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Dossier : 2013-374(IT)G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE ZOLTAN KOKAI-KUUN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 16, 17 et 18 février 2015

à Vancouver (Colombie‑Britannique)

Devant : L’honorable juge K. Lyons


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Anthony Kokai-Kuun

Avocate de l’intimée :

Me Karen Truscott

 

JUGEMENT

L’appel interjeté de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté.

Aucuns dépens ne sont adjugés.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 31e jour d’août 2015.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2015.

François Brunet, réviseur


Référence : 2015 CCI 217

Date : 20150831

Dossier : 2013-374(IT)G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE ZOLTAN KOKAI-KUUN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lyons

[1]             La succession de Zoltan Kokai-Kuun (ci‑après « Zoltan »), l’appelante, interjette appel de la nouvelle cotisation que le ministre du Revenu national a établie à l’égard de l’année d’imposition 2008 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le ministre a inclus dans le revenu un gain en capital s’élevant à 235 755,60 $ (ci‑après le « gain ») provenant de la vente d’un fonds de terre de 40 acres situé au 211 Howards Road, à Vernon, en Colombie‑Britannique (ci‑après le « fonds de terre ») et il a refusé les déductions demandées au titre des intérêts, des frais financiers, de l’impôt foncier et des prélèvements relatifs au fonds de terre[1]. En outre, le ministre a rejeté l’idée selon laquelle des pertes en capital survenues en 2006, ou en quelque année que ce soit, pouvaient s’appliquer à l’année 2008.

[2]             Les questions en litige sont les suivantes :

1.       Le ministre a-t-il correctement calculé le gain en capital découlant de la vente du fonds de terre?

2.       Des pertes en capital peuvent-elles s’appliquer en réduction du gain en capital pour l’année 2008?

[3]             Anthony Thomas Kokai-Kuun (ci‑après « Anthony »), le fils de Zoltan, est l’exécuteur testamentaire et le représentant de l’appelante et il a témoigné au nom de celle‑ci. Lise Villeneuve, l’ancienne épouse d’Anthony, Magali Larivière, l’épouse d’Anthony, Patrick Kokai‑Kuun (ci‑après « Patrick »), le fils d’Anthony, et Louis Plazzer, l’avocat de Zoltan, ont également témoigné au nom de l’appelante.

I. Faits et procédures

[4]             Zoltan a immigré au Canada en 1961, a déménagé à Vancouver en 1967 et a travaillé à divers projets, y compris plusieurs stationnements intérieurs du centre commercial Park Royal de Vancouver. En 1975, il a fondé une société d’ingénierie qu’il a nommée « Zoltan Kuun Associates ». Il a participé aux activités d’ACK Holdings Ltd. (« ACK ») et de Vancouver Air Maintenance Ltd (« VAM ») et, en diverses qualités, à celles de 489066 BC Ltd. (« 489 »), de 527443 BC Ltd. (« 527 ») et de North Vancouver Airlines Ltd (« NVA »). Anthony a désigné les sociétés NVA, 489 et 527 comme sociétés affiliées, associées et sœurs (collectivement les « sociétés ») et il a exposé plusieurs investissements lors de l’audience, dont bon nombre ont affiché des pertes.

[5]             Zoltan a reçu un diagnostic de cancer de la prostate en 1990, et une rechute s’est produite ultérieurement. De juillet 2008 à novembre 2009, il a subi une série de traitements. Le 21 janvier 2010, il est décédé.

[6]             En juin 2010, Anthony a été nommé exécuteur testamentaire de la succession de Zoltan.

La maison

[7]             En 1967, Zoltan a acheté une maison située au 1095, 21e rue Ouest, à Vancouver, pour 21 000 $; cette propriété a servi de maison familiale (ci‑après la « maison ») jusqu’à ce qu’il déménage dans un condominium. En 1990, il a hypothéqué de nouveau la maison en vue d’utiliser les capitaux pour faire des investissements. Initialement, il a effectué ces opérations par l’intermédiaire de la Banque Canadienne Impériale de Commerce (« CIBC »), la banque avec laquelle il faisait affaire depuis de nombreuses années et où il détenait des comptes personnels et d’affaires, dont une marge de crédit.

[8]             En 2004, Zoltan a réhypothéqué la maison à la Banque Toronto‑Dominion (« TD ») en obtenant une marge de crédit hypothécaire [traduction] « afin de disposer de liquidités », et ce, tout en conservant ses comptes à la CIBC en date de 2004, année où la lettre a été envoyée à M. Plazzer[2]. Anthony a qualifié la marge de crédit comme un prêt hypothécaire inversé. Au moment du décès de Zoltan, un montant de 600 000 $ demeurait impayé. Mme Larivière a déclaré avoir été au courant de la nouvelle hypothèque sur la maison parce qu’elle avait reçu le relevé de la CIBC et qu’elle avait constaté que la Banque TD offrait un meilleur taux.

[9]             Après le décès de son père, Anthony s’est vu demander de retirer les débris de la maison afin que celle-ci puisse être vendue; elle a été vendue en mai 2011 pour la somme de 825 000 $. La maison comptait deux pièces de 12 pieds et un grand grenier. Le terrain, sur lequel se trouvaient deux tentes de huit pieds, n’avait pas été entretenu depuis 10 à 15 ans. La maison et les tentes contenaient des documents d’archives qui y avaient été accumulés depuis les années 1980. La maison était infestée de rats. Anthony a passé de six à neuf mois à examiner la montagne de documents. Certains documents ont été conservés, d’autres ont été recyclés. Tous les documents datant d’avant 2003 devaient être déchiquetés, car ils étaient trempés et moisis; il a fallu quatre ou cinq conteneurs pour jeter les débris.   

[10]        Mme Larivière et Patrick ont fait savoir que, pendant ses dernières années, Zoltan vivait dans son condominium parce que la maison nécessitait beaucoup de travaux. Ils ont tous deux témoigné que, lorsque Zoltan est décédé, la maison était infestée de rats, remplie de documents (y compris les tentes et le grenier) et qu’il y avait beaucoup de [traduction] « choses » au sous‑sol. Patrick a qualifié la maison de lieu condamné et moisi; le salon contenait un [traduction] « labyrinthe » de documents, du plancher jusqu’au plafond.

Le fonds de terre – gain en capital

[11]        En juillet 1992, Zoltan a acheté le fonds de terre pour la somme de 110 000 $. Anthony a indiqué que Zoltan s’était servi des fonds obtenus en hypothéquant de nouveau la maison (marge de crédit de la CIBC) pour acheter le fonds de terre. En mars 2008, Zoltan l’a vendu pour 370 000 $, mais il n’a pas déclaré la vente dans sa déclaration de revenus. Anthony ne savait pas pourquoi la vente n’avait pas été déclarée et il a ajouté que Zoltan détenait de nombreux investissements, dont des actions cotées en cents.

[12]        Anthony a témoigné que Zoltan avait acheté le fonds de terre à titre d’investissement, mais que cela n’avait pas porté ses fruits; le fonds de terre avait donc été mis en vente en 2002 et en 2003. Zoltan avait plus de 80 ans, et les revenus étaient moins élevés en 2002.

[13]        En 2004, Zoltan ne pouvait plus accéder à la voie principale donnant sur le fonds de terre et devait passer par la propriété du voisin pour s’y rendre. Ce voisin a plus tard vendu sa propriété, et le nouveau voisin a installé une chaîne. Zoltan avait eu l’intention d’essayer d’acheter une petite bande de terre à l’extrémité du fonds de terre. Mme Villeneuve a indiqué que Zoltan souhaitait vendre le fonds de terre en raison des problèmes relatifs au droit de passage.

[14]        Se fondant sur l’intérêt simple, Anthony a estimé que, pendant les 16 années où le fonds de terre appartenait à Zoltan, ce dernier avait engagé d’importants intérêts et frais financiers (ci‑après les « intérêts/frais ») relativement aux sommes empruntées à la CIBC et à la Banque TD au moyen d’une marge de crédit. Il est ainsi arrivé au montant de 135 732,80 $, qu’il a qualifié de montant modéré. Anthony avait préparé un document intitulé « Spreadsheet of costs to hold land - 4.3 and 4.4 » (feuille de calcul des coûts de détention d’un fonds de terre – 4.3 et 4.4) qualifiant ce montant de montant estimatif auquel s’ajoutent l’impôt foncier et les prélèvements (ci‑après l’« impôt foncier ») qui s’élevaient à 14 947,71 $, montant étayé par des documents. Lors du procès, il est revenu sur son estimation des intérêts/frais selon l’intérêt composé pour parvenir à la somme de 179 391 $ (collectivement, le montant de 179 391 $ et l’impôt foncier constituent « les montants »).

[15]        Le 2 août 2006, Zoltan a fourni un versement initial de 5 % sur le prix d’achat de 447 195 $ d’un condominium à North Vancouver; il a déboursé une somme de 42 000 $ à partir de sa marge de crédit et une autre de 133 000 $ provenant de la vente du fonds de terre et il a payé 250 000 $ par une traite bancaire datée du 9 juin 2008.

Pertes en capital

[16]        Vers la fin des années 1980 ou le début des années 1990, Anthony, pilote de ligne, comptait cinq années d’expérience dans l’industrie du transport aérien. 

[17]        En 1994, NVA, une entreprise familiale, a été constituée en société parce que ses dirigeants avaient trouvé un créneau dans le marché et ont décidé d’offrir des visites touristiques, des vols affrétés et un service de vol régulier entre l’île de Vancouver et Tofino et d’autres destinations. La société utilisait un aéronef Piper pouvant accueillir huit passagers et deux membres d’équipage. En 1995, l’entreprise 489 a été constituée en société, et, l’année suivante, l’entreprise 527 a elle aussi été constituée en société.

[18]        Mme Villeneuve était la directrice des finances et a confirmé que Zoltan était son ancien associé d’affaires dans les sociétés; jusqu’en 2002, les actionnaires étaient Zoltan, Anthony et Mme Villeneuve, qui détenaient tous un compte distinct de prêt d’actionnaire dans chacune des sociétés. C’est elle qui a effectué la plupart des écritures, et elle a examiné les montants et fait savoir qu’elle ne pouvait commenter que les entrées et les sorties figurant sur la feuille de calcul reconstituée « History of Shareholder Loans » (historique des prêts d’actionnaire) (ci‑après la « feuille de calcul des prêts »), préparée par Anthony pour la période allant de 1994 à 2002[3].

[19]        La feuille de calcul des prêts reconstituée fait état de nombreuses transactions pendant la période s’échelonnant de 1994 à 2011. Sous le nom de chaque société se trouvent une colonne d’ajout et de soustraction ainsi qu’une colonne cumulative présentant les sommes par année qui peuvent être attribuées à chaque actionnaire. La colonne « Sum for Zoltan » (somme pour Zoltan) pour les années 1994 et suivantes contient un total courant à la fin de chaque année composé des contributions faites par Zoltan sous forme de prêts et des sommes que les sociétés lui ont remboursées lorsqu’il était possible de le faire. Anthony et Mme Villeneuve ont chacun expliqué en détail les étapes et les nombreuses transactions qui ont permis de parvenir à la somme due à Zoltan inscrite dans cette dernière colonne. Plusieurs de ces transactions, mais pas toutes, seront mentionnées ci‑après.

[20]        Pendant son témoignage, Anthony a indiqué que la somme due à Zoltan par la société 527 comportait des transactions se rapportant principalement aux sociétés NVA et 489 avant que ces entités soient [traduction] « dissoutes » en 2004. À cette étape, le montant total des prêts d’actionnaire que les sociétés NVA et 489 devaient verser à Anthony et à Zoltan a été transféré au compte de prêt d’actionnaire de chacun dans la société 527. La somme totale due à Zoltan qui a été transférée s’élevait à 233 751,79 $ et elle a ensuite été réduite en raison d’un remboursement de 15 000 $ fourni à Zoltan en 2006, de sorte que la somme due à Zoltan était de 218 751,79 $. Anthony a reconnu que Zoltan n’avait pas déclaré cette dernière somme à titre de perte en capital pour l’année 2006 ni pour toute autre année d’imposition. D’après la feuille de calcul des prêts, ce montant demeure impayé en date de 2011.

NVA

[21]        Zoltan a été président et administrateur de la société NVA jusqu’à sa démission en l’an 2000. En outre, il détenait 12 000 actions et avait fourni un investissement initial de 99 830 $ de même qu’un apport subséquent de 45 314 $. Selon l’annexe 50 accompagnant l’une des déclarations de revenus initiales de la société, Zoltan était actionnaire à 60 %; ce pourcentage est plus tard passé à 50 % lorsque Zoltan a vendu 4 000 actions en l’an 2000[4].

[22]        Mme Villeneuve était administratrice, possédait 4 000 actions et avait investi 45 577 $. Le 1er juillet 2002, elle a vendu ses actions dans les sociétés (et dans VAM) de manière égale à Zoltan et à Anthony à la suite de sa séparation d’avec Anthony (ils ont ensuite divorcé) en vertu de la convention d’achat d’actions. Qui plus est, Zoltan et Anthony ont acheté une partie des prêts d’actionnaire de Mme Villeneuve que lui devaient les sociétés NVA et 489, laquelle partie représentait 120 000 $, ce qui comprenait le paiement de prêts d’actionnaire.

[23]        Mme Larivière a corroboré le fait que Zoltan était associé et investisseur, car il lui avait transféré une part parce qu’il était en phase terminale et qu’il devait régler ses affaires; elle a confirmé que NVA devait de l’argent à Zoltan parce qu’elle avait vu un relevé de l’endettement qui a ensuite été transféré à l’une des sociétés sœurs à dénomination numérique, et elle a ajouté que la société NVA avait fermé ses portes parce qu’elle n’était plus rentable. 

[24]        Lors de sa première année, NVA a loué un aéronef Piper. Lors de sa deuxième année, elle avait deux aéronefs Piper et a réalisé de légers profits. Elle ne disposait pas de suffisamment d’aéronefs pour répondre à la demande. Selon la pièce A‑1, le prêt d’actionnaire de Zoltan a augmenté de 16 000 $, de 8 000 $ et de 31 000 $ en raison du besoin en flux de trésorerie pour les trois aéronefs.

[25]        Les retombées des événements du 11 septembre ont exercé une pression considérable sur l’industrie du transport aérien. Les primes d’assurance ont triplé, la valeur des aéronefs a chuté, et les banques demandaient le remboursement des prêts.

[26]        Les transactions effectuées comportaient le remboursement par Zoltan d’une partie d’un prêt consenti par la Banque Royale (qui en avait demandé le remboursement) pour lequel il a émis un chèque de 40 000 $ daté du 1er octobre 2001. Conformément aux données de la feuille de calcul des prêts, cette somme a été ajoutée à ses prêts d’actionnaire de 103 105,91 $, comme le confirme le bilan de 2002. Les transactions effectuées comportaient aussi le paiement du produit de l’assurance qui a permis à NVA de rembourser les trois prêts d’actionnaire.

[27]        En 2004, Zoltan s’est vu rembourser la somme de 30 000 $ par NVA, somme provenant du produit de la vente d’un autre aéronef; cette transaction a eu lieu vers le moment de la fermeture de la société.

489

[28]        La seule raison d’être de la société 489 était la location d’un aéronef à NVA pour des motifs liés à l’assurance et à la responsabilité. Zoltan, Anthony et Mme Villeneuve ont investi afin de réduire les primes d’assurance. Zoltan a effectué son investissement initial de 32 147 $ en 1995 à titre d’actionnaire majoritaire; Mme Villeneuve a confirmé que cet investissement se rapportait au premier aéronef. Cette déclaration concorde avec les états financiers, qui présentent ce montant comme faisant partie du total cumulé des prêts d’actionnaire.

[29]        Signalons une autre transaction, soit un apport de 109 805 $ de la part de Zoltan en 1996 au moment où 500 000 $ en liquidités ont été dépensés pour acheter un aéronef Beech. Selon Mme Villeneuve, les transactions effectuées entre 1996 et 1998 confirment qu’une somme de 147 000 $ devait être remboursée à Zoltan (elle et Anthony devaient également se voir tous deux rembourser la somme de 91 000 $), ce qui cadre avec les investissements de Zoltan et son statut d’actionnaire à 50 %. À la page 19 du grand livre général, on peut lire que le montant cumulatif du prêt de Zoltan en 1998 était de 148 813,97 $ et que le montant total pour l’ensemble des actionnaires, dont Zoltan, s’élevait à 331 366 $. De surcroît, le sommaire des comptes corrobore ces montants.

[30]        Mme Villeneuve a également témoigné que la liste d’écritures présente les intérêts qui ont été composés et ajoutés; cela dit, elle ne se rappelait pas si les intérêts s’étaient accumulés subséquemment, mais elle a déclaré que tel était probablement le cas. Elle a ensuite témoigné que la différence entre le montant de 331 000 $ et celui de 355 000 $ était les intérêts et que le montant de 361 557 $ est probablement juste, si l’on tient compte des remboursements et des intérêts. Elle a alors dit qu’elle ne pouvait pas garantir quant à la différence sur le plan des prêts d’actionnaire. Pour 1998, le montant de 22 000 $ correspond aux intérêts et comprend peut‑être 6 000 $ en intérêts provenant des années précédentes. Pour 1999, il est fort probable que le montant de 23 000 $ constitue des intérêts. En l’an 2000, Anthony et Zoltan ont reçu 3 000 $ et 1 000 $, respectivement. Mme Villeneuve ne se rappelait pas si les intérêts avaient été réduits. Cela est confirmé par le relevé de 1999, qui fait état des mêmes montants à verser aux actionnaires. Il est probable que les montants de 49 $, de 63 $ et de 109 $ soient des intérêts.

[31]        En ce qui a trait à la société 527, Mme Villeneuve a dit que lorsque les sociétés se chargeaient de la comptabilité, elles déclaraient les intérêts des actionnaires sur les prêts en raison des états financiers. Elle a ajouté que les registres des procès‑verbaux devaient contenir les conventions sur les prêts et le montant des intérêts exigés, mais elle ne se rappelait pas si des feuillets T5 avaient été établis.

[32]        Les actifs des sociétés NVA et 489 ont été liquidés en vue de rembourser les créanciers, il n’y avait plus de fonds pour payer les prêts d’actionnaire (sauf dans le cas de Mme Villeneuve), et, en juillet 2004, les prêts d’actionnaire payables à Zoltan et à Anthony ont été transférés aux sociétés NVA et 489 et inscrits dans les comptes de prêts d’actionnaire de la société 527.

527

[33]        L’entreprise 527 a été constituée en société en vue de l’achat d’un aéronef nécessaire pour répondre au besoin opérationnel de transporter de grands chargeurs par voie aérienne. Zoltan avait investi 32 147 $, 109 805 $ et 5 709,15 $ en 1995, en 1996 et en 1998, respectivement. En date de 1998, Zoltan possédait 14 actions, et ce nombre est passé à 24 en 2004. En date du 31 mars 2002, la somme de 5 808,79 $ était due à Zoltan.

[34]        Anthony a déclaré qu’il devait trouver un nouvel associé. Shawn Cole souhaitait piloter, il a fourni des fonds et est devenu l’actionnaire majoritaire. Il a subséquemment démissionné et voulait récupérer son argent; Zoltan a donc racheté ses actions, augmentant ainsi sa participation dans la société. Ces faits ont été corroborés par Mme Villeneuve, qui a également ajouté que Zoltan ne disposait plus de beaucoup d’argent après avoir remboursé M. Cole.

[35]        En 2003, Zoltan s’est vu rembourser la somme de 115 058 $ en raison d’un incident relatif à un aéronef; la remise en état des deux moteurs a coûté 250 000 $. Le produit de l’assurance obtenu a servi à rembourser Zoltan et d’autres actionnaires. Zoltan a alors réinvesti 67 523 $ dans NVA parce que Mme Villeneuve et Anthony s’étaient séparés et que Zoltan et Anthony ont racheté les parts de Mme Villeneuve.

[36]        En juillet 2004, les prêts d’actionnaire ont été transférés à la société 527, et, le mois suivant, Anthony est devenu l’unique administrateur. Selon la feuille de calcul des prêts, en date de 2005, le montant dû à Zoltan s’élevait à 233 751,79 $, et ce montant a diminué pour passer à 218 751,79 $ en 2006 à la suite du remboursement d’une somme de 15 000 $ à Zoltan.

[37]        Le 20 juin 2006, Zoltan a vendu ses 24 actions à Mme Larivière, mais a conservé ses prêts d’actionnaire. 

II. Analyse

[38]        Sauf indication contraire, toutes les dispositions législatives mentionnées dans les présents motifs correspondent à celles de la Loi de l’impôt sur le revenu (ci‑après la « Loi ») et se rapportent à l’année d’imposition 2008.  

Gain en capital

[39]        L’appelante soutient que la Loi est censée imposer les véritables gains économiques et que le refus de l’Agence du revenu du Canada (ci‑après l’« ARC ») de permettre que les montants additionnels accroissent le prix de base rajusté (ci‑après le « PBR ») du fonds de terre aboutit à un résultat inique et constitue une lacune du régime fiscal. Pour appuyer cette thèse, l’appelante s’est fondée sur une opinion exprimée à l’égard de la politique fiscale[5].

[40]        L’appelante a invité instamment la Cour à conclure que les intérêts/frais estimatifs s’élevant à 179 391,43 $ se rapportent aux fonds provenant de la nouvelle hypothèque sur la maison, initialement par le truchement de la CIBC et ensuite de la Banque TD, et devaient servir à acheter et à conserver le fonds de terre à titre d’investissement. Ainsi, les montants doivent être inclus dans le PBR, ce qui aurait comme effet de réduire ou de rendre nul le montant du gain en capital imposable. 

[41]        La thèse de l’appelante est difficile à retenir, car elle va à l’encontre des critères définis à l’alinéa 20(1)c) et au paragraphe 18(2) ainsi que de la jurisprudence La Reine c. Stirling, 85 DTC 5199 (CAF) (ci‑après le Stirling ») et qu’il est fondé sur une opinion et non sur le droit.

[42]        L’alinéa 20(1)c) et le paragraphe 18(2) sont les dispositions pertinentes. Voici les extraits applicables :

20.(1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[…]

c) Intérêts – la moins élevée d’une somme payée au cours de l’année ou payable pour l’année [...] en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i) de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien […]

[…]

18.(2) Malgré l’alinéa 20(1)c), dans le calcul du revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition, un montant n’est déductible quant à une dépense engagée par le contribuable au cours de l’année au titre :

a) soit des intérêts sur une dette concernant l’acquisition d’un fonds de terre;

b) soit des impôts fonciers — à l’exclusion des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices et des impôts afférents au transfert de biens — payés ou payables par le contribuable sur un fonds de terre à une province ou à une municipalité du Canada, 

que si, compte tenu des circonstances, y compris le coût du fonds de terre pour le contribuable en rapport avec le revenu brut qu’il en tire pour l’année donnée ou en a tiré pour une année d’imposition antérieure, il est raisonnable de considérer que le fonds est au cours de l’année donnée :

c) soit utilisé dans le cours des activités d’une entreprise que le contribuable exploite au cours de l’année donnée […]

d) soit principalement détenu afin que le contribuable tire un revenu du fonds pour l’année donnée, […]

[43]        Selon les critères consacrés par l’alinéa 20(1)c), pour être déductible, l’intérêt hypothécaire doit être payé ou payable sur des fonds empruntés et utilisés en vue de tirer un revenu d’une entreprise (cet aspect n’est pas en cause en l’espèce) ou d’un bien. Par les motifs qui suivent, les preuves sont loins de répondre à ces critères.

[44]        Il ressort des preuves que Zoltan avait acheté le fonds de terre à titre d’investissement en vue de le revendre à un prix supérieur en raison de sa proximité d’un terrain de golf. Anthony a reconnu que, pendant les 16 années où Zoltan était propriétaire du fonds de terre, il ne s’en est pas servi dans le cadre d’une activité commerciale et il n’en a pas tiré de revenu. Zoltan et Agnes, son épouse depuis 1997, se rendaient plutôt sur le fonds de terre une ou deux fois par année[6]. Tout comme Anthony, Mme Villeneuve, Mme Larivière et Patrick ont affirmé que le fonds de terre avait été acheté à des fins d’investissement dans l’espoir que sa valeur croisse. Au dire de Patrick, Zoltan l’aurait qualifié de [traduction] « mine d’or ».

[45]         A l’occasion de l’affaire Stirling, la Cour d’appel fédérale a conclu que les intérêts sur des fonds empruntés pour acquérir un bien en vue de réaliser un gain en capital plutôt que d’en tirer un revenu ne peuvent, au moment de la disposition du bien, être inclus ni dans le coût du bien, ni dans le PBR.

[46]        Je conclus que les fonds empruntés pour acquérir le fonds de terre n’ont pas été obtenus en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien et que l’appelante n’a pas réussi à satisfaire aux critères énoncés à l’alinéa 20(1)c), en ce sens que rien ne démontrait la présence d’un objectif de production de revenu justifiant la déduction des intérêts/frais.

[47]        Bien que le constat susmentionné soit suffisant, il y a lieu d’ajouter que les preuves produites par l’appelante n’ont pas non plus permis de cerner dans l’une ou l’autre des marges de crédit les fonds pouvant être attribués à l’emprunt au chapitre de l’achat et de la détention du fonds de terre. Anthony a utilisé la meilleure estimation qu’il pouvait établir ainsi qu’une estimation du taux d’intérêt, selon ce qu’il a pu déduire des renseignements dont il disposait, mais le calcul n’était pas fondé sur les intérêts réellement payés[7].

[48]        Zoltan a participé à plusieurs activités commerciales et a effectué de nombreux investissements, y compris des actions cotées en cents, ce qui aurait appelé un financement. Parmi les activités commerciales de Zoltan se trouvent le renflouage des coffres des sociétés NVA et 489 pour la remise en état des aéronefs, l’achat des actions de Mme Larivière et de M. Cole, la dispute avec Bombardier et les répercussions des événements du 11 septembre, soit la pression exercée par les banques, la montée en flèche des primes d’assurance et la réduction de la valeur des avions. Sans aucun doute, les diverses pressions financières ont abouti à la cessation des activités des sociétés NVA et 489. Après avoir payé M. Cole, Zoltan était à court de fonds, et la lettre qu’il a envoyée à M. Plazzer en 2004 témoignait du besoin d’obtenir des liquidités. Je rejette le témoignage rendu par Anthony portant que les intérêts/frais estimatifs s’élèvent à 179 391,43 $ en ce qui a trait au fonds de terre, ce qui comprend le montant moins élevé figurant sur la feuille de calcul des coûts, comme il est mis de l’avant dans l’avis d’appel. À mon avis, il est plus plausible que Zoltan ait utilisé les fonds provenant de la nouvelle hypothèque à diverses fins, y compris peut‑être le fonds de terre, pour composer avec les pressions recensées ci‑dessus, particulièrement en 2002 lorsqu’il avait moins de fonds à sa disposition. Cela dit, il n’est pas possible d’établir, d’après les preuves, le montant des intérêts, s’il en est, qui seraient attribuables au fonds de terre.

[49]        Le paragraphe 18(2) restreint encore davantage l’intérêt hypothécaire et l’impôt foncier pour les propriétés non bâties utilisées dans le cours des activités d’une entreprise que le contribuable exploite au cours de l’année donnée et principalement détenues afin que le contribuable tire un revenu du fonds. Bien que je retienne l’idée que l’impôt foncier semble avoir été payé, ce fait va dans le sens de la thèse de l’appelante, car, selon les preuves, Zoltan ne s’est pas servi du fonds de terre dans le cadre d’une entreprise et il n’en a pas tiré de revenu[8]. Bien qu’Anthony ait fait allusion à une intention d’apporter des améliorations au fonds de terre, aucune amélioration n’a été effectuée au cours des nombreuses années où Zoltan détenait le fonds de terre, et ce dernier n’a jamais été loti. Je conclus que le fonds de terre ne peut pas raisonnablement être considéré comme ayant été utilisé dans le cours des activités d’une entreprise ou comme ayant été détenu principalement dans le but d’en tirer un revenu pour l’année donnée.

[50]        Comme les hypothèses du ministre figurant aux alinéas 11 (b) à (d) et (e) de la réponse n’ont pas été réfutées et que le fonds de terre est demeuré nu sans qu’on ne tente d’en tirer un revenu, l’alinéa 20(1)c) et le paragraphe 18(2) interdisent à l’appelante d’ajouter les montants au PBR.

Perte en capital

[51]        L’appelante est d’avis qu’elle a réfuté les hypothèses du ministre et qu’elle a le droit de demander la déduction de la perte en capital s’élevant à 218 751,79 $, en se fondant sur les témoignages et les pièces A‑3 à A‑8 (le grand livre général, les états financiers et d’autres documents), laquelle se rapporte aux investissements de Zoltan dans les sociétés et aux prêts d’actionnaire lui étant dus qui sont devenus irrécouvrables en 2006[9]. Bien que Zoltan aurait pu et aurait dû demander la déduction de la perte en capital en 2006, il ne devrait pas être pénalisé. Par conséquent, l’appelante a le droit de déduire la perte en capital pour l’année d’imposition 2008 en vertu de l’alinéa 38b) et de l’article 39 en ce qui a trait à la somme qui est devenue irrécouvrable[10].

[52]        Vu l’ampleur des preuves documentaires, étayées par le témoignage des témoins, je conclus, comme l’appelante, que l’hypothèse du ministre portant que Zoltan n’était pas actionnaire a été réfutée.

[53]        L’appelante fait toutefois face à un obstacle fondamental, à savoir que, avant que les dispositions sur les pertes en capital établies aux articles 38 et 39 puissent s’appliquer, la perte doit satisfaire aux conditions consacrées par l’alinéa 50(1)a), comme le soutient l’intimée, qui vise les créances reconnues comme irrécouvrables. En voici le texte :

50.(1) Pour l’application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

a) un contribuable établit qu’une créance qui lui est due à la fin d’une année d’imposition (autre qu’une créance qui lui serait due du fait de la disposition d’un bien à usage personnel) s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable;

[…]

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l’action à la fin de l’année pour un produit nul et l’avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l’année à un coût nul, à condition qu’il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le présent paragraphe s’applique à la créance ou à l’action.

[54]        Selon l’alinéa 50(1)a), les conditions devant être réunies, à l’égard de la créance, avant que des pertes puissent être déduites sont les suivantes :

1.   La créance est due au contribuable à la fin de l’année;

2.   Le contribuable établit qu’elle s’est révélée être au cours de l’année une créance irrécouvrable;

3.   Le contribuable fait un choix, dans sa déclaration de revenu pour l’année, pour que le paragraphe s’applique à la créance.

[55]        A l’occasion de l’affaire Harris c. La Reine, 2005 CCI 501, 2005 DTC 1179, la juge Sheridan a conclu que le défaut de Mme Harris de faire un choix dans sa déclaration de revenus la privait de son droit de déduire le montant de 15 000 $ investi dans une entreprise ainsi qu’un autre prêt relatif à des actions. Au paragraphe 3, la Cour a précisé : « [p]our avoir le droit de déduire ces montants, Mme Harris doit observer les dispositions du paragraphe 50(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu [...] »[11].

[56]        En l’espèce, une lettre datée du 1er juillet 2006 signée par Anthony a été envoyée à Zoltan par la société 489 pour signaler que tous les biens de 489 avaient été [traduction] « liquidés » et que le produit servirait à payer les dettes de la société et celles de VAM et de NVA. Par conséquent, la situation financière de la société 489 ne permettait pas à celle‑ci de rembourser à Zoltan son prêt d’actionnaire s’élevant à 162 372,80 $.

[57]        Il est constant que Zoltan n’a pas demandé la déduction de pertes en capital relatives à quelque investissement que ce soit dans les sociétés dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006, et aucun élément n’indique qu’il ait déduit de telles pertes pour une autre année d’imposition. Anthony n’était pas sûr de la raison pour laquelle Zoltan n’avait pas déduit ces pertes et il a affirmé que ce dernier avait investi dans ACK et subi des pertes relativement à d’autres investissements. En 2006, Zoltan s’est vu rembourser la somme de 15 210 $, faisant passer le montant du prêt d’actionnaire lui étant dû à 218 757 $; cette somme était toujours impayée au moment de son décès. Anthony a déclaré que le solde de la créance et le solde du prêt d’actionnaire avaient été transférés à la société 527 et qu’ils s’y trouvaient toujours au moment de l’audience.

[58]        Comme l’appelante n’a pas fait de choix en 2006, ni lors de toute autre année, comme l’exige l’alinéa 50(1)a), elle ne peut avoir gain de cause, car il est impératif de démontrer qu’une perte en capital peut jouer pour l’année 2008[12].

[59]        Bien que je retienne les témoignages d’Anthony et de Mme Villeneuve selon lesquels Zoltan avait investi des fonds et reçu des remboursements au cours de sa participation dans les sociétés, je ne puis retenir, en dépit des vaillants efforts d’Anthony, la thèse portant que le montant de 218 751,79 $ était dû à Zoltan sur la base de la feuille de calcul des prêts de 2006, car ce montant est fondé sur les meilleurs renseignements qu’Anthony a pu reconstituer à partir des éléments de preuve disponibles. Je retiens les témoignages d’Anthony, de Mme Larivière et de Patrick voulant que la maison ait été remplie de documents moisis et qu’il y avait un problème d’infestation. Anthony a affirmé que la documentation avait déjà été détruite lorsque l’ARC en a fait la demande, et qu’il n’était donc pas possible de trouver des relevés bancaires et des chèques, ce qui était une demande irréaliste de la part de l’ARC, particulièrement après le décès de Zoltan.

[60]        Bien que certains montants figurant sur la feuille de calcul des prêts reconstituée concordent avec certains renseignements, comme ceux se trouvant dans le grand livre général dont on disposait pour certaines années seulement, des explications ont remis en question l’exactitude et la fiabilité des montants apparaissant dans les feuilles de calcul des prêts. Par exemple, lors de son témoignage, Anthony a déclaré que Zoltan avait reçu 30 000 $ d’une banque en 2003, puis il s’est demandé si ce renseignement était erroné, il a tenté de savoir s’il s’agissait d’un autre montant et il n’était pas sûr dans quel compte se trouvait ce montant[13]. En outre, une certaine confusion entourait les intérêts et la question de savoir si les sommes inscrites dans la feuille de calcul des prêts étaient dues à Zoltan. Selon un témoignage, Zoltan avait aidé des membres de sa famille et des amis, mais il n’avait pas imposé d’intérêts à NVA en raison du fardeau pesant sur cette dernière, qui, parfois, nécessitait un renflouage de ses coffres, tout comme la société 489. Toutefois, Mme Villeneuve a dit que les montants d’intérêt avaient été combinés et que les remboursements avaient été réinjectés et qu’ils apparaissent donc sur la feuille de calcul des prêts, mais elle semblait incertaine à l’occasion et elle a changé d’avis en ce qui concerne certains aspects. Faute d’éléments de preuve supplémentaires comme des relevés bancaires et des chèques, je rejette la thèse portant que la feuille de calcul des prêts fasse état d’un mouvement de fonds permettant d’établir le montant dû à Zoltan.

[61]        Je conclus que le défaut de l’appelante de satisfaire à la condition de faire un choix en 2006, ou lors de toute autre année, comme l’exige l’alinéa 50(1)a), exclut catégoriquement la déduction pour perte en capital s’appliquant à l’année 2008.

Allègement fondé sur l’équité

[62]        Comme l’appelante a omis de faire un choix dans sa déclaration de revenus pour déduire sa perte en capital, son recours consiste à présenter une demande au ministre en vertu de l’article 220 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui confère au ministre le pouvoir de proroger le délai dont dispose le contribuable pour présenter un choix tardif (d’autres mesures discrétionnaires peuvent également être accordées relativement aux pénalités et aux intérêts).

[63]        L’appelante a qualifié ses communications avec Mme Tran, agente de l’ARC, de difficiles et frustrantes. Selon Anthony, il n’était pas envisageable d’envoyer une nouvelle déclaration parce que l’ARC ne considérerait pas la preuve comme suffisante. Il a ajouté que, en juillet 2011, il a appris que l’ARC entendait établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante relativement à des gains en capital. Il a résumé ses communications avec les agents de l’ARC entre cette date et novembre 2012 et s’est dit consterné des demandes de documentation de l’ARC, notamment des chèques oblitérés et des relevés bancaires, et il a affirmé que les prolongations qui lui avaient été accordées étaient inadéquates et qu’il n’avait plus accès aux dossiers puisqu’il avait jeté les effets de Zoltan[14].

[64]        Selon les éléments de preuve, dans une lettre datée du 23 novembre 2011, l’ARC a avisé l’appelante que sa demande d’application d’une perte en capital avait été rejetée, car Zoltan n’avait déclaré aucune perte en capital dans sa déclaration de revenus de 2008, ou de quelque autre année, et que la documentation produite était insuffisante pour établir l’existence de pertes en capital. Qui plus est, la lettre précisait que l’appelante pouvait [traduction] « présenter une déclaration de revenus modifiée pour l’année en question, accompagnée d’une demande de choix tardif, aux termes du paragraphe 220(3.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ».

[65]        Le 5 décembre 2011, le ministre a établi une nouvelle cotisation. L’appelante l’a contestée, et le ministre a transmis un avis de ratification.

[66]        Pour répondre, Anthony a envoyé une lettre datée du 27 août 2012 à l’ARC pour l’aviser de ce qui suit :

[traduction]

8. Les pertes en capital des années précédentes s’élèvent à 162 372,80 $. Mon comptable et moi présenterons un formulaire de demande de redressement d’une T1 pour l’année d’imposition 2006 de mon père, ainsi qu’un formulaire RC4288 (Demande d’allègement pour les contribuables, relativement au paragraphe 220(3.2)) afin que cette perte soit prise en compte. En vertu du paragraphe 220(3.2), nous présenterons une demande de prorogation du délai pour faire un choix aux termes du paragraphe 50(1). Nous vous saurions gré de nous fournir des renseignements pour nous aider dans ce processus. En outre, nous aurions besoin d’une copie de sa déclaration de revenus de 2006 puisque je n’en ai pas trouvé copie dans ses archives.

[67]        Malgré cette lettre, l’appelante n’a présenté aucune demande au ministre en vertu des dispositions en matière d’allègement fondé sur l’équité. La Cour n’a aucune compétence au chapitre de ces dispositions.

[68]        Il ne fait aucun doute que Zoltan était un homme exceptionnel et un visionnaire qui avait l’esprit d’entreprise, comme le décrit Anthony. Il ne fait également aucun doute qu’Anthony faisait face à une tâche ardue et qu’il a déployé beaucoup d’efforts, faisant du mieux qu’il pouvait, et ce, dans des circonstances très difficiles, pour organiser une quantité considérable de renseignements, et il faut l’en féliciter. En dépit de ces efforts, l’appelante n’a pas été en mesure de satisfaire aux exigences de la loi.

III. Conclusion

[69]        Par les motifs qui précèdent, je conclus que les montants ne peuvent pas être ajoutés au PBR du fonds de terre et que le ministre avait raison d’inclure dans son calcul un gain en capital de 235 755,60 $ en application de l’alinéa 39(1)a), donnant ainsi lieu à un gain en capital imposable de 117 877,80 $ aux termes de l’alinéa 38a) de la Loi. Qui plus est, n’ayant pas fait un choix, l’appelante n’a pas réalisé de perte en capital au chapitre des investissements dans les sociétés au cours de l’année d’imposition 2006, ou de quelque autre année d’imposition, aux termes de l’alinéa 39(1)c) de la Loi (ni des pertes en capital nettes, comme le stipule l’article 111) pouvant s’appliquer à l’année d’imposition 2008.

[70]        L’appel est rejeté.

[71]        L’appelante a consacré beaucoup de temps et d’efforts pour prouver que Zoltan était actionnaire de chacune des sociétés. Il ressort clairement de la documentation que tel était le cas. L’intimée aurait pu reconnaître ce point avant l’audience. Ainsi, aucuns dépens ne seront adjugés.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 31e jour d’août 2015.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de décembre 2015.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 217

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-374(IT)G

INTITULÉ :

LA SUCCESSION DE ZOLTAN KOKAI‑KUUN et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 16, 17 et 18 février 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge K. Lyons

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 août 2015

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

M. Anthony Kokai-Kuun

Avocate de l’intimée :

Me Karen Truscott

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]              Le ministre a établi une nouvelle cotisation le 5 décembre 2011, et le gain a donné lieu à un gain en capital imposable d’une valeur de 117 877,80 $. Ce montant est obtenu en soustrayant du produit de 370 000 $ le prix d’achat de 110 000 $, en comptabilisant des dépenses s’élevant à 24 244 $ pour accroître le prix de base rajusté, puis en multipliant le tout par 50 %.

 

[2]              Pièce A-12 – Lettre du 11 avril 2004 envoyée par Zoltan à Me Louis Plazzer, qui a effectué certains travaux juridiques pour Zoltan; Me Plazzer se souvient d’avoir reçu la lettre et a confirmé la présence d’une nouvelle hypothèque d’un montant supérieur, mais il ignorait ce qu’il advenait du fonds de terre et que ce dernier avait été mis en vente. Il supposait que Zoltan entendait se servir du fonds de terre à des fins personnelles et professionnelles.

 

[3]              Pièce A-1 – Un montant positif indique qu’un prêt a été consenti à la société par un actionnaire. Un montant négatif désigne le remboursement d’un prêt à un actionnaire.

 

[4]              Le comptable des sociétés s’était trompé en qualifiant certaines des actions que possédait Zoltan.

 

[5]              Dans une publication de la Fondation canadienne de fiscalité, Hache opine que l’application de la politique sur la capitalisation ne doit être refusée que dans les situations d’usage personnel.

 

[6]              La pièce A-17 fait état de l’historique du compte de dépôt pour l’hypothèque, selon lequel, à la page 1, le 8 avril 2000, le paiement intégral de l’hypothèque de la CIBC par la Banque TD s’élevait à 441 336,57 $, et ce montant a été utilisé pour la nouvelle hypothèque. Anthony a produit des renseignements très circonstanciés sur la marge de crédit, et Mme Larivière dit avoir vu l’état du compte de prêt hypothécaire. Selon la pièce A‑17, le montant impayé de la marge de crédit de la Banque TD était de 602 636,01 $ en mai 2011. Anthony affirme qu’il en ressort que Zoltan avait des prêts à intérêts composés pour lesquels les intérêts ne sont ajoutés qu’au solde annuel pendant les 15 années en question, soit de 1992 à 2008, et s’élèvent à 179 391 $. Si ce montant était placé dans deux comptes portant intérêt à un taux de 4 %, il s’élèverait à 289 000 $.

 

[7]              Pièces A-12 et A-16 – L’onglet 25 de la page 4.3 montre que Zoltan a payé 14 974,71 $ en impôt foncier.

 

[8]               En 1992, son ancienne épouse est décédée des suites d’une maladie débilitante.

 

[9]              Pièces A-3 à A‑9, A‑12, A‑13 et A‑16 : Pièce A‑3 – Extraits du registre des procès‑verbaux de la société 489 et des certificats d’action; Pièce A‑4 – États financiers 2 à 11 de la société 489; Pièce A‑5 – Document no 12 contenant le certificat de constitution et divers documents relatifs à NVA; Pièce A‑6 – Documents no 13 à 22, divers documents ayant trait à NVA; Pièce A‑7 – Document no 23, certificat de constitution et divers documents relatifs à 527443 BC Ltd.; Pièce A‑8 – Documents no 24 à 38, états financiers et autres documents relatifs à 527443 BC Ltd.; Pièce A‑9 – Document no 40, compte du grand livre général et copie de chèque annotée; Pièce A‑12 – Document no 43, lettre datée du 11 avril 2004; Pièce A‑13 – Document no 44, partage des actions et convention d’achat d’actions; et Pièce A‑16 – Cahier de preuve documentaire de l’intimée.

 

[10]        Les alinéas 38a) et 39(1)a) et c) ainsi que le paragraphe 111(1) disposent :

38. Pour l’application de la présente loi :

a) sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien;

[…]

39. (1) Pour l’application de la présente loi :

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant […]

[…]

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 :

(i) soit à laquelle le paragraphe 50(1) s’applique,

(ii) soit en faveur d’une personne avec laquelle il n’avait aucun lien de dépendance,

d’un bien qui est :

(iii) soit une action du capital-actions d’une société exploitant une petite entreprise,

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

(A)    une société exploitant une petite entreprise,

(B)    un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

(C) une personne morale visée à l’article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

sur le total des montants suivants :

(v) dans le cas d’une action visée au sous-alinéa (iii), le montant de l’augmentation, après 1977, en vertu de l’application du paragraphe 85(4), du prix de base rajusté, pour le contribuable, de l’action ou de toute action (appelée une « action de rechange » au présent sous-alinéa) pour laquelle l’action ou une action de rechange a été remplacée ou échangée,

(vi) dans le cas d’une action visée au sous-alinéa (iii) et émise avant 1972 ou d’une action (appelée « action de remplacement » au présent sous-alinéa et au sous-alinéa (vii)) qui a remplacé cette action ou une action de remplacement ou qui a été échangée contre l’une ou l’autre, l’ensemble des montants dont chacun représente un montant reçu après 1971, mais avant la disposition de l’action ou lors de cette disposition, ou un montant à recevoir au moment de cette disposition, à titre de dividende imposable sur l’action ou sur toute autre action pour laquelle l’action est une action de remplacement, par :

(A)    le contribuable,

(B)    son époux ou conjoint de fait si le contribuable est un particulier,

(C)    une fiducie dont le contribuable ou son époux ou conjoint de fait était bénéficiaire;

toutefois le présent sous-alinéa ne s’applique pas à une action ou action de remplacement acquise après 1971 auprès d’une personne avec qui le contribuable n’avait aucun lien de dépendance,

(vii) dans le cas d’une action à laquelle le sous-alinéa (vi) s’applique et lorsque le contribuable est une fiducie visée à l’alinéa 104(4)a), le total des montants dont chacun est un montant reçu après 1971 ou recevable au moment de la disposition par l’auteur (au sens du paragraphe 108(1)) ou par l’époux ou conjoint de fait de l’auteur à titre de dividende imposable sur l’action ou sur toute autre action à l’égard de laquelle elle est une action de remplacement, 

(viii) le montant calculé à l’égard du contribuable en vertu du paragraphe (9) ou (10), selon le cas.

[…]

111.(1) Pertes déductibles – Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

[…]

b) Pertes en capital nettes – les pertes en capital nettes que le contribuable subit pour les années d’imposition qui précèdent et pour les trois années d’imposition qui suivent l’année;

[11]             Dans cette affaire, l’appel a été accueilli uniquement en ce qui a trait aux pénalités établies en vertu du paragraphe 163(2). En l’espèce, aucune pénalité n’a été imposée à Zoltan.

 

[12]        Anthony avait mal interprété l’alinéa 50(1)a) et a tenté de soutenir qu’il y avait une créance relative à une action et à une société en faillite, puis il a par inadvertance soutenu que les conditions figurant à l’alinéa 50(1)b) visaient son cas. Cependant, cet alinéa et ces conditions n’ont aucune incidence dans le présent appel, car il n’est pas question d’une créance associée à une action. Il est plutôt question de fonds prêtés aux sociétés qui sont inscrits dans les comptes de prêt d’actionnaire. Ainsi, les conditions énoncées aux sous‑alinéas 50(1)b)(i), (ii) et (iii) ne sont pas en cause en l’espèce, et les divisions (A) à (D) visent les actions énumérées à l’alinéa 50(1)b).

[13]             Le total était de 47 315,07 $ – Pièce A-4. Il ressort que Zoltan a payé 30 000 $ et qu’il est lié à la société 489, car ce montant figure à titre de crédit dans les livres de 489 et à titre de débit dans le compte de Zoltan.

 

[14]             Le 19 juillet 2011, l’appelante a réfuté le montant de plus de 260 000 $ pour lequel l’ARC proposait d’établir une cotisation pour gain en capital dans sa lettre du 13 juillet 2011. L’appelante a soutenu que les coûts afférents à la détention du fonds de terre et les pertes en capital (s’élevant à 162 372,80 $) étaient supérieurs au gain en capital proposé. Le 23 novembre 2011, l’ARC a répondu sans tenir compte de toutes les dépenses. Le 5 décembre 2011, le ministre a établi une nouvelle cotisation, et l’appelante a répondu le 12 décembre 2011. Le 23 décembre 2011, Anthony a demandé à l’ARC d’accorder une prolongation. Le 18 janvier 2012, la division de l’évaluation de l’ARC a fait savoir qu’elle entendait examiner le dossier. Le 18 juillet 2012, l’ARC a envoyé une lettre à l’appelante. Le 27 août 2012, l’appelante a envoyé une lettre à l’ARC pour signaler son désaccord avec la position de l’Agence et le fait qu’elle ne disposait pas de suffisamment de temps pour répondre à ses demandes. Le 1er octobre 2012, Anthony a consulté un conseiller juridique. Le 5 octobre 2012, l’échéance a été prorogée. Le 6 novembre 2012, l’ARC a transmis un avis de ratification. Le 14 novembre 2012, Anthony a consulté un comptable. Le 4 février 2013, il a interjeté appel à la Cour. Il a affirmé avoir eu quelques autres communications avec l’ARC entre juillet et septembre 2013.

 

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