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Dossier : 2013-492(IT)G

ENTRE :

ROBERT DASZKIEWICZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 6 novembre 2015, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

Charles Hayworth (stagiaire)

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

JUGEMENT

Pour les motifs du jugement ci-joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009 est rejeté.


L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 12e jour de février 2016.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 44

Date : 20160212

Dossier : 2013-492(IT)G

ENTRE :

ROBERT DASZKIEWICZ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

Aperçu

[1]             L’appelant, Robert Daszkiewicz, fait appel de la pénalité pour faute lourde qui lui a été imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») relativement à son année d’imposition 2009 et à une demande connexe de report rétrospectif de pertes aux années d’imposition 2006, 2007 et 2008. Un ami de l’appelant l’a présenté à une organisation qui a préparé les déclarations de revenus de l’appelant de façon à déduire des pertes d’entreprise fictives très importantes. Les pertes d’entreprises, si elles avaient été admises, auraient donné lieu au remboursement à l’appelant de tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2009. Le fait est que l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque type d’entreprise que ce soit durant la période d’imposition en cause. L’Agence du revenu du Canada (« l’ARC ») a rejeté les pertes et a pénalisé l’appelant conformément au paragraphe 163(2) de la Loi. La présente affaire vise seulement les pénalités imposées.


Contexte factuel

[2]             L’appelant a 53 ans. Il est né et a grandi en Pologne, puis il est arrivé au Canada en 1987. En Pologne, il a fréquenté une école de formation professionnelle, puis il est devenu mécanicien automobile. Il a toujours travaillé en tant que mécanicien d’entretien ou industriel depuis son arrivée au Canada. Il n’a jamais suivi de cours de finances, d’affaires, de comptabilité ou de fiscalité. Il n’a jamais rempli ses propres déclarations de revenus; il les faisait normalement faire par un spécialiste en préparation de déclarations de revenus près de chez lui et il payait des honoraires pour ce service qui s’élevaient habituellement à environ 50 $. Il a une expérience d’homme d’affaires limitée acquise il y a environ 13 ans, alors qu’il gérait une entreprise d’assistance routière. Cela n’a duré qu’environ un an. Il convient qu’il a fait la comptabilité et les déclarations de revenus de cette entreprise. Il convient qu’il comprenait les concepts fondamentaux de revenus et de dépenses.

[3]             Il y a environ 20 ans, l’appelant a rencontré un homme du nom de Paul Berry. M. Berry semblait être une personne agréable et les deux sont devenus amis. Les deux étaient propriétaires de bateaux et amarraient leurs bateaux à la même marina. L’appelant croyait que M. Berry travaillait dans le domaine des ventes industrielles. L’appelant pensait que M. Berry réussissait sur le plan financier – il avait un bateau dispendieux, une voiture de luxe et il vivait dans une maison que l’appelant a décrite comme un manoir.

[4]             À l’automne 2009, M. Berry a invité l’appelant à une réunion. Il y avait à la réunion un bon nombre d’amis de M. Berry que l’appelant ne connaissait pas. M. Berry leur a parlé d’un groupe appelé Fiscal Arbitrators (« FA »). On a dit à l’appelant que les membres de FA avaient travaillé à l’ARC et étaient experts en matière de préparation des déclarations de revenus et pour ce qui est de traiter avec les tribunaux. L’appelant était étonné de voir que M. Berry avait obtenu un remboursement d’impôt de 30 000 $ en recourant aux services de FA et cela a convaincu l’appelant de faire également appel aux services de FA.

[5]             Au printemps 2010, juste avant la période de production des déclarations, M. Berry a demandé à l’appelant de signer un accord avec FA (pièce A-1, onglet 2) dans lequel l’appelant convenait de retenir les services de FA en contrepartie d’honoraires initiaux de 500 $ plus 20 % de tous les remboursements (moins les honoraires initiaux de 500 $). Ces honoraires sont certainement beaucoup plus élevés que les honoraires payés par l’appelant par le passé pour l’établissement de ses déclarations de revenus. FA a établi la déclaration de revenus de l’appelant pour l’année 2009. Il est à noter que l’appelant n’a jamais rencontré la personne qui a établi la déclaration; il ne traitait qu’avec M. Berry.

[6]             L’appelant admet qu’il a signé sa déclaration de revenus de 2009, le 12 avril 2010 (pièce R-1, onglet 2). À la dernière page, juste au-dessus de la signature de l’appelant, on peut lire l’attestation habituelle selon laquelle le contribuable atteste que les renseignements fournis dans la déclaration et dans tous les documents joints sont exacts, complets et font pleinement état de tous ses revenus. Juste en dessous de sa signature, on peut lire que faire une fausse déclaration constitue une infraction grave. L’appelant a également signé une demande de report rétrospectif de pertes le 7 avril 2010 (pièce R-1, onglet 1), mais il allègue qu’il ne savait pas qu’il l’avait signée. Il est manifeste que l’appelant n’a pas pris la peine d’examiner ni de lire ces documents ou même d’y jeter un coup d’œil avant de les signer. Il n’a rien fait pour vérifier l’exactitude des renseignements inscrits dans sa déclaration de revenus. En fait, il n’a vraiment aucune connaissance de ce qui figurait dans sa déclaration de revenus. L’appelant n’a jamais posé de questions à M. Berry ou à FA, et ils n’ont jamais offert aucune explication quant à ce qui figurait dans sa déclaration. Ce n’est qu’en raison de la confiance que l’appelant avait en M. Berry qu’il a signé et produit sa déclaration de revenus. Il croyait qu’il n’y avait aucun risque à faire appel aux services de FA; il n’y avait que la promesse d’obtenir des remboursements plus élevés que d’habitude.

[7]             Si l’appelant avait pris la peine de jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil à sa déclaration de revenus et à sa demande de report rétrospectif de pertes, il aurait découvert des renseignements manifestement faux. Dans sa déclaration, l’appelant a déclaré un revenu d’entreprise brut de 78 813,80 $. Il a également déclaré des dépenses d’entreprise totales de 321 911,16 $ entraînant des pertes d’entreprise de 243 097,36 $. Toute cette information est absolument fausse. Le seul revenu important de l’appelant au cours de l’année d’imposition 2009 était un revenu d’emploi de 66 791,36 $. L’appelant n’a jamais possédé ou exploité d’entreprise en 2009 et il n’a jamais engagé les dépenses d’entreprise qui ont été déclarées. La préposition « par » apparaît devant sa signature à la fois dans la déclaration et dans la demande de report rétrospectif de perte. Il ignore qui a écrit « par » devant sa signature et à quoi cela renvoie. Il a demandé à M. Berry pourquoi ce mot était là et celui-ci a tout simplement répondu que c’était la bonne façon de signer. Il ignore tout simplement de quelle façon les montants inscrits dans sa déclaration de revenus ont été calculés. Il n’a pas remarqué que la case 490, qui est réservée à l’identification des spécialistes en préparation de déclarations de revenus, avait été laissée vide. L’appelant affirme qu’il ne savait pas vraiment combien d’argent on lui rembourserait, mais il pensait que ce serait peut-être environ 10 000 $. En fait, son remboursement pour 2009 était d’environ 15 500 $ – un montant considérable. Il convient que c’était le remboursement le plus important qu’il ait jamais eu. Il ne s’est pas demandé pourquoi il en était ainsi. L’appelant a déduit le montant de 66 791,36 $ de ses pertes d’entreprise de son revenu de 2009 et a demandé que le solde soit reporté et appliqué de façon rétrospective aux années d’imposition 2006, 2007 et 2008. Si ces pertes d’entreprise avaient été admises, tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2006 à 2009 lui aurait été remboursé. Il n’aurait payé aucun impôt pendant quatre ans – un résultat étonnant. L’appelant aurait reçu un remboursement d’environ 51 700 $ relativement à ces quatre années (pièce A-1, onglet 3, page 2). Il affirme qu’il n’en savait rien et qu’il ne savait pas non plus qu’il présentait une demande de report rétrospectif de pertes.

[8]             Le 16 juillet 2010, l’ARC a fait parvenir à l’appelant une lettre dans laquelle elle remet en question les pertes d’entreprise déclarées et lui demande une preuve documentaire (pièce R-1, onglet 3). C’était la première fois qu’il se rendait compte qu’il avait déclaré des pertes d’entreprise dans sa déclaration de revenus de 2009. Lorsque l’appelant a vu cette lettre, il s’est inquiété et a pensé qu’il y avait un problème. Il ne comprenait pas comment il avait pu déclarer une perte d’entreprise (une perte aussi considérable). Il n’avait fourni à FA aucune information qui permettrait de calculer un revenu ou des pertes d’entreprise puisqu’il n’avait pas d’entreprise. Il ne sait pas comment FA est arrivé à ces chiffres. Il dit qu’il n’avait pas connaissance de ces chiffres quand il a signé sa déclaration de revenus. Il a demandé une explication à M. Berry, mais n’en a obtenu aucune. L’appelant a tout simplement remis cette lettre à M. Berry qui l’a assuré que FA s’occuperait de tout et que ce n’était rien de grave. Ensuite, des lettres ont été envoyées de part et d’autre et, chaque fois que l’appelant recevait une lettre de l’ARC, il la remettait à M. Berry qui la transmettait prétendument à FA afin que celle-ci y réponde. Ces réponses, qui étaient apparemment rédigées par FA au nom de l’appelant, n’avaient aucun sens et ne répondaient nullement aux préoccupations soulevées par l’ARC (lettre datée du 4 août 2010 de la pièce R-1, onglet 4; lettre datée du 9 décembre 2010 de la pièce R-1, onglet 6, avis d’opposition daté du 26 avril 2011 de la pièce R-1, onglet 10). Ces réponses n’ont pas fait avancer la résolution du litige. L’appelant a témoigné qu’il avait commencé à avoir des doutes, mais, même si ces réponses qui avaient été rédigées en son nom par FA n’avaient aucun sens pour l’appelant, il faisait toujours confiance à FA.

[9]             Il a déclaré qu’il avait d’abord signé une renonciation selon laquelle il ne communiquerait pas directement avec l’ARC et que FA s’occuperait de tout. Il a tout fait conformément aux instructions de FA sans vérifier quoi que ce soit. Il a fait aveuglément confiance à M. Berry et à FA.

[10]        En 2012, M. Berry a convoqué une réunion. Environ huit autres personnes étaient présentes à cette réunion ainsi que Larry Watts, un représentant de FA. L’appelant a témoigné que cette réunion lui a essentiellement ouvert les yeux quant à la nature frauduleuse de ce que FA avait fait. M. Watts n’a parlé que de la façon de déclarer faillite, comment cacher son argent à l’étranger et il a employé [traduction] « des mots ridicules qui n’avaient aucun sens », pour citer l’appelant. C’est alors que l’appelant a réalisé qu’il avait fait une terrible erreur en retenant les services de FA.

[11]        L’appelant admet que la seule raison pour laquelle il a changé de spécialistes en préparation de déclarations de revenus, en retenant les services de FA à la suite de la recommandation de M. Berry, était d’obtenir des remboursements plus importants. Il croit que M. Berry travaillait avec ou pour FA puisque son nom apparaissait sur les documents que M. Berry lui présentait. Il ne connaît pas les titres de compétence de M. Berry, mis à part qu’il travaillait dans le domaine des ventes et il ne connaît pas les titres de compétence du personnel de FA ou de la personne qui a établi sa déclaration de revenus. En fait, il n’a jamais rencontré la personne qui avait établi sa déclaration de revenus. Avant que M. Berry lui ait recommandé FA, l’appelant n’en avait jamais entendu parler. Il n’a pas fait de recherches sur FA et n’a pas vérifié l’affirmation selon laquelle les membres de FA étaient d’anciens employés de l’ARC. Il n’a pas communiqué avec d’autres professionnels indépendants comme un autre spécialiste en préparation de déclarations de revenus connu, un comptable fiscaliste, un avocat fiscaliste ou un employé de l’ARC, ni demandé leur avis.

[12]        Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a rejeté les pertes d’entreprise déclarées et la demande de report rétrospectif de pertes, et a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’appelant s’est opposé à cette cotisation, mais le ministre l’a ratifiée, d’où l’appel devant la Cour.

[13]        L’appelant soutient qu’il ne savait pas que sa déclaration de revenus de 2009 comportait de faux renseignements. Il croyait sincèrement, en raison de la recommandation de M. Berry, un ami de confiance depuis 20 ans, que ce que FA avait fait était tout à fait sans reproche. Il croyait sincèrement qu’il avait droit à un remboursement d’impôt selon les conseils de M. Berry et que celui-ci avait lui-même reçu un remboursement important. Il a fait entièrement confiance à M. Berry et à FA, et il n’avait aucune raison de douter d’eux. Il ne devrait pas être passible de pénalités pour faute lourde parce qu’il s’est fié aux conseils d’un ami de confiance. Il fait valoir que le fait de s’en remettre aux conseils d’un ami de confiance réfute la conclusion d’une conduite coupable nécessaire pour l’imposition de pénalités pour faute lourde. S’en remettre aux conseils de quelqu’un en qui il avait confiance ne constituait pas un aveuglement volontaire ou une faute lourde. Il est injuste de punir l’appelant pour les méfaits de FA, car il est une innocente victime de la conduite frauduleuse de FA. Par conséquent, l’appelant demande à la Cour d’accueillir son appel avec dépens et de faire annuler les pénalités et les intérêts qui font l’objet du présent appel.

[14]        L’intimée est d’avis que l’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque entreprise que ce soit au cours de l’année d’imposition 2009 et que ses pertes d’entreprise qui ont été déclarées dans sa déclaration de revenus de 2009 et dans sa demande de report rétrospectif de pertes connexe sont évidemment fausses. Ces faux énoncés sont d’une telle ampleur qu’ils permettraient à l’appelant, s’ils étaient admis comme vrais, d’obtenir un remboursement de tout l’impôt payé ou retenu de 2005 à 2009. L’intimée soutient que l’appelant a sciemment fait les faux énoncés. Subsidiairement, l’appelant a fait ces faux énoncés, y a participé, consenti ou acquiescé, dans des circonstances équivalant à faute lourde. À tout le moins, l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire ou, sinon, a commis une faute lourde quant à la fausseté des énoncés fournis dans sa déclaration de revenus et la demande connexe relativement au report rétrospectif de pertes. L’intimée invite la Cour à rejeter l’appel avec dépens.

Dispositions législatives

[15]        Le paragraphe 163(2) de la Loi est libellé en partie comme suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

[16]        En vertu du paragraphe 163(3), le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

Analyse

[17]        L’avocat de l’appelant a fait beaucoup de recherches et a fourni un recueil de jurisprudence pour m’orienter. Voici les précédents cités dans son recueil : l’arrêt R. c. Hinchey, [1996] 3 RCS 1128; l’arrêt Udell v. MRN, [1969] C.T.C. 704 (C. de l’É.); la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL); la décision Dunleavy c. La Reine, [1993] A.C.I. no 78, 1 C.T.C. 2648 (CCI); la décision Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (QL), décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, [1996] A.C.F. no 82 (QL); l’arrêt R. c. Jorgensen, [1995] 4 RCS 55; la décision Carlson c. La Reine, [1997] A.C.I. no 1351, [1998] 2 C.T.C. 2476 (CCI); la décision 897366 Ontario Ltd. c. Canada, [2000] A.C.I. no 117 (QL); l’arrêt Findlay c. Canada, [2000] A.C.F. no 731 (QL); la décision Turcotte c. La Reine, 2002 CanLII 782, [2002] 2 C.T.C. 2806 (CCI); la décision Isaza c. La Reine, 2002 CanLII 777, [2002] 3 C.T.C. 2107 (CCI); la décision Therrien c. La Reine, 2002 CanLII 781, [2002] 3 C.T.C. 2141 (CCI); la décision 410812 Ontario Ltd. c. Canada, [2002] A.C.I. no 176 (QL); la décision McGhee v. The Queen, 2003 TCC 265; la décision Bernick c. La Reine, 2003 CCI 433, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2004 CAF 191; la décision Klotz c. La Reine, 2004 CCI 147; la décision St-Pierre c. Canada, [2002] A.C.I. no 613 (QL); la décision Julian c. La Reine, 2004 CCI 330; la décision Caron c. Canada, [2002] A.C.I. no 696 (QL); la décision Larouche c. La Reine, 2004 CCI 629; la décision Mark c. La Reine, 2006 CCI 35; la décision Hine c. La Reine, 2012 CCI 295; et la décision Murugesu c. La Reine, 2013 CCI 21.

[18]        L’avocat de l’intimée a également fourni un recueil de jurisprudence. Voici les précédents cités dans son recueil : la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL); l’arrêt Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20; la décision DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545; l’arrêt Panini c. Canada, 2006 CAF 224; la décision Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335; la décision Gélinas c. La Reine, 2009 CCI 136; la décision Chénard c. La Reine, 2012 CCI 211; la décision Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143; l’arrêt Mullen c. Canada, 2013 CAF 101; la décision Janovsky c. La Reine, 2013 CCI 140; la décision McLeod c. La Reine, 2013 CCI 228; la décision Brisson c. La Reine, 2013 CCI 235; la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2015 CAF 60; la décision Allison v. The Queen (4 février 2014), CCI, 2013-2144(IT)I; l’arrêt Guindon c. Canada, 2015 CSC 41; la décision Lavoie c. La Reine, 2015 CCI 228; et la décision Atutornu c. La Reine, 2014 CCI 174.

[19]        Je suis reconnaissant à la fois envers l’avocat de l’appelant et envers l’avocat de l’intimée pour la revue utile des précédents. Bien que je ne puisse pas renvoyer précisément à certains de ces précédents dans mes motifs du jugement, je peux dire que je les ai tous lus et pris en considération pour en arriver à ma décision.

[20]        Je fais remarquer en premier lieu que notre régime fiscal repose à la fois sur l’autocotisation et l’autodéclaration. Il repose sur l’honnêteté et l’intégrité du contribuable. Il est fondé sur un « système de confiance ». Le contribuable a le devoir de déclarer la totalité de son revenu imposable de manière correcte et exacte, peu importe qui prépare sa déclaration de revenus. Par conséquent, le contribuable doit être vigilant et s’assurer que les renseignements fournis dans sa déclaration sont complets et exacts. Le juge Martineau a déclaré dans la décision Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74, au paragraphe 11 : « Le régime fiscal repose sur l’autocotisation et l’autodéclaration, dont sont responsables les contribuables envers l’ARC. »

[21]        Dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, les juges Iacobucci et Major de la Cour suprême du Canada ont expliqué les responsabilités et les devoirs des contribuables, ainsi que quelques mesures prévues dans la Loi pour les encourager à s’y conformer :

49 Toute personne résidant au Canada au cours d’une année d’imposition donnée est tenue de payer un impôt sur son revenu imposable, calculé selon les règles prescrites par la Loi (LIR, article 2 [...]). Le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration : tous les contribuables sont tenus d’estimer le montant de leur impôt annuel payable (art. 151) et d’en informer l’ADRC dans la déclaration de revenus qu’ils sont tenus de produire (par. 150(1)) [...] Dès qu’il reçoit la déclaration de revenu d’un contribuable, le ministre l’examine « avec diligence », fixe le montant de l’impôt à payer ou celui du remboursement et envoie au contribuable un avis de cotisation à cet effet (par. 152(1) et (2)). Sous réserve de certaines restrictions, le ministre peut par la suite établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt du contribuable pour une année d’imposition (par. 152(4)).

50 Bien que l’observation volontaire de la loi et l’autocotisation constituent les éléments essentiels du régime réglementaire de la LIR, le système fiscal est doté de [traduction] « mécanismes de persuasion visant à inciter les contribuables à déclarer leurs revenus » [...]. Par exemple, pour favoriser l’aspect d’autodéclaration du régime, l’art. 162 de la LIR établit des peines pécuniaires pour les personnes qui omettent de produire leur déclaration de revenu. De même, pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans le cadre de l’autocotisation, l’art. 163 de la Loi prévoit le même type de pénalités pour les personnes qui omettent de façon répétée de déclarer un montant à inclure, qui sont complices d’un faux énoncé ou d’une omission ou qui commettent une faute lourde à cet égard.

51 Il découle des caractéristiques fondamentales de l’autocotisation et de l’autodéclaration que le succès de l’application du régime fiscal repose avant tout sur la franchise du contribuable. Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : « Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement. » Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’autodéclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi » [...].

[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]

[22]        Les pénalités prévues à l’article 163 de la Loi ont été établies pour assurer l’intégrité de notre régime d’autocotisation et d’autodéclaration, et pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans la préparation de sa déclaration de revenus, peu importe qui la prépare. Dans la décision Sbrollini c. La Reine, 2015 CCI 178, le juge Boyle de la Cour est d’avis que la disposition prévoyant une pénalité au paragraphe 163(2) de la Loi traduit ce qui suit :

15 […] [L]’importance des exigences d’honnêteté et de fidélité requises dans le cadre du régime fiscal canadien d’autodéclaration des revenus […].

16 De telles pénalités sont dûment payables par [le contribuable] s’il a délibérément, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations, ou y participe, y consent ou y acquiesce.

[23]        Par conséquent, je suis d’avis que la décision d’assujettir ou non un contribuable aux pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi doit être prise à la lumière des responsabilités et des devoirs imposés au contribuable par un régime d’autocotisation et d’autodéclaration, c’est-à-dire de déclarer des revenus complets et exacts.

[24]        Deux éléments doivent nécessairement être établis pour rendre un contribuable passible des pénalités prévues au paragraphe 163(2) :

a)       un faux énoncé dans une déclaration;

b)      le fait d’avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé ou d’y avoir participé, consenti ou acquiescé.

[25]        Il n’y a aucun doute que la déclaration de revenus de 2009 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif de pertes comportaient de faux énoncés. L’appelant n’a jamais possédé ni exploité quelque entreprise que ce soit au cours de cette année-là et ne pouvait donc pas avoir eu un revenu et des dépenses d’entreprise. Sa déclaration de pertes d’entreprise n’a aucun fondement en fait et est manifestement fausse.

[26]        J’arrive à la conclusion que l’appelant n’a pas sciemment fait de faux énoncés, car il ne savait pas ce qui figurait dans sa déclaration de revenus. Il admet qu’il n’a jamais examiné sa déclaration avant de la signer. Je suis convaincu, cependant, que la Couronne s’est acquittée du fardeau de preuve requis selon lequel l’appelant a fait de faux énoncés dans sa déclaration de revenus, y a participé, consenti ou acquiescé dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[27]        Il y a une différence entre la négligence ordinaire et la faute lourde. La négligence s’entend du défaut d’agir avec autant de soin que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente et minutieuse dans des circonstances semblables. La faute lourde implique une négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi; voir la décision Venne, précitée, au paragraphe 37. Dans la décision Venne, le juge Strayer de la Cour fédérale (Section de première instance) a déclaré que le paragraphe 163(2) constitue une disposition pénale à interpréter de manière stricte (cependant, voir l’arrêt Guindon, précité, où la Cour suprême du Canada a jugé que les pénalités pour faute lourde qui s’appliquent aux tiers en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi ne sont pas de nature criminelle, visant principalement l’observation des règles ou la réglementation de la conduite dans une sphère d’activité limitée – l’objectif étant de promouvoir l’honnêteté de ces tiers et de les dissuader de commettre une faute lourde). Les pénalités prévues doivent être imposées uniquement dans des affaires où il existe un degré élevé de faute impliquant la connaissance ou la mauvaise conduite insouciante. Ce paragraphe doit être appliqué de façon subjective au contribuable, en prenant en considération l’intelligence, l’éducation, l’expérience, etc. de ce dernier. Le juge Strayer a estimé que l’ignorance de la loi, qui n’était pas déraisonnable pour le contribuable en question et les circonstances particulières de l’affaire, peut être acceptable comme moyen de défense contre l’application des pénalités.

[28]        Dans la décision Farm Business Consultants, précitée, le juge Bowman (tel était alors son titre) de la Cour canadienne de l’impôt a déclaré au paragraphe 23 que l’expression « faute lourde », au paragraphe 163(2), sous-entendait une conduite caractérisée par un degré de négligence à ce point élevé qu’il frise l’insouciance. Dans un tel cas, une cour doit, même en appliquant une norme de preuve civile, étudier soigneusement la preuve et chercher un degré de probabilité supérieur à celui auquel on s’attendrait dans les situations où l’on cherche à établir le bien-fondé d’allégations moins sérieuses (paragraphe 28). L’imposition systématique de pénalités est à déconseiller; voir la décision 897366 Ontario, précitée, paragraphe 20.

[29]        Il est également bien établi que la faute lourde peut comprendre l’« ignorance volontaire ». Cette notion, bien connue en droit criminel, a été expliquée par le juge Cory de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hinchey, précité. Selon la règle, si une partie qui a des soupçons omet délibérément de se renseigner davantage parce qu’elle désire demeurer dans l’ignorance, elle est réputée être au courant. L’« ignorance volontaire » se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Il existe un soupçon que le défendeur a délibérément omis de transformer en connaissance certaine. Il « s’est fermé les yeux » ou a fait preuve d’« ignorance volontaire ». Selon le juge Sopinka de la Cour suprême du Canada, « [l]e fait de choisir délibérément d’ignorer une chose lorsqu’il y a des raisons de croire qu’un examen approfondi est nécessaire peut satisfaire à l’exigence en matière d’élément moral de l’infraction » (arrêt Jorgensen, précité).

[30]        La notion d’« ignorance volontaire » [aussi appelée « aveuglement volontaire »] s’applique aux affaires fiscales; voir les arrêts Villeneuve et Panini, précités. Dans l’arrêt Panini, le juge Nadon a clairement indiqué que la notion d’« aveuglement volontaire » est incluse dans la notion de « faute lourde », puisque cette expression est utilisée au paragraphe 163(2) de la Loi. Il a déclaré ce qui suit :

43 […] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

[31]        Il a été jugé que, pour établir la distinction entre la « négligence ordinaire » et la « faute lourde », il faut examiner plusieurs facteurs :

a)       l’importance de l’omission relative au revenu déclaré;

b)      la faculté du contribuable de découvrir l’erreur;

c)       le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente;

d)      l’effort réel de se conformer à la loi.

Aucun facteur n’est prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve (voir la décision DeCosta, précitée, au paragraphe 11; la décision Bhatti, précitée, au paragraphe 24; et la décision McLeod, précitée, au paragraphe 14).

[32]        Dans la décision Torres, précitée, le juge C. Miller de la Cour a mené un examen très approfondi de la jurisprudence touchant les pénalités pour faute lourde applicables en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il a résumé, au paragraphe 65, les principes directeurs à appliquer, à savoir :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)         La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi [...].

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)         Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration […] comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[33]        Cette liste n’est pas exhaustive. Il peut y avoir d’autres facteurs qui doivent être pris en considération en fonction des circonstances de chaque cas particulier.

[34]        Par conséquent, à mon avis, on peut conclure à la responsabilité relativement aux pénalités pour faute lourde prévues au paragraphe 163(2) de la Loi lorsque le contribuable a une connaissance réelle du faux énoncé figurant dans sa déclaration de revenus, fait preuve d’aveuglement volontaire quant à l’existence d’un faux énoncé ou fait preuve d’imprudence ou commet par ailleurs une faute lourde en faisant ce faux énoncé, en y participant, en y consentant ou en y acquiesçant.

[35]        En l’espèce, j’arrive à la conclusion que l’appelant n’a pas sciemment fait de faux énoncé. Il n’avait aucune connaissance de ce qui figurait dans sa déclaration de revenus de 2009 puisqu’il n’a jamais pris la peine de la consulter. Cependant, je suis convaincu qu’il a fait les faux énoncés ou y a consenti, participé ou acquiescé, dans des circonstances équivalant à faute lourde. J’en arrive à cette conclusion pour les motifs qui suivent.

[36]        L’appelant vit au Canada depuis près de 30 ans. Il a suivi une formation professionnelle et il est mécanicien qualifié. C’est une personne très agréable et affable qui a toujours occupé un emploi stable et qui travaille très dur pour gagner sa vie. Il a une compréhension de base des entreprises et des notions de profits et de pertes. Il a exploité sa propre entreprise pendant une courte période dont il tenait la comptabilité et produisait les déclarations de revenus. Bien qu’il ne soit des plus avertis, son éducation, son niveau intellectuel et son expérience de vie ne lui donnent pas le droit d’invoquer l’ignorance. Son niveau d’instruction, son expérience et son intelligence ne sont pas des considérations pouvant soustraire l’appelant à la conclusion qu’il a fait de faux énoncés dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[37]        De nombreux signes avant-coureurs auraient dû éveiller les soupçons de l’appelant et susciter en lui le besoin de se renseigner davantage :

a)       Le spécialiste en préparation de déclarations de revenus était auparavant inconnu du contribuable : bien que l’appelant et M. Berry se connaissent depuis 20 ans, l’appelant ne m’a pas dit grand-chose sur M. Berry, si ce n’est qu’il avait connu un grand succès dans le domaine des ventes industrielles. M. Berry n’était ni comptable, ni conseiller financier, ni spécialiste en préparation de déclarations de revenus. Pourtant, l’appelant lui a fait confiance pour qu’il lui donne des conseils fiscaux sans réserve. FA était auparavant inconnu de l’appelant. L’appelant ne savait rien à propos de FA, si ce n’est que M. Berry le lui avait recommandé. FA ne se composait pas de spécialistes en préparation de déclarations de revenus ou de conseillers financiers bien connus. La seule raison pour laquelle l’appelant a retenu les services de FA reposait sur la recommandation de M. Berry et sur l’affirmation de celui-ci selon laquelle FA lui obtiendrait des remboursements d’impôt importants. À part cette seule recommandation de M. Berry qui semblait recruter des clients pour FA, l’appelant n’a pas demandé d’autres références en vue de les vérifier. L’appelant n’a jamais rencontré la personne qui a produit sa déclaration de revenus; toute communication avec FA se faisait par l’intermédiaire de M. Berry. On peut se demander pourquoi un spécialiste en préparation de déclarations de revenus ne rencontrerait pas ses clients et ferait plutôt appel à un intermédiaire, ce que M. Berry était en fait. Il s’agit peut-être d’un moindre facteur, mais pris en considération avec tous les autres facteurs, il aurait dû inciter l’appelant à faire preuve d’un peu plus de diligence à l’égard de la légitimité de FA.

b)      Le barème des honoraires : FA a facturé des honoraires de 20 % du montant du remboursement d’impôt moins les frais de 500 $ payés pour l’examen initial. L’appelant lui-même a témoigné qu’il s’attendait à un remboursement d’environ 10 000 $, donc les frais à payer à FA auraient été de 2 000 $, bien au-delà des honoraires habituels de 50 $ qu’il avait payés auparavant au spécialiste en préparation de déclarations de revenus de son quartier. En fait, le remboursement pour l’année 2009 était de l’ordre de 15 000 $ et le remboursement total prévu à la suite du report rétrospectif de pertes était de l’ordre de 52 000 $, entraînant des honoraires de plus de 10 000 $ (pièce A-1, onglet 3, page 2). Ces honoraires étaient exorbitants étant donné que FA ne faisait que remplir des formulaires selon le peu de renseignements que l’appelant lui aurait fournis. Cela aurait dû être un signal d’alarme pour l’appelant.

 c)      L’absence d’explications du spécialiste en préparation de déclarations de revenus : aucune explication n’a été fournie par M. Berry ou par FA à l’appelant concernant l’établissement de sa déclaration de revenus. Un vrai professionnel se serait assuré que ses clients comprennent la portée et le bien-fondé de sa démarche. Personne n’a pris le temps d’expliquer à l’appelant ce qui avait été fait. On a tout simplement dit à l’appelant de signer à l’endroit indiqué. En outre, l’appelant n’a jamais cherché à savoir ce qui figurait dans sa déclaration; il est clair qu’il ne se souciait pas de le savoir et qu’il s’en remettait tout simplement à l’affirmation de M. Berry et de FA selon laquelle tout allait bien. Un contribuable raisonnable et diligent serait au moins curieux et voudrait savoir, et comprendre, ce que son spécialiste en préparation de déclarations de revenus avait fait. Au lieu de cela, l’appelant a préféré rester dans une ignorance béate et n’a rien souhaité savoir. Il ne s’intéressait qu’à l’obtention d’un remboursement important.

d)      L’importance de l’avantage : l’appelant a cru qu’il obtiendrait un remboursement de 10 000 $ pour l’année d’imposition 2009. Il affirme qu’il ne connaissait pas le montant réel du remboursement. Je trouve cette affirmation difficile à accepter puisque le montant du remboursement figurait à proximité de l’espace où il a signé sa déclaration et il aurait été évident pour toute personne qui n’aurait jeté qu’un simple coup d’œil à la page de la déclaration où la signature doit être apposée. En vérité, son remboursement était d’environ 15 000 $ pour cette année-là, soit plus que toutes les retenues d’impôt à la source. Son remboursement total aurait été d’environ 52 000 $ si sa demande de report rétrospectif de pertes avait été accueillie. Il n’aurait payé aucun impôt de 2006 à 2009. L’appelant reconnaît que le remboursement de 10 000 $ auquel il s’attendait était supérieur à tout ce qu’il avait reçu par le passé. Pourtant, il n’a jamais cherché à savoir pourquoi son remboursement devait être si élevé. Il n’a jamais demandé comment il se faisait que FA puisse obtenir un remboursement aussi généreux alors que son ancien spécialiste en préparation de déclarations de revenus ne le pouvait pas. Sa situation financière n’avait changé en rien. Il a continué à ne gagner qu’un revenu d’emploi et à ne percevoir qu’une petite somme de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. Qu’a découvert FA et qu’est-ce qui a échappé à ses anciens spécialistes en préparation de déclarations de revenus? L’importance de cet avantage était un signal d’alarme d’une évidence aveuglante qui aurait dû motiver l’appelant à remettre en cause les agissements de son spécialiste en préparation de déclarations de revenus.

e)       Les faux énoncés flagrants et facilement décelables : les pertes d’entreprise indiquées dans la déclaration étaient considérables, s’élevant à environ 243 000 $. Cette information était d’une fausseté flagrante. L’appelant affirme qu’il n’en savait rien parce qu’il n’a pas vu cette information. Cependant, il est évident que la fausse information était facilement décelable et aurait été vue par l’appelant s’il avait pris la peine de jeter ne serait-ce qu’un coup d’œil à sa déclaration de revenus. Il a décidé de ne pas examiner sa déclaration et de ne pas savoir ce qui y figurait. Cet autre facteur flagrant démontre une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

f)       L’absence d’attestation du spécialiste qui a préparé la déclaration de revenus : la case 490 de la déclaration de revenus est réservée à l’identification du spécialiste en préparation de déclarations de revenus qui a préparé la déclaration. Elle est vide. L’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’a pas remarqué la case 490 est difficile à accepter, car la case est située juste à côté de sa signature, à la dernière page de la déclaration. Il doit l’avoir vue et aurait dû se demander pourquoi FA ne souhaitait pas s’identifier auprès de l’ARC. Si l’appelant n’a vraiment pas vu la case, c’est qu’il a fait preuve de négligence puisqu’il ne s’est pas donné la peine d’examiner sa déclaration.

g)       Défaut de demander des renseignements à d’autres professionnels ou à l’ARC : L’appelant n’a pas reçu d’explications de la part de M. Berry ou de FA. Il ne s’est renseigné ni auprès de M. Berry ni auprès de FA pour comprendre sa déclaration de revenus. Il n’a pas non plus demandé de conseils à un comptable fiscaliste, à un avocat fiscaliste, à ses anciens spécialistes en préparation de déclarations de revenus ni à un autre spécialiste en préparation de déclarations qu’il connaissait, ni même à l’ARC. Il a simplement choisi de ne pas s’informer. Il a non seulement continué de faire béatement fi du contenu de sa déclaration, mais également de ses obligations et de ses responsabilités en vertu de la Loi.

h)      L’effort réel de se conformer à la Loi : je suis d’avis que l’appelant n’a fait aucun effort pour se conformer à la Loi. Ma conclusion est certainement appuyée par sa conduite a posteriori. Lorsqu’il a reçu une lettre de l’ARC qui remettait en cause ses pertes d’entreprise, plutôt que de répondre directement à l’ARC et de réprimander son spécialiste en préparation de déclarations, il a remis la lettre à M. Berry qui l’a transmise à FA. FA a rédigé une réponse n’ayant aucun sens pour l’appelant ou pour qui que ce soit d’autre. Il l’a pourtant envoyée à l’ARC. L’appelant explique qu’il a signé une renonciation, qu’il était obligé de remettre toute correspondance de l’ARC à FA et qu’il ne devait pas communiquer personnellement avec l’ARC. Je ne peux pas accepter ce fait. À la réception de la première lettre de l’ARC, il devait savoir que FA avait fait quelque chose de vraiment répréhensible; il n’avait plus aucune raison de lui faire confiance. Malgré cela, il a continué de participer à des pratiques obstructionnistes que prônait FA. Sa conduite a posteriori est une indication de son état d’esprit dans toute cette affaire; voir le paragraphe 7 de l’arrêt Mullen, précité, en ce qui a trait à la conduite a posteriori.

Tous les facteurs qui précèdent auraient dû amener l’appelant à se poser des questions au sujet de FA et à se demander ce qui se passait. Cependant, il ne l’a pas fait. En réalité, il n’a rien fait. Il a choisi de rester dans une ignorance béate et a plutôt préféré faire confiance entièrement et inconditionnellement à M. Berry et à FA. À mon avis, le fait d’avoir refusé de se renseigner, même de manière générale, est non seulement une preuve d’aveuglement volontaire, mais aussi une conduite équivalant à faute lourde.

[38]        L’appelant soutient qu’il est l’innocente victime de personnes en qui il avait confiance. Il connaissait M. Berry depuis 20 ans. Il considérait M. Berry comme un homme qui avait beaucoup de succès et il avait confiance en ses conseils, même si M. Berry n’était pas comptable fiscaliste, avocat fiscaliste, conseiller financier ou spécialiste en préparation de déclarations de revenus. L’appelant soutient qu’il croyait honnêtement que ce que faisaient M. Berry et FA était parfaitement légal. Dans certains cas, un contribuable peut faire porter le blâme à des professionnels négligents ou malhonnêtes auxquels il a accordé sa confiance. Par exemple, dans l’affaire Lavoie, précitée, les contribuables se fiaient à un avocat qu’ils connaissaient depuis plus de 30 ans, un ami digne de confiance. Dans la même veine, dans la décision Hine, précitée, c’est la conjointe du contribuable qui produisait sa déclaration de revenus. Il exerçait des activités d’« achat et revente de maisons ». Malheureusement, sa conjointe avait omis de déclarer des revenus importants à la suite d’une double comptabilisation de la déduction hypothécaire résultant de la réception tardive de l’état de compte en fiducie de leur avocat. L’ARC a rejeté la déduction et a imposé des pénalités pour faute lourde prévues au paragraphe 163(2) de la Loi. Le juge Hershfield de la Cour a jugé que, dans les circonstances particulières de cette affaire, le contribuable n’avait pas commis de faute lourde ni fait preuve d’aveuglement volontaire en s’en remettant à sa conjointe pour produire sa déclaration de revenus. En outre, l’erreur commise en ne déclarant pas tous les revenus découlait d’une confusion honnête de la part de la conjointe et non pas d’une faute lourde. L’avocat de l’appelant a également fourni d’autres exemples de précédents dans lesquels on a jugé qu’un contribuable ne devait pas être passible de pénalités pour faute lourde lorsqu’il s’est honnêtement fié à un conseiller financier, à un spécialiste en préparation de déclarations de revenus, à un ami ou à un membre de sa famille en qui il avait confiance (voir la décision Mark, précitée, aux paragraphes 18 et 19; l’arrêt Findlay, précité, au paragraphe 27 et la décision Hine, précitée, aux paragraphes 9, 35, 42 et 51 (confiance en sa conjointe)). L’avocat de l’appelant souligne également des précédents selon lesquels un contribuable ne doit pas être tenu personnellement responsable d’infractions de nature pénale commises par une autre personne occupant la position de mandataire (voir l’arrêt Udell, précité, au paragraphe 44 (confiance en son comptable); la décision Murugesu, précitée, aux paragraphes 54 et 55 (nouvel arrivant ayant choisi un comptable recommandé par des membres de sa communauté); la décision Klotz, précitée, aux paragraphes 70 et 72 (confiance en son conseiller financier)). L’avocat de l’appelant fait également valoir de façon vigoureuse que lorsqu’un contribuable croît honnêtement, mais à tort, que ce qu’il a fait est correct, il ne peut être passible de pénalités pour faute lourde. Il soutient que le fait de s’être fié à un conseiller de confiance réfute toute conclusion d’aveuglement volontaire, car un contribuable ne se pose pas de questions au sujet de ce qu’il croit et il ne se sentirait pas obligé de vérifier ce dont il ne doute pas (voir la décision Larouche, précitée, aux paragraphes 25 et 26; la décision McGhee, précitée, au paragraphe 27; la décision Dunleavy, précitée, au paragraphe 50; et la décision Carlson, précitée, aux paragraphes 33 et 36).

[39]        Cependant, on peut citer de nombreuses décisions où les contribuables n’ont pu échapper à des pénalités pour faute lourde parce qu’ils ont fait aveuglément confiance à leur spécialiste en déclarations sans au moins prendre quelques mesures pour vérifier l’exactitude des renseignements qui figuraient dans leurs déclarations de revenus. Indépendamment de l’aveuglement volontaire, les contribuables qui ne prennent aucune mesure pour s’assurer que les renseignements figurant dans leurs déclarations de revenus sont exacts et complets peuvent par conséquent être passibles de pénalités pour faute lourde.

[40]        Dans la décision Gingras c. La Reine, [2000] A.C.I. no 541 (QL), les appelants ont affirmé avoir toujours agi de bonne foi et avoir cru que l’entreprise de leur spécialiste en préparation de déclarations de revenus était responsable et fiable, ajoutant qu’ils avaient peu, ou n’avaient pas, de connaissances en matière fiscale. Le juge Tardif a écrit :

19 Le fait d’avoir recours à un expert ou à quelqu’un qui se présente comme tel, n’excuse en rien la responsabilité de ceux qui attestent, par leur signature, la véracité de leur déclaration.

20 Les appelants ont signé une déclaration de revenus qui contenait des renseignements faux et mensongers et ne peuvent prétendre que cela a été fait à leur insu. Ils avaient l’obligation de s’assurer que toutes les informations et renseignements contenus dans leur déclaration étaient véridiques. Dans l’hypothèse où la théorie soumise par Ratelle [le spécialiste en préparation de déclarations de revenus], à l’effet que tout contribuable avait droit, une fois durant sa vie, à une exemption totale d’impôt, ce qui n’est pas le cas, cela ne leur permettait pas ni ne justifiait pour autant de soumettre de faux énoncés pour se prévaloir du supposé privilège.

Le juge Tardif a également écrit :

30 L’imputabilité des faux renseignements fournis dans une déclaration de revenus incombe au signataire de la dite (sic) déclaration et non au mandataire qui l’a complété (sic), peu importe ses compétences ou qualifications.

31 En matière de pénalités, le fardeau de la preuve incombe à l’intimée. La prépondérance de la preuve soumise a largement établi que les appelants avaient soumis dans leur déclaration respective des faux énoncés importants ayant des effets significatifs sur leur fardeau fiscal. Il s’agissait d’éléments dont ils ne pouvaient pas ignorer la fausseté. Le Tribunal peut comprendre que les contribuables puissent être incapables, inexpérimentés et incompétents quand vient le temps de préparer leur déclaration de revenus. Par contre, il est tout à fait répréhensible d’attester par sa signature que les renseignements fournis sont exacts alors que l’on sait ou devrait savoir qu’elle contient de faux énoncés. Un tel comportement est suffisant pour conclure à une faute lourde justifiant l’imposition des pénalités applicables.

[Non souligné dans l’original.]

[41]        Dans la décision DeCosta, précitée, le juge en chef Bowman a affirmé :

12 […] Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l’on peut dire que l’appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l’omission d’un montant qui représente presque le double du montant qu’il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au-delà du simple manque d’attention.

[42]        Dans la décision Laplante, précitée, l’appelant, tout comme en l’espèce, n’a pas consulté sa déclaration de revenus avant de la signer. Cela a été considéré comme une faute lourde. Le juge Bédard a écrit :

15 De toute façon, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout ses déclarations de revenus avant de les signer) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjoratif (sic). L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. L’appelant n’a‑t‑il pas admis que, s’il avait examiné ses déclarations de revenus avant de les signer, il aurait nécessairement décelé les nombreux faux énoncés qui y apparaissaient, énoncés qui auraient été faits par monsieur Cloutier? L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenus, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main les responsabilités, les devoirs ou les obligations que lui impose la Loi. En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur ses déclarations de revenus avant de les signer, d’autant plus qu’en l’espèce il a admis que cet examen rapide lui aurait permis de déceler les faux énoncés que son comptable avait faits.

[Non souligné dans l’original.]

[43]        Dans la décision Brown c. La Reine, 2009 CCI 28, le juge Bowie a affirmé :

20 Par ailleurs, pour ce qui est des pénalités pour faute lourde imposées à l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’appelant a lui-même clairement affirmé au début de son témoignage qu’il n’avait jamais porté attention aux revenus et aux dépenses indiqués dans les déclarations pour les quatre années en cause lorsqu’il les signait. L’appelant a dit qu’il conservait ses dossiers, préparait des tableaux de ventilation à partir de ses dossiers et qu’il donnait les tableaux à une spécialiste en déclarations de revenus, qui se servait des documents qu’elle recevait de l’appelant pour préparer les déclarations de revenus de ce dernier. La spécialiste n’a pas témoigné, mais, si l’on se fie à la version des faits de l’appelant, il reste que l’appelant était quand même tenu d’examiner ses déclarations de revenus avant de les signer et de les produire auprès du ministre. La déclaration que le contribuable fait lorsqu’il signe sa déclaration de revenus est ainsi rédigée :

J’atteste que les renseignements donnés dans cette déclaration et dans tous les documents annexés sont exacts, complets et révèlent la totalité de mes revenus [...]

Le fait de signer une déclaration de revenus et de faire, par le fait même, la déclaration précitée sans même vérifier le contenu de la déclaration – ce qu’a fait l’appelant, si j’ai bien compris son témoignage – constitue, à lui seul, une faute lourde qui justifie l’imposition des pénalités.

[Non souligné dans l’original.]

[44]        Dans la décision Gélinas, précitée, le juge Bédard a écrit :

11 À mon avis, l’appelant a aussi commis une faute lourde en 2004. En effet, je suis d’avis que la négligence de l’appelant (soit le fait de ne pas examiner du tout sa déclaration avant que son comptable ne la fasse parvenir à l’Agence des douanes et du revenu du Canada) était assez grave pour justifier l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjorative. L’attitude de l’appelant était si cavalière en l’espèce qu’elle traduisait une indifférence totale au respect de la Loi. Si l’appelant avait examiné sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004, il aurait nécessairement décelé le faux énoncé qui y apparaissait (énoncé qui aurait été fait par son comptable) compte tenu de l’ordre de grandeur des revenus non déclarés et des autres facteurs analysés ci-haut. L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenu, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main ses responsabilités, les devoirs et les obligations que lui impose la Loi. En l’espèce, la Loi imposait au minimum à l’appelant l’obligation de jeter un coup d’œil sur sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004 avant que son comptable ne l’expédie, d’autant plus qu’en l’espèce un examen rapide lui aurait permis, à mon avis, de déceler le faux énoncé que son comptable aurait fait.

[Non souligné dans l’original.]

[45]        Dans la décision Brochu c. La Reine, 2011 CCI 75, la Cour a confirmé les pénalités pour faute lourde imposées à une contribuable qui s’était simplement fiée aux déclarations de sa comptable selon qui tout était en règle. La contribuable a dit avoir feuilleté brièvement sa déclaration de revenus et a prétendu ne pas comprendre les termes « revenus d’entreprise » et « crédit », mais elle n’a pourtant posé aucune question à sa comptable ni à qui que ce soit d’autre pour s’assurer que ses revenus et ses dépenses étaient correctement comptabilisés. De l’avis du juge Favreau de la Cour, la contribuable a été négligente parce qu’elle n’avait pas songé à la nécessité de s’informer, ce qui constitue une faute lourde.

[46]        Dans la décision Janovsky, précitée, la juge V.A. Miller a déclaré :

22 L’appelant dit avoir passé en revue sa déclaration avant de la signer et ne pas avoir posé de questions. Il a déclaré qu’il faisait confiance aux FA car il s’agissait d’experts en fiscalité. Cette déclaration est, selon moi, peu vraisemblable. Il a assisté à une seule réunion avec les FA en 2009. Il n’avait jamais entendu parler de ces derniers auparavant et, pourtant, entre la réunion qu’il a eue avec eux et la production de sa déclaration en juin 2010, il n’a jamais posé de questions sur les FA. Il n’a mis en doute ni leurs titres de compétence ni leurs prétentions. Dans son désir de toucher un remboursement élevé, l’appelant n’a pas essayé de se renseigner sur eux.

23 Compte tenu du niveau d’instruction de l’appelant et de l’ampleur du faux énoncé qu’il a fait dans sa déclaration de 2009, je suis d’avis que l’appelant savait que les montants indiqués dans sa déclaration étaient faux.

24 Si je me trompe et si l’appelant n’a pas fait sciemment ce faux énoncé, je conclus dans ce cas qu’il a fait montre d’aveuglement volontaire. S’il est vrai qu’il ne comprenait pas la terminologie qu’ont utilisée les FA dans sa déclaration ni la façon dont les FA avaient calculé ses dépenses, il avait dans ce cas le devoir de se renseigner auprès de personnes étrangères aux FA. Dans un régime d’autocotisation tel que le nôtre, l’appelant avait le devoir de s’assurer que son revenu et ses dépenses étaient correctement déclarés. Notre régime d’imposition est fondé sur un système d’autodéclaration et d’autocotisation, et son succès dépend de l’honnêteté et de l’intégrité des contribuables : R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627. L’attitude cavalière de l’appelant témoigne d’un tel degré de négligence ou d’aveuglement volontaire qu’elle doit être qualifiée de faute lourde : Chénard c. La Reine, 2012 CCI 211.

[Non souligné dans l’original.]

[47]        Dans la décision Bhatti, précitée, le juge C. Miller a fait remarquer ce qui suit :

30 […] Il est tout simplement insuffisant d’affirmer ne pas avoir vérifié ses déclarations. Confier aveuglément ses obligations à quelqu’un d’autre sans même une vérification minimale de l’exactitude de la déclaration va au-delà de l’imprudence. Donc, même si elle n’a pas sciemment omis de déclarer le revenu, elle a certainement adopté l’attitude cavalière du laisser-aller. […]

[48]        Un autre exemple récent est donné dans la décision Atutornu, précitée, où les contribuables se sont simplement et aveuglément fiés aux conseils de leur spécialiste en préparation de déclarations de revenus sans lire ni examiner leurs déclarations et sans faire aucun effort pour vérifier l’exactitude de leurs déclarations. Le juge Jorré a conclu que les pénalités pour faute lourde imposées en vertu du paragraphe 163(2) étaient appropriées dans les circonstances.

[49]        Dans la décision Torres, précitée, une décision qui fait jurisprudence en la matière et que connaît bien l’avocat de l’appelant, les contribuables étaient convaincus que le groupe FA était composé d’anciens fonctionnaires de l’ARC qui étaient des professionnels et qui savaient ce qu’ils faisaient. Les contribuables croyaient que FA était un groupe légitime et ils lui ont tous confié la préparation de leurs déclarations de revenus. FA a convaincu ces contribuables de participer à une escroquerie identique à celle en l’espèce. Tous les contribuables étaient sûrs d’avoir droit aux remboursements qu’ils réclamaient. Ils en avaient été complètement et totalement persuadés par de parfaits escrocs. L’ARC a rejeté les pertes d’entreprise qu’ils avaient déclarées et leur a imposé des pénalités pour faute lourde. Le juge C. Miller a rejeté leur appel même si les contribuables « avaient tous accordé une confiance inébranlable à des représentants du groupe Fiscal Arbitrators qui devaient établir leurs déclarations de revenus de telle sorte qu’elles génèrent les remboursements escomptés ». Bien que les contribuables étaient crédibles, qu’ils ont cru que FA agissait dans la légalité et qu’ils ont fait confiance à FA, le juge C. Miller a conclu qu’ils ont tous fait preuve d’aveuglement volontaire et a rejeté leur appel des pénalités pour faute lourde. L’appel de cette décision à la Cour d’appel fédérale a été rejeté.

[50]        Il m’est difficile de voir comment je pourrais distinguer le cas de l’appelant de celui de l’un ou l’autre des contribuables dans l’affaire Torres.

Conclusion

[51]        Il ne fait aucun doute que la déclaration de revenus de 2009 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif de pertes comportaient de faux énoncés, étant donné que l’appelant n’exploitait aucune entreprise et qu’il n’a subi absolument aucune perte d’entreprise. Dans les circonstances en l’espèce, je suis d’avis que l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire ou qu’il a commis une faute lourde en faisant de faux énoncés dans sa déclaration de revenus, en y participant, en y consentant ou en y acquiesçant. Il s’est contenté de laisser FA s’occuper de tout et ne s’est pas soucié de savoir ce que FA avait fait en remplissant sa déclaration de revenus. Il n’a pas pris la peine de se renseigner. Il a tout simplement signé sa déclaration là où on lui a dit de signer, sans y jeter un coup d’œil. Ce faisant, il a attesté qu’elle contenait des renseignements complets et exacts, ce qui n’était pas le cas. Il avait le devoir de remplir sa déclaration avec soin et exactitude, mais il a failli à ce devoir en ne faisant absolument aucun effort pour vérifier l’exactitude et l’intégralité des renseignements inscrits dans sa déclaration de revenus. S’il avait fait ne serait-ce que le moindre effort, il aurait rapidement et facilement découvert les renseignements manifestement faux qui figuraient dans la déclaration de revenus. Non seulement a-t-il été négligent, mais il a commis une faute lourde. L’appelant est donc à juste titre assujetti aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[52]        L’appel est rejeté pour l’ensemble des motifs qui précèdent. L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 12e jour de février 2016.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de septembre 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 44

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-492(IT)G

INTITULÉ :

ROBERT DASZKIEWICZ c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 novembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 février 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

Charles Hayworth (stagiaire)

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

Me Jeffrey Radnoff

 

Cabinet :

DioGuardi Tax Law

Mississauga (Ontario)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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