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Dossier : 2015-2361(IT)APP

ENTRE :

FARAMARZ SHABITAI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Demande de prolongation du délai pour interjeter appel entendu le 19 août 2015, à Montréal (Ontario)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

 

JUGEMENT

        La demande en vue de l’obtention d’une ordonnance prorogeant le délai dans lequel un avis d’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 à 2007 peut être déposé est rejetée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal, Canada, ce 29e jour de janvier 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2016 CCI 20

Date : 20160129

Dossier : 2015-2361(IT)APP

ENTRE :

FARAMARZ SHABITAI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Monsieur Shabitai a présenté une demande de prorogation de délai dans lequel un appel peut être interjeté à l’égard des nouvelles cotisations concernant ses années d’imposition 2000 à 2007 inclusivement.

[2]             Afin d’obtenir une prorogation de délai, le requérant doit satisfaire aux conditions énoncées au paragraphe 167(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) c. 1 (5e suppl.) dans sa version applicable au litige (la « Loi »), qui est libellé ainsi :

Acceptation de la demande.  Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a)      la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

b)      le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv) l’appel est raisonnablement fondé.

[3]             Madame Farah De Vito, une agente aux oppositions de l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») a témoigné à l’audience et elle a résumé l’historique du dossier du requérant :

-         le 3 août 2012, le requérant a fait l’objet d’avis de nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 2000 à 2007 inclusivement;

-         le requérant ne s’est pas opposé à ces avis de nouvelle cotisation à temps.  Le ou vers le 15 mai 2013, il a demandé au ministre du Revenu national (Ministre) une prolongation de délai pour déposer une opposition;

-         le 30 mai 2013, le Ministre a accepté la demande de prolongation de délai pour déposer une opposition;

-         le 7 mars 2014, le Ministre a réglé l’opposition en émettant des avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2000 à 2007 inclusivement (ci-après, « 2e avis de nouvelle cotisation »);

-         le requérant n’a pas déposé d’avis d’opposition à ces 2e avis de nouvelle cotisation dans le délai imparti;

-         le 17 juillet 2014, le requérant a fait parvenir une autre demande de prolongation de délai pour faire opposition;

-         le Ministre a accepté cette demande de prolongation le 20 août 2014 (ci-après, « 2e processus d’opposition »);

-         dans le cadre du 2e processus d’opposition, le requérant n’a soumis aucun motif à l’appui de ses oppositions et n’a fourni aucun document, malgré les délais accordés pour ce faire;

-         le 17 décembre 2014, le Ministre a confirmé tous les 2e avis de nouvelle cotisation;

-         le 18 décembre 2014, l’intimée a remis une copie de l’avis de confirmation du 17 décembre 2014 à la représentante du requérant dans le cadre d’une audition à la Cour supérieure du district de Montréal dans le dossier 500-17-076180-135 intitulé Procureur général du Canada c. Shabitai

-         le 19 décembre 2014, une copie de l’avis de confirmation du 17 décembre 2014 a également été envoyée au requérant par courrier recommandé, à son adresse personnelle au 6-2605, rue Ekers à Montréal;

-         le requérant avait jusqu’au 17 mars 2015 pour interjeter appel des 2e  avis de nouvelle cotisation. Le requérant n’a pas interjeté appel dans le délai imparti.

-         le 21 mai 2015, le requérant a présenté une demande de prolongation de délai pour interjeter appel des 2e avis de nouvelle cotisation à la Cour canadienne de l’impôt au motif qu’il a reçu l’avis de confirmation du 17  décembre 2014 uniquement le 8 avril 2015.

-         ce que le requérant a reçu le 8 avril 2015 est une copie de l’avis de confirmation du 17 décembre 2014 qui lui a été envoyé suite à sa demande formulée lors d’une conversation téléphonique tenue la veille avec l’agente des oppositions.

[4]             Monsieur Patrick Dragan, agent de recouvrement pour l’ARC, a également témoigné à l’audience et il a affirmé avoir une connaissance personnelle que Me Stéphanie Côté a remis à l’avocate du requérant une copie de l’avis de confirmation daté du 17 décembre 2014 lors de l’audition de la cause Procureur général du Canada c. Shabitai, afin de faire vendre en justice un immeuble appartenant au requérant pour des sommes dues au fisc. La cause a été entendue par la Cour supérieure du Québec le 18 décembre 2014 au Palais de justice de Montréal. Une copie du jugement qui a été rendu dans cette affaire par la Cour supérieure du Québec le 30 janvier 2015 a été mise en preuve. Selon le témoin, les avocates au dossier ont fait référence à l’avis de confirmation du 17 décembre 2014 dans le cadre de leurs plaidoiries. Enfin, le témoin a confirmé que le requérant n’était pas présent à l’audience du 18 décembre 2014.

[5]             Monsieur Shabitai a également témoigné à l’audience. Il a affirmé qu’il n’a jamais reçu l’avis de confirmation du 17 décembre 2014 et que son avocate ne lui a pas remis de copie. Selon sa version des faits, aussitôt qu’il a appris l’existence d’un tel avis de confirmation, il a appelé madame De Vito pour obtenir une copie. Il a effectivement obtenu une copie dudit avis de confirmation le 8 avril 2015, soit le lendemain de sa conversation avec madame De Vito. Lors de sa conversation téléphonique avec madame De Vito, le requérant lui a dit que l’avis de confirmation avait été perdu par Postes Canada.

[6]             Monsieur Shabitai a joint à sa demande de prorogation de délai, la lettre qu’il a reçue de Postes Canada datée du 15 mai 2015 confirmant que le courrier qu’il a récupéré et signé le 23 décembre 2014 n’était pas le sien. L’extrait suivant de la lettre de Postes Canada expliquent bien la situation :

Suite à l’enquête qui a été menée dans cet évènement ainsi qu’à la déclaration obtenue de la part de la préposée en devoir lors de cette journée nous pouvons confirmer que l’envoi recommandé # RW967424111CA qui vous était adressé ne vous a pas été remis et ce malgré les renseignements qui sont affichés et qui peuvent être consultés auprès de Postes Canada.

L’enquête qui a été menée confirme vos dires selon lesquels le 23 décembre 2014 à 10 h 59 vous avez bel et bien récupéré un envoi en présentant la carte d’avis de livraison au comptoir postal Wilderton situé au 2535 Van Horne, que vous avez présenté une pièce d’identité avec photo et que vous avez signé pour l’envoi avant d’en prendre connaissance; vous avez quitté le comptoir sans immédiatement réaliser la situation pour revenir quelques instants plus tard pour informer la préposée que l’envoi que vous avez récupéré ne vous appartenait pas puisque le nom sur celui-ci n’était pas le vôtre. La préposée en devoir a confirmé la situation, a repris l’envoi et a tenté de retrouver le vôtre afin de vous le remettre. Malgré les différentes recherches effectuées par la préposée au comptoir postal, l’item qui vous était destiné n’a pas été retrouvé et nous devons présumer que celui-ci aurait été remis par erreur à une autre personne.

[7]             Le contenu de la lettre de Postes Canada a fait l’objet d’une admission de la part de l’intimée à l’ouverture de l’audience. Le requérant n’a invoqué aucun autre fait au soutien de sa demande de prorogation de délai.

[8]             Dans l’avis d’appel joint à sa demande, le requérant invoque comme seul motif d’appel que ses documents fiscaux ont été brûlés dans un incendie.

Analyse et conclusion

[9]             La condition de l’alinéa 167(5)a) de la Loi est rencontrée dans ce cas puisque la demande du requérant a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti pour interjeter appel en vertu de l’article 169. Le requérant a présenté sa demande le 21 mai 2015, soit dans l’année du délai imparti pour faire appel.

[10]        La condition énoncée au sous-alinéa 167(5)(b)(i) de la Loi n’est pas rencontrée parce que le requérant n’a pas été en mesure de démontrer que, dans le délai imparti pour interjeter appel, il n’a pu agir, ni charger quelqu’un pour agir en son nom, ou qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel.

[11]        Dans l’arrêt Schafer c. Canada, [2000] A.C.F. no 1480, la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé le principe qu’il n’était pas nécessaire que le requérant ait reçu l’avis de confirmation pour que le délai de prescription prévu au paragraphe 169(1) de la Loi commence à compter. Le ministre doit seulement établir que l’avis de confirmation a été expédié par la poste au requérant. De larges extraits de la décision rendue dans l’arrêt Schafer furent repris par le juge Little de notre Cour dans l’arrêt Haggart c. La Reine, 2003 CCI 925.

[12]        Dans le présent dossier, une copie de l’avis de confirmation fut remise en mains propres à l’avocate du requérant lors de l’audition d’une cause impliquant le requérant devant la Cour supérieure du Québec ayant eu lieu le 18 décembre 2014. Le requérant n’était pas présent à l’audience et on ne peut supposer que l’avocate du requérant lui a personnellement remis une copie de l’avis de confirmation. Par contre, il est plus que probable que l’avocate en question ait au moins informé le requérant de l’existence de cet avis de confirmation. À tout effet, le requérant n’a pas été en mesure d’informer la Cour quant à la date exacte où il a appris que l’avis de confirmation avait été posté par l’ARC.

[13]        Lors de l’audience, le requérant n’a pas fourni d’explications crédibles quant aux raisons ou aux circonstances pour lesquelles il n’a pu agir personnellement, ni charger quelqu’un pour agir pour lui dans le délai imparti pour interjeter appel. Il a invoqué le fait qu’il était malade sans spécifier le genre de maladie et qu’il ne pouvait s’occuper de ses dossiers fiscaux. Il a mentionné qu’il vivait avec son père et qu’il se rendait à Cuba tous les mois. Tous ses comptes de banque avaient été saisis par l’ARC. Le requérant était représenté par une avocate dans le dossier de la vente en justice d’une propriété immobilière et par un comptable au stade du 2e processus d’opposition au cours duquel le requérant a bénéficié de nombreux délais pour soumettre ses documents et ses représentations. L’ARC a notamment avisé le requérant par une lettre datée du 27 octobre 2014 qu’il avait jusqu’au 27 novembre 2014 pour soumettre ses représentations. Suite à un appel d’un représentant du requérant, un délai additionnel, soit jusqu’au 16 décembre 2014, fut accordé. Comme l’ARC n’a rien reçu suite à ce délai additionnel, le dossier du requérant a été fermé et l’avis de confirmation a été envoyé par courrier recommandé. Le requérant n’a pas contesté le fait que l’avis de confirmation a été transmis par courrier recommandé à son adresse personnelle. Sa prétention est qu’il ne l’a pas reçu suite à une erreur de Postes Canada.

[14]        Rien au dossier n’indique que le requérant avait l’intention d’interjeter appel des nouvelles cotisations. À première vue, il serait possible de conclure que le requérant avait sûrement l’intention d’interjeter appel vu qu’il s’était opposé à deux reprises aux cotisations. Par contre, en l’absence de preuve indiquant les mesures que le requérant a prises ou qu’il a tenté de prendre en vue d’interjeter appel, il n’a pas satisfait à cette obligation. L’absence de représentations au niveau du 2e processus d’opposition soulève un doute sérieux quant à la volonté du requérant de poursuivre le processus d’appel.

[15]        La condition énoncée au sous-alinéa 167(5)(b)(ii) n’a pas été rencontrée par le requérant. Compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, je ne crois pas qu’il soit juste et équitable de faire droit à la demande. Le requérant a bénéficié de plusieurs occasions de faire valoir ses droits et il n’y a pas donné suite, du moins à l’égard du 2e processus d’opposition. Les nouvelles cotisations en date du 7 mars 2014 ont été établies sur la base d’estimations de dépenses seulement, telles les dépenses d’intérêts sur hypothèque, les dépenses encourues pour gagner des revenus de location et les commissions payées lors de la vente d’un immeuble. Dans l’ensemble, le requérant semble avoir bénéficié d’un traitement équitable pour ce qui est des cotisations en litige.

[16]        La condition énoncée au sous-alinéa 167(5)(b)(iii) n’a pas été rencontrée par le requérant, la demande n’ayant pas été présentée dès que les circonstances le permettaient. Entre le 16 décembre 2014, soit la date du dernier délai accordé au requérant pour soumettre ses représentations et le 7 avril 2015, date à laquelle le requérant a appelé madame De Vito, il s’est écoulé une période d’environ 105 jours. Le requérant savait ou devait savoir que, suite au dernier délai additionnel accordé, l’ARC agirait rapidement dans son dossier s’il ne transmettait pas ses représentations. Il a vraiment tardé à appeler madame De Vito pour s’enquérir de l’état de son dossier. Même après qu’il ait appelé madame De Vito le 7 avril 2015, il n’a déposé sa demande de prorogation de délai que le 21 mai 2015, soit plus de 30 jours plus tard.

[17]        La condition du sous-alinéa 167(5)(b)(iv) n’a pas été rencontrée et l’appel n’est pas raisonnablement fondé. Son seul motif d’appel est que les documents relatifs au litige ont été détruits lors d’un incendie. Dans de telles circonstances, il m’apparaît être illusoire que le requérant puisse rencontrer son fardeau de la preuve pour attaquer la validité des nouvelles cotisations. Le requérant a eu plusieurs occasions de le faire et il ne l’a pas fait.

[18]        Pour toutes ces raisons, la demande de prorogation de délai pour interjeter appel est rejetée.

Signé à Montréal, Canada, ce 29e jour de janvier 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 20

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-2361(IT)APP

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Faramarz Shabitai et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 19 août 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 29 janvier 2016

COMPARUTIONS :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour le requérant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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