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Dossier : 2014-1352(GST)I

ENTRE :

9259-9893 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 20 avril 2015, à Québec (Québec).

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

 

Avocate de l’appelante :

MIsabelle Drouin‑Lessard

Avocat de l’intimée :

MAlex Boisvert

 

JUGEMENT

L’appel des cotisations établies en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise en date du 18 avril 2013, pour la période allant du 22 juillet 2011 au 30 juin 2012, est rejeté selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Kingston, Ontario, ce 22e jour de juillet 2015.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse


Référence : 2015 CCI 189

Date : 20150722

Dossier : 2014-1352(GST)I

ENTRE :

9259-9893 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]             En l’espèce, il s’agit de l’appel des avis de cotisation en date du 18 avril 2013 pour la période du 22 juillet 2011 au 30 juin 2012 (ci-après la « période visée » ), établie à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E15, telle que modifiée (ci-après la « LTA »).

Contexte factuel

[2]             L’appelante est une personne morale dont le siège social est situé au 810, boulevard Wilfrid-Hamel, porte 100, à Québec, province de Québec. Elle est un inscrit aux fins de l’application de la Partie IX de la LTA. M. Daniel Bélanger est l’unique administrateur et actionnaire de l’appelante. L’appelante a exploité des entreprises de marché aux puces et de club échangiste durant la période visée.

[3]             Toutes les fournitures effectuées par l’appelante dans le cadre de ses entreprises sont des activités commerciales et constituent des fournitures taxables pour lesquelles la taxe sur les produits et services (la « TPS ») est payable par les acquéreurs à l’appelante, laquelle devait la percevoir et la remettre au ministre.

[4]             M. Claude Désilets vérificateur fiscal pour l’Agence du revenu, a effectué une vérification des affaires de l’appelante entre les mois de janvier et mars 2013. Lors de cette vérification, il s’en est rendu compte, que quoique la tenue des livres de l’appelante fût informatisée, les registres et les livres comptables de l’appelante étaient incomplets et déficients en ce qu’aucune vente taxable effectuée en argent comptant n’a été comptabilisée aux livres. M. Désilets a donc analysé les dépôts bancaires effectués par l’appelante. Il s’est rendu compte que les revenus étaient peu élevés pour l’année vérifiée, et que tous les revenus provenaient de cartes de débit et cartes de crédit. Il n’y avait aucun revenu en argent comptant. Par contre, lors de l’examen des dépôts bancaires, il fut constaté que l’appelante a effectué des dépôts en argent comptant qui étaient tous comptabilisés dans le compte « dû à M. Bélanger » dans les livres de l’appelante. L’appelante a effectué un total de 10 dépôts bancaires en argent comptant pour la période visée; à savoir :

Août 2011

6 220,00 $

Septembre 2011

3 250,00 $

Octobre 2011

4 200,00 $

Novembre 2011

5 852,00 $

Janvier 2012

4 000,00 $

Février 2012

3 270,00 $

Mars 2012

3 800,00 $

Avril 2012

1 220,00 $

Mai 2012

4 118,00 $

Juin 2012

2 163,00 $

Total

38 093,00$

 

[5]             Les ventes comptabilisées aux livres dans les « revenus par carte de débit et carte de crédit » ainsi que les ventes comptabilisées aux livres dans les « revenus par chèque » totalisent 7 913,81 $ pour la période visée – un montant très inférieur au montant déposé en argent comptant. M. Bélanger a toujours prétendu qu’aucun client de l’appelante n’ait payé en argent comptant et les dépôts qui ont été faits en argent comptant provenaient de l’argent qu’il conservait dans un coffre-fort à la maison, pour l’avancer à l’appelante comme investissements. D’après le vérificateur, ceci n’était pas vérifiable et il n’y avait aucune preuve documentaire à l’appui de cette prétention sauf les affirmations verbales de M. Bélanger. Le vérificateur était d’avis qu’il est très peu probable qu’aucun client n’ait payé en argent comptant comme le prétendait M. Bélanger. Cette prétention de l’appelante n’est ni vraisemblable ni raisonnable.

[6]             Le vérificateur a donc considéré que les dépôts en argent comptant étaient des revenus non déclarés incluant les taxes. M. Désilets était d’avis que l’appelante n’a pas été en mesure de justifier par des preuves documentaires que les montants déposés en argent comptant dans son compte bancaire n’étaient pas du revenu sur lequel les taxes devaient être perçues et remises au ministre.

[7]             Le 18 avril 2013, le ministre a établi des cotisations pour la TPS sur ces revenus non déclarés à l’égard de l’appelante pour la période visée, quel montant s’élevait à 3 587,49 $ plus intérêt. Ces cotisations ont apporté des rajustements au calcul de la TPS et les crédits de taxe sur les intrants déclarés par l’appelante. Le 9 juillet 2013, l’appelante a présenté au ministre un avis d’opposition à l’encontre des cotisations en cause. Le 9 janvier 2014, en réponse à l’avis d’opposition, le ministre a confirmé les cotisations – d’où le présent appel.

[8]             L’appelante conteste seulement le montant de 1 664,40 $ qui est la TPS ajoutée sur les revenus supposément non déclarés.

[9]             M. Daniel Bélanger a témoigné. Il est un homme d’affaires. Il est l’unique administrateur et actionnaire de l’appelante. Au début, l’appelante exploitait une entreprise de centre de liquidation, mais cette entreprise n’a pas réussi. Donc, l’appelante a établi un club échangiste en 2010. Il admet qu’il a déposé des montants totalisant 38 093,00 $ en argent comptant dans le compte bancaire de l’appelante. Il nous a expliqué que depuis 1979 il avait mis l’argent de côté au cours des années. Dans le passé, il occupait plusieurs emplois comme serveur dans les bars et il nous a dit qu’il se faisait payer en argent comptant. Il a mis tout l’argent qu’il gagnait dans un coffre qu’il gardait à la maison. Il n’a pas dépensé l’argent qu’il a mis de côté, sauf pour payer ses besoins, et il ne l’a jamais déposé à la banque. Il a été élevé à ne pas faire confiance aux banques. Il économisait tout le temps et il ne se permettait pas l’achat de choses neuves ou de se payer des voyages. Il n’a jamais fait de surplus de dépenses.

[10]        M. Bélanger nous a dit que lorsque son père est décédé, il a reçu un montant d’argent comme héritage que son père conservait aussi dans un coffre-fort. M. Bélanger a placé cet argent dans son coffre à la maison. Quelques années après, sa mère est décédée et il a reçu un autre montant d’argent qu’il a placé dans son coffre. De plus, la fille de la conjointe de M. Bélanger est décédée et sa conjointe a reçu une somme d’argent dépassant 100 000,00 $ à titre d’assurance vie. Cet argent fut aussi placé dans le coffre à la maison. La conjointe de M. Bélanger a aussi vendu une maison qui lui a été laissée en héritage par son père. Elle a reçu la somme de 75 000,00 $ de la vente de la maison. Ce somme d’argent fut aussi placé dans le coffre à la maison. C’est du coffre d’où provient l’argent qu’il a déposé dans le compte bancaire de l’appelante. M. Bélanger prenait l’argent du coffre pour aller le déposer dans le compte bancaire de l’appelante. Il faisait ceci, car l’appelante manquait souvent d’argent pour arriver à payer ses dépenses. M. Bélanger et sa conjointe n’ont pas de placement ou d’investissement.

[11]        En contre-interrogatoire, il est d’accord que son revenu total en 2011 était de 2 036,99 $ et en 2012, son revenu total était seulement 2 511,01 $; des revenus très faibles. Il admet que de temps en temps, l’appelante louait des tables dans des marchés aux puces. Ceci est arrivé 3 ou 4 fois, mais cela n’a pas réussi. Il n’a rien vendu aux marchés aux puces et il nous a dit que l’appelante ne se faisait pas payer en argent comptant aux marchés aux puces. Son commerce de club échangiste fonctionnait seulement par carte de crédit ou carte de débit. Au début, ça fonctionnait par argent comptant, mais ceci a changé durant la période visée en sorte que tous les clients de l’appelante payaient par cartes de débit ou cartes de crédits et non en argent comptant.

[12]        Sylvie Fortin est la conjointe de M. Bélanger. Elle a témoigné qu’elle a reçu un héritage de ses parents, un immeuble, qui valait environ 75 000 $. Elle a vendu cet immeuble en 2001. Elle a pris l’argent et elle l’a mis dans le coffre-fort gardé à la maison. Mme Fortin nous a aussi dit que sa fille est malheureusement décédée en 2006. Mme Fortin était bénéficiaire d’une police d’assurance vie du montant d’environ 100 000,00 $. Elle a reçu l’argent et l’a mis dans son coffre sans l’investir d’aucune façon. Sa mère lui avait toujours dit de ne pas mettre son argent dans la banque et de ne pas faire de placements; mieux mettre son argent dans un coffre ou dans un bas de laine. Par contre, elle admet qu’elle a un compte bancaire personnel pour payer certaines factures comme les assurances. Elle a témoigné que de temps en temps durant les années visées, elle prenait de l’argent du coffre pour en déposer dans le compte bancaire de l’appelante quand l’appelante en avait besoin, par exemple pour payer le loyer. Elle n’est pas en mesure de nous dire combien d’argent qui reste dans le coffre en date d’aujourd’hui.

[13]        En contre-interrogatoire, elle nous a dit qu’elle est une femme d’affaires et qu’elle avait déjà exploité un commerce. Elle connait les obligations reliées à l’exploitation d’une entreprise. En 2011, elle a déclaré un revenu total de 11 919,54 $. En 2012, elle a déclaré un revenu total de 13 376,00 $. Elle admet qu’elle n’a aucune preuve documentaire qui démontre qu’elle aurait encaissé les chèques de 75 000 $ et 100 000 $ pour ensuite retirer l’argent et le mettre dans le coffre à la maison. Elle admet que c’est elle qui préparait les bordereaux de dépôt et qui s’occupait de faire les dépôts à la banque pour l’appelante. La pièce I-8 est un bordereau de dépôt en date du 29 août 2011 d’une somme de 1 550,00 $ en argent comptant. C’est elle qui a préparé ce bordereau. Initialement, elle avait décrit le dépôt comme « revenu marché puce » pour ensuite recouvrir cette inscription avec du papier liquide et y écrire « investissement Dany ». Elle nous a expliqué qu’il s’agit d’une erreur qu’elle a faite en préparant le bordereau de dépôt. Par contre, M. Bélanger nous a dit que l’appelante n’a rien vendu aux marchés aux puces et que l’appelante ne se faisait pas payer en argent comptant aux marchés aux puces. Donc, il est difficile à concevoir comment Mme Fortin a pu être en erreur à l’égard de la provenance de l’argent comptant, objet de ce dépôt, si les marchés aux puces à l’époque ne généraient pas des revenus pour l’appelante en argent comptant.

[14]        La seule question en litige est la provenance du montant de 38 093 $ déposé dans le compte bancaire de l’appelante – s’agit-il de revenu de l’appelante, comme le soutient le ministre, ou s’agit-il d’investissement de la part de M. Bélanger, comme le soutient l’appelante. Autrement dit, en l’espèce il s’agit de déterminer si l’appelante a repoussé la présomption de validité rattachée à la cotisation en cause.

Thèse de l’appelante

[15]        L’appelante soutient que les sommes d’argent en question provenaient du coffre-fort de M. Bélanger et Mme Fortin et non du revenu de l’appelante. Ils ont expliqué comment ils ont reçu cet argent. L’argent est « dû à Dany » et donc n’est pas taxable comme revenu.

[16]        L’appelante demande donc que l’appel soit accordé et que l’affaire soit confiée au ministre pour réévaluation et nouvelle cotisation.

Thèse de l’intimée

[17]        L’intimée soutient que l’argent qui a été déposé au compte bancaire de l’appelante constitue du revenu de l’appelante qui n’a pas été déclaré. De plus, en vertu de l’article 299 de la LTA, la cotisation établie à l’égard de l’appelante est présumée être valide.

[18]        L’intimée exige donc que l’appel soit rejeté.

Analyse

[19]        Il va sans dire qu’une cotisation est réputée valide en vertu de l’article 299 de la LTA. Lorsqu’un contribuable conteste une cotisation devant la Cour canadienne de l’impôt, le fardeau incombe au contribuable de démontrer le mal fondé de la cotisation. L’affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 (C.S.C.), nous enseigne que le ministre se fonde sur des hypothèses pour établir une cotisation et que la charge initiale de démolir les hypothèses formulées par le ministre repose sur le contribuable. Ce dernier s’acquitte du fardeau initial s’il présente au moins une preuve prima facie démolissant l’exactitude des hypothèses formulées par le ministre. Enfin, lorsque le contribuable s’est acquitté de son fardeau initial, le fardeau de la preuve passe au ministre, qui doit alors réfuter la preuve prima facie faite par le contribuable et prouver les hypothèses. Une preuve prima facie est une preuve suffisante pour établir un fait jusqu’à preuve du contraire. Une preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur, que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi; au moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. La Cour d’appel fédérale a précisé que le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement. Dans l’arrêt Voitures Orly Inc. v. Canada, 2005 CAF 425, [2005] G.S.T.C. 200, la Cour d’appel fédérale a statué que l’attribution du fardeau de la preuve au contribuable repose sur un motif très simple et concret; il s’agit de l’entreprise du contribuable. C’est le contribuable qui connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Ces renseignements sur lesquels il exerce un contrôle sont à sa portée. C’est lui qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Le système fiscal est fondé sur l’autocotisation. Tout renversement de la charge du contribuable de fournir et de rapporter les renseignements dont il a connaissance ou qu’il contrôle peut mettre en danger l’intégrité, le caractère contraignant et, par conséquent, la crédibilité du système.

[20]        Dans l’affaire 2868-2656 Québec Inc. c. La Reine, 2003 CCI 277 (CanLII), le juge Tardif a eu à se prononcer sur la responsabilité d’un mandataire pour la perception de taxes. Il nous instruit ainsi aux paragraphes 41 et suivants :

41        Agir comme mandataire pour la perception de taxes exige une transparence impeccable, libre de tout soupçon et surtout, la disponibilité de toutes les pièces justificatives pour être en mesure de faire, en tout temps, la preuve d’une gestion irréprochable et sans faille.

42        Toute faute ou manquement risque de créer des inconvénients et conséquences pénibles, mais ceux et celles dont le comportement a été l’origine des manquements sont les seuls artisans de la situation.

43        En l’espèce l’appelante a délibérément détruit des pièces indispensables à une comptabilité élémentaire. Les pièces et documents disponibles justifiaient largement une forte présomption à l’effet qu’une partie importante des revenus était occultés de la comptabilité.

44        L’appelante a bénéficié de nombreux et importants dépôts, l’appel porte spécifiquement sur la provenance de ces même [s] dépôts.

45        La prépondérance de la preuve confirme les prétentions de l’intimée à l’effet qu’ils provenaient des opérations de l’appelante et non à partir des économies de l’actionnaire unique. Les nombreuses affirmations nébuleuses et contradictions ont complètement vicié la qualité au témoignage de madame Pelletier et ont aussi disqualifié les explications relatives aux opérations de l’appelante.

                                                                                                            [Je souligne]

[21]        Dans Ruest c. La Reine, 1999 CanLII 346 (CCI), les cotisations ont été établies par « avoir net », l’appelant ne disposant d’aucune comptabilité ou système comptable relatif à ses affaires. Comme les revenus de l’appelant n’étaient pas suffisants pour justifier ses dépenses et ses actifs, Revenu Canada a conclu qu’il avait profité et bénéficié de revenus supérieurs à ceux qu’il avait déclarés. Comme en l’espèce, l’appelant a soutenu avoir profité d’un capital de plus de 30 000 $, constitué de deux différentes sources; 1) 20 000 $ provenant de la vente d’une partie de sa collection de cartes de hockey, et 2) un don de 10 000 $ de son père. L’appelant utilisait très peu ses comptes bancaires dans le cadre de ses activités économiques, transigeant la plupart du temps avec de l’argent comptant.

[22]        Le juge Tardif, en rejetant l’appel, s’est prononcé ainsi à l’égard du fardeau de la preuve qui incombe à l’appelant :

[13] En droit fiscal, le fardeau de la preuve incombe à l’appelant et il doit, par une prépondérance de preuve, établir le bien-fondé de ses prétentions. Pour ce faire, il doit démontrer, par une preuve cohérente et vraisemblable, que ses conclusions reposent sur des assises crédibles et vérifiables.

[14] Une cotisation établie par « avoir net » sous-entend une analyse et considération de plusieurs composantes s’échelonnant sur une ou plusieurs années. Le résultat de l’exercice permet de constater certains écarts qui s’avèrent généralement le fondement de la cotisation. La réponse ou réplique facile, voire simpliste, pour expliquer l’écart ou les écarts est le recours à une entrée de fonds soudaine, originale, qui explique et justifie tout.

[15] Cela est certes possible et plausible, mais exige tout de même un degré de fiabilité où il y a peu d’espace pour le doute; en d’autres termes, une telle preuve verbale, bonifiée par des écrits dont la qualité est discutable, requiert certainement une corroboration émanant d’une source étrangère au contrôle du bénéficiaire de l’apport.

[16] D’autre part, il m’apparaît tout aussi important de pouvoir démontrer comment et à quelle fréquence les montants obtenus ont été utilisés ou dépensés. En d’autres termes, le contribuable bénéficiaire d’un montant substantiel devra démontrer le cheminement de l’utilisation des fonds. L’explication voulant que les fonds aient été déposés et conservés dans un coffret de sûreté ou gardés en argent comptant à la maison, au cas de besoin, n’est pas très convaincante.

[17] Le fait d’expliquer et justifier tous les écarts ou toutes les opérations ne balançant pas, par l’obtention d’un capital émanant d’une source très particulière ou exceptionnelle, peut susciter des doutes quant à la vraisemblance.

[18] En l’espèce, l’appelant a certes expliqué et justifié les écarts mathématiques par le biais d’une entrée de fonds de 30 000 $ (cartes de hockey et don de son père). Cette preuve, constituée essentiellement des témoignages de l’appelant et de monsieur Pierre Paquette, est-elle déterminante? Le Tribunal doit-il se contenter de cette explication et donner raison à l’appelant?

[19] Au départ, je doute fort de la vraisemblance de cette entrée de fonds. Il eut été utile pour étoffer et conforter cette explication qu’elle soit corroborée, eu égard au fait qu’il s’agissait là d’une explication, d’une part très particulière, mais aussi, d’autre part, surprenante quant à la justesse du montant total et du moment stratégique où l’appelant a pu en bénéficier.

[…]

[27] Les cotisations ayant résulté de l’écart constaté entre les revenus et dépenses en corrélation avec le capital ou les actifs, la justification desdits écarts devenait la responsabilité exclusive de l’appelant. Pour convaincre le Tribunal, il devait, au moyen d’une preuve prépondérante, établir la vraisemblance, la raisonnabilité, la justesse et la cohérence de ses prétentions. …

[Je souligne]

[23]        À mon avis, l’appelante n’a pas établi au moyen d’une preuve prépondérante la vraisemblance, la raisonnabilité, la justesse et la cohérence de ses prétentions. Plusieurs aspects de la preuve m’apportent à cette conclusion.

a. Il est peu vraisemblable qu’aucun des clients de l’appelant n’ait payé l’appelante en argent comptant comme le prétend M. Bélanger. Cette prétention n’est pas cohérente avec la réalité d’un petit commerce moderne.

b. Sauf le témoignage de M. Bélanger et Mme Fortin, il n’y a aucune preuve de l’existence d’un coffre-fort contenant une quantité importante d’argent comptant. Une photographie dudit coffre qui démontre une quantité d’argent aurait été facile à obtenir afin de la produire à la Cour.

c. M. Bélanger n’a pas indiqué le montant d’argent qu’il a hérité de ses parents, ni la date dont il a reçu son héritage, ni les montants qu’il a enlevés du coffre au cours des années. En autres mots, il n’y a aucune comptabilité des montants mis dans le coffre et des montants enlevés du coffre au cours des années. Nous ignorons combien d’argent qu’ils avaient besoin pour subvenir à leurs besoins. Nous ignorons combien d’argent qui reste dans le coffre.

d. La seule preuve à l’appui des prétentions de l’appelante à l’effet que les dépôts en argent comptant provenaient du coffre est le témoignage de M. Bélanger et Mme Fortin. Mme Fortin a certainement reçu deux chèques lorsqu’elle a vendu la maison qu’était son héritage et lorsqu’elle a reçu l’assurance vie lors du décès de sa fille. Elle a sans doute encaissé ces chèques à la banque. Par contre, elle n’a produit aucune preuve documentaire à l’effet qu’elle a retiré l’argent de son compte de banque pour ensuite le placer dans le coffre. M. Bélanger n’a produit aucune preuve documentaire que ce soit à l’appui de ses prétentions.

e. M. Bélanger et Mme Fortin sont des gens d’affaires. Ils connaissent très bien les obligations reliées à l’exploitation d’une entreprise. Ils savent que les commerces d’aujourd’hui ne peuvent exploiter leurs entreprises sans utiliser les services d’une banque. Des comptes de banque sont indispensables à la bonne gestion d’un commerce. Mme Fortin avait un compte de banque personnel qu’elle utilisait pour payer certaines factures; donc, elle connaît l’avantage d’avoir accès à un compte bancaire. Il est inconcevable que des gens d’affaires laissent des sommes importantes d’argent comptant dans un coffre à la maison au lieu de le déposer en toute sécurité dans un compte bancaire. La pratique de garder une somme importante d’argent comptant dans un coffre à la maison au lieu de le déposer dans un compte bancaire nous laisse à supposer que M. Bélanger et Mme Fortin voulaient occulter leurs actifs.

f.  Le bordereau de dépôt (pièce I-8) met en doute la prétention de l’appelante à l’effet que l’appelante n’a rien vendu aux marchés aux puces et que l’appelante ne se faisait pas payer en argent comptant aux marchés aux puces. Comme je l’ai déjà indiqué, il est difficile à concevoir comment Mme Fortin a pu être en erreur à l’égard de la provenance de l’argent comptant si les marchés aux puces à l’époque ne généraient pas des revenus pour l’appelant en argent comptant.

[24]        La seule preuve que l’argent comptant qui a été déposé dans le compte bancaire de l’appelante provenait du coffre-fort de M. Bélanger et Mme Fortin est leur témoignage. Il y a une insuffisance de preuve documentaire à l’appui. En l’espèce, si je me permets d’emprunter les paroles du juge Tardif dans 2868-2656 Québec Inc. supra, il manque la transparence impeccable qui est requise d’une personne qui est mandataire pour la perception de taxes. L’appelante n’est pas en mesure de produire toutes les pièces justificatives pour être en mesure de faire la preuve d’une gestion irréprochable et sans faille. Le manque de pièces justificatives, ainsi que le bordereau de dépôt qui a été modifié, justifie une présomption que l’appelante a voulu occulter une partie de ses revenus.

Conclusion

[25]        Ayant considéré l’ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincu que l’appelante s’est acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer que les hypothèses formulées par le ministre, sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir la cotisation, sont mal fondées en fait ou en droit.

[26]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Signé à Kingston, Ontario, ce 22e jour de juillet 2015.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 189

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1352(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

9259-9893 QUÉBEC INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 20 avril 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

le 22 juillet 2015

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Isabelle Drouin‑Lessard

Avocat de l'intimée :

Me Alex Boisvert

 

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

Me Isabelle Drouin‑Lessard

Cabinet :

Sirois, Tremblay et Associée

Québec, Québec

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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