Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2013-1257(IT)G

ENTRE :

DINO AGOSTINI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 17 juillet 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle


Comparutions :

Avocate de l’appelant :

Me Virginie Falardeau

Avocat de l’intimée :

Me Emmanuel Jilwan

 

JUGEMENT

L’appel interjeté des cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2007 et 2008 de l’appelant est rejeté avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant des dépens dans un délai de 30 jours, des observations écrites doivent être déposées à la Cour dans un délai supplémentaire de 30 jours.

Signé à Toronto, Ontario, ce 31e jour d’août 2015.

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


Référence : 2015 CCI 215

Date : 20150831

Dossier : 2013-1257(IT)G

ENTRE :

DINO AGOSTINI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Boyle

[1]             L’appelant, Dino Agostini, a interjeté appel de ses nouvelles cotisations établies pour les années 2007 et 2008 en ce qui concerne les éléments suivants :

(i)                l’inclusion de revenus non déclarés s’élevant à environ 105 000 $ pour 2007 et à 160 000 $ pour 2008 suivant une analyse des dépôts bancaires de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») ;

(ii)             le rejet de dépenses d’entreprise s’élevant approximativement à 15 000 $ en 2007 et à 17 500 $ en 2008;

(iii)           l’imposition de pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) relativement aux revenus non déclarés, lesquelles sont d’environ 15 000 $ pour 2007 et d’environ 20 000 $ pour 2008.

[2]             Le contribuable a témoigné pour son propre compte. Sa mère, Maria Agostini, et son épouse, Sonia Hamel, ont aussi témoigné pour lui. Marc Morin, vérificateur à l’ARC, a témoigné pour le compte de l’intimée.

[3]             Tel qu’il est expliqué ci‑dessous, j’estime que le témoignage de Dino Agostini concernant les sources de revenus non déclarés, le montant de ses revenus et les dépenses y afférentes déduites est très peu vraisemblable, raisonnable, crédible ou digne de foi, et qu’il ne mérite pas de se voir accorder beaucoup d’importance. Ses tentatives visant à corroborer sa version des faits au moyen des témoignages de sa mère et de son épouse se sont retournées contre lui de façon spectaculaire lorsqu’aucun des témoignages nest allé dans le sens de son témoignage au sujet du fait qu’il vivait avec sa mère afin d’accumuler des économies importantes, que ses parents payaient toutes ses dépenses personnelles même depuis qu’il avait atteint l’âge adulte, allant jusqu’à choisir ses vêtements, qu’il avait reçu jusqu’à 35 000 $ de cadeaux en argent comptant lors de son mariage, ou qu’il avait un coffre‑fort dans lequel il gardait jusqu’à 140 000 $ en argent comptant dans le garage de la maison de sa mère, puis dans la maison où il vivait avec son épouse et leur fille. Bien que je m’attarde plus loin sur la fiabilité du témoignage de sa mère et de son épouse à l’instruction, il est clair que je dois conclure que a) avant l’audience, M. Agostini a fait signer par sa mère, qui ne sait pas lire, un document qui a été présenté à tort comme étant une déclaration solennelle et qui contenait des mensonges importants, ou que b) sa mère a menti sous serment au sujet du fait qu’elle ne savait pas lire et/ou qu’elle n’avait jamais rencontré un avocat ou un notaire.

[4]             L’avocate de M. Agostini ne pouvait pour ainsi dire rien faire pour l’aider à avoir gain de cause ou pour le protéger de lui‑même. Nul doute qu’elle a présenté la meilleure preuve possible et elle a soulevé tous les arguments juridiques pertinents concernant l’étendue du fardeau de la preuve qui incombe à l’appelant, sur le fait que nul contribuable n’est tenu de présenter des documents justificatifs, que le fardeau relatif aux pénalités incombe à la Couronne, etc. Cependant, lorsque je lui ai demandé au cours des débats comment elle pouvait m’aider à concilier les éléments de preuve contradictoires ou répondre aux problèmes évidents soulevés en matière de crédibilité, elle n’a fait que dire que la preuve est ce qu’elle est et qu’elle me laisserait le soin de me prononcer sur les questions de crédibilité. Cela ne m’a pas pris beaucoup de temps.

I. La preuve

A. L’analyse des dépôts bancaires relativement aux revenus non déclarés

[5]             M. Agostini a soutenu qu’il exploitait depuis 1988, soit après la fin de ses études secondaires, une entreprise d’aménagement paysager et de déneigement à Mont‑Royal et qu’il avait continué de vivre chez ses parents jusqu’à son mariage en 2004, que ses parents supportaient toutes ses dépenses pendant cette période, sa mère allant jusqu’à choisir et à payer ses vêtements, ce qui lui avait donc permis d’économiser une somme substantielle, d’environ 130 000 $ à 140 000 $, à un moment donné avant 2004. Il n’avait pas été fait mention de ces renseignements lors de son premier entretien avec l’ARC dans le cadre de la vérification d’août 2010, lorsqu’il lui avait expressément été posé plus d’une question au sujet d’autres sources possibles d’argent ou de revenus. Il n’a pas non plus été fait état de ces renseignements dans son avis d’opposition, en février 2011. Ces renseignements ont été signalés pour la première fois par les observations formulées par Spiegel Sohmer en 2012, qui ont été déposées à l’appui de l’opposition faite pour son compte par ses avocats de l’époque.

[6]             M. Agostini soutient également qu’il a reçu un cadeau en argent comptant de 20 000 $ de sa mère en 2007. Ce renseignement n’a pas été signalé lors de l’entretien initial avec l’ARC en août 2010, malgré le fait que des questions précises avaient été posées. Ce renseignement n’a pas non plus été signalé dans l’opposition de février 2011. Il a été soulevé pour la première fois par les observations de février 2012 de ses avocats précédents.

[7]             À l’audience de son appel, M. Agostini a soutenu que les 30 000 $ à 35 000 $ en argent comptant que son épouse et lui avaient reçu à titre de cadeaux lors de leur mariage en 2004 constituaient une troisième source pour ce qui est de l’argent comptant dont il disposait. Ce renseignement n’avait même pas été signalé dans son avis d’appel. L’intimée et le juge du procès n’étaient pas les seuls à apprendre l’existence des cadeaux de mariage en argent comptant; c’était la première fois que son épouse en entendait parler.

[8]             Par les motifs qui suivent, je n’ai d’autre choix que de conclure qu’en ce qui concerne ces trois autres sources d’argent comptant auxquelles M. Agostini avait accès au cours des années en question, la presque totalité du témoignage du contribuable semble consister en des inventions pures et simples, et la preuve de sa mère et de son épouse semble en grande partie être le fruit de leur complicité.

[9]             M. Agostini n’a pas produit sa déclaration de revenus pour 2007 en temps opportun. Une cotisation « arbitraire » a été établie à son égard au titre du paragraphe 152(7) pour l’année 2007. Il a alors produit une déclaration modifiée. Il ressort des éléments de preuve produits devant la Cour par l’ARC que les renseignements contenus dans la déclaration modifiée pour 2007 ont fait l’objet d’un renvoi aux fins de vérification parce que M. Agostini avait déposé une déclaration de revenus modifiée suivant l’établissement d’une cotisation fondée sur le paragraphe 152(7). Il s’agit de la raison produite par écrit par le fonctionnaire de l’ARC qui a renvoyé l’affaire pour vérification. Il n’est nullement fait état d’un tuyau ou d’un indice fourni par un dénonciateur.

[10]        Selon la thèse du contribuable, qui est étayée par le témoignage de son épouse, il a fait l’objet d’une vérification parce que son épouse avait communiqué avec l’ARC alors qu’elle traversait une période difficile pendant leur séparation, qui lui occasionnait une souffrance morale importante, pour l’informer qu’il ne déclarait pas la totalité de ses revenus. Il soutient que c’est ce que le vérificateur de l’ARC lui a dit. Bien que je retiens la thèse portant que Sonia Hamel semble avoir été profondément perturbée pendant cette période de séparation et avoir fait preuve d’agressivité et d’hostilité envers l’appelant et leur fille (elle a volé leur chien et l’a tuer avec du poison), la prépondérance de la preuve m’amène à conclure que l’appelant n’a pas fait l’objet d’une vérification parce que Mme Hamel l’avait dénoncé à l’ARC. Cela n’est pas, en soi, pertinent quant à la question de fond, à savoir la responsabilité du contribuable relativement à la cotisation, mais il s’agit d’une autre incohérence pertinente pour ce qui est de la crédibilité générale du témoignage du contribuable et de son épouse.

[11]        Lors de son premier entretien avec l’ARC en août 2010, le contribuable a signalé qu’il acceptait seulement d’être payé par chèque pour son entreprise et qu’il n’acceptait pas d’argent comptant. Il a dit qu’il n’avait pas d’économies ni d’argent en caisse et qu’il n’avait pas reçu de sommes d’argent importantes au cours des années précédentes. Il a signalé qu’il avait seulement un compte à la Caisse populaire, qu’il y déposait seulement ses revenus d’entreprise, ses revenus de locations et les prestations pour enfants qu’il recevait, et qu’il n’avait pas effectué de dépôts importants ne provenant pas de son entreprise. Il a affirmé qu’il n’avait pas d’autre compte bancaire, ni de compte fermé.

[12]        À l’audience, le contribuable a soutenu qu’il avait économisé plus de 130 000 $ en argent comptant grâce à son entreprise d’aménagement paysager et de déneigement alors qu’il vivait sobrement chez ses parents de 1989 jusqu’à son mariage avec son épouse, en 2004. Cela serait mathématiquement possible, mais très surprenant, compte tenu du très faible revenu déclaré au cours de ces années.

[13]        Le contribuable et Sonia Hamel ont eu une fille en 1998. Malgré cela, le contribuable maintient qu’ils ne vivaient pas ensemble et qu’il a continué à vivre chez ses parents jusqu’à son mariage en 2004. Il soutient que ses parents avaient continué à prendre en charge presque toutes ses dépenses personnelles ainsi qu’à lui fournir le gîte et le couvert. Son épouse a témoigné qu’il avait continué de vivre chez ses parents, et non avec elle et leur fille, jusqu’en 2004. Selon eux, l’épouse vivait seule avec son fils et leur fille et subsistait grâce à l’aide sociale gouvernementale. Ils ont tous les deux affirmé que l’appelant n’avait versé aucune pension alimentaire pour enfants ni fourni aucune autre aide financière à son épouse.

[14]        Malheureusement pour le contribuable, sa mère a été on ne peut plus claire, honnête et franche lorsqu’elle a témoigné que son fils ne vivait pas chez elle après la naissance de sa fille en 1998. Elle a témoigné qu’il avait déménagé pour aller habiter avec Mme Hamel et leur fille pour qu’ils forment une famille, dans l’appartement situé au deuxième étage de la maison de ses parents à elle (Mme Agostini). Son témoignage était tout aussi clair et digne de foi lorsqu’elle a dit qu’elle ne choisissait pas ni ne payait régulièrement les vêtements de son fils alors qu’il était adulte, qu’il travaillait et qu’il vivait chez elle. Elle le laissait simplement vivre avec la famille et manger les repas qu’elle préparait pour la famille. Dans la déclaration solennelle douteuse qu’elle a signée en 2012, elle a seulement déclaré qu’il ne payait pas de loyer.

[15]        M. Agostini soutient qu’il gardait ce très gros montant d’économies, en argent comptant, provenant de sa très petite entreprise d’aménagement paysager dans un gros coffre-fort qu’il avait acheté en 1991, lorsqu’il avait commencé à avoir un excédent de plus en plus important. Il a produit la photocopie d’un reçu manuscrit sur un formulaire commercial de serrurier, qui ne comporte que très peu d’éléments. Il n’y a ni description du modèle ni aucune autre information mis à part la mention « Coffre Fort Cadena ». Il n’a pas produit l’original à la Cour et il n’a jamais montré d’original à ses avocats. Par des gestes, il a montré que le coffre-fort avait environ 18 à 24 pouces de haut et de large. Il a dit que le coffre‑fort était resté chez ses parents pendant un certain temps après qu’il eut déménagé en 2004, et ce, jusqu’à ce qu’il l’apporte chez lui. Sa mère a néanmoins affirmé qu’elle n’avait jamais vu ce coffre-fort et qu’elle n’avait jamais su que son fils en possédait même un. De même, son épouse n’a jamais su qu’il prétendait posséder un coffre‑fort, même s’il dit y avoir pris 95 000 $ pour verser un acompte sur leur triplex, ainsi que 9 000 $ pour remplacer le toit de celui‑ci, et qu’il y avait mis leurs cadeaux de mariage en argent comptant, à savoir une somme de 30 000 $ à 35 000 $. Le coffre-fort n’a pas été signalé lors de l’entretien initial avec l’ARC ni par l’avis d’opposition. Il n’a pas expliqué pourquoi il gardait un coffre‑fort autoportant contenant une telle somme d’argent dans le garage de la maison plutôt que dans la maison, vraisemblablement plus sûre étant donné qu’elle était habitée. M. Agostini a fait signer une déclaration solennelle par sa mère en février 2012, laquelle a été présentée avec les observations de Spiegel Sohmer. La déclaration solennelle contient deux mentions de la présence d’un coffre-fort appartenant à l’appelant dans la maison de la mère, et une de ces mentions a trait à une tentative de forcer le coffre-fort en 2010 longtemps après que l’appelant eut déménagé de la maison. Lorsqu’on lui a posé des questions à ce sujet, Mme Agostini a insisté pour dire qu’elle ne savait pas lire et qu’elle ne s’était jamais rendue à une étude d’avocat ou de notaire, et qu’aucun représentant d’un bureau d’avocat ou de notaire n’était jamais venu la voir. Elle réitéré des plus clairement qu’il n’y avait pas de coffre‑fort[1].

[16]        M. Agostini soutient qu’il a reçu un cadeau en argent comptant de 20 000 $ de la part de sa mère en 2007. Ce renseignement est signalé pour la première fois dans les observations formulées par son avocat à l’appui de son opposition. Il y a déclaré que la somme provenait d’un héritage que Mme Agostini a reçu au décès de son père; c’est aussi ce que signale la note manuscrite à l’appui. Cependant, lors de son témoignage, Mme Agostini a affirmé que la somme de 20 000 $ provenait de différentes sources, dont la vente de sa maison de campagne, des économies qu’elle avait accumulées en travaillant depuis son arrivée au pays en 1957, de la vente de la maison de sa mère, ainsi que de la vente de la maison de son beau‑père après son décès. Bien qu’il soit possible que le témoignage de Mme Agostini ait été confus ou imprécis, aucune de ces diverses sources recensées à l’audience ne semble provenir, même de façon indirecte, d’un héritage reçu au décès de son père, qui, selon elle, est décédé en 2004.

[17]        De plus, une page du livret bancaire de Mme Agostini a été produite en preuve; on peut y voir qu’un chèque de 23 000 $ a réduit le solde de son compte en juin 2007. Le livret bancaire produit en preuve ne fait état d’aucun dépôt important avant le retrait de presque tout l’argent dans ce compte effectué au moyen de ce chèque. Aucune copie du chèque n’a été produite en preuve. Mme Agostini a dit qu’elle avait fait le chèque à l’ordre de son fils Dino Agostini, lequel avait refusé de recevoir un tel cadeau sous forme de chèque, préférant recevoir de l’argent comptant. Elle a ensuite déclaré qu’elle avait présenté ce même chèque au caissier de banque et lui avait demandé qu’on lui remette l’argent en coupures de 100 $. Elle a dit qu’elle avait utilisé les 3 000 $ de plus pour subvenir à ses propres besoins et qu’elle avait donné 20 000 $ à son fils Dino. Elle n’a pas essayé d’expliquer pourquoi elle aurait fait un chèque de 23 000 $ à l’ordre de son fils si elle voulait seulement lui donner 20 000 $. Elle a clairement fait savoir que le chèque que la banque avait utilisé pour le retrait de 23 000 $ en argent comptant était le chèque qu’elle avait fait à l’ordre de son fils. Elle n’a pas fait de chèque à son nom ni de chèque au porteur. Je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve du dépôt de ce montant de 20 000 $ en espèce dans le compte bancaire de M. Agostini.

[18]        Dans son témoignage à l’instruction, M. Agostini a déclaré que son épouse et lui avaient aussi reçu, en 2004, de 30 000 $ à 35 000 $ en espèces à titre de cadeaux de mariage, qu’il a ajoutés à ses économies en argent comptant. Ni lui ni ses avocats précédents n’avaient jamais fait état de ce renseignement auparavant; il l’a simplement révélé lors de son témoignage. Il a déclaré qu’il avait eu un [traduction] « gros mariage italien », auquel 200 à 250 personnes avaient été invitées. Il a dit qu’il avait payé les frais de mariage dont le coût total s’était élevé à environ 9 000 $. Il n’a pas produit d’éléments de preuve à l’appui de la part de ses invités. Comme je l’ai déjà signalé, son épouse a dit qu’ils n’avaient pas vraiment reçu de cadeaux de mariage en espèce, mais seulement des cadeaux en nature, et elle a signalé qu’elle avait établi un ou deux registres de cadeaux de mariage pour les quelque 80 invités au mariage. Elle a aussi déclaré que la mère du contribuable et elle-même s’étaient chargées de la planification et de l’organisation du mariage, et non pas son mari. Elle a aussi clairement affirmé que sa mère avait eu son mot à dire parce que les dépenses afférentes au mariage avaient été payées par ses parents.

[19]        La version des faits du contribuable ne rime tout simplement à rien. Il soutient qu’il avait jusqu’à 140 000 $ en argent comptant dans son coffre‑fort, mais il affirme avoir utilisé cet argent pour effectuer des dépenses nettement plus importantes, dont le versement d’un acompte de 95 000 $ en 2002 pour leur triplex, le paiement d’une somme de 9 000 $ pour remplacer le toit du bâtiment, et l’achat de sa camionnette F350 de 52 000 $, qu’il aurait payée comptant en 2005 (bien qu’aucun document écrit concernant sa camionnette n’ait été produit en preuve). Il avait aussi l’habitude de retirer de l’argent de ce coffre-fort lorsqu’il avait des factures à payer; il déposait alors cet argent dans son compte bancaire, puis il l’utilisait pour payer ses factures. Le contribuable n’a pas essayé de faire concorder ses dépôts bancaires avec les paiements de facture effectués à partir de son compte bancaire. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi il déposait l’argent dans le compte bancaire avant d’effectuer les paiements. Le coffre‑fort aurait été vidé bien avant 2007 si toutes ces sommes en avaient été retirées.

[20]        Les propriétés apparemment magiques de ce coffre‑fort, mis à part le fait qu’elles n’étaient apparentes que pour le contribuable, sont devenues vraiment évidentes lorsque l’ARC a découvert que, contrairement à ce que le contribuable avait dit lors de son premier entretien, il effectuait aussi des opérations bancaires à la CIBC. Ce renseignement ressort clairement de l’examen de ses dépôts à la Caisse populaire, étant donné qu’il a fait un transfert de 75 000 $ d’un compte de la CIBC à son compte de la Caisse populaire au début 2007. Il affirme qu’il avait de nouveau retiré 75 000 $ de ses économies et déposé la somme dans un compte de la CIBC, laquelle somme avait par la suite été transférée dans son compte à la Caisse populaire. Il a expliqué qu’il n’avait pas signalé ce renseignement à l’ARC parce qu’il avait fermé ce compte. En fait, le compte de la CIBC était demeuré actif et avait été utilisé jusqu’en décembre 2007. Il a dit qu’il avait utilisé 70 000 $ ou plus sur les 75 000 $ qu’il avait transférés pour payer des dépenses personnelles qu’il n’a pas définies : cette déclaration semble certainement quelque peu incompatible avec ses allégations de vie sobre.

[21]        Les preuves n’ont pas réussi à me convaincre, selon la prépondérance des probabilités :

(i)                que le contribuable a accumulé des sommes substantielles grâce aux bénéfices après impôt d’une entreprise d’entretien de pelouses et de déneigement comptant 20 clients ou grâce à son revenu de location net d’impôt qu’il a tiré des deux autres appartements de son triplex;

(ii)             qu’il gardait un coffre-fort à la maison de ses parents, lequel a plus tard été déménagé dans sa maison;

(iii)           que ses parents lui ont donné 20 000 $ en espèces;

(iv)           que des sommes d’argent importantes ont été reçues à titre de cadeaux de mariage.

[22]        En outre, même si l’une ou l’autre de ces sources alléguées d’argent comptant existait, le contribuable n’a pas tenté de donner de précisions ni de faire des rapprochements en ce qui concerne la façon dont les fonds avaient été déposés dans le compte de la Caisse populaire, le moment où ils avaient été déposés, ou s’ils avaient même été déposés, et en ce qui concerne la pertinence de ces fonds pour ce qui est de l’analyse des dépôts.

[23]        M. Agostini n’a pas convaincu la Cour, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’éléments de preuve censés, crédibles et cohérents, que les dépôts bancaires inexpliqués en question provenaient d’une source non imposable. Bien que nul contribuable ne soit tenu de produire des éléments de preuve documentaires ou des témoignages corroborant ses thèses à l’appui pour s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, de tels éléments peuvent s’avérer très utiles.

B. Les dépenses d’entreprise

[24]        L’ARC a rejeté les dépenses d’entreprises déduites parce qu’aucun document ni pièce justificative ne les accompagnait; il était donc impossible de savoir si elles avaient été effectuées, si elles avaient été payées ou si elles se rapportaient à son entreprise d’entretien de pelouses et de déneigement. De plus, il avait demandé une déduction pour amortissement (la « DPA ») à l’égard du coût total de sa camionnette de 52 000 $ au titre de la catégorie 10 au lieu de la catégorie 10.1, qui limite le montant de la déduction pour un tel véhicule à 30 000 $. Il a aussi déduit en 2007 en totalité les frais de 1 600 $ assumés relativement au matériel de tonte du gazon et aux outils pour tailler au lieu d’inscrire ces biens à l’actif et de demander une DPA.

[25]        M. Agostini soutient qu’il ne peut pas produire de documents à l’appui de ses dépenses d’entreprise (ou de ses revenus) parce que son épouse s’est introduite par effraction dans sa maison pendant qu’ils étaient séparés et qu’elle était bouleversée et a pris l’ensemble de ses documents opérationnels et fiscaux de plusieurs années, et qu’après, elle a signalé à l’ARC qu’il ne déclarait pas la totalité de ses revenus. Il n’a pas signalé cela lors de son premier entretien avec l’ARC ni dans son avis d’opposition, bien qu’il prétende que le vérificateur de l’ARC lui a fait part du fait que son épouse avait communiqué avec l’ARC. Il a déclaré qu’il s’en était rendu compte après que l’ARC eut communiqué avec lui pour entreprendre une vérification. Apparemment, il y avait eu une introduction par effraction dans sa maison plus tôt et il n’avait pas remarqué que les documents avaient disparu jusqu’à ce qu’il ouvre le tiroir de son bureau afin d’aller chercher les documents en vue de les remettre à l’ARC. Il s’est rendu au poste de police quelques jours après que l’ARC eut communiqué avec lui et il a rempli un rapport de police dans lequel il déclarait que ses déclarations de revenus et ses factures des quatre ou cinq dernières années avaient aussi été prises lors d’une introduction par effraction précédente.

[26]        Un rapport de police complémentaire très rudimentaire et daté de janvier 2010 a été produit en preuve. Aucune mention n’y est faite du moment auquel l’introduction par effraction a eu lieu ou a été signalée pour la première fois. Le rapport de police initial n’a pas non plus été produit en preuve, en dépit du fait que l’on peut voir dans l’historique du dossier que l’intimée l’avait demandé à plus d’une reprise.

[27]        M. Agostini a tout d’abord dit que l’introduction par effraction avait eu lieu en 2010, ce qui ne pouvait vraisemblablement pas avoir été le cas, étant donné que le rapport de police supplémentaire avait été déposé au cours de la première moitié du mois de janvier 2010. On peut constater que, dans la copie remise à l’ARC par son avocat précédent, la date du rapport de police supplémentaire a été supprimée. En contre‑interrogatoire, il a signalé que l’introduction par effraction avait eu lieu en 2007, mais il semble très peu probable que des déclarations de revenus ou de nombreux documents opérationnels pour les années 2007 ou 2008 aient été dérobés en 2007.

[28]        M. Agostini a dit qu’il avait été mis au courant de l’introduction par effraction pendant qu’il se trouvait chez sa petite amie (alors que son épouse et lui étaient séparés) et que la police l’avait appelé pour lui dire qu’il y avait eu une introduction par effraction dans sa maison. Il s’était rendu chez lui et avait constaté que quelqu’un avait brisé sa moustiquaire et avait fouillé sa maison. Il avait alors appelé la police pour signaler qu’on s’était introduit par effraction dans sa maison.

[29]        M. Agostini a aussi affirmé à l’ARC et à la Cour que quelqu’un avait forcé, ou tenté de forcer, son coffre‑fort dans la maison de ses parents en 2010. Il n’a pas souhaité donner le nom de la personne qu’il suspectait. Son épouse, qui a admis avoir essayé de le tuer, d’avoir enlevé son chien et de l’avoir tué (ce pour quoi elle a purgé une peine d’emprisonnement), ainsi que d’avoir à de nombreuses reprises tenté de s’enlever la vie, n’a pas avoué qu’elle avait essayé de forcer le coffre‑fort, dont elle ignorait l’existence. Sa mère, qui n’était pas au courant de l’existence d’un tel coffre‑fort, ignorait elle aussi qu’il y avait eu introduction par effraction dans sa maison (malgré le fait que la déclaration solennelle qu’elle avait signée en fait mention).

[30]        Sonia Hamel a témoigné qu’elle s’était introduite par effraction dans la maison de son époux en 2009. Selon son témoignage, elle est allée dans son garde-robe, puis dans la boîte dans laquelle son époux conservait ses déclarations de revenus et les documents connexes pour 2007 et 2008, et les a mis dans la déchiqueteuse chez lui. Elle n’a pas dit qu’elle avait pris ou détruit l’un ou l’autre de ses documents opérationnels, bancaires ou financiers. Elle a témoigné qu’elle s’était introduite par effraction dans sa maison une seule fois et qu’elle ne s’était pas introduite par effraction dans la maison de ses parents.

[31]        On peut certainement soutenir que la nature et le montant des dépenses déduites semblent raisonnables pour une entreprise d’entretien de pelouses et de déneigement opérée par une personne seule, et que l’ARC n’a pas refusé de les déduire en tenant pour acquis qu’elles étaient déraisonnables. Il y a cependant un cruel manque d’éléments de preuve crédibles dont il ressort qu’une telle entreprise était bel et bien exploitée par M. Agostini et constituait la source d’une partie importante des revenus en cause. La Cour a entendu son témoignage selon lequel il exploitait une entreprise qui comptait 20 clients à Mont‑Royal. Il a qualifié son entreprise dans une annexe à sa déclaration de revenus d’entreprise paysagiste qu’il exploitait sous son propre nom. Son entreprise est mentionnée pour la première fois au dossier, plus précisément dans les observations de Spiegel Sohmer de février 2012, sous le nom Dino’s Landscaping. La copie d’un chèque de 1 330 $ daté de janvier 2012 fait à l’ordre de Dino’s Landscaping en contrepartie de ses services pour une période d’un an pour un client, de juin 2010 à juin 2011, y est jointe. Dans l’avis d’appel, l’entreprise est appelée Dino’s Landscaping/Paysagement. L’épouse et la mère de M. Agostini ont signalé qu’il exploitait cette entreprise. Voilà vraiment les seules preuves dont la Cour dispose concernant une telle entreprise. Il n’y a pas de papier à en‑tête ou d’en‑tête de facture, de bloc de factures, de grille tarifaire, de matériel de publicité, de cartes professionnelles ou de dépliants publicitaires, de relevés de carte de crédit ou de relevés bancaires, ni de reçus ou de garanties concernant l’achat d’équipement, de sa camionnette ou de sa charrue. Il n’y a même pas de photographie de sa camionnette sur laquelle une charrue est fixée et où on pourrait peut-être voir un nom et un numéro de téléphone, ou quelque chose de semblable. Aucune raison raisonnable n’a été donnée pour expliquer pourquoi le contribuable n’avait même pas essayé de trouver des éléments de preuve allant dans le sens de ses déclarations auprès des banques avec qui il faisait affaire, des sociétés lui ayant émis des cartes de crédit, de ses clients, de ses fournisseurs, etc.

[32]        Compte tenu du manque particulier d’éléments de preuve, des incohérences importantes des preuves et des problèmes évidents de crédibilité, je suis incapable de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que :

1)    les documents opérationnels de M. Agostini ont été dérobés par son épouse et/ou déchiquetés au cours d’une introduction par effraction;

2)    il y a eu introduction par effraction ou tentative d’introduction par effraction dans la maison de ses parents en 2010.

[33]        En pareilles circonstances, je ne suis pas du tout certain qu’il existait vraiment une entreprise d’aménagement paysager et de déneigement, indépendamment de l’hypothèse du ministre du Revenu national (le « ministre »). S’il y en avait une, il ne m’a pas été présenté d’éléments de preuve censés, crédibles et cohérents me permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les dépenses déduites ont été effectuées et payées, ou, si c’était le cas, qu’elles se rapportaient à l’entreprise en question[2].

C. Les pénalités

[34]        Ce qu’on appelle des pénalités pour faute lourde ont été établies à l’égard de M. Agostini au titre du paragraphe 163(2) relativement aux revenus non déclarés. Aucune pénalité n’a pas été établie à l’égard des dépenses dont la déduction a été refusée.

[35]        M. Agostini soutient simplement qu’il n’avait pas de revenus non déclarés. L’appelant n’allègue pas qu’il s’agissait d’une omission, d’une erreur de classement, d’une mauvaise qualification ou d’une erreur raisonnable, ou qu’il avait par ailleurs fait preuve de diligence raisonnable.

[36]        L’intimée a établi les pénalités en tenant pour acquis que M. Agostini avait sciemment omis d’inclure les revenus non-déclarés visés par la cotisation, ou que cette omission était attribuable à une faute lourde, étant donné que le montant des revenus non déclarés était bien plus élevé que ses revenus déclarés, qu’il n’avait produit sa déclaration pour 2007 qu’après l’établissement de ce qu’on appelle une cotisation arbitraire, qu’il semblait très bien connaître son entreprise, mais qu’il était très vague lorsqu’on lui demandait des précisions, et qu’il était un récidiviste, car il avait omis de déclarer la totalité de ses revenus pour plus d’une année.

D. La crédibilité des témoins

[37]        Dans l’ensemble, le témoignage de M. Agostini est presque nullement corroboré et il est truffé d’incohérences évidentes et inexplicables; les témoinages de sa mère et de son épouse sont vagues et évasives et sont incohérents, imprécis, inutiles et insuffisants. Je ne puis donc retenir quelque partie importante que ce soit des témoignages produits par M. Agostini qui n’est pas corroborée par des éléments de preuve clairs, censés, cohérents et crédibles provenant d’une autre source. Les témoignages de sa mère et de son épouse sont loin de posséder ces qualités en ce qui concerne les revenus non déclarés, l’existence du coffre‑fort, ainsi que les cadeaux en argent comptant qu’il avait reçus d’elle et des invités à son mariage. M. Agostini n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses dépenses, et le témoignage de son épouse ne va pas dans le sens de ses explications au sujet de la raison pour laquelle il n’a pas été en mesure de présenter de tels éléments de preuve.

II. Le droit applicable et l’analyse

[38]        Juridiquement, le fardeau de la preuve incombe au contribuable en ce qui concerne l’impôt sur le revenu établi. Dans la présente affaire, je ne crois pas que la preuve du contribuable puisse même être considérée comme la preuve de prime abord requise pour « démolir » au départ les présomptions du ministre qui sont pertinentes aux fins de l’établissement des cotisations en question[3]. Les éléments de preuve qui vont dans le sens de la version des faits de l’appelant ne permettent certainement pas de démolir quelque présomption que ce soit suivant la prépondérance des probabilités, ou selon toute vraisemblance.

[39]        Pour avoir gain de cause en matière d’appel fiscal, le contribuable n’est pas tenu de produire des éléments de preuve allant dans son sens ou corroborants, ni de produire des documents justificatifs. Le contribuable peut avoir gain de cause grâce à son propre témoignage si le juge estime qu’il est crédible, raisonnable et suffisant. Voir, par exemple, l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada à l’occasion de l’affaire Hickman Motors Ltd. c. La Reine, [1997] R.C.S. 336, l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire House c. Canada, 2011 CAF 234, et la décision rendue par l’ancien juge en chef Bowman de la présente Cour à l’occasion de l’affaire Merchant v. The Queen, 98 DTC 1734. Tel n’est pas le cas en l’espèce, car M. Agostini n’appartient pas à la catégorie de témoins dont il est question dans ces affaires. Le témoignage de sa mère et de son épouse sont nettement insuffisants dans les présentes circonstances, tout comme la photocopie douteuse d’un reçu d’un serrurier et un rapport de police rudimentaire[4].

[40]        Compte tenu des conclusions de fait de j’ai tirées ci‑dessus, l’appel de M. Agostini ne peut pas être accueilli sur le fond pour ce qui est de l’impôt supplémentaire établi du fait de ses revenus non déclarés et des dépenses dont la déduction a été refusée.

[41]        Il reste donc à trancher l’appel relatif aux pénalités établies. Le fardeau de la preuve incombe à l’intimée en ce qui concerne les exigences du paragraphe 163(2) selon lesquelles le contribuable a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait une omission ou un faux énoncé dans une déclaration ou une réponse. Ce n’est pas parce que le contribuable ne s’est pas déchargé du fardeau de la preuve qui lui incombait, ou qu’il n’a pas eu gain de cause en ce qui concerne la question de fond en matière d’impôt sur le revenu qu’il s’ensuit que l’imposition de pénalités est justifiée. Voir, par exemple, la décision Syscomax Inc. c. La Reine, 2014 CCI 202, au paragraphe 23.

[42]        La jurisprudence a une doctrine fouillée sur l’étendue et la nature du fardeau qui incombe au ministre en matière de pénalités dans des affaires comme celle en l’espèce, ainsi que sur l’étendue de la faute lourde, dont l’aveuglement volontaire. J’ai fait des observations à ce sujet tout récemment à l’occasion de l’affaire Sbrollini c. The Queen, 2015 TCC 178, aux paragraphes 14 à 21. Je me suis aussi exprimé sur le sujet à l’occasion de l’affaire Haniff c. La Reine, 2011 CCI 112, aux paragraphes 25 à 27. Dans ces deux décisions, je renvoie à l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu à l’occasion de l’affaire Lacroix c. La Reine, 2008 CAF 241, et je cite des passages de cet arrêt, lequel cite l’arrêt Molenaar c. La Reine, 2004 CAF 349, de la Cour d’appel fédérale.

[43]        Dans l’affaire Lacroix, il était également question d’une preuve sur la question de fond qui n’avait pas été jugée crédible, et cette jurisprudence dit ce que le ministre doit faire dans de telles circonstances pour s’acquitter de la charge qui lui incombe au sujet des pénalités. Dans la décision Haniff, j’ai observé :

27        L’avocat de la contribuable a raison de souligner qu’il incombe à la Couronne de prouver la faute lourde pour justifier l’imposition de pénalités. Cependant, comme l’a mentionné avec justesse le juge Pelletier dans l’arrêt Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, 2009 DTC 5029 de la Cour d’appel fédérale :

29 […] En l’instance, le ministre constate un revenu non déclaré qu’il demande au contribuable de justifier. Celui‑ci fournit une explication que ni le ministre ni la Cour canadienne de l’impôt ne jugent crédible. Il n’y a donc pas d’hypothèse viable et raisonnable qui pourrait porter le décideur à accorder le bénéfice du doute au contribuable. La seule hypothèse offerte est jugée non crédible.

30 Les faits en preuve, dans un tel cas, sont que la déclaration de revenu du contribuable fait une présentation erronée des faits et que la seule explication offerte par le contribuable est jugée non crédible. Évidemment, il doit y avoir une autre explication pour ce revenu. Il faut donc conclure que le contribuable a une source de revenu qu’il n’a pas déclarée, qu’il est au courant de cette source et qu’il refuse de la divulguer puisque les explications qu’il a offertes n’ont pas été jugées crédibles. En de telles circonstances, la conclusion que la fausse déclaration de revenu a été produite sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde me semble inéluctable. Cela justifie non seulement l’imposition d’une pénalité mais aussi l’établissement de la nouvelle cotisation hors de la période statutaire.

[...]

32 Qu’en est-il alors du fardeau du ministre? Comment s’en acquitte‑t‑il? Il se peut que dans certaines circonstances, le ministre soit en mesure de faire une preuve directe de l’état d’esprit du contribuable lorsque ce dernier a produit sa déclaration de revenu. Mais dans la grande majorité des cas, le ministre ne pourra que miner la crédibilité du contribuable, soit par des éléments de preuve qu’il apporte, soit en contre‑interrogatoire du contribuable. Dans la mesure où la Cour canadienne de l’impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu’il n’a pas déclaré et que l’explication offerte par le contribuable pour l’écart constaté entre son revenu déclaré et l’accroissement de son actif est non crédible, le ministre s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous‑alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 162(3).

33 Comme le dit si bien le juge Létourneau dans Molenaar c. Canada, 2004 CAF 349, 2004 DTC 6688, au paragraphe 4 :

4 À partir du moment où le ministère établit selon des données fiables un écart, substantiel dans le cas présent, entre les actifs d’un contribuable et ses dépenses et où cet écart demeure inexpliqué et inexplicable, le ministère a assumé son fardeau de preuve. Il appartient alors au contribuable d’identifier la source et d’établir la nature non imposable de ses revenus.

[Non souligné dans l’original.]

[44]        Dans la décision Sbrollini, j’ai fait les observations suivantes :

[traduction]

[21]      Suivant la Cour d’appel fédérale, si la Couronne convainc la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu’un contribuable a gagné des revenus non déclarés, le contribuable doit alors expliquer de façon crédible l’écart entre les revenus déclarés et les revenus réels. Une explication possible, ou même plausible, ne suffit pas, étant donné que cela aurait pour effet d’alourdir considérablement le fardeau de la preuve dont la Couronne doit s’acquitter, lequel n’est de toute évidence pas plus élevé que la norme de la prépondérance des probabilités. La norme de preuve à laquelle la Couronne doit satisfaire n’est pas plus exigeante parce qu’elle a trait à une pénalité ou à un degré de culpabilité. Le contribuable doit convaincre la Cour selon la prépondérance des probabilités que la raison pour laquelle il n’a pas déclaré les revenus supplémentaires, quelle qu’elle soit, était raisonnable dans les circonstances particulières qui existaient au moment où il a produit sa déclaration.

[45]        Les observations formulées par le juge Pelletier dans l’arrêt Lacroix et par le juge Létourneau dans l’arrêt Molenaar valent entièrement en l’espèce. L’intimée s’est acquittée de son fardeau en ce qui concerne les pénalités et elles ont été dûment établies. L’appel de M. Agostini à l’égard des pénalités imposées sera aussi rejeté.

III. Conclusion

[46]        L’appel de l’appelant portant sur les cotisations établies pour les années 2007 et 2008, par lesquelles des revenus non-déclarés ont été ajoutés, des dépenses ont été refusées et des pénalités ont été imposées à l’égard des revenus non déclarés, est rejeté avec dépens. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur le montant des dépens dans un délai de 30 jours, des observations écrites doivent être déposées à la Cour dans un délai supplémentaire de 30 jours.

Signé à Toronto, Ontario, ce 31e jour d’août 2015.

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 215

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-1257(IT)G

INTITULÉ :

DINO AGOSTINI ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 juillet 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Patrick Boyle

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 août 2015

COMPARUTIONS :

Avocate de l’appelant :

Me Virginie Falardeau

Avocat de l’intimée :

Me Emmanuel Jilwan

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Virginie Falardeau

Cabinet :

Place du Canada

Bureau 2250

1010, rue de la Gauchetière Ouest

Montréal (Québec)  H3B 2N2

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Curieusement, plus tôt en 2010, elle semble avoir rédigé à la main une note de cinq lignes concernant un cadeau en argent comptant de 20 000 $ qu’elle avait fait à son fils en 2007, laquelle note était aussi jointe à la lettre de Spiegel Sohmer. Cela voudrait dire qu’elle peut écrire, mais pas lire, ce qui est possible.

[2] Les éléments de preuve décrivant l’entreprise dont je dispose m’amènent à conclure sans aucun doute qu’il n’aurait pas pu s’agir de la source des revenus non déclarés en question.

[3] En cette matière, la Cour d’appel fédérale enseigne que la preuve de prime abord est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que la contraire soit prouvé ». Voir l’arrêt Amiante Spec Inc. c. Canada, 2009 CAF 139.

[4] L’observation formulée par Nicolette, la secrétaire, au chapitre 47 du livre de John Grisham, Le testament m’est venu à l’esprit tôt en l’espèce : « Quand des témoins concoctent des mensonges, ils passent souvent à côté de l’évidence. […] Ils sont si immergés dans leur propre fiction qu’ils négligent un fait ou deux. »

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.