprend l’emploi hors du Canada (sauf l’emploi dans le transport international) qui ouvrirait droit à pension s’il était exercé au Canada, si l’employé qui l’occupe

a) se présente ordinairement au travail à un établissement de son employeur situé au Canada;

b) est un résident du Canada et reçoit son salaire à un établissement de son employeur situé au Canada ou dudit établissement;

[…]

[14]        L’alinéa 5(1)a) de la LAE est rédigé en ces termes :

5(1) Sens de « emploi assurable » – Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[…]

[15]        L’article 5 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le « RAE ») est rédigé ainsi :

5. L’emploi exercé à l’étranger, autre que celui exercé à bord d’un navire conformément à l’article 4, est inclus dans les emplois assurables s’il satisfait aux exigences suivantes :

a) il est exercé par une personne qui réside habituellement au Canada;

b) il est exercé entièrement ou partiellement à l’étranger au service d’un employeur qui réside ou a un établissement au Canada;

c) il serait un emploi assurable s’il était exercé au Canada;

d) il n’est pas un emploi assurable selon les lois du pays où il est exercé.

Analyse

[16]        Généralement, l’emploi doit être exercé au Canada pour ouvrir droit à pension ou être assurable au titre du RPC ou de la LAE. On prévoit certaines exceptions pour un travailleur qui exerce un emploi à l’étranger pour le compte du gouvernement canadien ou d’une entreprise qui réside ou a un établissement au Canada. Dans un tel cas, le travailleur doit habituellement résider au Canada, il doit ordinairement se présenter au travail à un établissement de son employeur situé au Canada et recevoir son salaire à un établissement de son employeur situé au Canada ou dudit établissement. Le Canada a conclu des accords de sécurité sociale avec de nombreux pays, grâce auxquels des emplois exercés à l’étranger ouvrent droit à pension, pourvu qu’ils remplissent certains critères; or, la Chine ne fait pas partie de ces pays.

[17]        L’appelante, pour une raison quelconque, semble croire que l’intervenant, BIC, était son employeur. Or, BIC prétend que l’appelante n’a jamais été son employée, et qu’elle était en fait l’employée d’Oxstand pendant toute la période en cause. Bien qu’il existe un lien entre Oxstand et M. McKeown, BSI, BIC ou BEG, Oxstand constitue une entité juridique distincte. Un contrat de travail avec Oxstand n’est pas un contrat avec BIC. J’en conviens. Le contrat de travail stipule clairement que l’employeur est Oxstand, de la République populaire de Chine, et non BIC. Il est difficile de comprendre pourquoi BIC est même concerné par la présente instance.

[18]        L’intimé prétend que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pour le compte de son employeur lors de la période en question parce que l’employeur n’était pas résident du Canada et n’avait pas d’établissement au Canada. De plus, l’appelante ne résidait pas habituellement au Canada à ce moment‑là et son travail a été entièrement effectué à l’étranger. Je souscris à la prétention de l’intimée.

[19]        Oxstand n’était pas un employeur résident du Canada et n’y exerçait aucune activité. Oxstand était une entreprise enregistrée en Chine, dont l’établissement était situé au 2040 Buxin Road, district de Luohu (Shenzhen), en République populaire de Chine. C’est ainsi que le contrat de travail décrit Oxstand. À mon avis, l’appelante avait conclu un contrat avec Oxstand aux termes duquel elle devait enseigner en Chine. Elle avait conclu son contrat de travail avec Oxstand et personne d’autre. Elle travaillait sous la supervision et la direction d’Oxstand, qui lui versait une rémunération en devises chinoises et dans un compte bancaire en Chine. Oxstand a payé tous les impôts chinois applicables pour le compte de l’appelante. Oxstand n’a pas payé d’impôt canadien et n’a pas non plus effectué ni versé de retenues à la source au gouvernement fédéral ou au gouvernement de l’une ou l’autre des provinces du Canada. L’ensemble des livres, des dossiers, des statuts constitutifs et des comptes bancaires ainsi que le sceau d’entreprise se trouvaient en Chine. Selon moi, Oxstand était incontestablement un employeur résidant en République populaire de Chine, il ne résidait en aucun cas au Canada et n’exerçait pas d’activité au Canada.

[20]        J’arrive également à la conclusion que l’appelante n’était pas résidente du Canada, pas plus qu’elle n’exerçait son emploi au Canada au cours de la période pertinente. Elle devait effectuer l’ensemble de ses tâches à l’école de l’employeur, située à Shenzhen, en Chine. Elle habitait dans un condominium en Chine. Elle touchait une rémunération en devises chinoises, qui était déposée dans son compte bancaire à Shenzhen, en Chine. Elle n’a payé aucun impôt canadien et n’a pas versé de cotisations au Régime de pensions du Canada, ni de cotisations d’assurance-emploi alors qu’elle travaillait en Chine. Elle avait cessé de vivre au Canada, elle s’était engagée à vivre et à travailler à Shenzhen, en Chine, pendant deux ans, période initiale qui aurait pu se prolonger. En remplissant sa déclaration de revenus pour 2012 au Canada, elle n’a pas déclaré le revenu qu’elle avait gagné alors qu’elle vivait en Chine. En fait, ce n’est que le jour précédent l’audience qu’elle a déposé une demande de redressement relativement à sa déclaration de revenus pour 2012 afin d’y inclure les revenus gagnés à l’étranger. Il est manifestement clair que, pendant la période en question, l’appelante ne résidait et ne travaillait pas au Canada, et qu’elle était disposée à travailler à l’étranger pendant au moins deux ans.

[21]        Une fois de plus, je souscris à la décision du ministre selon laquelle l’employeur, Oxstand, n’avait pas d’établissement au Canada pendant la période et l’appelante ne résidait pas habituellement au Canada au cours de celle-ci. L’appelante a fourni des services à l’extérieur du Canada à un employeur étranger, et ces services ne peuvent être considérés comme un emploi assurable ou ouvrant droit à pension. Par conséquent, l’emploi de l’appelante ne satisfaisait pas aux critères du paragraphe 16(1) du RRPC ou de l’article 5 du RAE pendant la période. Par conséquent, l’appelante n’exerçait pas un emploi ouvrant droit à pension au sens du RPC ni un emploi assurable au sens de la LAE au cours de la période.

Conclusion

[22]        Pour les motifs qui précèdent, les appels sont rejetés.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour d’avril 2015.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juin 2015.

 

M.-C. Gervais


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 103

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-4636(EI), 2013-4637(CPP)

INTITULÉ :

MARIA COSTODIA RIZZO ET M.R.N. ET BOND INTERNATIONAL COLLEGE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 février 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 avril 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimé :

Me Dominique Gallant

Représentant de l’intervenant :

M. Hugh McKeown

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Me William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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