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Référence : 2015 CCI 280

Date : 20151202

Dossiers : 2010-2864(IT)G

2010-1413(IT)G

2010-1414(IT)G

2013-4005(IT)G

ENTRE :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Requête entendue les 15 et 16 juillet 2015 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Joseph Steiner

Me Al Meghji

Me Caroline D’Elia

Avocats de l’intimée :

Me Michael Ezri

Me Eric Noble

Me Craig Maw

 

ORDONNANCE ET MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge en chef Rossiter


Introduction

[1]             La présente requête déposée par l’intimée vise à obtenir les mesures suivantes :

        des réponses aux questions de l’interrogatoire préalable qui ont été rejetées ou auxquelles, selon l’intimée, la partie adverse a fourni des réponses incomplètes ou n’a fourni aucune réponse;

        des décisions quant aux diverses revendications du privilège présentées par l’appelante (ci-après appelée la « CIBC » ou la « banque ») relativement à des questions et à des demandes de documents de l’intimée;

        le règlement de questions relatives à la liste de documents de la CIBC.

Les faits : appels sous-jacents

[2]             Les appels se rapportent à la tentative de la CIBC de déduire environ trois milliards de dollars en versements de règlement, en intérêts sur les versements de règlement et en frais judiciaires connexes (les « paiements de règlement ») de son revenu d’entreprise pour les années d’imposition 2005 et 2006. Ces paiements de règlement se rapportent à un contentieux découlant de certaines opérations de la CIBC avec Enron Corporation (« Enron »). Après la demande de protection du chapitre 11 de la Loi sur les faillites d’Enron, la CIBC et d’autres entités ont été poursuivies en justice pour leur participation qui avait été répréhensible à des opérations avec Enron qui englobaient la vente d’actifs à des entités ad hoc. Selon les plaignants, la CIBC savait que les ventes n’étaient pas correctement inscrites sur les états financiers d’Enron. Les deux procédures contentieuses se rapportant à Enron sont connues sous les appellations « le contentieux Newby » et « le contentieux MegaClaim ».

[3]             Au cours de son année d’imposition 2005 terminée le 31 octobre 2005, la CIBC est parvenue à une entente dans les contentieux Newby et MegaClaim, réglant pour une somme de 2,6 milliards de dollars américains, soit environ 2,9 milliards de dollars canadiens. La banque devait également de l’intérêt sur les versements de règlement de l’affaire Newby s’élevant à environ 48 millions de dollars et elle avait engagé des dépenses judiciaires connexes de près de 56 millions de dollars.

[4]             La CIBC a ensuite déduit presque tous les paiements de règlement de son revenu d’entreprise pour l’année d’imposition 2005. Elle a ensuite déduit de son revenu d’entreprise pour l’année d’imposition 2006 les paiements de règlement qu’il restait; à ce stade, ces paiements n’étaient plus composés que d’intérêts et de frais judiciaires et ils s’élevaient à environ 26,5 millions de dollars. Les déductions de 2005 ont également amené la CIBC à subir une perte autre qu’une perte en capital de 2,1 milliards de dollars en 2005 et à reporter de façon rétrospective environ 2,04 milliards de dollars de cette perte, à son année d’imposition 2003 et 41 millions de dollars, à son année d’imposition 2002.

[5]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les déductions pour divers motifs, les déclarant non conformes aux articles 3 et 9 et à l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] (la « Loi »), car les sommes n’avaient pas été engagées en vue de tirer un revenu de l’entreprise et ne respectaient pas les principes comptables ou commerciaux généralement reconnus. Le ministre affirme que les coûts revenaient en fait à certaines filiales et sociétés affiliées de la CIBC et non à la banque proprement dite. Il a également refusé les déductions au titre d’autres dispositions de la Loi, par les motifs suivants :

        Si les paiements de règlement avaient été effectivement engagés pour tirer un revenu de l’entreprise, ils ne constituaient que des dépenses en capital aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la Loi;

        Les paiements de règlement auraient été remboursés à la CIBC si celle-ci avait eu un lien de dépendance avec ses filiales et sociétés affiliées; les déductions ne sont donc pas autorisées aux termes des paragraphes 247(2) et (3) de la Loi;

        Les déductions n’étaient pas raisonnables et étaient par conséquent contraires à l’article 67 de la Loi;

        Les coûts du règlement et des intérêts ne représentaient que des dettes éventuelles en 2005 et n’étaient donc pas déductibles aux termes des alinéas 18(1)a) et 18(1)e) de la Loi.

[6]             Le ministre a également établi une cotisation pour la CIBC à l’égard des intérêts sur les acomptes provisionnels, les intérêts débiteurs et les intérêts créditeurs, ainsi que des montants ajoutés au capital imposable de la banque aux fins de l’application des parties I.3 et VI de la Loi, qui a donné lieu à une hausse de l’impôt payable par la banque. L’issue des quatre appels dépend essentiellement de la réponse à la question suivante : la CIBC peut-elle déduire les paiements de règlement à titre de dépenses?

Aperçu de la requête

[7]             La présente requête est en majeure partie une question de privilèges et de pertinence. La CIBC revendique le secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif au litige et le privilège relatif aux règlements pour bon nombre des questions et documents en cause dans la présente requête. La banque déclare que la requête de l’intimée constitue une tentative d’empiètement sur ces privilèges par l’obtention de l’accès à de l’information et à des documents censés être protégés. Elle soutient également que diverses questions posées par l’intimée ne sont pas pertinentes par rapport aux appels fiscaux et qu’elles ont été refusées à juste titre. Plus particulièrement, la CIBC affirme que l’intimée essaie de répéter le contentieux Enron, qui a mené aux règlements Newby et MegaClaim, tandis que la véritable question est plutôt celle de la déductibilité des paiements de règlement. Les refus étaient donc justifiés au motif de la non-pertinence ou encore du principe de la proportionnalité.

[8]             L’intimée soutient que les prétentions au privilège de la CIBC ne sont pas fondées ou que celle-ci a implicitement renoncé à ce privilège. Elle affirme que la renonciation a eu lieu soit lorsque la CIBC a mis en cause son état d’esprit en se fiant à un avis juridique, soit lorsqu’elle a divulgué de l’information privilégiée de façon sélective, l’équité exigeant pourtant la communication intégrale.

[9]             Au chapitre de la pertinence, il importe de noter encore une fois que, selon l’intimée, les paiements de règlement n’appartenaient pas à la CIBC, mais à certaines filiales et sociétés affiliées. En d’autres mots, l’intimée soutient que la banque aurait dû attribuer les déductions des paiements de règlement à d’autres entités apparentées, plutôt que conserver la pleine déduction pour elle-même. Elle affirme que ce sont ces entités qui avaient participé aux opérations avec Enron ayant mené aux poursuites Newby et MegaClaim. Bon nombre des questions de l’intimée poursuivent sur cette lancée, et celle-ci soutient qu’elles sont donc pertinentes par rapport aux appels fiscaux et raisonnables, étant donné la complexité des appels et les sommes d’argent en jeu.

[10]        De façon générale, l’intimée soutient que la CIBC ne répond pas aux questions fondamentales au sujet de la façon dont elle a comptabilisé certaines dépenses liées au procès, des conseils auxquels elle s’est fiée pour évaluer le risque de poursuite sous-jacent découlant de l’affaire Enron et de son interprétation des risques de responsabilité judiciaire pour elle-même et ses filiales et sociétés affiliées. Cette information constitue un élément clé des thèses de l’intimée quant à la comptabilisation juste des paiements de règlement (y compris la façon dont les décisions en matière d’inscription ont été prises et le moment où elles ont été prises), à l’entité active à laquelle les paiements devaient être imputés (la CIBC ou ses filiales ou sociétés affiliées), à la question de savoir si les paiements de règlement avaient été imputés au capital et à la mesure dans laquelle les filiales auraient contribué aux paiements de règlement si elles avaient eu un lien de dépendance avec la CIBC.

Mesures demandées

[11]        L’intimée cherche en substance à obtenir une ordonnance enjoignant à la CIBC de :

        répondre aux questions auxquelles elle a refusé de répondre, à celles qu’elle a soutenu être protégées par le privilège et à celles auxquelles elle n’a pas fourni de réponse complète ou n’a fourni aucune réponse;

        produire certains documents qu’elle s’était engagée à produire, mais qu’elle n’a pas encore produits;

        remplir tout engagement non respecté;

        produire à la Cour certains documents pour lesquels elle revendique un privilège, de sorte que la Cour les examine et établisse si les prétentions sont justifiées;

        mettre à jour sa liste de documents afin d’inclure davantage de données d’identification pour certains documents visés par le privilège sollicité.

Questions en litige

[12]        Les questions en litige dans la présente requête sont les suivantes :

a.     La thèse de la CIBC s’appuyant sur le privilège à l’égard des documents dans lesquels sont consignées ses enquêtes internes sur l’affaire Enron est-elle fondée?

b.     La CIBC a-t-elle renoncé ou doit-elle être réputée avoir renoncé à son droit de revendication du privilège, en mettant en cause son état d’esprit (plus particulièrement ses connaissances juridiques) à l’égard de la poursuite sous-jacente Enron et du règlement issu de la procédure ou en divulguant de façon sélective des éléments d’information privilégiés?

c.      La CIBC peut-elle invoquer le privilège relatif aux règlements pour protéger des éléments d’information et des documents issus de la négociation et de la conclusion des règlements Newby et MegaClaim?

d.     La CIBC peut-elle utilement invoquer le privilège relatif au litige découlant des poursuites Newby et MegaClaim?

e.      La CIBC peut-elle utilement revendiquer le secret professionnel de l’avocat à l’égard de certaines questions et de certains documents?

f.       L’annexe B de la CIBC est-elle incomplète en raison d’une insuffisance de données d’identification pour certains documents privilégiés?

g.     La CIBC doit-elle être tenue de répondre aux questions auxquelles elle avait refusé de répondre, y compris, mais sans s’y limiter, les questions sur les circonstances dans lesquelles la banque s’est attribué les dépenses liées au règlement avec Enron?

h.     La CIBC doit-elle être tenue de répondre aux questions auxquelles elle n’aurait pas fourni de réponse complète ou n’aurait fourni aucune réponse selon l’intimée?

Dispositions pertinentes des Règles

[13]        La présente requête fait appel aux articles suivants des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale)[2] (les « Règles ») :

        L’article 82, qui régit la liste de documents;

        L’article 84, qui régit la description des documents à fournir dans la liste de documents;

        L’article 88, qui porte sur la mesure potentielle dans le cas d’une déclaration sous serment incomplète ou dans le cas où le moyen tiré du privilège n’est pas fondé;

        L’article 95, qui régit la portée de l’interrogatoire préalable;

        L’article 107, qui régit les objections à des questions pendant un interrogatoire préalable et la façon dont les questions sont traitées;

        L’article 110, qui prescrit une mesure en cas de défaut ou d’inconduite de la personne devant être interrogée.

Principes de l’interrogatoire préalable

[14]        A l’occasion de l’affaire Burlington Resources Finance Company v The Queen[3], le juge Campbell a examiné la jurisprudence au sujet des principes de l’interrogatoire préalable et en a produit un excellent résumé. Je relève que la décision Burlington a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale et que cette procédure est pendante. A mon sens, cette décision est des plus utile à titre d’analyse de la jurisprudence pertinente. J’insisterais particulièrement sur les principes tirés de la décision Kossow c La Reine[4], qui ont été approuvés par la Cour d’appel fédérale[5], et de la décision HSBC Bank Canada v The Queen[6]. Voici les extraits de la décision Burlington qui sont les plus pertinents en l’espèce :

[traduction]

[11]  La jurisprudence est claire et abondante. Voici les principes fondamentaux de l’interrogatoire préalable : sa portée doit être large, sa pertinence doit être interprétée de façon large, sans, toutefois, que l’exercice ne relève de la pure recherche à l’aveuglette. Ces principes de base sont essentiels, parce que l’examen préalable a pour objet de permettre aux parties de connaître les moyens qui seront invoqués contre elles au procès, de connaître les faits sur lesquels la partie adverse s’appuie, de supprimer certaines questions ou de les circonscruire, d’obtenir des aveux qui faciliteront la preuve des questions en litige et, enfin, d’éviter les surprises au procès (General Electric Capital Canada Inc. v The Queen,  TCC 668, 2009 DTC 1186, au paragraphe 14). Ces principes ont pour but de simplifier l’audition de l’appel et d’amener les parties à mettre l’accent sur les bonnes questions.

[12]  Dans la décision Baxter c. La Reine, 2004 CCI 636, 2004 DTC 3497, au paragraphe 13, le juge en chef de l’époque, le juge Bowman, a résumé ainsi les principes en matière de pertinence des questions des interrogatoires préalables :

a) la question de la pertinence, dans le cade de l’interrogatoire préalable, doit être interprétée d’une façon large et libérale et il faut accorder une grande latitude;

b) le juge des requêtes ne doit pas remettre en question le pouvoir discrétionnaire en examinant minutieusement chaque question ou en demandant à l’avocat de la partie interrogée de justifier chaque question ou d’expliquer sa pertinence;

c) le juge des requêtes ne devrait pas chercher à imposer son opinion au sujet de la pertinence au juge qui entend l’affaire en excluant des questions qu’il estime non pertinentes, mais que ce dernier, dans le contexte de la preuve dans son ensemble, pourrait considérer comme pertinentes;

d) les questions manifestement non pertinentes ou abusives ou les questions destinées à embarrasser ou à harceler le témoin ou à retarder le procès ne doivent pas être autorisées.

[13]  Un résumé des grands principes dégagés par la jurisprudence a été exposé par la juge V. Miller, au paragraphe 60 de la décision Kossow c La Reine, 2008 CCI 422, 2008 DTC 4408 :

1.      Les principes concernant la pertinence des questions ont été énoncés par le juge en chef Bowman et ils sont reproduits au paragraphe 50[7].

2.      Bien que le critère de la pertinence à l’étape de la communication de la preuve soit très généreux, il ne permet pas une pure « recherche à l’aveuglette » : Lubrizol Corp. c. Compagne Pétrolière Impériale Ltée, [1997] 2 CF 3, au paragraphe 19.

9.   Il est légitime de poser des questions pour déterminer la position juridique de la partie adverse : Réserve de la nation Six Nations of the Grand River Band c. Canada (Procureur général), [2000] OJ No. 1431, au paragraphe 14.

[14]  Le juge C. Miller, dans la décision HSBC Bank Canada v The Queen, 2010 TCC 228, 2010 DTC 1159, aux paragraphes 14 et 15, après avoir cité les principes de Kossow, a ajouté ce qui suit à son examen de la portée des questions de l’interrogatoire préalable :

[traduction]

[14] Les principes additionnels suivants peuvent être tirés d’autres décisions récentes de la Cour canadienne de l’impôt :

1.      La partie interrogatrice a droit à « toute information et à la production de tout document pouvant mener raisonnablement à une enquête qui pourrait directement ou indirectement faire avancer sa thèse ou nuire à celle de la partie adverse » : Teelucksingh v. The Queen, 2010 TCC 94, 2010 DTC 1085.

2.      La Cour ne devrait exclure que les questions qui sont « 1) nettement abusives; 2) de toute évidence une stratégie de temporisation; 3) manifestement non pertinentes » : John Fluevog Boots & Shoes v. The Queen, 2009 TCC 345, 2009 DTC 1197.

[15]  La Cour d’appel fédérale, dans la décision Canada c. Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 120, 2011 DTC 5069, aux paragraphes 34 et 35, a décrit les limites générales des interrogatoires préalables :

[34]  Il appert de la jurisprudence qu’une question est pertinente lorsqu’il est raisonnablement possible qu’elle mène à l’obtention de renseignements pouvant directement ou indirectement permettre à la partie qui sollicite la réponse de faire valoir ses arguments ou de réfuter ceux de son adversaire ou de la lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets. Pour déterminer s’il est satisfait à ce critère, il convient d’examiner les allégations que la partie qui procède à l’interrogatoire tente d’établir ou de réfuter. Voir Eurocopter [[2010] F.C.J. No. 740], au paragraphe 10, Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd. 2008 CAF 287 (CanLII), 381 N.R. 93, aux paragraphes 61 à 64; Bristol-Myers Squibb Co. c. Apotex Inc. [[2007] F.C.J. No. 1597], aux paragraphes 30 à 33.

[35]  Lorsque la pertinence est établie, la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de refuser de permettre une question. Pour exercer ce pouvoir discrétionnaire, il convient de soupeser la valeur possible de la réponse au regard du risque qu’une partie abuse du processus de communication préalable. Voir Bristol-Myers Squibb c. Apotex Inc., au paragraphe 34. La Cour peut refuser d’autoriser une question pertinente lorsque la réponse exigerait trop d’efforts et de dépenses de la part de la partie à laquelle elle est posée, lorsqu’il y a d’autres moyens d’obtenir les renseignements sollicités ou lorsque la question fait partie d’une « recherche à l’aveuglette » de portée vague et étendue : Merck & Co. v. Apotex Inc., 2003 CAF 438, 312 N.R. 273, au paragraphe 10; Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Limited, 2008 CAF 131, 166 A.C.W.S. (3d) 850, au paragraphe 3.

[16]  Enfin, une partie peut être obligée de répondre à des questions portant sur tout élément contenu dans les actes de procédure, même si une partie a déclaré ne plus se fier à cette thèse ou disposition, ou s’est engagée à ne plus s’y fier. (Canada c. ExxonMobil Canada Hibernia, 2014 CAF 168, 2014 DTC 5086).

[17]  La jurisprudence est abondante et les lignes directrices, bien établies. Comme il a été mentionné dans de nombreuses décisions, il n’existe pas de formule à utiliser pour établir si des réponses doivent être apportées aux questions. Le but premier est de faire avancer l’affaire de façon juste, raisonnable et rapide jusqu’au procès…

[15]        Au‑delà de la question de la pertinence, par d’autres décisions, la Cour canadienne de l’impôt (« CCI ») a souligné le rôle que les actes de procédure jouent dans la définition de la pertinence. A l’occasion de l’affaire Teelucksingh v The Queen[8], la Cour a observé :

[traduction]

i)  L’interrogatoire préalable est un interrogatoire au sujet de l’information et des croyances de l’autre partie quant aux faits pertinents par rapport aux questions en litige, telles que définies dans les actes de procédure.

vi) La partie interrogatrice a le droit de produire des documents pertinents quant aux questions en litige telles que définies dans les actes de procédure, sous réserve des prétentions au privilège fondées[9].

[16]        A l’occasion de l’affaire Shell Canada Ltd. v The Queen[10], le juge en chef adjoint Christie repris à son compte les observations suivantes[11] lors de la discussion du rôle des actes de procédure dans la définition de la pertinence :

[traduction]

10. Voir également le recueil des règles de procédures civiles de l’Ontario Holmested & Watson, Ontario Civil Procedure, sous la rubrique « SCOPE OF EXAMINATION : GENERAL, Rule 31.06(1) » (PORTÉE DE L’INTERROGATOIRE : GÉNÉRALITÉS, paragraphe 31.06(1) des Règles), aux pages 31 à 48 :

  Ce qui se rapporte aux questions en litige, telles qu’elles sont définies dans les actes de procédure, a une portée extrêmement large. La partie qui interroge a le droit de se livrer à pareil interrogatoire en vue d’étayer sa propre preuve et de soumettre cette preuve à la partie adverse de façon à obtenir des aveux et à restreindre la portée des questions en litige. Elle a le droit d’interroger une personne de façon à démolir la preuve de son adversaire ou à découvrir la preuve qu’elle doit réfuter et les faits (ou la preuve) sur lesquels ce dernier se fonde. On ne saurait s’y opposer en disant que la partie interrogatrice connaît déjà ces faits. La partie qui interroge a le droit d’obtenir des aveux qui l’aideront à présenter sa preuve ou à démolir celle de l’adversaire, et, de fait, c’est l’un des principaux buts de l’interrogatoire préalable. Voir, d’une façon générale, Williston and Rolls, The Law of Civil Procedure (1970), pp. 782–787.

Voir aussi ce qui suit, aux pages 31 à 49 :

Selon une règle fondamentale, les actes de procédure définissent les limites de l’interrogatoire préalable. L’interrogatoire préalable doit se rapporter aux questions litigieuses telles qu’elles ressortent du dossier : Playfair v. Cormack (1913), 4 O.W.N. 817 (H.C.); Jackson v. Belzburg, [1981] 6 W.W.R. 273 (C.A.C.‑B.). La partie qui interroge n’a pas le droit d’invoquer des éléments de preuve dont les actes de procédure ne font pas état et de poser des questions au sujet d’un élément qu’elle n’a pas tenté d’énoncer dans ses actes de procédure. Cependant, « dans un interrogatoire préalable, est pertinent tout ce qui peut aider directement ou indirectement la partie qui sollicite l’interrogatoire à présenter sa preuve ou à réfuter celle de son adversaire » : McKergow v. Comstock (1906), 11 O.L.R. 637 (C.A.). De toute évidence, l’interrogatoire ne peut pas porter sur des questions non pertinentes, mais la pertinence doit être déterminée par les plaidoiries, interprétées avec une latitude raisonnable : ibid. Le juge ne devrait pas avoir à mener une enquête approfondie sur la pertinence de chaque question; lorsque les questions se rapportent d’une façon générale aux points litigieux soulevés, il faut y répondre : Czuy v. Mitchell (1976), 2 C.P.C. 83 (Alta. C.A.). La tendance est d’élargir l’interrogatoire au préalable; le « droit d’interroger n’est pas limité aux faits directement en litige, mais s’étend à tout fait dont l’existence ou l’inexistence se rapporte à l’existence ou à l’inexistence des faits directement en litige : Marriott v. Chamberlain (1886), 17 Q.B.D. 154.

[17]        Les actes de procédure pour les appels fiscaux au fond sont donc d’une grande utilité pour définir la pertinence.

[18]        Il ressort de l’examen des principes de l’interrogatoire préalable exposés précédemment les points saillants suivants :

        La pertinence est extrêmement large et doit être interprétée de façon libérale. Le seuil de la pertinence à l’étape de l’interrogatoire préalable, quoique peu élevé, ne permet pas une pure « recherche à l’aveuglette », les questions abusives, les stratégies de temporisation, ni les questions dénuées de toute pertinence;

        Tout ce qui peut aider directement ou indirectement la partie interrogatrice à prouver ses moyens ou à réfuter ceux de son adversaire est pertinent. Si les questions se rattachent de façon générale aux points soulevés, elles doivent recevoir réponse;

        Les actes de procédure définissent dans une certaine mesure les limites de l’interrogatoire préalable;

        La partie qui interroge se livre à l’interrogatoire dans le but de prouver ses propres moyens, d’obtenir des aveux, d’attaquer les moyens de la partie adverse, de limiter la portée des questions en litige et de découvrir les moyens qu’elle doit réfuter lors du procès et les faits sur lesquels la partie adverse se fonde.

Question en litige no 1 : Documents d’enquête interne de la CIBC

[19]        Cette question englobe les questions nos 995, 996 et 1005.

[20]        Les éléments de preuve produits par la CIBC se rapportaient à certaines enquêtes internes menées à la suite de l’effondrement d’Enron et aux opinions du président-directeur général ou d’autres cadres au sujet de la conduite de la CIBC dans ses opérations avec Enron. L’intimée a en substance demandé si la CIBC ou ses filiales et sociétés affiliées avaient effectué des examens internes et a fait plus particulièrement mention d’examens dont il était question dans les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration de la banque et d’un examen mentionné dans un courriel à un journaliste. L’intimée a également demandé quels étaient les résultats de ces examens. La CIBC revendique le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige pour la protection de tous les documents d’enquête interne.

Quelles sont les enquêtes en cause?

[21]        En plus de demander de façon générale si des enquêtes internes ont été menées sur les opérations avec Enron, l’intimée demande plus particulièrement des renseignements sur les enquêtes mentionnées dans les éléments de preuve suivants :

        Dans un courriel du 4 octobre 2002 à un journaliste du Globe and Mail, le vice-président directeur des services de communication intégrés de la CIBC a déclaré que la banque n’avait aucun motif de penser qu’elle aurait eu un comportement répréhensible dans des opérations avec Enron et qu’elle a tiré cette conclusion après avoir mené un examen interne approfondi de l’ensemble de ses relations avec Enron au fil des ans[12].

        Selon le procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration de la CIBC tenue le 7 août 2003, la direction de la CIBC a pris des mesures pour enquêter au sujet de l’affaire Enron et les résultats devaient être présentés au conseil d’administration de sorte que celui-ci puisse établir s’il est d’accord avec les conclusions et les stratégies de la direction, [traduction] « y compris l’à-propos [de la participation] des employés de la CIBC [aux] opérations avec Enron[13] ». 

        Le président-directeur général et le président du conseil d’administration s’étaient entendus, selon le procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration de la CIBC tenue le 20 août 2003, sur la nécessité que le conseil examine les questions de réputation et avaient demandé qu’un [traduction] « évaluateur indépendant » examine ces points[14].

        Selon le procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration de la CIBC tenue le 9 octobre 2003, le vice-président directeur et le chef du contentieux ont fourni un bilan de diverses affaires liées à Enron. Cet exposé est expurgé dans le document produit en preuve. Après ce bilan, le PDG déclare au nom de la direction qu’il est de l’intérêt supérieur de la CIBC que celle-ci mette fin, par transaction, au contentieux l’opposant à Enron[15]. (L’intimée semble penser que ce procès-verbal fait référence à une enquête interne; il semble toutefois s’agir simplement de la consignation d’un bilan au sujet du contentieux l’opposant à Enron. Cela dit, le fait que la direction se dise d’avis qu’il est de l’intérêt supérieur de la CIBC que celle-ci mette fin, par transaction, au contentieux l’opposant à Enron pourrait avoir un rapport avec cette enquête interne.)

        L’examen par le vice-président directeur et le chef du contentieux [de la question] des [traduction] « enquêtes internes » effectuées après la faillite d’Enron[16] est consigné au procès-verbal d’une réunion du conseil d’administration de la CIBC tenue le 3 août 2005.

Pertinence des enquêtes internes

[22]        Il est clair que les enquêtes sur divers agissements de la CIBC et de ses entités affiliées dans l’affaire Enron, y compris les opérations en cause dans le différend qui a mené à la déduction des paiements de transaction par la CIBC, seraient pertinentes par rapport aux arguments de l’intimée quant au choix de l’entité à laquelle les paiements de transaction auraient dû être imputés. L’intimée fait remarquer que dans les appels en matière fiscale, la CIBC met l’accent sur son propre rôle dans les opérations avec Enron afin de justifier sa déduction des paiements de transaction. Les examens internes des opérations avec Enron pourraient porter sur des éléments d’information dont il ressort que les employés ou entités ont participé aux opérations attaquées, ce qui leur conférerait une haute pertinence pour les appels fiscaux.

Privilège

Critères

[23]        La CIBC revendique le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif au litige à l’égard des documents d’enquête interne. Or, le privilège relatif au litige ne joue pas ; voir les motifs ci-après. Il n’y a donc qu’un seul point à trancher ici : la Cour doit rechercher si le secret professionnel de l’avocat vise les enquêtes internes.

[24]        Pour tomber sous le coup du secret professionnel de l’avocat, le document ou une communication doit remplir les critères habituels. Il doit s’agir : 1) d’une communication entre un avocat et son client; 2) qui comporte une consultation ou un avis juridique; 3) que les parties considèrent de nature confidentielle[17].

[25]        Il incombe à la partie qui invoque le secret d’établir le bien-fondé de sa thèse selon la prépondérance des probabilités[18]. Cela signifie que la CIBC a le fardeau qu’elle a droit à ce privilège.

[26]        La Cour doit rechercher qui menait ou dirigeait les enquêtes internes et si celles-ci avaient pour objectif un avis juridique. La CIBC soutient que les enquêtes remplissent les critères. L’intimée affirme quant à elle que la CIBC ne répond pas aux critères, parce que les enquêtes n’ont été menées ni demandées par un avocat aux fins d’un avis juridique; dans d’autres cas, le chef du contentieux de la CIBC n’intervenait pas à titre d’avocat, mais à titre de cadre de la banque et directeur de nombreuses filiales.

Les enquêtes ont-elles été menées ou dirigées par un avocat?

[27]        La CIBC soutient que, selon l’information disponible, les enquêtes ont été menées par ou sous la direction d’un avocat de ses services juridiques internes ou d’un avocat de l’extérieur. Elle souligne aussi le fait que dans le procès-verbal pertinent d’une réunion du conseil d’administration, le compte rendu sur les enquêtes internes est présenté par le chef de son service du contentieux.

[28]        Cependant, il ne ressort pas des éléments de preuve produits qu’il y a eu participation d’un avocat aux enquêtes :

        Dans le courriel du 4 octobre 2002 au journaliste du Globe and Mail, il n’est nullement question de l’intervention d’un avocat;

        Le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 7 août 2003 rapporte les mesures prises par la direction de la CIBC pour enquêter sur le sujet. Il y est par la suite précisé que l’ensemble des participants allaient décider s’ils entérinaient les conclusions et stratégies de la direction, et il est bien dit de la direction et non d’un avocat;

        L’enquête exposée dans le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration tenue le 2 août 2003 est présentée comme étant menée par un [traduction] « évaluateur indépendant » des opérations avec Enron et autres opérations qui représentent un risque financier et un risque d’atteinte à la réputation pour la CIBC. Rien ne donne à penser qu’il s’agit d’une enquête menée par un avocat;

        Selon le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration tenue le 3 août 2005, c’est le chef du contentieux de la CIBC qui dirigeait la discussion sur les enquêtes internes. Cependant, il en ressort, au mieux, que des avis juridiques étaient produits en fonction des enquêtes; cela ne prouve pas que les enquêtes proprement dites étaient menées ou dirigées par un avocat.

[29]        Selon les exemples mentionnés par l’intimée et exposés précédemment, rien ne donne à penser qu’un avocat aurait mené les enquêtes ou demandé leur tenue aux fins d’avis juridiques. Il est bien sûr raisonnable de se demander pour quel autre motif des enquêtes auraient été menées. Il semble que la CIBC essayait d’imaginer ce qui était arrivé et qu’une telle enquête aurait eu comme objectif, du moins en partie, de déterminer sa responsabilité. Il appartient toutefois à la CIBC d’établir le bien-fondé de la revendication du privilège. Je ne pense pas qu’il ait été démontré que les enquêtes ont été menées ou dirigées par un avocat et la CIBC ne s’est donc pas acquittée de son fardeau d’établir l’existence de cette condition du privilège.

[30]        L’intimée soutient aussi que, dans certains cas, le chef du contentieux de la CIBC n’intervenait pas à titre d’avocat, mais de cadre de la banque et directeur de nombreuses filiales et que le secret professionnel de l’avocat ne joue donc pas[19]. La preuve n’est pas suffisante pour que la Cour conclue que c’était le cas. Selon le procès-verbal, le chef du contentieux a produit le bilan des questions relatives à Enron et rien ne donne à penser qu’il a pu intervenir à titre autre que celui de conseiller juridique pour la CIBC.

Les enquêtes ont-elles été menées aux fins de la fourniture d’un avis juridique?

[31]        L’intimée soutient qu’il n’existe nul élément de preuve dont il ressort que les enquêtes ont été menées aux fins d’un avis juridique, affirmant qu’il n’y a pas de lettre de la CIBC à un avocat dans laquelle celle-ci demande la tenue de ces enquêtes, ni de déclarations sous serment indiquant que les enquêtes auraient été effectuées par un avocat aux fins d’un avis juridique.

[32]        Pour la CIBC, il est clair, selon les documents produits, que les enquêtes ont été effectuées après l’effondrement d’Enron, en rapport avec le contentieux envisagé et en cours. La seule déduction raisonnable, dit la banque, c’est que les enquêtes ont été menées sous la supervision d’un avocat de la banque aux fins d’avis à la direction et au conseil d’administration sur des questions se rattachant à l’affaire Enron.

[33]        Le droit au privilège ne peut être établi uniquement sur la base de déductions. La CIBC n’a produit nul document dont il ressort que les enquêtes étaient effectuées sous la surveillance d’un avocat aux fins d’avis juridiques. Comme discuté précédemment, il semble effectivement raisonnable de penser que des enquêtes internes auraient du moins un certain rapport avec la production d’avis juridiques, mais la CIBC n’a pas démontré en quoi ces enquêtes précises respectaient les critères du secret professionnel de l’avocat; la banque se contente de demander à la Cour de déduire que les critères sont remplis.

[34]        La Cour ne peut cependant faire cette déduction sans fondement raisonnable. La CIBC a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le secret professionnel de l’avocat vise les enquêtes. Or, elle ne l’a pas fait. Les preuves ne sont en effet pas suffisantes pour établir que les enquêtes ont été menées ou dirigées par un avocat ou qu’elles ont été menées aux fins d’avis juridiques. Elles peuvent certainement avoir par la suite constitué le fondement d’avis juridiques, et ces avis seraient privilégiés. Mais les enquêtes proprement dites ne bénéficient pas de la même protection.

Indépendance de l’existence des faits par rapport à une communication privilégiée

[35]        Que les enquêtes remplissent ou non les critères du secret professionnel de l’avocat, il existe d’autres motifs pour lesquels les enquêtes à proprement parler, ou du moins les volets de ces enquêtes qui n’englobent pas d’avis juridique, ne sont pas protégées par le secret.

[36]        L’intimée cite une jurisprudence de la Cour fédérale, Belgravia Investments Ltd. c Canada[20], dont elle dégage la doctrine suivante : certains documents sont peut-être privilégiés parce qu’ils font état de conseils juridiques, mais les faits qui y sont exposés et dont la communication peut être exigée ne le sont pas[21]. La Cour fédérale a ajouté qu’aucun privilège automatique ne s’applique aux documents qui ne sont pas privilégiés simplement parce qu’ils se trouvent entre les mains de l’avocat d’une partie[22]. Un avis juridique peut être privilégié, mais les faits ou les documents qu’il contient ne sont pas privilégiés s’ils ne sont par ailleurs pas soustraits à la divulgation.

[37]        La CIBC répond que les enquêtes internes avaient pour objectif principal d’obtenir des conseils juridiques, y compris des recommandations fondées sur les faits recueillis. Elle cite une jurisprudence Gower v Tolko[23], de la Cour d’appel du Manitoba, pour montrer que la jurisprudence a reconnu que les conseils juridiques englobent la détermination des faits ou l’enquête sur les faits destinés à servir de fondement aux conseils et que l’enquête constitue un volet important d’un service juridique si elle se rattache à la prestation de ce service juridique[24]. La CIBC soutient que sa collecte des faits était inextricablement liée à la production de conseils juridiques et que le droit au secret professionnel de l’avocat est donc établi.

[38]        Dans l’affaire Gower, toutefois, la Cour d’appel parlait de collecte de données factuelles effectuée dans le cadre de la prestation de services juridiques par un avocat[25]; autrement dit, il y a toujours un avocat qui mène ou qui dirige la recherche des faits. Comme nous l’avons déjà vu, la preuve n’est pas suffisante pour conclure que l’avocat de la CIBC menait ou dirigeait les enquêtes internes mentionnées dans les documents produits.

[39]        De plus, la jurisprudence a souvent scindé le fruit du travail de l’avocat en volets juridique et non juridique, seul le premier étant privilégié. Dans l’affaire College of Physicians of British Columbia v Colombie-Britannique (Information and Privacy Commissioner)[26], une avocate a obtenu quatre avis d’experts pour aider un client à évaluer une plainte contre un médecin. Elle a ensuite rédigé des conclusions écrites résumant les avis de deux des experts et a produit sa propre analyse juridique. La Cour d’appel de la C.‑B. soutenait que cette avocate intervenait en sa capacité d’avocate lorsqu’elle a recueilli les faits nécessaires pour donner des conseils juridiques à son client, mais son résumé des avis des experts, c’est‑à‑dire les faits sur lesquels l’analyse était fondée, n’était pas privilégié, parce que ces avis proprement dits n’étaient pas privilégiés, car il s’agissait de communications des experts au client. La Cour d’appel a conclu que bien que l’analyse juridique de l’avocate était privilégiée, les conclusions écrites résumant les avis d’experts ne l’étaient pas.

[40]        Dans l’affaire Ross c Canada (Justice)[27], un avocat a rédigé pour le ministre de la Justice un rapport d’enquête qui contenait des conseils juridiques et des recommandations ainsi des constats de fait. Ces constats du rapport a été produit, mais les conseils juridiques et les recommandations ont été expurgés conformément au secret professionnel de l’avocat. La Cour a souscrit à cette méthode de communication et a maintenu le droit au secret professionnel de l’avocat.

[41]        Il est évident que les faits recueillis lors de l’enquête peuvent être communiqués, tandis que les conseils juridiques découlant de ces faits restent privilégiés. Non seulement y a-t-il insuffisance de preuve que les enquêtes ont été menées ou dirigées par un avocat, mais il n’y a aucune raison pour laquelle les faits recueillis lors des enquêtes internes ne puissent être scindés des conseils juridiques produits sur la base de cette appréciation des faits.

Conclusion

[42]        La CIBC ne saurait donc invoquer de manière générale le secret professionnel de l’avocat pour protéger les enquêtes internes. Elle doit donc répondre aux questions nos 995, 996 et 1005. Il importe cependant de prendre note que les volets des enquêtes qui englobaient la fourniture de conseils juridiques resteront protégés; les faits recueillis ou les conclusions écrites devront toutefois être divulgués.

Question en litige no 2 : La CIBC a-t-elle renoncé ou devrait-elle être réputée avoir renoncé à son droit de revendication du privilège quant à certaines questions?

[43]        Cette question englobe les questions nos 655, 659, 866, 888, 889, 894, 900, 917, 922, 936, 937, 938, 939, 941, 2923, 2924, 3462, 3470 et 3514.

[44]        Selon l’intimée, la CIBC a renoncé au secret professionnel de l’avocat en présentant certaines conclusions et en adoptant lors de l’interrogatoire préalable certaines thèses qui mettaient son état d’esprit et ses connaissances juridiques en cause. L’intimée soutient que la CIBC s’est fiée à des conseils juridiques et à d’autres communications privilégiées pour tirer ces conclusions.

[45]         Plus particulièrement, l’intimée attire notre attention sur la thèse de la CIBC selon laquelle c’étaient les activités d’un employé de la banque, Dan Ferguson, et d’une commission du crédit de la banque qui représentaient la source de son risque de responsabilité dans le contentieux Enron. La CIBC a eu recours à cette thèse pour justifier sa déduction des paiements de règlement. L’intimée fait valoir que cette thèse, qui était fondée sur des conseils juridiques et d’autres communications privilégiées, a mis en cause la compréhension de la source de son risque de responsabilité et vaut donc renonciation au secret professionnel de l’avocat.

[46]        L’intimée soutient de plus qu’il y a eu renonciation lorsque la CIBC a communiqué certains documents partiellement expurgés aux fins de protection. Elle affirme avoir subi un préjudice en ne recevant pas communication intégrale et que, selon les principes juridiques reconnus, il faut conclure à l’existence de la renonciation à l’égard des passages privilégiés qui restent.

Principes généraux régissant la renonciation

[47]        J’ai déjà mentionné les critères de la revendication du secret professionnel de l’avocat, mais il est impératif, en matière de renonciation, de souligner l’importance du privilège.

[48]        La Cour suprême du Canada (« CSC ») a soutenu que le secret professionnel de l’avocat « doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent. Par conséquent, il ne cède le pas que dans certaines circonstances bien définies et ne nécessite pas une évaluation des intérêts dans chaque cas[28] ». Ce privilège « est un aspect fondamental du système juridique canadien. Bien qu’il ait son origine dans une règle de preuve, il est devenu une règle de droit fondamentale et substantielle[29] ». Il va donc sans dire que le secret professionnel de l’avocat, étant donné son importance, ne cède pas facilement le pas à d’autres droits.

[49]        Les principes qui régissent la renonciation ne sont pas aussi clairs. La jurisprudence a en recours à divers critères pour établir la renonciation implicite, ce qui a abouti à des résultats incohérents et imprévisibles[30]. Ce problème est certainement évident dans les observations faites par les parties dans la présente requête : les parties ne peuvent en effet s’entendre sur les critères pertinents pour établir la renonciation implicite.

[50]        La CCI a examiné dernièrement les principes régissant la renonciation dans l’affaire Gerbro Inc. v The Queen[31]. La juge Woods a cité la jurisprudence Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub[32] afin de résumer les principes généraux de la renonciation implicite :

a)     la renonciation au privilège relatif à une fraction d’une communication est équivalente à la renonciation à l’égard de l’ensemble de cette communication : S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd (1983), 35 CPC 146, 45 BCLR 218 (SC) (S & K);

b)    quand une partie se fonde sur un avis juridique en tant qu’élément de sa demande ou de sa défense, le privilège qui se rattache par ailleurs à cet avis est perdu (S & K);

c)     dans les cas où il a été conclu que l’équité appelle une renonciation implicite, il y a toujours une certaine manifestation de la volonté de renoncer au privilège, du moins jusqu’à un certain point. La règle vent que l’équité et la cohérence appellent une renonciation intégrale (S & K);

d)    il est réputé y avoir renonciation au privilège dans les cas où les principes de l’équité et de la cohérence l’appellent ou dans les cas où une communication entre un avocat et un client est légitimement mise en cause dans une action : Bank Leu AG c Gaming Lottery Corp., [1999] OJ no 3949 (Lexis); (1999), 43 C.P.C. (4th) 73 (C.S. Ont.), au paragraphe 5;

e)     le fardeau d’établir la renonciation au privilège incombe à la partie qui l’invoque (S & K, au paragraphe 10).

[51]        De plus, il peut également y avoir renonciation en l’absence d’une intention de renoncer au privilège, lorsque l’équité et la cohérence l’exigent[33].

[52]        Malgré le principe consacré par la décision Mahjoub à l’alinéa d), je ne suis pas convaincu que « l’équité ou la cohérence » seules sont suffisantes pour donner lieu à la renonciation[34]. À mon avis, toutefois, les autres principes de la décision Mahjoub sont confirmés par la jurisprudence et par le fait que c’est à la partie qui invoque la renonciation (dans la présente affaire, l’intimée) qu’imcombe le fardeau d’établir la renonciation.

[53]        Dans la présente affaire, l’intimée soutient que la renonciation a eu lieu pour deux motifs distincts : premièrement, parce que la CIBC a mis son état d’esprit en cause et s’est fiée à des conseils juridiques pour le faire, et deuxièmement parce qu’elle a procédé à la communication sélective d’information privilégiée. Dans certaines de ses observations, l’intimée elle-même a semblé confondre ces deux éléments. Or, il est important d’opérer une distinction entre les deux, et aux fins de la présente espèce, je désignerai le premier processus comme une « renonciation implicite » et le deuxième, comme une « renonciation partielle ».

Renonciation implicite

Critères

[54]        Il y a controverse entre l’intimée et la CIBC au sujet des critères de la renonciation implicite.

[55]        L’intimée fait valoir les principes énoncés précédemment, tirés des décisions Gerbro Inc. et Rogers v Bank of Montreal[35], pour affirmer que la renonciation peut être implicite lorsqu’une partie a défendu ou a fait avancer sa thèse d’une façon qui rend pertinents les conseils juridiques qu’elle a reçus pour déterminer son état d’esprit à l’époque pertinente. Elle souligne aussi la décision Bank Leu AG v Gaming Lottery Corp.[36] laquelle enseigne que la renonciation a lieu [traduction] « dans les cas où les intérêts de l’équité et de la cohérence le dictent ou que la communication entre un avocat et son client est de façon légitime mise en cause dans une action. Lorsqu’une partie met son état d’esprit en cause et a reçu des conseils juridiques pour l’aider à définir cet état d’esprit, le privilège est réputé être levé à l’égard de ces conseils[37] ».

[56]        L’affaire Rogers est instructive. La défenderesse, une banque, affirmait s’être fiée aux conseils d’un séquestre sur des questions de droit, mettant en cause l’état de ses connaissances juridiques et, par le fait même, la nature des conseils juridiques qu’elle a reçus d’autres entités pour l’acquisition de ces connaissances juridiques. Cela a amené la Cour à conclure qu’il y avait renonciation implicite à l’égard des conseils juridiques reçus par la banque. Comparant le moyen de défense de la banque à celui qui avait été avancé à l’occasion d’une affaire américaine en matière de renonciation, la Cour s’est attachée à la confiance du détenteur du soi-disant privilège à l’égard des conseils juridiques :

[traduction]

Ce que soulignent tant ce moyen de défense que le moyen de défense invoqué dans la présente affaire, c’est que la partie qui revendique le privilège s’est fondée sur les conseils, dans l’un des cas, du gouvernement, et dans l’autre, du séquestre, et, se fondant sur ces conseils, a pris certaines mesures. La situation exige nécessairement la tenue d’une enquête sur l’état d’esprit de la banque, à l’époque où l’état d’esprit a été induit et où la banque a décidé d’agir…[38].

[57]        La CIBC a un point de vue différent des critères de la renonciation implicite. Elle affirme que l’intimée doit établir les éléments suivants :

        La CIBC a mis en cause sont état d’esprit en présentant un moyen de défense affirmatif qui rend pertinente sa connaissance ou son interprétation de la loi[39];

        La CIBC se fie à sa connaissance ou à son interprétation de la loi pour appuyer sur un moyen de défense tiré de l’état d’esprit en se fiant de façon affirmative à la communication privilégiée dans le cadre d’une thèse de fond soulevée au cours de la procédure[40];

        La communication des conseils juridiques est de nature « essentielle ou nécessaire » à la capacité de l’intimée d’attaquer les affirmations de la CIBC[41].

[58]        La CIBC, en examinant les deux premiers volets des critères qu’elle propose, souligne que l’un des éléments clés de la renonciation implicite est l’acte de confiance à l’égard des conseils juridiques pour régler un différend dans un procès. La renonciation n’a pas lieu simplement lorsqu’une partie communique le fait d’avoir reçu des conseils juridiques avant de prendre des mesures; le détenteur du privilège doit avoir pris des mesures, s’être fondé sur des conseils juridiques pour le faire et avoir en quelque sorte mis en cause cette confiance lors du procès[42]. Je souscris à cette interprétation de l’enseignement de la jurisprudence au chapitre de la renonciation. Encore une fois, le fait de s’être fondé sur des conseils juridiques pour prendre des mesures, et de mettre en cause cette confiance, est essentiel. C’est ce qui est arrivé dans l’affaire Rogers.

[59]        Il faut opérer une distinction entre ces conditions de la renonciation et le cas où une partie reçoit simplement des conseils juridiques, se forge une question de droit puis agit en conséquence. Il n’y a pas, de ce seul fait, la renonciation implicite. La partie doit s’être fiée aux conseils juridiques et elle doit mettre cela en cause. L’affaire Gerbro Inc.[43] est instructive sur ce point. Dans cette affaire, l’intimée a déclaré que le contribuable avait renoncé au privilège, parce qu’il avait soutenu qu’il avait une certaine interprétation d’un projet de modification d’une loi. La Cour a cependant conclu qu’il ne s’était pas fondé sur des conseils juridiques[44] :

Selon moi, le paragraphe 67 ne met pas en cause les conseils juridiques. Ce paragraphe met en cause la connaissance de la date d’entrée en vigueur des modifications proposées, mais il n’y est pas fait mention du fait, pas plus qu’il n’y est sous-entendu, que Gerbro a l’intention de se fonder sur les conseils juridiques qu’elle a reçus pour établir cette connaissance.

Il semble que Gerbro n’a aucune intention de renoncer au privilège en se fondant sur ces conseils juridiques à l’audience. Bien entendu, si Gerbro ne renonce pas au privilège, elle prend le risque de voir le juge du procès conclure que la preuve qu’elle a produite est insuffisante. Toutefois, dans l’état actuel des choses, Gerbro n’a pas mis en cause les conseils juridiques qu’elle a reçus.

[60]        Le juge D’Arcy a retenu le même point de vue à ce sujet à l’occasion de l’affaire Imperial Tobacco Canada Limitée c La Reine[45] :

La renonciation fondée sur l’état d’esprit se produit lorsqu’une partie se fonde, dans une action ou une défense, sur des conseils juridiques qu’elle a reçus, dans les cas où cette action ou cette défense est fondée, en partie du moins, sur son état d’esprit. Cette renonciation prend naissance implicitement.

De plus, pour qu’il y ait renonciation implicite fondée sur l’état d’esprit, il ne suffit pas que la raison pour laquelle un appelant a conclu certaines opérations soit en litige dans un appel. La renonciation implicite exige que l’appelant prenne la mesure concrète qui consiste à se fonder, dans ses actes de procédure ou pendant l’instruction, sur des conseils juridiques qu’il a antérieurement obtenus de son avocat …

[61]        En bref, il n’y a pas de renonciation implicite si l’intéressé ne s’est pas fondé sur des conseil juridiques[46]. L’état d’esprit du détenteur d’un privilège doit être mis en cause d’une façon qui rend pertinents tous les conseils juridiques que ce détenteur a reçus et celui-ci doit se fonder sur conseils juridiques dans le cadre de la thèse qu’il défendra au procès.

[62]        Le troisième élément des critères proposés par la CIBC confère un caractère substantiel aux critères de la renonciation implicite. Selon cet élément, la communication des conseils juridiques doit être « essentielle ou nécessaire » à la capacité de l’intimée d’attaquer la thèse de la CIBC.

[63]        La CIBC fait référence à deux affaires, en particulier, à l’appui de cette thèse. Dans la décision Creative Career Systems Inc. v Ontario[47], la Cour a conclu que la renonciation implicite appelle la réunion des conditions suivantes:

[traduction]

30 … 1) la présence ou l’absence de conseils juridiques est pertinente quant à l’existence ou à la non-existence d’une revendication ou d’un moyen de défense, ce qui revient à dire que la présence ou l’absence de conseils juridiques est fondamentale pour la poursuite;

2) la partie qui a reçu les conseils juridiques doit faire de la réception de ces conseils un enjeu dans la revendication ou le moyen de défense[48].

[64]        L’intimée invoque alors la jurisprudence Gerbro Inc., où il est observé :

Les parties m’ont renvoyée à un grand nombre de décisions judiciaires au sujet de la renonciation tacite au privilège. Chaque affaire semble reposer sur des faits qui lui sont propres et, dans l’approche générale que les cours ont adoptée, on reconnaît l’importance de confirmer le privilège du secret professionnel de l’avocat.

Selon moi, ces décisions judiciaires suivent généralement l’approche que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a adoptée dans l’arrêt Procon Mining & Tunnelling Ltd. v McNeil, 2009 BCCA 281, au paragraphe 19 : [traduction] « Pour établir qu’il y a eu renonciation, la communication demandée doit être "essentielle" ou nécessaire pour que la partie adverse soit en mesure de répondre à une allégation ».

Il est très difficile pour une cour d’exiger la divulgation de conseils juridiques quand aucune partie ne les a mis en cause. Dans la requête, la Couronne n’a pas établi que les communications juridiques étaient d’une importance telle pour sa cause qu’elles devraient faire l’objet d’une divulgation[49].

[65]         L’intimée soutient qu’il n’existe pas un tel troisième élément et que la jurisprudence Procon Mining & Tunnelling Ltd., sur laquelle la Cour s’est fondée à l’occasion de l’affaire Gerbro Inc. pour affirmer que la communication doit être « essentielle ou nécessaire », constitue une mauvaise lecture de la jurisprudence[50].

[66]        La Cour d’appel fédérale a examiné cette question dans à l’occasion de l’affaire Canada c. Superior Plus Corp., 2015 CAF 241. La Cour a conclu que le caractère « vital ou nécessaire » doit faire l’objet d’un examen, mais qu’il ne constitue pas un critère de pertinence particulier ou distinct :

[18] Dans l’arrêt Procon, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a conclu que les avis juridiques dont la communication était demandée n’avaient pas à être communiqués parce qu’ils n’étaient d’aucune façon pertinents à l’état d’esprit allégué par la demanderesse et qui constituait supposément une renonciation implicite (arrêt Procon, au paragraphe 17). Tel est le contexte qui a permis à la Cour de décider : [traduction] « Pour établir l’existence d’une renonciation, la communication demandée doit être "vitale" ou nécessaire pour permettre à la partie [qui la demande] de répondre à une allégation » (Procon, au paragraphe 19).

[19] Il est entendu que ce critère ne constitue pas une norme différente ou plus sévère à appliquer pour décider si la communication de renseignements confidentiels a donné lieu à une renonciation implicite, mais qu’il vise plutôt à garantir qu’une renonciation implicite ne soit déclarée que s’il devient nécessaire de le faire pour éviter l’iniquité et l’incohérence que la règle de la renonciation implicite vise à éviter.

[67]        Le caractère « essentiel (ou vital) ou nécessaire » ne constitue donc pas un volet distinct des critères de renonciation implicite, mais il peut être utilisé pour éclairer l’analyse de la pertinence. Il fait partie selon moi des principes existants qui régissent le seuil d’établissement de la renonciation implicite, que j’ai exposés précédemment et que j’utiliserai pour rechercher si l’on peut conclure à l’existence de la renonciation implicite.

[68]        Je me pencherai maintenant sur l’application des critères de la renonciation implicite.

Application des critères de la renonciation implicite

[69]        L’intimée affirme que la CIBC a mis en cause son état d’esprit de sorte qu’il y a eu renonciation suivant trois grandes avenues.

« Juridiquement et commercialement prudent de transiger »

[70]        Dans ses actes de procédure pour les appels fiscaux en cause, la CIBC a soutenu qu’après avoir été poursuivie au sujet de ses opérations avec Enron, elle a conclu [traduction] « qu’il serait juridiquement et commercialement prudent » pour elle de mettre fin aux contentieux l’opposant à Newby et MegaClaim, par transaction[51].

[71]        L’intimée déclare que ces actes de procédure sont assimilables à la mise en cause de l’état d’esprit de la CIBC quant à la question de savoir si la transaction était juridiquement sage. Elle soutient que cette affirmation dans les actes de procédure n’a pas été reconnue et est toujours en cause et que les conseils juridiques sur lesquels repose l’interprétation de la CIBC de son risque de poursuite sont pertinents et qu’elle doit y avoir accès, de sorte qu’elle puisse examiner l’état de la connaissance du droit de la banque. L’intimée ajoute qu’il serait injuste de ne pas lui accorder l’accès à l’information ou aux communications qui portent sur l’interprétation de la CIBC.

[72]        La CIBC répond que ces actes de procédure ne sont pas assimilables à la mise en cause de son état d’esprit aux fins de la renonciation implicite. Elle a simplement fait valoir le fait qu’il était juridiquement et commercialement prudent de mettre fin au différend par transaction. La banque n’a pas présenté de moyen de défense affirmatif qui aurait rendu pertinent son état d’esprit pour régler une question au procès; dans les actes de procédure, elle ne s’est en aucune façon fondée sur les conseils juridiques reçus pour arriver à cette conclusion au sujet de la transaction. Elle ajoute que l’équité ne figure pas parmi les critères de la renonciation implicite.

[73]        Je ne pense pas que ces actes de procédure donnent lieu à la renonciation implicite. Il me semble que la CIBC fait simplement valoir à titre de fait qu’il était juridiquement et commercialement prudent qu’elle transige. De plus, j’estime que la banque ne s’est nullement fondée sur les conseils juridiques reçus en tirant cette conclusion et qu’elle n’a certainement pas mis en cause un argument allant dans ce sens dans la présente affaire.

Négation de certaines hypothèses de l’intimée

[74]        Dans ses actes de procédure, l’intimée a avancé les hypothèses suivantes : la CIBC n’a pas assumé certains risques en assurant des services d’analyse du risque lié au crédit ni n’a assumé de risque par le biais des fonctions du comité du crédit[52]. La banque a nié ces hypothèses. L’intimée soutient maintenant que la négation de ces hypothèses par la CIBC amène celle-ci à mettre son état d’esprit en cause, puisqu’elle prend position quant à la question de savoir si elle a encouru des risques particuliers.

[75]        La CIBC soutient que le fait qu’elle nie les hypothèses ne permet pas de conclure qu’elle se fonde sur des conseils juridiques. Elle ajoute qu’elle ne se fondera sur aucun conseil juridique reçu au cours de la procédure contentieuse avec Enron afin de démolir ces hypothèses.

[76]        Encore une fois, je ne pense pas que ces actes de procédure valent renonciation implicite. J’estime que la CIBC ne s’est pas fondée sur les conseils juridiques reçus pour tirer cette conclusion et qu’elle n’a mis en cause nul argument allant dans ce sens.

Déclarations de la CIBC au sujet de l’interprétation de la source de son risque de poursuite dans le contentieux Enron

[77]        Ces déclarations sont les plus importantes parmi celles qui valent, selon l’intimée, renonciation implicite. En substance, l’intimée soutient que la CIBC, dans son avis d’opposition et lors de l’interrogatoire préalable, déclare que son plus grave risque de poursuite relativement au litige Enron pour l’ensemble du groupe des entités de la CIBC a été créé par sa propre conduite de banque mère (la CIBC) et que le point central du contentieux Enron était sa propre conduite et non pas celle de ses filiales ou sociétés affiliées. Cette thèse est au cœur de la question de savoir si la CIBC a attribué selon les règles reconnues la déduction des paiements de règlement. La banque affirme qu’elle avait correctement déduit les paiements de transaction, parce que c’était sa propre conduite qui avait été mise en cause, tandis que l’intimée soutient que ce sont des filiales et sociétés affiliées de la CIBC qui avaient en fait participé aux opérations à l’origine du litige Enron.

[78]        L’intimée est d’avis que la CIBC s’est fondée sur des communications privilégiées pour démontrer son interprétation de la source de son risque de responsabilité juridique. Elle déclare à ce titre qu’il existe une renonciation implicite relativement à ces communications privilégiées. Évidemment, la CIBC nie toute renonciation implicite.

[79]        À titre de point préliminaire, la CIBC soutient que les déclarations contenues dans son avis d’opposition et faites lors de l’interrogatoire préalable ne peuvent valoir renonciation, parce qu’elles ne figurent pas dans les actes de procédure. Cette affirmation est incorrecte. L’état d’esprit d’une partie peut être mis en cause par une déclaration sous serment, par des déclarations faites lors de l’interrogatoire préalable ou d’autres manières; les actes de procédure ne constituent pas le seul moyen de mettre en cause l’état d’esprit[53].

[80]        Dans la présente affaire, pour établir s’il y a eu renonciation, la Cour doit rechercher si la CIBC, en avançant sa thèse sur la source de son risque de poursuite, a mis en cause les conseils juridiques sur lesquels il se serait fondé afin de la justifier. Il est clair, selon l’avis d’opposition et les déclarations faites lors de l’interrogatoire préalable, que la CIBC soutient la thèse suivante : c’est sa propre conduite, plus particulièrement le rôle du comité du crédit et de M. Dan Gerguson, qui a donné lieu au risque de responsabilité le plus grave dans le contentieux Enron et cette question constituait le point central de la procédure contentieuse.

[81]        L’intimée déclare qu’il est évident, d’après les procès-verbaux de diverses réunions du conseil d’administration, que des conseils juridiques et d’autres communications privilégiées ont contribué à l’état d’esprit de la CIBC quand elle a énoncé cette conclusion sur son risque de responsabilité et le point central du contentieux. Ces procès-verbaux englobent diverses discussions, la plupart dirigées par un avocat, au sujet de divers éléments du contentieux et de paiements de transactions éventuelles. Bon nombre de ces procès-verbaux ont été divulgués pendant les vérifications qui ont mené aux appels fiscaux; ils montrent clairement que des discussions ont eu lieu sur des options et des considérations d’ordre juridique.

[82]        Il est important, à ce stade, de signaler qu’avant de conclure transactionellement les contentieux Newby et MegaClaim, la CIBC avait pris une entente avec le U.S. Department of Justice (ministère américain de la Justice ‑ « DOJ ») portant sur les opérations avec Enron. Cette entente prescrivait certaines limites quant aux moyens de défense qu’elle pouvait utiliser dans le contentieux ultérieur avec Enron.

[83]        Lors de l’interrogatoire préalable de ces appels, à la question no 5591, l’intimée a demandé au représentant de la CIBC s’il y avait, relativement à l’opinion de la CIBC à l’égard de la conduite de Dan Ferguson, d’autres éléments de preuve dans le contentieux Newby que le procès-verbal et l’entente avec le DOJ au sujet des limites relativement à la défense. L’avocat de la CIBC a répondu par la négative : ce sont les exposés de l’avocat dans le procès-verbal et l’entente avec le DOJ qui ont éclairé l’opinion de la CIBC au sujet de la conduite de Dan Ferguson et des conséquences de l’entente sur la défense dans le contentieux Newby.

[84]        L’intimée soutient que c’est cette réponse dont il ressort plus particulièrement que la CIBC se fonde sur des conseils juridiques, soit des exposés fournis au conseil d’administration par un avocat, pour se forger un état d’esprit au sujet de la source de son risque de poursuite et le point central du contentieux Enron.

[85]        Pour la CIBC, toutes ces déclarations ne mettent pas son état d’esprit en cause et ne font pas mention de conseils juridiques ni ne signalent aucune intention de se fonder sur des conseils juridiques au procès. Ces déclarations sont simplement des énoncés de fait au sujet de l’état et du point central du contentieux Enron et au sujet de la façon dont la CIBC voyait son risque de responsabilité juridique. La CIBC ajoute qu’elle utilisera certains faits au procès à l’appui de sa thèse (y compris l’entente avec le DOJ proprement dite), mais qu’elle ne se fondera pas sur des conseils juridiques. Aucune renonciation ne peut donc découler des déclarations faites dans l’avis d’opposition et lors de l’interrogatoire préalable.

[86]        Je souscris à la thèse avancée par la CIBC. Il est vrai que la banque avancera probablement au procès la thèse que le point central du litige Enron et la source de sa responsabilité étaient sa propre conduite et non celle de ses filiales et sociétés affiliées. Il s’agit cependant surtout d’une question de fait. La CIBC ne se fonde pas sur des conseils juridiques en cause afin de justifier sa thèse. Il semble évident que les opinions de la banque au sujet de son risque de poursuite et du point central du contentieux Enron ont été éclairées par des conseils juridiques, mais le simple fait que la CIBC a avancé une thèse fondée sur les conseils juridiques ne veut pas dire que l’on peut donner accès aux conseils juridiques. La CIBC, dans sa réponse à la question no 5591, se limite à déclarer, entre autres choses, que des conseils juridiques ont éclairé sa thèse. Cette réponse n’équivaut toutefois pas à une reconnaissance que sa confiance dans des conseils juridiques a été mise en cause dans les appels et ce n’est pas non plus le cas pour toutes les autres déclarations que l’intimée met en doute ici. La CIBC n’a déclaré ni montré en aucune façon qu’elle se fonde sur des conseils juridiques pour défendre ses thèses au sujet du risque de poursuite et du point central du contentieux. Il ne peut donc exister de renonciation implicite.

[87]        Je pense que la CIBC n’a pas renoncé implicitement à son privilège à l’égard des documents et communications en cause.

[88]        Par ailleurs, certains procès-verbaux, qui semblent porter sur des réunions du conseil d’administration de 2005, ont été communiqués par la CIBC au cours de la vérification, mais ils ont par la suite été expurgés à l’étape de l’interrogatoire préalable. Ces documents doivent rester entièrement accessibles s’ils ont été communiqués au cours de la vérification. J’ai compris d’après les observations de l’avocat de l’intimée qu’un seul point préoccupait la CIBC : elle ne voulait pas que la communication faite pendant la vérification donne lieu à la renonciation relativement à d’autres documents privilégiés et elle a donc procédé ultérieurement à l’expurgation des procès-verbaux. L’avocat de la CIBC n’a pas contesté ce point et j’ai maintenant conclu qu’il n’y avait pas de renonciation quant à d’autres documents privilégiés. Puisque la CIBC a communiqué la version intégrale des procès-verbaux au cours de la vérification, ceux-ci doivent rester pleinement accessibles. Dans le cas où une revendication de privilège visant les procès-verbaux déjà divulgués est présentée après le fait, cette revendication ne peut être valable.

Renonciation partielle

Les critères

[89]        La renonciation partielle est la deuxième voie utilisée par l’intimée pour affirmer que la CIBC a renoncé au privilège relativement à certains documents et certaines communications. Elle cite, entre autres affaires, une jurisprudence de notre cour[54] qui enseigne que si une partie divulgue volontairement des parties de communications privilégiées et cherche à s’y fier, il y aura renonciation quant au reste des communications.

[90]        La CIBC déclare qu’il n’y a pas eu renonciation. Selon elle, pour établir l’existence d’une renonciation partielle, l’intimée doit montrer que sans les renseignements additionnels, l’information communiquée est quelque peu trompeuse et que la partie qui demande la communication subira un préjudice si le privilège est maintenu, qu’une inéquité ou une incohérence a résulté de la divulgation qui a eu lieu en l’absence d’une communication additionnelle et, enfin, qu’il est essentiel ou nécessaire qu’une communication additionnelle soit ordonnée.

[91]        La renonciation au privilège qui vise une partie d’une communication peut être considérée une renonciation à la communication intégrale[55]. Dans ce cas, quels facteurs mènent à la renonciation partielle?

[92]        A l’occasion de l’affaire Bone v Person[56], la Cour d’appel du Manitoba a déclaré qu’une partie est autorisée à renoncer au secret professionnel de l’avocat sur une base limitée :

[traduction]

10. … Il faut toutefois atteindre un équilibre raisonnable de sorte que la Cour et les autres parties ne soient pas induites en erreur. La partie qui fait la communication ne peut choisir entre les éléments favorables et les éléments défavorables. A l’occasion de l’affaire Transamerica Life Insurance Co. of Canada v. Canada Life Assurance Co. (1995), 46 C.P.C. (3d) 110 (C.J. Ont., Div. gén.), le juge Sharpe, tel était alors son titre, a exposé ainsi la question, aux paragraphes 41 et 42 :

Ce n’est tout simplement pas ce que la loi prescrit : la production d’un document d’un dossier qui lève le privilège se rattachant à d’autres documents du même dossier. Il doit être montré que, sans les documents additionnels, le document produit est en quelque sorte trompeur…

La règle de la renonciation doit être appliquée s’il existe une indication qu’une partie tente d’obtenir un avantage injuste ou de donner une idée trompeuse au moyen d’une communication sélective.

[93]        Ce principe a été avalisé par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Slansky c Canada (Procureur général)[57]; elle a alors ajouté que le « privilège n’est pas une porte tournante qui serait ouverte lorsqu’il y a des renseignements à communiquer, mais solidement fermée lorsqu’on en demande… Une partie ne peut choisir les communications qui demeureront confidentielles, en divulguant ce qui lui est utile et en préservant la confidentialité du reste…[58] ».

[94]        Il est important de relever que la renonciation partielle n’a lieu que dans les cas où les communications privilégiées portent sur la même matière que les communications auparavant protégées, puis communiquées[59]. La Cour a déjà décidé qu’il faut adopter une interprétation stricte pour décider si la matière est la même :

25. Phipson soutient qu’il faut appliquer restrictivement le principe de la renonciation. Voici ce qu’il dit au paragraphe 26-29 :

[traduction] Ce qui constitue « la question en litige » est toujours une question de fait. Il faut découvrir le but de la renonciation et tenir compte de ce que l’équité exige eu égard aux circonstances. La jurisprudence a toujours refusé d’élagir la portée de la renonciation au‑delà de ce qui est nécessaire et que, en cas de doute, ils ont interprété d’une façon plutôt restrictive ce qui constitue « la question en litige ».

28. Je ferai également remarquer qu’une application stricte de la règle de la renonciation est conforme à l’approche générale que les tribunaux canadiens ont adoptée à l’égard du secret professionnel : Descoteaux c. Mierwinski, [1982] 1 R.C.S. 860 et Philip Services Corp. v. Ontario Securities Commission (2005), 77 O.R. (3d) 209 (C.S. Ont.)[60].

[95]        D’après ce qui précède, on peut constater que le simple fait de communiquer des informations privilégiées ne donne pas d’office lieu à la levée du secret protégeant les renseignements qui s’y rattachent étroitement. Si l’information pour laquelle le secret a été levé est indépendante, même amputée des autres documents ou de l’autre dossier, alors le privilège qui protège les documents restants vaut toujours[61].

Application des critères

Déclarations de la CIBC au sujet de sa compréhension de la source de son risque de poursuite dans le litige Enron

[96]        Ces déclarations sont les mêmes que celles qui ont été examinées précédemment dans l’analyse de la renonciation implicite. L’intimée fait remarquer qu’il y a eu communication par la CIBC de procès-verbaux privilégiés pour affirmer que cette communication donne lieu à la renonciation partielle à la protection d’autres communications privilégiées. Elle affirme que si la banque désire se fonder sur des l’informations privilégiées qu’elle a volontairement communiquées au cours de la vérification, elle ne doit pas choisir à son gré les documents privilégiés sur lesquels elle peut se fonder. L’intimée considère injuste de limiter son examen de la véracité des prétentions de la CIBC aux seuls documents que celle-ci communique. Tout renseignement privilégié additionnel sur le même sujet doit donc être communiqué selon les principes qui régissent la communication partielle.

[97]        La CIBC déclare que la communication des procès-verbaux de réunions du conseil d’administration ne constituait pas une communication sélective donnant lieu à une renonciation partielle. Les procès-verbaux ont plutôt été produits en réponse à une demande de vérification dans laquelle on lui demandait de prendre entente avec l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») pour un examen des procès-verbaux des réunions de son conseil d’administration de l’année d’imposition 2005. La CIBC ajoute que ce cas de figure ressemble à celui de l’affaire MIL (Investments) S.A. c La Reine[62].

[98]        Dans l’affaire MIL, le contribuable a fait une communication volontaire en réponse à une demande de l’ARC au cours d’une vérification. Cette communication visait une correspondance dans laquelle des avocats ont produit des conseils juridiques sur la question faisant l’objet de la demande de renseignements du vérificateur (la validité d’une fiducie) et sur une proposition d’opérations dans un mémoire de planification. Ce mémoire semble avoir été préparé en rapport avec les opérations faisant l’objet de l’appel fiscal. Le contribuable a renoncé au secret protégeant la correspondance, mais pas à la protection du mémoire de planification. L’intimée a soutenu que la communication volontaire avait mené à la renonciation au secret protégeant le mémoire de planification.

[99]        La Cour a conclu que le maintien par le contribuable du secret protégeant le mémoire de planification n’était pas injuste. Elle a en effet décidé que la communication volontaire avait pour seul objet de fournir des informations sur une autre question au sujet de laquelle le vérificateur avait demandé des renseignements, et non de fournir des informations sur les conseils juridiques au sujet des opérations proposées. De plus, le contribuable a volontairement renoncé au privilège en réponse à une demande précise du vérificateur. Les conseils juridiques formulés dans la correspondance ont uniquement été communiqués parce qu’ils figuraient dans la même lettre que la question faisant l’objet de la demande de renseignements du vérificateur[63]. La Cour a donc conclu :

L’intimée fait valoir que le mémoire de planification pourrait révéler pourquoi la validité de la fiducie faisait tout d’abord l’objet d’un tel examen. C’est bien possible, mais au vu des éléments mis à ma disposition, il n’y a rien qui le donne à entendre. À moins que l’intimée ne puisse fournir quelque fondement à l’appui de l’idée que l’appelante cache quelque chose, je ne crois pas qu’il convienne d’appliquer le principe de la renonciation, lequel est fondé sur l’équité.

S’il existait un doute réel au sujet de la question de savoir si l’appelante cachait quelque chose, l’intimée aurait pu me proposer d’examiner le mémoire de planification. Il existe un précédent à ce sujet dans l’un des arrêts antérieurs auxquels on m’a référée, mais l’intimée ne l’a pas proposé[64].

[100]   L’intimée n’a pas présenté de demande d’examen semblable par la présente requête.

[101]   Je retiens les observations de la CIBC sur ce point. La banque a communiqué les procès-verbaux dans un but précis, en réponse à une demande de renseignements donnée. Il existe sans nul doute une certaine ressemblance avec l’affaire MIL, mais pas en tous points. En effet, dans l’affaire MIL, l’intimée affirmait que même si l’ARC avait demandé la communication d’information sur un sujet (la validité d’une fiducie), elle a obtenu la communication d’information sur un autre sujet (des conseils sur les opérations proposées). Dans la présente affaire, l’intimée déclare que la communication de renseignements sur un sujet (les exposés d’avocats dans les procès-verbaux) lui donne accès aux renseignements qui ont mené à l’élaboration de ces exposés. La CIBC a toutefois raison d’affirmer qu’elle a communiqué l’information en réponse à une question précise.

[102]   De plus, et ce point a peut-être plus d’importance, l’intimée n’a prouvé en aucune façon que les communications étaient trompeuses. Elle a seulement affirmé qu’une demande de renonciation au secret des documents restants contreviendrait aux principes de l’équité et de l’uniformité. Cependant, le simple fait que la CIBC ait ouvert la porte à la communication de certains renseignements ne veut pas dire que l’intimée obtient le droit d’enfoncer cette porte. Il n’existe pas suffisamment de preuve de l’existence d’une  communication sélective qui serait trompeuse d’une façon ou d’une autre. La CIBC a le droit de garder le reste des informations privilégiées, et les passages qui ont été expurgés en vertu du secret peuvent rester protégés.

Questions individuelles au sujet des procès-verbaux expurgés

[103]    L’intimée demande aussi une ordonnance enjoignant à l’autre partie de fournir des réponses à certaines questions individuelles au sujet des procès-verbaux de réunions du conseil d’administration qui ont été expurgés.

i. Questions nos 3462, 3470 et 3514

[104]   Les questions nos 3462, 3470 et 3514 ne sont pas visées par une renonciation au privilège, mais la CIBC demande qu’elles soient protégées par le privilège relatif au litige. Par les motifs exposés ci-après, je conclus que la revendication du privilège relatif au litige n’est pas fondée.

[105]   En réponse à la question no 3462, la CIBC déclare [traduction] qu’« il semble probable que l’analyse est éclairée par des conseils juridiques ». Cette réponse n’est pas suffisante pour revendiquer le secret professionnel de l’avocat, si c’est effectivement ce que la CIBC revendique. Si la banque revendique le secret professionnel de l’avocat, elle doit le faire plus de manière étoffée. Je retiens la thèse de l’intimée portant que les conclusions formulées par le conseil d’administration ne sont pas protégées par le secret professionnel de l’avocat. Les conseils juridiques sont, par contre, protégés.

[106]   Par conséquent, si les questions n’ont pas pour objet de demander des conseils juridiques, la CIBC doit y répondre.

ii. Questions nos 888 et 894

[107]   Les questions nos 888 et 894 ne sont pas visées par une renonciation, mais la question de savoir si elles sont de nature privilégiée reste controversée. Je discuterai ce point ci-après.

Interprétation par la CIBC de son risque de poursuite aux termes de la loi américaine

[108]   Ce point englobe les questions nos 917, 936 et 939.

[109]   Dans ses actes de procédure, la CIBC a fait mention de sa situation potentielle [traduction] d’« actionnaire dominant », qui aurait pu engager sa responsabilité en vertu du droit américain à l’égard des actions de ses filiales[65]. L’intimée avait alors demandé l’évaluation du risque de la CIBC, mais elle affirme que celle-ci ne lui a communiqué qu’une partie de l’analyse du risque lié au contentieux. Si la CIBC désire se fonder sur cette analyse du risque, l’intimée estime qu’elle a le droit de prendre connaissance du reste de l’analyse protégée par le privilège.

[110]   Je conclus qu’il n’y a pas renonciation partielle ici, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai exposés précédemment. L’intimée n’a pas prouvé que la communication qui avait été effectuée était trompeuse en l’absence des autres renseignements privilégiés.

[111]   Dans le cas où l’intimée soutient qu’il existait une renonciation implicite au secret protégeant cette analyse du risque relatif au litige, cette affirmation ne tient pas la route non plus. La CIBC ne s’est nullement appuyée sur les conseils juridiques en cause en avançant sa thèse au sujet d’une responsabilité potentielle en vertu du droit américain. Il n’est donc pas possible de conclure à la renonciation implicite.

[112]   Il y a une autre note sur la question no 917. Dans cette question, il est demandé à la CIBC sa thèse quant à son véritable risque financier relativement à certaines poursuites dans le contentieux Enron. L’intimée conteste la réponse de la CIBC, qui affirme que si elle a l’intention de se fonder sur ces points de droit pour défendre sa thèse, elle fournira un rapport d’expert conformément aux Règles. Je ne vois nulle raison de mettre en question cette réponse. La banque peut déposer un rapport d’expert, et l’intimée peut lui poser des questions sur ce rapport et intégrer les réponses à sa perception de l’élément qui donnerait lieu à un risque de poursuite de la banque. La réponse à cette question est donc satisfaisante.

Conclusion

[113]   Les questions nos 3462, 3470 et 3514 appellent donc une réponse si elles ne visent pas à demander l’accès aux conseils juridiques. Il n’y a renonciation au privilège pour aucune des autres questions qui se rattachent à ce point.


Point en litige no 3 : La CIBC peut-elle invoquer le privilège relatif aux transactions pour protéger des informations et des documents issus de la négociation et de la conclusion des transactions avec Newby et MegaClaim?

[114]   Ce point englobe les questions nos 845, 848, 849, 866, 871, 894, 900, 911, 922, 923, 927, 928, 3119 et 5757.

[115]   La plupart, sinon l’ensemble de ces questions portent sur les observations que la CIBC a présentées aux demandeurs de Newby concernant lesquelles de ses entités avaient la capacité d’effectuer des paiements de règlement. L’intimée désire, de façon générale, en savoir davantage au sujet de ces observations. La CIBC a l’intention de produire un témoignage d’expert au procès sur la question de la capacité de payer et l’intimée déclare que depuis que cette question est en jeu, elle aurait dû avoir accès à la documentation qui s’y rapporte. L’intimée a donc posé des questions sur l’information sur laquelle la CIBC s’est fondée au cours de la médiation, sur les communications entre la CIBC et les demandeurs de Newby, sur la production de certains documents utilisés au cours de la médiation et sur la production d’un résumé du processus de médiation.

[116]   La CIBC revendique le privilège découlant du règlement pour tous les documents issus de la négociation et la conclusion des ententes de règlement Newby et MegaClaim. Elle affirme que si un tiers (l’intimée) peut attaquer le privilège et avoir accès à l’information sur les négociations en vue du règlement, alors le principe du privilège découlant de la transaction qui fournit un espace sûr pour la tenue de négociations est une illusion.

[117]   Comme nous le verrons plus loin, la vraie question n’est pas celle de savoir si le privilège découlant du règlement joue à première vue, mais plutôt celle de savoir s’il existe une exception au privilège qui permet à l’intimée d’avoir accès à l’information qu’elle cherche.

Principes généraux qui régissent le privilège relatif aux règlements

[118]   Le privilège relatif aux règlements est un privilège générique qui joue même après la conclusion d’une transaction[66]. Il est clair que, de façon générale, les documents destinés à la médiation tombent sous le coup du privilège relatif aux transactions[67]. C’est aussi le cas pour les négociations en vue d’une transaction[68].

[119]   Il est important de rappeler la raison d’être du privilège relatif aux transactions : les pourparlers en vue de la transaction et les conclusions doivent être protégés pour favoriser la communication franche et complète entre les parties[69]. Le privilège [traduction] « vise à encourager les règlements amiables et à protéger les négociations menées par les parties en vue d’une transaction. Il est de l’intérêt du public que ce privilège ne soit pas appliqué de façon restrictive…»[70].

Question no 871 : Production de l’accord de médiation

[120]   L’intimée cherche à obtenir par la question no 871 la production d’un accord de médiation avec les demandeurs de Newby. Cette question se pose selon elle en raison des affirmations de la CIBC selon lesquelles toute renonciation au privilège appelle le consentement des demandeurs de Newby. Elle soutient que la CIBC n’a ni établi cette thèse, ni approché les demandeurs de Newby pour obtenir leur consentement; l’accord de médiation doit donc être produit, ce qui permettrait de voir s’il existe des préoccupations légitimes en matière de confidentialité.

[121]   L’intimée fait référence à une jurisprudence de notre Cour qui portait sur une situation semblable. Dans l’affaire Fink v Canada[71], les contribuables étaient actionnaires d’une société qui avait négocié une transaction alors d’un différend distinct avec la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. La question en litige dans les appels fiscaux était l’assujettissement à l’impôt des paiements que les contribuables avaient reçus à titre d’actionnaires. L’intimé demandait la communication des communications relatives au règlement du contentieux distinct antérieur; les contribuables soutenaient que le privilège relatif aux transactions protégeait ces communications. Le juge Bonner a observé[72] :

[traduction]

… Si la portée du privilège [relatif aux transactions] est bien comprise, il est évident que celui-ci ne se rattache pas à des affaires où la discussion ou le document de règlement est pertinent non pas pour établir la responsabilité d’une partie au règlement quant à la conduite qui a donné lieu au différend, mais plutôt pour arriver à une interprétation juste de l’entente proprement dite…

[122]   Puisque l’intimée par la présente requête désire en fait une obtenir une interprétation du document de transaction, elle soutient que la décision du juge Bonner autorise la communication de l’accord de médiation. L’intimée ajoute que cette jurisprudence est cohérente avec la jurisprudence récente d’une cour ontarienne[73] qui a tranché que si l’information n’est pas utilisée pour causer un préjudice ou un risque pour la partie à qui elle appartient, alors le maintien du privilège relatif aux règlements n’est pas justifié[74].

[123]   Il est certain que la décision Fink fournit un fondement à la demande de production de l’accord de médiation en vue de son interprétation. Toutefois, de façon générale, pour que l’abolition du privilège relatif aux règlements soit justifiée, il doit être établi qu’« un intérêt public opposé l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable »[75]. L’interprétation de l’accord ne fait l’objet d’aucun intérêt public opposé si elle a pour seul objectif de voir s’il existe des préoccupations en matière de confidentialité. Il est déjà évident que le privilège relatif aux règlements protège l’accord de médiation. Visiblement, la CIBC ne renonce pas à son privilège à l’égard de ce document. Par conséquent, même si pour quelque raison que ce soit, les demandeurs de Newby consentaient à la divulgation, la question n’est pas pertinente, parce que la CIBC, quant à elle, ne donne pas son consentement.

[124]   La jurisprudence Nestlé Canada Inc. consacre le principe que l’intimée avance, mais les faits de cette affaire diffèrent de ceux de la présente espèce. La Cour a en effet alors conclu que les parties qui contestaient la communication n’auraient subi aucun préjudice à la suite de cette communication, puisqu’elles n’étaient pas visées par le contentieux ultérieur. En l’espèce, la communication aurait sans aucun doute causé un préjudice à la CIBC.

[125]   De plus, l’accord de médiation proprement dit ne porte pas sur des points qui constituent le [traduction] « cœur du présent litige » et qui sont [traduction] « névralgiques pour le règlement juste des questions », comme l’a dit une autre juridiction en ordonnant la production des documents se rattachant à un règlement[76], et le règlement ne modifie pas le paysage du litige[77].

[126]   L’accord de médiation reste donc protégé par le privilège et la CIBC n’est pas tenue de répondre à la question.

Le privilège relatif aux transactions comporte-t-il des exceptions applicables?

Principes régissant les exceptions

[127]   L’intimée affirme que les documents et questions se rattachant à la médiation tombent sous le coup d’une exception au privilège relatif aux transactions. Elle soutient qu’en vertu de cette exception, les documents utilisés dans le règlement d’un contentieux entre la partie A (les demandeurs de Newby et MegaClaim) et la partie B (la CIBC) peuvent être utilisés dans un autre contentieux sans rapport avec le premier entre la partie B (la CIBC) et la partie C (l’intimée). Elle relève le jurisprudence ontarienne[78] qui cite l’ouvrage de Sopinka, Lederman et Bryant The Law of Evidence[79] pour conclure à l’exception suivante :

[traduction]

Les exceptions à la règle du privilège sont justifiées par le fait que la règle d’exclusion avait pour objet de protéger par le secret une offre de règlement seulement dans le cas où une tentative était faite pour la présenter comme preuve de responsabilité ou comme motif d’action faible et non lorsqu’elle était utilisée à d’autres fins. Dans les cas où des documents pouvant se rattacher aux négociations en vue d’un règlement ou au document du règlement proprement dit présentent une pertinence autre que pour l’établissement de la responsabilité d’une partie et autre que pour la preuve de la faiblesse de la revendication d’une partie à l’égard de ces questions, le privilège ne tient pas.

[128]   Autrement dit, si une documentation habituellement couverte par le privilège relatif aux règlements n’est pas utilisée comme preuve de la responsabilité de la CIBC dans le contentieux Enron ni comme moyen de défense faible dans ce différend, alors la documentation peut être communiquée. L’intimée invoque encore la jurisprudence Nestlé Canada Inc.[80], selon laquelle si l’information n’est pas utilisée pour causer un préjudice ou un risque à la partie à laquelle appartient cette information, le maintien du privilège relatif aux règlements n’est pas justifié[81].

[129]   Selon la thèse générale de la CIBC, la jurisprudence citée par l’intimée ne reconnaît nulle exception au privilège relatif aux transactions pour ce qui est de la présente requête. Ainsi, la banque affirme que l’affaire Sabre Inc. ne portait que sur le règlement amiable; or, la présente requête ne porte pourtant pas sur des documents de règlement, mais sur l’information se rappotant aux négociations. La CIBC soutient au sujet de l’affaire Nestlé Canada Inc. qu’il s’agissait d’une affaire de droit de la concurrence où la Cour a décidé que le privilège relatif aux transactions ne pouvait avoir préséance sur le droit d’un accusé à une réponse et à une défense entières, un intérêt public qui n’est pas en jeu dans la présente requête.

[130]   De façon générale, pour qu’il y ait exception au privilège relatif aux transactions, la partie qui demande la communication doit prouver que[82] :

 … tout compte fait, [traduction] « un intérêt public opposé l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable » (Dos Santos Estate c. Sun Life Assurance Co. of Canada, 2005 BCCA 4, 207 B.C.A.C. 54, par. 20). On a retenu parmi ces intérêts opposés les allégations de déclaration inexacte, la fraude ou l’abus d’influence (Unilever plc c. Procter & Gamble Co., [2001] 1 All E.R. 783 (C.A. div. civ.), Underwood c. Cox (1912), 26 O.L.R. 303 (C. div.)), et la prévention de la surindemnisation du demandeur (Dos Santos).

[131]   La jurisprudence qui fournit un enseignement au sujet des exceptions nous provient de deux sources : la décision Middelkamp[83] en C.‑B. et la décision I. Waxman[84] en Ontario.

[132]   La jurisprudence  Middelkamp a insisté sur le fait que le privilège relatif aux transactions avait une importance cruciale pour l’intérêt public à favoriser les règlements amiables[85]. La Cour d’appel de la C.-B. a conclu que, de façon générale, cet intérêt public protégeait les documents et les communications se rapportant à la transaction contre leur divulgation à des tiers. Cette juridiction a aussi relevé qu’il existait des exceptions à cette règle, par exemple lorsque le procès équitable de la plupart des questions exige la communication d’une vaste partie de la documentation pertinente[86]. De plus, selon une opinion concordante dans la décision Middelkamp, la communication aux tiers de communications afférentes à un règlement découlant d’une action donnée ne doit pas être ordonnée [traduction] s’« il était permis de penser que la communication empêcherait les parties de régler cette action ou toute autre action ». Vu la jurisprudence issue de la décision Middelkamp, la Cour suprême du Canada a été finalement appelée à se prononcer et elle a décidé que pour abolir un privilège relatif aux transactions, il faut qu’« un intérêt public opposé » l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable[87].

[133]   La jurisprudence I. Waxman a produit toute une jurisprudence qui a mis l’accent sur une exception particulière au privilège relatif aux transactions. Par la décision Waxman, la Cour d’appel de l’Ontario a énoncé la règle générale selon laquelle le privilège relatif aux transactions protège les communications contre la divulgation à des tiers[88]. Elle a ensuite ajouté qu’il existait certaines exceptions et a recensé  la jurisprudence qui explique ces exceptions.

[134]   Plus de 20 ans plus tard, la décision Mueller[89] a étudié en détail la teneur des exceptions mentionnées dans la décision I. Waxman :

[traduction]

… En analysant ces exceptions, Sopinka and Lederman, op. cit., à la page 201, observent :

Les exceptions à la règle du privilège sont justifiées par le fait que la règle d’exclusion avait pour objet de protéger par le secret une offre de règlement seulement dans le cas où une tentative était faite pour la présenter comme preuve de responsabilité ou comme motif d’action faible et non lorsqu’elle était utilisée à d’autres fins.

… Dans les cas où des documents pouvant se rapporter aux négociations en vue d’un règlement ou au document du règlement proprement dit présentent une pertinence autre que pour l’établissement de la responsabilité d’une partie et autre que pour la preuve de la faiblesse de la revendication d’une partie à l’égard de ces questions, le privilège ne tient pas[90].

[135]   Cela a par la suite amené la jurisprudence à trouver des exceptions au privilège relatif aux transactions, où des tiers demandaient la protection de communications pour un motif autre que l’établissement de la responsabilité d’une partie pour sa conduite au centre des négociations en vue d’un règlement ou que la preuve de la faiblesse de la prétention d’une partie à l’égard de cette conduite[91].

[136]   C’est l’exception sur laquelle l’intimée tente maintenant de se fonder. Selon celle-ci, elle n’utilisera pas les communications auxquelles elle demande d’avoir accès pour établir la responsabilité de la CIBC pour sa conduite dans les opérations avec Enron (qui ont fait l’objet des litiges Newby et MegaClaim), mais qu’elle s’en servira dans le contentieux fiscal, qui est entièrement distinct. Les communications ne seront non plus utilisées pour montrer la faiblesse des prétentions de la CIBC quant à sa conduite dans les opérations avec Enron; encore une fois, ces questions ont été abandonnées avec les transactions Newby et MegaClaim.

[137]    Apparemment, de toutes les juridictions fédérales, seule la Cour d’appel fédérale a rendu un arrêt par lequel elle a étudié les décisions Middelkamp et I. Waxman. A l’occasion de l’affaire Bertram c Canada[92], elle a avalisé l’enseignement de ces deux décisions et a fait remarquer qu’il existe une exception au privilège relatif aux transactions si le privilège est utilisé à tort pour protéger des preuves d’assertion inexacte ou d’opération déloyale. Après avoir cité la jurisprudence Middelkamp, la Cour d’appel a observé :

 Selon moi, il ressort clairement de ces citations que les tribunaux ont le souci d’éviter aux parties d’être mises dans l’embarras par des tentatives de concession ou de compromis, voire des aveux de faiblesse. En bref, ce que les parties disent contre leur intérêt durant des négociations est dit sous toutes réserves, en ce sens que leurs déclarations ne peuvent être utilisées par la suite contre elles. La règle n’a toutefois pas pour but de protéger des rapports malhonnêtes, et il n’existe aucune raison d’exclure ce dont une partie fait état dans son propre intérêt et au préjudice de la partie adverse. …[93]

[138]    Une décision de la Cour fédérale dans une autre affaire sans lien avec les affaires précitées est également instructive au chapitre de l’exception. En effet, dans l’affaire Samson Indian Nation and Band c Canada[94], les défendeurs avançaient une thèse semblable à celle qu’avance l’intimée par la présente requête: ils affirmaient que le privilège relatif aux règlements pouvait être levé si les documents privilégiés n’étaient pas utilisés pour démontrer la faiblesse de la thèse présentée par la partie titulaire du privilège. Le juge MacKay a refusé de décider si l’exception jouait, mais il a fait une observation utile : « … je note [...] en passant que l’argument de la Couronne ne donne selon moi que peu ou pas de poids à l’intention qu’avait la partie au moment où elle a préparé un document, tout en exagérant l’intention de la partie qui veut l’utiliser plus tard »[95]. Cela soulève une question pertinente en rapport avec les exceptions : celles-ci appellent une analyse post-hoc qui ne tient pas nécessairement compte de ce que la partie qui revendique le privilège aurait fait si elle avait su que les documents pouvaient être utilisés dans un contentieux ultérieur, même si ce contentieux ne porte pas exactement sur la même question que les négociations en vue de la transaction.

[139]   Devant notre Cour, la seule jurisprudence, mise à part la jurisprudence Fink, qui semble avoir porté sur l’exception est Tremblay c. La Reine[96]. Dans cette affaire, l’intimée demandait une copie de toutes les transactions et des documents y afférents découlant du contentieux entre le contribuable et un tiers. Le juge Little a cité la jurisprudence Fink et il a conclu que parce que les règlements amiables et documents y afférents contenaient peut-être des informations essentielles pour arriver à une interprétation correcte de la question faisant l’objet du contentieux fiscal, ces transactions et documents devaient être produits.

[140]   La décision Tremblay n’a encore été citée dans aucune autre jurisprudence. Elle n’a pas creusé la question de la justification de l’exception ni ne s’est livrée à l’appréciation des intérêts; la Cour s’est en effet limitée à conclure que les renseignements relatifs à la transaction pouvaient aider à régler le contentieux fiscal et, selon l’enseignement de la jurisprudence Fink, il n’était pas nécessaire que l’on se soit fondé sur le privilège. Mais la décision a démontré que le privilège relatif aux transactions pouvait être levé dans les cas où des informations auparavant protégées par le privilège étaient essentielles pour arriver à une interprétation juste de la question faisant l’objet du contentieux fiscal.

[141]   En somme, la jurisprudence issue des décisions Middelkamp et I. Waxman est riche d’exemples précis de cas où le privilège relatif aux transactions peut être levé. Les deux s’attachent à l’intérêt public, favorisant les transactions et protégeant de tiers les communications afférentes aux transactions. Il y a toutefois une légère différence entre les deux affaires. Ainsi, la décision Middelkamp et la jurisprudence qui en est issue qui ont été mentionnée par la Cour suprême du Canada, soulève la question de l’exigence d’un intérêt public opposé qui l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable pour que le privilège soit levé. Au contraire, la jurisprudence issue de la décision I. Waxman, a choisi de retenir la thèse de Sopinka et coll., selon laquelle le privilège peut être aboli si les communications ne seront pas utilisées pour démontrer la responsabilité d’une partie ou la faiblesse de ses moyens quant à la conduite qui fait l’objet du règlement. Cette jurisprudence n’analyse pas de façon explicite la nécessité de l’existence d’un intérêt public opposé pour que le privilège relatif aux transactions soit aboli.

[142]   Cela ne veut pas dire que la jurisprudence issue de la décision I. Waxman ne tient pas compte du critère de l’existence d’un intérêt opposé qui l’emporte sur l’intérêt à favoriser le règlement amiable. En effet, on pourrait dire qu’en retenant l’exception sur laquelle l’intimée désire se fonder dans cette requête, cette jurisprudence a décidé que l’intérêt public à avoir le plein accès aux documents afin que soit tenu un procès équitable en bonne et due forme l’emportait sur l’intérêt public à favoriser les transactions, particulièrement dans les cas où il n’existerait aucun préjudice pour la partie invoquant le privilège, car les communications ne pouvaient être utilisées contre elle relativement à la conduite qui avait fait l’objet de la transaction. Il est vrai que le recours à cette exception signifie que les communications relatives au règlement pourraient être utilisées contre le titulaire du privilège dans des contentieux ultérieurs portant sur une question différente, par exemple, un appel en matière de fiscalité. La jurisprudence issue de la décision I. Waxman montre cependant qu’il existe un motif justifiable de recourir à l’exception.

[143]   Je vais maintenant m’attacher à établir si ces exemples jouent en l’espèce.

Application à la présente requête des principes qui régissent les exceptions

[144]    De façon générale, la thèse de l’intimée repose sur l’exception au motif que les documents auxquels elle demande l’accès sont pertinents à des fins autres que l’utilisation comme preuve de la responsabilité de la CIBC ou de moyen de défense faible dans le litige Enron, où le règlement amiable a été obtenu. Par contre, la CIBC fait essentiellement valoir des principes reposant sur des politiques à l’appui du maintien du privilège relatif aux transactions.

[145]   Je dois aussi examiner rapidement un moyen connexe invoqué par l’intimée. Par une requête dans laquelle la CIBC demandait l’approbation provisoire de la transaciton Newby, la banque a communiqué la tendance générale des négociations en vue d’un règlement amiable, faisant plus particulièrement remarquer qu’au cours de la médiation, les parties avaient débattu de sa capacité de payer. L’intimée affirme que cette [traduction] « divulgation publique » des négociations en vue du règlement amiable milite en faveur de la levée du privilège relatif aux règlements. Je rejette cette thèse. L’insertion d’une observation vague dans un document judiciaire, une observation qui peut même s’avérer nécessaire pour obtenir l’approbation de la transaction, n’a aucune conséquence sur la question de savoir si la revendication du privilège relatif aux transactions est valable.

Question no 3119

[146]    La CIBC avait précisé que des ébauches des conditions de règlement des différends Newby et MegaClaim ont été échangées entre elle et les demandeurs respectifs avant la signature des versions finales. L’intimée demandait par la question no 3119 si des points de la feuille de modalités avaient soulevé l’opposition de la CIBC ou des demandeurs. L’intimée a fait valoir que cela pouvait avoir un rapport avec la caractérisation de la feuille de modalités et des conditions de règlement comme étant contingentes. La CIBC a revendiqué le privilège relatif aux transaction, puisque l’intimée demande par la question des renseignements sur les négociations.

[147]   La question n’est pas protégée par le privilège relatif aux transactions. Elle correspond aux critères de l’exception de la divulgation aux tiers examinée dans les affaires I. Waxman et Mueller, parce qu’elle ne sera utilisée ni comme élément de preuve de la responsabilité de la CIBC dans le litige Enron ni comme élément de preuve de défense faible dans ce contentieux.

Question no 849

[148]   L’intimée demande par la question no 849 la version non expurgée d’une évaluation des effets que la CIBC a utilisée pendant une séance de médiation, affirmant qu’elle est directement reliée à la question de la capacité de payer. Le document avait été fourni à l’ARC dans une version partiellement expurgée au cours de la vérification. Cette évaluation faisait mention des effets d’un règlement amiable sur la situation fiscale de l’une des filiales américaines de la CIBC. Selon l’intimée, ce document pourrait donc être pertinent quant à la capacité des filiales de la CIBC de verser une partie des paiements de règlement.

[149]   La CIBC répond en soulignant que dans les documents fournis à l’ARC, il était expressément signalé que la communication n’avait pas abouti à la renonciation au privilège relatif aux règlements pour ce qui est des parties expurgées du document et que ce privilège s’appliquait toujours.

[150]   En élaborant le document d’évaluation des effets destiné à faciliter les discussions en vue du règlement amiable, il est possible que la CIBC ait fait certains aveux dans un effort pour favoriser un règlement amiable dans le contentieux Enron et qu’elle n’aurait pas fait ces aveux autrement. Cependant, la communication intégrale de l’évaluation des effets représente certainement un intérêt public à l’égard du différend fiscal, surtout si la CIBC soutient une chose et que l’évaluation des effets indique le contraire.

[151]   La production de ce document n’aura pas d’incidence sur la responsabilité de la CIBC à l’égard des opérations avec Enron; elle ne causera potentiellement un préjudice à la CIBC que dans le contentieux fiscal. Ce contentieux proprement dit découle de l’interprétation des paiements de règlement et de la façon dont ceux-ci peuvent être classés. La CIBC a déjà produit, de son plein gré, une grande partie du document, et bien que cela n’aboutit pas à la renonciation ou à la levée du privilège à proprement parler, il en ressort que la CIBC considère certains aveux ou renseignements comme moins préjudiciables que d’autres.

[152]   Il nous reste donc à deviner en partie quel était l’état d’esprit de la CIBC lors de l’évaluation des effets : la banque faisait-elle mention des renseignements expurgés uniquement pour favoriser la transaction? Ne se serait-elle pas abstenue de le faire n’eût été l’objectif de la transaction?

[153]   Dans la présente affaire, je pencherais du côté de la communication. Elle tombe sous le coup des exceptions exposées précédemment et bien qu’elle puisse sans aucun doute causer un préjudice à la CIBC, elle n’a aucune conséquence sur la responsabilité à l’égard des démarches dans le règlement amiable proprement dit, ni n’affaiblit les prétentions de la CIBC dans le contentieux Enron. Je suis conscient que le fait d’ordonner la communication pourrait être vu comme ayant un effet sur la franchise et la profondeur des discussions et négociations en vue de la transaction. Les juges doivent naturellement protéger le secret des discussions en vue de la transaction, de sorte que les parties soient encouragées à transiger. Je ne vois cependant pas l’effet comme étant différent de celui observé dans l’affaire Tremblay, où la Cour a ordonné la communication d’autres documents afin que la question du contentieux fiscal soit pleinement et dûment réglée. La CIBC a déjà déclaré qu’elle présenterait des preuves de sa capacité de payer; il s’agit manifestement d’un point important dans la présente affaire.

[154]   Je comprends très bien que l’on puisse penser que ce genre d’ordonnance pourrait jeter un froid sur les discussions en vue d’une transaction, car il pourrait arriver que les autorités fiscales mettent la main sur tous les documents pertinents se rattachant aux négociations en vue du règlement dans un contentieux non fiscal. Les parties pourraient hésiter à parler ouvertement ou à faire montre de créativité et les transactions seraient donc peut-être plus difficiles à obtenir. En effet, l’ordonnance pourrait être vue comme une mesure plaçant l’ARC dans la salle pendant la médiation et lui donnant accès à tous les documents pertinents, même si l’Agence n’était capable d’utiliser l’information que beaucoup plus tard, dans des circonstances spéciales. Il semble évident que la CIBC modifierait son comportement pendant les discussions de médiation si l’ARC était présente dans la salle.

[155]   Or, la petite particularité du contentieux en matière fiscale au sujet de la déductibilité des paiements et dépenses liées aux actions en justice, qui a cependant son importance, est la suivante : par rapport à d’autres contentieux civils comme ceux qui sont souvent exposés la jurisprudence portant sur les transactions, ce contentieux ne porte pas nécessairement sur les allégations de fond, mais sur la façon dont les paiements et les frais judiciaires ont été traités après le règlement de ces différends. Il est de l’intérêt du public que cette information soit divulguée, et plus particulièrement qu’un exposé intégral de l’interprétation par la CIBC des thèses de ses entités soit présenté.

[156]   Une grande partie de la jurisprudence portant sur les transactions vise à protéger les communications de l’utilisation contre une partie dans un contentieux mettant en jeu la même question que les transactions. Ainsi, dans l’affaire Mueller, le défendeur avait initialement réglé une poursuite séparée contre deux tiers, et les allégations et la mesure demandée étaient essentiellement les mêmes que dans la poursuite antérieure[97]. Dans l’affaire Sabre Inc., les appelantes avaient conclu une transaction antérieurement avec un tiers. Les intimées dans cette affaire étaient des sociétés de même catégorie que le tiers et elles étaient poursuivies par les appelantes en grande partie pour le même motif; encore une fois, la même question était à l’origine du contentieux. Même dans ce cas, la Cour a conclu qu’une exception au privilège relatif aux règlements jouait. Enfin, dans l’affaire Bertram, une affaire fiscale, les communications englobaient les discussions en vue du règlement amiable entre les contribuables et les fonctionnaires du ministre du Revenu national sur la même question que celle du contentieux fiscal. La Cour a examiné les règles pour établir que le privilège ne pouvait protéger les affaires malhonnêtes, mais elle a fait preuve de prudence, consciente du fait que les juges doivent éviter de permettre que les éléments de preuve issus de discussions en vue du règlement amiable soit disponible aux fins du contentieux découlant de la même question que celle faisant l’objet des discussions.

[157]   Il est sans nul doute logique que les juges usent de prudence lorsqu’ils accordent une exception du genre, parce qu’ils désirent éviter que les aveux d’une partie relativement à une question soient utilisés contre cette partie dans un contentieux ultérieur avec des tiers portant sur la même question, voire dans le même contentieux dans le cas où les négociations en vue d’une transaction ne seraient pas fructueuses.

[158]   La présente affaire porte cependant sur deux questions différentes. Les contentieux Newby et MegaClaim concernaient certaines opérations avec Enron. Les appels fiscaux portaient quant à eux sur la déductibilité des paiements de transaction découlant du contentieux. Il n’y a aucun risque que la communication d’informations sur la première question cause un préjudice à la CIBC dans le contentieux portant sur cette question, car il est réglé. Bon nombre des motifs de  politique appuyant la protection du privilège relatif aux règlements ne tiennent donc plus. Les appels fiscaux portent sur une question distincte, et bien qu’ils soient sans aucun doute fondés sur la première question, il ne s’agit pas de la même chose. Les communications et les informations se rattachant au premier contentieux sont certainement pertinentes pour le règlement du contentieux fiscal, car elles nous aideront à établir si les paiements de règlement sont déductibles. Je pense qu’il faut opérer une distinction et que celle-ci joue en faveur de la levée du privilège relatif aux règlements. De plus, la lignée des décisions I. Waxman fournit une exception applicable au privilège relatif aux règlements. La CIBC doit donc répondre à la question.

Questions nos 845 et 848

[159]    À la question no 845, l’intimée demandait des documents faisant mention de la capacité de payer qui avaient été utilisés au cours de certaines discussions de médiation. La question no 848 visait à savoir si la médiation contenait des discussions sur l’imputation ou sur la capacité de la CIBC de payer seule, ou avec ses filiales et sociétés affiliées, et s’il existait d’autres éléments d’information sur le sujet. L’intimée soutient encore une fois qu’elle devrait avoir accès aux documents portant sur la capacité de payer qui ont été utilisés lors des discussions de médiation, puisque la CIBC a mis sa capacité de payer en cause.

[160]   La CIBC ne peut revendiquer le privilège relatif aux règlements ici pour les mêmes motifs qu’à la question no 849. Les deux questions correspondent au contexte de la série d’exceptions consacrée par la jurisprudence issue de la décision I. Waxman et elles appellent donc une réponse.

Questions nos 922 et 923

[161]   L’intimée cherche à obtenir des informations sur la façon dont les demandeurs de Newby sont arrivés à la somme de 3,9 milliards de dollars de dommages examinée pendant la médiation. L’intimée affirme que cette information est pertinente quant à l’interprétation par la CIBC de sa responsabilité juridique et à l’imputation des paiements de règlement, puisqu’elle pourrait montrer comment les demandeurs de Newby voyaient la responsabilité juridique de la CIBC et quelles entités étaient responsables. La banque soutient que l’interprétation large du privilège relatif aux transactions retenue par la Cour suprême du Canada s’étend certainement à tous les documents [traduction] « possiblement » utilisés en cours de négociation. Elle ajoute qu’il est difficile de savoir si ces documents existent.

[162]   Je relève que, selon la CIBC, les documents ont [traduction] « possiblement » été utilisés. S’ils n’ont pas été utilisés, alors le privilège relatif aux transactions n’existe pas.

[163]   Si les documents n’ont en fait pas été utilisés, il n’existe toujours pas de privilège relatif aux transactions, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai invoqués précédemment. Je relève que, dans sa réponse à la question no 922, la CIBC affirme avoir été incapable de retrouver le document et ne pas savoir s’il existe. Elle doit donc effectuer des recherches.

Questions nos 927 et 928

[164]   L’intimée demande la production de tout document où la CIBC a avancé la thèse suivante : son risque réel aux termes de la loi pertinente était bien inférieur à celui qui était défini par les demandeurs de Newby et les autres banques étaient plus coupables qu’elle. La CIBC a avancé cette position au cours des séances de médiation. Si la CIBC a fait des déclarations au sujet de son risque réel relativement aux actions en cause pendant la médiation, l’intimée désire savoir quelles étaient ces déclarations, afin de pouvoir établir si elles concordent avec la thèse que la CIBC désire avancer dans la présente poursuite. Celle-ci répond encore une fois en évoquant le principe de base général de la protection des discussions et des documents afférents aux négociations en vue du règlement.

[165]   Je conclus que le privilège relatif aux transactions ne joue pas quant à ces questions, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai exposés auparavant. Il existe une exception applicable, et l’effet sur le principe de l’intérêt public à favoriser le règlement à l’amiable cède le pas à l’intérêt à avoir le plein accès aux documents de médiation de la CIBC portant sur son risque de poursuites juridiques, afin que l’information puisse être comparée à la thèse de la banque dans la présente procédure. La CIBC peut certainement utiliser le procès pour résoudre les contradictions entre les thèses et elle dispose donc d’un mécanisme pour composer avec les incohérences que soulèvent ses réponses aux questions.

Question n5757

[166]   La question no 5757 porte sur une conversation entre un avocat de Newby et un journaliste du quotidien Le Soleil. Selon une déclaration de l’avocat de Newby au journaliste, étant donné que le règlement amiable Newby avait été signé par le siège social de la CIBC, la déduction du paiement de règlement serait faite en grande partie au Canada. L’intimée a demandé à la CIBC si l’avocat s’exprimait en se fondant sur un fait particulier ou une conversation donnée qui avaient fait partie des négociations en vue d’une transaction entre les parties. Autrement dit, se livrait-il simplement à des conjectures ou raisonnait-il en se fondant sur un élément survenu au cours des négociations?

[167]   La CIBC a répondu ne disposer d’aucune information au sujet du fait que des discussions sur le traitement fiscal auraient eu lieu et a précisé que les discussions sur ce sujet sont couvertes par le privilège relatif aux transactions. La banque affirme que la question fait expressément référence aux négociations en vue du règlement et que l’information est donc manifestement privilégiée. L’intimée soutient que la même exception que celle qui a été invoquée pour les questions précédentes joue en l’occurrence.

[168]   Je conclus que le privilège relatif aux transactions ne joue pas quant à ces questions, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai énoncés précédemment. Il existe une exception applicable, et l’effet sur le principe de l’intérêt public à favoriser le règlement cède le pas à l’intérêt à avoir le plein accès aux documents pertinents par rapport au règlement du contentieux et aux possibles considérations d’ordre fiscal de la CIBC dans la conclusion de l’entente de règlement.

Questions nos 866, 894 et 900

[169]   Avant le règlement du contentieux Enron, la CIBC faisait partie d’un groupe d’entités bancaires défenderesses sans lien de dépendance qui tenaient des discussions au sujet d’une approche collective de ce contentieux. L’intimée a demandé des éléments d’information sur l’état d’avancement des travaux de ce soi-disant groupe d’entités bancaires défenderesses et a demandé si des lettres d’engagement avaient été rédigées ou signées. Elle soutient que cette information constituerait une preuve du mécanisme au moyen duquel ces codéfenderesses sans lien de dépendance ont pu s’entendre pour partager les coûts du règlement amiable ou une preuve du comportement des parties sans lien de dépendance.

[170]   La CIBC déclare que les discussions de ce genre sont protégées par le privilège relatif aux transactions.

[171]   Je conclus que le privilège relatif aux transactions ne joue pas quant aux questions, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai énoncés précédemment. Il existe une exception applicable, et l’effet sur le principe de l’intérêt public à favoriser le règlement amiable cède le pas à l’intérêt à bénéficier du plein accès à l’information sur le mécanisme au moyen duquel les codéfenderesses sans lien de dépendance ont pu traiter les unes avec les autres dans le contentieux.

Question no 911

[172]   L’intimée cherche à savoir par la question no 911 où trouver dans les documents produits les [traduction] « divers tableaux et graphiques qui ont été utilisés avec le médiateur », comme signalé dans un document interne de la CIBC. Si les tableaux et les graphiques ne se trouvent pas dans les documents produits, l’intimée veut que la CIBC les produise.

[173]   La CIBC affirme ne pas avoir été capable de retrouver ces documents parmi les documents produits, ce qui veut dire que l’intimée désire maintenant qu’elle les produise. La banque soutient cependant que le privilège relatif aux transactions protège ces documents de l’obligation de les produire.

[174]   Je conclus que le privilège relatif aux transactions ne joue pas quant à la question, pour les mêmes motifs que ceux que j’ai énoncés précédemment. Ces documents doivent donc être produits.


Point en litige no 4 : La CIBC peut-elle invoquer le privilège relatif au litige découlant des contentieux Newby et MegaClaim?

[175]   La CIBC revendique le privilège relatif au litige pour des centaines de documents, y compris 670 documents pour lesquels ce privilège constitue le seul motif. L’intimée est d’avis que cette revendication n’est pas valide, parce que le contentieux Enron a pris fin. Elle demande donc que notre Cour décide que le privilège relatif au litige est éteint parce que la revendication du privilège par la CIBC est fondée sur la participation de la banque à tout contentieux avec Enron (y compris les procédures de la Securities and Exchange Commission (Commission des valeurs mobilières des États-Unis), les procédures du DOJ et les contentieux Newby et MegaClaim). L’intimée désire que la CIBC produise tous les documents et réponde à toutes les questions qui sont seulement protégées par le privilège relatif au litige. La CIBC maintient quant à elle que le privilège relatif au litige joue toujours.

[176]   Je retiens la thèse de l’intimée : la revendication du privilège relatif au litige n’est pas fondée.

[177]   A l’occaion de l’affaire Blank c Canada (Ministre de la Justice)[98], la CSC a dit clairement qu’« en l’absence de procédures étroitement liées, le privilège relatif au litige [...] prend fin lorsque le litige qui lui a donné lieu est terminé »[99]. Naturellement, la question qui se pose alors est celle de savoir ce qui constitue des « procédures étroitement liées ». La CSC a observé :

… [L]e privilège peut conserver son objet — et, par conséquent, son effet — lorsque le litige qui lui a donné lieu a pris fin, mais qu’un litige connexe demeure en instance ou peut être raisonnablement appréhendé. À cet égard, je partage l’opinion du juge Pelletier au sujet de la « possibilité de définir le litige en termes plus larges que la seule procédure qui a donné lieu au privilège » (par. 89); voir Ed Miller Sales & Rentals Ltd. c. Caterpillar Tractor Co. (1988), 90 A.R. 323 (C.A.).

Il me semble que cette définition élargie du terme « litige » comprend, à tout le moins, les procédures distinctes qui opposent les mêmes parties ou des parties liées et qui découlent de la même cause d’action (ou « source juridique ») ou d’une cause d’action connexe. À mon avis, les procédures qui soulèvent des questions communes avec l’action initiale et qui partagent son objet fondamental seraient également visées.

En principe, les limites de cette acception élargie du terme « litige » sont circonscrites par l’objet de la reconnaissance du privilège relatif au litige, soit, comme je l’ai déjà mentionné [traduction] « le besoin d’une zone protégée destinée à faciliter, pour l’avocat, l’enquête et la préparation du dossier en vue de l’instruction contradictoire » (Sharpe, p. 165). Dans le contexte de l’art. 23 de la Loi sur l’accès, cet objet doit tenir compte de la nature de beaucoup de litiges auxquels le gouvernement est partie. À titre d’exemple, dans les années 80, le gouvernement fédéral a fait face, partout au Canada, à des litiges découlant du programme d’isolation à la mousse d’urée-formaldéhyde. Les parties n’étaient pas les mêmes et les détails de chaque réclamation étaient différents, mais les questions sous-jacentes de responsabilité étaient les mêmes partout au pays[100].

[178]   Dans la présente affaire, les parties ne sont pas les mêmes que celles du contentieux Enron et la cause d’action est complètement différente. Le contentieux Enron portait sur les actions de la CIBC liées à certaines opérations conclues avec Enron; le présent conentieux fiscal porte essentiellement sur la question de la déductibilité des paiements de règlement. La CIBC affirme que bon nombre des documents se rattachant au litige Enron se situent à l’intérieur des limites du litige connexe appréhendé. Je rejette cette thèse. Il semble raisonnable de conclure que toute période de prescription découlant de la même cause d’action que celle du contentieux Enron est expirée. En fait, la CIBC ne fournit pas d’autres renseignements sur la nature de ce « litige appréhendé ». Selon mon opinion, les revendications du privilège relatif au litige ne sont pas fondées.

Les revendications du privilège relatif au litige peuvent-elles être réévaluées aux fins de la protection par le secret professionnel de l’avocat?

[179]   Si le privilège relatif au litige ne joue pas, comme je l’ai conclu, la CIBC soutient que bon nombre des documents visés par la revendication du privilège relatif au litige sont maintenant protégés par le secret professionnel de l’avocat. La banque fait relève que le privilège relatif au litige et le secret professionnel de l’avocat se chevauchent souvent, comme l’a souligné la CSC à l’occasion de l’affaire Blank[101].

[180]   Ainsi, dans un échantillon de 60 documents pour lesquels la CIBC avait revendiqué le privilège, 19 documents avaient été initialement classés comme n’étant protégés que par le privilège relatif au litige. Il est ressorti de l’examen en profondeur de cet échantillon par la CIBC qu’il ne restait en fait qu’un seul document visé uniquement par le privilège relatif au litige. Les 18 autres documents font l’objet d’autres revendications, y compris concernant le secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif aux transactions et la non-pertinence.

[181]   Si la thèse du privilège relatif au litige de l’intimée est retenue, comme tel est le cas, la CIBC est d’avis que la Cour doit lui ordonner de revoir les 670 documents de l’annexe B qui sont classés comme des documents uniquement protégés par le privilège relatif au litige pour rechercher si ces documents sont aussi visés par le secret professionnel de l’avocat et le privilège relatif aux règlements, et pour établir leur pertinence. La banque produirait ensuite tous les documents non privilégiés pertinents.

[182]   L’avocat de la CIBC a déclaré à l’audience que le classement aux fins du privilège s’est mal déroulé, parce que la banque a eu recours aux services de tiers fournisseurs, ce qui est nécessaire dans le cas de la production électronique. Il a affirmé que ces fournisseurs faisaient de leur mieux, mais qu’ils commettaient des erreurs.

[183]   L’intimée dit que le fait de permettre à la CIBC d’effectuer un autre examen constitue une approche à la pièce de l’obligation de la banque en matière de communication; elle pense que cette approche soulève des préoccupations au chapitre de l’équité à son endroit. Elle soutient également qu’en fait, le nombre de documents qui feraient l’objet d’une réévaluation serait supérieur à 670.

[184]   Je comprends très bien la thèse de la CIBC, qui affirme que les documents ont mal été classés, mais le fait est que la banque a retenu les services de ce tiers fournisseur parce que telle était l’avenue la plus efficace pour examiner la communication, tant sur le plan du temps que sur celui des coûts. Si la banque déclare maintenant avoir besoin de plus de temps et devoir engager d’autres frais pour revoir les documents après les avoir déjà classés, cela est à tout le moins incompatible avec sa thèse antérieure. Elle a fait un choix, et elle et l’intimée ont dû toutes deux composer avec ce choix.

[185]   Les observations de la CIBC sur ce point soulèvent la question de savoir si nous devrions maintenant remettre en question tous les autres documents qui ont été classés d’une certaine façon. L’intimée n’a pas attaqué les autres classements, mais la question est posée. Il serait inefficace, non fondé et injuste pour l’intimée d’ajouter des reports dans la présente affaire, dont l’étape préparatoire au procès a déjà duré des années. Il est certes louable de faire en sorte que tout soit fait en bonne et due forme, et telle serait la thèse de la CIBC. Celle-ci a toutefois eu toute la latitude nécessaire pour faire les choses correctement; elle a opté pour une manière de procéder et elle ne peut maintenant, de longs mois plus tard, demander une deuxième chance. Il y a une fin à tout.

[186]   Il n’est donc pas fait droit à la demande de la CIBC de réévaluer les documents qui avaient été classés comme étant uniquement protégés par le privilège relatif au litige.

Point en litige no 5 : La CIBC peut-elle revendiquer le secret professionnel de l’avocat à l’égard de certaines questions et de certains documents?

[187]   Certaines questions et certains documents font l’objet d’une revendication du secret professionnel de l’avocat par la CIBC. L’intimée attaque ces revendications et affirme que le privilège ne joue pas. Environ la moitié de ces questions et documents sont aussi visés par d’autres revendications de privilège, mais au cas où j’errerais sur ces questions, je discuterai la question de savoir si la CIBC a utilement revendiqué le secret professionnel de l’avocat.

Questions nos 877 et 878

[188]   Selon l’intimée, il ressort des procès-verbaux de certaines réunions du conseil d’administration qu’un expert-conseil examinait la capacité de payer de la CIBC pendant la médiation Newby et examinait des points relatifs aux dommages‑intérêts et à une stratégie connexe. L’intimée demande la communication de tous les rapports produits, affirmant que les communications d’un avocat avec un tiers visant à obtenir les conseils d’un expert ou une autre forme d’aide ne bénéficient pas de la protection d’un privilège.

[189]   La question semble être issue d’une certaine confusion de la part de l’intimée, en partie attribuable à la CIBC. Lorsque les négociations de l’affaire Newby ont commencé, à la fin de juillet 2005, la CIBC a suggéré que les demandeurs de l’affaire Newby, plutôt qu’elle-même, embauchent un expert pour évaluer sa capacité de payer des dommages‑intérêts, par rapport à la capacité de payer des autres banques défenderesses. Les demandeurs Newby n’ont cependant jamais embauché d’expert-conseil et il n’y a donc aucun document à produire au chapitre des rapports d’experts-conseils. Les procès-verbaux auxquels fait référence l’intimée lorsqu’elle demande le rapport des experts-conseils prouvent ce fait. Je retiens donc la thèse de la CIBC selon laquelle un tel rapport n’existe pas.

[190]   La CIBC a ensuite laissé flotter une certaine ambiguïté dans ses réponses au sujet de ses engagements et mises en délibéré dans la présente affaire : elle a déclaré à l’intimée que ses avocats américains dans la poursuite Newby avait embauché un expert-conseil pour l’examen des dommages‑intérêts et l’élaboration d’une stratégie pour que ses avocats puissent lui fournir des conseils. La CIBC revendique le secret professionnel de l’avocat pour ces communications entre l’expert-conseil et ses avocats, ainsi que pour le rapport de l’expert-conseil proprement dit. L’intimée répond que le rapport sur les dommages‑intérêts de l’expert-conseil avait été initialement classé comme protégé par le privilège relatif au litige, mais que la CIBC revendique maintenant le secret professionnel de l’avocat. Elle soutient que le seul privilège en cause est le privilège relatif au litige.

[191]   Même si l’intimée affirme que le rapport avait d’abord été classé comme visé par le privilège relatif au litige et que la CIBC ne devrait pas obtenir le droit de revendiquer maintenant le secret professionnel de l’avocat, et même si j’ai conclu précédemment qu’il ne devait pas être fait droit à la demande de la CIBC en réexamen des documents en vue d’autres revendications de privilège, j’autoriserai la CIBC à revendiquer le secret professionnel de l’avocat dans le cas qui nous intéresse ici. Bien qu’il existe un certain élément d’injustice pour l’intimée, le fait est que celle-ci a disposé d’assez de temps pour rédiger des observations sur la question du bien-fondé du secret professionnel de l’avocat. Le fait que la CIBC modifie sa revendication n’a pas ajouté de temps ni de coûts au processus, tandis que tel aurait été le cas pour sa proposition de réévaluer les 670 documents. Je rechercherai donc si le secret professionnel de l’avocat s’applique.

[192]   La CIBC soutient que les communications entre un avocat et les tiers peuvent toujours être protégées par le secret professionnel de l’avocat dans les cas où les services d’un tiers ont été retenus pour l’exercice d’une fonction essentielle à l’existence ou au fonctionnement de la relation entre l’avocat et son client. Elle cite en exemple la décision General Accident Assurance Co. v Chrusz[102]:

[traduction]

… Je pense que l’applicabilité du secret professionnel de l’avocat aux communications provenant d’un tiers dans des circonstances où ce tiers ne peut être qualifié de voie de communication entre l’avocat et son client doit dépendre de la véritable nature de la fonction pour laquelle les services du tiers ont été retenus pour le client. Si les services du tiers englobent une fonction qui est essentielle à l’existence ou au fonctionnement de la relation entre l’avocat et son client, alors le privilège doit couvrir toutes les communications qui visent à favoriser cette fonction et qui répondent aux critères du secret professionnel de l’avocat.

[193]   L’intimée avance un point de vue différent. Dans l’affaire General Accident Assurance Company, un expert en sinistres, le tiers, a reçu l’ordre de mener une enquête, puis de faire rapport et de suivre les directives d’un avocat en rapport avec le contentieux envisagé. La cour a conclu que seul le privilège relatif au litige jouait, et non le secret professionnel de l’avocat. On s’attendait à ce que l’expert en sinistres soit honnête dans l’exercice de ses fonctions et on estimait qu’aucune protection juridique spéciale n’était nécessaire pour garantir un rapport objectif. Selon l’intimée, l’expert-conseil en dommages‑intérêts est semblable à l’expert en sinistres, dont l’information n’était pas protégée par le secret professionnel de l’avocat et n’était couverte que par le privilège relatif au litige.

[194]   L’intimée donne aussi en exemple l’importante décision Susan Hosiery Ltd. v Minister of National Revenue[103] pour faire valoir le principe que lorsque l’avocat communique avec un tiers pour obtenir des conseils d’expert ou une autre forme d’aide, cette communication n’est pas protégée par le secret professionnel de l’avocat.

[195]   La CIBC répond en déclarant que la jurisprudence Susan Hosiery n’enseigne pas que toutes les communications entre l’avocat et le tiers ne sont pas privilégiées; en fait, selon cette jurisprudence, si le tiers [traduction] « est employé comme agent par le client pour obtenir les conseils juridiques de l’avocat, il se trouve naturellement exactement dans la même situation que le client en ce qui concerne la protection, et ses communications avec l’avocat se trouvent dans la même situation que les communications de son mandant avec l’avocat ». La CIBC soutient également que l’on peut opérer une distinction par rapport au principe avancé par l’intimée citant la jurisprudence Susan Hosiery, parce que les services de l’expert-conseil en dommages‑intérêts étaient essentiels à la prestation de services juridiques par les avocats américains de la CIBC.

[196]   Je retiens la thèse de l’intimée portant que l’expert-conseil en dommages‑intérêts est seulement couvert par le privilège relatif au litige, et non par le secret professionnel de l’avocat. Il n’est pas essentiel à l’existence ou au fonctionnement de la relation entre l’avocat et son client : l’expert-conseil ne fournissait pas de conseils juridiques, mais préparait des documents qui devraient aider les avocats américains au chapitre [traduction] « des questions de dommages‑intérêts et d’une stratégie connexe en rapport avec le litige », comme l’a déclaré la CIBC dans sa réponse à la question no 877. L’expert-conseil ne fournissait pas de conseils juridiques au client, ni ne prenait la place du client pour obtenir des conseils juridiques. Il produisait des analyses qui, bien qu’utiles, n’étaient pas essentielles à la fourniture de conseils juridiques par au cœur de la relation entre l’avocat et son client.

[197]   Comme l’enseignent Lederman et coll.[104] :

[traduction]

Lorsqu’une personne assume une fonction d’enquête et recueille des informations de sources extérieures ou énonce des opinions à l’égard de ses résultats, alors cette personne, bien que ses services aient été retenus par l’avocat, agit hors du champ étroit du « rôle d’agent ». Il y a une différence entre les communications avec des personnes mises à contribution pour donner et recevoir directement des conseils juridiques et les communications ou l’information reçues de personnes qui ont un lien avec le problème juridique en cause et qui sont utiles à l’avocat. La protection de ces dernières doit tomber sous le coup d’une analyse en vertu du privilège relatif au litige, plutôt que du secret professionnel de l’avocat.

[198]   En outre, je retiens la thèse de l’intimée selon laquelle l’expert-conseil en dommages‑intérêts ressemble plutôt à l’expert en sinistres de l’affaire General Accident Assurance Company. Comme l’a alors décidé la cour, [traduction] « si le tiers est seulement autorisé à recueillir des informations de sources extérieures et à la transmettre à l’avocat, de sorte que celui-ci puisse conseiller le client, ou si les services du tiers sont retenus pour agir selon les directives légales de l’avocat (supposément données après que le client ait formulé ses directives à l’avocat), la fonction du tiers n’est pas essentielle au maintien ou au fonctionnement de la relation entre l’avocat et son client et elle ne doit pas être protégée ». Je suis d’avis que, ce principe s’applique à l’expert-conseil en dommages‑intérêts. Le rapport a été rédigé en prévision d’un contentieux et il serait par conséquent protégé par le privilège relatif au litige.

[199]   Puisque j’ai conclu précédemment que le privilège relatif au litige ne joue plus, la CIBC doit donc répondre aux questions.

Question no 3119

[200]   Comme nous l’avons vu auparavant, la question no 3119 vise à savoir si certains points des feuilles de modalités ont fait l’objet d’une opposition par la CIBC ou les demandeurs Newby. La CIBC affirme que le secret professionnel de l’avocat protège les communications portant sur l’existence de toute opposition. Elle déclare dans ses observations que le secret professionnel de l’avocat protège les communications confidentielles entre l’avocat et son client ayant pour objectif la fourniture de conseils juridiques.

[201]   J’abonde dans le même sens, mais je ne puis voir de quelle manière le secret professionnel de l’avocat couvrirait la question de savoir si la CIBC ou les demandeurs Newby se sont opposés à l’une ou l’autre des conditions de la feuille de modalités. Entrent en jeu ici les communications entre les parties au cours d’une négociation; il ne semble pas s’agir d’une question sur les conseils juridiques reçus par la CIBC de son avocat. Si la question portait sur des conseils juridiques, la réponse serait effectivement couverte par le secret professionnel de l’avocat. La question semble toutefois porter sur certains détails des négociations en vue d’une transaction. Il est clair que cette information tombe sous le coup du privilège relatif aux règlements, et non du secret professionnel de l’avocat. Le secret professionnel de l’avocat ne joue donc pas en ce qui concerne la question no 3119.

Questions nos 927 et 928

[202]   L’intimée cherchait par les questions nos 927 et 928 à obtenir la production de tous les documents où la CIBC soutenait que son véritable risque aux termes de la loi pertinente était bien inférieur à celui qu’avaient invoqué les demandeurs Newby et que les autres banques étaient plus en faute qu’elle. La CIBC avait défendu cette thèse pendant les séances de médiation. Si la banque a fait des déclarations au sujet de son véritable risque quant aux poursuites en cause pendant la médiation, l’intimée désire connaître la teneur de ces déclarations.

[203]   Encore une fois, il est difficile de savoir de quelle façon le secret professionnel de l’avocat serait revendiqué dans le cas présent. L’intimée semble demander les documents et thèses produits pendant les négociations. Si elle demande les conseils juridiques échangés entre la CIBC et son avocat, la réponse sera effectivement couverte par le secret professionnel de l’avocat. Mais si ce n’est pas ce qu’elle demande, le secret professionnel de l’avocat ne joue pas.

Questions nos 888 et 889

[204]   Les questions nos 888 et 889 portent sur les documents qui se rattachent aux simulations de procès avec jury que les avocats américains de la CIBC ont tenues à la demande de la banque, dans le cadre du contentieux Newby. L’intimée demande l’issue des procès et désire savoir comment la CIBC s’est défendue contre la poursuite Newby lors de ces simulations. Elle déclare que ces renseignements sont potentiellement pertinents en ce qui concerne l’interprétation par la CIBC de la nature de son risque de responsabilité juridique et à l’examen de la mesure dans laquelle les défenses ont été axées sur la conduite des filiales et sociétés affiliées.

[205]   Selon l’intimée, le secret professionnel de l’avocat ne joue pas, parce ces procès mettaient en jeu des communications entre un avocat (les avocats américains) et des tiers (les jurés fictifs). Si le secret jouait, il a fait l’objet d’une renonciation, parce que les moyens de défense ont été communiqués aux tiers.

[206]   La CIBC affirme que les simulations avaient pour seul objectif d’aider les avocats à lui fournir des conseils juridiques et rejette donc les questions en invoquant le secret professionnel de l’avocat. La banque fait référence à la jurisprudence General Accident Assurance Company pour faire valoir le principe que le secret couvre les communications entre l’avocat et le tiers qui ont pour objet de favoriser une fonction essentielle à l’existence de la relation entre un avocat et son client et qui remplit les critères du droit au secret professionnel de l’avocat. Elle soutient également que les questions ne sont pas pertinentes, déclarant que la façon dont elle a construit son système de défense lors des simulations de procès avec jurés n’est pertinente à l’égard d’aucune question de l’appel fiscal.

[207]   Je retiens la thèse de la CIBC au sujet de la question no 888 : si les communications exposant les issues des procès ont été échangées entre les avocats américains et la CIBC, ces communications sont privilégiées. Étant donné que les issues des simulations ont été mentionnés lors d’une réunion du conseil d’administration, il semblerait évident que les avocats américains les aient communiqués à la CIBC dans le cadre de leurs conseils juridiques. Ce sont les avocats américains qui ont tenu ces procès, et même s’il y a eu participation de tiers, en l'occurrence les jurés fictifs, les issues devaient rester privilégiées. Ils faisaient en effet partie des conseils juridiques fournis à la CIBC par les conseillers américains, formant un volet de la recherche des faits et de l’analyse. Il n’y a certainement pas renonciation au privilège ici non plus.

[208]   La réponse à la question no 889 est aussi protégée par le secret professionnel de l’avocat. L’intimée désire manifestement repérer toute contradiction entre la façon dont la CIBC définit son interprétation de son risque de responsabilité dans le présent appel et la façon dont elle l’interprète dans le contentieux Enron. Les moyens de défense que la CIBC avance font toutefois partie de l’analyse que les avocats ont effectuée dans le cadre de la fourniture de leurs conseils juridiques à la banque et elles sont donc privilégiées. Je remets également en question la pertinence de la question. La façon dont le système de défense a été construit est une question de stratégie; la CIBC aurait pu utiliser n’importe quel système de défense à titre d’essai, peu importe sa justesse. Sa pertinence par rapport à la question fiscale de la déductibilité est hautement discutable.

Questions nos 866, 894 et 900

[209]   Comme nous l’avons vu auparavant, l’intimée a demandé des informations sur l’état d’avancement des travaux du soi-disant groupe de banques défenderesses et a demandé si des lettres d’engagement avaient été rédigées ou signées. La CIBC affirme que cette information est protégée par le secret professionnel de l’avocat et le privilège d’intérêt commun.

[210]   Les questions et documents dont il est question ici s’intègrent parfaitement au moyen de défense du privilège d’intérêt commun invoqué pour rejeter la renonciation et plus particulièrement à la définition souvent citée du privilège d’intérêt commun formulée par Lord Denning à l’occasion de l’affaire Buttes Gas and Oil Co. v Hammer (No. 3)[105]. La Cour a retenu cette définition à l’occasion de l’affaire General Accident Assurance Company, où elle a décidé que le privilège d’intérêt commun [traduction] « peut jouer dans les cas où la communication est faite à une personne ou à une partie ayant un intérêt commun à partager l’effort de préparation du procès ».

[211]   Comme l’enseignement Dodek et Cooper[106] : [traduction] « En droit anglo-américain, le privilège d’intérêt commun joue indéniablement, dans le cadre d’une procédure contentieuse, dans les cas où les parties partagent le ‘même intérêt’. Ce ‘même intérêt’ s’applique aux codéfendeurs qui ont des avocats différents ... Il s’applique aussi aux parties qui ont un intérêt commun dans un contentieux anticipé... Les parties doivent ‘anticiper un contentieux contre un adversaire commun sur la ou les mêmes questions’; elles ne sont pas tenues d’avoir la même thèse, mais doivent simplement avoir un intérêt commun suffisant. »

[212]   La question qui se pose ici est cependant celle de savoir si le privilège d’intérêt commun constitue un privilège relatif au litige ou s’il relève du secret professionnel de l’avocat. Si les banques elles-mêmes se sont bornées à tenir des discussions, il s’agirait d’un privilège relatif au litige d’intérêt commun, mais puisque le privilège relatif au litige ne tient plus, les documents connexes ne seraient pas privilégiés. Cependant, si les banques ainsi que leurs avocats ont participé à ces discussions et que celles-ci portaient, entre autres choses, sur les défenses conjointes, les options de règlement, etc., alors il se serait agi du secret professionnel de l’avocat. Il semble probable que la deuxième hypothèse s’appliquerait. Par conséquent, si les banques et leurs conseillers ont participé aux discussions, les questions tombent sous le coup du privilège; si seules les banques ont participé aux discussions, le privilège ne joue pas.

Questions nos 2923 et 2924

[213]   L’intimée cherche à obtenir des informations sur les motifs pour lesquels la CIBC n’a pas introduit de demande reconventionnelle contre les banques codéfenderesses. Elle désirait savoir si la décision était de nature juridique ou stratégique et elle affirme que les questions sont pertinentes, car elles pourraient fournir des informations au sujet du comportement des parties sans lien de dépendance dans le contentieux Newby, tout comme les questions au sujet du groupe de banques. La CIBC soutient que cette analyse est privilégiée, parce que l’intimée ne conteste pas le caractère raisonnable des transactions.

[214]   Je retiens la thèse de la CIBC. Les deux questions sont de toute évidence couvertes par le secret professionnel de l’avocat et leur pertinence est discutable. Une décision au sujet de la pertinence de lancer une action contre d’autres parties ne contribue pas à éclairer notre Cour sur la question de la déductibilité.

Point en litige no 6 : L’annexe B de la CIBC est-elle incomplète en raison d’une insuffisance de données d’identification pour certains documents privilégiés?

Quelle annexe B doit être utilisée?

[215]   Avant de rechercher si l’annexe B de la CIBC est incomplète, il faut examiner une question préalable : sur quelle annexe B les parties doivent-elles se fonder? La CIBC a en effet déposé trois annexes B : elle en a déposé une avec l’affidavit des documents, en août 2014, une autre peu après le dépôt de la présente requête, en mai 2015, et enfin une dernière, que l’intimée a reçue le 13 juillet 2015.

L’intimée désire utiliser la première annexe B parce que c’est la seule pour laquelle une déclaration sous serment a été faite. L’intimée affirme que l’annexe B reçue le 13 juillet 2015 comporte de nombreuses modifications par rapport à la version originale et qu’elle ne peut retracer les documents qui ont été modifiés dans la version révisée. Certaines revendications de privilège ont été précisées ou modifiées et certains documents ont été entièrement retirés. L’intimée met un accent particulier sur le retrait des documents, car ceux-ci avaient été considérés comme pertinents en août 2014, lors de la déclaration sous serment. La seule modification de l’annexe B originale que l’intimée demande est la suivante : elle désire que les documents pour lesquels le privilège d’intérêt commun a été revendiqué et pour lesquels la CIBC a par la suite cerné le privilège sous-jacent continuent d’être protégés par le privilège sous-jacent.

[216]   La CIBC affirme que les numéros d’identification uniques inscrits pour chaque document de l’annexe B n’ont jamais été modifiés et que l’annexe du 13 juillet 2015 est celle qu’il faut utiliser.

[217]   La liste de documents a été signifiée en vertu de l’article 82 des Règles. Selon le paragraphe 82(4), une liste de documents doit être attestée par une déclaration sous serment (Formules 82(4)A et 82(4)B), et, selon l’article 87, « [l]orsque, à un moment quelconque après la signification d’une liste de documents sous le régime de l’article 81 ou de l’article 82, la partie s’aperçoit que la liste était inexacte ou incomplète pour quelque raison que ce soit, cette partie doit signifier immédiatement une liste supplémentaire précisant l’inexactitude ou décrivant le document ».

[218]   Il ne fait pas de doute que l’intimée ne peut suivre ce qu’il est advenu des versions suivantes de l’annexe B. Peut-être la CIBC s’est-elle conformée de façon générale aux Règles et que tout est en ordre, mais tout cela est inutile si l’intimée ne peut suivre les mises à jour. Étant donné l’imposante masse de documents qui entrent en jeu dans la présente procédure, une certaine uniformité s’avère nécessaire sur le plan de la méthode de suivi des documents.

[219]   Mme Karen Hodges, parajuriste principale au ministère de la Justice, affirme dans une déclaration sous serment supplémentaire déposée à l’appui de la présente requête, qu’elle et les avocats de l’intimée n’ont pas entièrement établi en quoi la deuxième version de l’annexe B de la CIBC diffère de la version originale d’août 2014. Cette observation vaut aussi probablement pour la troisième version.

[220]   Étant donné la déclaration qu’avait faite antérieurement l’avocat de la CIBC, selon laquelle le tiers fournisseur qui avait effectué l’examen des documents avait commis des erreurs, il semble fort probable que certains documents aient été retirés de la première version de l’annexe B parce qu’ils n’étaient pas réellement pertinents. L’intimée ne peut cependant pas faire le suivi de ces modifications et n’a aucun moyen d’en être informée; même si les numéros de document sont les mêmes, une poursuite comme la présente requête, à laquelle se rattachent des milliers de documents, doit être gérée avec un certain niveau d’ordre et de continuité pour que les parties soient capables de gérer efficacement le volume des documents papier.

[221]   Il est aussi fort probable que les deux dernières listes soient plus exactes que la première, parce que la CIBC a eu la chance d’examiner minutieusement la liste de l’annexe B. Encore une fois, l’exactitude n’est pas pertinente si les documents ne peuvent faire l’objet d’un suivi.

[222]   La seule annexe B accompagnée d’une déclaration sous serment est la première version. L’article 87 des Règles ne prescrit pas expressément que la liste mise à jour doit être accompagnée d’une déclaration sous serment, mais il me semble qu’elle devrait l’être. Les formules 82(4)A et 82(4)B indiquent clairement que l’un des objectifs de la déclaration sous serment déposée avec la liste de documents est de permettre à l’auteur de la déclaration de confirmer que les documents de l’annexe B sont privilégiés pour certains motifs précis. Le dépôt d’une annexe B révisée doit donc inclure le dépôt d’une déclaration dans laquelle l’auteur de la déclaration atteste le contenu du document révisé.

[223]   J’accueille donc la demande de l’intimée : la première version de l’annexe B sera utilisée, sous réserve de modifications indiquant la nature du privilège sous-jacent pour lequel le privilège d’intérêt commun est revendiqué. J’attends des parties qu’elles collaborent et qu’elles utilisent la première annexe B comme version de base et la mettent à jour de sorte à en faire un document exact et pertinent. Il semblerait logique, aux fins du suivi des modifications à cette annexe, que les ajouts, retraits et modifications apportées à l’original soient indiqués sur les versions révisées ultérieures, comme c’est le cas pour les actes de procédures modifiés, qu’il est possible de comparer avec leur version originale.

L’annexe B de la CIBC est-elle incomplète?

[224]   L’intimée soutient que l’annexe B de la CIBC est incomplète sous deux aspects : la description de certains documents énumérés à l’annexe B est insuffisante et certaines prétentions au privilège visent des documents qui ne semblent pas être privilégiés. J’examinerai chacun de ces deux aspects successivement.

Description insuffisante des documents

[225]   L’article 84 des Règles exige que la liste établie en vertu de l’article 82 énumère les documents ou liasses de documents dans un ordre commode et donne une désignation de chaque document ou liasse « de façon suffisante pour en permettre l’identification ».

[226]   Selon l’intimée, de nombreuses désignations fournies à l’annexe B sont insuffisantes parce qu’elles contiennent une description inefficace ou ne contiennent aucune description. Certains documents sont définis comme un « document Word », une « présentation Powerpoint » ou un « fichier électronique », et leur désignation ne contient aucune indication de l’auteur, du destinataire ou de la date. De plus, pour plus de 5 422 documents énumérés à l’annexe B et décrits comme étant des pièces jointes à des courriels, ni l’objet ni la date ne sont mentionnés.

[227]   Pour tous ces documents, l’intimée désire que soient indiqués le nom de l’auteur ou de l’expéditeur, celui du destinataire et la date de création. Elle affirme que ces renseignements constituent une description suffisante aux termes de l’article 84.

[228]   Selon la CIBC, la seule façon de classer les documents électroniques avec exactitude en fonction des informations qu’ils contenaient, étant donné leur quantité considérable, était d’utiliser les métadonnées intégrées dans ces documents. Les métadonnées décrivent certaines propriétés attribuées automatiquement à un document par un ordinateur. Elles peuvent fournir entre autres la date de création, la date de modification et le nom d’utilisateur de l’ordinateur ayant servi à créer le document.

[229]   Chaque document mentionné à l’annexe B a reçu un identifiant numérique qui lui est propre, et les renseignements d’identification qui figurent à l’annexe ont été tirés des métadonnées disponibles. La CIBC est d’avis que les descriptions répondent aux exigences de l’article 84 et qu’étant donné l’imposant volume de documents, il n’est pas raisonnable d’exiger d’elle qu’elle fournisse un classement autre que celui qui est disponible dans les métadonnées. La CIBC a fait remarquer qu’en réponse aux préoccupations de l’intimée au sujet des pièces jointes à des courriels, elle a fourni les métadonnées pour ces pièces jointes.

[230]   La CIBC a reconnu que l’utilisation des métadonnées n’est pas une solution parfaite. En effet, la date indiquée pourrait être la date de création du document ou la date de la dernière fois où il a été ouvert, et le nom d’utilisateur attribué au document correspond simplement à celui de l’ordinateur ayant servi à créer le document, et pas nécessairement au nom de la principale personne responsable du document. La CIBC soutient toutefois que cette méthode constitue une pratique courante en matière de production de documents électroniques et, en fait, la seule pratique raisonnable. Elle cite également une jurisprudence de notre cour[107] pour faire valoir le principe que l’utilisation de métadonnées comme descripteur est conforme aux exigences de l’article 84.

[231]   Il semble n’y avoir pratiquement aucune jurisprudence répertoriée portant sur la question de l’utilisation des métadonnées comme identificateur. Avant d’examiner cette question, nous devons comprendre l’importance de la description des documents; nous devons pour ce faire nous pencher sur le fondement de l’article 84.

À quoi sert la description?

[232]   La description a pour objectifs généraux de permettre à la partie adverse de savoir si le privilège est revendiqué à juste titre ou de permettre à une cour d’évaluer la revendication du privilège[108]. La question consiste donc à déterminer le niveau de description nécessaire pour atteindre ces objectifs.

[233]   A mon sens, la décision de la Cour d’appel de l’Alberta à l’occasion de l’affaire Canadian Natural Resources Ltd. v ShawCor Ltd.[109] est très convaincante sur ce point. La Cour a décidé [traduction] que « la partie qui prépare une déclaration sous serment doit, sans aller jusqu’à révéler de l’information privilégiée, fournir une description suffisante de chaque document pour lequel elle demande le privilège, afin d’aider les autres parties à évaluer la validité de la revendication. L’objectif des descriptions est de réduire la nécessité pour les parties de multiplier les  longues et coûteuses étapes du processus contentieux, mais nous sommes aussi convaincus que ces descriptions peuvent être fournies de façon à ne pas porter atteinte aux privilèges valides[110] ».

[234]   La Cour d’appel a observé que les Alberta Rules of Court[111], qui ressemblent aux Règles de la présente cour, [traduction] « considèrent qu’il n’est pas trop coûteux pour une partie de décrire brièvement chaque document, ou liasse de documents, que celle-ci a l’intention de produire. À notre ère technologique, il ne peut exister aucun obstacle concret à la préparation par une partie de la brève description nécessaire des documents pertinents pour lesquels elle revendique le privilège. En fait, dans les contentieux d’importance, chaque partie se livre habituellement à cet exercice sur une base routinière uniquement à des fins de gestion interne[112] ».

[235]   La Cour d’appel de l’Alberta ajoute [traduction] qu’« une approche contraire signifie qu’une partie ne fournirait aucun renseignement utile au sujet des documents pour lesquels elle revendique le privilège. Il est difficile de comprendre comment un système pourrait fonctionner efficacement si une partie adverse n’avait aucune idée des documents qui sont visés par la revendication générale du privilège[113] ».

[236]   La Cour d’appel a relevé que d’autres juridictions, nommément celles de la Saskatchewan et de l’Ontario et les cours fédérales, ont retenu des solutions qui favorisent une plus large communication de l’information visant à appuyer les revendications du privilège, de sorte que ces revendications puissent être contestées sans saisine immédiate du juge[114]. Elle a conclu en déclarant [traduction] qu’« une partie doit, pour chaque document, indiquer le privilège qu’elle invoque et décrire chaque document de façon à préciser comment il s’intègre au privilège revendiqué, encore une fois sans révéler d’information privilégiée[115] ».

Les métadonnées constituent-elles un descripteur suffisant?

[237]   La question qui se pose dans la présente requête devient donc celle de savoir si les métadonnées constituent un descripteur répondent au fondement de l’article 84 des Règles : fournissent-elles suffisamment d’informations à l’intimée pour lui permettre d’attaquer toute revendication du privilège?

[238]   A l’occasion de l’affaire Cameco Corporation c La Reine[116], le juge en chef Rip, tel était alors son titre, a examiné une question très semblable. Les descriptions de document dans cette affaire étaient fondées sur les métadonnées et chaque document comportait donc un numéro d’identification qui lui était propre. Or, l’identificateur tiré des métadonnées entrait parfois en conflit avec le nom de l’auteur et la date du document, probablement parce que, comme expliqué précédemment, les métadonnées ne correspondent pas toujours directement à la date ou au nom de l’auteur du document. L’intimé avait dit dans cette affaire que les descriptions n’étaient pas utiles et avait ensuite mentionné à l’audience qu’il serait en fait plus utile de n’utiliser que le numéro d’identification du document comme descripteur. Le juge en chef Rip avait approuvé cette suggestion, à condition que le contribuable fournisse une description suffisante des documents, utilisant un identificateur numérique pour chaque document. L’utilisation de l’identificateur fondé sur les métadonnées a donc été autorisée et, selon la CIBC, cette décision nous enseigne que dans la présente affaire, les métadonnées constituent un descripteur suffisant pour la conformité à l’article 84[117].

[239]   Je suis toutefois d’avis que les faits de l’affaire Cameco Corporation sont différents de ceux de la présente affaire. D’abord, l’intimée dans l’affaire Cameco Corporation a expressément donné son consentement à l’utilisation exclusive de l’identifiant fondé sur les métadonnées; un tel consentement n’a pas été donné en l’occurrence. Ensuite, le juge en chef Rip a signalé une affaire ontarienne[118] où il fut conclu que dans les cas où il était question de grands volumes de documents, la mise en place d’un système plus pratique exigeait de faire appel à un identifiant alphanumérique ou numérique pour la description des documents[119]. Cette affaire portait toutefois sur une annexe A et non une annexe B. La description est beaucoup plus importante pour l’annexe B, parce que la partie adverse ne peut voir le contenu détaillé du document et ne peut se fonder que sur la description pour apprécier les revendications du privilège.

[240]   Je remarque aussi que dans le traité de Sedona Canada sur les principes de l’administration de la preuve électronique, intitulé Sedona Canada Principles Addressing Electronic Discovery[120], il est dit [traduction] qu’« il existe un réel danger que certaines métadonnées enregistrées par l’ordinateur soient inexactes ». Dans le cas des fichiers électroniques mobiles, comme les documents de traitement de texte, [traduction] « pour capter les véritables dates, noms de l’auteur et du destinataire, objets, etc. d’un ensemble de documents, les parties ne peuvent se fonder seulement sur de telles métadonnées; cette information doit souvent être tirée du texte du document électronique proprement dit. Les métadonnées de courriels, par contre, sont souvent exactes et extrêmement utiles dans le cas d’un litige. » Le manque de fiabilité des métadonnées décrit dans l’ouvrage Sedona Canada Principles a été souligné dans au moins une décision[121].

[241]   Je suis bien sûr conscient que la proportionnalité constitue un élément d’importance en l’occurrence. Mme Karen Hodges, dans sa déclaration sous serment du 15 mai 2015, a estimé qu’environ 21 000 documents sont mentionnés à l’annexe B et que la liste de l’annexe B fait elle-même 3 121 pages. Toutefois, l’autre point, qui est selon moi plus crucial, est le suivant : l’intimée ne dispose pas de suffisamment d’informations pour apprécier les revendications du privilège. Des descriptions comme [traduction] « document Word » ne fournissent pas de renseignements utiles. De plus, les métadonnées ne sont pas fiables comme identifiants dans le cas de documents autres que des courriels.

[242]   Quelqu’un devra faire le gros du travail pour ce qui est de l’annexe B. La CIBC devra fournir une description des documents suffisante pour remplir les exigences de l’article 84 ou encore l’intimée devra effectuer un examen approfondi de chaque document. Il me semble que la CIBC essaie de se débarrasser des tâches difficiles en les reléguant à l’intimée, tandis qu’elle‑même cherche à obtenir la protection de l’annexe B. D’importantes sommes d’argent sont en jeu dans le présent appel et l’argent dépensé à ce stade ci portera fruit à la fin de la procédure contentieuse; il pourrait s’agir d’un bien meilleur investissement que les sommes déjà investies dans tous les différends qui ont eu lieu dans le contentieux à ce jour.

[243]   J’accueillerai donc la demande de l’intimée et j’ordonne que la CIBC fournisse le nom de l’auteur ou de l’expéditeur, celui du destinataire, la date de création, l’objet ainsi que la description du document, sans révéler l’information privilégiée, pour tous les documents autres que des courriels recensés à l’annexe B.

Revendication du privilège pour des documents qui ne semblent pas être privilégiés

[244]    L’intimée a demandé qu’en vertu de l’article 88 des Règles, la Cour examine un échantillon de 60 documents afin de déterminer la validité de la revendication du privilège pour chaque document. À l’audience sur la requête, l’intimée a déclaré désirer la tenue de cet examen. Cependant, par une lettre adressée à la Cour le 17 juillet, elle a signalé que la CIBC avait mené son propre examen des 60 documents. L’intimée observe que ces documents pouvaient être utilisés pour répondre aux exigences de l’examen, mais qu’elle maintenait sa demande quant à la fourniture d’une description des pièces jointes mentionnées à l’annexe B ou d’une indication que la pièce a été produite à l’annexe A. J’ai vérifié qu’elle demandait toujours l’examen par la Cour canadienne de l’impôt de 60 documents aux fins d’évaluation des revendications de privilège présentées par l’appelante, en vue d’établir si les communications étaient privilégiées.

[245]   La Cour effectuera l’examen comme demandé dans la récente lettre de l’intimée du 23 octobre 2015.

Point en litige no 7 : Refus de la CIBC

[246]   L’intimée sollicite une ordonnance enjoignant à la CIBC de répondre à certaines questions auxquelles elle a refusé de répondre lors de l’interrogatoire préalable. Ces questions peuvent être regroupées en trois catégories :

1)    les questions au sujet d’autres contentieux et transactions relatifs à la CIBC sans rapport avec Enron;

2)    les questions au sujet de la façon dont la CIBC a attribué les paiements de transactions et la motivation fiscale potentielle de cette attribution;

3)    diverses questions individuelles.

Questions au sujet des contentieux et transaction sans rapport avec Enron

[247]   Ce point englobe les questions nos 1369, 1370, 2828, 2829, 2864, 2865, 2868, 5916, 5917, 5918, 5919, 5921, 5922 et 5925.

[248]   Dans l’ensemble, les questions portent sur des contentieux et transactions relatifs à des entités autres qu’Enron; dans ces affaires, une entité de la CIBC ainsi qu’une codéfenderesse ont été poursuivies. L’intimée demandait par certaines questions de manière générale si un tel contentieux existait et parfois des informations un peu plus précises au sujet d’actions et de contentieux précis dont les documents produits ont mentionné qu’ils visaient une entité de la CIBC et une codéfenderesse sans lien de dépendance.

[249]   L’intimée affirme que les questions sont pertinentes, parce qu’elles représentent des [traduction] « comparables internes » potentiels en matière de fixation de prix de transfert et que l’article 247 est en cause dans les appels fiscaux. Elle cherche d’autres cas où des membres du groupe de la CIBC ont été poursuivis ou ont pris des ententes de règlement auxquelles ont été parties le groupe de la CIBC et d’autres codéfendeurs sans lien de dépendance. L’intimée soutient que des renseignements sur de tels contentieux avec d’autres firmes qu’Enron pourraient fournir des éléments de preuve sur la manière dont la CIBC et ses entités apparentées auraient pu se comporter au chapitre de l’attribution des paiements de transactions si elles n’avaient pas eu un lien de dépendance. Selon l’intimée, même les contentieux dont l’objet ne comporte pas de ressemblance avec le contentieux Enron peuvent aider à mieux comprendre l’approche de la CIBC et son traitement des transactions. Elle ajoute qu’il y a peu de chance que les situations comparables soient identiques à tous égards[122] et que le meilleur comparateur dans le cas du contentieux Enron est tout simplement un autre contentieux.

[250]   La CIBC estime que les questions au sujet d’autres contentieux que le contentieux Enron ne sont pas pertinentes. Elle affirme que les questions sont beaucoup trop générales et aboutiraient à des enquêtes fastidieuses et stériles, particulièrement parce que l’intimée n’a pas fourni à la CIBC les caractéristiques qu’elle considère comme pertinentes pour le choix d’un comparateur. Enfin, elle ajoute qu’il faudrait examiner en profondeur chaque contentieux de la CIBC autre que son contentieux avec Enron afin de rechercher s’il pourrait servir de comparateur processus, exercice qui serait incroyablement long et coûteux.

[251]   Je suis conscient du seuil peu élevé qui joue en matière de pertinence pour l’interrogatoire préalable en vertu de l’article 95 des Règles, mais je retiens la thèse de la CIBC : les questions sont si générales et démesurément étendues qu’elles en perdent toute pertinence. Même si était en cours un contentieux avec un codéfendeur sans lien de dépendance et que ce contentieux impliquait certains membres du groupe de la CIBC, ce contentieux pourrait toujours être entièrement différent et être ainsi parfaitement inutile comme comparateur. Se limiter à demander de façon générale des informations au sujet de contentieux autres que le contentieux Enron qui ne mettent en cause que des codéfendeurs sans lien de dépendance, sans demander d’autre information comparable, ne produirait aucun élément utile en l’espèce pour la présente affaire, sans parler de l’énorme effort qu’il faudrait déployer pour répondre aux questions. Même les questions les plus précises n’offrent que très peu de valeur potentielle.

[252]   Je remarque que l’intimée n’a pas posé de questions à la CIBC sur son manuel de procédures ni d’autres questions précises qui auraient pu l’éclairer quant à la question de savoir si la banque dispose d’une stratégie générale pour traiter les prétentions du genre de celles qui sont soulevées dans le contentieux Enron. Elle affirme avoir posé des questions au sujet de poursuites intentées contre des entités de la CIBC où les codéfendeurs n’avaient pas de lien de dépendance et où les moyens étaient de nature très semblable à ceux qui étaient invoqués dans le contentieux Enron. Ainsi, à la question no 2828, lors de l’examen d’une autre transaction donnant lieu à un paiement de la CIBC à la suite de plusieurs recours collectifs fondés sur des allégations d’omission ou d’inexactitude importante, l’intimée a demandé à l’avocat de la CIBC de s’informer si des codéfendeurs étaient parties à la transaction. L’avocat de la banque a refusé de répondre à la question. Il est vrai que c’est une question plus précise, mais la seule ressemblance est l’existence d’un paiement de transaction découlant d’un recours collectif où certaines allégations potentiellement semblables à celles du contentieux Enron ont été formulées. Il est toujours difficile de voir en quoi ce contentieux aurait pu être utile à titre de comparable, même s’il y avait des codéfendeurs sans lien de dépendance. Il ne fait aucun doute que les situations comparables sont rarement identiques à tous égards, mais si l’on pose des questions générales au sujet d’autres contentieux en ne fournissant que quelques caractéristiques pour circonscrire la comparaison, ces questions ne présenteront en fin de compte aucune pertinence par rapport aux appels fiscaux, malgré le seuil peu élevé en matière de pertinence.

[253]    Je conclus donc que la CIBC a eu raison de refuser de répondre aux questions nos 1369, 1370, 2828, 2829, 2864, 2865, 2868, 5916, 5917, 5918, 5919, 5921, 5922 et 5925.

Questions au sujet de l’attribution par la CIBC des paiements de transaction et de toute motivation potentielle de nature fiscale

[254]   Le présent point englobe les questions nos 1734, 1735, 1771, 1772, 2225, 2296, 2297, 2298, 2299, 2356, 2378, 2388, 2390, 2391, 2393, 2394, 2395, 2441, 2442, 2443, 2446, 2449, 2480, 2481, 2491, 2497, 2498, 2499, 2500, 2513, 2514, 2611, 2627, 2632 et 2633.

[255]   Ces questions portent essentiellement sur deux éléments du traitement comptable des paiements de transaction :

1)    la façon dont la CIBC a pris la décision de s’attribuer exclusivement les paiements de règlement;

2)    l’existence d’une motivation fiscale dans cette décision en matière d’attribution.

[256]   Au chapitre de l’attribution, il est important de se rappeler la thèse principale de l’intimée selon laquelle les paiements de règlement auraient dû être attribués à d’autres entités, parce que ce sont elles, et non la CIBC, qui ont participé aux opérations avec Enron. L’intimée avait donc des questions au sujet du fonctionnement et des interrelations de ces entités et unités déclarantes de la CIBC et de la façon dont les réserves que la CIBC a établies pour le paiement du règlement Enron ont pu changer, surtout au cours des dix mois précédant les ententes de règlement.

[257]   Quant à la motivation fiscale, l’intimée a signalé plusieurs déclarations et documents de l’interrogatoire préalable qui, selon elle, soulevaient la question de savoir si une motivation de nature fiscale avait joué un rôle dans le traitement comptable des paiements de règlement. Elle a plus particulièrement souligné l’affirmation du représentant de la CIBC : les possibilités de déductibilité fiscale ne forment pas les principes de base de la comptabilité. L’intimée soutient que cette affirmation reflète la thèse de la CIBC, selon laquelle la comptabilité n’est pas régie par les conséquences fiscales. Elle a ensuite relevé certaines réponses ou certains documents produits qui soulevaient selon elle des questions au sujet du rôle des motivations fiscales dans le traitement comptable des paiements de règlement, faisant valoir que ces questions étaient acceptables, compte tenu de la thèse de la banque au sujet de l’absence du rôle des conséquences fiscales dans l’exercice de la comptabilité.

[258]   L’intimée a aussi fait une observation générale au sujet de la proportionnalité, étant donné que certaines questions ont pour objet d’obtenir une importante quantité d’information. Elle a soutenu que la complexité de l’affaire et la somme d’argent en jeu militent contre la restriction des droits relatifs à l’interrogatoire préalable[123].

[259]   La CIBC a rejeté toutes ces questions et affirme qu’elle était dans son droit. Elle déclare que les questions au sujet de l’imputation et du traitement comptable ne sont pas pertinentes; tout ce qui compte, c’est qu’elle a déduit les paiements de règlement de ses propres revenus. Les appels doivent donc avoir pour objet de trancher si la déduction était justifiée, et non d’examiner les diverses décisions comptables qu’elle a prises.

[260]   La CIBC conteste aussi les questions qui portent sur la motivation fiscale. Elle est d’avis que l’intimée, dans ses actes de procédure, n’invoque pas la pertinence de la motivation fiscale par rapport à quelque point que ce soit en cause dans la présente affaire. Elle ajoute que les alinéas 247(2)b) et d) de la Loi ne sont pas invoqués par l’intimée et que puisqu’il s’agit des seuls articles sur le prix de transfert qui font mention de la motivation fiscale, alors la motivation fiscale n’est pas pertinente en l’espèce. Puisqu’aucun motif fiscal n’a été invoqué, aucun n’est en cause et l’intimée ne peut donc poursuivre sa série de questions sur le sujet.

[261]   L’intimée répond que les oppositions de la CIBC équivalent à remettre en cause la thèse de l’intimée quant à la manière dont les paiements de règlement ont été et devraient être attribués. Selon elle, l’interrogatoire préalable et les requêtes pour refus ne conviennent pas pour la remise en cause et elle doit avoir la chance de jeter les bases des fondements probatoires de sa thèse. Elle fait valoir une jurisprudence de notre cour[124] consacrant le principe suivant : il est important de connaître les éléments qui sous-tendent le traitement comptable d’une dépense. Ce principe fournit la justification d’un examen des faits et considérations qui sont entrés en jeu dans le traitement comptable des paiements de transaction.

[262]   Au sujet de la motivation fiscale, l’intimée affirme qu’il n’est pas nécessaire de plaider expressément la motivation fiscale, parce qu’elle a soutenu que les paiements de transaction contrevenaient à l’alinéa 18(1)a) et à l’article 9 de la Loi. Chacun de ces deux textes pourrait donner lieu à un examen de la motivation fiscale, surtout s’il a été précisé dans les actes de procédure que l’attribution n’était pas conforme aux principes comptables généralement reconnus (PCGR). Selon l’intimée, la motivation fiscale n’a pas à être retenue comme un élément qui doit être plaidé expressément, car il ne représente que l’une des nombreuses raisons pour lesquelles la déduction de la CIBC pourrait contrevenir à l’alinéa 18(1)a) ou à l’article 9.

[263]   L’intimée fait aussi référence à la décision McKesson Canada Corporation c La Reine[125], par laquelle il a été conclu que la motivation fiscale peut faire partie du contexte factuel devant être examiné pour l’application des alinéas 247(2)a) et c) de la Loi, ces deux dispositions étant toujours en cause dans les appels fiscaux[126].

[264]   Je suis d’avis que les questions sur l’attribution sont de façon générale pertinentes pour les raisons avancées par l’intimée. Celle-ci a montré que les questions sur les différentes entités, les unités déclarantes, les réserves et autres questions en matière d’attribution respectent les critères de la pertinence, surtout quant à la thèse principale portant que les paiements de règlement auraient dû être attribués à d’autres entités. Je souscris également à la jurisprudence IKEA Ltd. v Canada [127], par laquelle la Cour a tranché que les traitements comptables étaient pertinents.

[265]   Les questions sur la motivation fiscale sont aussi de façon générale pertinentes, compte tenu des documents produits qui en font mention comme constituant un enjeu potentiel et étant donné que le déposant de la CIBC a déclaré que la motivation fiscale ne constituait pas le principe de base de la comptabilité. Il s’agit cependant de savoir si les questions sont acceptables. La CIBC a soutenu que la raison pour laquelle l’attribution avait subi de nombreuses modifications était que les choses étaient très changeantes : quelques semaines seulement se sont écoulées entre la négociation et la transaction. Cet argument se comprend, mais cela ne veut pas dire que l’intimée ne peut poser de questions pertinentes par rapport à sa thèse de l’affaire.

[266]   Quant à la question de savoir s’il faut avancer la thèse précise de motivation fiscale, je n’irais pas jusqu’à soutenir qu’il y a toujours une motivation, consciente ou inconsciente, pour une ligne de conduite, et il serait naïf de donner à penser autrement. Je soulignerais que bon nombre des questions sur la motivation fiscale sont fondées sur des documents que l’intimée a reçus au cours de l’interrogatoire préalable. Il semble illogique d’empêcher l’intimée de poser des questions sur un point parce qu’elle n’a pas expressément mentionné ce point dans les actes de procédures, n’ayant en fait pris connaissance de ce point qu’après la production des documents. L’intimée a le droit de faire un suivi des points soulevés au cours de l’interrogatoire préalable. Il serait indûment restrictif d’obliger les parties à se limiter strictement aux faits exposés dans les actes de procédure, tandis que l’interrogatoire préalable livre de l’information additionnelle ou de nouvelles avenues d’enquête qui sont pertinentes et qu’il vaut la peine d’étudier. Il y avait un motif sous-jacent à la façon dont la déduction a été présentée : lequel? Il est difficile d’imaginer pourquoi ou en quoi le raisonnement derrière le plan d’action de la CIBC ne serait pas pertinent.

[267]   Le fait que les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi sont toujours présents dans les appels constitue un élément particulièrement convaincant selon mon opinion. Il a été souligné dans la décision McKesson Canada Corporation que la motivation fiscale peut faire partie du contexte factuel qui doit être examiné pour l’application de ces alinéas. Étant donné le seuil peu élevé de pertinence à l’interrogatoire préalable, je conclus que les questions à ce sujet sont de façon générale acceptables et qu’elles ne doivent pas être considérées dans l’ensemble comme non pertinentes. Certaines d’entre elles seront peut-être qualifiées de non pertinentes après un examen plus serré, mais il est inexact de dire qu’elles ne sont pas pertinentes parce qu’elles portent sur le traitement comptable et la motivation fiscale.

[268]   Un dernier mot sur ces questions : elles sont souvent axées sur le processus. Ainsi, dans l’une d’entre elles, l’intimée demande des ébauches, des documents de travail et autres documents dont les membres du personnel de la CIBC disposaient lorsqu’ils ont formulé leurs recommandations au sujet des attributions. La CIBC soutient que le processus n’est pas pertinent, parce que la seule chose qui compte, c’est la question de savoir si le traitement comptable était justifié ou non. L’intimée affirme que le processus peut indiquer si des pressions ont été exercées ou s’il existait une motivation relativement au choix du traitement et que ce processus est donc pertinent.

[269]   De manière générale, j’abonde dans le sens de l’intimée. Il est vrai que c’est le résultat final qui constitue le véritable enjeu, mais les considérations et le processus qui ont abouti à ce résultat sont en grande partie pertinents par rapport aux appels. L’intimée a prouvé dans la requête que le processus englobait des changements dans la thèse de la CIBC au sujet de la façon dont l’attribution devait être effectuée, et elle a le droit d’étudier les causes de ces changements, surtout étant donné la haute pertinence des questions au sujet de l’attribution. L’étude de ces changements pourrait produire des informations pertinentes à l’égard de la thèse de l’intimée, qui soutient que les paiements de règlement auraient dû être attribués autrement. J’aurais normalement admis que tout ce qui compte, c’est d’établir le bien-fondé de la décision de la CIBC en matière de déductibilité; cependant, dans la présente affaire, l’intimée a prouvé que le processus menant à cette décision est éventuellement rattaché  aux informations pertinentes par rapport à sa thèse.

[270]   Je dois encore une fois insister sur les objectifs de l’interrogatoire préalable. Le processus de l’interrogatoire préalable est l’étape la plus importante du contentieux, car il donne aux parties la possibilité de se préparer pour le procès. Il permet aux deux parties de définir tous les points pertinents et de les circonscrire. Les parties peuvent préparer leurs moyens respectifs et préparer des réponses complètes aux moyens de leur adversaire. Si les parties tiennent des discussions franches et approfondies lors de l’interrogatoire préalable, elles obtiendront un tableau complet. Le bon déroulement de l’interrogatoire préalable favorise le règlement, car les parties peuvent alors évaluer pleinement le risque lié à la poursuite du contentieux au‑delà de l’étape de l’interrogatoire préalable. Enfin, l’interrogatoire préalable favorise la tenue de procès équitables et efficaces.

[271]   L’interrogatoire préalable ne porte pas ses fruits lorsque les parties multiplient les réponses évasives. Le but n’est plus l’interrogatoire préalable, mais la façon de l’éviter. Quand cela se produit, ni les objectifs de l’interrogatoire préalable, ni l’administration de la justice ne sont servis. Tous les efforts possibles doivent donc être faits pour favoriser un interrogatoire préalable entier et efficace, et les juridictions doivent être guidées dans cette entreprise par les principes de l’interrogatoire préalable exposés au début de la présente décision, particulièrement le seuil peu élevé de la pertinence défini par la jurisprudence, Baxter et Burlington.

[272]   Je me pencherai maintenant sur chacune des questions se rattachant à l’attribution et à la motivation fiscale.

Questions nos 1771 et 1772

[273]   Les questions nos 1771 et 1772 portent sur les légères différences entre le libellé d’une note de bas de page dans les états financiers de 2004 d’une filiale de la CIBC et celui d’une note de bas de page semblable dans les états financiers de 2004 d’une autre entité de la CIBC. Selon l’une des notes, la filiale paiera la part de la CIBC de tout paiement de transaction du contentieux Enron si la banque le demande, tandis qu’il est précisé dans l’autre note que l’entité apparentée paiera à la CIBC la portion des paiements de transaction du contentieux Enron qui lui aura été attribuée et qui n’est pas couverte par l’assurance. L’intimée désire savoir pourquoi les deux libellés diffèrent et si ces divergences ont une incidence, mais la CIBC a refusé de répondre à la question en invoquant la non-pertinence.

[274]   L’intimée demande dans la question no 1771 l’identité de toutes les personnes auteurs des notes de bas de page dans les états financiers consolidés et non consolidés des diverses entités de la CIBC. Elle demande par la question no 1772 les documents de travail qui ont abouti à la rédaction des notes de bas de page. La CIBC rejette ces questions en invoquant la non-pertinence et le principe de la proportionnalité.

[275]   Étant donné le seuil peu élevé de pertinence et les objectifs de l’interrogatoire préalable, je conclus que les questions sont pertinentes et acceptables et qu’elles appellent une réponse. La CIBC soutient que [traduction] « les états financiers sont les états financiers » et que l’identité des auteurs des notes de bas de page et les documents de travail à l’appui des états financiers ne constituent pas des informations pertinentes. Les questions de l’intimée portent toutefois sur ce qu’elle prétend être des différences subtiles entre certains des états financiers, plus particulièrement dans les notes de bas de page. L’identité des auteurs et les documents de travail pourraient donc être des éléments pertinents quant à la question de l’attribution, car ils pourraient montrer le processus par lequel la CIBC est arrivée à la version définitive de ses états financiers.

[276]   Comme c’est le cas pour tout enjeu en matière de proportionnalité, le principe est sans nul doute valable et important, et il faudrait faire tous les efforts possibles pour garder les coûts à un niveau raisonnable. La proportionnalité n’est cependant pas une chose à utiliser comme bouclier. Vu présents appels, surtout les questions en litige et la somme en jeu, la proportionnalité ne constitue pas le fil conducteur de la jurisprudence portant sur l’interrogatoire préalable pour ces appels. C’est plutôt la pertinence qui est le facteur clé. Comme je l’ai déjà signalé, l’intimée a montré que le processus par lequel la CIBC est arrivée à sa décision pourrait fournir des informations pertinentes quant à sa thèse et pour son attaque de la thèse de la CIBC. Tel est également le cas pour les informations comme les documents de travail qui peuvent normalement sembler accessoires. Or, dans la présente affaire, ils pourraient fournir un aperçu du processus décisionnel et la justification de la déduction des paiements de règlement. La proportionnalité ne doit donc pas compromettre les objectifs de l’interrogatoire préalable, particulièrement dans des appels d’une telle importance.

[277]   Les questions appellent donc une réponse.

Question no 2225

[278]   L’intimée déclare qu’au cours de l’année d’imposition 2005 de la CIBC, la banque a pris la décision de modifier la méthode d’attribution qui avait cours lors de l’exercice précédent. Lors d’une conférence téléphonique tenue le 3 août 2005, à laquelle participaient la CIBC et des analystes du domaine, M. Tom Woods, premier vice-président à la direction et chef des services financiers de la CIBC, a déclaré que la banque avait déterminé le meilleur scénario comptable pour l’attribution conjointement avec ses vérificateurs externes, et ce scénario favorisait nettement les entités américaines de la CIBC. Ce n’est pas le scénario qui a, en fin de compte, été utilisé : la CIBC s’est elle-même attribué l’entièreté des paiements. L’intimée demande par la question no 2225 les notes ou dossiers de la consultation avec le vérificateur de la CIBC, la firme Ernst & Young (« EY »). La CIBC a répondu que toutes les notes ou les dossiers qu’elle a identifiés sont protégés par le privilège.

[279]   L’intimée soutient que les motifs pour lesquels une consultation avec des vérificateurs externes serait privilégiée ne sont pas évidents. La CIBC revendique peut-être le privilège en se fondant sur des conseils juridiques reçus au sujet du contentieux Enron sous-jacent, et non au sujet de l’attribution.

[280]   L’intimée ajoute que la question de l’attribution est au cœur des appels fiscaux et qu’à l’époque de la conférence téléphonique, la CIBC avait pris une décision au chapitre de l’attribution avec ses vérificateurs externes. Elle estime avoir le droit de connaître le contenu des consultations avec les vérificateurs externes. Elle relève qu’aucun avocat ne semble participer à la fourniture de conseils juridiques à la CIBC relativement à cette question. Même si était le cas, elle précise que simplement parce qu’un avocat explique la façon dont une affaire a été réglée ne veut pas dire que la banque peut revendiquer le privilège à l’égard de toute la documentation connexe, y compris la transcription des consultations sur le traitement comptable. Le contenu des consultations ne fait pas l’objet d’un privilège.

[281]   La question est plus difficile à examiner, parce que la CIBC n’a pas présenté d’observations sur les motifs pour lesquels elle a revendiqué le privilège. La seule déclaration au dossier est la réponse écrite de la banque à l’intimée, par laquelle elle se limite à affirmer que les notes et les dossiers sont privilégiés. La banque a le fardeau de justifier le privilège. Si je me fonde sur le dont je suis saisi, je ne vois aucune raison pour laquelle ces notes et dossiers devraient être privilégiés. Ces documents doivent donc être produits.

Question no 2296

[282]   L’intimée fait référence à un courriel du 4 août 2005 de Mme Francesca Shaw, directrice des services comptables de la CIBC, par lequel Mme Shaw déclare que la banque prévoit comptabiliser la dette et la dépense de la transaction conclue avec Enron dans les dépenses de la banque mère, mais que la chose n’a pas encore été conclue. L’intimée désire savoir sur quelle base cette comptabilisation était prévue et quels étaient les faits sur lesquels la décision était fondée. Si aucune décision n’avait encore été prise, elle désire recevoir une réponse fondée sur le moment où la décision a été prise.

[283]   La CIBC refuse de répondre pour non‑pertinence et elle affirme que tout ce qui compte est la façon dont elle a comptabilisé l’attribution. Selon elle, la décision de Mme Shaw en matière de comptabilisation n’est pas pertinente quant aux questions de l’appel.

[284]   Il est vrai, en quelque sorte, que tout ce qui compte, c’est la décision définitive de la banque au chapitre de la déductibilité et les motifs de cette décision, mais l’intimée manifeste un intérêt évident pour le processus qui a abouti à cette décision; j’ai déjà fait observer que le processus est pertinent dans certains cas de figure. Mme Shaw a certainement joué un rôle important dans la prise de cette décision et il est aussi clair, compte tenu des divers éléments de correspondance, que cette décision ne venait pas seulement d’elle. Les faits sur lesquels était fondée cette décision, même si elle était provisoire, sont pertinents. Vu mes observations qui précèdent au sujet de la pertinence et des objectifs de l’interrogatoire préalable, je conclus que la CIBC doit répondre à la question.

Questions nos 2297, 2298 et 2299

[285]   L’intimée y fait référence à la transcription d’une conférence téléphonique du 3 août 2005 avec des analystes dont il ressort que M. Woods affirme qu’à cette date, les paiements de transactions devaient être en grande partie attribués aux États-Unis, donc pas à la CIBC. L’intimée demande ce qui a abouti au changement de la méthode de comptabilisation prévue, qui est passée du scénario évoqué dans la téléconférence à celui qui a été exposé dans le courriel du 4 août de Mme Shaw, où il est signalé que la CIBC prévoyait attribuer la déduction à la CIBC.

[286]   La CIBC affirme que l’intimée a formulé sa thèse en choisissant à la carte des éléments puisés dans la conférence téléphonique. En effet, M. Woods a signalé au cours de la téléconférence que la question de l’attribution était toujours à l’étude et que d’autres portions de la dette relative à la transaction Enron pourraient être déduites au Canada. Il est donc évident qu’une décision définitive n’avait pas encore été prise.

[287]   Les questions portent sur des positions provisoires, adoptées à un moment où les choses étaient nettement en évolution. A mon avis, c’est à bon droit que la CIBC affirme que l’intimée a peut-être choisi ses arguments à la carte lorsqu’elle tentait en cherchant à soutenir qu’il y a eu un changement dans la position de la banque. Il ne fait pas de doute que les choses étaient dans une grande mouvance à ce stade. Cela ne veut cependant pas dire que la CIBC peut tout simplement refuser de répondre à la question. Si celle-ci désire formuler un argument au sujet de la prémisse ou du contexte de la question, elle peut le faire dans sa réponse. Elle n’a aucune raison de refuser de répondre. La question est pertinente et acceptable et appelle donc une réponse.

Question no 2356

[288]   La question no 2356 fait référence à un courriel dont il ressort qu’une décision a été prise le 6 août 2005 pour transformer une réserve des filiales de la CIBC pour la transaction Enron en une inscription pour la banque mère. L’intimée demande à la CIBC de l’informer si à cette date une décision avait été prise quant à la méthode de comptabilisation qui allait être utilisée. L’avocat de la CIBC a refusé de répondre en invoquant la non‑pertinence, précisant que la méthode de comptabilisation des paiements de règlement ainsi que le trimestre de l’inscription étaient bien connus. La banque déclare que le fait qu’une décision définitive avait déjà été prise, ou non, n’a qu’une incidence minime.

[289]   Par les mêmes motifs que ceux que j’ai invoqués précédemment au sujet de la pertinence, de l’interrogatoire préalable et du processus, je conclus que la question no 2356 est acceptable et appelle une réponse.

Question no 2378

[290]   L’intimée demande si une révision ou une modification à une méthode de comptabilisation a été mentionnée dans un courriel précis. La CIBC a refusé de répondre à la question pour non‑pertinence, affirmant que l’intimée sait déjà comment la comptabilisation a été effectuée au troisième trimestre de 2005.

[291]   Encore une fois, la question est acceptable et pertinente quant à l’enjeu de l’attribution. La CIBC doit y répondre.

Question n2388

[292]   L’intimée cherche à savoir par cette question qui aurait été habilité à dire à un employé de la CIBC qu’il pouvait autoriser la comptabilisation des inscriptions mentionnées dans une chaîne de courriels donnée. La banque a refusé de répondre à la question pour non‑pertinence, déclarant que les menus détails dont les membres du personnel à la CIBC ont discuté dans le contexte ordinaire des inscriptions comptables n’ont aucune conséquence. Par les mêmes motifs que ceux que j’ai énoncés précédemment, je conclus que cette question est acceptable et qu’elle appelle une réponse. La participation de certains employés au processus d’attribution des paiements de règlement et les discussions qu’ils ont tenues sont pertinentes par rapport aux appels fiscaux.

Questions nos 2390 et 2391

[293]   Avec les questions nos 2390 et 2391, fondées sur la même chaîne de courriels que la question no 2388, on recherche s’il existe parmi les documents produits un document dont il ressort qu’une décision a été prise et communiquée, et le cas échéant d’obtenir ce document. La CIBC a aussi refusé de répondre à cette question, invoquant la non‑pertinence.

[294]   Par ces deux questions, l’intimée s’intéresse à la chronologie de certaines décisions se rattachant aux paiements de transaction; elle a affirmé que cette chronologie présente une certaine pertinence par rapport à sa thèse de l’affaire. La CIBC souligne le fait qu’il y a déjà des informations sur le moment où la décision a été prise de façon générale et sur sa justification, mais l’intimée s’attarde sur la façon dont certains processus décisionnels se sont déroulés. Les questions sont donc pertinentes par rapport aux arguments de l’intimée et elles appellent une réponse.

Questions portant sur une note de service de la directrice des services comptables de la CIBC

[295]   Au cours de la période pendant laquelle la CIBC déterminait le traitement comptable des paiements de transaction, la directrice des services comptables de la CIBC, Mme Shaw, a rédigé une note de service contenant des recommandations provisoires sur la comptabilisation de gestion pour le règlement Enron. Elle recommandait par cette note du 7 août 2005 une certaine méthode d’attribution et faisait état de la justification de l’attribution. La méthode d’attribution proposée dans ces recommandations différait des autres méthodes envisagées par la banque la semaine précédente. Il est évident qu’à cette date, aucune décision définitive n’avait encore été prise au sujet de l’attribution. Il est aussi certain que la note porte sur la comptabilité de gestion et non sur la comptabilité d’entités juridiques; l’intimée précise qu’elle est toutefois pertinente par rapport à la chronologie qui a abouti à la décision finale de la CIBC quant à l’attribution.

[296]   L’intimée a posé diverses questions au sujet de la note de service, qui ont toutes été rejetées.

Question no 2441

[297]   L’intimée cherche à savoir en posant la question no 2441 qui a fourni une rétroaction sur la note de service. La CIBC a refusé de répondre à cette question au motif de non‑pertinence. Il est en effet difficile de voir la pertinence de cette question. L’intimée essaie de montrer qu’il y a eu des changements dans le traitement comptable qui devraient être étudiés, malgré les déclarations de la CIBC, qui affirme que les choses étaient en nette évolution à l’époque. L’intimée désire peut-être savoir qui a fourni une rétroaction pour présenter un témoignage au procès.

[298]   Il n’est toutefois pas pertinent de demander le nom des personnes qui ont fourni une rétroaction sur la note de service. Mme Shaw est de toute évidence l’auteure nommée et c’est ce qui compte. De plus, le contenu de la note est accessible à l’intimée et il peut être vérifié lors du procès. L’identité des personnes qui ont fourni une rétroaction n’est d’aucune utilité pour les appels fiscaux, parce qu’elle fait partie des menus détails du processus d’élaboration d’un document. Ce qui compte, c’est que le document a été, en fin de compte, produit par un auteur donné et selon une thèse précise. Le refus de répondre à la question était fondé.

Questions nos 2442 et 2443

[299]   L’intimée désire savoir quelles autres personnes ont contribué à la rédaction de la note de service. Par les mêmes motifs qu’à la question no 2441, je conclus que le refus de répondre à la question était fondé.

Question no 2446

[300]   L’intimée cherche à savoir par cette question si la directrice des services comptables a déjà eu à rédiger une note semblable pour une autre inscription comptable. La question a été rejetée pour non‑pertinence. L’intimée pose peut-être cette question pour savoir si l’envoi de ces notes de services constituait une pratique courante. Encore une fois, étant donné le seuil peu élevé de la pertinence, j’autorise cette question, puisqu’elle porte sur le processus.

[301]   Je ferais cependant remarquer qu’une question de suivi potentielle pourrait avoir pour objet d’obtenir certaines des notes de service. Il me serait difficile de comprendre la pertinence de ce genre de question, parce que la comparaison d’une note avec une autre, sans parler de la difficulté de repérer une note semblable qui serait acceptable, semble comporter peu de pertinence par rapport aux points en litige. La question porte sur le processus, et la pratique courante peut être pertinente. Cependant, l’examen de deux différentes notes de service ne se rapporte pas au processus. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les notes de service peuvent différer sur certains plans, et c’est seulement la note dont il est question ici et la façon dont elle a pu s’intégrer au déroulement du processus qui présentent une pertinence particulière.

Question no 2449

[302]   L’intimée demande si des notes comme celle dont il est question ici ont été rédigées pour d’autres litiges, et la question a été rejetée pour non‑pertinence. Cette question est différente de la question no 2446, parce que l’intimée y demande si des notes semblables ont été rédigées à la suite d’autres contentieux, et non seulement pour d’autres inscriptions comptables. La pertinence d’autres contentieux a déjà été examinée précédemment : elle est faible. Même si l’objet est de tenter d’établir s’il existait une pratique courante, la question n’est pas acceptable. Il est peu pertinent d’essayer de rattacher la question à d’autres contentieux, malgré le seuil peu élevé de la pertinence. La banque avait donc raison de refuser de répondre à la question.

Questions nos 2480 et 2481

[303]   Les questions nos 2480 et 2481 portaient sur les hypothèses qui formaient un volet précis de la note de service. M. Woods, le déposant, a répondu qu’il pensait que Mme Shaw avait vérifié ces hypothèses. L’intimée a demandé avec qui Mme Shaw avait fait ces vérifications. La CIBC a rejeté la question pour non‑pertinence et a affirmé que Mme Shaw n’était plus au service de la CIBC.

[304]   Je souscris à l’affirmation de l’intimée : étant donné la déclaration de M. Woods, elle a le droit de demander avec qui Mme Shaw aurait vérifié ses hypothèses afin d’appuyer la déclaration de M. Woods. La CIBC soutient que les conversations entre deux personnes présentent une faible pertinence quant aux questions faisant l’objet de l’appel. Encore une fois, cependant, l’intimée défend la thèse portant que les choses ont changé au fil du temps et elle désire connaître le motif de ces changements. La note de service est un document très précis; il ne s’agit pas là des fonctions générales de Mme Shaw. Les deux questions appellent une réponse.

Question no 2491

[305]   La question no 2491 visait à obtenir des informations d’une personne actuellement au service de la CIBC, à savoir si Mme Shaw avait examiné l’une ou l’autre des opérations avec Enron avant de rédiger sa note de service. La CIBC a refusé de répondre à la question pour non‑pertinence. L’intimée affirme que la question était raisonnable, compte tenu du poste de directrice des services comptables de Mme Shaw.

[306]   Cette question porte en partie sur le processus, mais ce que Mme Shaw a examiné ou n’a pas examiné pourrait mener à une chasse interminable. L’intimée a cependant formulé la question de façon circonscrite afin que l’information soit demandée à un membre du personnel toujours au service de la banque. Encore une fois, le contexte général de la situation est l’attribution et la possibilité d’une motivation fiscale. Ces éléments sont hautement pertinents et une certaine latitude à l’égard de ces questions est accordée. La banque doit donc répondre à la question.

Questions au sujet de la décision d’attribuer à la CIBC les paiements de la transaction Enron

[307]   Un courriel du 8 août 2005 indique que l’inscription comptable des paiements du règlement Enron avait été préparée et que les paiements allaient être comptabilisés dans les états financiers de la CIBC. Encore une fois, cette décision d’attribuer le plein montant du paiement du règlement Enron à la CIBC différait des stratégies antérieures de la CIBC, y compris des recommandations provisoires de Mme Shaw en matière de comptabilité de gestion. Il faut encore relever que la période était évolutive, mais le courriel semble indiquer le moment où il a été décidé d’attribuer la transaction Enron à la CIBC. Il constitue donc un point marquant dans la chronologie du présent appel. L’intimée a posé plusieurs questions au sujet de cette décision.

Questions nos 2393 et 2394

[308]   L’intimée a demandé quand et de quelle manière la décision de comptabiliser la transaction Enron dans les états financiers de la CIBC a été prise, qui a pris la décision et comment et à qui la décision a été communiquée. Les questions ont été rejetées au motif de non‑pertinence.

[309]   La CIBC affirme que l’intimée sait quand et comment les inscriptions ont été effectuées et c’est tout ce qui compte. Il ne fait toutefois nul doute que l’intimée désire poursuivre l’examen du processus qui a donné lieu aux décisions, afin de pouvoir poser des questions sur les motifs de certaines décisions. Le courriel constitue une étape cruciale du processus. Il est donc pertinent de demander quand la décision finale a été prise, qui l’a prise, comment elle a été communiquée et à qui. Étant donné l’importance de cette étape du processus et la pertinence des questions sur l’attribution, j’estime que les questions sont pertinentes et qu’elles appellent une réponse.

Question no 2395

[310]   La question no 2395 porte sur le format dans lequel la décision a été communiquée. Cette question est redondante, étant donné la nature des questions nos 2393 et 2394, mais dans la mesure où elle ne l’est pas, elle appelle une réponse.

Question n2513

[311]   Dans la question n2513, l’intimée fait référence à un courriel selon lequel un employé-cadre de la CIBC a examiné l’inscription avec Mme Shaw. Elle demande ensuite si cet employé a rencontré Mme Shaw. La CIBC a eu raison de ne pas répondre à la question. L’intimée peut voir dans les documents produits que l’employé a examiné l’inscription avec Mme Shaw. Que les deux personnes aient tenu une réunion, ou non, n’est pas un renseignement pertinent.

Question no 2514

[312]   L’intimée cherche à savoir par cette question quelles autres personnes ont assisté à des réunions qui auraient eu lieu avec l’employé-cadre et Mme Shaw, et elle désire obtenir la production de notes ou d’autres dossiers découlant de ces réunions. Encore une fois, on s’intéresse ici au processus. Les notes et dossiers se rattachant à la réunion ne sont pas dénués de pertinence, étant donné l’importance de la décision dans l’ensemble de la chronologie. Le fait de demander quelles autres personnes ont pu assister aux réunions est également acceptable, compte tenu de l’ampleur de la décision. La question appelle une réponse.

Questions sur la deuxième version d’une note de service de la directrice des services comptable de la CIBC

[313]   L’intimée avait des questions au sujet de la deuxième version de la note de service sur la comptabilité de gestion de Mme Shaw.

Questions nos 2497, 2498, 2499 et 2500

[314]   Dans un courriel où Mme Shaw transmet la deuxième version de sa note de service, elle écrit que tous approuvent les nouvelles recommandations, mais qu’elle serait heureuse de recevoir des commentaires sur le contenu et sur le libellé. L’intimée a demandé qui avait approuvé les recommandations (question no 2497), comment leur approbation avait été obtenue (question no 2498), si l’approbation avait été documentée (question no 2499) et s’il y avait des notes sur des réunions visant à examiner les recommandations (question no 2500).

[315]   Les questions nos 2497, 2498 et 2499 ont été rejetées, à bon droit, pour non‑pertinence. Les détails demandés ont très peu de pertinence, voire aucune, et il ne sera pas nécessaire de répondre à ces questions.

[316]   En ce qui concerne la pertinence de la question no 2500, le cas est tangent. La deuxième version de la note de service semble beaucoup moins importante que la première, mais elle concrétise la stratégie de la CIBC quant à la comptabilisation des paiements relatifs à la transaction et elle est donc pertinente quant aux demandes de renseignement de l’intimée au sujet des considérations en cause lors de la formulation des recommandations. Compte tenu du seuil peu élevé en matière de pertinence lors de l’interrogatoire préalable, la question appelle une réponse.

Questions nos 1734 et 1735

[317]    Selon la note de service, le domaine d’activité stratégique qui s’applique aux opérations de paiement de la transaction Enron s’appelle [traduction] « Marchés mondiaux ‑ Autre » et relève de la CIBC. L’intimée fait remarquer que le traitement de la comptabilité de gestion de la CIBC différait de son traitement de l’entité juridique des revenus d’Enron, qui ont été comptabilisés au titre des activités des services bancaires d’investissement et autres activités connexes, plutôt que sous les « Marchés mondiaux ‑ Autres » pour l’exercice 2004‑2005. L’intimée cherche à obtenir, par les questions nos 1734 et 1735, une ventilation par entité juridique des revenus, éléments d’actif et éléments de passif pour le domaine d’activité stratégique « Marchés mondiaux ‑ Autres » pour l’exercice 2004‑2005.

[318]   La CIBC a refusé de répondre aux questions, invoquant la non‑pertinence, et a affirmé que l’attribution aux domaines d’activité stratégique n’est pas pertinente quant aux appels. Elle soutient avoir déjà fourni à l’intimée les états financiers pertinents, mais celle-ci déclare avoir le droit d’examiner les incohérences dans les traitements par la CIBC des paiements relatifs à la transaction.

[319]   Étant donné l’importance de la question de l’attribution et l’existence de la note de service portant sur le domaine d’activité stratégique auquel devait être imputée l’inscription comptable, il est pertinent à l’égard du présent appel d’approfondir l’analyse jusqu’au niveau des revenus, des éléments d’actifs et des éléments de passif. Il est vrai que l’intimée dispose déjà d’états financiers pertinents, mais la déclaration de la CIBC selon laquelle [traduction] « l’attribution aux domaines d’activité stratégique n’est pas pertinente » n’est certainement pas compatible avec le fait que l’affaire porte en grande partie sur l’attribution.

[320]   La CIBC a soulevé un autre point : il ne serait pas simple d’obtenir l’information. Cette information porte cependant sur une question importante, même si elle relève du domaine de la comptabilité de gestion. L’intimée a raison lorsqu’elle soutient que le fond de l’affaire n’est pas ce qui compte à ce stade. Tout ce qui compte, c’est que l’information soit pertinente. Les questions appellent donc une réponse.

Questions nos 2611, 2627, 2632 et 2633

[321]   Les questions nos 2611, 2627, 2632 et 2633 portent sur une note de service produite par un employé-cadre de la CIBC au sujet de la réaffectation de la réserve de la transaction Enron dans le groupe de filiales américaines. L’intimée cherche à connaître les circonstances dans lesquelles on a demandé à l’employé de rédiger la note, demande la production du dossier complet que l’employé possédait sur la comptabilisation des attributions prévues pour la transaction Enron et sur leur réaffectation, et demande à la CIBC de l’informer si l’employé reprenait le contenu de la note de Mme Shaw ou s’il avait établi les faits de façon indépendante.

[322]   La CIBC a rejeté toutes les questions pour non‑pertinence et a affirmé que les circonstances entourant la rédaction de la note de service ne sont pas pertinentes. J’abonde dans son sens. Les circonstances précises dont l’intimée désire être informée ici ne sont pas pertinentes; c’est le contenu qui compte. Je conviens également qu’il existe déjà un processus pour l’obtention de la divulgation de documents pertinents; la CIBC n’a pas à produire le dossier intégral que l’employé avait à sa disposition. Enfin, il n’est aucunement pertinent quant au présent appel de demander à la CIBC de fournir des renseignements sur la pensée personnelle ou le raisonnement de l’employé. Le contenu de la note de service peut être vérifié au procès, mais il n’est aucunement pertinent de demander à la CIBC de fournir des éclaircissements sur le processus de pensée de l’employé qui mené à une conclusion. La CIBC a donc eu raison de rejeter ces questions.

Questions individuelles

Question no 3454

[323]   À une réunion du conseil d’administration de la CIBC, il a été question des stratégies opérationnelles relatives aux activités américaines du secteur des marchés mondiaux de la CIBC. À cette réunion, un bilan des activités américaines de la CIBC sur les marchés mondiaux, intitulé « Update on the CIBC World Markets U.S. Business », et une analyse de l’élargissement du marché américain et de l’acquisition de parts de marché, intitulée « Market Expansion/Acquisition Scan », ont été distribués. L’intimée a demandé ces documents, mais la CIBC a affirmé qu’ils n’étaient pas pertinents. L’intimée estime que les documents sont pertinents quant aux stratégies opérationnelles mises en place par la CIBC au moment des décisions ou autour de la date des décisions prises pour régler les litiges Newby et MegaClaim. Elle ajoute que les documents sont pertinents parce que, selon les principes de l’OCDE applicables en matière de pleine concurrence, les stratégies opérationnelles des parties à l’opération examinée sont pertinentes[128]. Me fondant sur ce point et sur la pertinence potentielle des documents quant à la question de la capacité de payer, je conclus que la question est acceptable et qu’elle appelle une réponse.

Questions nos 2889 et 2891

[324]   Aux questions nos 2889 et 2891, l’intimée demande à la CIBC d’effectuer des recherches au sujet d’un ancien employé. Un journaliste du Soleil a demandé à la banque si elle allait déduire les paiements du règlement Enron au Canada. L’employé traitait la demande du journaliste et a demandé des conseils sur la question de la déductibilité fiscale. M. Woods, chef des services financiers et représentant à l’interrogatoire préalable, s’est vu ultérieurement demander de fournir des conseils à l’employé, mais la CIBC n’a pu produire aucune trace écrite de sa réponse. Enfin, la CIBC a mentionné que cet employé n’était plus au service de la CIBC.

[325]   L’intimée demande d’abord à la CIBC d’effectuer des recherches dans les courriels de l’ancien employé pour tenter de repérer la réponse de M. Woods. Si les recherches ne sont pas fructueuses, elle lui demande de faire des recherches sur cet ancien employé, se fondant en cela sur le paragraphe 95(2) des Règles. Cette disposition exige que des recherches raisonnables soient effectuées sur d’anciens employés pour qu’un représentant puisse être informé.

[326]   La CIBC a déclaré que M. Woods était un déposant désigné et que si une réponse pertinente avait été disponible, elle figurerait déjà dans les documents produits. C’est peut-être vrai, mais je ne vois pas pourquoi une recherche de courriels ne pourrait être effectuée, surtout que la CIBC connaît la date, le nom des interlocuteurs et le contenu de la discussion, autant d’éléments qui pourraient l’aider à circonscrire considérablement sa recherche. La CIBC doit effectuer cette recherche de courriel (question no 2491).

[327]   La CIBC affirme au sujet du paragraphe 95(2) que l’intimée méconnaît cette disposition et que celle-ci porte uniquement sur des recherches sur des personnes avant l’interrogatoire préalable à des fins de préparation, et non sur la recherche de personnes après l’interrogatoire. Je rejette cette thèse. Il ne ressort pas du libellé du paragraphe 95(2) que les recherches au sujet d’employés se limitent uniquement à la période précédant l’interrogatoire préalable.

[328]   La question de l’attribution est évidemment centrale dans le présent appel, et l’intimée désire savoir quelles déclarations publiques ont pu être faites au sujet de l’attribution aux environs de la date où le règlement a été conclu. La question no 2489 est donc acceptable et la banque doit y répondre si la recherche de courriels n’est pas fructueuse.

Questions nos 372 et 384

[329]   L’intimée a demandé les procès-verbaux des réunions du conseil d’administration des filiales et sociétés affiliées de la CIBC qui portent sur les opérations et le contentieux avec Enron, y compris les négociations et la décision ayant abouti aux paiements de transactions en 2005 et 2006. La réponse de la CIBC était incomplète : celle-ci n’a produit les procès-verbaux que pour deux entités. La banque affirme avoir fait des recherches pour trouver les procès-verbaux des réunions tenues entre 2002 et 2006, mais les seuls résultats sont les procès-verbaux pour ces deux entités.

[330]   Je suis d’avis que la CIBC doit fournir une réponse complète aux deux questions. Il va sans dire que les procès-verbaux devraient être accessibles, nommément les procès-verbaux de réunions tenues en 2005 et 2006, et je n’ai entendu aucun motif valable pouvant justifier leur non‑production. La CIBC doit fournir une réponse complète aux deux questions.

Question no 1698

[331]   L’intimée demande à la CIBC de fournir des informations qui permettraient de savoir si EY a exprimé une opinion précise au sujet de l’inscription de 2,4 milliards de dollars relative au règlement Enron. Elle fait référence à une note précise dans les états financiers consolidés de la CIBC et demande si, en rédigeant cette note, EY exprimait une opinion de vérificateur sur l’attribution des paiements de transaction à la CIBC. L’intimée dit que la banque ne peut affirmer qu’EY a conclu que les états financiers globaux étaient conformes aux PCGR, pour ensuite refuser de demander à EY si elle a exprimé une opinion de vérificateur au sujet de l’inscription de la somme de 2,4 milliards de dollars.

[332]   Ce qui pose problème ici, c’est la question : l’intimée demande expressément si EY, en rédigeant la note de service, exprimait une opinion de vérificateur au sujet de l’attribution. Comme le souligne cependant la CIBC, ce n’est pas EY, mais bien elle-même qui a rédigé la note. EY a seulement vérifié certains états financiers et fourni une opinion de vérificateur à leur sujet; la CIBC affirme que selon cette opinion, ces états financiers étaient conformes aux PCGR. Il semble que l’intimée tente de savoir si EY, en déclarant que les états financiers étaient conformes aux PCGR, déclarait également que l’inscription des 2,4 milliards de dollars l’était aussi. Encore une fois, ce n’est toutefois pas ce qui est demandé par la question. Il est demandé si le fait qu’EY ait rédigé la note signifie que la firme exprimait une opinion de vérificateur au sujet de l’inscription. EY n’a pas rédigé la note. Il est donc inutile de répondre à la question.

Questions nos 1451 et 2712

[333]   Les questions nos 1451 et 2712 portent sur les documents de travail d’EY. À la question no 1451, l’intimée demande à la CIBC de prendre contact avec EY pour lui demander si elle possède des documents qui correspondent aux paramètres de recherche définis que la banque a utilisés pour la communication préalable des documents et d’effectuer les recherches pour une période terminée à la fin de 2007. Par la question no 2712, l’intimée demande à la CIBC de demander à EY si elle possède des documents qui correspondent aux paramètres de recherche utilisés pour effectuer les recherches initiales, y compris des documents de travail, des communications, de la correspondance et des documents se rapportant à l’inscription de certaines attributions relatives à la transaction. La CIBC n’a pas fait ces demandes à EY.

[334]   L’intimée cite la jurisprudence pour justifier la production des documents de travail d’un vérificateur[129]. La CIBC, par contre, déclare que, pour la production des documents, elle a effectué une recherche de courriels pour un certain nombre de gardiens de documents, et l’intimée lui demande maintenant de demander à EY d’effectuer les mêmes recherches dans l’ensemble de son dossier de vérification. Selon la banque, l’intimée n’a pas réussi à montrer pourquoi elle peut faire une demande si large, lourde et coûteuse; les résultats auraient peu de valeur et cela serait donc contraire au principe de la proportionnalité. Elle voit dans ces demandes une recherche à l’aveuglette et soutient avoir déjà fourni les documents d’EY pertinents, dont elle prétend par ailleurs qu’ils ont été minutieusement sélectionnés. La CIBC ajoute que l’intimée a omis de présenter une demande à l’encontre d’EY pour la communication préalable de documents par un tiers aux termes de l’article 86 des Règles et d’expliquer en quoi elle répond aux critères établis en matière de production de documents par un tiers.

[335]   Ces questions constituent manifestement une demande extrêmement lourde. L’intimée demande à la CIBC de prendre contact avec un tiers pour qu’il effectue des recherches dans l’ensemble de son dossier de vérificateur, en visant une longue période de temps d’au moins plusieurs années. Il est clair qu’EY a eu des interactions pertinentes avec la CIBC au sujet du traitement des paiements de règlement; cette firme possèderait donc des documents pertinents. Il s’agit par conséquent d’une question de proportionnalité.

[336]   Le problème de l’intimée est le suivant : il lui est difficile de circonscrire sa demande, car le dossier était de taille considérable et s’étendait sur plusieurs années. L’intimée aurait pu, cependant, limiter sa demande à des dates précises (y compris les dates entourant la période active immédiatement avant et après le règlement), mais il n’existait certainement aucune exigence à cet égard.

[337]   J’aurais peut-être pu autoriser ces questions si elles avaient été circonscrites. Mais vu leur libellé général, je conclus que la CIBC a raison quand elle affirme qu’une requête en vertu de l’article 86 des Règles aurait dû être présentée, puisque c’est la voie à suivre pour obtenir des documents d’un tiers, notamment dans une requête comme celle qui nous occupe. L’article 86 prescrit ses propres critères et règles qui contribuent à limiter le recours exagéré à la communication préalable par des tiers, et c’est le mécanisme que l’intimée aurait dû utiliser. La CIBC n’a donc pas à répondre aux questions.


Point en litige no 8 : Questions auxquelles la CIBC n’a, selon l’intimée, produit aucune réponse

[338]   Selon l’intimée, il y aurait diverses questions auxquelles la CIBC n’a produit aucune réponse. Elle demande donc une ordonnance enjoignant à la banque de répondre à ces questions.

Questions nos 208, 211 et 227

[339]   L’intimée demande si une personne aux États-Unis a conservé un registre du nombre et de la nature des actions au civil ; elle désire connaître la nature des actions intentées ou en cours pendant l’exercice 1999 et cherche à établir quel était l’état du contentieux avec une certaine filiale de la CIBC de 1999 à 2004. Les trois questions portent de façon générale sur des contentieux autres que le contentieux Enron, que j’ai déjà déclarés non pertinents. Elles ne présentent pas de pertinence par rapport à l’appel et la CIBC a eu raison de ne pas y répondre.

Question no 404

[340]   L’intimée demande la version intégrale d’une politique précise de la CIBC pour l’année 1999 ou 2000. La CIBC a produit la version intégrale de 2001 et elle affirme que cette version est tout aussi pertinente, mais l’intimée a expressément demandé la version de 1999 ou de 2000. Il n’appartient pas à la CIBC de décider que la version de 2001 est tout aussi pertinente. La banque doit répondre à la question.

Questions nos 947 et 948

[341]   Les questions nos 947 et 948 portent sur un paragraphe des documents qui forment l’avis d’opposition de la CIBC. Il est écrit dans ce paragraphe qu’un facteur important de la décision de transiger était l’effet contraignant que l’entente avec le DOJ aurait pu avoir sur le système de défense de la CIBC dans les recours collectifs. On craignait que le DOJ considère certaines thèses de la CIBC comme contraires à l’entente. L’intimée a demandé à la CIBC de quelles thèses il s’agissait et lui a demandé de l’en informer. La banque a répondu que le paragraphe de l’avis d’opposition était assez explicite et que toute autre information serait soumises au secret professionnel de l’avocat. L’intimée a déclaré que la CIBC avait manqué à un engagement en ne répondant pas à la question et qu’elle n’a pas prouvé en quoi l’information était privilégiée.

[342]   Il semble raisonnable de supposer que toute préoccupation au sujet de certaines thèses juridiques qui ne seraient pas conformes à l’entente avec le DOJ serait fondée sur des conseils juridiques. Toutefois, la CIBC n’a pas pris les moyens suffisants pour s’acquitter de son fardeau de la preuve à l’égard du droit au privilège pour cette information. Il est peut-être raisonnable de formuler une hypothèse au sujet du privilège, mais rien au dossier n’indique en quoi le secret professionnel de l’avocat jouait. La CIBC doit donc répondre à la question.

Question no 1383

[343]   La question no 1383 visait à savoir si une certaine personne avait cessé d’être à l’emploi de la CIBC. Celle-ci a refusé d’y répondre en invoquant la non-pertinence.

[344]   Selon le passage de la transcription qui a mené à la question, la CIBC a payé les frais juridiques de cet ancien employé qui se rapportaient au contentieux Enron et aux enquêtes menées relativement à cette affaire. Il convient donc de rechercher pourquoi cette personne a cessé d’être employée, dans ce contexte, parce que la CIBC fait valoir la mauvaise conduite de certains de ses employés pour justifier sa déduction des paiements de transaction. Les questions au sujet de cet employé pourraient donc produire des informations pertinentes en ce qui concerne l’attribution. La question appelle donc une réponse.

Question no 1482

[345]   Par la question no 1482, l’intimée demande si, dans le cas où des discussions auraient eu lieu entre les demandeurs de Newby et la CIBC au sujet du traitement fiscal possible d’une transaction, la CIBC revendiquerait le privilège à l’égard de ces communications. La banque a refusé de répondre à la question, la qualifiant de question théorique non acceptable dans le cadre de l’interrogatoire préalable. J’abonde dans le même sens. C’est à bon droit que la question a été rejetée.

Question n1688

[346]   L’intimée désire savoir si la CIBC défendra la thèse suivante au procès : EY, en exprimant son opinion de vérificateur, a approuvé la réaffectation des attributions liées au règlement Enron à l’extérieur des filiales. La CIBC a répondu en se limitant à fournir une opinion d’EY. Or, la question no 1688 ne portait pas sur l’opinion d’EY, mais sur la thèse de la banque, que l’intimée a le droit de connaître. La CIBC doit donc répondre à la question.

Question n2057

[347]   La question no 2057 vise les documents qui ressembleraient à une demande d’assurance en rapport avec l’assurance que la CIBC détenait de 1997 à 2001. L’intimée affirme que cette question porte sur la nature du risque perçu ou déclaré aux fins d’assurance, pour les activités exercées par la banque. La CIBC estime la question non pertinente. J’abonde dans son sens, particulièrement compte tenu du seuil peu élevé de pertinence en matière d’interrogatoire préalable. La question du risque perçu pourrait être pertinente quant à la façon dont la CIBC percevait ses activités et son risque potentiel de responsabilité. Ces éléments pourraient, à leur tour, présenter une certaine pertinence quant à la déclaration de la CIBC sur sa source réelle de risque dans les opérations avec Enron. La banque doit répondre à cette question.

Question no 2063

[348]   L’intimée désire savoir, par la question no 2063, si la police d’assurance en vigueur avant le 1er nov. 2000 était sensiblement différente, et elle demande à la banque, si tel était le cas, de lui produire cette police. La question est pertinente et elle appelle une réponse pour les mêmes motifs que pour la question no 2057.

Question no 2071

[349]   L’intimée demande s’il y a eu un différend avec les assureurs au sujet de la couverture par la police du genre d’opérations effectuées avec Enron. La CIBC se déclare incapable de fournir des détails sur cette question, mais affirme qu’il n’y a pas eu de différend au sujet de la réception, de la valeur ni du versement du produit de l’assurance. Or, elle ne répond pas tout à fait à la question. L’intimée désire en effet savoir s’il y a eu un différend au sujet de la police et la banque répond qu’en fin de compte, elle a reçu le produit de cette police. La CIBC doit répondre à la question. Si elle ne peut fournir de renseignements détaillés, soit, mais elle doit au moins répondre à la question.

Question no 2311

[350]   L’intimée désire que la CIBC demande à un tiers qui a assisté à une réunion de son conseil d’administration s’il possède des documents se rattachant aux appels fiscaux. La CIBC affirme que l’intimée n’a produit aucune explication pour justifier en quoi sa demande remplit les conditions recensées à l’article 86 des Règles pour la production par un tiers. J’abonde dans son sens. L’intimée n’a prouvé d’aucune façon que ce tiers détenait des documents pertinents. La question n2311 correspond à la définition de la recherche à l’aveuglette, et le refus de la banque d’y répondre était fondé.

Questions nos 2539 et 2540

[351]   L’intimée désire connaître la part des revenus et dépenses du secteur de l’investissement bancaire qui a été attribuée à la CIBC pour les années durant lesquelles le litige Enron avait cours. La CIBC a pris cette question en délibéré, mais n’a pas produit de réponse; elle n’a fait aucune observation au sujet de son défaut de répondre. La question appelle une réponse. Puisque la question de l’attribution est en jeu, il s’agit d’une question pertinente.

Question no 2810

[352]   L’intimée désire savoir s’il existe des versions antérieures d’un certain document, soit pour les années 1998 à 2000. La CIBC a répondu qu’une recherche avait été effectuée et que rien n’indique que le document avait fait l’objet d’un examen par le conseil d’administration. La banque ne répond toutefois pas à la question. L’intimée désire simplement la version du document datant d’années précises. La banque doit répondre à la question.

Question no 2960

[353]   L’intimée affirme que la CIBC a d’abord pris l’engagement de préciser comment la somme de 250 millions de dollars a été calculée dans la transaction MegaClaim, puis qu’elle a manqué à cet engagement. Je suis cependant d’accord avec la CIBC : aucun engagement n’a en fait été pris, car il s’agissait simplement d’une erreur du sténographe judiciaire. L’avocat de la CIBC a simplement dit que le document de règlement fournissait l’information sur la nature du redressement demandé et le motif. Il n’est pas nécessaire de répondre à la question.

Questions nos 3127, 3131, 3132, 3133, 3142, 3143, 3144 et 3145

[354]   Les questions mentionnées en rubrique portent sur les dépôts de la CIBC auprès du Bureau du surintendant des institutions financières (le « BSIF »). La CIBC affirme avoir offert d’interroger le BSIF et être toujours dans l’attente d’une réponse de l’intimée ou supposément d’une ordonnance de la Cour à ce sujet. J’ordonne donc que la CIBC prenne contact avec le BSIF, comme elle a déclaré être prête à le faire.

Questions nos 3499 et 3500

[355]   L’intimée désire savoir pourquoi il a été décidé que trois employés devaient être renvoyés en raison de leur participation aux opérations avec Enron. La CIBC a dit être incapable de fournir des informations sur les motifs de ces congédiements, mais a reconnu que les trois personnes n’étaient plus à l’emploi du groupe de sociétés de la CIBC après l’effondrement d’Enron. L’intimée estime que cette réponse n’est pas suffisante. J’abonde dans son sens. La CIBC doit préciser les motifs pour lesquels il a été décidé que les trois employés devaient être renvoyés.

Question no 3733

[356]   L’intimée désire savoir comment une certaine somme relative à une opération a été exprimée sur un bilan. La CIBC a pris la question en délibéré, mais elle n’a pas produit de réponse, ni n’a produit d’observations à ce sujet. Je ne vois pas pourquoi aucune réponse n’a été produite. La banque doit répondre à la question.

Questions nos 3819, 3820, 3821 et 3822

[357]   Les questions nos 3819, 3820, 3821 et 3822 portent sur une note de service au sujet d’une proposition selon laquelle une filiale de la CIBC allait fournir 250 millions de dollars américains en capitaux propres à la société CIBC World Markets Corporation (« CIBC WMC »). Selon une partie de la justification fournie dans la note de service, la New York Stock Exchange (la Bourse de New York, ou « NYSE ») a régulièrement remis en question la stabilité financière de CIBC WMC, et cette société devait faire l’objet d’autres examens de la NYSE en fonction de certains seuils. L’intimée désire savoir si la Bourse de New York avait déjà consigné ses préoccupations par écrit. La CIBC répond que les opinions de la NYSE ne sont pas pertinentes, mais selon l’intimée, elles sont effectivement pertinentes quant à la question de la capacité de payer. J’abonde dans le sens de l’intimée. Elle désire approfondir la question de la capacité de payer, et l’opinion de la NYSE à titre de tiers au sujet de la question de savoir si la CIBC WMC était surendettée ou financièrement instable d’une façon ou d’une autre est pertinente quant au fil conducteur de sa recherche.

Question no 5902

[358]   L’intimée désire savoir si la CIBC sait dans quelle mesure le droit texan écarteraient le droit new-yorkais en ce qui concerne la poursuite MegaClaim. La CIBC a répondu qu’il aurait fallu l’aide d’un avocat américain pour produire la meilleure réponse possible, puis a précisé que si l’intimée a l’intention de se fonder sur ces points de droit pour appuyer sa thèse, elle-même produira des rapports en conformité avec les Règles et présentera une preuve ou un témoignage d’expert au procès.

[359]   Cette question sollicite une opinion. Les questions qui sollicitent une opinion, de façon générale, ne sont pas autorisées lors d’un interrogatoire préalable, à moins que le témoin soit un expert dont le domaine est mis en cause dans les actes de procédure[130]. La CIBC a donc bien répondu à la question.

Manque de précision quant au lieu où se trouvent les documents privilégiés parmi les documents produits

[360]   L’intimée affirme que les réponses de la CIBC aux questions nos 871, 909, 911, 917, 922 et 927 sont fondées sur le privilège, mais que la banque ne précise pas où les documents demandés se trouvent dans les documents produits. Selon l’intimée, sans cette information, il est difficile d’apprécier les revendications du privilège de la CIBC. Dans ses réponses, la CIBC a omis de préciser où les documents figurent ou a déclaré ne pas être capable de les repérer.

[361]   Pour toutes les questions, sauf la question no 922, la CIBC doit soit préciser où les documents figurent parmi les documents produits, soit faire d’autres efforts pour repérer les documents parmi les documents produits. Pour ce qui est de la question no 922, la CIBC ne sait pas si le document défini existe et il n’est donc pas nécessaire d’effectuer d’autres recherches pour le trouver.

Conclusion

[362]   J’ai examiné chaque question et document en cause. Je désire ajouter un dernier point. La Cour canadienne de l’impôt a récemment reçu de nombreuses requêtes semblables à la présente procédure. Les plaideurs ne semblent pas, en quelque sorte, comprendre l’objet de l’interrogatoire préalable. Je les invite à examiner les observations sur l’interrogatoire préalable que j’ai formulées dans la présente décision, aux paragraphes [270] et [271]. La présente requête semble en grande partie découler de l’obstruction par la CIBC sur le plan du processus de l’interrogatoire préalable. Ce dernier vise à permettre aux deux parties de se préparer pleinement au procès et de définir tous les faits et points pertinents. Des discussions ouvertes et approfondies favorisent le règlement ainsi que la tenue de procès adéquats et efficaces. L’interrogatoire préalable n’a pas pour objet de restreindre la production d’information; son objet même est la production d’informations pertinentes.

[363]   Les parties seraient mieux servies si elles s’attachaient à mener à bien un interrogatoire préalable en bonne et due forme, ce qui leur permettrait de cerner avec exactitude les faits et points pertinents dans les présents appels. Je ne pense pas, pour ma part, que l’obstruction représente la bonne façon de faire avancer une procédure contentieuse. Une telle stratégie a certainement des conséquences que la Cour devra examiner.

[364]   Les observations relativement aux dépens pourront être faites verbalement pour cette décision, à une date qui sera fixée ultérieurement.

Signé à Toronto (Ontario), ce 2e jour de décembre 2015.

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef Rossiter

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mai 2016.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 280

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2010-2864(IT)G

2010-1413(IT)G

2010-1414(IT)G

2013-4005(IT)G

INTITULÉ :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE ET LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 15 et 16 juillet 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 décembre 2015

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Joseph Steiner

Me Al Meghji

Me Caroline D’Elia

Avocats de l’intimée :

Me Michael Ezri

Me Eric Noble

Me Craig Maw

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Joseph M. Steiner

 

Cabinet :

Osler, Hoskin & Harcourt

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] LRC 1985, ch. 1 (5e suppl.)

[2] DORS/90-688a.

[3] 2015 CTC 71, aux par. 11 à 17.

[4] 2008 CCI 422.

[5] 2009 CAF 83, au par. 24.

[6] 2010 CTC 228.

[7] Il s’agit des quatre principes cités au paragraphe précédent par le juge Campbell.

[8] 2010 TCC 94.

[9] Au par. 15.

[10] [1997] 1 CTC 2208 (TCC).

[11] Au par. 10. La Cour a par la suite souscrit aux principes de cet extrait (en tout ou en partie) dans la décision Fink v The Queen, [2005] 3 CTC 2474 (TCC), au par. 13 et dans la décision General Electric Capital Canada Inc. c La Reine, 2008 CCI 256, au par. 12.

[12] Dossier de requête de l’intimée, volume 2, onglet 56, p. 715.

[13] Dossier de requête de l’intimée, volume 2, onglet 57, p. 721.

[14] Dossier de requête de l’intimée, volume 2, onglet 62, pp. 781 et 782.

[15] Dossier de requête de l’intimée, volume 2, onglet 60, pp. 244 et 245.

[16] Dossier de requête de l’intimée, volume 3, onglet 113, p. 1140.

[17] Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821, à la p. 837.

[18] Thompson c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 197, au par. 49. Voir aussi Belgravia Investments Ltd. c Canada, 2002 CFPI 649 (C.F. 1re inst.), au par. 47, et R. v McCarthy Tétrault (1992), 95 DLR (4th) 94 (C. Ont. (Div. prov.)), aux par. 15 à 21.

[19] Voir Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, au par. 10, et Copthorne Holdings Ltd. c La Reine, 2005 CCI 491, au par. 18.

[20] 2002 CFPI 649 (C.F.1re inst.).

[21] Voir les par. 44 et 45, qui contiennent une citation de la décision Susan Hosiery Ltd. v Minister of National Revenue, [1969] 2 Ex CR 27, [1969] CTC 353, 69 DTC 5278, aux pp. 5282 et 5283.

[22] Au par. 46, qui contient une citation de la décision General Accident Assurance Co. v Chrusz (1998), 37 OR (3d) 790 (C. div. Ont), à la p. 796 (infirmée pour d’autres motifs (2000), 45 OR (3d) 321 (C.A. Ont.)).

[23] 2001 MBCA 11.

[24] Au par. 19.

[25] Au par. 19.

[26] 2002 BCCA 665.

[27] 2013 CF 757.

[28] R. c McClure, 2001 CSC 14, au par. 35.

[29] R. c McClure, 2001 CSC 14, au par. 17.

[30] Adam M. Dodek et Toba Cooper dans Adam M. Dodek, Solicitor‑Client Privilege (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), à la p. 228, par. 7.110. Cette situation est le résultat, à plusieurs égards, du fait que la jurisprudence interprète de manière diverse la décision de la juge McLachlin (tel était alors son titre), citée plusieurs fois dans la décision S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 WWR 762 (C.S.C.‑B.). Voir Dodek et Cooper, aux par. 7.109 à 7.116.

[31] 2014 TCC 179, au par. 50.

[32] 2011 CF 887, au par. 10.

[33] S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 WWR 762 (C.S. C.‑B.), au par. 6.

[34] Voir Adam M. Dodek et Toba Cooper dans Adam M. Dodek, Solicitor‑Client Privilege (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), à la p. 228, par. 7.109.

[35] [1985] 4 WWR 508 (C.A.C.‑B.)

[36] (1999), 43 CPC (4th) 73 (C.S. Ont.), conf. par (2000) 132 OAC 127 (C.S. Ont. – Cour div.)

[37] Au par. 5.

[38] Au par. 19.

[39] Rogers v Bank of Montreal, [1985] 4 WWR 508 (C.A.C.‑B.), jurisprudence citée avec approbation à l’occasion de l’affaire R. c Campbell, [1999] 1 RCS 565.

[40] Guelph (City) v Super Blue Box Recycling Corp., [2004] OTC 961 (C.S. Ont.), au par. 80.

[41] Gerbro Inc. c La Reine, 2014 CCI 179, aux paragraphes 57 à 59, et Superior Plus Corp. c La Reine, 2015 CCI 132, au par. 45.

[42] Stuart Olson Construction Inc. v Sawridge Plaza Corp., [1996] 2 WWR 396 (C.B.R. Alb.), au par. 21; Guelph (City) v Super Blue Box Recycling Corp., [2004] OTC 961 (C.S. Ont.), au par. 108, et S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 WWR 762 (C.S. C.‑B.), au par. 6.

[43] 2014 CCI 179.

[44] Aux par. 54 et 55.

[45] 2013 CCI 144, aux par. 85 et 92.

[46] Adam M. Dodek et Toba Cooper, dans Adam M. Dodek, Solicitor‑Client Privilege (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), à la p. 232, par. 122, et Robert W. Hubbard et coll., The Law of Privilege in Canada (Toronto,  Canada Law Book, 2006) (révision sur feuilles mobiles no 29), au par. 11.220.50.

[47] 2012 ONSC 649.

[48] Au par. 30. Ce critère a été approuvé dans les décisions Leggat v Jennings, 2015 ONSC 237, au par. 47, et Goodswimmer v Canada (Attorney General), 2015 ABCA 253 (CanLII), au par. 13.      

[49] Aux par. 57 à 59. Ces arguments ont été repris à l’occasion de l’affaire Superior Plus Corp. c La Reine, 2015 CCI 132, au par. 45.

[50] L’intimée a plus particulièrement déclaré que à l’occasion de l’affaire Procon, la Cour a mal interprété la jurisprudence Doman Forest Products Ltd. v GMAC Commercial Credit Corp., 2004 BCCA 512, quant à l’insertion de l’élément « essentielle ou nécessaire ».

[51] Voir par exemple les par. 20 et 25 des actes de procédure de la CIBC au dossier no 2010‑2864(IT)G.

[52] Voir par exemple les par. 16.5 et 16.6 de la dernière version modifiée de la réponse de l’intimée au dossier no 2010‑2864(IT)G.

[53] Brown v Clark Wilson LLP, 2014 BCCA 185, au par. 30.

[54] Richard A Kanan Corp. v The Queen, 2011 TCC 211, au par. 24.

[55] S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 WWR 762 (C.S.C.‑B.), au par. 6.

[56] [2000] 5 WWR 199 (C.A. Man.).

[57] 2013 CAF 199.

[58] Au par. 261.

[59] S. & K. Processors Ltd. v Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 WWR 762 (C.S. C.‑B.), au par. 6, et Leadbeater v Ontario (2004), 70 OR (3d) 224 (C.S. Ont.), au par. 68.

[60] MIL (Investments) S.A. v The Queen, 2006 CCI 208, aux par. 25 et 28.

[61] Adam M. Dodek et Toba Cooper, dans Adam M. Dodek, Solicitor‑Client Privilege (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), à la p. 212, par. 7.69. Voir aussi Nova Aqua Salmon Ltd. Partnership (Receiver and Manager of) v Non-Marine Underwriters, Lloyd’s London (1994), 135 NSR (2d) 71, 50 ACWS (3d) 557 (C.S.N.‑É.), au par. 10 et Power Consolidated (China) Pulp Inc. v British Columbia Resources Investment Corp., [1989] 2 WWR 679 (C.A.C.‑B.).

[62] 2006 CCI 208.

[63] Voir les par. 30 à 41.

[64] Aux par. 42 et 43.

[65] Voir le par. 19, note de bas de page 11, de l’avis d’appel de la CIBC au dossier no 2010-2864(IT)G.

[66] Union Carbide Canada Inc. c Bombardier Inc., 2014 CSC 35.

[67] Ontario (Liquor Control Board) v Magnotta Winery Corp., 2010 ONCA 681.

[68] Sable Offshore Energy Inc. c Ameron International Corp., 2013 CSC 37, au par. 14, et Globe and Mail c Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, au par. 80.

[69] Globe and Mail c Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, au par. 78.

[70] Middelkamp v Fraser Valley Real Estate Board (1992), 96 DLR (4th) 227 (C.A.C.-B.)

[71] [2002] TCJ No 712 (CCI).

[72] Au par. 28.

[73] R v Nestlé Canada Inc., 2015 ONSC 810.

[74] Aux par. 44, 47 et 48.

[75] Sable Offshore Energy Inc. c Ameron International Corp., 2013 CSC 37, au par. 19.

[76] Ontario (Ministry of Correctional Services) v McKinnon, 2010, ONSC 3896 (CanLII).

[77] Moore v Bertuzzi (2010), 99 CPC (6th) 287 (C.S.J. Ont).

[78] Mueller Canada Inc. v State Contractors Inc. (1989), 71 OR (2d) 397 (H.C.J. Ont) et Sabre Inc. v International Air Transport Assn., [2009] OJ No 903 (C.S.J. Ont.), qui cite la décision Mueller Canada, aux par. 20 à 22.

[79] Sidney N. Lederman et coll., The Law of Evidence in Canada, 4e éd. (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014) au par. 14.343, p. 1044.

[80] R v Nestlé Canada Inc., 2015 ONSC 810.

[81] Aux par. 44, 47 et 48.

[82] Sable Offshore Energy Inc. c Ameron International Corp., 2013 CSC 37, au par. 19.

[83] Middelkamp v Fraser Valley Real Estate Board (1992), 96 DLR (4th) 227 (C.A.C.‑B.).

[84] I. Waxman & Sons Ltd. v Texaco Canada Ltd., [1968] 2 OR 452-453 (C.A. Ont.).

[85] Au par. 18.

[86] Voir les par. 11 et 19.

[87] Sable Offshore Energy Inc. c Ameron International Corp., 2013 CSC 37, au par. 19.

[88] Au par. 2.

[89] Mueller Canada Inc. v State Contractors Inc. (1989), 71 OR (2d) 397 (H.C.J. Ont.)

[90] Aux par. 12 et 13.

[91] Stevenson v Reimer, [1993] OJ No 2440 (C. Ont (Div. gén.)), au par. 16; Seanco Investments Inc. v Betovan Construction Ltd., [2006] OJ No 274 (C.S.J. Ont.), aux par. 43, 44 et 47; Sabre Inc. v International Air Transport Assn., [2009] OJ No 903 (C.S.J. Ont.), au par. 22.

[92] [1996] 1 RCF 756.

[93] Au par. 26.

[94] [2000] J.C.F. no 127 (C.F. 1re inst.).

[95] Au par. 16.

[96] 2008 CCI 500.

[97] Voir au par. 3.

[98] 2006 CSC 39.

[99] Au para. 36.

[100] Aux par. 38 à 40.

[101] Au par. 49.

[102] (1999), 45 OR (3d) 321 (C.A. Ont.)

[103] [1969] 2 Ex CR 27.

[104] Sidney N. Lederman et coll., The Law of Evidence in Canada, 4e éd. (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), au par. 14.121, à la p. 961.

[105] [1980] 3 All ER 475, aux pp. 483 et 484, [1980] 3 WLR 668 (CA).

[106] Adam M. Dodek et Toba Cooper dans Adam M. Dodek, Solicitor-Client Privilege (Markham, LexisNexis Canada Inc., 2014), à la p. 247, au par. 7.164.

[107] Cameco Corporation c La Reine, 2014 CCI 45.

[108] Visa International Service Assn. v Block Bros. Realty Ltd. (1983), 11 CPC (3d) 147 (C.A.C.‑B.), au par. 5; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Dueck (1998), 146 FTR 89 (C.F. 1re inst.), et Canada (Revenu national) c Thornton, 2012 CF 1313.

[109] 2014 ABCA 289.

[110] Au par. 8.

[111] AR 124/2010.

[112] Au par. 54.

[113] Au par. 60.

[114] Au par. 70.

[115] Au par. 72.

[116] 2014 CCI 45.

[117] Voir aux par. 58 à 62.

[118] Solid Waste Reclamation Inc. v Philip Enterprises Inc., [1991] OJ No 213, 2 OR (3d) 481 (C. Ont. (Div. gén.)).

[119] Voir la décision Cameco Corporation, au par. 61.

[120] Deuxième édition de la publication en anglais, février 2015, à la section 1.F.5, p. 7.

[121] GRI Simulations Inc. v Oceaneering International Inc., 2010 NLTD 85, au par. 25.

[122] Canada c GlaxoSmithKline Inc., 2012 CSC 52.

[123] Ontario Public Service Employees Union Pension Trust Fund (Trustees of) v Clark (2005), 77 OR (3d) 38 (SCJ), conf. par (2006), 270 DLR (4th) 429 (CA), particulièrement au par. 67.

[124] IKEA Ltd. v Canada, [1993] TCJ No. 874, aux par. 13 et 18.

[125] 2013 CCI 404.

[126] Voir au par. 275.

[127] [1993] TCJ No. 874, aux par. 13 et 18.

[128] Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert, 2010, par. 1.36 et de 1.59 à 1.63.

[129] Callinan Mines Ltd. v Hudson Bay Mining and Smelting Co., 2011 MBQB 159, et Ontario Public Service Employees Union Pension Trust Fund (Trustees of) v Clark (2005), 77 OR (3d) 38 (SCJ), conf. par (2006), 270 DLR (4th) 429 (CA).

[130] Rivtow Straits Ltd. v B.C. Marine Shipbuilders Ltd. (1976), 14 NR 314 (CAF).

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