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Dossier : 2013-3484(EI)

ENTRE :

KASSEM MAZRAANI,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS INC.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu les 11 et 12 mai ainsi que les 1er, 2, 15 et 16 juin 2015 à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Pierre Archambault


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me Emmanuel Jilwan

Avocat de l’intervenante :

Me Yves Turgeon

 

JUGEMENT

L’appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») est accueilli et la décision du ministre du Revenu national, en date du 1er août 2013, est modifiée au motif que l’appelant occupait un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi du 10 avril 2012 au 23 novembre 2012, alors qu’il travaillait pour l’intervenante.

L’intervenant doit verser à l’appelant des dépens de 2 000 $.

Signé ce 12e jour d’avril 2016.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2016 CCI 65

Date : 20160412

Dossier : 2013-3484(EI)

ENTRE :

KASSEM MAZRAANI,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS INC.,

intervenante.


[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Archambault

Fondée en 1892, l’Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc. [Industrielle Alliance, IA, ou la compagnie] est une société d’assurance de personnes dont la mission première est d’offrir à ses assurés et à leurs bénéficiaires une protection en cas de décès, d’invalidité et de maladie et de les aider à atteindre une autonomie financière en vue de la retraite ou de réaliser des projets spéciaux.

Pour s’acquitter de cette mission, l’Industrielle Alliance offre une gamme variée de produits d’assurance vie et maladie, d’épargne et de retraite, de REER, de fonds mutuels et de fonds distincts, de valeurs mobilières, d’assurance auto et habitation, de prêts hypothécaires ainsi que d’autres produits et services financiers. Elle est réputée pour le service personnalisé offert par ses agents professionnels, qui sont attentifs aux besoins toujours changeants de leurs clients.

Quatrième société d’assurance de personnes en importance au Canada, l’Industrielle Alliance est à la tête d’un grand groupe financier, présent dans toutes les régions du pays, de même qu’aux États-Unis.

L’Industrielle Alliance . . . emploie plus de 3 700 personnes, et administre et gère un actif de plus de 70 milliards de dollars.[1]

[Non souligné dans l’original.]

I. QUESTION EN LITIGE

[1]             Le litige dans le présent appel est de savoir si l’un de ses agents professionnels, M. Mazraani, était un employé de la compagnie entre le 10 avril 2012 et le 23 novembre 2012 (période pertinente).[2] M. Mazraani interjette appel[3] d’une décision du ministre du Revenu national (ministre) concernant l’assurabilité de son emploi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).[4] Étant donné que le contrat a été conclu dans la province de Québec, la solution à ce litige sera différente selon que M. Mazraani travaillait en vertu d’un contrat de travail conformément à l’article 2085 du Code civil du Québec (Code civil ou C.c.Q.)[5] ou qu’il était entrepreneur indépendant en vertu d’un contrat d’entreprise ou de service conformément à l’article 2098 du C.c.Q.[6]

II. HYPOTHÈSES DU MINISTRE ET ADMISSIONS

[2]             Le ministre a conclu que M. Mazraani n’occupait pas un emploi assurable. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 5 de la réponse à l’avis d’appel :

a)      le payeur est une compagnie de services financiers et d’assurance de personnes dont la principale activité est la vente de produits d’assurance-vie, invalidité et maladie; (admis)

b)      le siège social du payeur est situé dans la ville de Québec et il compte plusieurs succursales un peu partout dans la province de Québec; (admis)

c)      dans la province de Québec, l’industrie des services financiers et de l’assurance est réglementée par l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF »); (admis)

d)      pour vendre de l’assurance et d’autres produits financiers connexes au Québec, les personnes et les compagnies doivent détenir une licence valide de l’AMF; (admis)

e)      l’appelant a été engagé par le payeur en tant que conseiller financier en avril 2012; (admis)

f)      avant de travailler pour le payeur, l’appelant avait déjà travaillé pendant plusieurs années comme planificateur financier auprès d’une autre importante compagnie d’assurance; (admis)

g)      au moment de son embauche par le payeur, la licence de l’AMF de l’appelant était inactive; (admis)

h)      entre le 3 avril 2012 et le 7 juin 2012, l’appelant a assisté à un cours de formation obligatoire offert par le payeur à raison de deux heures par jour, trois jours par semaine; (admis)

i)       pour satisfaire aux exigences réglementaires et réactiver sa licence de l’AMF, l’appelant devait terminer ce cours de formation; (rejeté)

j)       l’appelant n’a pas reçu de rémunération pour avoir assisté à ce cours de formation et l’avoir terminé; (rejeté)

k)      le 3 mai 2012, l’appelant et le payeur ont conclu un contrat écrit portant la date d’entrée en vigueur du 30 avril 2012; (admis)

l)       entre autres, ce contrat prévoyait que :

i.       L’appelant était autorisé à faire de la sollicitation et à obtenir des demandes pour les divers contrats et services financiers offerts directement ou indirectement par le payeur; (admis)

ii.      L’appelant était responsable de toute somme engagée par le payeur ou un client ou due au payeur ou à un client en raison d’une erreur, de négligence, de fraude, de malhonnêteté de sa part ou de l’un de ses mandataires; (admis)

iii.     L’appelant était rémunéré à même un « fonds » mis sur pied par le payeur; (rejeté)

iv.     L’appelant recevait une rémunération hebdomadaire sous la forme d’avances sur le solde de ce fonds; (admis)

v.      On obtenait le solde de ce fonds en calculant les commissions et bonis versés à l’appelant, moins les charges, les avances hebdomadaires et autres frais, dépenses et engagements faits dans l’exécution de ses tâches; (admis)

vi.     L’appelant resterait redevable au payeur après la cessation du contrat de tout solde négatif dans ce fonds; (rejeté)

vii.    L’appelant était un entrepreneur indépendant et le contrat précisait qu’il ne doit pas être interprété comme établissant une relation employeur-employé entre lui et le payeur; (rejeté)

viii.   L’appelant a convenu de payer toutes les dépenses engagées dans l’exercice de ses fonctions, y compris mais sans s’y limiter ce qui suit :

-          obtenir ou renouveler les licences nécessaires à l’exercice de ses fonctions; (admis)

-          obtenir ou renouveler une assurance de responsabilité civile professionnelle; (admis)

-          les cotisations à des associations professionnelles ou autres; (admis)

-          son lieu d’affaires, y compris les frais de secrétariat et les fournitures; (admis)

-          les systèmes d’information, les appels interurbains et les télécopies; (admis)

-          les déplacements, la sollicitation et la publicité; (admis)

-          la formation et le perfectionnement; (rejeté)

ix.     L’appelant n’était pas autorisé à faire ce qui suit :

-          lier le payeur par une promesse ou une entente; (admis)

-          engager une responsabilité, quelle qu’elle soit, au nom du payeur; (admis)

-          accepter un risque au nom du payeur; (admis)

-          engager le payeur envers quelque relation que ce soit; (admis)

-          utiliser des brochures, publicités ou documents imprimés portant le nom ou le logo du payeur qui n’avaient pas été approuvés au préalable par écrit par le payeur; (admis)

m)     Dans une lettre du payeur en date du 27 avril 2012, l’appelant a également été informé que son contrat d’agent serait résilié s’il ne recevait aucune rémunération pendant cinq semaines consécutives; (rejeté)

n)      L’appelant était affilié à la succursale du payeur située à Ville LaSalle; (admis)

o)      Les tâches de l’appelant consistaient à solliciter et obtenir des demandes de produits d’assurance du payeur de la part de clients éventuels; (admis)

p)      L’appelant fixerait des rendez-vous au téléphone avec des clients éventuels et les rencontrerait afin de leur présenter et de leur vendre les produits offerts par le payeur ou d’autres compagnies affiliées; (admis)

q)      Souvent, ces rencontres se déroulaient dans la résidence du client; (rejeté)

r)       L’appelant avait accès à un cubicule à la succursale de Ville LaSalle du payeur, d’où il pouvait également travailler; (admis)

s)      L’appelant était tenu de transmettre au payeur toutes les demandes d’assurance qu’il obtenait de clients éventuels; (admis)

t)       l’appelant était rémunéré exclusivement à la commission; (rejeté)

u)      l’appelant avait droit à des avances sur ces commissions; (rejeté)

v)      Pour chaque vente conclue de produits du payeur, l’appelant recevrait un pourcentage de la valeur totale du contrat d’assurance; (admis)

w)     L’appelant n’était pas assujetti à un contrôle direct du payeur; (rejeté)

x)      Le payeur n’a pas supervisé la quantité ou la qualité du travail fait par l’appelant, si ce n’est de s’assurer que l’appelant respectait les exigences prévues par la loi et les règlements; (rejeté)

y)      Le payeur n’a pas dicté la façon dont l’appelant devait s’acquitter de ses tâches; (rejeté)

z)      Le payeur n’a pas affecté un territoire précis à l’appelant; (admis)

aa)    Le payeur n’a pas fourni à l’appelant une liste de clients à contacter; (admis)

bb)    L’appelant a déterminé son propre horaire de travail; (rejeté)

cc)    Le payeur ne contrôlait pas les heures travaillées par l’appelant, ni ses absences; (rejeté)

dd)   La présence de l’appelant dans les locaux du payeur n’était pas obligatoire, et n’était pas contrôlée non plus; (rejeté)

ee)    L’appelant n’avait pas droit à des vacances ou des congés de maladie du payeur; (rejeté)

ff)     L’appelant était tenu de payer sa propre assurance de responsabilité professionnelle; (admis)

gg)    L’appelant avait l’option de fournir son propre ordinateur ou d’en louer un du payeur; (rejeté)

hh)    L’appelant a loué un ordinateur portable du payeur pour exécuter son travail; (admis)

ii)      La location de l’ordinateur était déduite du fonds de rémunération de l’appelant toutes les semaines; (admis)

jj)      L’appelant était tenu d’utiliser son propre véhicule pour les déplacements reliés à son travail pour le payeur; (admis)

kk)    L’appelant ne recevait aucune indemnisation ou allocation du payeur pour utiliser son véhicule; (admis)

ll)      L’appelant courait la chance de réaliser un profit ou risquait de subir une perte en fournissant ses services au payeur; (rejeté)

mm)  L’appelant n’avait aucune garantie de revenu stable lorsqu’il a travaillé pour le payeur; (rejeté)

nn)    L’appelant assumait toutes les dépenses engagées dans l’exécution de son travail pour le payeur; (rejeté)

oo)    L’appelant n’a pas reçu de rémunération ou d’allocation du payeur pour les dépenses liées à son travail; (rejeté)

pp)    Advenant que les polices pour lesquelles l’appelant a reçu une commission étaient annulées dans un certain délai après leur entrée en vigueur, l’appelant était tenu de rembourser au payeur un montant au prorata de la commission reçue à la vente desdites polices; (admis)

qq)    Le payeur a émis un feuillet T4A (état de revenu d’autres sources) au nom de l’appelant pour l’année d’imposition 2012; (admis)

rr)     Le payeur a indiqué que l’appelant a gagné 7 084,91 $ en commissions d’un travail indépendant; (admis)

ss)     Aucune déduction à la source n’a été effectuée par leur payeur du revenu de l’appelant en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, l’assurance-emploi ou le Régime de rentes du Québec; (admis)

tt)     Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012, l’appelant a déclaré un revenu brut de commissions d’un travail indépendant au montant de 7 084 $; (admis)

uu)    L’appelant a déclaré des dépenses de 7 098 $ pour gagner ce revenu du payeur en 2012; (admis)

vv)    L’appelant a déclaré une perte nette de 14 $ de son revenu à commissions du payeur en 2012. (Admis)

[Non souligné dans l’original.]

III. DÉCISION DU MINISTRE

[3]             L’agente des appels qui a confirmé la décision de l’agente des décisions a indiqué qu’elle était une agente des appels depuis environ 19 ans, s’occupant des questions liées à l’assurance-emploi. Elle a confirmé le statut d’entrepreneur indépendant en partie parce qu’elle pensait que M. Mazraani était davantage un travailleur autonome ou travailleur indépendant étant donné qu’il devait fournir ou payer ses propres outils. C’est ce qu’elle a effectivement déclaré en référence au bordereau de paye de M. Mazraani qui indiquait les charges déduites du montant que l’IA lui avait versé :[7]

M. JILWAN : D’accord. Donc, cet élément, qu’est-ce qu’il a apporté à votre analyse?

MME LAMBERT : Eh bien, cela ressemble davantage à un travailleur autonome qui occupe un emploi non assurable parce qu’il doit fournir son propre outil ou payer pour fournir son outil.

[Non souligné dans l’original.]

[4]             Elle a également consulté les données concernant le revenu de M. Mazraani tel qu’il a été déclaré à l’Agence du revenu du Canada (ARC), et elle a constaté qu’il avait réclamé une perte de 14 $ relativement à ses activités pour l’Industrielle Alliance. Elle a écrit dans le résumé anglais de son rapport[8] que le travailleur « avait une possibilité de perte » et que cet élément était « indicateur d’un contrat de service ». De plus, dans son témoignage elle a mentionné que les employés n’ont pas droit aux « dépenses »[9] que M. Mazraani a réclamées.

[5]             Dans le résumé susmentionné, l’agente des appels a écrit à la rubrique « Fourniture de main-d’œuvre » que le « travailleur n’avait pas un horaire fixe, ni un nombre minimum d’heures à travailler. » Elle croyait la version du payeur donnée à l’agente des décisions par M. Eric Leclerc, le directeur de la succursale LaSalle, qui a dit que la compagnie n’a pas supervisé le travail du travailleur et n’a pas dit au travailleur comment faire son travail. L’agente des appels n’a obtenu aucun renseignement direct de la compagnie parce que cette dernière n’a jamais retourné ses appels téléphoniques et n’a pas non plus répondu à sa lettre.[10] Les seuls documents de la compagnie ou de M. Mazraani sont le contrat d’agent, fourni par la compagnie, et le « rapport de paie », fourni par ce dernier et qui indique les dépenses que la compagnie lui facturait![11]

IV. DESCRIPTION FACTUELLE

A. Organigramme de l’IA : d’employés à entrepreneurs indépendants

[6]             M. Bruno Michaud, vice-président principal, Administration et ventes, a expliqué que l’Industrielle Alliance compte 52 succursales (également décrites comme firmes ou agences) dans la province de Québec et dans la région d’Ottawa pour vendre ses produits.[12] Tant au Québec[13] qu’à l’extérieur de la province, la compagnie vend aussi ses produits par l’entremise d’agences indépendantes générales ou de courtiers d’assurances.

[7]             Au paragraphe 7 de la décision (motifs de la CRT) de la Commission des relations du travail du Québec (CRT) dans l’affaire Blackburn et Kaliszczak c. Industrielle Alliance, assurance et services financiers inc, 2014 QCCRT 0737,[14] il est indiqué que l’Industrielle Alliance compte près de 50 agences au Québec, constituées d’équipes de quatre ou cinq représentants, chacune étant « associée à un directeur des ventes ». Tous ces directeurs des ventes « relèvent d’un directeur d’agence », qui est la personne responsable de la succursale. Ces directeurs de succursale relèvent d’un des surintendants « qui sont tous sous la responsabilité du vice-président du « réseau carrière ». Dans son témoignage devant la Cour, M. Michaud a dit que son vice-président relevait de lui, le vice-président principal, Administration et ventes.[15] Il a ajouté qu’il y avait « cinq surintendants chargés en moyenne de 10 succursales chacun » et qu’« [i]ls jouaient un rôle d’encadreur auprès du directeur de succursale ».[16] Cette description illustre une organisation très hiérarchique qui exécute la mission de la compagnie, et elle illustre également que les surintendants agissent envers les directeurs de succursale (qui sont tous des employés de l’IA) comme les directeurs des ventes agissent envers les agents (qui ne sont pas considérés par la compagnie comme des employés), c’est-à-dire comme des encadreurs![17]

[8]             Pendant son témoignage − et tel qu’il est décrit dans les motifs de la CRT −, M. Michaud a déclaré que l’Industrielle Alliance traitait tous ses agents comme des employés avant 1993, tandis qu’un grand nombre de ses concurrents, sinon tous, les traitaient comme des entrepreneurs indépendants. Il y avait donc des incitatifs pour que l’Industrielle Agence agisse de la même façon. L’une des raisons indiquées par M. Michaud était que ses employés demandaient le changement. Cependant, M. Michaud a aussi reconnu, en réponse à une de mes questions, qu’il y avait des avantages pour la compagnie aussi, notamment ne plus avoir à verser de cotisations au Régime de rentes du Québec.[18]

[9]             Voici la description faite par la CRT du changement dans l’organigramme de l’entreprise présenté par l’Industrielle Alliance :[19]

[8] Bruno Michaud est l’un des dirigeants d’Industrielle Alliance. Il y travaille depuis près de 32 ans. Actuellement, il occupe le poste de vice-président principal, vente et administration en assurance et rente individuelle. Il affirme que le modèle d’affaire « réseau carrière » actuel existe depuis le 1er janvier 1993.

[9] Auparavant, explique-t-il, tous les représentants d’Industrielle Alliance étaient des salariés payés à commission. À ce moment, l’entreprise était pratiquement la seule à utiliser ce modèle d’affaire. En fait, la majorité de l’industrie utilisait des travailleurs autonomes comme représentants et cette formule a fait peu à peu son chemin, car de plus en plus de représentants y voyaient plusieurs avantages, surtout d’un point de vue fiscal. Aussi, lorsque l’occasion se présenta de procéder à l’intégration au sein d’Industrielle Alliance d’un important contingent de représentants, plus de 100, en provenance d’une autre compagnie d’assurance qui possédaient déjà ce statut, la décision fût [sic] prise de revoir le modèle d’affaire d’Industrielle Alliance afin que ses représentants soient dorénavant considérés comme des « travailleurs autonomes ».

[10] Outre un changement à son modèle d’affaire, cette nouvelle orientation impliquait pour Industrielle Alliance de revoir sa relation contractuelle avec ses représentants, donc de revoir la rédaction de son contrat de représentant. Pour ce faire, il fallait, dit-il, éviter des ennuis avec les autorités fiscales en lien avec le changement de statut de leurs représentants. C’est pourquoi Industrielle Alliance a jugé opportun de soumettre son nouveau contrat de représentant à Revenu Canada pour examen et acceptation.

. . .

[11] S’il est vrai que le contrat de représentant a subi plusieurs modifications entre 1993 et 2011, Bruno Michaud tient toutefois à préciser que le contrat est en substance le même. Aussi, indépendamment des modifications, toutes les parties reconnaissent que les représentants déclarent depuis ce temps aux autorités fiscales la rémunération qu’ils reçoivent d’Industrielle Alliance à titre de revenu d’entreprise.

[Non souligné dans l’original.]

[10]        Selon le témoignage de M. Michaud devant la Cour, l’Industrielle Alliance a fait l’acquisition d’une autre compagnie en janvier 1992 et tous les agents de cette dernière étaient traités comme des entrepreneurs indépendants. Par conséquent, la compagnie a pris la décision d’affaires de traiter tous ses agents comme des entrepreneurs indépendants, à l’exception des directeurs des ventes.

[11]        Il est évident d’après le contrat d’agent (contrat d’agent) reproduit ci-dessous et signé par M. Mazraani qu’on a minutieusement mis en œuvre l’intention de l’IA de traiter ses agents comme des entrepreneurs indépendants. Tout d’abord, le contrat est intitulé « Contrat d’agent » et non « Contrat de travail ». De plus, l’article 4 indique explicitement que l’agent est un entrepreneur indépendant et que le contrat n’établit aucune relation employeur-employé. De plus, il y a le fait que l’Industrielle Alliance exige que ses agents assument de nombreuses dépenses, notamment celles qui sont décrites à l’article 4 du contrat, ce qui comprendrait le paiement pour la location de l’ordinateur et du logiciel.[20]

[12]        En plus d’avoir, j’en suis convaincu, l’avantage d’une aide professionnelle dans la rédaction de ce contrat, l’Industrielle Alliance a fait une démarche auprès de la Division de l’assurance-emploi de l’ARC (alors Revenu Canada) pour qu’elle examine le contrat et pour obtenir son apport quant à la façon de s’assurer que ses agents seraient effectivement traités comme des entrepreneurs indépendants. Non seulement le représentant de l’ARC a-t-il indiqué que le statut d’agents comme entrepreneurs indépendants serait confirmé, mais il a formulé aussi des suggestions précises quant à la façon d’améliorer le contrat, notamment retirer l’article 5 et en modifier d’autres. Par exemple, le représentant de l’ARC a suggéré de remplacer, à l’article 8 de la version française, les mots « RÈGLEMENTS ET INSTRUCTIONS » par « POLITIQUES ».[21] La lettre du 3 novembre 1993 dans laquelle ces suggestions ont été faites se termine par l’énoncé selon lequel, dès réception de la version modifiée du contrat, on confirmerait le statut de travailleur indépendant des agents à compter du 1er avril 1993.[22] Cela s’est fait le 23 décembre 1993.[23] Les deux lettres sont adressées à l’attention de M. Bruno Michaud, « vice-président adjoint, Marketing, assurance et rentes individuelles ».

[13]        Lorsque M. Mazraani lui a demandé de faire la distinction entre la façon dont la compagnie traitait ses agents avant 1993, alors qu’ils étaient traités comme des employés, et la façon dont elle l’a fait par la suite, alors qu’ils étaient traités comme des entrepreneurs indépendants, M. Michaud a répondu ce qui suit :[24]

M. MICHAUD : Comme je l’ai dit ce matin, le principal changement était que les conseillers pouvaient se constituer en société, pouvaient engager des employés et c’était la principale -- la principale raison d’être du ---

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, avant 1993, les gens ne pouvaient pas engager leur propre adjoint?

M. MICHAUD : Non.

JUGE ARCHAMBAULT : Non, d’accord. Donc ils pouvaient engager des adjoints ---

M. MICHAUD : Je dirais qu’ils le pouvaient, mais la dépense ---

JUGE ARCHAMBAULT : Ils le pouvaient?

M. MICHAUD : --- la dépense n’était pas déductible. Donc, d’un point de vue fiscal, étant donné ---

JUGE ARCHAMBAULT : Je pensais qu’elle l’était? [sic]

M. MICHAUD : Non, non. Je suis désolé, elle ne l’était pas parce qu’ils étaient des employés. Ils étaient des employés rémunérés à la commission.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Oui, d’accord.

Voyez-vous d’autres différences?

M. MICHAUD : Il s’agit là de la principale différence.

[Non souligné dans l’original.]

[14]        J’ai posé la question de nouveau et j’ai été plus précis :[25]

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, y avait-il une différence dans la façon de traiter les représentants avant 1993 et après? . . .

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Y en a-t-il une -- par exemple, la façon dont vous les formeriez, les encadreriez, les motiveriez, ce sont des exemples de ---

JUGE ARCHAMBAULT : Y aurait-il un changement entre avant et après?

M. MICHAUD : Pour ces trois exemples, je ne pense pas qu’il y avait vraiment de changement.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Oui, d’accord. Donc il n’y avait pas vraiment de changement pour ce qui est de la formation de vos représentants, dans leur encadrement, dans la motivation.

M. MICHAUD : Oui.

. . .

M. MICHAUD : L’autre gros changement était qu’ils étaient en mesure de vendre leur -- vendre leur clientèle.

JUGE ARCHAMBAULT : Cela ne se faisait pas avant 1993?

M. MICHAUD : Avant, non, non.

[Non souligné dans l’original.]

[15]        M. Michaud a reconnu que certaines choses n’ont pas changé, notamment :[26]

M. MICHAUD : Oui, mais j’ajouterais qu’à l’époque, vous devez garder à l’esprit que pour l’industrie de l’assurance, la plupart des conseillers étaient des agents d’assurance. Il y avait aussi et il y a toujours la relation de principe [sic] et d’agent entre la société d’assurance et le conseiller. Et si le conseiller faisait une erreur, alors la société d’assurance-vie était tenue responsable. C’était aussi simple que cela.

JUGE ARCHAMBAULT : Avant?

M. MICHAUD : Et encore aujourd’hui.

JUGE ARCHAMBAULT : Et c’est encore le cas aujourd’hui?

M. MICHAUD : Oui, encore.

[Non souligné dans l’original.]

B. Succursale LaSalle

[16]        Le directeur de la succursale LaSalle, M. Leclerc, a été le dernier des témoins de l’IA à comparaître, et cela s’est produit le cinquième jour de l’audience.[27] Il a déclaré que sa succursale comptait en moyenne 45 conseillers financiers (agents), dont 15 possédaient moins de deux années d’expérience.[28] Environ 13 ou 14 nouveaux agents sont engagés chaque année.[29] Il a insisté pour dire que les personnes que l’on appelle les directeurs des ventes sont en réalité seulement des encadreurs, que leur rôle consiste uniquement à aider les agents, et qu’ils ne supervisent aucunement le travail des agents. Lorsque j’ai mentionné que la compagnie avait produit beaucoup de documents de formation pour ses agents, il a répondu qu’il s’agissait de documents que l’on trouvait sur son Internet interne et que les agents étaient libres de les utiliser. Il a ajouté que la compagnie ne fait jamais de suivi pour s’assurer qu’ils exécutent leur travail de la manière suggérée dans ces documents de formation.

[17]        Cependant, plus tard, après avoir posé d’autres questions, il a reconnu que ces documents de formation étaient également utilisés lors de nombreuses séances de formation données par le personnel de l’IA (habituellement les directeurs des ventes) et que les directeurs des ventes passaient aussi plus de 50 % de leur temps sur la route pour accompagner les agents et les aider à améliorer leurs techniques de vente et les aider de toutes les façons nécessaires.

[18]        J’ai compté 53 agents sur la liste des numéros de téléphone d’intercom concernant le personnel de la succursale en mai 2012, et six directeurs des ventes, en plus du directeur de la succursale, M. Leclerc.[30] Donc, cela donne un rapport moyen d’un directeur des ventes pour huit agents. M. Michaud a dit dans son témoignage que les directeurs des ventes ne sont pas nommés par le directeur de la succursale, mais par les surintendants. Tant le directeur de la succursale que les directeurs des ventes sont traités comme des employés.[31]

C. M. Mazraani engagé comme agent en vertu d’un contrat d’agent

(1) La demande et l’embauche informelle

[19]        M. Mazraani a obtenu son baccalauréat ès sciences en informatique de gestion en 1986 à Beyrouth, au Liban. En 1991 et 1992, il a aussi étudié à l’Université Concordia, à Montréal, en sciences informatiques, mais n’a pas obtenu de diplôme. En 2002, il a suivi un cours en valeurs mobilières canadiennes à Montréal. Il a travaillé pour la London Life, Compagnie D’Assurance-Vie de 2008 à mars 2011 en tant qu’agent. Ses tâches consistaient à vendre des produits financiers comme l’assurance-vie, invalidité, maladie grave et garantie de liquidité.[32]

[20]        Le 21 décembre 2011, M. Mazraani a présenté une demande pour travailler pour l’Industrielle Alliance.[33] Selon le témoignage de M. Mazraani, il a été engagé le 3 avril 2012, lorsqu’il a rencontré M. Leclerc, qui l’a présenté à son nouveau directeur des ventes, M. Beaulé. Ce dernier l’a formé et supervisé, même si le contrat officiel n’a été signé que le 3 mai.[34] Il n’a pas été informé à cette première rencontre qu’il était engagé en tant qu’entrepreneur indépendant :

M. MAZRAANI : Que -- lors de la réunion, en particulier la première réunion, nous n’avons jamais discuté -- ni M. Leclerc ni M. Beaulé n’ont dit que je montais ma propre entreprise. C’était que j’avais tout simplement à faire tout ce qui ---

JUGE ARCHAMBAULT : Vous dites qu’ils n’ont jamais précisément déclaré que vous alliez monter votre propre entreprise?

M. MAZRAANI : Non.[35]

[Non souligné dans l’original.]

[21]        Il a commencé à travailler le 4 avril, en assistant à une formation théorique. On l’a informé, par lettre du 12 avril 2012, qu’il était autorisé à utiliser l’intranet et on lui a remis un code d’accès ainsi qu’un mot de passe à cette fin.[36] Dans cette lettre, il est indiqué que « [l]’extranet est réservé exclusivement à la force de vente. Son développement est également progressif et les divers secteurs de la compagnie seront appelés à y ajouter diverses fonctionnalités. » La location hebdomadaire du portable était de 18,05 $ avant taxes.[37]

(2) La lettre du 27 avril

[22]        Le 27 avril 2012, M. Mazraani a été officiellement informé par M. Arsenault, un surintendant des ventes de l’IA, que la compagnie lui offrait un contrat d’agent et qu’il pouvait commencer à faire souscrire des contrats d’assurance et de rentes pour la compagnie en tant que conseiller en sécurité financière le 30 avril 2012.[38] Dans cette lettre (27 avril), on rappelle à M. Mazraani que la Loi sur la distribution de produits et services financiers (Loi sur la distribution) exigeait qu’il « soit le titulaire d’une licence en règle pour exercer ses activités dans chaque discipline ou chaque catégorie de discipline [pour laquelle il était] autorisé à agir. » Il a apparemment obtenu de nouveau sa licence le 30 avril, après avoir fait des études, puis réussi à l’examen. Il a été en chômage depuis sa cessation d’emploi auprès de la London Life en mars 2011[39] jusqu’au moment où il a commencé à travailler pour l’Industrielle Alliance.

[23]        Dans la lettre du 27 avril, il est indiqué ce qui suit : [traduction] « [Vous] ferez partie de l’unité de service 35 de l’équipe 90 et vous serez également responsable des polices et de la clientèle qui font actuellement partie de cette unité de service. Votre directeur des ventes sera M. René Beaulé » [Non souligné dans l’original.] Cette unité de service était située dans la succursale de Ville LaSalle, également connue sous le nom Agence Mercier. La lettre ajoute ce qui suit : [traduction] « Vous serez rémunéré en fonction de notre programme d’établissement de carrière. Le montant initial de vos avances à l’égard des commissions sera de 600 $ par semaine et un montant de 2 500 $ sera déposé dans votre fonds d’établissement de carrière. » On l’a informé de ce qui suit : [traduction] « Si, au cours de la période pendant laquelle vous êtes visé par le programme d’établissement de carrière, vous ne recevez aucune rémunération pendant cinq semaines consécutives, nous mettrons fin au programme. Nous résilierons également votre contrat d’agent de carrière ».

[24]        Au paragraphe 47 des motifs de la CRT, il est indiqué que les avances à l’égard de la commission versée pendant la formation (« stage ») ou au début de la relation entre les parties n’étaient pas remboursables :

. . . les parties reconnaissent que les avances de commission non-remboursables sont versées uniquement pendant le stage ou au début de l’embauche. Par la suite, il est entendu que toutes les avances de commissions sont remboursables.

[25]        Il semble d’après les relevés de banque de M. Mazraani qu’il a commencé à recevoir ses avances à l’égard des commissions le 3 mai 2012, et que des paiements semblables ont été faits chaque semaine par la suite, en mai, pour un total de 2 555 $.[40] Tous ces paiements étaient des paiements égaux, sauf pour le dernier qui était plus faible, soit−304 $ au lieu de 562 $.

(3) Titulaire d’une licence pour agir en tant que conseiller en sécurité financière le 30 avril 2012

[26]        Pour être autorisé à vendre des produits financiers, M. Mazraani devait, en vertu de la Loi sur la distribution, détenir une licence délivrée par l’AMF. Selon M. Michaud, M. Mazraani n’était pas autorisé à agir en tant que conseiller financier avant le 30 avril, parce que ce n’est qu’à cette date qu’il a obtenu cette licence. M. Mazraani a présenté sa demande de licence à l’AMF le 6 février 2012. Dans cette demande, il demandait le rétablissement de son certificat.[41] À la section intitulée « Choix de façons d’exploiter une entreprise », il y avait une déclaration de l’Industrielle Alliance, faite le 11 avril 2012, confirmant que M. Mazraani sera [traduction] « rattaché à notre firme . . sans en être un employé . pour œuvrer dans le secteur suivant . assurance de personnes ». [Non souligné dans l’original.] À la quatrième rubrique « Déclaration », M. Mazraani confirme qu’il ne mènera pas d’activités (payées ou non) dans un domaine autre que celui qui est relié à sa pratique en tant que représentant. S’il avait indiqué autre chose, il aurait été tenu de faire parvenir le « formulaire sur le double emploi ». [Non souligné dans l’original.] À la rubrique numéro 6, « Droits à verser à l’AMF – Cotisation à la Chambre de la sécurité financière », il y a un poste, « Cotisation à la Chambre de la sécurité financière », où figure la somme de 237 $. Cette somme s’ajoute aux droits obligatoires pour chaque secteur ou catégorie de secteur et pour « l’étude de la demande ».[42]

(4) Le contrat d’agent daté du 3 mai 2012.

[27]        Outre la lettre du 27 avril, M. Mazraani a reçu le contrat d’agent ainsi que le [traduction] « Barème des commissions et bonis et Règles de rémunération » (Règles de rémunération). Voici quelques-unes des parties pertinentes du contrat, signé le 3 mai 2012, mais entré en vigueur le 30 avril 2012 :

[traduction] CONTRAT D’AGENT

______________________________

. . .

2-         DROITS ET POUVOIRS DE L’AGENT

a)         La compagnie autorise l’agent à solliciter et à obtenir des demandes pour les divers contrats et services financiers offerts, soit directement par la compagnie, soit par une autre compagnie avec laquelle la compagnie a conclu une entente de distribution (ci-après l’« entité autorisée »). L’agent convient d’offrir un service de qualité.

b)         L’agent convient de déployer tous les efforts raisonnables pour maintenir en vigueur tous les contrats émis par la compagnie et dont il est responsable en tant qu’agent.

c)         L’agent convient de livrer immédiatement au demandeur chaque contrat d’assurance ou d’autres produits financiers, conformément aux lois et aux instructions de la compagnie.

d)         L’agent convient de transmettre à la compagnie, ou à l’entité autorisée, toutes les demandes d’assurance, de rentes ou de produits financiers qu’il a obtenues.

Cependant, après en avoir informé la compagnie, l’agent pourrait donner une demande à d’autres assureurs si :

i) la compagnie refuse d’émettre un contrat; ou

ii) la compagnie n’offre pas le type de produit demandé.

e)         l’agent est responsable de toute somme engagée par la compagnie ou un client ou due à la compagnie ou à un client suite à une erreur, négligence, omission, fraude ou malhonnêteté de sa part ou de l’un de ses mandataires.

3-         RÉMUNÉRATION

Pendant la durée du contrat, l’agent demande que des avances hebdomadaires lui soient versées et convient de les rembourser. Par conséquent, la compagnie a créé un « fonds » au nom de l’agent dans lequel toutes les avances hebdomadaires sont déposées.

Eu égard aux contrats établis à la suite de demandes transmises par l’agent, la compagnie verse dans son fonds toute la rémunération relative à ces contrats établis conformément aux Barèmes des commissions et bonis et Règles de rémunération de la compagnie, rajustés de temps à autre, qui font partie intégrante du présent contrat.

L’agent reconnaît que la rémunération versée dans le fonds après la vente d’un contrat ne devient acquise que lorsque le contrat d’assurance a été en vigueur pendant un certain temps, tel qu’il est prévu dans les Barèmes des commissions et bonis et Règles de rémunération, sous réserve de rajustements à apporter.

Advenant la résiliation d’un contrat avant que la rémunération connexe ne soit acquise par l’agent, la compagnie débite une charge négative dans le fonds de l’agent. Cette charge est un pourcentage de la commission et du boni, tels qu’ils sont établis par les Barèmes des commissions et bonis et Règles de rémunération.

On obtient le solde du fonds de l’agent en calculant les commissions et bonis versés, et en déduisant les charges, les avances hebdomadaires et autres frais, dépenses et engagements faits dans l’exécution de ses tâches. L’agent reste redevable à la compagnie, après la résiliation du contrat, de tout solde négatif dans ce fonds. Par conséquent, advenant que la rémunération avancée ne soit pas remboursée à même les commissions, l’agent accumulera une créance envers la compagnie qu’il devra rembourser.

Assurance vie individuelle, assurance invalidité individuelle et assurance collective

Les commissions et bonis à payer à l’agent au titre des primes en vertu de ces contrats sont déterminés conformément aux barèmes en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’assurance.

Rentes individuelles et régimes de retraite collectifs

Les commissions et bonis à payer à l’agent au titre des primes en vertu de ces contrats sont déterminés conformément au barème en vigueur lorsqu’une prime est reçue, lorsqu’une prime ou un crédit d’intérêt est réinvesti ou lorsque les primes reçues et l’intérêt crédité sont appliqués au paiement d’une rente.

Autres produits et services financiers

Les commissions et bonis à payer à l’agent au titre pour tout autre type de contrats et services financiers sont déterminés conformément aux barèmes en vigueur à la date à laquelle la compagnie est rémunérée par le fournisseur de ces produits ou services.

4-         STATUT ET DROITS

L’agent est un entrepreneur indépendant et le présent contrat ne doit pas être interprété comme établissant une relation employeur-employé entre la compagnie et l’agent. À ce titre, l’agent convient de payer toutes les dépenses engagées dans l’exercice de ses fonctions.

Sans limiter l’application générale de ce qui précède, l’agent convient de payer les dépenses et droits suivants :

–    obtenir ou renouveler les licences nécessaires à l’exercice de ses fonctions;

–    obtenir ou renouveler une assurance de responsabilité civile professionnelle;

–    les cotisations à des associations professionnelles ou autres;

–    son lieu d’affaires, y compris les frais de secrétariat et les fournitures;

–    les systèmes d’information, les appels interurbains et les télécopies;

–    déplacements, sollicitation et publicité;

–    formation et perfectionnement.

Si l’agent exploite sa propre entreprise, il doit fournir à la compagnie tous les renseignements que cette dernière juge nécessaires pour les évaluer, notamment le nom des actionnaires et le nombre d’actions détenues par chacun et le nom des administrateurs. L’agent doit également fournir chaque année à la compagnie une copie du certificat d’assurance de sa compagnie. L’agent doit être la seule personne autorisée à vendre des produits d’assurance au nom de sa compagnie. En tant qu’administrateur et actionnaire, l’agent demeure responsable de la compagnie.

La compagnie se réserve le droit de résilier le contrat de l’agent lorsqu’un changement survient dans l’administration ou le contrôle de la compagnie de l’agent.

5-         PRODUCTION MINIMALE

La compagnie se réserve le droit de fixer une production minimale et des normes de maintien en affaires à l’agent et de modifier ces normes de temps à autre.

. . .

7-         RÈGLES ET POLITIQUES

L’agent convient de respecter la totalité des lois, règles et codes de déontologie qui s’appliquent à l’exécution de ses tâches. L’agent convient également de respecter toutes les politiques de la compagnie, ce qui comprend les Normes de conduite sur le marché et la Politique sur l’utilisation des communications électroniques. Ces politiques visent à normaliser les procédures administratives, réduire le temps consacré à traiter une demande et s’assurer que tout le monde respecte les règlements de l’industrie de l’assurance-vie et santé.

8-         MODIFICATIONS

Moyennant un avis écrit de sept (7) jours qui doit être envoyé à l’agent, la compagnie peut modifier les Barèmes de commissions et bonis et Règles de rémunération, les Normes de conduite sur le marché et la Politique sur l’utilisation des communications électroniques, ainsi que toute autre disposition du présent contrat. Les modifications entrent en vigueur à l’expiration de l’avis de sept (7) jours.

9-         PERMIS ET ASSURANCE

L’agent convient d’obtenir les licences exigées par les lois de la province dans laquelle il exerce ses fonctions et de maintenir en vigueur une assurance de responsabilité professionnelle. L’agent convient de fournir à la demande de la compagnie une preuve de la validité de sa ou ses licences et de l’assurance de responsabilité professionnelle.

10-       RÉCEPTION DE MONTANTS

L’agent doit immédiatement rembourser à la compagnie toute somme qu’il ou elle reçoit au nom de la compagnie.

L’agent doit informer la compagnie par écrit de l’ouverture (et de toutes les modifications ultérieures) d’un compte en fiducie pour l’exécution de ses tâches. L’agent convient de fournir à la compagnie tous les renseignements que celle-ci juge nécessaires pour évaluer la saine gestion du compte en fiducie. L’agent autorise la compagnie à vérifier les transactions effectuées dans le ou les comptes en fiducie auprès de l’institution financière. La compagnie doit envoyer à l’agent un avis écrit de sept (7) jours avant de vérifier auprès de l’institution financière concernée.

L’agent qui verse dans un compte en fiducie une somme qu’il reçoit au nom de la compagnie doit remettre le montant total à la compagnie dans le délai prescrit. La compagnie se réserve le droit de résilier le contrat de l’agent pour gestion inappropriée du compte en fiducie.

L’agent ne doit pas accorder de rabais sur les primes aux clients en payant, en totalité ou en partie, le montant demandé par la compagnie ou l’entité autorisée.

11-       CESSION

a) Cession

L’agent reconnaît que la compagnie a droit de préférence à l’égard de tous les montants à payer à l’agent ou à toute personne qui en fait la demande en son nom en vertu du présent contrat, à titre de sûreté pour tout montant que pourrait devoir l’agent à la compagnie. La signature du présent contrat par l’agent constitue en fait une cession de ces montants. L’agent convient de s’abstenir de céder, de transférer, de mettre en gage ou d’aliéner de quelque autre façon que ce soit des montants qui lui sont dûs ou qui pourraient lui être dûs en vertu du présent contrat.

b) Cession du droit de représentation

L’agent peut vendre ou autrement aliéner son droit de représenter des clients de la compagnie pour ce qui est des contrats d’assurance vie individuelle, de placements garantis ou de fonds distincts, sous réserve des normes et conditions de la compagnie en vigueur à la date de la transaction. Les normes et conditions sont décrites dans les Barèmes de commissions et bonis et Règles de rémunération de la compagnie.

12-       LIMITES DES DROITS ET POUVOIRS DE L’AGENT

L’agent n’est pas autorisé à faire ce qui suit :

–    lier la compagnie par une promesse ou une entente;

–    engager une responsabilité, quelle qu’elle soit, au nom de la compagnie;

–    accepter un risque au nom de la compagnie;

–    engager la compagnie envers quelque relation que ce soit;

–    utiliser des brochures, publicités ou documents imprimés portant le nom ou le logo de la compagnie qui n’ont pas été approuvés au préalable par écrit par la compagnie.

13-       PROPRIÉTÉ DES DOCUMENTS ET DU MATÉRIEL

Les formulaires, guides, polices, logiciels et autres documents de la compagnie à la disposition de l’agent demeurent la propriété de la compagnie et doivent être rendus sur demande ou à l’annulation du présent contrat. Les dossiers clients demeurent la propriété de la compagnie.

La compagnie s’engage à respecter la nature confidentielle des renseignements reçus de l’agent relativement à une demande d’assurance. Sauf si la loi l’exige, la compagnie convient de ne pas fournir ces renseignements à un autre agent afin de permettre à ce dernier de faire concurrence à l’agent initial. Indépendamment de ce qui précède, la compagnie se réserve le droit de nommer un autre agent de la compagnie pour offrir le service en vertu d’une police en place de l’agent initial, que le présent contrat soit en vigueur ou résilié, si l’une des situations suivantes survient :

i)    l’agent ne détient pas un permis d’assurance valide;

ii)   une demande à cet effet a été faite par le client;

iii)  le service fourni par l’agent n’est pas satisfaisant pour le client ou la compagnie;

iv)  l’agent agit au détriment des intérêts du client ou de la compagnie;

v)   le contrat de l’agent est suspendu ou résilié.

14-       SUSPENSION DU CONTRAT

La compagnie peut suspendre le présent contrat pour des motifs raisonnables, qu’ils soient ou non reliés aux tâches de l’agent, moyennant un préavis à l’agent. La date d’entrée en vigueur de la suspension correspond à la date de l’envoi du préavis.

Aucune rémunération n’est payable pendant la suspension et l’agent perd le droit de toutes les commissions payables au cours de cette période.

Sans limiter le caractère général de ce qui précède, lorsque le présent contrat est suspendu, l’agent n’est pas autorisé à solliciter, obtenir des demandes ou exécuter des transactions reliées aux clients de la compagnie. Pendant une suspension, l’agent doit s’abstenir de communiquer avec la clientèle de la compagnie en tant qu’agent.

Les restrictions et obligations découlant de la suspension s’appliquent à toutes les affaires de la compagnie et de ses entités autorisées.

15-       ANNULATION DU CONTRAT

Avec ou sans cause, la compagnie peut résilier le présent contrat moyennant un avis écrit de sept (7) jours à l’agent à sa dernière adresse connue.

Avec ou sans cause, l’agent peut résilier le présent contrat moyennant un avis écrit à la compagnie. La date d’annulation est la date de réception de l’avis écrit par la compagnie.

Le présent contrat est automatiquement annulé dans le cas du décès, de la malhonnêteté, d’une erreur grave ou de la faillite de l’agent.

Aucune rémunération n’est payable à compter de la date d’annulation du présent contrat et, si l’agent a une créance envers la compagnie, l’agent doit acquitter cette créance immédiatement. L’agent demeure responsable de toute charge liée à une commission ou un boni à l’égard des contrats d’assurance résiliés après l’annulation du présent contrat. Les charges liées à une commission ou un boni sont celles décrites dans les Barèmes des commissions et bonis et Règles de rémunération. Les présentes charges constituent une créance de l’agent envers la compagnie et sont payables à la compagnie sur demande.

Lorsque le présent contrat est annulé parce que l’agent cesse d’être un agent, la compagnie devient la cessionnaire des dossiers des clients.

16-       NON-CONCURRENCE

Pendant une période de deux (2) ans commençant à la date de l’annulation du présent contrat, l’agent ne doit pas agir en tant qu’agent ou courtier au nom de clients de la compagnie qui font partie de l’unité de service desservie par l’agent au moment de l’annulation du contrat, en vendant ou sollicitant, directement ou indirectement, au nom de l’agent, ou au nom de toute autre personne, compagnie ou société, des contrats d’assurance vie, des rentes ou des contrats d’invalidité, ou tout autre type de contrat ou de services financiers offerts soit directement par la compagnie, soit par une autre compagnie avec laquelle la compagnie a signé une entente de distribution. L’agent convient que chaque infraction au présent engagement doit résulter en une charge équivalant au montant total des primes annuelles des contrats annulés, dans le cas des contrats d’assurance vie et d’assurance invalidité, et aux commissions payées, dans le cas de contrats de rentes et d’autres types de contrats annulés, à titre de dommages-intérêts, sans porter atteinte à tout autre recours par la compagnie, notamment le droit de demander une injonction pour mettre fin à cette infraction.

17-       PROCÉDURE JUDICIAIRE

. . .

19-       BARÈMES, CODE ET POLITIQUES

L’agent reconnaît qu’il a lu et reçu toutes les explications nécessaires concernant les documents suivants :

         Barèmes des commissions et bonis et Règles de rémunération;

         Normes de conduite sur le marché;

         Politique sur l’utilisation des communications électroniques.

. . .      

[Non souligné dans l’original.]

[28]        Dans son témoignage, M. Michaud a dit qu’aucun agent n’était autorisé à approuver la délivrance d’une police d’assurance; seulement un souscripteur au bureau de Québec pouvait le faire. Même le directeur des ventes, le directeur de la succursale ou les cinq surintendants n’étaient pas autorisés à le faire.

(5) Dépenses et avantages

[29]        Dans son témoignage, M. Michaud a confirmé que les coûts relatifs à l’utilisation d’une voiture, d’un bureau à la maison, d’un ordinateur et d’un cellulaire, pour les interurbains et pour l’assurance-responsabilité civile étaient tous des points qu’il incombait aux agents de payer. Il a aussi confirmé qu’aucun impôt n’était retenu à la source de la rémunération des agents, c.-à-d. la commission versée aux agents.

[30]        L’Industrielle Alliance offrait quelques avantages, notamment l’assurance-maladie pour M. Mazraani et sa famille, mais le coût de ces avantages lui était facturé et déduit de ses commissions.[43] M. Mazraani a obtenu une assurance-responsabilité civile (auprès de la Compagnie d’assurance Lombard du Canada), comme l’exigeait son contrat d’agent, et le coût de cette assurance a été déduit de ses commissions.[44] Cependant, M. Michaud a reconnu dans son témoignage qu’un agent employé aurait également besoin de cette assurance parce que quiconque détient une licence de conseiller financier a besoin de cette assurance.[45] De plus, l’IA n’avait pas besoin de vérifier si un agent avait besoin de cette assurance parce que « nous le savons pour la plupart d’entre eux parce que nous avons un régime que la plupart de nos conseillers utilisent parce que c’est plus pratique. »[46] [Non souligné dans l’original.]

[31]        Il existe plusieurs exceptions à la règle selon laquelle les coûts étaient facturés à M. Mazraani. Par exemple, la cotisation de 237 $ à la Chambre de la sécurité financière est une dépense que l’Industrielle Alliance lui a remboursée. Pendant son témoignage, M. Michaud a expliqué que c’était habituellement considéré comme une dépense de la compagnie d’assurance plutôt que de l’agent particulier. Au début, cette dépense était directement facturée aux compagnies d’assurance ou aux firmes. Cependant, étant donné qu’un agent en particulier pouvait travailler pour plus d’une telle compagnie ou firme, il a été décidé de facturer les agents particuliers directement afin d’éviter le double ou triple paiement de cette cotisation. Dans son témoignage, M. Michaud a insisté, M. Mazraani a payé le coût lié à l’obtention de la licence pour travailler comme conseiller financier. Pour lui, une cotisation à la Chambre de la sécurité financière était un poste distinct et il s’agissait du seul qui était payé par l’Industrielle Alliance.

[32]        Cependant, d’autres dépenses étaient engagées par Industrielle Alliance et n’étaient pas facturées à M. Mazraani, notamment le coût des cartes professionnelles remises aux agents. Parallèlement, les coûts pour le bureau où M. Mazraani offrait ses services 80 % du temps étaient assumés par l’Industrielle Alliance; ces coûts comprenaient celui des locaux, celui du système téléphonique et le paiement mensuel pour le service téléphonique local et sans frais. Seuls les coûts pour le service téléphonique cellulaire et les interurbains incombaient aux agents. La compagnie a également assumé le coût de développement des logiciels fournis aux agents de même que le coût des services intranet et Internet qu’ils utilisaient.

[33]        M. Michaud a aussi reconnu que l’Industrielle Alliance assumait tous les coûts de la formation qu’elle offrait en permanence. Si cette formation était offerte par une autre entité, le coût serait assumé par les agents particuliers.[47] Cependant, il n’existe aucun élément de preuve selon lequel ce genre d’activité a eu lieu. M. Michaud a reconnu une exception à cette règle : Si un agent donné décidait de suivre des cours pour devenir un planificateur financier, l’Industrielle Alliance rembourserait à l’agent les frais engagés lorsqu’il terminerait avec succès le programme.[48]

D. Formation

(1) Formation à l’intention des nouveaux agents

[34]        Du 4 avril 2012 au 30 avril 2012, la date d’entrée en vigueur du contrat, M. Mazraani a reçu une formation de l’Industrielle Alliance. Le document intitulé [traduction] « Guide d’encadrement, programme de perfectionnement professionnel à l’intention des conseillers financiers » (Guide d’encadrement) adressé au directeur de la succursale, en décrit ainsi l’objectif :[49]

Ce guide d’encadrement a été créé pour vous aider à suivre, en étroite collaboration avec le directeur des ventes, le perfectionnement professionnel de votre nouveau conseiller financier. Il vous permettra d’appuyer votre directeur des ventes dans son rôle d’encadreur, de superviseur de la formation et de directeur des ventes pour cette nouvelle recrue.

[Non souligné dans l’original.]

[35]        Il indique aussi : [traduction] « De toute évidence, chaque séquence du guide met en lumière les éléments de conformité essentiels dont le superviseur de la formation et son stagiaire doivent tenir compte ». [Non souligné dans l’original.] Le Guide d’encadrement ajoute : [traduction] « Nous vous suggérons de tenir des réunions régulières avec votre nouveau conseiller, seul ou en présence d’autres directeurs des ventes. Nous vous suggérons de tenir cinq ou six réunions au cours des 13 semaines du stage. » Il se termine comme suit : [traduction] « En conclusion, nous espérons que cet outil répond à vos besoins et vous aide à être plus efficace dans le rôle important de soutien que vous jouerez auprès de vos collègues pour le développement et la croissance de votre agence. Votre SUPER VISION (supervision) et votre ENTHOUSIASME font toute la différence! »[50] [Soulignement ajouté seulement.]

[36]        Les nouveaux stagiaires reçoivent une instruction sur différents sujets, notamment les tâches du stagiaire, les règles sur la tenue des dossiers clients et le Code sur les normes de conduite du marché (Normes de conduite).[51] Le guide d’encadrement décrit aussi 20 étapes, depuis la prospection jusqu’au traitement des objections, en passant par les techniques de clôture, la livraison, le service et le suivi. Le rendement du stagiaire est évalué selon une échelle de 1 à 5. De plus, le formulaire demande au directeur de la succursale d’indiquer si le superviseur de la formation a vérifié les dossiers clients pour la semaine en cours. Cette demande apparaît chaque fois que certaines étapes sont franchies.

[37]        M. Mazraani a déposé une liste des séances de formation énonçant les sujets de formation à l’intention des nouveaux agents.[52] Elles indiquent 28 exposés de formation donnés sur une période de dix semaines, en général à raison de deux heures par jour, trois jours par semaine. Cette formation a commencé le 3 avril et a pris fin le 7 juin 2012. Parmi les sujets, mentionnons « Approche » (4 avril), « Techniques conclusion » (18 avril), « Gestion du temps » (24 avril), et « Transition - Stratégies de vente » (7 juin).

[38]        Dans son courriel du 1er mai 2012 portant sur la « Formation nouveaux conseillers − nouvelle grille », la « secrétaire administrative » informe les nouveaux agents qu’Il est très important de lire toute l’information disponible sur Extranet avant chaque formation. . . Vous pouvez consulter votre directeur des ventes pour connaître la matière à lire. » Dans un courriel du 14 mai 2012, adressé à M. Mazraani, entre autres personnes, elle écrit : « Veuillez noter que vous aurez une formation. . sur les références d’assurance auto et habitation. » [Non souligné dans l’original.] Cette formation devait être donnée le 31 mai. Elle ne l’invite pas; elle lui dit qu’il recevra cette formation! Un rappel concernant cette séance de formation a été envoyé à M. Mazraani le 28 mai par la même secrétaire administrative, et cette fois une copie a été envoyée à son directeur des ventes et au directeur de la succursale.[53]

[39]        Ce qui suit est une description de la documentation qui a été envoyée au titre des pièces A-47 et A-57. On les décrit comme « modules » de formation, pour la plupart datés de septembre 2002 et destinés à la formation des agents. Les modules comprennent : Module 2, « L’art de vendre » (21 pages); Module 3, « Planification, Organisation, Contrôle » (21 pages); Module 5, « Approche » (57 pages) plus une annexe intitulée « Comment traiter les objections au téléphone » (10 pages); Module 7, « Conclusion » (33 pages) et « Comment traiter les objections » (9 pages) plus une annexe intitulée « Les objections face à face » (10 pages);[54] Module 8, « Livraison » (31 pages); et Module 9, « Service et suivi » (25 pages). Outre ces modules, il y a un autre document, intitulé « Conclusion », qui compte 11 pages.[55]

[40]        Voici quelques exemples des instructions que l’on peut trouver dans ces documents de formation. Dans « L’art de vendre »,[56] à la page 7, on indique : [traduction] « L’agent devrait se servir de son apparence pour projeter une image d’une personne prospère. . . Par conséquent, soyez impeccable, ayez une apparence d’affaires et non provocatrice (mains lavées, ongles propres, cheveux bien coupés, souliers polis, complet nettoyé, haleine fraîche, etc.). . . Votre stylo devrait aussi être un signe de votre réussite. On ne signe pas un contrat important avec un stylo bon marché. Utilisez un porte-documents avec des compartiments. Disposez vos documents soigneusement, utilisez des chemises étiquetées qui vous permettront de trouver les formulaires que vous voulez rapidement ». [Non souligné dans l’original.]

[41]        Aux pages 8 et suivantes, il y a une description des différents types de personnalité d’acheteur. Le document vous indique comment vous comporter avec chacun. Dans le cas de l’acheteur expressif, on dit à l’agent d’« [é]viter les détails, . . d’être abrupt, froid ou de trop s’en tenir au programme. »[57] Dans le cas du type de personnalité décrit comme aimable et caractérisée par la gentillesse, on recommande la conduite suivante : Présentez votre dossier calmement, sans être intimidé. » Évitez de dire à ces personnes « [v]oici comme je vois les choses » et « de les manipuler ou de les obliger à être d’accord . d’être condescendant ou de les humilier en utilisant des subtilités ou des injures. »[58]

[42]        À la page 13, le cycle de vente est décrit comme comportant les étapes suivantes : prospection, approche, entrevue, conclusion, livraison, service et suivi. Le module sur l’art de vendre décrit aussi rapidement chacune de ces étapes, mais elles sont abordées de façon plus détaillée dans les modules dont il est question ci-dessous.

[43]        À la page 5 du Module 3, « Planification, Organisation, Contrôle », il y a une déclaration instructive :

Débuter votre carrière de représentant c’est comme ouvrir votre propre entreprise. Vous êtes particulièrement avantagé puisque cette forme d’entreprise n’engage pas l’investissement de vos économies personnelles, la recherche d’un local, l’achat de matériel et la tenue d’un inventaire. Elle nécessite cependant l’investissement de votre temps et de votre talent.[59]

[Non souligné dans l’original.]

[44]        Ce passage est très instructif parce qu’il ne dit pas que la personne ouvre sa propre entreprise, mais que c’est comme démarrer sa propre entreprise, sous-entendant ainsi que les agents n’exploitent pas une entreprise. De plus, une telle description est souvent utilisée pour différencier, d’un point de vue économique, entre une entreprise et un emploi. Normalement, l’exploitation d’une entreprise exige des capitaux et de la main-d’œuvre tandis qu’un employé n’exige normalement que de la main-d’œuvre. Ceci met dans son contexte approprié la faible importance de certaines des dépenses que doivent engager les agents au terme du contrat d’agent, c’est-à-dire les dépenses comme le coût de leur licence, le paiement pour l’utilisation d’un ordinateur (18 $ par semaine), les frais de déplacement et les coûts d’utilisation de leur voiture, tandis que la compagnie assume les éléments importants comme la location du bureau et le coût de la formation, celui du matériel de bureau, du développement ou de l’achat de logiciels propres à l’industrie de l’assurance, du service téléphonique, de la supervision, etc.

[45]        À la page 6 du module 3, où il est question de la planification de leurs activités, on rappelle aux agents l’importance d’assister aux réunions de bureau de la succursale :

Vous devez équilibrer vos activités. Le travail de représentant consiste à vendre de l’assurance mais aussi à prospecter, préparer des dossiers, servir ses clients, voyager sur la route, régler la « paperasse » au bureau, assister aux rencontres d’agence, étudier etc.

[Non souligné dans l’original.]

[46]        À la même page, on indique que les agents devraient planifier leur travail en faisant ce qui suit :

1. Préparer vos journées de manière à fournir au moins 8 heures de travail véritable. . .

2. Fixer l’heure de votre départ sur la route. Flâner au bureau ou à la maison n’est pas très payant.

3. Penser à vos rendez-vous avant de vous y rendre. Imaginer des objections que le client éventuel pourrait vous exprimer et préparez vos réponses. . . .

4. Dîner avec un Centre d’influence – pensez toujours « Prospection . . .

5. Prévoyez deux rendez-vous par jour au minimum.

 . . .

7. Planifiez une partie de la journée pour préparer vos dossiers et tenez vos rapports sur vos activités quotidiennes prévues ou imprévues.

8. Réservez-vous du temps pour lire.

9. Ne vous occupez pas de vos affaires personnelles pendant vos heures de travail et vice versa.

10. Rappelez-vous que le temps est pour vous du capital. À vous de bien planifier chaque heure, chaque minute.

[Non souligné dans l’original.]

La page 7 a pour en-tête « Vos objectifs et les attentes de la compagnie ». [Non souligné dans l’original.] À cette rubrique, à la page 8, on dit aux agents : [traduction] « Avec l’aide du directeur des ventes, déterminez vos objectifs en effectuant les exercices suivants. . . » [Non souligné dans l’original.]

[47]        À la page 9, il y a des déclarations intéressées qui sont plus conformes à une intention de la part de la compagnie de traiter ses agents comme des entrepreneurs indépendants. Par exemple, nous trouvons ce qui suit à la rubrique « Définition de l’organisation » :

C’est un horaire de travail organisé efficacement, de manière à réaliser les activités qui vous permettent d’atteindre vos objectifs. Le représentant travaille pour lui-même; il contrôle et est entièrement responsable des résultats de son travail. Il est définitivement un propriétaire unique. . . .

[Non souligné dans l’original.]

[48]        L’index du module 5, qui porte sur l’approche, donne une bonne indication du contenu du module :

Quand doit-on communiquer avec le client éventuel?

. . .

Comment préparer les approches au téléphone?

. . .

Méthodes d’approche

. . .

Arguments de vente

. . .

Fixer un rendez-vous

. . .

[Non souligné dans l’original.]

[49]        Voici quelques exemples qui sont donnés relativement à des arguments de vente à utiliser en fonction de la source et de l’outil de prospection, et selon, par exemple, si l’agent discute avec un client actuel, des membres de la parenté, des amis ou des connaissances, ou s’il fait de la sollicitation directe. Un point de grand intérêt, par exemple, est lorsqu’on dit aux agents comment se présenter quand ils appellent un client éventuel : [traduction] « Je m’appelle . . de l’Industrielle Alliance Assurance et Services financiers. Avez-vous quelques minutes à me consacrer? » [Non souligné dans l’original.] (Page 20). Plus loin, dans ce dialogue, on dit à l’agent de dire : [traduction] « Étant donné que ma compagnie[60] me demande d’obtenir le plus grand nombre possible de [sondages auprès de candidats éventuels], j’ai demandé à [nom de la personne qui a donné la référence] de me dire s’il connaissait quelqu’un qui serait intéressé à m’aider dans cette tâche. . . » [Non souligné dans l’original.] Voici un autre exemple d’une approche au téléphone :

Bonjour . . Monsieur... Je suis… J’appelle de l’Industrielle Alliance Assurance et services financiers. Je suis votre nouvel agent, et c’est moi qui vais m’occuper de votre dossier. Ma compagnie m’a demandé de vous rencontrer et de faire votre connaissance.

[Non souligné dans l’original.]

[50]        Une autre approche suggérée est la suivante : « Monsieur… je suis… de l’Industrielle Alliance Assurance et services financiers. C’est nous qui vous assurons. Donc, la compagnie m’a demandé de vous rencontrer. » [Non souligné dans l’original.]

[51]           Le Module 7, intitulé « Conclusion », donne au vendeur ou à la vendeuse des instructions sur les sujets suivants : « Pourquoi conclure? Quand conclure la vente? Comment conclure la vente? » [Non souligné dans l’original.] Par exemple, on y lit :[61]

. . . Plus de 98 % des gens signent une police pour des raisons émotives, et seulement 2 % le font pour des raisons rationnelles. Donc, vous devez concentrer vos efforts sur une façon de susciter leur intérêt pour l’achat d’assurance, accroître le souhait de signer et amener le client éventuel à agir.

[Non souligné dans l’original.]

[52]        Ce module offre « quelques mots et pratiques que l’agent peut utiliser pour persuader ses clients éventuels d’agir. Nous vous conseillons de les mémoriser et d’apprendre leurs définitions exactes d’un bon dictionnaire. » [Non souligné dans l’original.] Par exemple, aux pages 12 et 13 :

Les gens signeront n’importe quoi sans lire d’abord le document attentivement. Le mot « signer » signifie « lien » ou « engagement » et crée de la résistance. Si vous demandez au client de signer quelque chose, il répondra sûrement « Je vais y penser. » Utilisez des mots comme « autoriser » ou « donner votre approbation ».

. . .

. . la conclusion de la vente commence dès les premières minutes de l’entrevue de vente. Avec l’aide de votre directeur, analysez attentivement le diagramme suivant et comprenez le processus.

[Non souligné dans l’original.]

[53]        À la page 28 du module 7, la compagnie enjoint à l’agent de consigner ses ventes : [traduction] « Dans le but d’assurer un suivi de vos contrats, de la vente à la livraison, consignez tous les renseignements pertinents dans le ’Registre de mes ventes’ (F20-123A) ou sur l’extranet – Gestion d’agence ». [Non souligné dans l’original.] Également, à la page 29, une fois que l’agent a obtenu de son client éventuel qu’il signe une demande, le module exhorte à ce qui suit :

Le jour que vous classez votre proposition, écrivez-lui et félicitez-le de sa décision et remerciez-le de sa confiance en vous.

Par exemple, vous pourriez lui envoyer une carte de remerciement, qui est disponible à l’agence (F900-02A). Par contre, si vous préférez lui envoyer une lettre, vous pourriez utiliser l’exemple suivant, également disponible dans Interface.

[Non souligné dans l’original.]

[54]        La partie « Comment traiter les objections »[62] du module 7 fournit de nombreux scénarios et lignes directrices concernant la façon de traiter les objections. Voici quelques exemples tirés de ce document. Aux pages 4 et 5, nous trouvons ce qui suit :

Astuces pratiques pour aider à faire face aux objections.

. . .

b) En cas d’objection :

         Ne jamais argumenter. Le représentant ne devrait jamais répondre à une objection en argumentant avec le client éventuel. Plutôt que de sauter sur l’occasion de remporter le débat, servez-vous de l’objection pour en apprendre davantage.

         Ne jamais passer à l’attaque. . . . Essayez de ressentir ce qu’il ressent. .

         Écouter attentivement. Laissez-le exprimer son objection sans l’interrompre. . . .

         Utiliser « et » au lieu de « mais ». Lorsque vous avez une objection, essayez d’utiliser « et » plutôt que « mais ». Un client éventuel qui entend « mais » pourrait se sentir confronté ou rejeté. . . .

. . .

         Répondre de façon positive. Répondez de façon à ce que le client éventuel ressente que vous vous occupez de lui.

[Non souligné dans l’original.]

[55]        Il y a d’autres exemples à l’annexe « Les objections ’face à face’ », y compris celle-ci à la page 4 au sujet de l’objection « Je n’ai pas besoin d’acheter de l’assurance-vie » :

Agent    « Vous assurez votre bureau, votre fauteuil, les rideaux et le stock, mais vous n’avez pas assuré ce qu’il y a de plus précieux dans la vie : vous-même. . . .

[Non souligné dans l’original.]

[56]        La page 5 porte sur l’objection « Je vais y penser » :

Agent    « Cela me soulage de vous entendre dire que vous allez y penser un peu car il s’écoulera de deux à trois semaines après l’examen médical avant que la compagnie puisse décider si elle veut assumer le risque. » . . .

[Non souligné dans l’original.]

[57]        À la page 6, voici ce que l’on suggère advenant que le client éventuel dise « J’aimerais en discuter avec ma femme » :

Agent    « Je suis tout à fait d’accord avec vous. Par contre, à quoi pourrait-elle s’objecter? Plus d’argent si vous décédez? Plus d’argent au moment de prendre votre retraite? Plus d’argent si vous devenez handicapé?

[Non souligné dans l’original.]

[58]        La page 7 porte sur l’objection « Je ne peux pas me le permettre » :

. . .

Agent    « Que feriez-vous si, un jour, vous receviez un avis dans lequel on vous annonce que vos impôts ont augmenté de 120 $ par mois? »

Attendez sa réponse. Invariablement, il dira qu’il trouvera bien un moyen, peu importe lequel, de trouver l’argent. Dites-lui ce qui suit :

Agent    « C’est la même chose pour l’assurance : Vous trouverez le moyen de payer la prime. Cependant, il y a une différence entre payer des impôts et payer une prime. Lorsque vous payez des impôts, votre argent disparaît; par contre, lorsque vous payez des primes, elles vous donnent l’assurance que vous êtes protégé. »

[Non souligné dans l’original.]

[59]        Au module 8, « Livraison », l’index divulgue les sujets suivants « Pourquoi livrer la police? Quand livrer la police? Comment livrer la police? L’entrevue de livraison ».[63] [Non souligné dans l’original.] Plus précisément, il est indiqué à la page 5 que « l’objet du présent module est de vous montrer comment préparer la livraison de la police et vous assurer que votre nouveau client éventuel restera votre client pendant de nombreuses années à venir. » [Non souligné dans l’original.] À la rubrique « Quand livrer la police », on indique ce qui suit :

. . . Il est fortement recommandé de livrer les polices au plus tard 14 jours après leur émission par la compagnie. . . . Car il ne faut pas oublier que plus il s’écoule de temps entre la signature de la demande et la confirmation de son acceptation, plus votre client sera enclin à changer d’idée.

[Soulignement ajouté seulement.]

[60]        D’autres instructions sont données à la page 6 :

Bref, lorsque l’agent livre la police d’assurance au client et constate que des changements sont survenus dans l’assurabilité de la personne depuis la signature de la demande, il doit en informer l’assureur immédiatement, et pendant qu’il attend les instructions de l’assureur, il ne devrait pas livrer la police.

[Non souligné dans l’original.]

[61]        À la rubrique « Comment? » il est indiqué à la page 6 :

Pour vous assurer que votre client éventuel deviendra et demeurera un client à long terme, vous devriez vous préparer minutieusement avant l’entrevue. Cette préparation comprend neuf étapes.

. . .

2. Entrer la transaction dans « Registre » « de mes ventes » (F20-123A)

. . .

[Non souligné dans l’original.]

[62]        À la page 13, on énonce huit étapes à suivre pour bien livrer une police. La ligne directrice suivante est donnée à la page 14, en lien avec la première étape : [traduction] « Si une telle entrevue se déroule dans votre bureau, évidemment vous devriez prendre toutes les précautions nécessaires pour vous assurer que ni votre client, ni vous-même n’êtes dérangés et que vous pouvez consacrer toute votre attention au client. » À la page 22, on peut lire : [traduction] « Dès que vous retournez à l’agence, n’oubliez pas, d’abord et avant tout, d’envoyer la lettre de remerciement « Chaîne sans fin » (module de l’entrevue) ». [Non souligné dans l’original.] Voici ce que le module 8 dit qu’un agent devrait faire s’il livre une police comportant une prime additionnelle, c.-à-d. plus élevée que la prime discutée à l’étape préliminaire (à la page 25) :

. . vous devriez laisser le demandeur voir que son argument est faible. Selon eux, il est bien de lui faire comprendre qu’il peut s’agir de sa dernière chance d’obtenir de l’assurance, en soulignant, par exemple, le fait qu’il a été chanceux que sa proposition n’ait pas été refusée. Ne vous excusez jamais auprès d’un demandeur parce que la compagnie a émis une police à un tarif spécial. Mentionnez uniquement les points avantageux; ne mentionnez pas les inconvénients.[64] Adoptez une attitude positive et soyez fier du fait que le demandeur puisse transférer ce risque additionnel à votre compagnie.

[Non souligné dans l’original.]

[63]        Le Module 9, « Service et suivi », suivant un modèle semblable aux autres modules, porte sur pourquoi, quand et comment fournir un service et un suivi; on y indique aussi comment on devrait approcher un assuré.[65] À la page 5, le document explique ainsi pourquoi le service est si important :

Dès qu’une police est passée la date d’expiration au début de la deuxième année, sans être renouvelée et sans raison apparente, cela signifie une perte pour l’assuré, une perte pour l’agent et une perte pour la compagnie.

L’assuré a payé une prime, qu’il a jetée par la fenêtre. L’agent est privé des commissions liées au renouvellement et boni de conservation. La compagnie assume les frais administratifs, qui dépassent le revenu réalisé.

[Non souligné dans l’original.]

[64]        L’extrait ci-dessus illustre clairement que les intérêts de la compagnie sont toujours en jeu, contrairement à l’impression donnée par certaines déclarations intéressées susmentionnées et ci-dessous, qui se concentrent uniquement sur l’agent.

[65]        À la page 6 du module, on peut lire :

. . . [traduction] Après l’enregistrement de la police, pour renforcer votre vente, vous envoyez la carte de « remerciement » (module de conclusion). Vous livrez alors le contrat et prenez le temps de donner à votre client tous les renseignements pertinents (module de livraison) – ceci fait partie du service que vous offrez à votre client.

[Non souligné dans l’original.]

[66]        À la page 7 du module, il y a une description de la façon d’offrir le service et de faire le suivi : [traduction] « . . il est très important d’organiser votre ordinateur, qui génère automatiquement vos activités. Dans un mini-fichier, vous avez les index mensuels utiles pour insérer les cartes de votre client afin de communiquer avec lui à la bonne occasion. » [Non souligné dans l’original.] Parmi les points couverts à la page 8, voici celui qui traite des cartes d’anniversaire : [traduction] « 14 jours avant l’anniversaire d’un client ou d’un client éventuel, on vous avertit de préparer sa carte d’anniversaire. . . . Votre directeur vous montrera de quelle façon vous pouvez les ravoir toutes les semaines, ou vous pouvez avoir recours à « Aide » sur la barre d’outils ». [Non souligné dans l’original.] À la page 15, les instructions suivantes sont données au sujet de l’approche de la date anniversaire du contrat : Vous envoyez la lettre qui suit ainsi que la brochure « Mise à jour de votre dossier » (F13-248A) la semaine précédant cette date, puis un appel téléphonique. Ce qui suit fait partie du dialogue suggéré pour cette activité :

Bonjour, c’est… de l’Industrielle Alliance. Je viens de recevoir le document de mise à jour de votre dossier.

[Non souligné dans l’original.]

[67]        En plus des séances du matin mentionnées dans la liste des séances de formation,[66] M. Mazraani a déclaré qu’il a eu trois semaines de formation technique, de 13 h 30 à 15 h 30, le mardi et le jeudi. Les présentateurs étaient des employés de l’Industrielle Alliance, habituellement des directeurs des ventes. Cette formation comprenait l’utilisation de l’ordinateur et du logiciel.[67]

[68]        Le logiciel, qui a été conçu par et pour l’Industrielle Alliance et qui décrit ses produits financiers à l’intention de ses clients éventuels, constitue un outil essentiel pour la distribution de ses produits financiers. À titre d’exemple de la documentation qui serait produite par ce logiciel, M. Mazraani a déposé un document daté du 6 septembre 2012 qui fait la genèse de la police d’assurance-vie universelle qu’il a présentée à l’un de ses clients.[68] Le document de neuf pages contient des en-têtes comme « Une solution financière à tous vos besoins » et « Détails du régime ». Des renseignements sont donnés sur la protection, le rendement moyen pour la première année et les valeurs protégées sur une période de 57 ans, en fonction de certaines hypothèses de placement. Il y a aussi la section « Points saillants » qui présente les définitions de mots utilisés dans le document et il y a un « Test de sensibilité aux taux d’intérêt ». À mon avis, rien de tout cela ne pourrait être produit sans un ordinateur, du moins pas aussi rapidement et avec autant de précision qu’il est fait avec un tel outil.[69]

[69]        De plus, M. Mazraani a reçu une formation d’une heure donnée par une secrétaire sur l’utilisation du système téléphonique que lui fournissait l’Industrielle Alliance. Non seulement il a reçu une formation sur la façon d’utiliser le système téléphonique, mais on lui a donné plusieurs exemples de messages à utiliser.[70]

(2) Formation pour tous les agents et réunions de succursale

[70]        Même après la première formation, M. Mazraani a continué de recevoir une formation et une supervision de l’Industrielle Alliance. Cette formation était offerte à tous les agents. Selon M. Mazraani, les séances de formation visaient à l’informer (et les autres agents) au sujet des produits financiers offerts par l’Industrielle Alliance et à lui montrer comment faire son travail, y compris comment utiliser l’intranet et les applications logicielles, comment suivre les règles de conformité, comment demander des prélèvements de sang des clients éventuels et comment approcher les clients aux fins de sollicitation.

[71]        Il existe un document qui dresse la liste des 13 séances de formation de tous les agents pour la période du 13 août au 24 septembre 2012. Ces séances vont habituellement de 9 h 30 à 10 h 30 ou 11 h.[71] Les sujets comprenaient « La prospection » (13 août), « Tout sur l’agenda » (23 août), « Tout sur la messagerie » (30 août), « Tout sur la gestion des contacts » (6 septembre), et « [C]omment générer une liste d’envoi » (20 septembre). Certains de ces sujets laissent entendre une formation sur la façon de faire les choses. D’autres séances avaient pour objet d’informer les agents sur les services ou produits financiers, comme dans le cas de la séance du 12 septembre : « Présentation Inter-Action – Formation nouveau système hypothécaire ». Service Inter-Action était une nouvelle filiale d’IA qui œuvrait dans le domaine du courtage hypothécaire, qui voulait obtenir des agents de la succursale des recommandations de clients.[72]

[72]        Dans un courriel du 4 mai 2012 concernant Solicour, on peut lire : « L’objectif de ces rencontres est de faire connaître les services de Solicour mais surtout de former les représentants à développer des affaires d’assurance collective ». Ce courriel est destiné aux personnes qui n’ont pas expérience du secteur de l’assurance collective. L’objet de la présentation mentionnée dans le courriel est « Pourquoi et comment faire de l’assurance collective! ».[73] Il y a un autre courriel, sur lequel figure la mention « Important à noter à votre agenda », qui s’adresse à tous les membres de la succursale LaSalle et dont le sujet est « Rencontre préparatoire Concours du président ».[74] Les sujets énumérés sont « Idées de prospection », « Suggestions de structure de travail » et « Objectifs de l’agence ».[75] [Non souligné dans l’original.]

[73]        Il y a une autre liste qui indique onze réunions et d’autres activités, notamment deux séances de formation[76] qualifiant pour les unités de formation continue (UFC[77]), prévues du 25 octobre au 13 décembre 2012.[78] Par exemple, la liste indique une réunion qui doit avoir lieu le 25 octobre, un jeudi, entre 9 h 30 et 10 h 30, et une réunion de succursale (« Réunion d’agence ») prévue pour 14 h le 22 novembre.

[74]        Danielle Harrison, « adjointe à la direction – formation » de l’Agence Mercier, a envoyé le courriel suivant daté du 18 septembre 2012, dont la ligne d’objet se lit comme suit : « Important − Atelier publipostage Gestion clients ». Il s’agissait d’un atelier sur la « création et la fusion de lettres pour envoi postal ».[79] Dans un courriel daté du 1er octobre 2012, la « secrétaire administrative » de l’IA informe le personnel de changements au calendrier de formation, en particulier pour ce qui concerne la présentation « Comment préparer un dossier hypothécaire ».[80]

[75]        La description qui suit par la CRT de ce qui s’est passé à la succursale Laval divulgue un modèle semblable :[81]

[75] Il y a d’abord deux réunions hebdomadaires entre le directeur des ventes et ses représentants. La première est une réunion d’équipe. Plusieurs sujets sont abordés, tels que les objectifs de vente pour l’équipe, les règles et les procédures corporatives, les pratiques commerciales, des conseils de vente, etc. La seconde est une réunion de supervision où le directeur des ventes rencontre chaque représentant de son équipe, à l’exception de certains « senior ». La discussion a notamment pour objet leur rapport d’activité et le traitement de certains dossiers. Les réunions hebdomadaires sont d’une durée approximative de une heure trente.

[76] Ensuite, il y a les réunions de suivi trimestriel entre le directeur des ventes et ses représentants, en expliquant que l’objectif poursuivi vise à faire un suivi quant à la réalisation du plan d’affaire et des objectifs de vente des représentants.

[77] Monsieur Blackburn mentionne deux autres réunions, soit les réunions d’agence mensuelles qui se tiennent généralement l’avant-midi, lesquelles visent le directeur d’agence, les directeurs des ventes et tous les représentants, soit les réunions de formation trimestrielle dispensée par Industrielle Alliance.

[78] Enfin, il précise qu’à chacune de ces réunions, les présences sont prises, soit par le directeur de l’agence ou les directeurs des ventes et que le représentant qui ne peut y participer a l’obligation d’en informer son directeur des ventes et de lui exposer les raisons de son absence.

[79] Messieurs Blackburn et Kaliszczak affirment que la majorité des représentants (95%) sont présents aux réunions.

[80] Le directeur de l’agence de Laval, André Pavan reconnaît qu’il tient un registre de présence, mais il ajoute qu’il l’utilise uniquement lorsque la réunion concerne une formation reconnue par l’AMF. Il mentionne qu’une de ses responsabilités consiste à s’assurer que les représentants de son agence ont rempli leurs engagements de formation continue (30 unités réparties sur 2 ans, en assurance de personne, en assurance générale et en conformité), tout en rappelant que la majorité de la formation est obtenue à l’interne. Quant à son registre, il note un taux de présence de 73% pour la dernière année et il estime que pour les années antérieures, les taux de présence sont sensiblement les mêmes. Ceci dit, il nie tenir un registre similaire ou prendre en compte la présence des représentants à d’autres types de réunion.

[81] Tous les témoins reconnaissent qu’aucun représentant n’a subi de sanction, de réprimande ou de conséquence pour ne pas avoir assisté à l’une ou l’autre des réunions de l’agence de Laval, ni pour avoir omis, refusé ou négligé de produire un rapport sur ses activités.

[Non souligné dans l’original.]

[76]        Il n’est donc pas surprenant que M. Mazraani et quelques témoins mentionnés dans les motifs de la CRT se sentaient obligés d’assister aux réunions.

[77]        Outre les présentations précises qui décrivaient des produits d’assurance particuliers,[82] destinées aux agents, il y avait de nombreux documents disponibles sur l’intranet qui décrivaient comment agir comme vendeur et comment effectuer le travail de vente.

E. Travail de conseiller financier (agent) de M. Mazraani

[78]        M. Mazraani s’est acquitté de la plupart de ses fonctions aux bureaux de la succursale LaSalle, dans un cubicule non loin du poste de travail de son directeur des ventes, M. Beaulé. Le cubicule était réservé à l’usage exclusif de M. Mazraani et portait son nom. Le numéro de son poste téléphonique était le 422. Même s’il travaillait du lundi au jeudi, il se considérait comme un employé à plein temps de l’Industrielle Alliance, travaillant au moins 35 heures par semaine, comme le lui rappelait régulièrement M. Beaulé ou M. Leclerc. Il réservait le vendredi à ses affaires personnelles. Il a dit qu’il vendait des verres de lecture au marché aux puces de Saint-Eustache la fin de semaine afin de compléter son revenu familial. Il avait trois enfants et sa femme à sa charge.

[79]        De façon générale, la tâche de M. Mazraani consistait à solliciter ses propres clients éventuels pour acheter des produits financiers de l’Industrielle Alliance. Dans son témoignage, il a dit que même si la compagnie soutient qu’il était libre d’offrir des produits financiers d’autres institutions financières en vertu de son contrat d’agent, il ne l’a pas fait. Il aurait été difficile de le faire étant donné les cibles de production minimales qu’il devait atteindre pour rester à l’emploi de l’Industrielle Alliance. De plus, compte tenu des complexités des produits financiers[83] qu’il devait maîtriser, il était illusoire de penser qu’il pourrait représenter d’autres institutions financières. En outre, il y avait plusieurs restrictions, notamment transiger avec une « entité autorisée » comme il était stipulé à l’article 2 du contrat d’agent. Par exemple, Solicour, une filiale de l’IA, mettait à sa disposition les produits d’autres compagnies de services financiers. Cette filiale recevait une commission sur ces produits. Une autre restriction mentionnée dans le contrat d’agent était qu’il pouvait présenter des demandes à d’autres assureurs uniquement si le produit financier n’était pas offert par le groupe de l’Industrielle Alliance ou qu’il refusait d’émettre une police.

[80]        C’était également le cas des deux agents, Blackburn et Kaliszczak, de la succursale Laval. Au paragraphe 51 des motifs de la CRT, il est indiqué :[84]

. . . Ils vendent essentiellement les produits d’assurance et les produits financiers d’Industrielle Alliance en raison de la structure de la rémunération qui ne favorisent pas la vente d’autres produits. Pour eux, il s’agit d’une activité marginale qui n’est pas encouragée, en ajoutant que ce type de transaction doit être systématiquement approuvé par le directeur de l’agence. . . .

[Non souligné dans l’original.]

(1) Autres instructions

[81]        En plus de toute la formation et des documents du module décrits plus haut que M. Mazraani a reçus avant de commencer à travailler officiellement et après, l’Industrielle Alliance donnait de nombreuses instructions à ses agents non seulement sur ce qu’ils devaient faire, mais aussi sur comment faire leur travail.

[82]        Par exemple, on a demandé à M. Mazraani, conformément au pouvoir d’attribuer des clients mentionné dans la lettre du 27 avril,[85] de s’occuper d’un client précis de la succursale LaSalle, qui n’était pas un de ses clients. Cela s’est produit au moins une fois, lorsque son directeur des ventes lui a demandé de régler un problème de chèque retourné pour une prime payée par un détenteur de police qui n’avait pas été sollicité par M. Mazraani. À l’appui de son témoignage à cet égard, M. Mazraani a déposé les pièces A-6 et A-7, qui donnent le nom de ce client de la succursale. Le chèque retourné était en réalité un prélèvement bancaire préautorisé qui avait été retourné à l’Industrielle Alliance pour « provision insuffisante ».

[83]        L’article 7 du contrat d’agent stipule que l’agent accepte de se conformer à toutes les politiques de la compagnie, dont l’objectif est décrit comme étant : « normaliser les procédures administratives, réduire le temps consacré à traiter une demande et s’assurer que tout le monde respecte les règlements de l’industrie de l’assurance-vie et santé. » [Non souligné dans l’original.] Ces politiques comprennent les Normes de conduite[86] et la Politique sur l’utilisation des communications électroniques (Politique sur les communications). Les Normes de conduite sont énoncées sur deux pages. Il s’agit de 13 articles sur la première page (Normes de conduite à la page 1); à la page 2, on retrouve les « Normes de surveillance de l’industrie » (Normes de l’industrie),[87] dont au moins une pour chacun des 18 points et pour lesquelles il y a des descriptions des contrôles mis en place par la compagnie et des sanctions à appliquer pour défaut de conformité. L’article 19 du contrat d’agent renvoie à ces documents, à la rubrique « Horaires, code et politiques », en tant que documents qu’un agent doit reconnaître avoir lus.

[84]        L’« objectif premier » des Normes de conduite est d’établir les lignes directrices pour toutes les opérations de la compagnie. Les Normes de conduite à la page 1 se lisent comme suit :

Introduction

L’objectif premier de ce code de normes de conduite sur le marché est d’établir des lignes directrices pour toutes les opérations de la compagnie et de s’assurer que les intérêts de nos clients viennent toujours au premier plan de nos opérations quotidiennes.[88]

Cette partie du code vise principalement les normes relatives à la conduite sur le marché du personnel des ventes.

Plusieurs contrôles ont été ou seront mis en place pour s’assurer que les articles du code sont respectés. Par-dessus tout, nous croyons que la formation des employés et du personnel des ventes demeure la meilleure façon d’éviter les erreurs qui pourraient porter préjudice à nos clients,[89] qu’elles soient intentionnelles ou non.

Articles

1)   L’intermédiaire convient d’informer et de conseiller de façon appropriée le client et de respecter les règles de son code de déontologie.

2)   Toute publicité ou offre d’un produit ou service faite par la compagnie ou un membre de la force de vente doit être claire et véridique. Une telle publicité ou offre ne peut pas présenter faussement le produit et ne doit pas contenir de déclarations, démonstrations ou comparaisons incomplètes conçues pour tromper le client.

3)   Tout document, avis, déclaration ou contrat destiné au client doit être clair et compréhensible et doit fournir au client tous les renseignements nécessaires. En outre, tous les documents publiés par la compagnie ne peuvent pas être modifiés par un membre de la force de vente.

4)   Toute sollicitation de clients actuels ou futurs doit se faire de façon à ne pas induire en erreur le client quant à l’objet réel de la sollicitation.

5)   Avant de recommander un produit ou un service à un client, l’intermédiaire doit déterminer entièrement les besoins, les objectifs et la situation financière du client. À cette fin, il doit effectuer une analyse des besoins, établir les objectifs et déterminer le profil d’investisseur du client.

6)   L’intermédiaire doit encourager le client à maintenir ses contrats actuels en vigueur. Toutefois, si dans l’intérêt du client nous devons modifier ou remplacer ses contrats, le client doit être informé des avantages et des conséquences[90] du changement, et le changement doit se faire conformément aux règles prescrites par la loi ou les règlements en vigueur.

7)   L’intermédiaire doit fidèlement et totalement acheminer tous les renseignements obtenus du client et exigés par la compagnie pour l’analyse et l’évaluation d’une demande d’assurance. L’agent doit aussi informer la compagnie de toute situation qui pourrait modifier la décision de la compagnie.

8)   Tous les renseignements obtenus du client seront traités de façon confidentielle et ne seront utilisés qu’aux fins autorisées par le client.

9)   Toutes les demandes individuelles d’assurance ou de rente doivent être envoyées immédiatement à la compagnie. La même disposition s’applique à toute demande de modification présentée par le client.

10) Tous les montants versés par un client à un intermédiaire doivent être immédiatement acheminés à la compagnie.

11) Toutes les sommes dues à un client par la compagnie doivent être acheminées immédiatement au client.

12) Tout contrat d’assurance ou autre document émis par la compagnie doit être livré au client dans les 21 jours de son émission. S’il faut obtenir d’autres renseignements une fois que le contrat est livré, ces renseignements doivent être acheminés immédiatement à la compagnie. De plus, lorsqu’il livre le contrat, l’intermédiaire doit en expliquer le contenu au client et l’informer de toute modification, prime supplémentaire ou changement apporté par la compagnie. Finalement, l’intermédiaire doit informer la compagnie et retourner le contrat s’il y a un changement dans l’assurabilité de l’un des assurés.

13) Application de contrôles et de sanctions

–   Dans tous les cas, le non-respect des présentes normes peut être signalé par le personnel de la compagnie.

–   Lorsque plus d’une sanction est indiquée, elles s’appliqueront graduellement advenant des infractions ultérieures.

–   Le contrat de l’agent sera résilié si l’intermédiaire omet de se conformer aux normes après trois (3) avis écrits au cours d’une période continue de 24 mois.

–   Tout non-respect des normes qui entraîne la résiliation du contrat sera considéré une infraction grave. La résiliation du contrat sera signalée à l’organe provincial de réglementation.

–   Indépendamment de ce qui précède, les sanctions indiquées peuvent varier et peuvent être combinées à une autre mesure jugée appropriée par l’agent de conformité en chef ou son remplaçant.

–   Dans tous les cas, les coûts engagés par la compagnie en raison du non-respect par l’agent seront facturés à l’agent. Cela comprend toutes les amendes imposées à la compagnie en raison des actes fautifs de l’agent.

[Non souligné dans l’original.]

[85]           Pour ce qui est de la Politique sur les communications[91], l’avocat de l’IA a insisté sur le fait que ce document était destiné à remplir l’obligation de l’IA en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[92] (Loi sur la protection des renseignements), et principalement en vertu de l’article 10, qui dispose ce qui suit :

10. Toute personne qui exploite une entreprise doit prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support.

[Non souligné dans l’original.]

[86]        Cependant, une lecture du document montre une réalité différente. Premièrement, le document commence par les paragraphes suivants :

Le présent document résume les principaux points de la politique générale de la compagnie sur l’utilisation des communications électroniques, c.-à-d. Internet et le courriel. Tous les agents de la compagnie doivent convenir de respecter cette politique. Compte tenu de la nature du travail, il est important que les règles ci-dessous soient respectées de façon à ne pas entraîner une perte de données dans leur ordinateur ou une interruption de la connexion avec le siège social.

1. L’accès aux communications électroniques est donné dans le seul but d’aider les agents dans les activités reliées au travail. L’utilisation de cet accès à une autre fin, en particulier des activités illégales, des activités commerciales personnelles, des pratiques non éthiques ou offensantes, des conversations ou l’accès à des sites considérés offensants ou qui peuvent avoir une incidence néfaste sur les intérêts de la compagnie et d’autres activités connexes est strictement interdite.

2. De façon à assurer un service optimal à tous les agents et aux fins de la facturation, la compagnie recueille régulièrement des statistiques sur la fréquence et la durée des accès Internet ainsi que le nombre et la taille des messages de courriel envoyés et reçus. En cas de doute raisonnable, la compagnie se réserve le droit de surveiller l’utilisation et le contenu de ces communications de façon plus étroite.

. . .

4. Les agents ne peuvent pas fournir de renseignements confidentiels (secrets commerciaux, listes de clients, etc.) ou de renseignements personnels concernant les salaires, le personnel de direction, les fournisseurs, les clients ou d’autres représentants de la compagnie à des tiers sans l’autorisation requise.

5. Toute utilisation qui ne respecte pas la politique de sécurité de la compagnie peut entraîner des sanctions qui peuvent aller du transfert des droits d’accès à la résiliation du contrat de l’agent.

[Non souligné dans l’original.]

[87]        La politique prévoit aussi d’autres règles concernant l’utilisation d’Internet. Elle décrit plusieurs précautions à prendre, notamment :

1) Les agents doivent supposer que les renseignements trouvés sur Internet (Web) ne sont pas fiables et devraient consulter d’autres sources pour les vérifier.

2. Les agents devraient faire preuve de prudence lorsqu’ils téléchargent des fichiers d’Internet et prendre note de ce qui suit :

a) Les agents qui louent un ordinateur de la compagnie ne doivent pas télécharger de fichiers destinés à améliorer le rendement de leur ordinateur. . . .

b) Presque tous les renseignements trouvés sur Internet sont protégés par des droits exclusifs. Les agents ne devraient pas télécharger des applications ou des logiciels, à moins d’en détenir la licence requise.

c) Dans plusieurs cas, les virus contractés d’Internet ont infecté d’autres ordinateurs de plusieurs compagnies. Par conséquent, chaque fois que des fichiers sont téléchargés, les agents doivent balayer les fichiers en question pour vérifier s’ils contiennent des virus à l’aide de logiciels antivirus.

3. Les agents qui offrent des avis dans des forums de discussion sur Internet devraient inclure l’énoncé suivant après leurs commentaires :

« Ce message est une expression des opinions personnelles de l’auteur. La compagnie ne sera pas tenue responsable de quelque façon que ce soit des opinions exprimées. »

[Non souligné dans l’original.]

[88]        Les extraits de la politique indiquent clairement que la compagnie dit à ses agents comment utiliser l’intranet et Internet, auxquels ils ont accès. Il y a des instructions précises sur la façon de l’utiliser, des contraintes quant à la durée pendant laquelle on peut l’utiliser, une interdiction d’utiliser des applications, à moins d’obtenir la licence appropriée, et une interdiction de donner des renseignements au sujet des salaires et du personnel de direction. Des préoccupations sont soulevées en ce qui concerne les questions d’intérêt pour la compagnie et qui ne sont pas visées par la Loi sur la protection des renseignements, comme l’a décrit l’avocate à l’interne dans son témoignage.

[89]        Un autre exemple de lignes directrices et d’instructions au profit de la compagnie est la déclaration selon laquelle les opinions exprimées par les agents ne devraient pas être considérées l’opinion de la compagnie.

[90]        Cela vaut également pour les normes de l’industrie, qui figurent à la page 2 des Normes de conduite.[93] Par exemple, en ce qui concerne les médias, il est indiqué que les agents ne doivent pas encourager un client à utiliser les médias pour résoudre un problème. Le non-respect de cette exigence entraîne la résiliation du contrat d’agent, tout comme ce serait le cas pour les infractions liées au blanchiment d’argent. Aucune autre sanction n’est mentionnée dans ces deux cas! Une autre Norme de l’industrie qui est semblable à l’article 3 des Normes de conduite, à la page 1, est l’interdiction de modifier un document émis par la compagnie.[94] De plus, il est indiqué que toute publicité sur des produits et services doit être approuvée par le département des communications de la compagnie. Une autre norme est celle qui veut qu’une police qui est remplacée ne devrait jamais être résiliée tant qu’une nouvelle n’est pas émise. L’une des sanctions décrites pour le non-respect de ces trois dernières normes est la résiliation du contrat d’agent.

[91]        À l’article 10 du contrat d’agent, il y a une directive précise qui exige qu’un agent n’accorde pas une réduction de prime aux clients. Au même article, l’agent a la consigne d’« informer la compagnie par écrit de l’ouverture (et de toutes les modifications ultérieures) d’un compte en fiducie pour l’exécution de ses tâches. » Ainsi, la compagnie sera en mesure d’exercer son pouvoir de contrôler. Finalement, l’agent doit immédiatement rembourser à la compagnie toute somme qu’il ou elle reçoit au nom de la compagnie.

[92]        D’autres exemples d’instructions dans une fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année », où l’on peut lire :[95]

1       Lorsque j’arrive au bureau, la première chose que je fais est d’inscrire mes activités et résultats de la veille dans le système de gestion de l’agence.

2       Je prends mes messages, lis mes courriels et consulte mon agenda pour la journée.

3       Je consacre 60 % de mon temps à la prospection en faisant un nombre suffisant d’appels pour obtenir 10 rendez-vous par semaine.

4       Je me rappelle, chaque fois que je vois un client ou un client éventuel, ou que je parle à un client ou un client éventuel, de demander des recommandations en assurance-vie et pour les dates de renouvellement de prêts hypothécaires ainsi que d’assurance-habitation et automobile.

5       Je prends le temps d’appeler tous mes clients le jour de leur anniversaire de naissance.

6       Je prends le temps de faire le suivi médical de mes dossiers et je livre mes contrats à mesure que je les reçois.

7       Je participe aux réunions d’agence et je consulte les renseignements sur l’extranet.

8       Je fais tout ce qui est nécessaire pour que ma semaine de travail soit remplie avant de quitter pour la fin de semaine.

9       Je contribue au développement de l’agence en recommandant des candidats à mon directeur.

10     Je contribue au succès de mon équipe, de mon agence et de « L’équipe solidaire » en faisant ma part lors des promotions de vente de la compagnie.

[Non souligné dans l’original.]

[93]        Dans un courriel envoyé par Nicole Duclos, « superviseure administrative », [Non souligné dans l’original] une adjointe du directeur de la succursale, dont l’objet est « IMPORTANT CONFORMITÉ » « Précisions et ajustements »,[96] se trouvent les instructions suivantes :

Pour que vos dossiers soient conformes, veuillez vous assurer de sauvegarder l’illustration et le profil de l’investisseur électronique que vous avez préparés pour le client avant la vente où [sic] le jour de la signature de la proposition F1E. À noter que lorsque vous ne sauvegardez pas, la date de préparation de l’illustration est différente de la date de signature de la proposition ce qui n’est pas conforme.

Je vous rappelle que la déclaration du proposant F13-743 doit être imprimée (recto-verso) afin qu’elle soit signée par le client. Ne pas oublier de cocher la case à l’effet que le client déclare avoir pris connaissance de la déclaration du représentant qui figure au verso.

Vous trouverez ci-joint un aide-mémoire à jour afin que vous puissiez nous remettre vos dossiers dans l’ordre indiqué. Veuillez ne pas brocher les différents documents remis pour expédition au Siège Social car ils doivent débrocher à la réception pour mettre à l’imagerie votre dossier.

[Non souligné dans l’original.]

[94]        M. Mazraani a déposé l’aide-mémoire pour conformité (« conformité »).[97] Ce document lui indiquait l’ordre dans lequel chaque document devait être classé, précisait que tous les originaux des documents devaient être regroupés, de même que toutes les copies de ces documents qui devaient rester dans le dossier et indiquait où les originaux et les copies devaient être classés. Par exemple, l’aide-mémoire exigeait que l’original d’un document soit envoyé au siège social et qu’une copie soit conservée dans le dossier. Pendant son témoignage, l’avocate à l’interne a reconnu que ce document n’était pas une mesure de conformité prise en vertu de la Loi sur la distribution, mais qu’il s’agissait d’une mesure de conformité administrative prise pour assurer une plus grande efficacité des opérations de l’IA.[98]

[95]        Il y a une autre liste de vérification de la conformité intitulée « Conformité, Éléments à corriger,− Grille de suivi » (Liste de vérification de la conformité), qui indique les sources des diverses exigences. Certaines de ces exigences font référence à des règlements, certaines à des normes de l’industrie ou à des règles internes.[99] La liste de vérification se lit en partie comme suit :

AJOUTER AU DOSSIER

1. Notes dans la section “Communications du dossier client AMF REGL. 2 ART. 6.

2. CTC (Renseignements personnels – objectifs et planifications) + détaillé AMF REGL. 2 Art. 6

3. ABF (Bilan financier) + détaillé AMF REGL. 2 ART. 6

4. Description des polices en vigueur dans le Temps d’arrêt incomplète AMF REGL. 2 ART. 6

. . .

6. Déclaration du proposant (F-13-743) ACCAP[100]

. . .

À CORRIGER

17. Actif et passif incomplet. AMF REGL. 2 ART.6

18. Bilan financier erroné, ne tenant pas compte des contrats existants ou remplacés AMF REGL. 2 ART.6

19. Temps d’arrêt papier n’est pas signé par le proposant AMF REGL. 2 ART.6

. . .

21. Refus d’assurance au conjoint, non initialisé par le proposant AMF REGL. 2 ART.6

. . .

24. Les initiales du proposant sont absentes sur la F-13-743 AMF REGL. 2  ART.6

. . .

32. Divergence − Initiales du directeur n’apparaissent pas sur le formulaire « Profil de l’investisseur » Règle interne de la compagnie

[Non souligné dans l’original.]

[96]        En juillet 2012, l’Industrielle Alliance a rédigé une note de service qui décrivait ce que ses agents devaient faire à la suite des changements qui étaient apportés aux taux des primes pour des produits d’assurance donnés. Il se lit en partie comme suit :

. . .

Que faire?

1. Détruire les quantités que vous avez en stock à votre agence.

2. Utiliser le fichier électronique de la F32 joint à ce courriel. Imprimez-le et remplissez-le au besoin. La version électronique en format PDF de cette proposition est également disponible sur l’extranet et dans le centre de documentation.

3. De nouveaux exemplaires papier seront disponibles le 25 juillet 2012 à votre centre d’approvisionnement habituel. Lorsque vous en commanderez, veuillez prendre en considération que nous préparerons éventuellement une version en format PDF dynamique (qui peut être remplie à l’écran).

[Non souligné dans l’original.]

Cela représente un niveau de microgestion plus élevé que l’on pourrait s’attendre de la plupart des employeurs en ce qui concerne leurs employés!

[97]        Voici un autre exemple. Le 28 juin 2012, la compagnie a envoyé une note de service intitulée « Kiosque Square Décarie, Règles et procédures ». À la rubrique « RÈGLES INTERNES », nous trouvons l’instruction suivante : « SVP être à l’heure selon l’horaire établi. »[101]

[98]        L’Industrielle Alliance prépare des documents publicitaires que ses agents doivent utiliser, notamment des agendas et des calendriers de bureau. Ce matériel de marketing est personnalisé et peut comporter la photo de l’agent. La directive donnée par la compagnie concernant ces photos est « TENUE VESTIMENTAIRE : Homme : VESTON, CRAVATE Femme : TENUE PROFESSIONNELLE ».[102] Même si ce sont les agents qui paient pour le matériel de marketing, c’est l’Industrielle Alliance qui leur dit comment s’habiller.

[99]        M. Mazraani a aussi reçu un dépliant de la compagnie qui explique comment accéder à l’outil « Gestion Clients » à compter du 18 juin.[103]

(2) Supervision et contrôle

[100]   L’Industrielle Alliance vérifie la conformité. Même si de nouvelles mesures législatives ont ces dernières années relevé les normes, le contrôle de conformité était une fonction que la compagnie faisait longtemps avant l’entrée en vigueur de ces nouvelles normes en 1998, comme l’a reconnu M. Charbonneau, un agent de l’IA depuis environ 29 ans. Lorsqu’on lui a posé des questions au sujet de ces nouvelles normes et du besoin de formation qui en découlait, il a dit ceci :[104]

M. CHARBONNEAU : Vous n’avez donc pas besoin de formation pour lire que nous devons inscrire « renseignements personnels » ou peu importe, ce sont des choses que nous ferions. C’est tout simplement que maintenant c’est mieux fait, de sorte que nous voyons que tous les documents sont faits.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Est-ce que vous dites que vous n’avez jamais assisté à une séance pour vous expliquer à quel moment les nouvelles règles de conformité sont entrées en vigueur?

M. CHARBONNEAU : Non, la nouvelle règle de conformité est entrée en vigueur, mais je veux dire ---

JUGE ARCHAMBAULT : Avez-vous reçu une formation à ce sujet?

M. CHARBONNEAU : Eh bien, nous avons reçu la formation au bureau ---

. . .

M. CHARBONNEAU : --- à la succursale.

. . .

M. CHARBONNEAU : Mais nous -- tout cela, c’était quelque chose que nous ferions au fil des ans, c’est jusque maintenant c’est plus ---

. . .

M. CHARBONNEAU : --- perfectionné.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Au début, il vous faut une formation pour être au courant.

M. CHARBONNEAU : Exactement.

JUGE ARCHAMBAULT : Mais une fois que c’est acquis, vous n’avez pas besoin qu’on vous le redise chaque fois?

M. CHARBONNEAU : Exactement, mais ce que je voulais dire aussi, c’est que toutes ces choses qu’ils demandent, c’est quelque chose que nous faisons depuis des années ---

. . .

M. CHARBONNEAU : --- ce n’était donc ---

. . . .

M. CHARBONNEAU : --- rien de nouveau.

[Non souligné dans l’original.]

[101]   Il a donné la description suivante de la façon dont la conformité est assurée par la compagnie :[105]

JUGE ARCHAMBAULT : J’ai une note ici au sujet du rapport d’activités. Présentez-vous un rapport d’activités? Vous ne les présentez pas. Donc, comment est-ce que votre directeur des ventes ou votre directeur de succursale saurait au sujet des nouveaux clients que vous recrutez, comment en est-il informé?

. . . .

JUGE ARCHAMBAULT : Parce que vous avez dit que parfois ils l’examinent, donc ---

M. CHARBONNEAU : Oui, exactement.

JUGE ARCHAMBAULT : --- je suppose donc qu’ils ne l’examinent pas parce que vous lui demandez de le faire?

M. CHARBONNEAU : Non.

JUGE ARCHAMBAULT : Ils le font de leur propre initiative; c’est bien cela?

M. CHARBONNEAU : Exactement.

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, comment le savent-ils? Le classeur est dans votre bureau; est-ce exact?

M. CHARBONNEAU : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Ils ont donc le droit d’aller dans votre ---

M. CHARBONNEAU : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : --- et ils le consultent ---

M. CHARBONNEAU : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : --- et c’est ainsi que cela se fait?

M. CHARBONNEAU : Oui, ils pourraient le faire « au hasard ».

JUGE ARCHAMBAULT : En quelque sorte, un contrôle ponctuel?

M. CHARBONNEAU : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : . . . Donc, ils le -- ils le font tout simplement?

M. CHARBONNEAU : Exactement.

[Non souligné dans l’original.]

[102]   L’avocate à l’interne, Mme Beaudet, a corroboré le témoignage de M. Charbonneau selon lequel le département de conformité ne contrôlait qu’au hasard, de 5 à 10 % des transactions.[106] Elle a dit que le niveau de conformité n’était pas précisé dans la loi et que c’est la compagnie qui avait décidé de le faire à ce niveau. La compagnie considérait que c’était raisonnable, tout compte fait. Dans ce contexte, conformité signifie vérifier si l’agent a rempli ses obligations en vertu de la Loi sur la distribution, comme s’enquérir au sujet de la situation ou des besoins du client.[107]

[103]   Le personnel à la succursale a effectivement examiné la documentation préparée par M. Mazraani, comme en témoigne une note dans le dossier de l’un des clients de M. Mazraani dans lequel, par erreur, le montant de la première prime indiquait 23 886 001 $. Ce montant aurait dû être 75,87 $.[108] Une adjointe de M. Leclerc,[109] Mme Laporte, agissant en son nom, a informé le siège social de l’erreur. Elle a ensuite signalé l’erreur au supérieur hiérarchique de M. Mazraani, M. Beaulé, pas M. Mazraani.[110] C’est M. Beaulé qui l’a informé.

[104]   Lorsque l’avocat pour l’IA lui a laissé entendre que les agents pouvaient engager un adjoint ou une adjointe aux ventes, M. Michaud a dit qu’ils pouvaient, et j’ai demandé les clarifications suivantes :

JUGE ARCHAMBAULT : . . . Il n’y a donc aucun lien contractuel entre cet adjoint et la compagnie?

M. MICHAUD : Non. . .

. . .

M. MICHAUD : La seule chose que nous demandons aux employés des conseillers de faire, c’est de signer une entente de confidentialité selon laquelle ils ne divulguent pas les renseignements sur les clients parce que ---

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : . . . Mais est-ce une entente qu’ils prennent directement envers vous ou envers le -- envers le conseiller?

M. MICHAUD : Je n’ai pas les détails. Je ne sais pas.[111]

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : . . à moins que je fasse erreur, je pensais que dans le jugement que j’ai lu, ils demandent que vous approuviez cet adjoint. Est-ce que je me trompe?

M. MICHAUD : Ils n’ont pas besoin d’approuver, mais nous voulons tout simplement nous assurer qu’ils n’engagent pas, disons, quelqu’un qui ne conviendrait pas, mais la décision ---

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Si vous n’étiez pas satisfait d’un adjoint qu’ils ont engagé, que feriez-vous?

M. MICHAUD : Je n’ai aucun contrôle. Je ne contrôle pas la qualité du travail qu’ils font. Donc, je ne sais pas ---

JUGE ARCHAMBAULT : Non, disons qu’ils ont mauvaise réputation.

M. MICHAUD : Oh, je dirais au conseiller qu’il devrait peut-être trouver quelqu’un d’autre.

JUGE ARCHAMBAULT : Peut-être, ou vous insisteriez?

M. MICHAUD : Je dirais -- Je dirais que cela ne s’est jamais produit. Donc ---

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, vous ne le savez pas. Mais vous ne savez pas ce que vous feriez?

. . .

M. MICHAUD : Je dirais que nous recommanderions fortement ---

JUGE ARCHAMBAULT : Si quelqu’un avait des liens avec la mafia?

M. MICHAUD : Oui, je -- Je recommanderais très fortement qu’il cherche quelqu’un d’autre.[112]

[105]   À la succursale Laval, il semblerait que la compagnie joue un plus grand rôle que M. Michaud n’était prêt à reconnaître dans le présent appel :[113]

[34] Monsieur Blackburn n’est pas totalement en accord avec l’affirmation voulant qu’Industrielle Alliance ne joue aucun rôle à l’égard des adjointes des représentants dans la mesure où la liste des tâches est approuvée au préalable par le directeur de l’agence

[Non souligné dans l’original.]

[106]   M. Mazraani a déclaré qu’il tenait régulièrement des réunions avec son directeur des ventes, M. Beaulé, pour discuter de son rendement, pour le motiver à devenir un meilleur vendeur. À plusieurs reprises, il a dit dans son témoignage qu’ils « vous poussent tout le temps ». Ces réunions auraient souvent lieu après une séance de formation. En guise de corroboration de ses déclarations, M. Mazraani a déposé une copie de pages tirées de son propre agenda.[114] Pour le 5 septembre 2012, il a écrit : « Rencontré Eric [Leclerc] Veut voir les activités. Ai expliqué que c’est très difficile malgré toutes les activités, a quitté le bureau de mauvaise humeur. » [Non souligné dans l’original.]

[107]   Vous trouvez des exemples de réunions semblables qui sont décrits dans les motifs de la CRT. Dans l’extrait suivant de ces motifs, l’établissement des objectifs de vente, l’élaboration d’un plan d’affaires et l’exigence d’assister aux réunions sont abordés :[115]

[67] La clause 5 du contrat de représentant prévoit la possibilité pour Industrielle Alliance de fixer une norme minimale de production, et selon les dires de monsieur Blackburn, elle est peu élevée (+/-30 000 $ par an).

[68] Selon messieurs Blackburn et Kaliszczak, tous les représentants confectionnent un plan d’affaire, lequel a été négocié et discuté avec le directeur des ventes. Outre le fait que celui-ci est remis, il est revu et validé annuellement en fonction du niveau de réalisation des objectifs fixés. Le plan d’affaire est à ce point sérieux qu’un suivi trimestriel est effectué par le directeur des ventes. De plus, les objectifs de vente sont inscrits dans le système informatique de gestion de l’agence afin de contrôler les activités des représentants.

[69] Bruno Michaud, André Pavan et Isabelle St-Jean estiment que le plan d’affaire, les objectifs de vente et le choix de développer une clientèle parmi une autre, relèvent exclusivement du choix du représentant.

[70] Pour illustrer le caractère facultatif de la démarche, André Pavant mentionne que le tiers des représentants ne dévoile pas leur plan d’affaire ou leurs objectifs de vente. Isabelle St-Jean est de ce nombre. Pour eux, il n’y a rien d’anormal là-dedans puisque dans le modèle d’affaire d’Industrielle Alliance, le rôle d’un directeur des ventes est de faire du « coaching » et de la formation, en insistant sur le fait que les représentants ne sont pas tous rendus au même niveau. Plus précisément, il mentionne qu’à l’heure actuelle, il compte 21 représentants à l’agence de Laval qui ont moins de 12 mois d’expérience sur un total de 51 et entre 2 et 3 qui ont moins de 24 mois d’expérience. Or, ce sont eux et eux seuls, dit-il, qui font rapport de leurs activités à leurs directeurs des ventes et même encore là, il réitère que cette démarche s’effectue dans une perspective de « coaching ». Quant aux autres, c’est-à-dire ceux qui ont plus de 24 mois d’expérience, ils ne font aucun rapport au sujet de leurs activités. Ils ont fait leurs preuves et ils savent surtout quoi faire pour réussir.

[71] Le témoignage de Bruno Michaud va dans le même sens. Lorsqu’un représentant est nouveau dans l’industrie, il est évident que le directeur des ventes va l’aider ou l’assister pour établir son plan d’affaire ou ses objectifs de vente. Toutefois, ce type d’intervention est toujours réalisé dans une perspective d’aide ou de conseil et jamais avec l’idée de contrôler ou d’imposer quoi que ce soit. Bien souvent, dit-il, les nouveaux représentants ne sont pas en mesure de faire une bonne évaluation de leur situation ni des implications reliées à la réalisation d’un objectif. Ils ont besoin de « coaching » et de prendre conscience qu’un chiffre d’affaires de X implique un niveau de prospection de Y ou un nombre Z de clientèle : c’est mathématique. C’est bien beau se fixer des objectifs, mais encore faut-il savoir quoi faire pour les réaliser. Enfin, il mentionne que les représentants exercent des activités dans une industrie qui est très règlementée [sic] et que les directeurs des ventes agissent également comme maîtres de stage. Dans cette perspective, il est normal qu’en début de carrière, le contrôle et la surveillance exercés soient plus grands, à tout le moins pendant la période de stage.

[72] Au sujet du rôle du directeur d’agence, André Pavan et Bruno Michaud l’associent davantage à une responsabilité qui consiste à s’assurer de la conformité de toutes les transactions effectuées et de maintenir un niveau de formation qui respecte les exigences de l’AMF.

La présence aux réunions

[73] Selon messieurs Blackburn et Kaliszczak, les représentants ont l’obligation d’assister à plusieurs réunions et ils doivent faire rapport de leurs activités.[116]

[Non souligné dans l’original.]

[108]   Pour montrer à quel point le directeur des ventes était impliqué dans l’exécution et la supervision du travail des agents et à quel point les agents sont intégrés dans l’organisation de la compagnie, M. Mazraani a dit dans son témoignage que son directeur des ventes l’a informé le 22 juin 2012 qu’il s’absenterait pendant une semaine et que si M. Mazraani avait besoin d’aide, il pouvait s’adresser à n’importe quel directeur à l’agence.[117] Il y a au moins un autre courriel du genre envoyé par M. Beaulé, il est daté du 2 octobre 2012. Dans ce courriel, il indique aux membres de son équipe qu’il s’absentera pour prendre des vacances et il leur dit de consulter les autres directeurs, ou Nicole, qui était la « superviseure administrative » [Non souligné dans l’original.], s’ils ont des questions ou ont besoin d’aide.[118]

[109]   M. Mazraani s’est également senti obligé de justifier son absence du bureau à l’Industrielle Alliance en remettant un certificat de médecin, qu’il a envoyé à l’attention de M. Eric Leclerc.[119] Le certificat indiquait qu’il ne pourrait pas se présenter au travail du 19 septembre au 21 septembre 2012, inclusivement. M. Mazraani estimait qu’il était normal pour un employé d’informer son employeur de son absence. M. Blackburn a dit sensiblement la même chose dans son appel. S’il s’absentait du bureau de Laval, il en informait son directeur des ventes, comme l’indique l’extrait suivant des motifs de la CRT :

[41] Monsieur Blackburn affirme toutefois que le représentant qui n’est pas présent à l’agence de Laval, pour une raison ou pour une autre, se doit, à tout le moins, d’en informer son directeur des ventes.

[110]   Il y a d’autres faits intéressants qui ressortent des motifs de la CRT,[120] par exemple, en ce qui concerne la liberté que les agents étaient censés avoir en choisissant à quel moment prendre leurs vacances :

[25] Cependant, monsieur Blackburn déclare que dans les faits, la direction de l’agence de Laval encourage fortement les représentants à prendre leurs vacances d’été durant les deux premières semaines de juillet. Pour ce qui est des mois d’août et de septembre qui correspondent à la période du concours du président, il affirme qu’il n’est pas question de prendre des vacances. Ceci dit, il reconnaît qu’il n’a pas été personnellement témoin d’une situation où un représentant aurait subi une mesure disciplinaire ou une terminaison de contrat pour ce motif. Enfin, son témoignage est silencieux sur le nombre de jours de vacances autorisé, s’il en est, ni n’aborde la question des jours fériés.

[26] Monsieur Kaliszczak abonde dans le même sens, notamment sur l’affirmation voulant qu’il n’est pas question de prendre des vacances pendant la période du concours du président. Il explique qu’il a déjà tenté, sans succès, d’en faire la demande à son directeur des ventes de l’époque (monsieur Blackburn) en 2009 ou en 2010.

[Non souligné dans l’original.]

[111]   En guise d’illustration des mesures prises par la compagnie pour stimuler les ventes, on peut faire référence au fait que l’Industrielle Alliance a créé le « Concours du président », dont l’objectif est de reconnaître ceux et celles qui offraient les meilleurs rendements. Pendant le concours, les statistiques sur les ventes sont distribuées aux agents. Par exemple, les données pour la semaine du 6 août 2012 indiquent le classement de 263 agents au Québec. Nous voyons la même chose avec les directeurs de succursale et les directeurs des ventes.[121]

[112]   La compagnie peut exercer son contrôle par divers mécanismes en vertu du contrat d’agent. Par exemple, en vertu de l’article 14 qui traite de la suspension du contrat, « [l]a compagnie peut suspendre [le] contrat pour des motifs raisonnables, qu’ils soient ou non reliés aux tâches de l’agent, en donnant à l’agent un préavis. . . » Aucune rémunération n’est payable pendant la suspension et l’agent perd le droit de toutes les commissions payables au cours de cette période.

[113]   Parallèlement, en vertu de l’article 15 sur l’annulation du contrat, la compagnie peut résilier le contrat, avec ou sans motif, en remettant un avis écrit de sept jours. Dans ce cas, aucune rémunération n’est payable étant donné que la date du contrat est annulée et si l’agent a une créance envers la compagnie, l’agent doit acquitter cette créance immédiatement.[122]

F. Yves Charbonneau

[114]   L’intervenant dans le présent appel, l’Industrielle Alliance, a demandé à deux de ses agents prospères de témoigner pour décrire le type de rapport qu’ils entretiennent avec la compagnie. M. Charbonneau était le premier, et il était également « rattaché » à la succursale LaSalle. Il est un agent auprès de la compagnie depuis 1987. Il ne se rappelait pas s’il avait été engagé comme employé ou comme entrepreneur indépendant. Cependant, il faut se rappeler que M. Michaud a dit dans son témoignage que les agents de l’IA étaient traités comme des employés avant 1993. Son contrat d’agent,[123] qui est daté du 25 octobre 1993, précise qu’il était en vigueur le 18 octobre 1993. Cette date est conforme au témoignage donné par M. Michaud selon lequel le statut de ses agents a changé en 1993. Lorsqu’on lui a demandé s’il y avait quoi que ce soit de différent avant 1993 ou après 1992, M. Charbonneau a déclaré qu’il n’y avait rien de différent dans la façon dont il exécutait ses activités.

[115]   Le statut de M. Charbonneau a également changé en août 2004, après sa constitution en société. Le contrat d’agent constitué en société, également intitulé « Agence de carrière », est entre Industrielle Alliance et Conseils financiers Yvanjay Inc., la compagnie de M. Charbonneau, qui est décrit comme le représentant autorisé de cette entité. Il faut signaler qu’il a communiqué avec la compagnie avant de se constituer en société pour se remplacer.

[116]   M. Charbonneau a transféré son droit de représenter sa clientèle à Conseils financiers Yvanjay Inc.[124] À l’article 5 du contrat, il est stipulé que c’est l’essence du contrat que M. Charbonneau « conduise lui-même toutes les affaires de l’agent étant plus particulièrement entendu que le représentant autorisé doit être la seule personne autorisée à transiger de l’assurance ou des produits financiers pour le compte de l’agent ». De plus, le représentant autorisé « se porte caution conjointe et solidaire des dettes et obligations de l’agent. » Il n’est donc pas surprenant que M. Charbonneau ait pensé que son ancien contrat d’agent pour la compagnie était toujours en vigueur après l’entrée en vigueur du contrat d’agent constitué en société. En ce qui le concerne, c’est comme si rien n’avait changé après sa constitution en société. Toutefois, l’article 20 du contrat d’agent constitué en société dispose : « Le présent contrat remplace tout contrat antérieur entre l’agent ou son représentant autorisé et la Compagnie. »[125]

[117]   Pendant son témoignage, M. Charbonneau, à l’instar de Mme Stephanie Woo, l’autre agente prospère qui a témoigné à la demande de l’Industrielle Alliance, a déclaré qu’il croyait qu’il n’était pas tenu d’assister aux séances de formation et aux autres réunions régulières, même s’il a reconnu qu’il y assistait habituellement. Il ne se rappelait pas,− et c’est l’interprétation la plus généreuse qui soit,− que la compagnie pouvait, en certaines circonstances, exercer son droit de rendre « obligatoire » pour ses agents d’assister à certaines réunions.

[118]   M. Charbonneau a dit dans son témoignage qu’il avait employé pendant de nombreuses années un adjoint pour l’aider dans le travail administratif, qu’il avait fixé et payé le salaire de l’adjoint, déterminé l’horaire de travail de l’adjoint, etc. Il a aussi confirmé qu’il pouvait travailler au sein d’une équipe avec d’autres agents à la succursale et qu’ils pouvaient partager leurs commissions.

G. Stephanie Woo

[119]   La deuxième personne à témoigner pour l’Industrielle Alliance était l’agente Stephanie Woo. Elle a été engagée en mars 2012, à peu près en même temps que M. Mazraani et a signé un contrat semblable au sien, qui décrivait son statut comme étant celui d’une entrepreneure indépendante. Toutefois, lorsque l’avocat de l’IA lui a demandé quelle avait été sa rémunération pendant la première année, voici ce qu’elle a répondu :[126]

MME WOO : [] mille ([] 000) de mars à décembre.

JUGE ARCHAMBAULT : Ce sont vos commissions ---

MME WOO : Mon salaire --- 

[Non souligné dans l’original.]

[120]   Pour remporter le succès qu’elle a connu, elle a suivi les instructions reçues de la compagnie, qu’elle a décrites comme suit :

MME WOO : D’accord, tout d’abord lorsque j’ai commencé, la compagnie nous a donné une recette disant que si vous rencontriez ou appeliez x nombre de personnes, c’est une question de chiffres et de ventes; n’est-ce pas? Donc, ils nous ont dit que si nous rencontrions ce nombre de personnes, vous devriez obtenir ce nombre de rendez-vous et vous devriez réaliser ce nombre de ventes. Et ils m’ont dit qu’il n’y avait rien de secret dans cette recette, si vous la suivez, vous l’obtiendrez.

. . .

MME WOO : --- c’est ce que j’ai fait. Donc, j’ai suivi la recette de fixer 12 rendez-vous par semaine, en demandant des recommandations. Et chaque semaine, le vendredi, si je n’avais pas de 12 à 14 rendez-vous pour la semaine suivante, je ne partais pas pour la maison tant que je n’avais pas mes rendez-vous.[127]

[Non souligné dans l’original.]

[121]   Elle a dit pendant son témoignage que pour obtenir votre licence de l’AMF, vous devez réussir à un examen et que vous vous préparez normalement en vue de cet examen en achetant des livres sur les sujets visés par l’examen, en les lisant et en les comprenant, vous mettant ainsi en mesure de réussir à l’examen.[128] Une fois que vous obtenez votre licence, vous commencez un stage de trois mois à la compagnie d’assurance à laquelle vous êtes rattaché. La compagnie ne lui a pas fourni de formation particulière pour l’aider à réussir à l’examen de l’AMF et à obtenir la licence pour agir à titre de conseillère financière. Mais si elle avait des questions, elle pouvait les poser au directeur de la succursale. Ce témoignage rend encore plus clair que toute la formation que les agents reçoivent de la compagnie est destinée à leur montrer comment effectuer leur travail pour l’IA!

[122]   Mme Woo a aussi confirmé qu’elle avait acheté le droit de représenter d’autres clients de quelqu’un qui avait quitté la compagnie et qu’elle avait elle-même vendu le droit de représenter quelques-uns de ses clients. Lors de son témoignage, elle a donné des réponses semblables à celles de M. Charbonneau en ce qui concerne sa liberté d’établir son horaire, de solliciter des clients, de prendre des congés et de déterminer à quel moment elle les prendrait et pendant combien de temps.

[123]   Mme Woo a reconnu qu’elle tenait son gestionnaire des ventes au courant de ses activités, ce qui comprenait l’informer des heures qu’elle passait à l’extérieur du bureau, des clients qu’elle voyait et des ventes qu’elle faisait, même si elle estimait qu’elle n’était pas tenue de le faire :[129]

JUGE ARCHAMBAULT : Pourquoi l’avez-vous fait alors?

MME WOO : Parce que je suis le genre de personne qui veut qu’on la contrôle, qu’on lui pose des questions, qu’on l’encourage.

[Non souligné dans l’original.]

[124]   Elle a décrit le rôle de son directeur des ventes comme étant de l’aider à améliorer ses techniques de vente et de lui montrer comment approcher les clients et comment régler des problèmes particuliers, comme obtenir un chèque annulé d’un client. Cette aide (son directeur des ventes la « [g]uiderait, l’appuierait ») serait donnée à la fois au bureau et sur la route, lorsqu’elle rencontrait ses clients.[130] Son directeur des ventes l’accompagnerait pour rencontrer un client chaque fois que cette aide était nécessaire.[131] Pendant sa formation de trois mois, elle a assisté aux séances de formation trois fois par semaine, à raison de deux ou trois heures par jour.[132] Elle pensait que sa présence à ces séances de formation n’était pas obligatoire, mais elle a assisté à toutes les séances parce qu’elle voulait connaître du succès. Elle a aussi reçu une formation technique, à l’égard du système téléphonique, par exemple :[133]

JUGE ARCHAMBAULT : Est-ce que quelqu’un vous a dit comment fonctionnait le système téléphonique au bureau?

MME WOO : Notre secrétaire[134] -- une secrétaire est venue le premier jour ---

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : --- vous aurait dit comment le faire?

MME WOO : Exactement.

[Non souligné dans l’original.]

[125]   Elle assistait aussi aux réunions hebdomadaires du lundi pour en apprendre sur différents sujets, notamment les techniques de vente, afin d’être informée des nouveaux produits ou des règles concernant le bureau, des discussions de motivation, pour entendre parler des anniversaires des membres de l’équipe ou pour discuter de rendement, comme le reflétaient les données distribuées toutes les semaines. Elle a reconnu que la compagnie offrait des incitatifs et qu’elle a reçu elle-même des cadeaux comme une bouteille de vin, une montre, des stylos, des verres et une cave à vin. À l’instar de M. Mazraani, elle a indiqué qu’elle rencontrait son directeur des ventes après les réunions. Elle a aussi confirmé que le paiement des primes d’assurance n’était pas fait à elle, mais à la compagnie. Elle également dit dans son témoignage qu’elle fixait ses propres objectifs pour augmenter ses ventes sur une base annuelle.

[126]   En 2012, lorsqu’elle a été engagée, elle consacrait environ 10 heures par jour à sa prospection au bureau de la succursale. De 2013 à 2015, elle a dit qu’elle consacrait environ trois heures par jour à la succursale et le reste du temps était consacré à rencontrer ses clients à l’extérieur du bureau.

H. Les clients

[127]   À l’article 13, le contrat d’agent stipule que les dossiers clients restent la propriété de la compagnie.[135] Conformément à ce même article, la compagnie a le droit de nommer un autre agent si la compagnie n’est pas satisfaite du service fourni par « l’agent initial ». L’article 15 du contrat d’agent dispose de ce qui suit : [traduction] « Lorsque ce contrat est annulé parce que l’agent cesse d’être un agent, la compagnie devient la cessionnaire des dossiers des clients. »

[128]   De plus, l’agent doit se conformer à la clause de non-concurrence de l’article 16 du contrat d’agent pendant deux ans, à compter de la date d’annulation du contrat. L’agent ne doit pas agir en tant qu’agent ou courtier qui vend à des clients de la compagnie qui font partie de l’unité de service de l’agent au moment de l’annulation du contrat, ni les solliciter.

[129]   M. Michaud a décrit ce qui arriverait, à la retraite d’un agent donné de la firme, aux clients de cet agent. En temps normal, l’agent qui quitte recevrait une commission annuelle pour les dix premières années en ce qui concerne la prime versée par le client pour son assurance. Donc, si un agent quittait trois ans après avoir effectué la vente, et à la condition que le client continue de payer la prime, l’agent continuerait d’obtenir sa part de la commission. Cependant, il a aussi indiqué que l’agent qui part pourrait vendre le droit de représenter ses clients à d’autres agents de l’IA et que la compagnie interviendrait pour consentir à ce transfert. Elle ne permettrait pas que ce transfert soit fait à une personne qui travaille pour une autre compagnie.[136] Tout cela est conforme aux dispositions de l’article 11 du contrat d’agent et à la section H.10 des Règles de rémunération,[137] qui stipule ce qui suit :

. . .

La compagnie se réserve le droit d’approuver au préalable toute cession future. La compagnie ne peut pas refuser son approbation sans motif valable.

Le cessionnaire doit être lié par contrat avec la compagnie au moment de la transaction.

[Non souligné dans l’original.]

[130]   Lorsque j’ai demandé combien serait versé pour avoir le droit de représenter d’autres clients, M. Michaud a indiqué qu’il avait vu une transaction atteindre 750 000 $. Surpris, j’ai demandé une précision pour savoir pourquoi ce droit valait autant d’argent. D’après l’explication de M. Michaud, j’ai cru comprendre que ce pour quoi les autres agents paieraient, c’est le droit de recevoir les commissions qui seraient payées pour le reste de la période pendant laquelle ces commissions seraient perçues à l’égard des contrats. Autrement dit, ce que fait l’agent qui part, c’est de vendre le flux futur de ses commissions. De toute évidence, l’agent qui achète aurait l’occasion de vendre d’autres produits financiers aux clients qui avaient l’habitude de transiger avec l’agent qui partait. Lorsque j’ai demandé s’il y avait un avantage à vendre uniquement le nom des clients sans le flux des commissions, M. Michaud a reconnu que cela ne vaudrait pas grand-chose, voire rien.

[131]   De plus, les Règles de la rémunération énonçaient d’autres conditions pour la cession de contrats d’assurance-vie. Ces conditions limitent davantage le pouvoir d’un agent de céder de tels droits. Les règles varient selon le statut de l’agent vendeur et le type de produits en cause et si l’agent est un agent expérimenté ou non. Par exemple, dans le cas d’un agent inexpérimenté, les conditions sont les suivantes en ce qui concerne l’assurance-vie :[138]

i)          L’agent doit avoir maintenu son contrat en vigueur avec la compagnie pendant au moins sept (7) années consécutives; ou

ii)         L’agent doit avoir 150 000 $ de primes en vigueur auprès de la compagnie au moment de la cession. Les clients orphelins sont exclus du calcul des primes en vigueur.

[132]   Il est donc clair que la clientèle appartient à l’Industrielle Alliance et non à l’agent. Donc, contrairement à ce que M. Michaud a fait valoir en réponse à M. Mazraani qui le contre-interrogeait, M. Mazraani n’était pas le propriétaire d’une clientèle.[139] Il ne pouvait même pas vendre son flux futur de commissions parce qu’il ne répondait pas aux exigences minimales. M. Mazraani avait raison de croire qu’il possédait uniquement sa licence de l’AMF.[140] Étant donné que cette licence lui permet seulement de vendre de l’assurance s’il est « rattaché » à une compagnie d’assurance, elle ne vaut rien s’il ne peut pas être engagé par une autre compagnie d’assurance! Lorsque le contrat de M. Mazraani a été résilié, l’Industrielle Alliance a retiré tous ses dossiers clients et les a gardés. M. Mazraani n’a pas été en mesure de travailler comme agent depuis la résiliation de son contrat en novembre 2012.

V. ANALYSE

[133]   Pour décider si M. Mazraani occupait un emploi assurable pendant la période pertinente, la Cour doit déterminer s’il a travaillé en vertu d’un contrat de service (contrat de travail).[141]

A. La source pertinente du droit

[134]   Lorsque, le 23 décembre 1993, l’ARC a émis à l’endroit de l’Industrielle Alliance son opinion selon laquelle les agents de l’IA étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés aux fins de la Loi, l’approche la plus courante appliquée par l’ARC, agissant au nom du ministre), la Cour et la Cour d’appel fédérale dans les affaires émanant de la province de Québec était l’approche de la common law décrite dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (CAF) et la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, [2001] A.C.S. no 61 (QL), 2001 CSC 59. Le Code civil du Bas-Canada et la jurisprudence du Québec étaient rarement pris en considération pour faire la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant quand il fallait déterminer si un contrat de travail existait.[142] En vertu de la common law, la question principale à se poser était, et est toujours, « À qui appartient l’entreprise? » Dans l’arrêt Sagaz, le juge Major a exposé ce qui pourrait être décrit comme le critère de la « relation globale » :

47 Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

48 Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

[Non souligné dans l’original.]

[135]   Étant donné cette approche suivie en 1993 et étant donné que le comportement des employés rémunérés à la commission ressemble à un degré élevé à celui des personnes qui exploitent une entreprise, il n’est pas surprenant que l’ARC ait exprimé l’opinion selon laquelle, aux fins de la Loi, les agents de l’IA étaient des entrepreneurs indépendants en vertu contrat d’agent soumis à l’ARC.

[136]   Toutefois, comme je l’ai expliqué dans un article que j’ai rédigé il y a environ 10 ans, en 2005,[143] les tribunaux doivent maintenant tenir compte, dans l’application de la Loi, des changements dans les lois pertinentes, à commencer par l’ajout en 2001 de l’article 8.1 à la Loi d’interprétation.[144] Aux termes de ce nouvel article, il faut appliquer le droit du Québec lorsque l’on définit une relation d’emploi régie par le droit du Québec dans les cas où le concept de droit civil pertinent n’est pas défini dans une loi fédérale telle que la Loi. Donc, pour déterminer si M. Mazraani occupait un emploi assurable en vertu de la Loi, la Cour doit examiner les mesures législatives du Québec parce que le contrat d’agent a été conclu au Québec.

B. Le contrat de travail et le contrat de service en vertu du Code civil

[137]   Quel est le droit au Québec qui définit une relation de travail? La réponse se trouve dans le nouveau Code civil du Québec, qui a été instauré en 1994, et qui définit expressément un contrat de travail. Par conséquent, depuis 1994, il ne fait aucun doute que ce qui constitue un contrat de travail (auparavant, c’était une notion jurisprudentielle) et le seul élément essentiel dont il faut tenir compte en vertu du Code est de savoir s’il existe un lien de subordination entre le payeur et le bénéficiaire.[145] Lorsque l’on compare les dispositions du Code civil relativement au contrat de travail avec les dispositions qui portent sur le contrat d’entreprise ou de service, il est clair que les contrats sont identiques, sauf pour le fait qu’il n’y a aucun lien de subordination dans le cas d’un contrat d’entreprise.

[138]   il est utile de reproduire en format côte à côte les dispositions pertinentes du Code civil :

Contrat de travail

2085 Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

2086 Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

2087    L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.

2090 Le contrat de travail est reconduit tacitement pour une durée indéterminée lorsque, après l’arrivée du terme, le salarié continue d’effectuer son travail durant cinq jours, sans opposition de la part de l’employeur.

2091 Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

2093 Le décès du salarié met fin au contrat de travail.

2094 Une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail.

Contrat d’entreprise ou de service

2098     Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

2099 L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

2100 L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

2101 À moins que le contrat n’ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l’entrepreneur ou le prestataire de services peut s’adjoindre un tiers pour l’exécuter; il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l’exécution.

2103 L’entrepreneur ou le prestataire de services fournit les biens nécessaires à l’exécution du contrat, à moins que les parties n’aient stipulé qu’il ne fournirait que son travail.

Les biens qu’il fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, aux mêmes garanties que le vendeur.

Il y a contrat de vente, et non contrat d’entreprise ou de service, lorsque l’ouvrage ou le service n’est qu’un accessoire par rapport à la valeur des biens fournis.

2104 Lorsque les biens sont fournis par le client, l’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d’en user avec soin et de rendre compte de cette utilisation; si les biens sont manifestement impropres à l’utilisation à laquelle ils sont destinés ou s’ils sont affectés d’un vice apparent ou d’un vice caché qu’il devait connaître, l’entrepreneur ou le prestataire de services est tenu d’en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il est responsable du préjudice qui peut résulter de l’utilisation des biens.

[Non souligné dans l’original.]

[139]   Avant de décrire comment les juristes et la jurisprudence ont interprété la notion du lien de subordination, il est utile de commencer par les commentaires du ministre de la Justice du Québec à l’égard de l’article 2085 C.c.Q. qui accompagnaient le projet de loi sur le Code civil :

[TRANSLATION]

L’article reprend la règle édictée à l’article 1665a) C.C.B.C. La définition contenue dans cet article nouveau permet de cerner avec plus de précision la différence entre le contrat de travail et le contrat d’entreprise ou de service. La ligne de démarcation parfois ténue entre ces contrats a suscité des difficultés tant en doctrine qu’en jurisprudence.

Cette définition indique le caractère essentiellement temporaire du contrat de travail, consacrant ainsi le premier alinéa de l’article 1667 C.C.B.-C., et met en relief l’attribut principal du contrat de travail : le lien de préposition caractérisé par le pouvoir de contrôle, autre que le contrôle économique, de l’employeur sur le salarié, tant dans la fin recherchée que dans les moyens utilisés. Il importe peu que ce contrôle soit ou non effectivement exercé par son titulaire;[146] il importe peu également que le travail soit matériel ou intellectuel.

[Non souligné dans l’original.]

[140]   Les commentaires suivants du ministre de la Justice du Québec à l’égard de l’article 2099 sont également utiles :

[TRANSLATION]

Par ce nouvel article, le Code confirme l’indépendance de l’entrepreneur ou du prestataire de services dans un contrat d’entreprise ou de service. Il a été historiquement convenu que la nature du travail fourni par l’entrepreneur ou le prestataire de services présuppose que ces personnes jouissent d’une indépendance virtuellement totale, par rapport au client, concernant la façon dont le contrat est exécuté.

Les critères énoncés sont ceux identifiés par la jurisprudence dans ce domaine, qui a reconnu clairement que l’entrepreneur assume la direction du travail et définit les moyens d’exécution, même si le client détermine le résultat à atteindre en vertu du contrat et conserve le droit de s’assurer que le travail est conforme au contrat.

[Non souligné dans l’original.]

[141]   La notion du lien de subordination est bien décrite par le professeur Robert P. Gagnon :[147]

[TRADUCTION][148]

c)         La subordination

90 — Facteur distinctifL’élément de qualification du contrat de travail le plus significatif est celui de la subordination du salarié à la personne pour laquelle il travaille. C’est cet élément qui permet de distinguer le contrat de travail d’autres contrats à titre onéreux qui impliquent également une prestation de travail au bénéfice d’une autre personne, moyennant un prix, comme le contrat d’entreprise ou de service régi par les articles 2098 et suivants du C.c.Q. Ainsi, alors que l’entrepreneur ou le prestataire de services conserve, selon l’article 2099 du C.c.Q., « le libre choix des moyens d’exécution du contrat » et qu’il n’existe entre lui et son client « aucun lien de subordination . quant à son exécution », il est caractéristique du contrat de travail, sous réserve de ses termes, que le salarié exécute personnellement le travail convenu sous la direction de l’employeur et dans le cadre établi par ce dernier.

. . .

92Notion — Historiquement, le droit civil a d’abord élaboré une notion de subordination juridique dite stricte ou classique qui a servi de critère d’application du principe de la responsabilité civile du commettant pour le dommage causé par son préposé dans l’exécution de ses fonctions (art. 1054 C.c.B.-C.; art. 1463 C.c.Q.). Cette subordination juridique classique était caractérisée par le contrôle immédiat exercé par l’employeur sur l’exécution du travail de l’employé quant à sa nature et à ses modalités. Elle s’est progressivement assouplie pour donner naissance à la notion de subordination juridique au sens large. La diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail. On en est ainsi venu à assimiler la subordination à la faculté, laissée à celui qu’on reconnaîtra alors comme l’employeur, de déterminer le travail à exécuter, d’encadrer cette exécution et de la contrôler. En renversant la perspective, le salarié sera celui qui accepte de s’intégrer dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail. En pratique, on recherchera la présence d’un certain nombre d’indices d’encadrement, d’ailleurs susceptibles de varier selon les contextes : présence obligatoire à un lieu de travail, assignation plus ou moins régulière du travail, imposition de règles de conduite ou de comportement, exigence de rapports d’activité, contrôle de la quantité ou de la qualité de la prestation, etc. Le travail à domicile n’exclut pas une telle intégration à l’entreprise.

. . .

94 Résultat — L’article 2085 C.c.Q. n’exclut pas le recours, dans les cas-frontières, à l’examen de la situation et des rapports économiques des parties pour arriver à déterminer la nature de leur relation juridique. Il n’autorise toutefois pas à fonder une qualification du contrat de travail sur un état de subordination économique. La subordination qu’il envisage demeure essentiellement juridique. Par contre, même dans ses formes les plus lâches ou les plus atténuées, cette subordination juridique devrait faire basculer la personne qui travaille dans le groupe des salariés. L’exclusion de tout lien de subordination entre le client et l’entrepreneur ou le prestataire de services légitime désormais cette conclusion (art. 2099 C.c.Q.). On notera enfin, de façon incidente, que le statut de salarié peut coexister, chez la même personne et au regard d’une même activité économique ou professionnelle, avec d’autres, comme celui d’actionnaire ou d’administrateur de l’entreprise, celui[149] d’entrepreneur indépendant[150] ou même celui d’employeur.[151]

[Non souligné dans l’original.]

C. La relation contractuelle véritable

(1) Le contrat et l’intention des parties

[142]   L’Industrielle Alliance avait l’intention de conclure un contrat de service avec M. Mazraani. Elle a signé un contrat d’agent qui stipule explicitement qu’elle ne crée pas une relation employeur-employé. L’Industrielle Alliance a même reçu l’aide de l’ARC dans la rédaction de son contrat d’agent et a obtenu une opinion écrite de l’ARC selon laquelle les agents étaient des entrepreneurs indépendants aux fins de la Loi. Cette opinion rassure la compagnie quant à sa position.

[143]   Cependant, ce statut n’a pas été discuté avec M. Mazraani lorsqu’il a été engagé verbalement le 3 avril 2012. Il l’a appris seulement lorsqu’on lui a présenté le contrat écrit vers le 27 avril. Il a reconnu que l’article 4 de son contrat d’agent, qui décrit son statut comme entrepreneur indépendant, a été discutée avec lui à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, il n’avait aucun pouvoir de négociation étant donné qu’il était sans emploi depuis mars 2011, lorsque son contrat avec la London Life a été résilié. M. Mazraani a également reconnu qu’il a rempli sa déclaration de revenus en fonction du feuillet T4A qu’avait émis l’Industrielle Alliance et il a dit qu’il a agi ainsi parce qu’il n’avait aucun autre choix.[152] Les feuillets T4A sont émis pour le revenu d’entreprise (revenu des personnes qui travaillent à leur compte) et non pour le revenu d’emploi. Toutefois, M. Mazraani croit sincèrement qu’il était un employé de l’Industrielle Alliance et qu’il se comportait comme tel. Il a dit ce qui suit dans ses observations écrites : « Avec tout cela, mon sang, mon âme, ma peau, mes os et toutes mes cellules actives estiment et ont le sentiment que j’ai été engagé comme employé à temps plein ». Il a travaillé la plupart du temps au bureau de la succursale de l’IA, dans un cubicule près du bureau de son directeur des ventes. Lorsqu’il était malade, il remettait un certificat du médecin pour justifier son absence. Il croyait comprendre qu’il était obligatoire d’assister aux réunions de l’IA ainsi qu’aux séances de formation.

[144]   M. Mazraani n’est pas le seul à croire qu’il a été un employé de l’IA. Il y a au moins deux autres agents, à savoir ceux qui ont demandé à la CRT la protection de la Loi sur les normes pour les employés. Outre ces agents, il y a des gestionnaires de l’IA qui croient également que M. Mazraani avait été engagé en vertu d’un contrat de travail. Dans un courriel envoyé à M. Mazraani le 20 novembre 2012 à 20 h 56 au sujet de la « Terminaison de contrat de travail », le directeur de l’agence Mercier, M. Eric Leclerc, affirme au premier paragraphe : « Votre contrat de travail prévoit que vous ne pouvez pas être plus de 4 semaines consécutives sans rémunération sinon il y aura bris de contrat. »[153] Il est intéressant de constater que dans le « Relevé de membre pour l’assurance collective » fourni par l’Industrielle Alliance en ce qui concerne les avantages sociaux de M. Mazraani, la compagnie utilise les expressions « salaire annuel » et « DMA de base d’employé » relativement au revenu de M. Mazraani[154] Cela constitue presque une admission que M. Mazraani a été engagé comme employé. Même Mme Woo a décrit ses commissions comme un « salaire » et faisait référence aux secrétaires de la succursale comme « nos secrétaires » lors de son témoignage, comme on l’a vu plus haut.

[145]   Comme le reconnaît la jurisprudence, le fait que les parties conviennent de caractériser leur contrat comme un contrat de service n’est pas nécessairement déterminant quant à la nature du contrat.[155] Si des éléments de preuve indiquent que le contrat ne reflète pas de façon juste et adéquate la véritable nature de la relation, les tribunaux peuvent mettre de côté les descriptions données dans un document contractuel particulier et déterminer la véritable relation entre les parties. En France, ils adoptent une approche semblable et la caractérisation d’un contrat donne lieu à l’application du principe de la réalité.[156]

[146]   Par conséquent, même si un contrat donné peut avoir été rédigé de façon appropriée pour refléter un contrat de service, si les parties ne se comportent pas conformément au document papier qui régit leur relation et si la situation factuelle est telle que le payeur a le pouvoir d’exercer une direction et un contrôle quant à la façon dont un travail donné doit être exécuté et le travailleur n’est pas « libre de choisir les moyens d’exécution du contrat »[157] ou « n’assume pas. . . la direction du travail et ne définit pas les. . . moyens d’exécution »,[158] il s’agirait alors d’une relation de travail et le travailleur ne serait pas un travailleur indépendant.

[147]   Dans le cas qui nous occupe, j’estime qu’il y a une multitude de faits pour étayer la position selon laquelle l’intention exprimée dans le contrat ne reflète pas de façon appropriée la conduite des parties. Premièrement, il s’agit d’un contrat d’adhésion. M. Mazraani n’a pas eu la possibilité de discuter s’il voulait être un entrepreneur indépendant ou un employé. À l’époque, l’Industrielle Alliance avait pour politique d’avoir uniquement des entrepreneurs indépendants, ce qui avait été sa politique depuis 1993. Par conséquent, il devait accepter ce contrat tel quel et, comme on l’a vu à sa lecture, il s’agit d’un contrat qui protège essentiellement les intérêts de la compagnie et non les intérêts de M. Mazraani. Une bonne illustration de cette situation est l’article 15 du contrat, qui stipule : « Aucune rémunération n’est payable à compter de la date d’annulation du présent contrat et, si l’agent a une créance envers la compagnie, l’agent doit acquitter cette créance immédiatement. » De plus, à ce moment-là, M. Mazraani était en position de vulnérabilité étant donné qu’il était sans emploi depuis plusieurs mois lorsqu’il a été embauché par l’Industrielle Alliance.

(2)  La preuve circonstancielle

[148]   Il y a alors une solide preuve directe et circonstancielle qui indique que l’Industrielle Alliance avait le pouvoir de diriger et de contrôler le travail de M. Mazraani et de lui donner des instructions dans son exécution.[159] Commençons par une partie de la preuve circonstancielle, qui est la situation habituelle dans laquelle la Cour se retrouve.

[149]   Premièrement, il y a la carte professionnelle,[160] qui indique que M. Mazraani était un « conseiller en garantie financière » travaillant pour l’Industrielle Alliance, parce que le logo et le nom de la compagnie y figurent. Rien n’indique sur cette carte que M. Mazraani était un entrepreneur indépendant ou un agent, et rien n’indique non plus qu’il représentait plusieurs compagnies d’assurance, comme le ferait un courtier en assurance ou un représentant indépendant.[161] Une personne ordinaire qui regarderait la carte professionnelle de M. Mazraani supposerait qu’il était un employé de la compagnie de la même façon que cette personne regarderait la carte professionnelle de M. Michaud et croirait qu’il est un employé de la compagnie. Dans le cas de M. Michaud, il est clairement considéré comme un employé par l’Industrielle Alliance. Et notre personne ordinaire serait encore plus assurée dans sa conviction quand, comme nous l’avons vu, les agents de l’IA se présentent à des clients éventuels de la façon suivante : « Bonjour. . . Je m’appelle. . . de l’Industrielle Alliance » et « ma compagnie » « m’a demandé de vous rencontrer »! [Non souligné dans l’original.]

[150]   Deuxièmement, M. Mazraani ne représentait pas plusieurs compagnies d’assurance comme le ferait un courtier d’assurance ordinaire ou un autre entrepreneur indépendant, même si la Compagnie prétend qu’il était libre de le faire. C’est une échappatoire. La réalité était que M. Mazraani,− à l’instar des deux agents décrits dans les motifs de la CRT,− ne représentait pas d’autres compagnies. L’histoire serait probablement tout autre s’il avait représenté dix compagnies d’assurance. Le fait que M. Mazraani travaillait uniquement pour l’Industrielle Alliance constitue une solide indication qu’il travaillait sous les instructions, la direction et le contrôle de la compagnie.

[151]   Troisièmement, l’Industrielle Alliance lui fournissait un bureau où il offrait ses services la plupart du temps. Son cubicule était près du bureau du directeur des ventes, ce qui le mettait dans la position d’être supervisé directement par ce directeur des ventes. Il avait non seulement son propre cubicule, mais il avait aussi sa propre ligne téléphonique dans ce bureau. Encore une fois, pour emprunter les mots de M. Gagnon, nous pouvons voir que M. Mazraani « [a accepté] de s’intégrer dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail ».[162] Dans la lettre du 27 avril, la compagnie l’a décrit comme étant ainsi intégré : [traduction] « [Vous] ferez partie de l’unité de service 35 de l’équipe 90 et vous serez également responsable des polices et de la clientèle qui font actuellement partie de cette unité de service. Votre directeur des ventes sera M. René Beaulé. »[163] [Non souligné dans l’original.] M. Mazraani est au bas de la chaîne hiérarchique, qui va du vice-président principal au vice-président au surintendant au directeur de la succursale au directeur des ventes, qui était le supérieur immédiat de M. Mazraani. Que font les gestionnaires (ou directeurs), comme les directeurs de succursale et les directeurs des ventes? Ils dirigent. Lorsqu’une personne exécute un travail « sous la direction » d’une autre, cette personne est considérée un employé en vertu de l’article 2085 du C.c.Q.

(3) La preuve directe

[152]   Le présent cas est l’exception à la règle générale qui veut qu’il soit habituel de trancher le litige de l’existence d’un lien de subordination principalement sur la foi d’une preuve circonstancielle parce que la preuve directe de l’exercice du pouvoir de donner des instructions, de diriger et de contrôler n’est pas toujours disponible, ou est difficile à produire parce que, par exemple, la « diversification et la spécialisation des occupations et des techniques de travail [qui] ont, en effet, rendu souvent irréaliste que l’employeur soit en mesure de dicter ou même de surveiller de façon immédiate l’exécution du travail. » [Non souligné dans l’original.][164] Par contre, en l’espèce, de nombreux éléments de preuve directe ont été produits relativement à ce pouvoir qu’a exercé l’Industrielle Alliance pendant la période pertinente. La preuve directe corrobore la preuve circonstancielle et appuie la conclusion ultime que la compagnie en l’espèce avait le pouvoir de donner des instructions aux agents et de diriger et de contrôler leur travail, et plus particulièrement celui de M. Mazraani.

[153]   La preuve directe vient du contrat d’agent, des Normes de conduite (y compris les Normes de l’industrie), de la Politique sur les communications, de la volumineuse documentation de formation, des nombreux courriels, des avis à l’intérieur du bureau, des dépliants et du témoignage de M. Mazraani, qui ont tous été décrits en détail plus haut dans la partie « Description factuelle » des présents motifs, qui comprend sans s’y limiter les articles portant sur la « formation », tant la formation fournie pendant la période initiale, destinée aux nouveaux stagiaires, que la formation continue fournie à tous les agents, avec les « autres instructions » sur ce qu’il faut faire et comment le faire, et avec la « supervision et le contrôle » de M. Mazraani. Je ne reprendrai pas tous ces faits, mais je vais donner un aperçu général en mettant en lumière certains de ces éléments de preuve et commentaires sur les points les plus importants et pertinents. J’aborderai aussi le témoignage donné par certains témoins de l’IA et le travail de l’agente des appels.

[154]   Un document très révélateur est la fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année », qui décrit 10 tâches que doivent exécuter les agents. Ces tâches vont de l’inscription des activités dans le système de gestion de l’agence au fait qu’un agent consacre 60 % de son temps à la prospection de façon à obtenir au moins 10 rendez-vous par semaine, en passant par la présence aux réunions de succursale.[165] Un autre est le module 3, qui énumère 10 points portant sur la planification du travail des agents. Ils vont de passer au moins huit heures de travail réel pour obtenir un minimum de deux réunions avec des clients éventuels tous les jours à ne pas régler des affaires personnelles pendant les heures de travail.[166]

[155]   Le contrat d’agent fait référence aux Normes de conduite et à la Politique sur les communications, que M. Michaud, le vice-président de la compagnie, ne semblait pas connaître d’après ce qu’il a dit. Les Normes de conduite, à la page 1, consistent en 12 articles qui décrivent comment le travail de l’agent doit être exécuté et un treizième article qui porte sur les sanctions en cas de non-respect des 12 autres articles. Les Normes de l’industrie se composent de 72 boîtes qui contiennent non seulement les normes, mais aussi le moyen de contrôler et les sanctions qui pourraient découler du non-respect de ces normes. Outre ces normes, il y a la Politique sur les communications, qui énonce des instructions claires de l’Industrielle Alliance à l’endroit de ses agents sur comment utiliser et ne pas utiliser les services Internet qui leur sont fournis. En fait, ces règles ne se limitent pas au service intranet, mais s’appliquent à Internet en général. La compagnie dit à ses agents comment ils devraient se comporter sur Internet. Non seulement elle énonce les règles que les agents doivent respecter, mais elle énonce aussi les sanctions qui s’appliquent en cas de non-respect des règles :[167]

5. Toute utilisation qui ne respecte pas la politique de sécurité de la compagnie peut entraîner des sanctions qui peuvent aller de la révocation des droits d’accès à la résiliation du contrat de l’agent.

[Non souligné dans l’original.]

[156]   Les Normes de conduite (y compris les Normes de l’industrie), la Politique sur les communications et la volumineuse documentation de formation, tout comme l’autre preuve directe, constituent des indications claires que l’Industrielle Alliance a non seulement le pouvoir de donner des instructions et des directives à son personnel, mais le fait effectivement. Il faudrait dire que c’est tout simplement logique, étant donné le genre de travail à effectuer et la taille de l’organisation. Parce que c’est le nom de l’Industrielle Alliance qui figure sur la carte professionnelle ou qui est mentionné lorsqu’un agent rencontre un client éventuel, il est dans l’intérêt même de l’Industrielle Alliance de s’assurer que ses agents sont surveillés et contrôlés et qu’on leur donne des instructions quant à la façon de mieux servir les intérêts commerciaux de la compagnie. C’est son image publique, sa réputation et sa responsabilité qui sont en jeu. Comme l’a dit lui-même M. Michaud, c’est la compagnie qui a le « portefeuille bien garni ».[168]

[157]   À la section « Formation », à la rubrique « Description factuelle » des présents motifs, nous avons vu que la formation donnée par l’Industrielle Alliance à ses agents ne se limitait pas à une explication de ses produits comme le feraient les institutions financières ou les promoteurs pour promouvoir leurs produits. Par exemple, on peut penser aux maisons de courtage de valeurs qui font des soi-disant « tournées de présentation » pour expliquer des produits tels des abris fiscaux aux membres d’un syndicat de courtiers qui distribueront ces produits à leurs clients individuels. On peut même envisager une compagnie comme l’Industrielle Alliance faire ce genre de présentation aux membres de firmes de courtage indépendantes dans le domaine de l’assurance ou à des cabinets de services financiers tels que Financière S_entiel, celle dont il est question dans la note 161 plus haut, qui représente 18 compagnies d’assurance différentes.

[158]   Dans le cas qui nous occupe, l’Industrielle Alliance, dans ses tractations avec ses propres succursales et ses propres agents, va beaucoup plus loin. Elle n’explique pas seulement ses produits financiers et ceux de son groupe, elle forme ses agents dans l’art de vendre, comment organiser leur propre travail, comment planifier, comment approcher et solliciter des clients, quoi dire quand on se présente au téléphone, comment parler aux gens de personnalités différentes, comment se vêtir pour rencontrer des clients éventuels ou comment faire prendre sa photo pour les calendriers de la compagnie, quel genre de stylo utiliser pour signer les demandes de police, comment traiter les objections en personne et au téléphone, comment conclure une vente, comment fermer, comment entretenir une relation au fil des ans, à quel moment envoyer les cartes d’anniversaire et quoi dire en ces occasions. Elle offre même des modèles à suivre que l’on peut trouver dans son intranet.

[159]   Cette formation ne prend pas fin après les trois mois de formation initiale destinée aux nouveaux agents qui arrivent année après année. Elle est offerte à tous les agents, et ce, en continu, parce qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à leur transmettre. La plupart d’entre eux profitent de la stimulation, de la motivation et de la concurrence entre eux (Concours du président). Par exemple, la formation pourrait prendre la forme d’une présentation explicitement obligatoire pour leur montrer les nouvelles fonctionnalités de l’intranet (Gestion Clients).[169] Il pourrait s’agir d’une formation pour leur montrer comment faire un « publipostage ». Il pourrait s’agir d’une formation pour promouvoir les produits offerts par le groupe. Il pourrait s’agir d’une formation pour montrer aux agents comment produire un dossier client et dans quel ordre les documents doivent être classés afin de faciliter les choses pour la compagnie, par exemple, le travail des souscripteurs,− ceux qui peuvent décider d’émettre une police,− et le travail du personnel de conformité dans l’examen des dossiers des clients.

[160]   La compagnie a dit aux agents comment utiliser son système téléphonique et Internet. Il y avait des instructions sur la façon d’utiliser l’intranet qui était mis en place par la compagnie. Il y avait des instructions quant à la durée de temps pendant laquelle ses agents pouvaient utiliser ses services d’Internet et d’intranet et quant aux fins pour lesquelles ils pouvaient les utiliser. La compagnie leur a dit de ne pas utiliser ces services pour un travail commercial personnel, ni de les utiliser d’une façon qui pourrait avoir une incidence négative sur les intérêts de la compagnie, ni de divulguer les renseignements d’une nature confidentielle, notamment les salaires de son personnel. Elle leur a également fourni un déni de responsabilité à utiliser lorsqu’ils expriment une opinion et leur a dit ce qu’ils pouvaient et ne pouvaient pas télécharger. La compagnie a déclaré qu’elle surveillerait l’utilisation de ces services. Encore une fois, il était dans l’intérêt de la compagnie d’exercer la supervision et le contrôle de ses agents afin de garantir son fonctionnement efficace.

[161]   La compagnie exerce un contrôle sur tous les aspects du travail de ses agents, comme l’illustre l’article 12 du contrat d’agent, qui interdit « d’utiliser des brochures, publicités ou documents imprimés portant le nom ou le logo de la compagnie qui n’avaient pas été approuvés au préalable par écrit par la compagnie. » L’Industrielle Alliance dit aux agents qu’ils ne peuvent pas modifier le matériel publicitaire de l’IA sans l’approbation de la compagnie. Les agents sont tenus de remettre immédiatement à la compagnie l’argent qu’ils perçoivent de leurs clients. Ils ne peuvent pas accorder de réduction à leurs clients[170] ni aller devant les médias pour régler des problèmes donnés. Dans le cas de M. Mazraani, la compagnie lui a dit ce qu’il devait faire et ne pas faire. On lui a dit de s’occuper d’un client de la succursale qui n’était pas un de ses clients. Ce qui suit était précisément mentionné dans la lettre du 27 avril : « vous serez également chargé des polices et des clients qui composent actuellement une partie de cette unité de service. »[171] Donc, la compagnie « déterminait le travail à faire » pour emprunter les mots de M. Gagnon.[172] On a dit à M. Mazraani de ne pas s’occuper d’un autre client parce qu’un autre agent de la compagnie s’occupait de ce client en particulier.[173] En vertu de l’article 13 du contrat d’agent, la compagnie aurait pu donner son approbation pour que le dossier du client soit traité par M. Mazraani parce que le client en avait fait la demande, mais la compagnie l’a refusé à M. Mazraani, exerçant par conséquent son contrôle sur lui. Donc, les agents ne sont pas libres d’exploiter leur entreprise alléguée comme ils le souhaitent.

[162]   De plus, on s’attendait à ce que les agents assistent aux réunions, même si la version officielle de la compagnie était que leur présence n’était pas obligatoire. On ne s’attendait peut-être pas à ce que les agents très expérimentés et qui étaient de bons producteurs,− comme M. Charbonneau,− assistent à toutes les réunions, qui semblent avoir été nombreuses. Cependant, lorsqu’une réunion importante avait lieu, la compagnie exerçait son pouvoir de diriger et ordonnait à tous ses agents d’être présents, comme l’illustrent au moins deux courriels qui ont été présentés en preuve par M. Mazraani.[174]

[163]   La compagnie supervisait le travail des agents et corrigeait les erreurs lorsqu’on en trouvait, comme ce fut le cas d’une demande soumise par M. Mazraani pour un de ses clients. La correction a été apportée par une des adjointes du directeur de la succursale, qui a ensuite informé le supérieur de M. Mazraani, c’est-à-dire son directeur des ventes, qui a par la suite informé M. Mazraani. M. Mazraani, à l’instar de certains agents de la succursale Laval, se sentait obligé de présenter un certificat du médecin pour expliquer son absence du bureau. Aucun élément de preuve n’a été présenté selon lequel la compagnie l’a informé que ce n’était pas nécessaire. Il faut mentionner que les directeurs des ventes tenaient leurs agents informés de leur absence pour des vacances ou des congés et leur disaient à qui s’adresser pour obtenir de l’aide pendant leur absence.

[164]   Lors de son témoignage, M. Mazraani a indiqué qu’il a rencontré régulièrement son directeur des ventes et qu’ils ont discuté de la façon qu’il pourrait effectuer plus de ventes ainsi que du niveau de ventes que la compagnie attendait de lui. Cela est corroboré par la documentation de formation, dans laquelle on dit aux agents les objectifs que la compagnie attend d’eux. À la page 7 du Module 3, « Planification, Organisation, Contrôle », il y a l’en-tête suivant : « Vos objectifs et les attentes de la compagnie ». [Non souligné dans l’original.] À cet en-tête (à la page 8), on dit : « Avec l’aide du directeur des ventes, déterminez vos objectifs en effectuant les exercices suivants. . . . » [Non souligné dans l’original.]

[165]   D’autres éléments de preuve du pouvoir de contrôler que la compagnie avait sur le travail de ses agents sont présentés à l’article 13 du contrat d’agent, où il est stipulé que la compagnie se réserve le droit de nommer un autre agent de la compagnie pour fournie le service en vertu d’une police à la place de l’agent initial agent, que le contrat soit en vigueur ou ait été résilié, advenant que le service fourni par l’agent ne soit pas à la satisfaction du client ou de la compagnie ou si l’agent agit au détriment des intérêts de la compagnie.

[166]   Il y a aussi le pouvoir décrit à l’article 14 du contrat d’agent, où il est indiqué que la compagnie peut « suspendre le contrat pour des motifs raisonnables », qu’ils soient ou non reliés aux tâches de l’agent, qu’aucune rémunération n’est payable pendant la suspension et que l’agent perd le droit de toutes les commissions payables au cours de cette période. Pendant la suspension, l’agent n’est pas autorisé à solliciter, obtenir des demandes ou exécuter des transactions reliées aux clients de la compagnie.

[167]   En vertu de l’article 15, la compagnie peut résilier le contrat avec ou sans cause moyennant un avis de sept jours, et il est disposé qu’aucune rémunération n’est payable à compter de la date d’annulation du contrat (mais si l’agent est encore endetté ou doit une créance à la compagnie, cette créance doit être payée immédiatement à la compagnie). Finalement, lorsqu’un contrat est annulé, la compagnie devient le cessionnaire des dossiers clients de l’agent.

[168]   L’article 16 dispose que pour une période de deux ans à compter de la date d’annulation du contrat, l’agent ne doit pas agir en tant qu’agent ou courtier au nom de clients de la compagnie qui faisaient partie de l’unité de service desservie par l’agent au moment de l’annulation du contrat.

[169]   En l’espèce, M. Mazraani travaillait dans les locaux de l’Industrielle Alliance; son bureau était situé près de celui de son directeur des ventes, M. Beaulé. Il assistait aux réunions hebdomadaires qu’il estimait obligatoires; il a reçu une formation importante de l’Industrielle Alliance lorsqu’il a commencé à travailler pour cette société et il a continué de recevoir de la formation pendant toute la durée de son travail pour l’IA, soit sept mois. La compagnie lui fournissait tous les outils les plus importants, c.-à-d. les données sur intranet et les documents nécessaires pour solliciter des demandes de police d’assurance de la part de clients éventuels de M. Mazraani. Étant présent dans les locaux de la compagnie, il pouvait contribuer à son succès et, comme nous l’avons vu plus haut, il s’agit d’une attente de la compagnie envers ses agents, comme en témoigne l’extrait de la fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année » qui indique : « Je contribue au succès de mon équipe, de mon agence et de « L’équipe solidaire » en faisant ma part lors des promotions de vente de la compagnie. »[175]

[170]   M. Mazraani n’était pas en position de choisir les moyens d’exécution. S’il avait pu, cela démontrerait qu’il était un entrepreneur « indépendant ». Il ne pouvait pas effectivement faire une vente; c’était la prérogative des souscripteurs. Il pouvait uniquement solliciter et proposer des demandes des clients. Il ne pouvait pas négocier la prime. Il ne pouvait même pas accorder de rabais. Il ne pouvait pas recevoir de paiement en son nom. Il devait remettre tout montant ou tout chèque « immédiatement » à la compagnie. En général, il vendait uniquement des produits de la compagnie et si jamais un produit dont son client avait besoin n’était pas disponible auprès de la compagnie, il pouvait l’obtenir par l’entremise d’une filiale de la compagnie, qui partageait aussi les commissions. La compagnie lui a dit qu’il ne pouvait pas représenter un client particulier parce que ce client avait eu recours à un autre de l’IA dans le passé. Lorsqu’une erreur survenait dans l’inscription dans l’intranet des renseignements au sujet d’une demande, M. Mazraani n’avait même pas le pouvoir de la corriger. Voici ce que M. Leclerc a déclaré :[176]

JUGE ARCHAMBAULT : Et la question que je vous pose est la suivante : qui a le pouvoir d’intervenir et de faire la modification?

M. LECLERC : Mon personnel.

JUGE ARCHAMBAULT : Votre personnel?

M. LECLERC : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Sous votre direction?

M. LECLERC : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Pas un conseiller financier?

M. LECLERC : Non.

JUGE ARCHAMBAULT : C’était ma question.

. . .

M. LECLERC : Parce que si tout le monde commence à téléphoner au siège social, ce sera comme un zoo.[177]

[171]   Cela démontre que la compagnie exerçait un contrôle sur le travail de M. Mazraani. C’est la compagnie qui décidait qui faisait quoi. Donc, il n’est pas surprenant de voir M. Mazraani soutenir qu’il n’avait pas une entreprise : « J’étais tout simplement un porteur de leurs polices à livrer et de leur argent à ramasser. Je ne décide pas, je ne contrôle pas et je ne suis pas payé par le client. L’Industrielle Alliance est tout et tout lui appartient. »[178]

[172]   Dans le présent cas, nous pouvons voir que M. Mazraani était « intégré dans le cadre de fonctionnement d’une entreprise pour la faire bénéficier de son travail », pour emprunter les mots de M. Gagnon, précité.[179] Mme Bich, maintenant une juge de la Cour d’appel du Québec, a décrit la notion du lien de subordination comme suit :[180]

[TRADUCTION][181]

. . . Bien que le salarié ait parfois une assez grande liberté d’exécution pratique, il demeure néanmoins assujetti au contrôle de l’employeur : parce que l’activité du salarié s’intègre au cadre tracé par l’employeur et s’effectue au bénéfice de celui-ci, il est normal qu’il y ait contrôle d’une part et subordination d’autre part.

[Non souligné dans l’original.]

[173]   Quel est le pourcentage des employeurs qui donnent des instructions aussi détaillées à leurs employés sur la façon de faire leur travail que celles qui sont données ici? Il est paradoxal que plusieurs décisions aient été rendues et dans lesquelles les cours et tribunaux administratifs ont conclu que les agents d’assurance-vie sont des entrepreneurs indépendants, malgré qu’ils aient reçu une formation exhaustive sur la façon de faire leur travail et que les cours aient jugé que les professeurs à temps partiel, que l’on appelle des chargés de cours au Québec, qui ne recevaient aucune formation et aucune instruction sur la façon d’enseigner, étaient des employés!

D. Commentaires précis

(1) Formation et réunions obligatoires

[174]   Comme on l’a décrit plus haut, la formation était exhaustive. La formation initiale s’est déroulée d’avril à juin et il y a eu une formation continue par la suite. M. Mazraani considérait cette formation obligatoire et ce point de vue est partagé par le ministre, qui en a fait une de ses hypothèses en ce qui concerne la formation initiale dans la réponse à l’avis d’appel.[182] La formation était organisée par la compagnie, présentée au bureau de la succursale de la compagnie et toute payée par la compagnie, même la formation qui qualifiait pour les UFC! Les directeurs des ventes étaient là pour aider les agents. Ils étaient également en position pour superviser le travail de l’agent et lui dire comment l’améliorer. Le Guide d’encadrement exigeait qu’ils vérifient les « dossiers clients pour la semaine en cours ».[183] L’objectif d’une compagnie d’assurance est de vendre des produits financiers. Il n’est donc pas surprenant d’entendre M. Leclerc déclarer que les directeurs des ventes consacrent plus de la moitié de leur temps à voyager avec leurs agents, même si la version officielle de la compagnie est qu’ils ne les supervisent pas! Si l’un de ces agents, en qui la compagnie a investi beaucoup de temps de formation, ne produit pas de façon adéquate, la compagnie perd de l’argent.[184] La compagnie veut que ses vendeurs connaissent du succès et, par conséquent, comme l’indiquait Mme Woo, elle leur donne des astuces et une recette sur la façon de s’y prendre. Il s’agit de toute évidence d’un exemple de la compagnie qui indique aux agents comment faire leur travail.

[175]   La nature du travail exécuté par M. Mazraani était telle qu’il fallait non seulement des connaissances, mais aussi une formation à long terme, un encadrement sur la façon de faire ce travail et une supervision continue de la part du directeur des ventes dans l’exécution de ses tâches. Cette situation est attribuable en partie aux subtilités et complexités des produits financiers offerts par la compagnie, ce qui exigeait que la compagnie fournisse les outils pour expliquer ces produits financiers à des clients éventuels de la compagnie. Les nombreux volets de la formation à la pièce A-48 illustrent ce point. La police d’assurance-vie universelle Genesis est un produit financier qui offre à la fois une protection d’assurance-vie et une vaste gamme d’options de placement conçues pour l’accumulation d’importantes sommes d’argent dans un abri fiscal. Le document déposé au titre de la pièce A-48 n’aurait pas pu être produit de façon efficace sans un logiciel conçu par et pour l’Industrielle Alliance, et la vente du produit Genesis n’aurait pas pu se faire aussi efficacement sans ce document. Voilà pourquoi l’utilisation de l’ordinateur avec le logiciel fourni par la compagnie était essentielle à la production des propositions faites à des clients individuels et à la prestation des renseignements nécessaires pour que le client prenne une décision éclairée et, sous ce rapport, une formation était exigée. Le fait que M. Mazraani ait payé un loyer hebdomadaire de 18 $ pour utiliser l’ordinateur n’est rien d’autre qu’un subterfuge.

[176]   À plusieurs occasions, on a demandé à M. Michaud et à M. Leclerc si les agents étaient tenus d’assister aux réunions et ils ont indiqué qu’ils ne l’étaient pas. Voici ce que M. Michaud a déclaré :[185]

M. MAZRAANI : Croyez-vous que la formation, en particulier la première formation, était obligatoire?

. . .

M. MICHAUD : Oui. Elle ne l’est pas -- elle n’est pas obligatoire, mais, encore une fois, cela est révélateur de votre intérêt à développer votre entreprise si vous n’y assistez pas. Nous essayons d’aider les gens à monter leur entreprise et nous leur donnons une formation. Donc, habituellement, ils ne demandent même pas si elle est obligatoire ou non. Ils y assistent et ils font partie de la réunion, en particulier la première.

[Non souligné dans l’original.]

[177]   Autrement dit, il n’était pas nécessaire de mentionner que la présence aux réunions était une exigence; le contexte faisait en sorte que les gens y assistaient, comme ce serait le cas normalement dans toute entreprise qui suggère à ses employés d’assister aux réunions, et comme c’était le cas en fait pour M. Mazraani, M. Charbonneau et Mme Woo. Naturellement, on ne s’attendait pas à ce que les agents très expérimentés et qui étaient d’excellents producteurs assistent à toutes les réunions si la compagnie ne les rendait pas obligatoires. Voilà la version la plus plausible de la réalité de l’exigence d’assister aux réunions de succursale. C’est le bon sens : la preuve circonstancielle favorise la version de M. Mazraani par rapport à la preuve trompeuse de la compagnie.

[178]   En outre, la documentation de formation présentée en preuve directe de M. Mazraani dresse un portrait différent de celui présenté par les témoins de l’IA. Elle décrit le travail des agents comme suit : « Le travail de représentant consiste à vendre de l’assurance mais aussi à . . assister aux rencontres d’agence ».[186] [Non souligné dans l’original.] Il y a aussi la fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année », où on peut lire :[187] « 7. J’assiste aux rencontres d’agence. . . »

[179]   De plus, M. Mazraani a été en mesure de trouver, au cours des six journées du présent appel, étalées sur cinq semaines, une preuve directe pour contredire la preuve de plusieurs témoins de l’IA, notamment le témoignage de M. Michaud et celui de M. Leclerc. Il a été en mesure de récupérer au moins deux courriels qui rendaient obligatoire la présence à des réunions de succursale qui n’étaient pas des séances de formation des UFC. Le premier est un courriel daté du 29 mai 2012 qui indique, à la ligne d’objet : « IMPORTANT FORMATION NOUVEAU LOGICIEL GESTION CLIENTS ».[188] Dans ce courriel, la « secrétaire administrative », Nathalie Gagnon, écrit l’instruction suivante à tous les membres de la succursale LaSalle, aussi appelée l’Agence Mercier :

IMPORTANT – À TOUS LES MEMBRES DE L’AGENCE MERCIER

. . .

Ce changement affectera vos méthodes de travail au quotidien.

Il est obligatoire que vous soyez présents à cette réunion sans exception.

[Ce n’est pas moi qui souligne.]

[180]   La réunion était prévue pour le lundi 18 juin, dans la salle de conférence. Les renseignements supplémentaires suivants sont fournis :

L’objectif est d’expliquer les raisons et les bénéfices de cette nouvelle solution par une présentation Power Point live et une démo de l’application.

Par la suite, vous aurez accès à des capsules de formation (vidéo e-learning) qui vous seront expliquées à la réunion du 18 juin.

[181]   Il s’agit d’un très bon exemple de l’exercice de la part de l’employeur de son droit d’exercer un contrôle et une direction sur le travail de ses travailleurs. Non seulement il est obligatoire d’assister à la réunion, mais le courriel explique que le changement aura une incidence quotidienne sur la façon dont ils font leur travail.

[182]   Il y a aussi un avis et un autre courriel envoyés aux agents au sujet d’une « RÉUNION D’AGENCE » qui aura lieu le 4 juin, à 10 h. et qui indique, dans l’avis, « VOTRE PRÉSENCE EST IMPÉRATIVE » et dans le courriel, « VOTRE PRÉSENCE EST PRIMORDIALE ». Le sujet est « Annonce des nouveautés à venir ».[189]

[183]   De plus, selon plusieurs témoins de l’IA, tout particulièrement M. Michaud et M. Leclerc, on ne prenait pas la présence des agents aux réunions de succursale, sauf pour les séances de formation admissibles en tant qu’UFC, c’est-à-dire les unités de formation continue exigées par les organes de réglementation.[190] Encore une fois, M. Mazraani a été en mesure de trouver une liste de toutes les personnes qui n’étaient pas présentes à la « présentation I.A Inter-Action »[191] le 12 septembre 2012, qui n’était pas une séance de formation UFC. La présentation visait à promouvoir le service hypothécaire d’une filiale de sorte que les agents pourraient recommander des clients qui avaient besoin de ce nouveau service.[192] En raison du grand nombre de personnes absentes, une autre présentation a été prévue pour le 1er novembre 2012.[193]

[184]   Il faudrait répéter que la plupart des employés qui travaillent dans des organisations plus importantes ne se font pas dire que leur présence aux réunions est obligatoire. Toutefois, chacun au sein de l’organisation sait que son absence ne sera pas bien vue. La situation est la même ici, comme l’a reconnu M. Michaud dans l’extrait reproduit plus haut. À la fin, comme je l’ai déjà dit, l’enjeu ici est de savoir si la compagnie avait le pouvoir de contrôler et de diriger le travail exécuté par ses travailleurs et la preuve démontre clairement que c’était le cas. Elle avait non seulement le pouvoir, mais elle l’exerçait. Le courriel portant sur une réunion précise à laquelle un nouveau système de gestion client avait été mis en place indiquait que la présence était obligatoire pour tous, sans exception.

(2) Exigences réglementaires

[185]   La preuve a été présentée et les arguments exposés pour montrer que l’Industrielle Alliance supervisait et contrôlait la qualité du travail exécuté par ses agents uniquement en raison de ses obligations en vertu de la Loi sur la distribution. L’avocate à l’interne a dit dans son témoignage que la liste de vérification de la conformité[194] décrite plus haut avait été créée dans le but de respecter les exigences législatives et réglementaires. L’article 85 de la Loi sur la distribution dispose : « Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements ».

[186]   Je reconnais qu’une partie de la liste de vérification de la conformité porte sur des questions résultat de ces exigences, notamment connaître vos clients et leurs besoins.[195] Par contre, contrairement aux déclarations de l’avocate à l’interne, la liste de vérification ne découle pas totalement de ces exigences. Dans son témoignage, M. Michaud a reconnu que des exigences comme connaître votre client et s’assurer qu’il est bien informé lorsqu’un produit financier lui est offert, viennent non seulement des règlements, mais aussi des Normes de l’industrie établies par l’ACCAP, qui semblaient plus importantes pour lui que les règlements.[196] Par exemple, le point 24 de la liste de vérification porte sur les paraphes manquants du souscripteur-demandeur sur le formulaire F-13-743, document qui est mentionné au point 6 de la liste de vérification, où il est indiqué qu’il est exigé par l’ACCAP. La liste de vérification indique que la source juridique du point 24, l’article 6 du Règlement 2[197] qui dispose : « Le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome qui utilise des statistiques dans sa publicité ou dans ses représentations écrites doit en indiquer la source. » Même l’avocat représentant la compagnie devant la Cour n’a pas abordé cette question précise ou, de façon plus générale, la raison pour laquelle la conformité exigée par la Loi sur la distribution et sa réglementation ne devrait pas être prise en compte pour déterminer s’il existait un lien de subordination entre la compagnie et ses agents et, plus particulièrement, M. Mazraani. Il a cité dans son argumentation écrite devant la Cour, et ses observations écrites supplémentaires envoyées à la Cour le 3 juillet 2015, de nombreuses décisions de tribunaux et cours du Québec qui déclarent comme genre de mantra :

35  Ce contrôle administratif et déontologique implique une certaine subordination mais pas nécessairement ou "indéniablement" la subordination juridique au sens où on l’entend dans le cadre d’une relation employeur-employé.[198]                                             [Soulignement ajouté et note omise.]

[187]   Cette déclaration a été faite par le juge de la Cour supérieure parce que le membre de la CRT avait conclu :

[200] L’encadrement obligatoire des parties par la Loi qui subordonne l’agent au courtier suffit à conclure à un lien de subordination. Il n’est pas conciliable avec la relation d’affaires usuelle entre deux entrepreneurs.

[Non souligné dans l’original.]

[188]   Je suis tout à fait d’accord avec la conclusion susmentionnée de la Cour supérieure. En effet, il ne conviendrait pas de se fier sur un texte législatif comme la Loi sur le courtage immobilier, L.R.Q., c. C-73.1 et sur les Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec pour décider si une personne est liée par un contrat de travail ou un contrat de service en vertu du Code civil. Toutefois, on ne devrait pas compter sur le fait qu’un cabinet de courtage soit assujetti à une mesure administrative donnée, notamment la Loi sur le courtage immobilier, qui reconnaît explicitement qu’un agent peut avoir « qualité d’employé ou de personne autorisée à agir au nom d’un courtier »,[199] pour exclure la possibilité que les agents pourraient être des employés. L’Industrielle Alliance et d’autres payeurs ne devraient pas être autorisés à utiliser cette conclusion énoncée au paragraphe 35 de la décision La Capitale comme une licence pour déguiser un contrat de travail en contrat de service.

[189]   Tant dans sa preuve que dans son argumentation, l’Industrielle Alliance a déclaré qu’elle supervisait le travail des agents uniquement pour se conformer à ses obligations en vertu de la Loi sur la distribution[200] et de la Loi sur la protection des renseignements.[201] Elle n’a pas précisé lesquelles de ses activités de supervision étaient exigées par ces lois et n’auraient pas été conformes à l’existence d’un contrat de travail. Il faudrait signaler que ni M. Michaud, ni M. Charbonneau n’ont vu de différence entre le traitement des agents lorsqu’ils étaient considérés comme des employés avant 1993 et leur traitement lorsqu’ils étaient considérés des entrepreneurs indépendants après 1992!! Donc, après 1992, nous avions essentiellement la même relation qui existait avant 1992, sauf que nous avions un contrat qui stipule qu’il ne crée pas une relation employeur-employé.

[190]   Je reformulerais comme suit la déclaration du paragraphe 35 de la décision La Capitale, précitée : Le contrôle administratif exigé par mesure législative, notamment la Loi sur le courtage immobilier et la Loi sur la distribution, implique un certain contrôle ou une certaine supervision, mais pas nécessairement au point que cela mène à une conclusion selon laquelle il existe une relation de subordination comme celle qui est décrite ou mentionnée aux articles 2085 et 2099 C.c.Q. et pas nécessairement incompatible avec une telle relation employeur-employé.[202] Autrement dit, l’analyse des faits doit être faite en appliquant les dispositions pertinentes du Code civil (et non une mesure législative précise) et en répondant, comme je l’ai suggéré plus haut, à la question clé : Est-ce que le payeur a le pouvoir de donner des instructions, de diriger et de contrôler? En vertu du Code civil, pour qu’un travailleur soit considéré un employé, il doit exister un contrat entre le payeur et le travailleur, et le contrat constitue la source juridique pour l’existence d’une relation employeur-employé. Donc, c’est le contrat qu’il faut examiner, de même que la conduite des parties, pour voir si la conduite est conforme aux dispositions du contrat. En l’espèce, il y a de nombreux éléments de preuve établissant l’existence du pouvoir de l’IA de donner des instructions à ses agents, de diriger et de contrôler leur travail, et cela sans même tenir compte de la fonction de supervision que remplit l’IA pour se conformer à ses obligations en vertu de la Loi sur la distribution et des règlements afférents.

[191]   Il faudrait souligner que le Code civil et les autres mesures législatives n’ont pas le même objectif. La Loi sur le courtage immobilier, la Loi sur la distribution et d’autres mesures législatives semblables sont destinées à protéger le public des abus (passés). Lorsque de tels abus deviennent généralisés au sein d’une industrie, la pression politique monte chez le public pour que les législateurs interviennent et fassent quelque chose à leur sujet. Avant que les législateurs décident d’intervenir, l’industrie propose souvent d’adopter des mesures visant à mettre un frein à ces abus et promet de s’autoréglementer sans qu’il soit nécessaire de mettre sur pied des organes publics, notamment l’AMF et les ordres professionnels régis par le Code des professions. L’industrie (par exemple, l’industrie de l’assurance-vie) formerait une association (comme l’ACCAP) qui adopterait des normes de l’industrie et exigerait que ses membres les respectent.[203] Lorsque cette solution n’atteint pas son objectif en partie parce qu’une telle association ne peut pas imposer ses normes à une compagnie, à moins que cette dernière n’accepte d’être liée par ces normes, les législateurs peuvent devoir réagir à la pression du public et adopter des mesures pour protéger le public, notamment en exigeant qu’un agent détienne une licence valide et qu’il se soumette à un examen pour se qualifier afin d’obtenir cette licence et en imposant certaines obligations énormes aux divers intervenants de l’industrie.

[192]   L’objectif d’une telle mesure législative est de protéger le public et non pas de décider qui est un employé ou qui est un entrepreneur indépendant. Lorsqu’une compagnie de services financiers donnée est tenue en vertu de telles mesures législatives de s’assurer que ses agents respectent la mesure législative, l’intention est qu’elle s’appliquera, que l’agent soit un employé de la compagnie ou non. Étant donné le problème commun d’établir une distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant,[204] l’assemblée législative ne voudrait pas qu’une compagnie de services financiers donnée esquive ses obligations en adoptant la position selon laquelle un agent rattaché à la compagnie n’est pas l’un de ses employés. Donc, c’est que la portée de la mesure législative est élargie de cette façon. De plus, lorsqu’une industrie veut protéger son modèle d’affaires en ayant recours à des entrepreneurs indépendants, l’assemblée législative peut répondre à cette industrie que le libellé de sa mesure législative n’empêche pas d’utiliser ce modèle d’affaires.[205]

[193]   Le Code civil est décrit comme suit dans sa disposition préliminaire :

Le code est constitué d’un ensemble de règles qui, en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.

[Non souligné dans l’original.]

[194]   Pour l’illustrer, jetons un coup d’œil à l’article 85 de la Loi sur la distribution, que je reproduis une fois de plus : « Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants.[206] Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements ». [Non souligné dans l’original.] Un représentant peut être un employé ou un entrepreneur indépendant. Donc, on ne peut pas utiliser l’article 85 pour soutenir qu’un agent ne peut pas être un employé parce que c’est la Loi qui exige qu’un cabinet « supervise » la conduite de l’agent. Ceci constituerait une absurdité et irait à l’encontre de la mesure législative puisque l’article 85 doit s’appliquer aux représentants qui sont des employés ou des entrepreneurs indépendants. À mon avis, l’analyse appropriée est qu’un cabinet qui a conclu un contrat de travail avec son agent a le pouvoir de superviser la conduite de ce dernier conformément aux dispositions du contrat, mais il a aussi l’obligation de le faire en conformité de la Loi sur la distribution, qui énonce les exigences prévues par la loi à respecter. Ainsi, on atteint l’objectif tant de la mesure législative que du contrat.

[195]   Revenant à la question de la liste de vérification de la conformité, d’autres commentaires s’imposent. Premièrement, je ne peux pas voir, pour de nombreux points de la liste de vérification, une relation étroite entre l’article du règlement cité comme source et le point qui figure sur la liste de vérification. Par exemple, dans le cas du point 24 mentionné plus haut, pour le point 2, « CTC (Renseignements personnels − objectifs et planifications) + détaillé », la liste de vérification cite la Loi sur la distribution, Règlement 2, article 6. Sur les 36 points que compte cette liste de vérification, près de la moitié (15) renvoient à cet article!

[196]   Il y a des exceptions. Par exemple, les points 14 à 16 portent sur des documents qui doivent être détruits, notamment des questionnaires médicaux, des copies de chèque après livraison, et des copies de permis de conduire et de cartes santé. La source juridique de cette exigence est la Loi sur la protection des renseignements.[207]

[197]   Deuxièmement, certains points de la liste de vérification de la conformité ne sont pas, contrairement à ce que l’avocate à l’interne de l’IA a déclaré, limités à la conformité aux lois et aux règlements. À titre d’exemple, le point 32, « Divergence – Initiales du directeur n’apparaissent pas sur le formulaire « Profil de l’investisseur ». On indique que la source de cette exigence de conformité est la « Règle interne de la compagnie ». Un autre exemple, mentionné plus haut, est le point 6 « Déclaration du proposant ». On indique que l’ACAP est la source de cette exigence de conformité, et non la réglementation.

[198]   Troisièmement, même s’il y a des obligations prévues par la loi et la réglementation pour superviser la conformité du travail fait par un agent, l’Industrielle Alliance aurait fait ou aurait dû faire à l’égard de la conformité pratiquement la même supervision et le même contrôle de ce travail qu’elle le faisait avant que les mesures législatives et réglementaires ne soient adoptées en 1998, comme l’a confirmé M. Charbonneau. Une telle supervision et un tel contrôle auraient été, par exemple, de s’assurer que le client était bien informé et que le produit offert correspondait aux besoins financiers du client. Une compagnie voudrait que ses agents aient en dossier des relevés financiers à jour, comme un bilan. Il en serait ainsi parce que non seulement la responsabilité de la compagnie serait en jeu (comme l’a reconnu pendant son témoignage le vice-président de l’IA), mais sa réputation risquerait beaucoup d’être détruite ou touchée de façon négative. Par conséquent, il est très important pour une telle compagnie d’être en mesure de contrôler la qualité du travail de l’agent et de lui dire quoi faire et ne pas faire.

[199]   Par exemple, si un client découvrait qu’il a acheté quelque chose qui ne correspond pas à ses besoins ou à ses moyens, il serait selon toute probabilité mécontent de s’en rendre compte et il le ferait savoir, au moins à sa famille et à ses amis, si ce n’est pas au public par l’entremise d’émissions de télévision se spécialisant dans les histoires de consommateurs victimes d’abus, avec le risque que cela comprendrait de donner non seulement à la compagnie mais aussi à l’industrie de l’assurance-vie en général une mauvaise réputation. Voilà pourquoi l’Industrielle Alliance impose à ses agents non seulement ses Normes de conduite à la page 1 et sa Politique sur les communications, mais aussi les Normes de l’industrie qui interdisent, par exemple, qu’un agent encourage un client à se présenter devant les médias pour divulguer un problème avec une compagnie d’assurance.[208] Comme nous l’avons vu plus haut, en tant que membre de l’ACCAP, l’Industrielle Alliance était tenue de respecter ce code de déontologie de l’association.

[200]   À part la liste de vérification de la conformité, la supervision de conformité exercée par la compagnie n’a pas toute été faite pour respecter des obligations législatives ou de l’industrie. Pour la majorité, c’était pour assurer un déroulement plus efficace des affaires de la compagnie, comme on l’a vu, par exemple, dans ce courriel de la « superviseure administrative » dont la ligne d’objet était « IMPORTANT CONFORMITÉ » « Précisions et ajustements » :[209]

Vous trouverez ci-joint un aide-mémoire à jour afin que vous puissiez nous remettre vos dossiers dans l’ordre indiqué. Veuillez ne pas brocher les différents documents remis pour expédition au Siège Social car ils doivent débrocher à la réception pour mettre à l’imagerie votre dossier.

[Non souligné dans l’original.]

(3) Aucun horaire fixe ni heures fixes ni rapports d’activités

[201]    Dans son témoignage, M. Charbonneau a dit qu’il était libre de déterminer son horaire quotidien, libre de servir les clients n’importe où, libre de décider quand prendre ses vacances et pendant combien de temps, et qu’il n’y avait aucune restriction quant à son territoire. Cette déclaration doit être mise en contraste avec la lettre du 27 avril qui indique que si aucun revenu n’est reçu pendant cinq semaines consécutives, le contrat sera résilié.[210] De plus, à l’article 5 du contrat d’agent, la compagnie se réserve le droit de modifier ses normes de production minimale.

[202]   Il y a aussi la fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année », où on peut lire :[211]

3. Je consacre 60 % de mon temps à la prospection en faisant un nombre suffisant d’appels pour obtenir 10 rendez-vous par semaine

. . .

8. Je fais tout ce qui est nécessaire pour que ma semaine de travail soit remplie avant de quitter pour la fin de semaine.

[Non souligné dans l’original.]

[203]   Il y a le Module 3, qui donne les instructions suivantes aux agents : « 1. Préparez vos journées de manière à fournir au moins 8 heures de travail véritable » et « 5. Prévoyez deux rendez-vous par jour au minimum. »[212] [Non souligné dans l’original.] Il y a aussi la fiche susmentionnée où on peut lire : « SVP être à l’heure selon l’horaire établi. »[213] Finalement, il y a la déclaration suivante dans les motifs de la CRT : « qu’il n’est pas question de prendre des vacances pendant la période du concours du président. Il [un des plaignants] explique qu’il a déjà tenté, sans succès, d’en faire la demande à son directeur des ventes. . . »[214]

[204]   Même si les déclarations de M. Charbonneau étaient toutes vraies,− ce qui n’est pas le cas,− il ne s’agirait pas nécessairement d’un élément de preuve concluant selon lequel il n’existait pas une relation de subordination entre les agents et l’Industrielle Alliance. L’existence de restrictions pour ce qui est de choses comme l’horaire de travail, le territoire et à quel moment prendre ses vacances et pendant combien de temps, pourrait être une indication de l’existence d’une telle relation de subordination. Toutefois, leur absence ne démontre pas de façon concluante que la compagnie n’a pas le pouvoir de diriger et de contrôler les travailleurs. La question importante à se poser est de savoir si la compagnie avait le pouvoir de contrôler et de diriger le travail de ses travailleurs ou agents, et c’est le devoir de la Cour de déterminer si la compagnie détenait effectivement un tel pouvoir. Il vaut la peine de répéter ici les commentaires faits par l’actuel juge en chef de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. (précitée) :

5 La question que devait se poser le premier juge était de savoir si la société avait le pouvoir de contrôler l’exécution du travail des travailleurs et non pas si la société exerçait effectivement ce contrôle. Le fait que la société n’ait pas exercé ce contrôle ou le fait que les travailleurs ne s’y soient pas sentis assujettis lors de l’exécution de leur travail n’a pas pour effet de faire disparaître, réduire ou limiter ce pouvoir d’intervention que la société possède, par le biais de son conseil d’administration.

[Non souligné dans l’original.]

[205]   Dans ses documents de formation, la compagnie indique : « Le représentant travaille pour lui-même; il contrôle et est entièrement responsable des résultats de son travail. Il est définitivement un propriétaire unique ».[215] À mon avis, on embellit la réalité et il s’agit d’une déclaration intéressée. Même s’il est clair que la compagnie veut que ses agents agissent avec beaucoup d’autonomie− c.-à-d. organiser leur temps de façon à être productifs− les agents travaillent dans le cadre de l’entreprise de la compagnie, et c’est aussi pour le profit de la compagnie qu’ils produisent des ventes. La compagnie est plus franche au module 9, « Service et suivi »,[216] à la page 5, lorsqu’elle reconnaît que ce que fait un agent a une incidence financière sur la compagnie elle-même :

Dès qu’une police est passée la date d’expiration au début de la deuxième année, sans être renouvelée et sans raison apparente, cela signifie une perte pour l’assuré, une perte pour l’agent et une perte pour la compagnie.

L’assuré a payé une prime, qu’il a jetée par la fenêtre. L’agent est privé des commissions liées au renouvellement et boni de conservation. La compagnie assume les frais administratifs, qui dépassent le revenu réalisé.

[Non souligné dans l’original.]

[206]   À mon avis, le fait que les agents aient un niveau élevé d’autonomie dans l’exécution de leurs tâches est tout à fait normal puisque la compagnie ne peut pas superviser les agents tout le temps. La structure de la rémunération fait en sorte que l’agent donnera un rendement; sinon il ne recevra aucune commission. Si un agent ne produit pas de revenu de commissions pendant cinq semaines, son contrat peut être résilié et, effectivement, c’est la raison pour laquelle le contrat de M. Mazraani a été résilié. C’est la situation normale d’un vendeur employé rémunéré à la commission seulement.

[207]   On a beaucoup parlé du fait que les agents n’ont pas à produire de rapports d’activités pour la compagnie. Le témoignage des divers témoins de l’IA, y compris M. Leclerc, à ce sujet, a été de nouveau contredit par des documents internes de la compagnie. À la fiche intitulée « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année », nous trouvons l’instruction suivante : « Lorsque j’arrive au bureau, la première chose que je fais est d’inscrire mes activités et résultats de la veille dans le système de gestion de l’agence. » Dans son témoignage à la fin de l’audience, M. Leclerc a essayé d’amoindrir l’incidence de ces documents internes, qui n’aidaient pas la cause de l’IA. Il a déclaré que le « Registre de mes ventes, F20-123 » n’existait plus en 2012.[217] Lorsque j’ai demandé s’il avait été remplacé par un autre système, il a répondu qu’il y avait quelque chose « qui faisait le même travail ». Lorsque l’avocat de l’IA lui a demandé si le système existait en 2012, il a répondu : « Oui, mais je pense que personne l’utilisait. » M. Leclerc a également dit dans son témoignage que la « copie de vos activités de la semaine » mentionnée au module 3 était une idée conçue au siège social, mais que personne l’utilisait. Voici ce qu’il a déclaré :[218]

M. LECLERC: Non, mais ce que je veux vous dire là-dessus c’est que des fois t’as des gens biens [sic] pensant dans un siège social qui disent « Ils devraient faire ça comme ça. »

. . .

M. LECLERC: Et ils vont mettre ça dans un guide.

. . .

M. LECLERC: Ça correspond pas à la réalité.

. . .

M. LECLERC: Ça fait que quand on reçoit ça, on dit « Bien, non, on n’utilise pas ça. »

[Non souligné dans l’original.]

[208]   M. Leclerc est un directeur de succursale, mais il est pratiquement au bas de la chaîne de commandement. Les décisions importantes concernant la façon de diriger les activités de l’IA sont prises, je penserais, au siège social, qui a plus de pouvoir que lui. Si M. Leclerc décide de ne pas se conformer aux décisions du siège social, c’est son affaire. Cependant, ma perception selon laquelle l’Industrielle Alliance a le pouvoir de dire à ses agents comment faire leur travail est une fois de plus confirmée.

[209]   De plus, il semble y avoir un certain malentendu quant à ce qui constitue un rapport d’activités. Dans le cas qui nous intéresse, il est évident que chaque fois qu’un agent apporte à l’Industrielle Alliance une demande pour qu’une police d’assurance soit émise, la compagnie sait si un contrat donné est conclu. Elle doit le savoir car ce sont les souscripteurs qui prennent la décision d’émettre une police, et toute la rémunération de ses agents est calculée par renvoi à la prime que la compagnie recevra des polices d’assurance émises à ses clients.

[210]   Il y a au Module 3 une section intitulée « Contrôle » où on peut lire à la rubrique « Relevé hebdomadaire du représentant (F15-125) » : « Ce rapport est automatiquement compilé pour vos crédits de vente dans Extranet Gestion d’agence. (Voir votre directeur des ventes pour une formation à ce sujet.) Par la suite, celui-ci sert au rapport S.I.R.A. » Ce document peut être un bon outil pour aider les agents à être tenus au courant de leur propre rendement, mais, aussi, ils donnent à la compagnie les données pertinentes lui permettant de voir le rendement de ses agents! Cela a été établi par M. Leclerc lorsqu’il a été contre-interrogé par M. Mazraani au sujet des raisons de la résiliation de son contrat. La principale raison est qu’il n’avait pas produit un revenu de commissions pendant cinq semaines consécutives. À un certain moment, on ne savait pas trop si son contrat avait été résilié à la fin de la quatrième ou de la cinquième semaine. Donc, M. Leclerc a donné une réponse révélatrice (pages 209 et 210 de la transcription du 15 juin) :

LE JUGE ARCHAMBAULT: O.k. Vous l’informiez que ça va se terminer?

M. LECLERC: Ça va se terminer.

LE JUGE ARCHAMBAULT: Mais vous le faites au moment où il n’a pas encore atteint ses cinq semaines. Vous êtes d’accord avec ça?

. . .

M. LECLERC: C’était atteint pour nous parce que le rapport de rémunération, FASAT -- il s’appelle FASAT au lieu de SIRA -- le lundi matin, on le reçoit et puis ça nous indique, pour la semaine cinq, le montant de rémunération qu’il va recevoir, puis c’est écrit 0, parce que les chèques de commission, ils les reçoivent le jeudi. Puis moi, le lundi, je sais déjà, par le système comptable, qu’il va recevoir 0 pour une cinquième fois consécutive.

[Non souligné dans l’original.]

[211]   Les statistiques sur le rendement des agents sont également distribuées aux agents pour le « Concours du président »; cela crée une émulation entre eux et fait augmenter les ventes. Cela montre également que la compagnie est en mesure d’évaluer le rendement de ses agents sans qu’un autre rapport d’activités formel soit remis par ces agents! Je suis convaincu que si quelqu’un comme M. Mazraani n’a produit que cinq ventes au cours de sept mois, son superviseur, le directeur des ventes, discuterait du rendement de l’agent et lui suggérerait des façons de s’améliorer. M. Mazraani a dit dans son témoignage que c’est effectivement ce qui s’était produit. Il a produit en preuve une copie de son propre agenda.[219] Pour le 5 septembre 2012, il a écrit : « Rencontré Eric [Leclerc] Veut voir les activités Ai expliqué que c’est très difficile malgré toutes les activités, a quitté le bureau de mauvaise humeur » [Non souligné dans l’original.]

[212]   Dans son témoignage, Mme Woo a indiqué qu’elle tenait son directeur des ventes au courant non seulement des heures qu’elle passait à l’extérieur du bureau, mais aussi des fois qu’elle rencontrait ses clients et lorsqu’elle concluait une vente. Par conséquent, il est très plausible qu’il y avait au moins des rapports d’activités informels présentés par M. Mazraani à M. Beaulé et/ou M. Leclerc.

[213]   Dans le cas d’une entreprise qui exploite une usine de fabrication comportant des chaînes de montage, par exemple un constructeur de motoneiges, le contrôle sur l’horaire des travailleurs affectés à la chaîne de montage est de la plus haute importance parce que tous les employés de la chaîne sont interdépendants. Étant donné la nature du travail des agents de l’IA et de la structure de rémunération adoptée pour les rémunérer, leur situation est complètement différente. Du moment qu’un agent produit suffisamment de revenu en primes, la compagnie n’a pas besoin de savoir combien d’heures l’agent consacre à son travail chaque semaine, si le travail est effectué le matin ou le soir, ou s’il est fait dans les locaux de la succursale ou au bureau ou à la résidence du client. L’Industrielle Alliance n’a pas besoin d’exercer de contrôle sur ces aspects du travail des agents. Autrement dit, ce qui compte, c’est le nombre de ventes, et non le nombre d’heures. Contrairement à la situation sur une chaîne de montage, la compagnie ne peut pas se tenir à côté de ses agents tout le temps pour vérifier s’ils font leur travail, même si les directeurs des ventes accompagnent les agents de l’IA plus de 50 % de leur temps!

[214]   Cependant, la compagnie peut exercer son pouvoir de donner des instructions et de diriger lorsque les besoins opérationnels l’exigent. Plusieurs exemples sont d’ailleurs décrits dans les présents motifs. Parmi eux, mentionnons les horaires fixant le jour et l’heure de toutes les séances de formation qui, selon M. Mazraani, étaient obligatoires. La formation s’est échelonnée du 3 avril au 13 décembre 2012. Il y a aussi la note de service traitant d’une activité promotionnelle devant commencer le 28 juin 2012. Dans cette note intitulée « Kiosque Square Décarie, Règles et procédures », nous trouvons l’instruction suivante : « SVP être à l’heure selon l’horaire établi. »[220] D’autres exemples comprennent les modifications des réunions auxquelles la présence était obligatoire ou « primordiale », comme nous l’avons vu plus haut.

[215]   Finalement, il est intéressant de constater que M. Leclerc, le directeur de la succursale LaSalle, a déclaré qu’il ne savait pas ce que faisaient exactement ses directeurs des ventes au sujet de la formation des agents, quoique le Guide d’encadrement établit clairement que cela faisait partie de ses fonctions de le savoir. Il a expliqué que les directeurs des ventes étaient des professionnels et savaient ce qu’ils avaient à faire. Donc, la compagnie donne à ses employés beaucoup d’autonomie dans l’exécution de leurs fonctions. Ce n’est pas différent de la façon dont la compagnie traite ses agents en leur donnant énormément d’autonomie.[221]

(4) Aucun changement important dans le mode de fonctionnement

[216]   Lorsque l’on a demandé à M. Michaud et à M. Charbonneau s’il y avait des différences dans le traitement des agents au moment où ils étaient considérés des employés avant 1993, et lorsqu’ils ont été considérés comme des entrepreneurs indépendants, après 1992, ni l’un ni l’autre n’a indiqué que dans le dernier cas il y avait moins de contraintes quant à leur liberté pour exécuter leur travail, c.-à-d. pour ce qui est du calendrier de leurs activités, de la limite de leur territoire ou de l’exigence d’assister aux réunions. Ils n’ont pas dit non plus qu’après 1992, les agents avaient« le libre choix des moyens d’exécution du contrat » pour reprendre le libellé de l’article 2099 C.c.Q. ou qu’ils « jouiss[ai]ent d’une indépendance virtuellement totale, par rapport au client, concernant la façon dont le contrat [était] exécuté » pour reprendre les mots du ministre de la Justice du Québec.

[217]   Au contraire, M. Michaud a donné une liste de points de droit non pertinents et non fondés,[222] y compris l’affirmation selon laquelle un employé ne pouvait pas, avant le changement, déduire le salaire d’un adjoint, ne pouvait pas se constituer en société et ne pouvait pas vendre son droit de représenter des clients. Ces réponses sont conformes au fait que rien de substantiel n’a changé dans la façon dont la compagnie exerçait son pouvoir de diriger et de contrôler le travail de ses agents.

(5) Charges

[218]   L’Industrielle Alliance a beaucoup insisté sur le fait que M. Mazraani devait payer les frais relatifs à son ordinateur, ses interurbains, les dépenses liées à son téléphone cellulaire, le coût de sa licence, les services de secrétariat, etc. Cependant, la compagnie fournit à ses représentants des services et actifs significatifs qui ont beaucoup d’importance dans l’activité des agents. Premièrement, elle fournit sans frais l’utilisation d’un bureau (un cubicule), une table de travail, un classeur et un téléphone. De plus, la compagnie fournit tous les formulaires et livres, polices, logiciels et autres documents de la compagnie, dont elle reste la propriétaire, et qu’elle met à la disposition de ses agents.[223] En outre, la compagnie paie pour toute la formation qu’elle offre à ses agents, que ce soit au début ou par la suite, y compris la formation qui les qualifie en tant qu’UFC.[224]

[219]   Mais, à la fin, l’engagement de dépenses n’est pas un facteur dont on doit tenir compte en l’espèce comme dans les provinces de common law, même s’il ne s’agit pas d’un facteur non pertinent à prendre en considération dans l’analyse de la preuve circonstancielle de l’existence du « pouvoir » de diriger, de donner des instructions et de contrôler. Par exemple, si un travailleur fournissait de la machinerie lourde, notamment un bulldozeur et une pelle mécanique qui coûtent des dizaines de milliers de dollars pour exécuter son travail, il est peu probable que le travailleur aurait laissé le payeur exercer une direction et un contrôle sur la façon d’exécuter le travail et d’utiliser sa machinerie! Une telle preuve circonstancielle n’est pas concluante, mais constitue un élément à prendre en considération pour déterminer si ce pouvoir existait.

(6) Propriété de la clientèle

[220]   Dans la preuve et dans les arguments de l’Industrielle Alliance, on a beaucoup insisté aussi sur le fait qu’elle ne fournit pas une liste de clients à ses agents. Cependant, la question la plus importante est de savoir de qui ils sont les clients une fois que les agents les ont trouvés et, en l’occurrence, il est évident d’après les éléments de preuve décrits plus haut qu’un client qui est sollicité par un agent appartient à la compagnie, contrairement à l’argument présenté par l’avocat de la compagnie. Si les agents étaient de véritables entrepreneurs indépendants, vous vous attendriez à ce qu’ils puissent garder leurs clients lorsqu’ils quittent la compagnie, que ce soit volontairement ou non, et qu’ils puissent les vendre à quiconque ils le souhaitent, si c’est ce qu’ils veulent faire. Dans le cas qui nous occupe, les agents ne peuvent pas vendre leur clientèle à qui ils veulent. C’est parce que les clients appartiennent à la compagnie et seulement dans certaines circonstances, comme nous l’avons vu plus haut, que la compagnie permet à ses agents de vendre le flux à venir des commissions, qui est la seule chose qui appartient aux agents, et encore là, ils ne peuvent les vendre qu’à un autre agent de l’IA!

[221]   Pour ce qui est des facteurs pertinents à prendre en considération au moment de décider si nous avons un contrat de travail, j’adopterais les mêmes commentaires que ci-dessus au sujet des dépenses. La propriété de la clientèle n’est pas un facteur reconnu en vertu du Code civil, contrairement à la situation en common law. Cependant, elles pourraient constituer un élément de preuve circonstancielle qui pourrait aider la Cour à conclure que la compagnie avait le pouvoir de diriger et de contrôler le travail de ses agents. Le fait que la compagnie était propriétaire de la clientèle fait en sorte qu’il est encore plus probable qu’elle avait ce pouvoir parce qu’il lui donnait un incitatif pour protéger son actif. Par contre, comme on l’a dit plus haut au sujet des dépenses, ce n’est pas concluant.

E. Crédibilité des témoins de l’IA

[222]   Lorsque les témoins prêtent serment ou font une affirmation solennelle, ils affirment ou jurent qu’ils diront la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. L’expérience nous enseigne que ce ne sont pas tous les témoins qui respectent cet engagement. Certains mentent; certains induisent en erreur; certains se trompent; certains croient qu’ils disent la vérité alors que la réalité est effectivement passablement différente; certains embellissent les faits. Toutefois, lorsque des dirigeants de sociétés bien connues et réputées, les membres de la profession juridique et les personnes en autorité, notamment un agent de police, témoignent, l’attente étant qu’ils auront des normes plus élevées quant au respect de leur serment.

[223]   Dans le présent appel, il y avait un vice-président principal de la quatrième compagnie d’assurance-vie en importance au Canada, une avocate à l’interne et un directeur de succursale qui ont témoigné. Le moins que l’on puisse dire, est que leur témoignage était troublant. Certaines de leurs déclarations embellissaient la réalité, d’autres induisaient en erreur et étaient à la limite du parjure.

(1) M. Michaud et M. Leclerc

[224]   Pendant son témoignage et avant le dépôt des documents de formation décrits plus haut, M. Michaud a dit dans son témoignage qu’il n’était pas au courant de lignes directrices écrites quant à la façon dont le travail des agents devait être exécuté :

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord. Donc, . . y a-t-il un cartable ou quelque chose de semblable que vous remettez à vos agents indiquant ce qu’ils doivent faire ---

M. MICHAUD : Pour être bien franc avec vous, je ne sais pas s’il y a un cartable.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : --- Je dis un cartable, mais je dis des lignes directrices. . . ou quelque chose?

M. MICHAUD : Oui, je sais que des lignes directrices sont remises aux conseillers lorsqu’ils commencent à travailler pour la compagnie. . . .

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Par écrit ou de vive voix?

M. MICHAUD : Je ne sais pas.

JUGE ARCHAMBAULT : Vous ne le savez pas.

M. MICHAUD : Je ne sais pas.

JUGE ARCHAMBAULT : Vous n’êtes donc pas au courant de lignes directrices écrites qui -- est-ce que c’est la seule chose que vous leur dites de faire?

M. MICHAUD : Non. Il y a probablement quelque chose, mais je ne l’ai pas vu pour le confirmer.[225]

[Non souligné dans l’original.]

[225]   Comment M. Michaud ne pouvait-il pas se souvenir s’il y avait des lignes directrices et des documents de formation volumineux qui indiquaient aux agents ce qu’ils devaient faire, comment et à quel moment? Comment pouvait-il avoir oublié que les articles 7 et 19 du contrat d’agent faisaient référence aux horaires, aux codes et aux politiques? Un de ces documents était les Normes de conduite (qui comprenaient les Normes de l’industrie), et un autre, la Politique sur les communications, qui selon l’avocate à l’interne, étaient toujours jointes aux contrats des agents.[226] M. Michaud n’a jamais mentionné ces lignes directrices écrites. Il n’existe aucune possibilité de confusion découlant de l’utilisation des mots « lignes directrices » parce que les Normes de conduite utilisent cette expression dans leur introduction. Cela est plutôt surprenant de la part d’une personne qui a obtenu une opinion favorable de l’ARC quant au contrat d’agent et qui était, et est encore, vice-président principal, Administration et ventes.[227]

[226]   De plus, M. Michaud semblait se dérober et ne pas répondre à ma question lorsque je lui ai demandé s’il y avait « un cartable ou quelque chose de semblable que vous remettez à vos agents pour ce qu’ils doivent faire ». Il a répondu : « Pour être bien franc avec vous, je ne sais pas s’il y a un cartable ». Lorsque les gens disent « pour être bien franc avec vous », les sonneries d’alarme se font entendre! Compte tenu de l’existence de normes aussi détaillées émises tant par la compagnie que par l’industrie et de documents de formation aussi volumineux (au moins 228 pages) décrits plus haut, on se demande si M. Michaud n’induisait pas intentionnellement la Cour en erreur lorsqu’il a donné ces réponses. Heureusement que j’ai pu lire, avant de clore la preuve, le contrat d’agent, qui faisait référence aux Normes de conduite (qui comprenaient les Normes de l’industrie) et la Politique sur les communications, et que j’ai demandé ces documents.[228]

[227]   M. Michaud et M. Leclerc induisaient la Cour en erreur lorsqu’ils ont dit que le rôle du directeur des ventes consistait uniquement à encadrer et à motiver les agents de l’IA.[229] Le Guide d’encadrement utilisé par la compagnie pour former ses agents contredit leur témoignage. Comme nous l’avons vu plus haut, le Guide d’encadrement indique que son objectif est « vous permettra [vous le directeur de succursale] d’appuyer votre directeur des ventes dans son rôle d’encadreur, de superviseur de la formation et de directeur des ventes pour cette nouvelle recrue. » De toute évidence, la Compagnie croit que le rôle de ses directeurs des ventes ne se limite pas à l’encadrement. Le directeur des ventes joue également un rôle réel de directeur des ventes, qui comprend la gestion des ventes. Le Guide demande au directeur de succursale de confirmer, à diverses étapes du Programme de perfectionnement professionnel, si le superviseur de la formation a vérifié les dossiers clients pour la semaine en cours. Il se termine comme suit : « Votre SUPER VISION (supervision)  . . fait toute la différence! »[230] [Soulignement ajouté seulement.]

[228]   De plus, comme nous l’avons vu plus haut, les directeurs des ventes, de même que le personnel de la succursale, ne disent effectivement pas seulement aux agents ce qu’ils doivent faire, comment le faire et même parfois quand le faire, mais aussi ils supervisent le travail des agents tant dans les locaux de la compagnie que sur la route. D’après les éléments de preuve décrits plus haut, il est évident qu’ils surveillent le rendement des agents, qu’ils examinent leur travail et même qu’ils le corrigent. Mme Laporte ou M. Beaulé ont relevé l’erreur dans une demande présentée par M. Mazraani et ont pris les mesures pour la corriger avant que M. Beaulé le dise à M. Mazraani. De plus, je n’hésite nullement à conclure que M. Michaud n’était pas trop franc et qu’il induisait en erreur lorsqu’il a laissé entendre que le travail de M. Mazraani était contrôlé par son compte de banque.[231] Il omettait aussi le fait que la compagnie perd également quand un agent ne donne pas un bon rendement, comme nous l’avons vu plus tôt au sujet du Module 9.

[229]   M. Michaud a également minimisé l’importance du concours du président en le décrivant comme n’étant qu’un gala pour reconnaître le meilleur producteur.[232] Là encore, les documents internes de la compagnie le contredisent. Par exemple, il y a le courriel sur lequel figure la mention « Important à noter à votre agenda » qui s’adresse à tous les membres de la succursale LaSalle et dont l’objet est « Rencontre préparatoire »« Concours du président ».[233] Les sujets mentionnés sont « Idées de prospection Suggestions de structure de travail Objectifs de l’agence ».[234] [Non souligné dans l’original.]

[230]   M. Leclerc était présent dans la salle d’audience pendant les cinq journées de témoignage.[235] Personne n’avait demandé l’exclusion de témoins. Sauf pour M. Mazraani, il était le dernier témoin à comparaître. Il a essayé d’aborder quelques-uns des éléments de preuve les plus dommageables pour l’IA afin d’améliorer les choses. En guise d’explication relativement aux éléments de preuve déjà mentionnés plus haut,[236] M. Leclerc a dit que le Guide d’encadrement ne servait pas à évaluer M. Mazraani parce que, selon M. Leclerc, il n’était pas un stagiaire. Il avait été engagé comme une personne possédant quelques années d’expérience, notamment son expérience d’agent chez la London Life. Le témoignage de M. Leclerc vient embellir la réalité et n’est pas crédible parce que, premièrement, M. Mazraani a suivi la période de formation initiale de 10 semaines à l’intention des nouveaux agents, comme l’ont fait les autres stagiaires. De plus, il y a des courriels dans lesquels M. Mazraani est traité comme un stagiaire. À titre d’exemple, le courriel qui lui avait envoyé Nathalie Gagnon, avec un double à M. Leclerc et à M. Beaulé, l’informant d’inscrire à son agenda « deux séances de supervision de formation » prévues à deux dates différentes, en juin et juillet, avec M. Leclerc. [Non souligné dans l’original.] L’objet du courriel, daté du 28 mai 2012, est « Supervision de formation K. Mazraani ».[237] [Non souligné dans l’original.]

[231]       M. Leclerc a soutenu que ce courriel avait été envoyé par erreur à M. Mazraani parce qu’il ne le considérait pas comme un stagiaire. Cependant, encore une fois, son témoignage n’est pas crédible. D’abord, un double du courriel lui avait été envoyé. Il était donc au courant de la situation à ce moment-là et, si c’était une erreur, il aurait dû intervenir. Mais rien n’indique que M. Leclerc ait fait quoi que ce soit! Contre-interrogé par M. Mazraani, il a déclaré qu’il ne se rappelait pas l’avoir rencontré aux dates précisées dans le courriel.[238]

[232]   En outre, M. Leclerc a donné une description complètement différente du niveau de connaissances de M. Mazraani lorsque ce dernier lui a demandé d’expliquer pourquoi son adjointe avait corrigé une erreur qu’il avait faite en inscrivant des données dans l’intranet au sujet d’une demande de police d’assurance-vie et qu’il n’avait pas porté l’erreur directement à son attention, mais était allé plutôt voir son supérieur, son directeur des ventes.[239] Voici ce que M. Leclerc a déclaré :

JUGE ARCHAMBAULT : M. Mazraani dit que la documentation que nous voyons ne l’informe pas qu’il y avait une erreur. Elle a été relevée par Mme [Laporte]. Donc, pourquoi n’a-t-il pas -- pourquoi c’est pas lui qui était le destinataire de l’information?

. . .

M. LECLERC : Bien sûr. Parce qu’il est un nouveau, il n’a aucune idée de la façon de travailler -- de la façon de réparer, de la façon de corriger la situation[240]

. . .

M. MAZRAANI : La question est pourquoi est-ce que c’est M. Beaulé qui viendrait me voir et m’apporterait le document, pourquoi ne pas venir directement me voir?

JUGE ARCHAMBAULT : Avez-vous une réponse?

M. LECLERC : Il est un nouveau. Il commence à peine.

JUGE ARCHAMBAULT : C’est votre explication?

M. LECLERC : Bien sûr. Il ne peut pas faire la correction de lui-même. [241]

[233]   Quoi qu’il en soit, même si, contrairement à toutes les apparences, le Guide d’encadrement n’a pas servi à la formation et l’évaluation de M. Mazraani pendant sa formation initiale, il démontre que la compagnie avait un tel guide, qu’elle utilisait pour ses nouveaux agents, et qu’elle avait le pouvoir de les former, de les évaluer, de les superviser −par exemple, en « vérifiant leurs dossiers clients pour la semaine en cours− »[242] et de leur donner des instructions sur la façon d’effectuer leur travail. Il reconnaît aussi que le rôle des directeurs des ventes ne se limite pas à l’encadrement et que le directeur de succursale a un rôle de supervision. Ce document est plus crédible que le témoignage de M. Leclerc.

[234]   Dans son témoignage, M. Leclerc a également déclaré que les directeurs des ventes ne disent pas aux agents comment exécuter leur travail, qu’ils ne vérifient pas s’ils suivent les instructions figurant dans les différents modules et les différents documents décrits ci-dessus. Ils formulent uniquement des suggestions lorsqu’ils rencontrent leurs agents, et ils le font même lorsque les agents sont sur la route. En effet, il a reconnu, à ma surprise −et peut-être à la surprise de l’avocat de l’IA −que plus de 50 % du temps des directeurs des ventes est passé sur la route à accompagner les agents :[243]

M. LECLERC : Mes encadreurs passent plus de 50 % de leur temps sur le terrain avec les conseillers.

JUGE ARCHAMBAULT : M’hm.

M. LECLERC : Donc, ils les aident. Ils vérifient et disent « J’ai une suggestion. Si vous voulez, la prochaine fois, changez ceci peut-être, changez ceci, essayez ceci si vous voulez. »

M. TURGEON :[244] Mais cela s’appliquerait au stagiaire, au nouveau ---

M. LECLERC : Non, le nouveau. Seulement le nouveau.

M. MAZRAANI : Objection, monsieur le juge.

JUGE ARCHAMBAULT : Oui. Allez-y. Quelle est votre objection?

M. MAZRAANI : Laissez-le parler. Il a essayé de parler et il l’a interrompu en intervenant et interrompant. Laissez-le terminer sa ---

. . .

Me TURGEON : Mais ma question était de lui demander à qui ça s’appliquait.

. . .

M. LECLERC : Seulement les nouveaux conseillers.

[Non souligné dans l’original.]

[235]   Ici encore, je crois que M. Leclerc, avec l’aide de l’avocat de l’IA, induit la Cour en erreur lorsqu’il dit que les « encadreurs » ne font que des suggestions ou qu’ils accompagnent tout simplement ces agents qui sont des stagiaires. En ce qui concerne ces deux déclarations, M. Leclerc a par la suite modifié son témoignage. Il a admis que les directeurs des ventes accompagnaient les agents même après la période de formation initiale et que les directeurs des ventes donnaient une « direction » aux agents :[245]

M. LECLERC : Oui, pour -- c’est pour les aider à s’entraîner à devenir de bons conseillers.

Parce que nous avons une formation théorique le matin avec le matériel et ces choses ---

. . .

M. LECLERC : --- mais le reste de la journée, nous -- nous faisons de la formation pratique à l’intention des nouveaux conseillers.

JUGE ARCHAMBAULT : Et y a-t-il une limite quant au moment où le directeur des ventes va cesser d’être présent?

Si quelqu’un qui a deux années d’expérience aimerait que le directeur des ventes soit présent, peut-il demander ---

M. LECLERC : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Et il va y aller?

M. LECLERC : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Vous êtes donc là pour les aider à ---

M. LECLERC : Nous sommes là pour les appuyer, aussi pour leur donner une direction.

[Non souligné dans l’original.]

[236]   La dernière déclaration de M. Leclerc semble avoir été faite au moment d’une baisse momentanée de sa garde, mais cette réponse est plus plausible que sa déclaration antérieure! Il n’est pas logique qu’une compagnie n’ait pas le pouvoir de donner une direction et d’exercer un contrôle en ce qui concerne les personnes qui travaillent dans ses locaux dans des circonstances comme celles qui nous occupent, lorsqu’il y a un nombre aussi élevé (13 ou14) de nouveaux agents qui arrivent chaque année. Avoir des locaux occupés par des agents qui ne produisent pas ou qui produisent peu ne serait pas la façon la plus efficace d’exploiter son entreprise. Comme le reconnaît la compagnie dans le Module 9, lorsqu’un agent ne fait pas son travail correctement, cela « . . signifie  . une perte pour la compagnie. . . . La compagnie assume les frais administratifs, qui dépassent le revenu réalisé. »[246] La compagnie a mis fin à l’emploi de M. Mazraani parce qu’il était un agent qui produisait peu. De plus, il était dans l’intérêt de la compagnie de montrer à ses agents comment faire leur travail et de superviser ce travail pour atténuer le risque de voir sa réputation ternie et d’être exposée à des poursuites.[247] Je n’ai donc aucune hésitation à croire le témoignage de M. Mazraani, par opposition à celui de M. Leclerc, quand il dit qu’il travaillait sous la direction et le contrôle de la compagnie. L’ensemble de la preuve rend plus plausible qu’un directeur des ventes de la compagnie, à qui le contrat d’agent confère le pouvoir de suspendre ou de résilier ce contrait, serait perçu comme donnant une direction et pas seulement des suggestions.

[237]   Selon le rapport de l’agente des appels, M. Leclerc a informé l’agente des décisions que le « payeur vérifiait le travail afin de s’assurer que les règles dictées par la loi étaient respectées, mais il ne supervisait pas le travailleur et ne lui indiquait pas comment effectuer le travail. »[248] Plusieurs témoins de l’IA ont repris le même genre de déclaration dans leur témoignage devant la Cour. Dans les éléments de preuve décrits plus haut, il est démontré que la compagnie supervisait effectivement le travail de ses agents afin de rendre ses activités plus efficaces et pas nécessairement pour ce qui est des questions liées aux exigences de la Loi sur la distribution. En outre, ces exigences couvraient en grande partie des choses que la compagnie aurait faites de toute façon parce qu’elles représentaient de bonnes habitudes d’affaires. Donc, l’information fournie par M. Leclerc à l’agente des décisions induisait en erreur, pour être poli.

[238]   Pour montrer que l’Industrielle Alliance n’a pas exercé de direction et de contrôle en ce qui concerne le travail de ses agents, y compris M. Mazraani, M. Michaud et M. Leclerc ont déclaré que les réunions de bureau et les séances de formation n’étaient pas obligatoires et qu’aucun contrôle des présences n’était effectué. Ils ont soutenu que les seules exceptions étaient les séances de formation UFC.[249] Un témoin de l’IA a fait la même allégation dans l’affaire de la CRT : il fallait prendre les présences pour que cette information puisse être remise à la Chambre de la sécurité financière dans le cadre d’un processus de formation continue normal afin de s’assurer que les agents étaient correctement qualifiés pour traiter avec le public.

[239]   À première vue, à mon avis, cela semble plutôt surprenant étant donné qu’un employé qui commence dans un nouvel emploi se sent obligé d’assister aux séances de formation et qu’un employeur s’attend à ce que son personnel soit présent, et deux des documents de formation le disent.[250] Mais les deux courriels présentés par M. Mazraani concernant les réunions obligatoires[251] ainsi que la liste des personnes absentes,[252] qui n’avaient rien à voir avec des séances de formation UFC, démontrent non seulement que cette perception est bien fondée, mais aussi qu’elle soulève un doute considérable quant à la véracité du témoignage de plusieurs témoins de l’IA, mais surtout celui de M. Michaud et de M. Leclerc. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils manquaient de franchise et qu’ils induisaient en erreur quand ils ont dit que la formation et les réunions de bureau n’étaient pas obligatoires et que la présence était prise uniquement pour les séances de formation UFC.[253]

[240]   Dans son témoignage, M. Michaud avait un problème dans son utilisation des mots « contrôler » ou « superviser ». Parfois, il niait que la compagnie contrôle ou supervise le travail des agents :[254]

M. MAZRAANI : Ma question suivante, qui contrôle l’agent alors?

M. MICHAUD : Qui contrôle quoi? L’agent?

M. MAZRAANI : L’agent, pour ce qui est du rendement, pour ce qui est de la formation, pour ce qui est du logiciel de l’application, de la conformité, nommez-les.

M. MICHAUD : Pour ce qui est -- Je vais commencer par la conformité. Nous ne contrôlons pas la conformité. Nous surveillons

JUGE ARCHAMBAULT : Je vous demande pardon?

M. MICHAUD : Nous ne contrôlons pas la conformité. Nous surveillons les transactions faites par les conseillers.[255]

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord. Pour ce qui est des autres points qu’il a mentionnés?

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Il a mentionné le rendement, la formation ---

. . .

M. MICHAUD : Habituellement, pour ce qui est du rendement, le directeur des ventes travaillerait avec l’agent si ce dernier a de la difficulté, afin de l’aider parce qu’au bout du compte, la personne qui contrôle le rendement du conseiller est le conseiller lui-même parce qu’il fait -- nous les payons à la commission. Donc, s’il ne travaille pas, s’il ne vend pas, il ne reçoit rien. Donc, le compte de banque contrôle le conseiller.

[Non souligné dans l’original.]

[241]   Parfois, il utiliserait un terme semblable, puis le retirerait, comme s’il n’était pas approprié de reconnaître son applicabilité, comme l’illustre le passage suivant dans lequel M. Michaud répond à des questions sur le droit des agents de faire affaire avec d’autres compagnies d’assurance :

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, dans -- donc, diriez-vous qu’il est très rare ou occasionnel ou -- qu’ils représentent une autre compagnie, autre que par l’entremise de Solicour, évidemment?

M. MICHAUD : Oui, ce serait rare parce qu’au bout du compte, nous aussi -- nous avons à super -- non pas superviser mais nous -- si une erreur survient

JUGE ARCHAMBAULT : Hum, vous êtes responsable.

M. MICHAUD : --- nous pourrions être tenus responsables parce qu’il est rattaché à l’Industrielle Alliance.

JUGE ARCHAMBAULT : M’hm.

M. MICHAUD : Disons que -- et nous savons qu’il y a des conseillers qui font affaire avec un cabinet de courtage -- mais en même temps, s’ils font une erreur, nous savons où ils iraient. Ils iraient dans le portefeuille bien garni. Donc, nous avons -- nous voulons nous assurer que les conseillers font affaire avec d’autres compagnies par l’entremise de notre groupe de compagnies.[256]

[Non souligné dans l’original.]

[242]   Parfois, comme nous venons de le voir, il ne dirait pas que la compagnie supervisait, mais qu’elle s’assurait que quelque chose avait été fait. À d’autres occasions, il admettrait que la compagnie supervisait, mais seulement pendant la formation. À d’autres occasions encore, il atténuerait l’incidence de la supervision en déclarant qu’elle était faite afin de respecter la loi, par exemple, la Loi sur la distribution, comme l’illustre le passage suivant :

M. MICHAUD : Oui, et nous assurer que nous avons toute la documentation en dossier pour nous assurer que le conseiller a fait ce qu’il y avait à faire pour les clients ou rempli ce qu’il avait à remplir. C’est comme si nous ne supervisons pas le travail du conseiller, mais nous devons nous assurer que nous obtenons tous les renseignements nécessaires pour émettre une police si nous -- eh bien, plus la demande concernant la police.[257]

. . .

M. MICHAUD : Oui, mais en même temps, nous supervisons[258] la transaction. Nous devons nous assurer que c’est là.

JUGE ARCHAMBAULT : Vous devez vous assurer qu’il suit le processus, et cela fait partie du processus. Est-il juste

M. MICHAUD : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : --- comment?

M. MICHAUD : Et c’est la loi.

. . .

M. TURGEON : Parce que nous devons comprendre et nous allons le démontrer avec le bon contexte juridique et la réglementation que la firme a le; [sic] obligation de s’assurer que c’est respecté. C’est une question de conformité.[259]

[Non souligné dans l’original.]

[243]   Nous pouvons voir une autre illustre des problèmes d’ordre sémantique de M. Michaud, en l’occurrence avec les mots « approuver » et « autoriser » dans les contextes d’agents qui se constituent en société ou qui engagent un adjoint :

JUGE ARCHAMBAULT : Ont-ils besoin de l’autorisation?

M. MICHAUD : Non. Nous leur donnons des lignes directrices, mais ils n’ont pas besoin de l’autorisation.[260]

JUGE ARCHAMBAULT : . . à moins que je fasse erreur, je pensais que dans le jugement que j’ai lu, ils demandent que vous approuviez cet adjoint. Est-ce que je me trompe?

M. MICHAUD : Ils n’ont pas besoin d’approuver, mais nous voulons tout simplement nous assurer qu’ils n’engagent pas, disons, quelqu’un qui ne conviendrait pas, mais la décision --.[261]

[Non souligné dans l’original.]

[244]   Plus tard, j’ai demandé ce que ferait la compagnie si la personne ne convenait pas :[262]

M. MICHAUD : Oh, je dirais au conseiller qu’il devrait peut-être trouver quelqu’un d’autre.

JUGE ARCHAMBAULT : Peut-être, ou vous insisteriez?

M. MICHAUD : Je dirais -- Je dirais que cela ne s’est jamais produit. Donc ---

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Si quelqu’un avait des liens avec la mafia?

M. MICHAUD : Oui, je -- Je recommanderais très fortement qu’il cherche quelqu’un d’autre.

[Non souligné dans l’original.]

[245]   Je ne crois pas que cette déclaration soit une description franche de la réalité factuelle dans la compagnie. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si l’Industrielle Alliance n’était pas satisfaite du comportement d’un agent donné, ou si cet agent embauchait un adjoint qui pourrait donner une mauvaise réputation à la firme, ou si l’adjoint de l’agent se comportait mal dans les locaux de l’IA, l’Industrielle Alliance ne se contenterait pas de « recommander fortement », mais elle dirait à l’agent de modifier le comportement de l’adjoint ou de s’en défaire, en particulier si l’adjoint avait une mauvaise réputation. Après tout, c’est la réputation même de la compagnie qui est en jeu et il y va de l’intérêt de la compagnie d’avoir le pouvoir d’exercer un contrôle et une supervision sur le travail de ses agents et de leurs adjoints. De plus, l’article 14 du contrat d’agent donne précisément à la compagnie le pouvoir de suspendre le contrat pour des motifs raisonnables, qu’ils soient ou non reliés aux fonctions de l’agent et, conformément à l’article 15, la compagnie peut résilier le contrat avec ou sans cause.

[246]   On peut faire le même commentaire au sujet de la réponse donnée par M. Michaud, contre-interrogé par M. Mazraani. M. Michaud avait déclaré que tous ses agents étaient heureux de devenir des entrepreneurs indépendants en 1993. Lorsque M. Mazraani lui a demandé si ce changement aurait été attrayant pour ceux qui offraient un rendement moyen, M. Michaud a répondu que tous ses agents étaient heureux. J’ai demandé combien il y avait de conseillers et on m’a répondu 800. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait posé la question à chacun de ces 800 conseillers, il a répondu que personne n’avait remis sa démission et, par conséquent, il a supposé qu’ils étaient heureux de la situation.[263]

[247]   Un autre exemple de déclaration inexacte des faits par M. Michaud est sa réponse selon laquelle la filiale de l’IA, Solicour (qui agit comme une sorte de courtier entre les agents de l’IA et les concurrents de l’IA dans le domaine de l’assurance qui peuvent offrir des produits financiers non offerts par l’IA), n’est pas rémunérée pour ses services, réponse qu’il a modifiée après d’autres questions :[264]

JUGE ARCHAMBAULT : Mais je suppose que votre compagnie obtient une commission de cette collaboration. Donc

M. MICHAUD : Non, non. Nous payons au conseiller la commission que nous recevons. Il est payé exactement de la même façon qu’il serait payé

JUGE ARCHAMBAULT : Donc vous ne faites pas -- Solicour ne réalise aucun profit là-dedans?

M. MICHAUD : Eh bien, je dirais que nous gardons -- il y a une petite marge que nous gardons, oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Oui. Il y a donc une petite marge?

M. MICHAUD : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Oui. C’est ce que je supposais.

M. MICHAUD : Oui, nous ne

--- (RIRES)

M. MICHAUD : Nous essayons de faire un profit en quelque part.

JUGE ARCHAMBAULT : Habituellement rien

M. TURGEON : Pas surprenant, monsieur le juge.

JUGE ARCHAMBAULT : Habituellement rien n’est gratuit.

M. MICHAUD : Non, non, non, non.

JUGE ARCHAMBAULT : C’est le monde des affaires.

M. MICHAUD : On n’a rien pour rien.

[Non souligné dans l’original.]

[248]   Il y a d’autres exemples où M. Michaud n’est pas coopératif dans ses réponses :[265]

M. MAZRAANI : D’accord. Pourriez-vous s’il vous plaît expliquer qui paie les services téléphoniques locaux, les cartes professionnelles, tous les documents utilisés par les agents?

M. MICHAUD : Eh bien, le téléphone, le téléphone local est disponible à l’agence. Quelle était l’autre?

JUGE ARCHAMBAULT : La question est qui paie.

M. MICHAUD : La compagnie.

JUGE ARCHAMBAULT : La compagnie. Donc, ce n’est pas disponible.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord, d’accord. Donc, la carte professionnelle, d’accord, est réglementée. Elle est approuvée par la compagnie et payée par la compagnie; n’est-ce pas?

M. MICHAUD : Eh bien, les premières -- les premières. Je ne sais pas si nous payons pour d’autres par la suite, mais les premières, lorsqu’un nouvel agent arrive, nous lui fournissons 100, 200, je ne sais pas.

JUGE ARCHAMBAULT : Gratuitement, ou moyennant un coût?

M. MICHAUD : Ah, oui, pratiquement rien.

JUGE ARCHAMBAULT : Gratuitement?

M. MICHAUD : Gratuitement.

JUGE ARCHAMBAULT : Gratuitement. Donc, à vos frais.

M. MICHAUD : Oui, oui.

M. MAZRAANI : Pas 500?

M. MICHAUD : Je ne sais pas. Peut-être 500.

M. MAZRAANI : D’accord. Ou 250 ou 500.

M. MICHAUD : Je ne sais pas. Ensuite, la seule autre chose pour laquelle nous payons, ce sont tous les formulaires que nous fournissons.

[Non souligné dans l’original.]

[249]   Donc, lorsque nous fouillons un peu plus, nous obtenons un portrait différent de celui présenté par ces dirigeants de l’IA. Les directeurs des ventes ne sont pas uniquement des encadreurs qui se contentent de faire des suggestions, ils sont là pour superviser, aider et donner des directives. Les témoins de la compagnie, en particulier les dirigeants, n’ont pas mentionné dans leur témoignage les attentes de la compagnie et, pourtant, comme nous l’avons vu dans la documentation de la compagnie, il y a des attentes, comme on peut s’y attendre de n’importe quelle organisation à but lucratif qui utilise les services de vendeurs. Tout le monde sait qu’une pression est exercée sur ces personnes pour qu’elles produisent, qu’elles atteignent des objectifs. Si un agent ne produit pas, il ne restera pas dans l’organisation. M. Mazraani l’a dit; dans ses mots, ils vous poussent tout le temps. La compagnie paie beaucoup de frais généraux : loyer, équipement, intranet, directeurs des ventes, etc. Je pense que la portion du témoignage de M. Leclerc dans laquelle il dit que la compagnie donne une direction et que sa référence, dans un courriel adressé à M. Mazraani, au « contrat de travail » de M. Mazraani,[266] est plus plausible et crédible que les parties de son témoignage dans lesquelles il dit que la compagnie ne fait que des suggestions et ne donne pas d’instructions ou n’exerce pas de contrôle pour ce qui est du travail des agents. En effet, cela est plus conforme au vaste pouvoir discrétionnaire que la compagnie a de suspendre ou de résilier de contrat de travail dans de nombreuses circonstances décrites dans ce contrat.

(2) M. Charbonneau

[250]   M. Michaud et M. Leclerc n’ont pas été les seuls témoins à avoir des problèmes d’ordre sémantique. Lorsqu’on a demandé à M. Charbonneau de décrire le rôle du directeur des ventes, il a dit qu’il était là pour guider, aider, fournir des lignes directrices; ensuite, il s’est rendu compte qu’il n’était pas supposé utiliser des mots comme des lignes directrices et a dit « pas des lignes directrices » :

M. TURGEON : Si je -- pouvez-vous expliquer rapidement quel est le rôle du directeur des ventes?

M. CHARBONNEAU : Eh bien, je crois que son rôle est de guider, de donner des renseignements comme de la formation à l’agent pour nous aider, vous savez, si nous avons besoin de trouver des renseignements ou nous fournir une ligne directrice, je suppose, pas une ligne directrice, mais je dirais que si j’ai besoin d’un renseignement concernant un certain aspect de quelque chose, il m’aiderait.

[Page 131 de la transcription du 1er juin; non souligné dans l’original.]

[251]   Il y avait aussi des contradictions dans son témoignage, comme lorsqu’on lui a demandé s’il avait besoin d’une permission pour ouvrir un compte et si une approbation était nécessaire pour les ventes :[267]

M. TURGEON : Lorsque -- avez-vous besoin d’une permission de l’Industrielle Alliance pour ouvrir un nouveau compte?

M. CHARBONNEAU : Pour ouvrir un nouveau compte, comme un nouveau client?

M. TURGEON : Oui.

M. CHARBONNEAU : Non, jamais.

M. TURGEON : Ou pour vendre un produit?

M. CHARBONNEAU : Non.

M. TURGEON : Votre vente doit être approuvée?

M. CHARBONNEAU : Non, lorsque tout est fait correctement, il n’y a pas -- il n’y a aucune raison de le faire.

M. TURGEON : D’accord.

JUGE ARCHAMBAULT : Ce n’est pas la décision du souscripteur de prendre le risque ou non?

M. CHARBONNEAU : Eh bien, comme moi, je vois un client

JUGE ARCHAMBAULT : M’hm.

M. CHARBONNEAU : --- et si je veux travailler avec le client, vous savez, comme partenaire mutuel, j’envoie le -- tout au siège social évidemment, ils décident à la fin, vous savez, s’ils vont assurer ou non la personne.

[Non souligné dans l’original.]

(3) Avocate à l’interne

[252]   Un autre témoignage troublant a été celui de l’avocate à l’interne. Lorsqu’elle a déposé les annexes manquantes au contrat d’agent, elle a indiqué que les Normes de conduite étaient essentiellement une répétition de ce que l’on retrouve dans le Code de déontologie réglementaire et que les différences étaient sur le plan du style. Voici ce qu’elle a dit :

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, si la législation s’applique -- la législation s’appliquait à n’importe quel représentant, pourquoi le joindre au contrat?

MME BEAUDET : C’est un rappel.

. . .

MME BEAUDET : Donc, il résume l’obligation du représentant en vertu du code. Et c’est seulement un rappel.

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord. Et est-ce que l’on retrouve chaque article dans le code de déontologie ou sont-ils différents?

MME BEAUDET : La numérotation n’est pas la même, mais le contenu est le même.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Vous savez, si je comparais chacun d’entre eux?

MME BEAUDET : Ils sont tous

JUGE ARCHAMBAULT : Chacun serait tout à fait identique?

MME BEAUDET : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Sauf l’ordre?

MME BEAUDET : Oui. Et peut-être que le libellé est un petit peu plus pratique.

JUGE ARCHAMBAULT : Oh, je vois. Vous avez peut-être modifié le libellé?

MME BEAUDET : Oui.

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, ce n’est pas une réplique exacte du code.

MME BEAUDET : Presque.

. . .

MME BEAUDET : Si vous prenez, par exemple,

JUGE ARCHAMBAULT : Oui?

MME BEAUDET : --- Article 2 :

« Toute publicité ou offre d’un produit ou service faite par la compagnie ou un membre de la force de vente doit être claire et véridique »

Vous trouverez donc ce principe dans le code.[268]

JUGE ARCHAMBAULT : Oui. Et quel aurait été le changement? Simplement la façon qu’il

MME BEAUDET : Oui, nous avons mis le nom de la compagnie.

JUGE ARCHAMBAULT : Je vois.

MME BEAUDET : Et peut-être que nous avons mis un point après le -- tout simplement pour le rendre plus

JUGE ARCHAMBAULT : Une toute petite

MME BEAUDET : Style, oui.

JUGE ARCHAMBAULT : --- différence de style.

MME BEAUDET : Différence.[269]

[Non souligné dans l’original.]

[253]   Cependant, cette déclaration n’est pas exacte, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’une personne qui témoigne sous serment et, plus particulièrement, d’une personne qui est membre de la profession juridique. Selon l’analyse ci-dessus, notamment aux rubriques « Autres instructions » à la section IV E.(1) et « Exigences réglementaires » à la section V D.(2), il est évident que les Normes de conduite, qui comprennent à l’endos une liste beaucoup plus longue de Normes de l’industrie, ne sont pas tout simplement une répétition partielle[270] des règlements pris en vertu de la Loi sur la distribution ou d’une autre mesure législative semblable. Elles établissent de nombreuses normes et lignes directrices que l’on ne retrouve pas dans le Code de déontologie réglementaire et qui sont principalement, voire uniquement, à l’avantage de la compagnie, ou qui correspondent aux Normes de l’industrie. En effet, c’est en conformité de l’article 7 du contrat d’agent, qui stipule expressément « ces politiques [les Normes de conduite et la Politique sur les communications] visent à normaliser les procédures administratives, réduire le temps consacré à traiter une demande . » Les Normes de conduite décrivent elles-mêmes leur objectif principal comme comprenant l’établissement de « lignes directrices pour toutes les opérations de la compagnie ».

[254]   Par exemple, je ne crois pas que la disposition suivante à l’article 3 des Normes de conduite (page 1 :) « [e]n outre, tous les documents publiés par la compagnie ne peuvent pas être modifiés par un membre de la force de vente », puisse se trouver dans le Code réglementaire de déontologie. Cette disposition va même plus loin que les Normes de l’industrie, qui exigent seulement que les avis, énoncés et illustrations d’assurance-vie pour le client qui sont joints aux contrats ne soient pas modifiés par le personnel de vente.[271] Dans la même veine, je ne pouvais pas trouver dans le Code de déontologie réglementaire la norme énoncée à l’article 6 des Normes de conduite, à la page 1, soit : « L’intermédiaire doit encourager le client à maintenir ses contrats actuels en vigueur. » Par contre, l’article 6 est très semblable à ce que l’on trouve dans les Normes de l’industrie pour ce qui est des remplacements.[272]

[255]   L’énoncé à l’article 10 des Normes de conduite, à la page 1, selon lequel : « [t]ous les montants versés par un client à un intermédiaire doivent être immédiatement acheminés à la compagnie » semble plus précis que ce que dispose le Code de déontologie réglementaire.[273] [Non souligné dans l’original.] Le même commentaire s’applique à l’article 9, qui traite de la transmission des demandes d’assurance pour des modifications et l’article 12 qui traite de la livraison d’un contrat d’assurance ou d’un autre document émis par la compagnie, qui doit être « livré au client dans les 21 jours de son émission. » Cette exigence en matière de livraison correspond à ce qui est énoncé dans les Normes de l’industrie pour ce qui est de la livraison des contrats.[274]

[256]   Dans l’article des Normes de conduite qui traite de l’application de contrôles et de sanctions, nous trouvons les énoncés suivants qui ne figurent pas dans le Code réglementaire de déontologie :

Lorsque plus d’une sanction est indiquée, elles s’appliqueront graduellement advenant des infractions ultérieures. Le contrat de l’agent sera résilié si l’intermédiaire omet de se conformer aux normes après trois (3) avis écrits au cours d’une période continue de 24 mois.

[Non souligné dans l’original.]

[257]   Parmi les nombreuses normes de l’industrie qu’un agent doit respecter, il y a l’exigence de ne pas encourager un client à recourir aux médias pour résoudre un problème, et une interdiction contre un agent de recourir aux médias pour résoudre un conflit. Le contrôle à cet égard doit être exercé par le truchement d’une plainte signalée par un agent de conformité, et la seule sanction mentionnée pour un tel comportement est la résiliation du contrat de l’agent. La source relativement à cette norme n’est nettement ni législative ni réglementaire, contrairement au témoignage de l’avocate à l’interne de l’IA. Il s’agit d’une norme de l’industrie élaborée pour protéger les intérêts des compagnies d’assurance. Il n’est pas dans leur intérêt que les plaintes d’un client donné soient publicisées dans les médias.

[258]   Même lorsque les Normes de conduite, à la page 1, essaient de reprendre une règle que l’on trouve dans le Code de déontologie réglementaire, il y a au moins un exemple dans lequel un mot utilisé dans les normes de conduite diminue la clarté de ce que l’on trouve dans le Code de déontologie réglementaire : le mot « inconvénients » dans le Code étant remplacé par le mot « conséquences » dans la règle des Normes de conduite traitant de l’obligation des agents d’informer correctement leurs clients des produits financiers, comme on l’a vu plus haut.

[259]   Des commentaires semblables faits par l’avocate à l’interne de l’IA concernant la Politique sur les communications induisent également en erreur.[275] Voici ce qu’elle a déclaré aux p. 15 et 16 de la transcription du 2 juin :

MME BEAUDET : Concernant les communications électroniques. La raison d’être de cette politique est de s’assurer que la marque de commerce de l’I.A. est respectée et aussi de protéger les renseignements personnels de nos clients.

JUGE ARCHAMBAULT : Donc, c’est pour la marque de commerce et quoi d’autre?

MME BEAUDET : Et pour s’assurer que les renseignements personnels de nos clients sont protégés. Comme vous le savez, nous sommes aussi liés par la loi sur les renseignements -- la protection des renseignements personnels.

M. TURGEON : La Loi sur la protection des renseignements personnels du Québec.

MME BEAUDET : Loi sur la protection des renseignements personnels du Québec.

. . .

MME BEAUDET : Donc, il y a -- il y a des règles en vertu de cette loi et d’autres règles en vertu de plusieurs mesures législatives que nous vous avons déjà fournies qui ont été prises et intégrées à cette politique pour s’assurer que notre agent -- chaque agent est

. . .

MME BEAUDET : --- suit la norme de pratique dans ce domaine.

[Non souligné dans l’original.]

[260]   Pendant son témoignage, je lui ai demandé de me présenter les commentaires sur le paragraphe 2 de la Politique sur les communications.[276] À la suite de mes questions, elle a dû modifier son témoignage :

JUGE ARCHAMBAULT : Vous savez, j’ai l’article 2 sous les yeux :

« De façon à assurer un service optimal à tous les agents et aux fins de la facturation, la compagnie recueille régulièrement des statistiques sur la fréquence et la durée des accès… »

« […] la compagnie se réserve le droit de surveiller l’utilisation et le contenu de ces communications de façon plus étroite. »

S’agit-il de quelque chose qui serait davantage dans l’intérêt de votre compagnie?

MME BEAUDET : Intérêt de nos clients, bien sûr.

JUGE ARCHAMBAULT : La « fréquence et la durée » des accès? En quoi est-ce avantageux pour vous clients?

MME BEAUDET : Dans le nombre et la taille des courriels envoyés et reçus.

« En cas de doute raisonnable, la compagnie se réserve le droit de surveiller l’utilisation et le contenu de ces communications de façon plus étroite. »

En réalité, c’est dans l’intérêt de l’Industrielle Alliance et l’intérêt des clients.

JUGE ARCHAMBAULT : Diriez-vous qu’il est également dans l’intérêt de l’entreprise de surveiller la durée de l’accès à Internet?

MME BEAUDET : En fait, il faudrait que nous posions la question à

. . .

MME BEAUDET : La personne qui a rédigé la politique

. . .

(COURTE PAUSE/SHORT PAUSE)

MME BEAUDET : Oui, mais je le relis et la première -- à la première phrase, on lit : « De façon à assurer un service optimal à tous les agents et aux fins de la facturation, » je pense que vous avez votre réponse.

[Non souligné dans l’original.]

[261]   Une autre règle émise par la compagnie dans la Politique des communications qui, d’après moi, ne sert pas à protéger les renseignements personnels des clients de l’IA, est la règle selon laquelle un agent ne peut pas fournir de renseignements personnels concernant les salaires ou le personnel de direction à des tiers sans l’autorisation requise.

[262]   Un autre exemple de renseignements trompeurs venant de l’avocate à l’interne est ses déclarations concernant la liste de vérification de la conformité. Comme on l’a mentionné plus haut, elle n’a pas été en mesure d’aider la Cour à comprendre le lien entre un règlement pris en vertu de la Loi sur la distribution et cette liste de vérification; mais elle a ajouté ce qui suit (transcription du 15 juin, page 7) :

MME BEAUDET : Au moins, je peux vous dire que tout ce qui est demandé a un renvoi dans la mesure législative.

JUGE ARCHAMBAULT : Oui, sauf, par exemple, 32 où elle dit « Règle interne de la compagnie ».

Et lorsqu’elle dit ACAP, il n’y a aucune référence à quelque mesure législative que ce soit; je suppose donc que ce sont les -- ce que nous appellerions de façon générale les Normes de l’industrie?

MME BEAUDET : Oui.

. . .

MME BEAUDET : Et il y a une référence à un formulaire, F13

JUGE ARCHAMBAULT : Connaissez-vous ce formulaire?

MME BEAUDET : Non.

[Non souligné dans l’original.]

[263]   Un autre exemple de description inexacte de faits se trouve dans une discussion qui a eu lieu après une objection de M. Mazraani, qui a dit qu’il n’avait pas vu auparavant les Normes de conduite et la Politique sur les communications. L’avocate à l’interne a déclaré que les Normes de conduite ont été prises du contrat d’agent de M. Mazraani. Par contre, elle a modifié sa version après que j’eus répété ma question. Voici l’échange qui a eu lieu (transcription du 2 juin, page 5) :

JUGE ARCHAMBAULT : . . . −avez-vous vérifié votre dossier? Savez-vous si ce -- ce document particulier était dans le dossier de M. Mazraani en tant que pièce jointe à la copie du contrat de la firme?

MME BEAUDET : Oui, chaque -- ces documents sont joints à chaque contrat.

JUGE ARCHAMBAULT : Oui, d’accord. Puisque c’est ce que vous croyez comprendre, je vous demande précisément si vous avez vérifié ce dossier en particulier?

MME BEAUDET : Je n’ai pas vérifié le dossier.

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord. Vous avez supposé qu’il s’agit du dossier de pratique

MME BEAUDET : Oui.

[Non souligné dans l’original.]

[264]   L’avocate à l’interne n’agissait pas comme avocate présentant l’intervention de l’IA dans le présent appel. Elle témoignait sous serment concernant les faits de l’affaire. Son témoignage était étonnement inexact et trompeur à l’égard d’éléments clés de sa preuve.

(4) Évaluation globale des témoins de l’IA

[265]   Après avoir entendu les éléments de preuve donnés par le vice-président et le directeur de succursale, en plus du témoignage de M. Charbonneau, un des deux agents de l’IA qui ont témoigné, j’ai nettement l’impression que ces personnes dans leur témoignage étaient animées par la même culture de vente que la compagnie inculque à ses agents. Par exemple, dans leur formation, on a enseigné aux agents à utiliser les mots « autoriser » ou « donner votre approbation » plutôt que « signer », le mot « investissement » plutôt que « coût ». Cependant, la réalité est que les clients éventuels se faisaient demander de signer une demande de police d’assurance-vie et de payer pour ces produits financiers. Ces trois témoins utilisaient les mots recommander, suggérer, vérifier, encadrer, au lieu de donner des instructions, diriger, superviser, superviseur et patron de sorte que la Cour n’aurait pas la bonne perception de ce qui se passait à la succursale LaSalle de la compagnie. Je crois qu’ils ont beaucoup joué sur les mots pendant leur témoignage. Ils ont utilisé de nombreuses circonlocutions et périphrases pour éviter des mots comme supervision, contrôle et instructions. Lorsque les choses devenaient trop problématiques, ils se repliaient sur les réponses évasives « Je ne me souviens pas » ou « Je ne sais pas ».

[266]   Il est évident d’après le témoignage des divers témoins de l’IA qu’ils savaient qu’ils n’étaient pas censés dire que les agents étaient supervisés, que les réunions étaient obligatoires et que les agents n’étaient pas libres de faire ce qu’ils voulaient. La réalité est que les agents ont des bureaux dans les locaux de la compagnie. Ils sont supervisés par leur employeur. Au lieu de reconnaître qu’ils le sont, ces témoins ont dit que le rôle du directeur des ventes est d’encadrer (aider, guider, appuyer et assister). À mon avis, c’est le rôle de n’importe quel supérieur de n’importe quel employé. Et il est dans l’intérêt de la compagnie que ses employés connaissent du succès dans leur travail.

[267]   On peut déduire du témoignage des dirigeants de l’IA et de M. Charbonneau qu’ils embellissaient à tout le moins les faits afin d’obtenir une décision favorable de la Cour. Je pense qu’il s’agit d’un excellent rappel pour les tribunaux qu’il est dangereux d’accepter, sans corroboration documentaire, le témoignage verbal comme expression de la vérité.

(5) Absence de M. Beaulé

[268]   Le premier témoin appelé à témoigner pour décrire la relation entre la compagnie et les agents était le vice-président principal, Administration et ventes, M. Michaud, qui a son bureau à Québec. Il a déclaré que la compagnie ne supervisait pas le travail de M. Mazraani, qui travaillait à la succursale LaSalle (à Montréal). La meilleure personne pour décrire son rôle par rapport à M. Mazraani aurait été son supérieur immédiat, M. Beaulé, qui était son directeur des ventes. Pourtant, ni M. Beaulé ni un autre directeur des ventes n’a témoigné. M. Michaud n’était pas présent lorsque ce directeur des ventes rencontrait et supervisait les agents de son équipe. Même le directeur de succursale ne pouvait pas décrire correctement en détail le travail de ses directeurs des ventes parce qu’il se fiait à leur professionnalisme dans l’exécution de leurs fonctions. M. Leclerc l’a reconnu dans son témoignage, lorsqu’il était contre-interrogé par M. Mazraani au sujet de la formation individuelle donnée par M. Beaulé à M. Mazraani (transcription du 15 juin, pages 213 et 214) :

M. LECLERC : Je ne le sais pas.

. . .

M. LECLERC : Si M. Beaulé décide de donner plus d’information

. . .

M. LECLERC : M. Beaulé peut prendre l’initiative d’aider le conseiller plus que les autres. C’est son choix.

[Non souligné dans l’original.]

[269]   M. Beaulé n’a jamais témoigné. Même si l’avocat de l’IA a informé la Cour que M. Beaulé n’était plus à l’emploi de la compagnie, l’IA aurait quand même pu lui demander de témoigner. Je tire une conclusion négative de son absence, étant donné que la jurisprudence et la doctrine reconnaissent que cela peut se faire. Dans Enns c. M.R.N., 87 DTC 208, à la p. 210, mon ancien collègue le juge Sarchuk a déclaré :

Dans l’ouvrage Law of Evidence in Civil Cases, de Sopinka et Lederman, les auteurs commentent l’effet de ne pas convoquer un témoin et, je cite :

Dans Blatch c. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, à la p. 65, Lord Mansfield a déclaré :

« En principe, tous les éléments de preuve doivent être évalués en fonction de la preuve qu’une partie est en mesure de produire, et que l’autre partie est en mesure de contredire. »

L’application de cette maxime a donné lieu à l’établissement d’une règle bien connue, à savoir que la dissimulation d’éléments de preuve par une partie ou un témoin en mesure de les fournir et qui auraient permis d’élucider les faits amène la cour à conclure que l’élément de preuve dissimulé par la partie ou par le témoin aurait été défavorable à la partie responsable de la dissimulation

Dans le cas d’un demandeur auquel il incombe d’établir un point, l’effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve. (Levesque et al. c. Comeau et al. [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3d) 425.) [Non souligné dans l’original.]

Ces commentaires s’appliquent en l’espèce :

F. L’incidence d’embaucher un adjoint

[270]   Comme il semble d’après les motifs de la CRT, le membre de la CRT a décidé qu’un agent donné ne pouvait pas avoir été un employé de l’IA parce qu’il ou elle ne pouvait pas engager un adjoint; le membre fondait sa décision sur la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Dicom Express (précitée).[277] Plusieurs observations s’imposent. Premièrement, M. Mazraani n’a pas engagé un adjoint, de sorte que cette question ne se pose pas dans son cas. Cependant, même s’il l’avait fait, je ne crois pas que cela aurait été un obstacle en l’espèce. Après une lecture rigoureuse des articles 2085 et 2099 C.c.Q., il est très clair que la question principale à laquelle il faut répondre pour déterminer si nous avons un contrat de travail est de savoir s’il existe un lien de subordination entre le payeur et le travailleur, c’est-à-dire si la compagnie avait le pouvoir de donner des instructions aux travailleurs, de les diriger et de les contrôler. Si un tel pouvoir existait, alors un tribunal doit conclure qu’il s’agit d’un contrat de travail.

[271]   La doctrine, qui joue un rôle important dans les ressorts de droit civil, reconnaît « que le statut d’employé peut coexister, dans la même personne et en lien avec la même activité économique ou professionnelle, avec un autre statut comme un actionnaire ou un administrateur de la compagnie, un entrepreneur indépendant ou même un employeur. » [Non souligné dans l’original.][278] M. Gagnon a ajouté au paragraphe 108 :

a)  L’exécution personnelle

108 – Principe et limites – Il s’infère de la nature même du contrat de travail, tel que déjà signalé, que le salarié exécute personnellement le travail convenu, « son travail » comme le mentionne d’ailleurs l’article 2088 C.c.Q. Cette obligation habituelle du salarié n’empêche toutefois pas les parties de prévoir qu’il puisse ou qu’il doive prendre certaines mesures pour assurer son remplacement en cas d’absence, ces mesures pouvant aller jusqu’à choisir lui-même son substitut. Elle n’exclut pas non plus, sous réserve des termes du contrat ou d’une directive contraire de l’employeur, la possibilité que le salarié se fasse aider, compte tenu de la tâche à accomplir, en embauchant lui-même des aides et en cumulant alors le statut d’employé, d’une part, et celui d’employeur, d’autre part.

[Non souligné dans l’original.]

[272]   En l’espèce, la preuve démontre que la compagnie avait le pouvoir de diriger et de contrôler ses agents qui engagent un adjoint. Elle a pris des mesures pour se protéger en demandant que l’adjoint signe une entente de confidentialité. On ne sait pas exactement à qui cet engagement en matière de confidentialité a été remis parce que l’entente n’a pas été déposée en preuve et que M. Michaud ne pouvait pas dire. Cependant, je suis convaincu que la compagnie a pris les mesures appropriées pour protéger ses intérêts. De plus, la compagnie aurait pris des mesures pour se défaire d’un adjoint qui avait une mauvaise réputation ou des liens avec des organisations criminelles. M. Michaud a dit qu’il « recommanderait fortement » à l’agent de se départir d’un tel adjoint. Compte tenu de tous les pouvoirs conférés dans le contrat d’agent en ce qui concerne la suspension du contrat, la réaffectation de clients (qui appartiennent à la compagnie et non à l’agent) à d’autres agents et la résiliation du contrat (avec toutes les conséquences que ces mesures pouvaient avoir sur le paiement des commissions et des bonis), une « telle recommandation » ne serait pas une simple suggestion ou l’expression d’un souhait, ce serait un ordre.

[273]   Donc, l’embauche d’un adjoint n’aurait pas le résultat de nier le pouvoir de la compagnie de donner des instructions pour ce qui est du travail de l’agent, ni de le diriger et de le contrôler! Il est inconcevable que la compagnie n’exerce pas ce pouvoir si l’adjoint d’un agent était en conflit avec le directeur de succursale, un directeur des ventes ou un autre agent pour une question comme l’accès au classeur du premier agent aux fins de conformité ou si des problèmes survenaient dans les relations de travail entre l’adjoint et les employés de la succursale LaSalle. On peut facilement envisager ce qui serait arrivé si un employé de la succursale LaSalle avait été victime de harcèlement sexuel par un tel adjoint dans les locaux de la compagnie.

[274]   L’Industrielle Alliance a aussi cité dans son argumentation devant la Cour l’arrêt Dicom Express, au paragraphe 29, où il est dit que l’on ne peut pas être à la fois le salarié de quelqu’un et l’employeur d’un autre dans l’exécution d’une même tâche. Premièrement, cela semble être un obiter dictum parce qu’il n’y avait aucun contrat entre le plaignant, M. Paiement, et Dicom, le défendeur, mais seulement un contrat entre la compagnie de M. Paiement et Dicom. Comment peut-il y avoir un contrat de travail sans un contrat? Le juge de la Cour supérieure a levé le voile corporatif mais, au paragraphe 30, la Cour d’appel du Québec a infirmé la décision de ce juge à cet égard. Deuxièmement, examinons la déclaration du juge de la Cour d’appel :

29  En effet, il y a, à mon avis, antinomie entre le statut de salarié et celui d’employeur. L’on ne peut pas être à la fois le salarié de quelqu’un et l’employeur d’un autre dans l’exécution d’une même tâche, car le type de contrôle que comporte la subordination juridique d’un employeur vis-à-vis son salarié ne peut se satisfaire d’un tel partage.

[Non souligné dans l’original.]

[275]   Concernant cette déclaration, le juge ne donne aucun appui jurisprudentiel ou législatif, et je n’en connais aucun. Il n’a pas non plus discuté du bien-fondé de l’opinion exprimée par des juristes comme M. Gagnon, mentionné plus haut, qui écrivent à propos de contrats de travail depuis longtemps. L’article 2101 C.c.Q. indique qu’un prestataire de services peut s’adjoindre un tiers. Dans les dispositions du Code civil qui traitent du contrat de travail, rien n’indique qu’un employé ne peut pas s’adjoindre un tiers. Le Code civil est silencieux à cet égard. L’article 2099 C.c.Q. prévoit comme condition à l’existence d’un contrat de service que, pour ce qui est de l’exécution du contrat, « il n’existe entre lui [l’entrepreneur ou le prestataire de services] et le client aucun lien de subordination quant à son exécution ». Donc, si la preuve, tant directe que circonstancielle, révèle qu’un payeur avait non seulement le pouvoir de donner des instructions, de diriger et de contrôler concernant le travail de son travailleur, mais qu’il exerçait effectivement ce pouvoir, je ne peux pas voir comment un tribunal pourrait conclure qu’il existait un contrat de service uniquement parce que cet employé a engagé un adjoint pour faire le travail administratif. Il ne peut s’agir que d’un contrat de travail.

[276]   Cependant, la déclaration du juge de la Cour d’appel n’est pas sans fondement, mais il faut la nuancer et l’évaluer en fonction des faits pertinents de l’affaire, car c’est dans ce contexte que la déclaration au paragraphe 29 a été faite. Les faits les plus importants sont ceux qui sont décrits dans les paragraphes précédents immédiats (27 et 28) :

27  En effet, 2633-5380 Québec inc. eut, pour sa part, cinq salariés différents, tous recrutés, engagés et payés par Claude Paiement à titre de président. . . . Plus encore, la société a recruté un chauffeur pour remplacer Claude Paiement après que son permis de conduire lui fut retiré pour un an. Durant cette période, l’intimé accompagnait son salarié, car il continuait de faire la cueillette et la livraison des colis.

28  Tous ces faits sont révélés par Claude Paiement à l’occasion d’un interrogatoire avant défense et sont, à mon sens, d’une importance capitale dans la définition du statut de Claude Paiement et de sa société.

[Non souligné dans l’original.]

[277]   Si un travailleur qui livre des lettres et des colis engage aussi 5 ou 10 employés pour effectuer les livraisons et utilise ses propres camions pour ces livraisons, ce sont des faits qui soulèvent considérablement de doute quant à l’existence d’un pouvoir chez un payeur (comme Dicom Express) de donner des instructions à ce travailleur, le diriger et le contrôler. Ce fait devrait être considéré comme une preuve circonstancielle de la même nature et pertinence que la situation dans laquelle un travailleur est engagé avec son bulldozeur et sa pelle mécanique, valant des dizaines de milliers de dollars, pour effectuer son travail. S’il existe peu d’éléments de preuve directe, voire aucun, de l’exercice du pouvoir de diriger, de donner des instructions et de contrôler, alors la probabilité de l’existence du pouvoir pourrait être nulle ou presque nulle. Autrement dit, la présence d’un certain nombre d’employés devrait constituer un fait pertinent à prendre en considération, mais on ne peut pas aller jusqu’à dire que dès qu’un employé engage un adjoint, l’employé ne peut pas être sous la direction et le contrôle de quelqu’un d’autre. Dans la présente affaire, les faits démontrent non seulement qu’un tel pouvoir peut exister, mais qu’il était effectivement exercé, même lorsqu’un agent engageait un adjoint. À mon avis, créer une présomption de fait irréfutable exigerait une modification au Code civil. Il serait beaucoup trop facile pour de nombreux dirigeants d’entreprise de se soustraire à l’obligation de verser des cotisations en vertu de la Loi en demandant que leurs secrétaires soient à leur emploi et non à celui de la compagnie! Surtout, rien dans le Code civil n’empêche expressément qu’un employé soit l’employeur d’un adjoint ou n’indique que quelqu’un qui serait par ailleurs un employé ne pourrait pas en être un parce qu’il a engagé un adjoint.

[278]   Une dernière observation s’impose afin de justifier une approche prudente et plus nuancée de la question. L’Assemblée nationale a promulgué la Loi sur les impôts qui, à l’instar de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, dispose qu’un employé peut déduire dans le calcul du revenu de son emploi le salaire de son adjoint et sa cotisation à l’égard de cet adjoint pour des programmes comme le programme fédéral de l’assurance-emploi et le Régime de rentes du Québec.[279] Il serait donc bizarre que l’assemblée législative reconnaisse une telle situation dans la Loi sur les impôts et l’interdise dans le Code civil, étant donné que les deux mesures législatives émanent de l’Assemblée nationale. Si deux interprétations sont disponibles et que l’une d’entre elles donne un résultat aussi bizarre, alors il faudrait favoriser l’interprétation qui harmonise les deux mesures législatives.

[279]   Il est aussi surprenant de lire dans les motifs de la CRT les conclusions de cette dernière selon laquelle les agents n’étaient pas tenus de s’acquitter personnellement de leurs tâches. Premièrement, une telle exigence se trouve dans le contrat d’agent au cas où la compagnie autorise son agent à se constituer en société. Non seulement le contrat d’agent précise que le travail doit être exécuté personnellement par son ancien agent, mais le contrat « d’agent constitué en société » l’exige également.[280] Pourquoi serait-ce différent si un agent n’agit pas par l’entremise d’une entité constituée en société? Donc, je crois qu’il existait une condition implicite dans le contrat d’agent que les services soient exécutés personnellement dans toutes les circonstances. Il faut se rappeler que les agents ont besoin d’une licence de l’AMF pour distribuer des produits d’assurance-vie et d’autres produits financiers. La compagnie ne permettrait pas que l’adjoint d’administration d’un agent agisse comme représentant en assurance-vie sans détenir la licence appropriée.

G. Précédents jurisprudentiels

[280]   La liste des affaires traitant des questions soulevées par le présent appel est longue. Plus particulièrement, les faits et litiges en l’espèce sont très semblables à ceux décrits dans la décision que j’ai rendue dans l’affaire Financière Banque Nationale (précitée) confirmant que le conseiller était un employé du cabinet de courtage. Contrairement aux faits en l’espèce, le conseiller dans cette affaire soutenait qu’il était un entrepreneur indépendant tandis que la compagnie soutenait l’opposé. Par contre, le secteur du courtage de valeurs, tout comme celui de l’assurance, est une industrie très réglementée. Le cabinet de courtage était assujetti au même genre de mesures législatives exigeant des mesures de conformité et imposant d’autres obligations de supervision. Comme en l’espèce, il y avait des lignes directrices à respecter. Les conseillers en courtage ont besoin d’un permis de l’AMF. Le conseiller dans l’affaire Financière Banque Nationale, comme certains agents en l’espèce, par exemple M. Charbonneau, avait un adjoint qui travaillait pour lui. Cet adjoint avait été engagé et était payé par le conseiller. Dans le même ordre d’idées, le conseiller pouvait partager ses commissions avec d’autres conseillers ou vendre son droit de représenter ses clients,[281] qui appartenaient à la firme, comme en l’espèce. Le conseiller passait beaucoup de temps loin du bureau fourni par son cabinet. Il jouissait d’une très grande discrétion pour fixer son horaire et ses vacances. Il était rémunéré strictement à la commission et il assumait de nombreuses dépenses, comme c’est le cas des agents en l’espèce.

[281]   Je suis aussi conscient que la présente affaire peut ressembler à celle de Combined Insurance Company of America c. M.R.N., 2007 CAF 60. Cependant, il faut se rappeler dès le départ que chaque affaire dépend de ses propres faits et, dans de nombreux cas, des faits importants ne sont jamais présentés en preuve, souvent parce que le travailleur ne peut pas se payer un bon avocat et ne sait pas ou ne comprend pas à quel point certains de ces faits sont importants. L’absence de faits importants peut faire en sorte qu’un tribunal se fait un portrait très différent de la réalité, comme en fait foi la présente affaire. Lorsque l’on compare les faits présentés par M. Leclerc à l’agente des décisions de l’ARC et les faits qui ont été présentés à la Cour pendant les six journées d’audience, la décision ne peut pas être la même. En l’espèce, M. Mazraani n’avait peut-être pas le bon profil pour être un bon vendeur d’assurance, mais il avait sûrement un don pour trouver les minuscules détails qui ont grandement aidé sa cause.

[282]   De plus, je souligne que certains observateurs ont vu une certaine ambivalence dans la décision de la Cour d’appel fédérale dans laquelle elle infirmait la décision de la présente Cour et estimait que la décision dans l’affaire Wiebe Door aurait dû être prise en considération.[282] Elle ne renvoyait pas à sa propre décision dans l’affaire 9041 (Tambeau), précitée, dans laquelle elle déclarait que le juge de la Cour de l’impôt était venu à la bonne décision, mais s’était appuyé sur la mauvaise source du droit.[283] Ce juge s’était fondé sur des décisions de common law comme Wiebe Door, alors qu’il aurait dû appliquer le Code civil.

[283]   Depuis lors, je crois, il a été clairement établi dans la jurisprudence qu’au Québec, le Code civil, qui définit clairement ce qui constitue un contrat de travail, est le droit à appliquer, et que l’approche adoptée dans Wiebe Door et Combined Insurance doit être suivie uniquement dans les provinces de common law, où il n’existe aucune définition d’un contrat de travail. Dans les dispositions du Code civil, il n’y a aucune exigence particulière pour ce qui est de la propriété d’outils ou de la possibilité de faire un profit ou de subir une perte. Le seul critère juridique énoncé par l’Assemblée nationale lorsqu’elle a adopté le Code civil, qui s’appliquait depuis janvier 1994, était de savoir s’il existait un lien de subordination entre les parties. Les tribunaux n’ont pas le droit, en appliquant un contrat du Québec, de déclarer qu’un lien de subordination n’est qu’un des nombreux facteurs à prendre en considération et que « [l]eur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire », comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz (précité, au paragraphe 48), une affaire provenant de l’extérieur du Québec.

[284]   En ce qui concerne les motifs de la CRT, j’aimerais souligner que l’analyse adoptée par la CRT se fonde dans une grande mesure sur la démarche de la common law. Par exemple, elle renvoyait à des indices tels que « les chances de profit et les risques de perte » et « la propriété des outils ». De plus, cette décision porte principalement sur le degré de contrôle dans l’exécution du travail; elle ne se demande pas si la compagnie avait le pouvoir d’exercer ce contrôle.

H. Idées fausses sur les impôts

[285]   Plusieurs témoins de l’IA ont déclaré ou laissé entendre qu’un vendeur employé payé à commission, notamment un agent d’assurance, ne pourrait pas déduire le coût du salaire d’un adjoint. M. Michaud a formulé cette opinion pour expliquer pourquoi les agents sont devenus des entrepreneurs indépendants. Il se trompe. Conformément au sous-alinéa 8(1)i) (ii) et au paragraphe 8(1)(l.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu,[284] un employé peut non seulement déduire le salaire d’un adjoint ou d’un substitut, il peut aussi déduire sa cotisation d’employeur à l’assurance-emploi et au Régime de rentes du Québec! À preuve, l’affaire Longtin c. la Reine, 2006 DTC 3254, où un vendeur employé était autorisé à déduire le salaire qu’il versait à sa femme, qui agissait comme son adjointe.

[286]   Certains agents de l’IA pensent qu’il est plus avantageux pour eux d’être des entrepreneurs indépendants parce qu’ils croient, à tort à mon avis, qu’ils pourront déduire plus de dépenses s’ils sont des entrepreneurs indépendants. La réalité est qu’un vendeur rémunéré à la commission peut déduire toutes ses dépenses engagées aux fins d’un revenu d’emploi jusqu’à concurrence du montant de ses commissions.[285] Cependant, il n’est pas surprenant de voir ces agents de l’IA qui sont mal informés être très intransigeants dans leur témoignage devant la Cour et dire qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants et, pour appuyer cette opinion, déclarer dans leur témoignage qu’ils ne se sont pas sentis obligés d’assister aux réunions de bureau, même si certaines d’entre elles étaient explicitement obligatoires, et qu’ils s’estimaient libres de prendre leurs vacances lorsqu’ils le voulaient, même si certains d’entre eux se sentaient obligés d’informer la compagnie du moment où ils les prendraient et, comme nous l’avons vu dans les motifs de la CRT, il y avait des restrictions quant au moment où les agents pouvaient choisir leurs vacances.

[287]   M. Michaud a déclaré qu’un employé ne pouvait pas se constituer en société pour l’exécution de ses tâches en tant qu’employé. Cependant, tout le monde sait, comme l’indique la jurisprudence, que les employeurs avant 1993 permettaient à certains de leurs employés de se constituer en société. Donc, les employés agents auraient pu se constituer en société avant 1993. De fait, la Loi de l’impôt sur le revenu a dû être modifiée en 1984 afin de réduire les avantages fiscaux pour les employés qui adoptaient une telle stratégie de planification fiscale.[286]

I. Décision de l’agent des appels

[288]   Un examen du résumé du rapport de l’agente des appels montre qu’elle était dans l’erreur en appliquant le droit sur la question de l’emploi assurable. Même si elle a déclaré que la source appropriée du droit était le Code civil, elle a appliqué−comme cela a été fait dans l’affaire Combined Insurancel’approche de la common law décrite dans les affaires Wiebe Door et Sagaz. Elle a mis davantage l’accent sur le comportement global de M. Mazraani, ce qui donnait l’impression qu’il était plus un homme d’affaires qu’un employé. Elle semble mettre davantage l’accent sur le fait qu’il a fourni (ou payé) ses propres outils, qu’il a réclamé une perte de 14 $, qu’il n’y avait aucune déduction à la source et que M. Mazraani a déclaré ses commissions comme revenu d’entreprise. L’agente des appels a déclaré ce qui suit :

D’après les copies des rapports de paiement, les travailleurs ne recevaient que des commissions et devaient payer les dépenses pour la location de l’ordinateur, l’assurance de l’ordinateur, l’assurance de responsabilité, l’utilisation de services d’information, et les coûts téléphoniques. Il avait une possibilité de perte.

[289]   Sa déclaration selon laquelle M. Mazraani n’a reçu que des commissions semble laisser entendre que le revenu de commissions ne doit pas être traité comme une rémunération pour des services fournis en vertu d’un contrat de travail aux termes de l’article 2085 du Code civil. Dans le dictionnaire Larousse en ligne, « rémunération » se définit comme « Prix d’un travail fourni, d’un service rendu : C’est la rémunération de son travail. » Le dictionnaire Oxford Advanced Learner’s Dictionary, en ligne, offre une définition semblable de rémunération : « un montant d’argent qui est versé à quelqu’un pour le travail qu’il a effectué. Des conditions de rémunération généreuses se rattachent souvent à des affectations outre-mer. » Étant donné que les commissions étaient versées pour le travail effectué par M. Mazraani, sa situation correspond à ces définitions. Finalement, l’article 5 de la Loi est encore plus clair puisqu’il utilise les mots « et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière ». [Non souligné dans l’original.]

[290]   À mon avis, la liste des indices de l’agente des appels montre l’influence de la common law, qui adopte le critère en quatre parties décrit dans l’affaire principale de Wiebe Door. Ce critère essaie de déterminer « À qui appartient l’entreprise? » Il tient compte des facteurs suivants : contrôle, propriété des outils, possibilité de profit et risque de perte. Aucun de ces quatre facteurs n’est concluant en common law, il faut plutôt tenir compte de la situation globale. Cela ne tient pas compte des dispositions du Code civil, qui fait une distinction entre un contrat de travail et un contrat de service sur la seule base de l’existence d’un lien de subordination. Le fait qu’un employé puisse subir des pertes n’est pas un facteur reconnu en vertu du Code civil. De plus, il n’existe aucune restriction dans le Code civil qui dit qu’un employé ne peut pas être responsable de dépenses. La réalité est que les vendeurs sont souvent responsables d’un grand nombre de leurs dépenses.

[291]   Dans la version anglaise du résumé de son rapport, l’agente des appels n’inclut même pas une rubrique « relationship of subordination » (relation de subordination), qui, à mon avis, montre à quel point elle a accordé peu d’attention à cet élément crucial. Dans le résumé français de son rapport, il y a cette rubrique : « Lien de subordination », où elle déclare :[287]

Le travailleur effectuait des téléphones pour obtenir des rendez-vous auprès de clients éventuels. Il n’était pas supervisé. Il rencontrait les clients et leur vendait des polices d’assurance. Ses entrées et sorties et ses heures travaillées n’étaient pas contrôlées par le payeur. Le travailleur avait une carte magnétique qui lui permettait d’entrer et sortir des locaux du payeur à sa guise. Le payeur ne planifiait ni ne supervisait son travail. Le payeur n’indiquait pas au travailleur de quelle façon d’exécuter [sic] le travail.

Ces éléments sont indicatifs d’un contrat de services.

[Non souligné dans l’original.]

[292]   Il est évident, d’après le rapport, que la décision de l’agente des appels se fondait uniquement sur sa perception selon laquelle aucune supervision n’était exercée. La question clé, qu’elle ne s’est pas posée et à laquelle elle n’a pas répondu, était de savoir si la compagnie avait le pouvoir d’exercer un contrôle sur ses travailleurs et de leur donner des instructions, en particulier M. Mazraani. Le présent litige ne se limite pas à décider si un tel pouvoir a été exercé. Comme le reconnaissent la jurisprudence et la doctrine, et le ministre de la Justice du Québec à l’époque où le Code civil a été adopté par l’Assemblée nationale, c’est le pouvoir de donner des directives qui est l’élément clé.

[293]   De plus, l’agente des appels n’a jamais eu la possibilité de rencontrer des représentants de la compagnie. Elle s’est fiée uniquement sur les notes de l’agente des décisions, à qui M. Leclerc avait remis la version suivante de la compagnie :[288]

Le payeur vérifiait le travail afin de s’assurer que les règles dictées par la loi étaient respectées, mais il ne supervisait pas le travailleur ni ne lui indiquait pas [sic] comment effectuer le travail.

[294]   Il est surprenant et malheureux que le représentant du ministre ait préféré la version de la compagnie, étant donné que les dirigeants de la compagnie n’avaient pas retourné ses appels. Pour ce qui est de sa déclaration selon laquelle le travailleur, M. Mazraani, n’était pas supervisé, c’est une manifestation un peu surprenante de confiance dans la version de la compagnie lorsque l’on considère que M. Mazraani avait un bureau (cubicule) dans les locaux de la succursale LaSalle de l’IA. Ce cubicule était situé près du bureau de son directeur des ventes, avec lequel M. Mazraani avait des contacts réguliers. Il est donc difficile de comprendre comment l’agente des appels a pu conclure que M. Mazraani n’était pas supervisé. À mon avis, cette situation aurait dû faire en sorte que la version du travailleur soit probablement la bonne.

[295]   Si elle avait eu la possibilité de poursuivre son enquête, l’agente des appels aurait pu découvrir elle-même toute la preuve directe qui a été présentée devant la Cour par M. Mazraani, indiquant que la compagnie exerçait effectivement son droit de donner des instructions et de contrôler le travail de ses agents et, par conséquent, que leur travail était fait sous la direction de la compagnie.

[296]   Lorsqu’il s’absentait pour des raisons médicales, M. Mazraani se sentait obligé de le faire savoir à son directeur des ventes et lui remettait son certificat du médecin. Dans son témoignage, Mme Woo a dit qu’elle tenait son directeur des ventes au courant de toutes les mesures qu’elle prenait pour connaître du succès en tant que vendeuse d’assurance, même si elle n’estimait pas être tenue de le faire. Il n’est pas nécessaire de dire à la plupart des employés de dire qu’il est obligatoire qu’ils se présentent à leurs superviseurs pour être considérés des employés. La plupart des employés reconnaissent le pouvoir de leur superviseur de surveiller leurs activités, et ce pouvoir était exercé dans le présent cas en ce qui concerne M. Mazraani.

[297]   Les avocats qui sont des employés salariés de cabinets privés et de la fonction publique jouissent de vastes pouvoirs discrétionnaires quant à la façon de s’acquitter de leurs fonctions. Cependant, ils sont tous reconnus comme des employés jusqu’à ce que, par exemple, dans le secteur privé, ils deviennent des associés. Les professeurs à l’université et au cégep reçoivent une large discrétion quant à la façon d’enseigner à leurs étudiants. Cela ne les empêche pas d’être reconnus comme des employés des universités et des cégeps, même s’ils ne travaillent qu’à temps partiel comme chargés de cours. De nombreuses décisions confirment que les chargés de cours sont des employés d’une université, même s’ils peuvent travailler comme professionnels indépendants, et seulement quelques heures par semaine, à enseigner à des étudiants d’université.

VI. CONCLUSION

[298]   En conclusion, la question ultime est de savoir si l’Industrielle Alliance avait le pouvoir de donner des instructions à M. Mazraani, de diriger et de contrôler son travail. En l’espèce, compte tenu de la preuve dans son ensemble, tant circonstancielle que directe, je n’hésite nullement à conclure que la compagnie avait non seulement ce pouvoir, mais qu’en fait, elle l’a exercé de façon régulière et continue pendant la période pertinente.

[299]   Il est évident que la compagnie a fait tout ce qu’elle pouvait pour transformer le statut de ses agents d’employés à entrepreneurs indépendants en 1993. Comme on l’a indiqué dans les motifs de la CRT et dans le témoignage de M. Michaud devant la Cour, la plupart sinon la totalité de ses concurrents utilisaient ce modèle d’affaires. À mon avis, il y a des avantages évidents pour une compagnie de le faire. Par exemple, elle n’a pas besoin de cotiser au programme d’assurance-emploi du gouvernement fédéral ou au Régime de rentes du Québec.

[300]   Effectivement, l’Industrielle Alliance a essayé de transformer un carré en cercle, créant un octogone dans l’espoir qu’il ressemblerait le plus possible à un cercle, mais en bout de ligne, la figure a toujours des angles, et cela l’empêche pour toujours de devenir un cercle. Peu importe combien de temps on regarde l’octogone pour trouver un cercle, on ne le trouvera jamais. Il faut se rappeler que pour qu’il y ait un contrat de service, il ne doit y avoir aucun lien de subordination. S’il existe un tel lien, alors le contrat est un contrat de travail. Le professeur Robert P. Gagnon a déclaré au paragraphe 94 de son ouvrage précité (5e éd.) :[289]

. . .

Par contre, même dans ses formes les plus lâches ou les plus atténuées, cette subordination juridique devrait faire basculer la personne qui travaille dans le groupe des salariés. L’exclusion de tout lien de subordination entre le client et l’entrepreneur ou le prestataire de services légitime désormais cette conclusion (article 2099 C.c.Q.). . . .

[Non souligné dans l’original.]

[301]   Pendant la période pertinente, M. Mazraani était un employé de l’Industrielle Alliance parce qu’il exécutait ses services « conformément aux instructions et sous la direction ou le contrôle de la compagnie, l’employeur, conformément aux dispositions de l’article 2085 du Code civil du Québec. Son contrat d’agent était un contrat de travail. Par conséquent, il occupait un emploi assurable pendant la période pertinente, alors qu’il travaillait pour l’Industrielle Alliance.

[302]   Avant de prononcer ma dernière conclusion, j’aimerais ajouter que, même si ma décision se fonde uniquement sur les principes juridiques du droit civil du Québec et ne tient pas compte de l’objectif général de la Loi de prêter assistance aux personnes sans emploi,[290] son résultat est, à mon avis, totalement en harmonie avec la Loi. Les compagnies d’assurance-vie engagent de très nombreux agents, qui ne connaîtront pas tous du succès dans cette entreprise difficile. En l’espèce, la preuve a révélé que sur les 45 agents de la succursale LaSalle, environ 15 possédaient moins de deux années d’expérience.[291] Treize ou quatorze nouveaux agents sont engagés chaque année.[292] Pour réaliser une vente, un agent peut devoir faire des centaines d’appels. La compagnie n’a aucune obligation de rémunérer ses agents pour tout ce travail, à moins qu’une police d’assurance-vie ne soit émise et que des primes soient perçues, car d’après son modèle d’affaires, la seule rémunération payable est la commission calculée par rapport à la prime perçue. Comme l’indique l’important roulement en personnel, il y en a beaucoup qui ne réussissent pas dans ce domaine. La compagnie, selon M. Mazraani, profite de beaucoup de travail non rémunéré : par exemple, le porte-à-porte, la sollicitation ainsi que la préparation et la présentation d’un plan financier sans résultat positif à la fin. Il est même allé jusqu’à utiliser le mot « esclavage » pour décrire la situation de nombreux agents. M. Mazraani est un homme qui est très choqué, et à juste titre. L’Industrielle Alliance a soutenu qu’un agent bâtit sa propre entreprise, mais les clients appartiennent à la compagnie, et lorsque l’agent quitte, une clause de non-sollicitation et de non-concurrence s’applique. Même la licence de M. Mazraani n’a aucune valeur parce qu’il n’est pas rattaché à une compagnie d’assurance, et il soutient qu’il ne peut pas l’utiliser sans être rattaché. Par conséquent, la meilleure chose à faire serait que les personnes qui ne réussissent pas devraient avoir droit aux prestations d’assurance-emploi. Les personnes qui travaillent dans un milieu semblable à celui dans lequel M. Mazraani s’est trouvé à l’Industrielle Alliance méritent la protection de la loi, comme le prévoient notamment la Loi et la Loi sur les normes.

[303]   Pour toutes ces raisons, l’appel de M. Mazraani est accueilli et la décision du ministre est modifiée de façon à ce que M. Mazraani soit considéré comme ayant occupé un emploi assurable pendant la période pertinente.

[304]   L’Industrielle Alliance est enjointe de payer à M. Mazraani la somme de 2 000 $ au titre des dépens. La présente audience a duré plus longtemps que nécessaire parce que l’Industrielle Alliance n’a pas collaboré en fournissant une description factuelle exacte de ce qui se passait. D’autres journées d’audience ont été nécessaires, ce qui a permis à M. Mazraani de fournir la preuve qui contredit les éléments de preuve trompeurs présentés par des dirigeants clés de l’Industrielle Alliance qui ont témoigné, et a permis à la Cour d’avoir une idée précise des faits véridiques. La Cour s’appuie sur sa compétence inhérente de prévenir et de contrôler un abus de ses procédures, reconnue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Fournier c. Canada, 2005 CAF 131, 2006 GTC 1181, paragraphe 11 :

[11] Le juge s’est dit sans compétence pour imposer des frais à un appelant qui retarde inutilement le déroulement d’un appel intenté dans le cadre de la procédure informelle. Je signale que la Cour canadienne de l’impôt possède le pouvoir inhérent de prévenir et de contrôler un abus de ses procédures : voir Yacyshyn c. Canada, [1999] C.A.F. no 196 (C.A.F.)

[12] Or, l’adjudication de frais ou dépens se veut l’un des mécanismes de prévention ou de réparation des abus de délai ou de procédure : voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, aux paragraphes 179 et 183. Dans l’affaire Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national — M.R.N.), [2003] 4 C.F. 865, au paragraphe 46, cette Cour écrit en rapport avec la question :

Il est maintenant généralement reconnu que l’adjudication des dépens peut remplir plus d’une fonction. En vertu des règles contemporaines, l’adjudication des dépens peut servir à réglementer, à indemniser et à dissuader. Elle réglemente en encourageant les plaideurs à en arriver à un règlement tôt dans le processus et à faire preuve de retenue. Elle décourage les comportements et litiges impétueux, futiles et abusifs. Elle vise à indemniser, du moins en partie, la partie qui a eu gain de cause et qui a parfois engagé de grosses dépenses pour faire valoir ses droits.

[Non souligné dans l’original (soulignement ajouté par le juge Létourneau)]

Signé ce 12jour d’avril 2016.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Annexe A


Annexe B

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphe

I. QUESTION EN LITIGE

1

II. HYPOTHÈSES DU MINISTRE ET ADMISSIONS

2

III. DÉCISION DU MINISTRE

3

IV. DESCRIPTION FACTUELLE

A. Organigramme de l’IA : d’employés à entrepreneurs indépendants

6

B. Succursale LaSalle

16

C. M. Mazraani engagé comme agent en vertu d’un contrat d’agent

(1) La demande et l’embauche informelle

19

(2) La lettre du 27 avril

22

(3) Titulaire d’une licence pour agir en tant que conseiller en sécurité financière le 30 avril 2012

26

(4) Le contrat d’agent daté du 3 mai 2012.

27

(5) Dépenses et avantages

29

D. Formation

(1) Formation à l’intention des nouveaux agents

34

(2) Formation pour tous les agents et réunions de succursale

70

E. Travail de conseiller financier (agent) de M. Mazraani

78

(1) Autres instructions

81

(2) Supervision et contrôle

100

F. Yves Charbonneau

114

G. Stephanie Woo

119

H. Les clients

127

V. ANALYSE

133

A. La source pertinente du droit

134

B. Le contrat de travail et le contrat de service en vertu du Code civil

137

C. La relation contractuelle véritable

(1) Le contrat et l’intention des parties

142

(2) La preuve circonstancielle

148

(3) La preuve directe

152

D. Commentaires précis

(1) Formation et réunions obligatoires

174

(2) Exigences réglementaires

185

(3) Aucun horaire fixe ni heures fixes ni rapports d’activités

201

(4) Aucun changement important dans le mode de fonctionnement

216

(5) Dépenses

218

(6) Propriété de la clientèle

220

E. Crédibilité des témoins de l’IA

222

(1) M. Michaud et M. Leclerc

224

(2) M. Charbonneau

250

(3) L’avocate à l’interne

252

(4) Évaluation globale des témoins de l’IA

265

(5) Absence de M. Beaulé

268

F. L’incidence d’embaucher un adjoint

270

G. Précédents jurisprudentiels

280

H. Idées fausses sur les impôts

285

I. Décision de l’agente des appels

288

VI. CONCLUSION

298

Annexe A

 

Annexe B

 

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 65

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-3484(EI)

INTITULÉ :

Kassem Mazraani c. M.R.N. et Industrielle Alliance Assurance et Services Financiers Inc.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

11 et 12 mai 2015, 1er, 2, 15 et 16 juin 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 avril 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me Emmanuel Jilwan

Avocat de l’intervenante :

Me Yves Turgeon

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Pièce A-42, dans la brochure intitulée « Life in Brief » (2010). Dans un tableau intitulé « Snapshot », IA dit qu’elle compte plus de 3 700 employés, 1 700 représentants et plus de 18 000 courtiers.

[2]           Étant donné la longueur des présents motifs, j’ai ajouté au titre de l’annexe B une table des matières.

[3]           Seulement une journée avait été prévue pour le présent appel; l’audience a cependant duré six jours sur une période de cinq semaines.

[4]           Le paragraphe 5(1) de la Loi définit un emploi assurable comme suit :

5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[Non souligné dans l’original.]

[5]         2085   Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

[Non souligné dans l’original.]

[6]           2098    Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

2099    L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[Non souligné dans l’original.]

[7]           Page 60 de la transcription du 1er juin.

[8]           Pièce R-1.

[9]           Page 62 de la transcription du 1er juin.

[10]          Page 4 de 8 de son rapport.

[11]          Page 5 de 8 de son rapport.

[12]          Page 135 de la transcription du 12 mai. M. Leclerc a aussi dit dans son témoignage qu’il y a environ 14 succursales dans la région de Montréal. (Voir la page 117 de la transcription du 15 juin.)

[13]          Comme l’a expliqué l’avocate à l’interne dans son témoignage.

[14]          En date du 22 décembre 2014 Pièce A-10. Même si ce document a été produit par M. Mazraani dans le cadre de son explication pour laquelle sa demande que la Commission des normes du travail (CNT) le représente devant les tribunaux a d’abord été acceptée, puis rejetée. Il a été déposé en tant que pièce à la demande de l’avocat de l’IA.  Voir la page 162 de la transcription du 11 mai. Apparemment, la Commission a changé d’idée en raison de cette décision de la CRT en ce qui concerne deux autres agents de l’IA, M. Alexandre Blackburn et M. Jakub Kaliszczak, confirmant qu’ils n’étaient pas des employés de l’IA au sens de la Loi sur les normes du travail (Loi sur les normes). Comme conséquence de cette décision, les avocats de la CNT (Direction des affaires juridiques) ont informé M. Mazraani qu’ils ne le représenteraient plus dans sa requête devant la Cour du Québec, qui devait être entendue les 22 et 23 avril 2015. M. Mazraani a dit dans son témoignage qu’au moment de l’audience devant la Cour [la Cour de l’impôt], il essayait encore de convaincre la CNT de continuer à le représenter (pièce A-11).

Étant donné que les motifs de la CRT ont été déposés en tant que pièce à la demande de l’IA, j’ai demandé à M. Michaud s’il confirmerait que l’exposé des faits qui s’y trouvait constituait une description juste de la situation à l’Industrielle Alliance. J’ai suggéré à l’avocat de l’IA de suspendre l’audience pour permettre à M. Michaud de lire les motifs une fois de plus. M. Michaud ne pensait pas que c’était nécessaire et son avocat a accepté de poursuivre. M. Michaud avait aussi été un témoin devant ce tribunal administratif. Voir la p. 8 et suivantes de la transcription du 12 mai. Je crois que les faits exposés dans les motifs de la CRT peuvent nous aider à mieux comprendre la situation à la compagnie.

[15]          Pages 140 et 141 de la transcription du 12 mai.

[16]          Pages 139 et 140 de la transcription du 12 mai.

[17]          On a l’impression que le mot « encadreur » utilisé par M. Michaud peut être synonyme de « patron » ou de « supérieur hiérarchique ».

[18]          Voir la page 160 de la transcription du 12 mai.

[19]          Pièce A-10.

[20]          Pièce A-20.

[21]          Cependant, le fait d’appeler une orange une pomme ne change rien au fait qu’il s’agit d’une orange.

[22]          Voir la pièce I-3.

[23]          Voir la pièce I-4. Je suis surpris qu’il y ait dans cette lettre une opinion sans réserve (comme l’on trouve dans d’autres communications faites par l’Agence) qui indique que le droit peut changer ou que les tribunaux peuvent adopter un point de vue différent. Effectivement, quelques jours plus tard, le 1er janvier 1994, le Code civil du Québec entrait en vigueur.

[24]          Pages 147, 148 et 149 de la transcription du 12 mai.

[25]          Pages 153, 154 et 155 de la transcription du 12 mai.

[26]          Page 151 de la transcription du 12 mai.

[27]          À l’exception d’un bref témoignage de M. Mazraani, la sixième journée a été consacrée aux arguments.

[28]          Voir la page 118 de la transcription du 15 juin. Mme Woo a déclaré qu’il y avait entre 50 et 60 personnes qui travaillaient à la succursale LaSalle, dont 45 à 50 étaient des agents. Donc, sur les 60 personnes qui travaillent à la succursale, seulement environ 10 sont des employés (16,6 %)!

[29]          Voir la page 119 de la transcription du 15 juin. À la succursale Laval, il y avait 21 agents sur un total de 51 qui possédaient moins de 12 mois d’expérience. Paragraphe 70 des motifs de la CRT, pièce A-10.

[30]          Pièce A-37.

[31]          Pages 138 et 141 de la transcription du 12 mai.

[32]          Pièce A-4.

[33]          Pièce A-4.

[34]          Voir la page 156 de la transcription du 2 juin.

[35]          Pages 156 et 157 de la transcription du 2 juin.

[36]          Pièce A-18. J’utilise et j’utiliserai dans les présents motifs l’expression « intranet » comme l’avocat de l’IA l’a fait dans son interrogatoire des témoins lors de l’audience, au lieu de l’expression « extranet » parce que je pense qu’elle est plus précise. Dans Termium Plus, la banque de terminologie et de données linguistiques du gouvernement du Canada, « intranet » est défini en anglais comme « the collection of networks that connect computers within corporations », soit un « réseau qui fonctionne comme Internet, mais qui n’est accessible au public que par mot de passe » tandis que « extranet » est défini comme « un intranet qui a été étendu pour inclure l’accès depuis ou vers certains organismes externes, tels que des clients ou des fournisseurs, mais non pour le public en général ». En l’espèce, le réseau est réservé à usage exclusif de la « force de vente » de l’IA, expression définie dans Antidote 9 comme étant « personnel commercial d’une entreprise affecté au service de la clientèle ».

[37]          Pièce A-19.

[38]          Pièce A-5.

[39]          M. Mazraani a déposé une plainte auprès de la CNT le 14 mars 2011 pour, entre autres motifs, un congédiement sans cause juste et suffisante. Voir la pièce A-9. Il a déposé cette plainte pour que la CNT intente, au besoin, des poursuites judiciaires pour défendre ses droits. Le 27 janvier 2012, la London Life a accepté de verser une somme d’argent en guise de règlement intégral et définitif à l’égard de tous droits, recours et réclamations. Les parties ont déclaré que leur intention était d’éviter les coûts et les risques d’un procès et qu’elles souhaitaient régler tout litige et toutes les réclamations sans admission de responsabilité et dans le seul but d’acheter la paix et d’éviter d’autres frais et dépenses. Voir la pièce A-2.

[40]          Pièce A-27.

[41]          Pièce I-2.

[42]          Voir la pièce I-2.

[43]          Il s’agit d’une pratique également suivie par certains employeurs des secteurs public et privé en ce qui concerne les employés.

[44]          Pièce I-1.

[45]          Voir les pages 121 et 122 de la transcription du 12 mai.

[46]          Ibidem, p. 122.

[47]          Voir aussi la s. 4 du contrat d’agent, pièce A-20.

[48]          Comme le feraient de nombreux employeurs.

[49]          Pièce A-42, p. 1, premier paragraphe.

[50]          Pièce A-42, p. 1, quatrième, cinquième, septième et huitième paragraphes.

[51]          Pièce A-42, p. 3.

[52]          Pièce A-8.

[53]          L’avis indique que la formation commencera à 9 h 30 et se terminera à 10 h 30. Pièce A-41.

[54]          Tous les documents se trouvent à la pièce « A-57 », sauf celui-ci, qui constitue la pièce A-47.

[55]          Ces modules représentent 228 pages de documentation de formation.

[56]          Il s’agit du Module 2, pièce A-57.

[57]          Ibidem, p. 9.

[58]          Ibidem, p. 11.

[59]          Par souci d’équité, il est important d’ajouter le paragraphe suivant :

De plus, en tant que propriétaire de votre propre commerce, il est essentiel pour votre réussite: de définir vos objectifs . . . Vous serez maître de votre temps plutôt que d’être à son service.

[60]          Dans ce contexte, « ma compagnie » est, à mon avis, un synonyme de « mon employeur ». Cela démontre que l’agent fait ce qu’on lui dit de faire! En effet, un employeur demanderait à un employé d’obtenir le nom de candidats qui pourraient devenir des clients éventuels de la compagnie. Pourquoi est-ce qu’un entrepreneur indépendant ferait une telle déclaration?

[61]          Pièce A-57, Conclusion, page 7.

[62]          Pièce A-47.

[63]          Pièce A-57.

[64]          Il est peu probable que cette instruction soit conforme aux normes de conduite de l’IA (art. 3) reproduites ci-dessous et au Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code de déontologie réglementaire), R.L.R.Q., c D-9.2, r. 3. Voir, par exemple, les articles 12 et 13 du Code de déontologie réglementaire :

12.  Le représentant doit agir envers son client ou tout client éventuel avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en lui donnant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles Il doit accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

13.  Le représentant doit exposer à son client ou à tout client éventuel, de façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit ou du service qu’il lui propose et s’abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.

[Non souligné dans l’original.]

[65]          Pièce A-57.

[66]          Pièce A-8.

[67]          Voir la pièce A-19.

[68]          Pièce A-28.

[69]          Dans son témoignage, M. Leclerc a déclaré qu’avant l’utilisation des ordinateurs, il lui fallait de quatre à cinq heures pour préparer une planification de la retraite pour un client. Avec un ordinateur, cela ne prend que 20 minutes. Voir la page 163 de la transcription du 15 juin.

[70]          Pièce A-53.

[71]          Voir la pièce A-8, page 2.

[72]          Selon son contrat de clients recommandés, M. Mazraani recevrait une commission pour recommander des clients éventuels à d’autres divisions de l’IA qui offraient d’autres types de produits financiers qu’il ne pouvait pas offrir à ses clients parce qu’il n’était pas qualifié.

[73]          Pièce A-63.

[74]          Le rapport hebdomadaire des ventes pour la semaine du 20 juillet 2012 indique le rendement des agents en ce qui concerne le « Concours du président ». M. Mazraani n’avait aucune police admissible. Le rapport concernant la 42e semaine du quatrième trimestre comportait quatre polices sur un total de cinq qu’il avait été en mesure de vendre pendant la période qu’il a travaillé pour l’Industrielle Alliance. (Pièce A-31) La pièce A-38 indique les meilleurs vendeurs de la semaine dans deux catégories, de même que la date d’anniversaire d’un agent et l’anniversaire de service de deux autres. Voir la pièce A-45 pour la liste « Meilleurs agents d’assurance-vie » de la province de Québec. Voir aussi la pièce A-67 intitulée « Concours du président 2012 ».

[75]          Pièce A-64.

[76]          Les deux séances de formation UFC portaient sur les sujets suivants : « Excellence » et « Option avancée et fiscalité des assurances ». Une des réunions régulières d’agence portait sur « L’approche client en investissement. Traitement des objections ». Les autres activités comprenaient le « Souper pour les gagnants du Concours » et une « Soirée Gala ». Voir la pièce A-30.

[77]          M. Michaud pensait qu’un agent avait besoin de 30 UFC sur deux ans pour conserver sa licence lui permettant d’offrir des produits financiers.

[78]          Pièce A-30.

[79]          Pièce A-68.

[80]          Ce courriel est tiré de la pièce A-41, qui contient de nombreux autres courriels sur des sujets semblables.

[81]          Pièce A-10.

[82]          Le sujet abordé lors de la réunion qui s’est tenue le mercredi 9 mai 2012, à 9 h 30 était « Anciens produits – Ajouts possibles ». Voir les pièces A-55 et A-8.

[83]          Pour voir à quel point un produit d’assurance est compliqué, consulter « Guide du produit Genesis », un document de 47 pages réservé exclusivement aux conseillers financiers. Ce produit est décrit comme « un outil de planification financière indispensable pour ceux qui recherchent une protection assortie d’avantages financiers incomparables ». Voir la pièce A-57, dernière page.

[84]          Pièce A-10.

[85]          [traduction] « . et vous serez également chargé des polices et des clients qui composent actuellement une partie de cette unité de service. » [Non souligné dans l’original.] Pièce A-5.

[86]          Voir la pièce I-16.

[87]          Une copie de ces normes est jointe aux présents motifs au titre de l’annexe A.

[88]          Même si les Normes de conduite à la page 1 ne le disent pas explicitement, je suppose que la compagnie ne veut pas non plus subir un préjudice. Si les clients subissaient un préjudice, ils tiendraient fort probablement la compagnie responsable, comme l’a reconnu M. Michaud dans son témoignage. Quoi qu’il en soit, c’est son image publique qui en souffrirait.

[89]          Voir la note en bas de page précédente.

[90]          L’article 13 du Code de déontologie réglementaire, précité, utilise les mots « avantages et désavantages », qui me semblent plus clairs que « avantages et conséquences » utilisés dans les Normes de conduite.

[91]          Voir la pièce I-17.

[92]        RLRQ c. P-39.1.

[93]          Pièce I-16, reproduite à l’annexe A des présents motifs.

[94]          Qui figure à la rubrique « Publicité », par. c), p. 2 de la pièce I-16.

[95]          Pièce A-42.

[96]          Pièce A-62.

[97]          Pièce A-26. Voir la p. 35 et suivante de la transcription du 2 juin.

[98]          Voir les pages 42 et 43 de la transcription du 2 juin.

[99]          Pièce A-56.

[100]        Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes inc. (ACCAP), il s’agit de la Canadian Life and Health Insurance Association Inc. (CLHIA). Son site Web donne la description suivante :

Établie en 1894, l’ACCAP est une association à adhésion libre dont les membres détiennent 99 p. 100 des affaires d’assurances vie et maladie en vigueur au Canada.

L’ACCAP a pour mandat de servir ses sociétés membres dans les domaines où elles ont des intérêts, des préoccupations et des besoins communs. Dans l’exécution de son mandat, l’Association s’assure de prendre en compte de façon équitable les points de vue et intérêts de ses membres et du public.

[Non souligné dans l’original.]

Le site Web présente aussi le Code de déontologie suivant :

Pour adhérer à l’ACCAP, toutes les sociétés membres se sont engagées à mener leurs activités selon les principes suivants :

1.  Pratiquer une concurrence serrée et loyale afin que le public puisse obtenir les produits et services qui lui sont nécessaires à des prix raisonnables.

2.  Faire des annonces publicitaires claires et sans équivoque des produits et services, et éviter les pratiques qui pourraient induire en erreur.

3.  S’assurer que les indications portant sur les prix, les valeurs et les prestations soient claires et justes, et que les sommes qui ne sont pas garanties soient indiquées de façon appropriée.

4.  Rédiger les contrats dans une langue claire et directe en évitant d’inclure des limites qui ne seraient pas sensées.

5.  Utiliser des techniques de sélection solides et équitables.

6.  Effectuer les règlements en cours de façon honnête et dans les meilleurs délais, sans imposer d’exigences injustifiées.

7.  Faire preuve de compétence et de courtoisie en matière de prestation de services et de souscription.

8.  Respecter le droit à la vie privée des clients en utilisant les renseignements personnels obtenus sur ces derniers uniquement à des fins permises et en ne les divulguant qu’à des personnes autorisées.

[Non souligné dans l’original.]

[101]        Pièce A-51.

[102]        Pièce A-54.

[103]        Pièce A-50.

[104]        Page 201 et suivantes de la transcription du 1er juin 2015.

[105]        Page 206 et suivantes de la transcription du 1er juin 2015.

[106]        Page 23 de la transcription du 2 juin.

[107]        L’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers énonce l’exigence suivante :

27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux.

[108]        Pièce A-61.

[109]        M. Leclerc a décrit ainsi Mme Laporte dans son témoignage à la p. 132 de la transcription du 15 juin :

. . . Loraine Laporte est chargée de transmettre les ventes au siège social. Elle est donc l’interface entre les conseillers et le siège social.

[110]        Selon le témoignage de M. Leclerc, c’est M. Beaulé qui a relevé l’erreur et en a informé Mme Laporte. Voir la note 239 ci-dessous.

[111]        Page 116 de la transcription du 12 mai.

[112]        Pages 116 à 118 de la transcription du 12 mai.

[113]        Paragraphe 34 des motifs de la CRT, pièce A-10.

[114]        Pièce A-69.

[115]        Pièce A-10.

[116]        Les par. 75 à 81 sont reproduits au par. 75 ci-dessus.

[117]        Pièce A-17.

[118]        Pièce A-66.

[119]        Pièce A-21.

[120]        Pièce A-10.

[121]        Pièce A-67. Voir aussi la pièce A-45.

[122]        Pièce A-20.

[123]        Pièce I-6.

[124]        Pièce I-8.

[125]        Pièce I-8.

[126]        Page 228 de la transcription du 1er juin.

[127]        Cela est conforme à la formation et aux instructions qu’elle a reçues. En particulier, la pièce A-42 : La fiche « Gardez votre horloge à l’heure toute l’année » donne les instructions suivantes :

3 Je consacre 60 % de mon temps à la prospection en faisant un nombre suffisant d’appels pour obtenir 10 rendez-vous par semaine.

8 Je fais tout ce qui est nécessaire pour que ma semaine de travail soit remplie avant de quitter pour la fin de semaine.

[Non souligné dans l’original.]

[128]        Pages 327 à 330 de la transcription du 1er juin.

[129]        Pages 238, 251 et 272 de la transcription du 1er juin.

[130]        Pages 265 et 266 de la transcription du 1er juin.

[131]        Pages 302 à 304 de la transcription du 1er juin.

[132]        Pages 259 et 260 de la transcription du 1er juin.

[133]        Pages 263 et 264 de la transcription du 1er juin.

[134]        Cette réponse est instructive. Même si on peut se demander si Mme Woo utilise un terme qu’elle n’était pas censée utiliser pendant l’audience, il illustre le fait qu’elle se considérait elle-même intégrée dans son bureau de succursale.

[135]        Il y a une disposition semblable pour ce qui est des formulaires, livres, polices, logiciels d’ordinateur et autres documents de la compagnie.

[136]        Lorsque Mme Woo à une occasion a acquis une clientèle, et à une autre occasion a transféré une clientèle, l’Industrielle Alliance est intervenue pour consentir à ces cessions. Voir la pièce I-14 et la pièce I-15.

[137]        Pièce A-20.

[138]        Pièce A-20, art. H.10 a) des Règles sur la rémunération.

[139]      En plus du contrat d’agent, il y a un deuxième contrat intitulé « Assurance-dommages, Contrat de recommandation » entre M. Mazraani et l’Industrielle Alliance. Comme le stipule l’article 7 de ce contrat, l’agent ne peut pas vendre ni disposer autrement de son droit de recommander des clients à la compagnie en ce qui concerne les contrats d’assurance-dommages. Voir la pièce A-22.

[140]        Voir les pages 186 à 188 de la transcription du 12 mai.

[141]        Voir la note 4 ci-dessus pour la disposition de la Loi qui définit ce qu’est un emploi assurable.

[142]       Nicholas Kasirer (alors un stagiaire en droit et maintenant un juge de la Cour d’appel du Québec) et moi avons examiné en 1987 la question des sources de droit dans Pierre ARCHAMBAULT et Nicholas KASIRER, « Employé et travailleur autonome : Distinction juridique et le problème des sources du droit » [1987] 9 R.P.F.S. 287.

[143]        « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s’applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer », publié dans L’harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien – Deuxième recueil d’études en fiscalité (2005), ministère de la Justice du Canada, 2005 (mon article).

[144]        L’article 8.1 est libellé comme suit :

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

[Non souligné dans l’original.]

[145]        Si l’on suppose qu’il existe un contrat aux termes duquel des services sont rendus contre rémunération par une personne (l’employé) à une autre (l’employeur),

[146]        Cette déclaration du ministre est conforme à de nombreuses décisions des tribunaux, dont l’affaire Gallant c. Canada, [1986] A.C.F. no 330 (QL), dans laquelle le juge Pratte de la Cour d’appel fédérale affirme :

. . . Ce qui est la marque du louage de services, ce n’est pas le contrôle que l’employeur exerce effectivement sur son employé, c’est plutôt le pouvoir que possède l’employeur de contrôler la façon dont l’employé exécute ses fonctions. . . .

[Non souligné dans l’original.]

En outre, dans l’arrêt Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. c. Canada (M.R.N.), 2002 CAF 144, [2002] A.C.F. no 572 (QL), (2002), 291 N.R. 389, le juge Noël (selon son titre d’alors) a affirmé :

5 La question que devait se poser le premier juge était de savoir si la société avait le pouvoir de contrôler l’exécution du travail des travailleurs et non pas si la société exerçait effectivement ce contrôle.  Le fait que la société n’ait pas exercé ce contrôle ou le fait que les travailleurs ne s’y soient pas sentis assujettis lors de l’exécution de leur travail n’a pas pour effet de faire disparaître, réduire ou limiter ce pouvoir d’intervention que la société possède, par le biais de son conseil d’administration.

[Non souligné dans l’original.]

[147]        Robert P. GAGNON, Le droit du travail du Québec, 5e éd. (Cowansville, Qc : Les Éditions Yvon Blais Inc., 2003) à la p. 73, par. 100. Cet auteur et ce livre ont été cités pat la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Transport Jean Gauthier inc. c. Tribunal du travail, [2005] J.Q. no 3606 (QL), 2005 QCCA 363, par. 24. (Transport Gauthier inc.)

[148]       Le texte anglais est tiré de mon article, précité, au par. 44, article qui est également cité par le juge Décary au par. 11 de l’affaire 9041-6868 Québec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2005] A.C.F. no 1720 (QL), 2005 CAF 334, 350 N.R. 201, 149 A.C.W.S. (3d) 255 (9041 ou Tambeau).

[149]        Pour illustrer cette déclaration, voir Acier Inoxydable Fafard Inc. c. Canada (M.R.N.), 2002 CAF 214, [2002] A.C.F. no 794 (QL), au par. 6; Roxboro Excavation Inc. c. Canada (M.R.N.), [2000] A.C.F. no 799 (QL) (C.A.F.), au par. 3; Groupe Desmarais, précité (note 146), au par. 4. En outre, selon le juge Garon (son titre d’alors) dans l’affaire Fournier c. Canada (M.R.N.), [1996] C.C.I. no 526 (QL), au par. 21, le [traduction] « fait qu’une personne est à la fois l’âme dirigeante d’une société et un employé de cette même société n’annule pas le lien de subordination qui existe entre l’employeur et l’employé. » Je suis entièrement d’accord avec cette opinion. Contra : Therrien c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.F. no 1206 (QL) (C.A.F.), conf. par. [1994] A.C.I. no 859 (QL); Lalande c. Provigo Distribution Inc., [1998] A.Q. no 3073 (C.A. du Québec) (QL), au par. 26. Cette note et les deux qui la suivent sont de moi et non du professeur Gagnon.

[150]        Pour illustrer cette déclaration, voir Sauvé c. Canada (M.R.N.), [1995] A.C.F. no 1378 (QL), [traduction] où une danseuse exotique était à la fois une employée de la boîte de nuit lorsqu’elle dansait sur la scène et une prestataire de services lorsqu’elle dansait à la table du client.

[151]        Pour illustrer cette déclaration, voir ma décision dans l’affaire Financière Banque Nationale Inc. c. Ministre du Revenu national, 2008 ACI 624, 2009 C.C.I. no 13 (QL) [traduction] où j’ai confirmé le statut d’un courtier en tant qu’employé même s’il avait engagé des adjoints et partageait ses commissions avec un autre courtier au sein d’une soi-disant société de personnes. Voir le par. 2(25) de cette décision. Contra : Dans Dicom Express inc. c. Paiement, 2009 QCCA 611, au par. 29, la Cour d’appel du Québec a adopté un point de vue contraire en indiquant que l’on ne peut pas être à la fois le salarié de quelqu’un et l’employeur d’un autre dans l’exécution d’une même tâche.

[152]        Il faisait la même chose lorsqu’il déclarait son revenu de la London Life.

[153]        Pièce A-3.

[154]        Pièce A-12.

[155]       Voir, par exemple les commentaires du juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire D & J Driveway Inc. c. Canada (M.R.N.), 2003 CAF 453, [2003] A.C.F. no 1784 (QL) :

2 Nous reconnaissons d’emblée que la stipulation des parties quant à la nature de leurs relations contractuelles n’est pas nécessairement déterminante et que la cour chargée d’examiner cette question peut en arriver à une détermination contraire sur la foi de la preuve qui lui est soumise : Dynamex Canada Inc. c. Canada, [2003] 305 N.R. 295 (C.A.F.).

[Non souligné dans l’original.]

            Pour une analyse plus approfondie, voir mon article, aux par. 97 à 102.

[156]        Jean-Maurice VERDIER, Alain COEURET, Marie-Armelle SOURIAC, Droit du travail, 12e éd. (Paris : Dalloz, 2002), à la p. 315, cité au par. 99 de mon article.

[157]        Pour utiliser le libellé de l’art. 2099 C.C.Q.

[158]        Pour utiliser les mots du ministre de la Justice du Québec cité au par. 140 plus haut.

[159]        Pour une discussion plus détaillée des différents types d’éléments de preuve qui peuvent être fournis pour établir le pouvoir de diriger, de donner des instructions et de contrôler, voir mon article aux paragraphes 97 et suivants.

[160]        Pièce A-32.

[161]        Voir la pièce A-58, annexe B, de l’entente de conseiller avec la Financière S_entiel, une entreprise de services financiers, qui montre les logos de 18 compagnies de services financiers (y compris l’IA et une société sœur) desquelles des bonis et des commissions pouvaient être obtenus.

[162]        Par. 92 de Le droit du travail du Québec, précité.

[163]        Pièce A-5. Elle ne dit pas « votre encadreur », mais votre « directeur des ventes »!

[164]        Encore une fois, pour emprunter les mots de M. Gagnon, précité, note 147 au par. 92.

[165]        Voir le par. 92 pour obtenir la liste complète des 10 tâches. Il faudrait ajouter que la Compagnie a essayé d’empêcher qu’une copie de cette fiche soit présentée au titre de pièce parce que le nom de la Compagnie n’y figurait pas. Mais M. Mazraani a réussi à trouver l’original et à établir, à ma satisfaction, que ce document est une note authentique de l’IA. Pièce A-42.

[166]        Voir le par. 46 plus haut.

[167]        Pièce I-17.

[168]        Voir le par. 241 plus bas.

[169]        Voir plu bas en D. (1), « Formation et réunions obligatoires », en particulier les par. 179 à 181.

[170]        Article 10 du contrat d’agent. Le Code de déontologie réglementaire ne l’interdit pas. Il prévoit seulement :

36.  Le représentant ne peut, directement ou indirectement, à l’insu de l’assureur, accorder un rabais sur la prime contenue dans un contrat d’assurance, ni convenir d’un mode de paiement de la prime différent de celui prévu par le contrat

[Non souligné dans l’original.]

[171]        Pièce A-5.

[172]        Par. 92 de son travail cité dans la note 147 plus haut.

[173]        Pièce A-35.

[174]        Voir les par. 179 à 182 ci-dessous qui portent sur la formation et les réunions obligatoires.

[175]        Pièce A-42.

[176]        Page 194 de la transcription du 15 juin.

[177]        Même si M. Mazraani avait appelé au siège social au sujet du problème, on lui aurait demandé de parler en premier lieu au personnel de la succursale. Voir les pages 196 et 197 de la transcription du 15 juin.

[178]        Page 17 de ses observations écrites du 16 juillet 2015.

[179]        Voir Gagnon, par. 92 reproduit plus haut au par. 141.

[180]        Marie France BICH, « Le contrat de travail », dans La Réforme du Code civil, Vol. 2 (Sainte Foy, Qc : Les Presses de l’Université Laval, 1993) à la p. 752, par. 23.

[181]        Tiré du paragraphe 43 de mon article.

[182]        Voir le par. h) de la réponse, reproduit ci-dessus.

[183]        Pièce A-42.

[184]        Voir le par. 205 ci-dessous, qui cite un document de formation de la compagnie qui expose la même idée de façon semblable.

[185]        Page 202 de la transcription du 12 mai.

[186]        Page 6 du Module 3 intitulé « Planification, organisation, contrôle », pièce A-57.

[187]        Pièce A-42.

[188]       Pièce A-40. À ces deux courriels, qui sont explicites, nous pouvons ajouter un courriel du 14 mai 2012 de la « secrétaire administrative », qui dit à M. Mazraani qu’il aura une formation (non pas qu’il est invité à suivre une formation, s’il le souhaite) sur les recommandations d’assurance-habitation et automobile. (Pièce A-41).

[189]        Pièce A-39.

[190]        Voici ce que M. Michaud a déclaré à la p. 201 de la transcription du 12 mai :

JUGE ARCHAMBAULT : J’ai lu dans le jugement qu’ils prendraient la présence des gens. Est-ce que vous -- est-ce que vous contestez cela?

M. MICHAUD : Non. Mais j’ajouterais que je serais surpris. La seule raison -- la seule raison ---

M. TURGEON : C’était uniquement aux fins des UFC.

M. MICHAUD : Monsieur le juge, la seule raison pour laquelle vous prendriez les présences ---

M. MAZRAANI : Objection.

M. MICHAUD : --- est parce que pour les UFC, le conseiller doit signer comme quoi il était présent.

Il faut souligner ici l’aide que M. Michaud a obtenu de l’avocat de l’IA qui semble témoigner.

[191]        Pièce A-59.

[192]        Des présentations semblables ont été faites dans d’autres filiales de l’IA, notamment Solicour, qui est dans le domaine de l’assurance collective. On appelait les présentations Solicour des « réunions de formation » et elles avaient pour titre « Pourquoi et comment faire de l’assurance collective! ». Voir la pièce A-63.

[193]        Pièce A-30.

[194]        Pièce A-56.

[195]        Article 27 de la Loi sur la distribution, reproduit plus haut à la note 107.

[196]        Voir les pages 49 à 51 de la transcription du 12 mai. Il s’agit de son témoignage aux pages 50 et 51 qui semble indiquer que la principale préoccupation soit les Normes de l’industrie et que la conformité à la réglementation vient après coup :

M. MICHAUD : Donc, lorsque vous vendez un produit comme celui-ci, vous faites une hypothèse quant au taux d’intérêt. Vous faites la présentation au client et à la dernière page de l’illustration, nous avons -- je dirais pendant les pages, elle expliquerait le produit et vous avez une sorte de test de sensibilité qu’il faut montrer au client pour voir si le taux d’intérêt augmente ou diminue de deux. Tout cela est réglementé et fait partie des lignes directrices que nous utilisons à l’ACCAP. [sic]

JUGE ARCHAMBAULT : C’est réglementé par ce ---

M. MICHAUD : Je dirais que c’est réglementé. Ce n’est pas la réglementation. C’est fortement recommandé par l’ACCAP et nous respectons tous cette recommandation.

JUGE ARCHAMBAULT : D’accord.

M. MICHAUD : C’est donc une conformité volontaire.

JUGE ARCHAMBAULT : Conformité pour s’assurer que l’argent sera là présumément à ce moment-là.

M. MICHAUD : Et aussi pour la -- et pour la réglementation du Québec, je dirais toute la réglementation de la province, nous devons nous assurer que le client comprend ce qu’il achète.

[Non souligné dans l’original.]

[197]        Je suppose qu’il s’agit du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, D-9.2, r. 2, quoiqu’aucun client de l’IA n’en ait parlé avec autorité et la question n’a pas été abordée dans l’argumentation écrite. En particulier, j’ai demandé à l’avocate à l’interne, lors de son témoignage, des explications concernant la liste de vérification de la conformité, mais elle n’était pas en mesure d’aider la Cour. Elle a indiqué que M. Leclerc pourrait peut-être le faire. Voir les pages 2 à 5 de la transcription du 15 juin. Cependant, lorsqu’il a témoigné peu de temps après elle, M. Leclerc n’a pas été questionné sur le sujet.

[198]        9095-3532 Québec inc. (La Capitale Saguenay -- Lac-St-Jean) c. Daigle, [2010] J.Q. no 13326, 2010 QCCS 6066 (La Capitale), concernant un contrôle judiciaire d’une décision de la CRT par la Cour supérieure du Québec. L’IA a aussi cité l’affaire Transport Gauthier inc. (précitée, note 147) pour laquelle des principes semblables ont été adoptés. Toutefois, les faits du présent appel sont très différents de l’affaire Transport Gauthier inc., une décision de la Cour d’appel du Québec qui annulait une décision de la CRT et qui a aussi été citée par la compagnie dans son argumentation devant la Cour. Le membre de la CRT avait conclu qu’une personne était un employé en vertu du Code du travail en se fiant à l’existence d’obligations qui, selon la Cour d’appel, ont été créées par la législation sur le transport s’appliquant à un conducteur ou un propriétaire d’un véhicule de transport. Voir le par. 48 des motifs de la Cour d’appel. Il faudrait signaler que cette partie de la décision de la Cour peut, dans la même veine, être considérée comme obiter dictum parce que la Cour a également conclu, comme il avait été conclu dans l’affaire Dicom Express (précitée, à la note 151), qu’il n’existait aucun contrat entre la personne et le client parce que le contrat était entre la compagnie de la personne et le client.

[199]        L’article 19 de la Loi sur le courtage immobilier. Il faudrait ajouter que ce libellé couvrant à la fois les employés et les personnes autorisées à agir au nom du courtier a été ajouté en 1985, plusieurs années avant la promulgation du nouveau Code civil avec sa nouvelle définition d’un contrat de travail. En vertu de l’ancien Code civil du Bas-Canada, il n’y avait aucun contrat de travail nommé. Pour obtenir une analyse historique des modifications apportées à la Loi sur le courtage immobilier, voir la décision La Capitale, aux par. 22 et suivants.

[200]        Essentiellement l’article 85, qui, comme nous l’avons vu plus haut, dispose :

85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

[201]        Essentiellement l’article 10, qui dispose :

10. Toute personne qui exploite une entreprise doit prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support.

[202]       J’ai adopté une conclusion semblable dans l’affaire Financière Banque Nationale, précitée, note 151 :

90 Le fait que la FBN était tenue en vertu des règles de réglementation de l’ACCOVAM d’exercer une supervision très étroite sur ses salariés ne fait pas en sorte que ces salariés ne peuvent pas être considérés comme tels et que l’on doit exclure ces règles aux fins de la détermination de la nature véritable de la relation contractuelle de la FBN avec son personnel. Compte tenu de l’importance de la bonne gestion des marchés financiers au Québec et dans le reste du Canada, et compte tenu du fait que l’adoption de pratiques abusives ou frauduleuses par certaines maisons de courtage aurait de sérieuses répercussions sur la réputation de l’ensemble des maisons de courtage, notamment la diminution de la confiance des investisseurs dans l’industrie du courtage, il va de soi que les différentes maisons de courtage se sont regroupées au sein de l’ACCOVAM pour adopter des règles strictes de réglementation et que la Commission des valeurs mobilières a jugé approprié en 1982 de confier à cet organisme l’administration et la réglementation des activités des courtiers en valeurs mobilières.

[203]        Pour obtenir un exemple de cela au sein de l’industrie des valeurs mobilières, voir l’affaire Financière Banque Nationale, note 151 plus haut, aux par. 27 et suivants.

[204]        Ce problème était plus aigu avant la mise en vigueur du nouveau Code civil en 1994 parce que ces termes n’étaient pas définis dans l’ancien code et les tribunaux suivaient diverses approches. À ce sujet, voir mon article.

[205]        Pour une illustration de cette situation, voir La Capitale, note 198 plus haut, au par. 27.

[206]        L’article 1 de la Loi définit un « représentant » comme étant « le représentant en assurance, l’expert en sinistre et le planificateur financier ».

[207]        L’article précis de cette Loi n’est pas mentionné dans la liste de vérification de la conformité, mais je suppose que l’intention est de se conformer à l’article cité par l’avocat de l’IA dans sa lettre du 3 juin 2015 et adressée à la Cour, c’est-à-dire l’art. 10 de la Loi sur la protection des renseignements, reproduit plus haut.

[208]        Consultez l’annexe A des présents motifs pour voir les nombreuses normes qui s’appliquent aux agents ainsi qu’une description des moyens de contrôle mis en place par la compagnie et des sanctions correspondantes à appliquer en cas de non-respect des normes. Donc, contrairement à ce qu’a écrit l’avocat de l’IA dans ses observations écrites du 3 juillet 2015, aux par. 16 et 17, il existe de nombreuses normes, règles et obligations que l’IA a ajoutées aux normes prévues par la loi et la réglementation, et plusieurs d’entre elles proviennent d’un regroupement volontaire pour l’autoréglementation.

[209]        Pièce A-62.

[210]        Dans son témoignage, M. Leclerc a confirmé que le contrat de M. Mazraani a été résilié parce qu’il n’a pas produit de revenu pendant cinq semaines. Voir les pages 206 et 207 de la transcription du 15 juin.

[211]        Pièce A-42.

[212]        Pièce A-57, p. 6.

[213]        Pièce A-51.

[214]        Pièce A-10, par. 26.

[215]        À la page 9 du Module 3, « Planification, organisation, contrôle », pièce A-57.

[216]        Pièce A-57.

[217]        Pages 165 et 166 de la transcription du 15 juin.

[218]        P. 161 et 162 de la transcription du 15 juin.

[219]        Pièce A-69.

[220]        Pièce A-51.

[221]        Voici ce qu’il a déclaré à la p. 214 de la transcription du 15 juin :

M. MAZRAANI : Je comprends. 

Mais, monsieur Leclerc, comment -- vous avez dit auparavant que M. Beaulé passe 50 % de son temps avec les agents, n’est-ce pas?

M. LECLERC : M’hm.

M. MAZRAANI : D’accord. Comment -- il ne vous a pas parlé de ce que font les agents et de ce qu’il fait avec les agents?

JUGE ARCHAMBAULT : Vous tient-il au courant de ses activités?

M. LECLERC : Non, je n’ai pas besoin de savoir tous les jours à quelle heure il va manger, avec qui il est, qu’est-ce qu’il fait.

JUGE ARCHAMBAULT : Non, ce n’est pas ce qu’il a dit. Il vous demande, de façon générale, est-ce que vous -- est-ce que M. Beaulé vous informe de ses activités?

M. LECLERC : Non, pas au jour le jour.

. . .

JUGE ARCHAMBAULT : Vous ne connaissez pas ce détail?

M. LECLERC : Non, je n’ai pas besoin de ces détails parce que ce sont des professionnels, ils ont l’expérience et ils savent comment encadrer les gens.

[222]        J’aborderai ces questions plus loin, à la rubrique « Idées fausses sur les impôts ».

[223]        Voir l’article 13 du contrat d’agent.

[224]        Pages 167 et 168 de la transcription du 12 mai.

[225]        Pages 54 et 55 de la transcription du 12 mai 2012.

[226]        L’avocate à l’interne a également déclaré que ces Normes de conduite et la Politique sur les communications étaient jointes aussi aux contrats des courtiers indépendants avec lesquels la compagnie traitait. Cependant, l’introduction des Normes de conduite fait référence aux employés et au personnel des ventes. Dans la section qui traite des contrôles et des sanctions, les Normes de conduite font référence au contrat d’agent et à la non-conformité par l’agent. La Politique sur les communications fait référence aux « agents de la compagnie ». Il est donc peu probable que ces documents fassent également référence aux courtiers indépendants. Pour cette raison, et pour les raisons données ci-dessous quant à la crédibilité de l’avocate à l’interne, je ne considère pas que ce fait a été établi à ma satisfaction. Une copie du contrat du courtier indépendant et les documents joints auraient dû être déposés en preuve pour corroborer sa déclaration. Pour ce qui est de la Politique sur les communications, elle a dit dans son témoignage que sa déclaration se fondait sur une vérification qu’elle avait faite auprès de son bureau, ce qui représente du ouï-dire et n’est pas fiable en l’espèce. (Voir la page 14 de la transcription du 2 juin.)

[227]        Pages 7 et 25 de la transcription du 12 mai.

[228]        Il faut souligner que, même si l’on avait découvert après la présentation des éléments de preuve des deux parties que des documents qui auraient dû apparemment être joints au contrat étaient manquants, la jurisprudence appuie la proposition selon laquelle un juge a le droit de demander de rouvrir la preuve s’il conclut que la preuve est complète ou contient des lacunes. Voir Poulin c. Laliberté, [1953] B.R. 8, une décision d’une cour d’appel du Québec prononcée par le juge Rinfret, qui est citée et abordée dans La preuve civile, Jean-Claude Royer, 2e édition, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 1995, aux p. 116 et suivantes.

[229]        Voici ce que M. Leclerc il a dit aux p. 80 et 81 de la transcription du 15 juin :

M. LECLERC : . . . Parce que, au quotidien, s’il y a quoi que ce soit, il doit voir son encadreur -- encadreur personnel qui est à sa disposition, mais parfois si j’ai besoin de plus amples précisions ---

JUGE ARCHAMBAULT : Qui était son encadreur personnel?

M. LECLERC : M. René Beaulé.

. . .

M. LECLERC : Mais ils l’ont appelé un directeur des ventes, mais en -- en réalité c’est un encadreur parce que ---

M. TURGEON : Qu’est-ce que c’est?

M. LECLERC : Parce que son travail n’est pas le travail habituel d’un directeur des ventes parce qu’il n’a rien à organiser, il doit tout simplement aider les gens à s’assurer qu’ils ont tous les outils dont ils ont besoin pour réussir. S’ils ont besoin d’aide, il va sur le terrain et fait de la formation s’ils en ont besoin. Il s’assure que les gens ont tous accès à des ordinateurs et tout le reste pour s’assurer qu’ils sont vraiment autonomes.

[Non souligné dans l’original.]

Je peux m’imaginer M. Leclerc dans une usine de fabrication de vêtements qui dit que le contremaître ou la contremaîtresse n’est là que pour aider les couturiers et les couturières en s’assurant qu’ils ont les outils et le matériel pour pouvoir coudre, et qu’il ne les supervise pas, ne les dirige pas et ne les contrôle pas! Après tout, ces couturières et ces couturiers sont des entrepreneurs indépendants étant donné qu’ils travaillent uniquement à la pièce.

[230]        Pièce A-42, p. 1, huitième paragraphe.

[231]        Page 176 de la transcription du 12 mai. Voici une de ses réponses au sujet du rôle du directeur des ventes :

M. MICHAUD : Eh bien, il pouvait vous appeler, mais je dirais que lorsque nous appelons le conseiller, c’est pour son bien-être. Ce n’est pas pour nous, car en bout de ligne, comme je l’ai dit, le compte de banque contrôle la banque -- contrôle les conseillers.

[Non souligné dans l’original.]

[232]        Pages 174 à 176 de la transcription du 12 mai.

[233]        Le rapport hebdomadaire des ventes pour la semaine du 20 juillet 2012 indique le rendement des agents en ce qui concerne le « Concours du président ». M. Mazraani n’avait aucune police admissible. Le rapport concernant la 42e semaine du quatrième trimestre comportait quatre polices sur un total de cinq qu’il avait été en mesure de vendre pendant la période qu’il a travaillé pour l’Industrielle Alliance (Pièce A-31). La pièce A-38 indique les meilleurs vendeurs de la semaine de même que la date d’anniversaire d’un agent et l’anniversaire de service de deux autres. Voir la pièce A-45 pour la liste « Meilleurs agents d’assurance-vie » de la province de Québec. Voir aussi la pièce A-67 intitulée « Concours du président 2012 ».

[234]        Pièce A-64.

[235]        Voir la page 164 de la transcription du 15 juin.

[236]        Par exemple, à la section V D. (1) « Formation et réunions obligatoires ».

[237]        Pièce A-60.

[238]        Voir les pages 168 et 169 de la transcription du 15 juin. 

[239]        M. Leclerc a donné la réponse suivante aux pages 190 et 191 de la transcription du 15 juin :

M. LECLERC : D’après ce que je vois, c’est le directeur des ventes qui a vu l’erreur et qui a demandé à Loraine de la corriger.

. . .

M. LECLERC : Donc, je ne vois rien -- il est normal que le directeur aide ses conseillers financiers à apporter des corrections.

          [Non souligné dans l’original.]

Cela démontre que le directeur des ventes faisait plus que de l’encadrement. Il contrôlait le travail de M. Mazraani et a pris les mesures pour faire corriger l’erreur! Cela démontre également que le mot « aider » dans la bouche de M. Leclerc est synonyme de « superviser » et de « contrôler ».

[240]        P. 189 et 190 de la transcription du 15 juin.

[241]        P. 192 et 193 de la transcription du 15 juin.

[242]        Pièce A-42.

[243]        P. 150 et 151 de la transcription du 15 juin.

[244]        L’avocat représentant la Compagnie devant la Cour.

[245]        P. 152 et 153 de la transcription du 15 juin.

[246]        Pièce A-57, Module 9, « Service et suivi », à la page 5.

[247]        En plus de toute responsabilité qui pourrait découler de l’application du Code civil, l’article 80 de la Loi sur la distribution rend la compagnie responsable de tout préjudice subi par un client en raison de l’erreur commise par un de ses représentants dans l’exercice de ses fonctions de représentant.

[248]        Pièce R-1, p. 4 de 8.

[249]        Voir, par exemple, à la p. 83 de la transcription du 15 juin, le témoignage de M. Leclerc.

[250]        « Le travail de représentant consiste à  . . assister aux rencontres d’agence » (p. 6 du Module 3. « Planification, Organisation, Contrôle », pièce A-57). « J’assiste aux rencontres d’agence » (pièce A-42).

[251]        Pièces A-40 et A-39.

[252]        Pièce A-59.

[253]        Voir la pièce A-30, qui dresse la liste des « Réunions et Formations UFC » du 25 octobre au 13 décembre 2012.

[254]        Pages 172 et 173 de la transcription du 12 mai 2012.

[255]        Il faut se rappeler que tant M. Charbonneau que l’avocate à l’interne ont déclaré qu’ils ne vérifient qu’entre 5 et 10 % des transactions.

[256]        Pages 99 et 100 de la transcription du 12 mai. Comme je l’ai mentionné à maintes reprises précédemment, l’IA avait des raisons d’affaires de superviser le travail de ses agents, parce que sa responsabilité est toujours une préoccupation.

[257]        Pages 53 de la transcription du 12 mai 2012.

[258]        Dans l’un des extraits susmentionnés, il a déclaré que la compagnie ne supervise pas une transaction, mais la surveille! Il est également utile de souligner le fait que le mot « superviser » peut apparemment être synonyme de « s’assurer »!

[259]        Pages 53 et 54 de la transcription du 12 mai 2012.

[260]        Pour ce qui est de la constitution en société. Voir les pages 114 et 115 de la transcription du 12 mai.

[261]        Pour ce qui est de l’embauche d’un adjoint. Voir les pages 116 et 117 de la transcription du 12 mai.

[262]        Pages 117 et 118 de la transcription du 12 mai.

[263]        Page 162 de la transcription du 12 mai.

[264]        Pages 96 et 97 de la transcription du 12 mai.

[265]        Pages 178 à 180 de la transcription du 12 mai.

[266]        Voir la pièce A-3.

[267]        Voir la page 136 de la transcription du 1er juin.

[268]        Elle n’a jamais indiqué l’article précis du Code de déontologie réglementaire dans son témoignage et l’avocat de la compagnie n’a pas abordé cette question précise dans ses arguments. J’ai regardé et voici les deux articles que j’ai pu relever. À mon avis, l’art. 5 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, c. D-9.2, r. 2 ressemble beaucoup plus à l’article 2 que l’art. 16 du Code de déontologie réglementaire :

5.  Le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire de la publicité ou des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

[Non souligné dans l’original.]

16.  Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des déclarations ou des représentations incomplètes, fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur.

[Non souligné dans l’original.]

[269]        Pages 10 à 12 de la transcription du 2 juin.

[270]        Les Normes de conduite, à la page 1, comptent 12 normes à respecter, tandis que le Code de déontologie réglementaire compte 43 articles décrivant les fonctions et obligations des agents. Les Normes de l’industrie se composent de 44 normes.

[271]        Voir les Normes de l’industrie, reproduites à l’annexe A, à la rubrique « Publicité ».

[272]        Voir l’annexe A.

[273]        Voici ce que dispose le Code réglementaire de déontologie :

33.  Le représentant ne doit pas faire défaut de payer à un assureur, sur demande ou à l’expiration d’un délai imparti, les sommes qu’il a perçues pour lui.

[Non souligné dans l’original.]

[274]        Voir les Normes de l’industrie, reproduites à l’annexe A de ces motifs.

[275]        Consulter aussi les par. 85 à 89 ci-dessus, à la rubrique « Autres instructions » de la partie E de la section Description factuelle (section IV) des présents motifs pour obtenir une liste plus complète des règles qui ne sont pas conformes au témoignage de l’avocate à l’interne.

[276]        Pages 16 à 18 de la transcription du 2 juin.

[277]        Voir le paragraphe 119 des motifs de la CRT, pièce A-10.

[278]        Robert P. Gagnon, précité, note 147 par. 94.

[279]        Voir les art. 75 et 78 de la Loi sur les impôts du Québec et ce qui est dit ci-dessous à la rubrique « Idées fausses sur les impôts ».

[280]        Pièce A-20, art. 4, et pièce I-8, art. 5.

[281]        Contrairement au point de vue exprimé par M. Michaud pour expliquer les différences entre le traitement des agents de l’IA avant 1993 et après 1992, cela démontre que les employés pouvaient vendre leur droit de représenter des clients. Cela n’était pas limité aux entrepreneurs indépendants.

[282]       Dans LA VALSE-HÉSITATION DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE DANS L’APPLICATION DES LOIS FÉDÉRALES AU QUÉBEC, Marie-Pierre ALLARD et Chantal JACQUIER, Collection APFF, février 2011, CCH 2011, les auteurs font les observations suivantes au sujet des motifs du juge de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Combined Insurance :

En première instance, le juge McArthur de la Cour canadienne de l’impôt avait appliqué l’article 8.1 de la Loi d’interprétation ainsi que les dispositions pertinentes du Code civil du Québec plutôt que les critères de common law de l’arrêt Wiebe Door Services. Il avait examiné s’il existait ou non un lien de subordination, tel qu’il est prévu au Code civil du Québec. La décision de la Cour canadienne de l’impôt, rendue le 6 mai 2005, précédait celle de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire 9041, rendue le 17 octobre 2005.

Dans une volte-face spectaculaire et inexpliquée, la Cour d’appel fédérale, sous la plume du juge Nadon, infirme la décision de la Cour canadienne de l’impôt et renverse complètement la position qu’elle avait prise sans équivoque dans l’arrêt 9041. Elle ne mentionne même pas cet arrêt. Elle écarte implicitement le principe de complémentarité du droit civil québécois avec la loi fédérale et revient à une application uniforme du concept d’employé, basée sur les principes de common law.

La Cour d’appel fédérale dans l’affaire Combined Insurance se fonde essentiellement sur les critères de common law énoncés dans les affaires Wiebe Door Services et Sagaz Industries, ainsi que sur d’autres décisions portant sur l’application de la loi dans des provinces de common law, notamment l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. MRN.

La Cour mentionne certes, dans l’affaire Combined Insurance, les articles pertinents du Code civil du Québec, mais elle applique les critères de common law indépendamment du critère du lien de subordination du droit civil. La Cour s’appuie sur des arrêts, dans des affaires émanant du Québec, qu’elle a rendus avant 2005, c’est-à-dire avant l’arrêt 9041, dans lequel elle affirmait pourtant vouloir mettre un terme au flottement jurisprudentiel sur la source de droit applicable au Québec.

[Soulignement ajouté et notes omises.]

[283]        Voici ce qu’a déclaré le juge Décary au par. 2 :

En ce qui a trait à la nature du contrat, le juge en est arrivé à la bonne solution, mais il y est parvenu, à mon humble avis, de la mauvaise manière. Nulle part, en effet, ne traite-t-il des dispositions du Code civil du Québec, se contentant, à la fin de son analyse de la preuve, de référer aux règles de common law énoncées dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1986] 3 C.F. 533 (C.A.F.) et 671122 Ontario Ltd. Sagaz c. Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. Cette méprise, je m’empresse de le souligner, n’est pas nouvelle et trouve son explication dans un flottement jurisprudentiel auquel le temps est venu de mettre un terme.

[Non souligné dans l’original.]

[284]        Ces dispositions sont ainsi rédigées :

Éléments déductibles

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

i) Cotisations et autres dépenses liées à l’exercice de fonctions

les sommes payées par le contribuable au cours de l’année, ou les sommes payées pour son compte au cours de l’année si elles sont à inclure dans son revenu pour l’année, au titre :

. . .

(ii) du loyer de bureau ou du salaire d’un adjoint ou remplaçant que le contrat d’emploi du cadre ou de l’employé l’obligeait à payer,

(l.1) Cotisations au Régime de pensions du Canada et prime [AE] prévue par la Loi sur l’assurance-emploi

les sommes payables par le contribuable au cours de l’année

(i) à titre de cotisation patronale en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi,

(ii) à titre de cotisation de l’employeur en vertu du Régime de pensions du Canada ou en vertu d’un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi, relativement au salaire, au traitement ou à toute autre rémunération, y compris les gratifications, payés à un particulier employé par le contribuable à titre d’adjoint ou de remplaçant pour exercer les fonctions de la charge ou de l’emploi du contribuable, si le contribuable peut déduire une certaine somme pour l’année, en vertu du sous-alinéa i)(ii), relativement à ce particulier.

Les articles 78 et 75 de la Loi sur les impôts du Québec, promulguée par l’Assemblée nationale, contiennent des dispositions semblables.

[285]        En l’espèce, les commissions constituaient la seule rémunération.

L’alinéa 8(1)f) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose ce qui suit :

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

. . .

f) Dépenses de vendeurs

lorsque le contribuable a été, au cours de l’année, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur, et lorsque, à la fois :

(i) il était tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses,

(ii) il était habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur,

(iii) sa rémunération consistait en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés,

(iv) il ne recevait pas, relativement à l’année d’imposition, une allocation pour frais de déplacement qui, en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(v), n’était pas incluse dans le calcul de son revenu,

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année pour gagner le revenu provenant de son emploi (jusqu’à concurrence des commissions ou autres rétributions semblables fixées de la manière prévue au sous-alinéa (iii) et reçues par lui au cours de l’année) dans la mesure où ces sommes n’étaient pas :

(v) des dépenses, des pertes ou des remplacements de capital ou des paiements au titre du capital, exception faite du cas prévu à l’alinéa j),

(vi) des dépenses qui ne seraient pas, en vertu de l’alinéa 18(1)l), déductibles dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, si son emploi relevait d’une entreprise exploitée par lui;

(vii) des montants dont le paiement a entraîné la réduction du montant qui serait inclus par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année en application de l’alinéa 6(1)e);

[Non souligné dans l’original.]

[286]        Voir l’article 125 de la Loi, en particulier la notion d’« entreprise de prestation de services personnels » au paragraphe 125(7), qui a été ajoutée en 1984, ch. 45, par. 40(1), applicable aux années d’imposition 1985 et suivantes, soit près de dix ans avant que l’IA ne modifie son modèle d’affaires :

« entreprise de prestation de services personnels » S’agissant d’une entreprise de prestation de services personnels exploitée par une société au cours d’une année d’imposition, entreprise de fourniture de services dans les cas où :

a) soit un particulier qui fournit des services pour le compte de la société — appelé « employé constitué en société » à la présente définition et à l’alinéa 18(1)p);

b) soit une personne liée à l’employé constitué en société,

est un actionnaire déterminé de la société, et où il serait raisonnable de considérer l’employé constitué en société comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle les services sont fournis, si ce n’était de l’existence de la société, à moins :

c) soit que la société n’emploie dans l’entreprise tout au long de l’année plus de cinq employés à temps plein;

d) soit que le montant payé ou payable à la société au cours de l’année pour les services ne soit reçu ou à recevoir par celle-ci d’une société à laquelle elle était associée au cours de l’année.

[Non souligné dans l’original.]

[287]        Pièce R-1 à la page 1 et à la page 8 de 8.

[288]        Pièce R-1, par. 31.

[289]        La traduction anglaise de ce texte est tirée du paragraphe 44 de mon article.

[290]        Il aurait été approprié de le faire si la Loi elle-même définissait ce qui constitue un contrat de travail aux fins de la Loi.

[291]        Voir la page 118 de la transcription du 15 juin. Mme Woo a déclaré qu’il y avait entre 50 et 60 personnes qui travaillaient à la succursale LaSalle, dont 45 à 50 étaient des agents. Donc, sur les 60 personnes qui travaillent à la succursale, seulement environ 10 auraient été des employés (16,6 %)!

[292]        Voir la page 119 de la transcription du 15 juin. À la succursale Laval, il y avait 21 agents sur un total de 51 qui possédaient moins de 12 mois d’expérience : par. 70 des motifs de la CRT, pièce A-10.

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