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Dossier : 2014-1965(GST)G

ENTRE :

ANNIE ST-PIERRE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 30 novembre 2015 à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Gaudreault-Martel

Avocat de l'intimée :

Me David Roulx

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la cotisation, dont l’avis est daté du 26 mars 2013 et porte le numéro F-043428, établie à l’égard de l’appelante est rejeté avec dépens conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada ce 29e jour de juin 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2016 CCI 146

Date : 20160629

Dossier : 2014-1965(GST)G

ENTRE :

ANNIE ST-PIERRE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]       Il s’agit ici d’un appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelante par le ministre du Revenu du Québec en tant que mandataire du ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du paragraphe 325(2) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985) c. E-15, telle que modifiée (la « LTA »), dont l’avis est daté du 26 mars 2013 et porte le numéro F-043428.

[2]       L’appelante a été cotisée pour un montant de 7 604,72 $ en tant que tierce personne suite à un transfert d’argent de 27 000 $ que lui a consenti la société Service d’urgence sinistre Yon inc. (« Service d’urgence ») sans contrepartie de sa part.

[3]       En établissant la cotisation à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé, entre autres, sur les hypothèses de faits et les conclusions suivantes, énoncées au paragraphe 17 de la Réponse à l’avis d’appel :

a)    L’appelante est avocate de formation et membre du Barreau du Québec depuis plusieurs années;

b)    L’appelante et Monsieur Dany Yon, actionnaire unique de Service d’urgence, sont des personnes liées au sens de la LTA;

c)    En effet, l’appelante était la conjointe de fait de Monsieur Dany Yon au moment du transfert intervenu le 23 juillet 2010;

d)    L’appelante a habité à Boucherville du 22 novembre 2007 au 5 juillet 2011, avec Monsieur Dany Yon, une maison unifamiliale lui appartenant dans laquelle Monsieur Dany Yon y a habité du 15 avril 2009 au 13 avril 2011, selon les renseignements déclarés par Monsieur Dany Yon et l’appelante auprès de la SAAQ;

e)    De plus, ces renseignements concordent avec ceux détenus par le Ministre à l’effet que cette maison unifamiliale de Boucherville a été habitée par Monsieur Dany Yon du 14 avril 2009 au 28 avril 2011 et par l’appelante du 26 novembre 2007 au 25 juillet 2011;

f)     Auparavant, l’appelante a habité dans la ville de Saint-Denis-sur-Richelieu du 25 août 2006 au 25 novembre 2007 avec Monsieur Dany Yon qui y a habité du 15 novembre 2006 au 14 avril 2009;

g)    En 2009, l’appelante était également copropriétaire avec Monsieur Dany Yon d’une roulotte résidentielle acquise en août 2005 et installée sur un terrain de camping situé à Saint-Jean Baptiste;

h)    Aussi, le 5 juillet 2011, lorsque le Ministre a fait signifier un bref de saisie contre Monsieur Dany Yon dans une propriété appartenant à l’appelante, deux véhicules appartenant à Service d’urgence sinistre Yon 2010 inc., compagnie dont le seul actionnaire est Monsieur Dany Yon, se trouvaient chez l’appelante;

i)     Le 13 juillet 2011, l’appelante a communiqué avec une représentante du Ministre pour mentionner qu’un ami lui avait demandé de pouvoir stationner ces véhicules chez elle tout en affirmant qu’elle ne savait pas à quelle compagnie appartenaient ces véhicules;

j)     Le 16 août 2011, l’appelante s’est opposée que partiellement à la saisie des biens effectuée chez elle;

k)    Le 5 novembre 2012, le représentant de l’appelante au stade de l’opposition, Me Olivier Brault, a mentionné à une représentante du Ministre qu’il n’était pas possible pour l’appelante de fournir la preuve du dépôt du prétendu remboursement du prêt à Service d’urgence;

l)     Il a également mentionné, lors de ce même entretien, que l’appelante était séparée de Monsieur Dany Yon et que le prétendu remboursement fait par l’appelante faisait partie d’une obligation de séparation;

m)   Ces affirmations non équivoques attestent la véritable relation de conjoint existant entre l’appelante et Monsieur Dany Yon;

n)    Le 13 mars 2013, le même représentant, Me Olivier Brault, a indiqué à une représentante du Ministre que Monsieur Dany Yon était colocataire de l’appelante à fin d’expliquer deux chèques émis en faveur de cette dernière en date du 7 mai et 17 juin 2010 par Service d’urgence, apparemment, pour paiement de loyer;

o)    Au stade de l’opposition, le représentant de l’appelante a prétendu que Monsieur Dany Yon a toujours été le colocataire de l’appelante, ajoutant que les parties avaient une entente verbale concernant le bail, sans toutefois fournir d’explications concernant la relation et la nature des arrangements qui existaient entre l’appelante et Monsieur Dany Yon;

p)    Au moment du transfert de la somme de 27 000 $, Service d’urgence, dont le seul actionnaire est Monsieur Dany Yon, conjoint de fait de l’appelante, était redevable à l’égard du Ministre, pour les années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010, d’un montant total de 654 858,04 $ en vertu de la Loi sur les impôts RLRQ, chapitre1 1-3, de la TPS et de la TVQ;

q)    En plus d’être liée à Monsieur Dany Yon, l’appelante n’a pas prouvé le remboursement allégué du transfert de 27 000 $ effectué le 23 juillet 2010 en sa faveur par Service d’urgence;

r)     En effet, l’appelante prétend avoir remboursé, le 30 janvier 2011, Service d’urgence, en argent comptant, un montant de 27 000 $ et transmet, comme preuve, un extrait caviardé d’un relevé bancaire émis par la Banque de Montréal;

s)     Ce relevé caviardé montre que des retraits au montant de 20 000 $ et 15 000 $ ont été effectués respectivement les 18 et 21 janvier 2011;

t)     Le solde d’ouverture du compte bancaire en date du 25 décembre 2011 est de 4 079,08 $ et le solde de fermeture le 25 janvier 2011 est de 32,67 $;

u)    Ce relevé démontre ainsi qu’un montant total de 39 962,24 $ a été débité et qu’un montant total de 44 008,65 $ a été crédité au compte de l’appelante pour la période terminée le 25 janvier 2011, sans prouver un quelconque remboursement;

v)    L’appelante a refusé de fournir au Ministre une copie non élaguée de son relevé bancaire en prétextant que les renseignements y contenus relevaient de sa vie privée;

w)   L’appelante a également refusé de fournir des explications concernant la provenance des quatre dépôts effectués dans son compte bancaire du mois de janvier 2011;

x)    L’appelante n’a pas fourni d’explication sur le fait que les deux retraits qui auraient servi à rembourser le soi-disant emprunt totalisent un montant supérieur (35 000 $) au montant du soi-disant emprunt de 27 000 $;

y)    L’appelante n’a pas expliqué les raisons qui, le 23 juillet 2010, l’auraient incité à « emprunter » une somme de 27 000 $ de Service d’urgence alors qu’elle prétend avoir prêté à cette dernière une somme de 7 000 $ le 8 janvier 2010;

z)    La déclaration d’impôt de Service d’urgence pour l’année 2010 n’a pas été produite;

aa)   De plus, le compte bancaire de Service d’urgence est inactif depuis le 5 octobre 2010, soit depuis qu’une saisie a été effectuée par le Ministre et aucune preuve de quelconques dépôts effectués dans le compte de Service d’urgence n’a été transmise par l’appelante à fin de prouver le soi-disant remboursement;

bb)  L’appelante est donc cessionnaire d’un bien provenant de la cédante, Service d’urgence, appartenant à son conjoint au moment du transfert, et en contrepartie duquel aucun montant n’a été payé;

cc)   L’appelante est donc solidairement tenue au paiement de la dette fiscale dont Service d’urgence est redevable en vertu de la L.T.A, jusqu’à concurrence de l’excédent de la juste valeur marchande du bien sur la contrepartie payée;

[4]       Le ministre a établi la cotisation à l’égard de l’appelante pour un montant payable en application du paragraphe 325(1) de la LTA. L’article 325 de la LTA énonce les circonstances dans lesquelles une personne liée ou ayant un lien de dépendance avec l’auteur du transfert d’un bien en sa faveur peut être tenu responsable des dettes fiscales de l’auteur du transfert. Le paragraphe 325(1) se lit comme suit :

Transfert entre personnes ayant un lien de dépendance – La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à son époux ou conjoint de fait, ou à un particulier qui l’est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants :

a)         le résultat du calcul suivant :

A – B

A représente l’excédent éventuel de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien,

B l’excédent éventuel du montant de la cotisation établie à l’égard du cessionnaire en application du paragraphe 160(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement au bien sur la somme payée par le cédant relativement à ce montant;

b)         le total des montants représentant chacun :

(i)   le montant dont le cédant est redevable en vertu de la présente partie pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour ses périodes de déclaration antérieures,

(ii) les intérêts ou les pénalités dont le cédant est redevable à ce moment.

Toutefois, le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du cédant découlant d’une autre disposition de la présente partie.

[5]       Pour que l’article 325 puisse s’appliquer, deux conditions doivent être rencontrées. Il doit d’abord y avoir un transfert de bien entre personnes liées (époux, conjoint de fait ou enfant de moins de 18 ans) ou entre personnes ayant un lien de dépendance entre elles et, deuxièmement, la juste valeur marchande du bien au moment du transfert doit excéder la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert de bien.

[6]       Le 23 juillet 2010, l’appelante a reconnu avoir reçu de Service d’urgence la somme de 27 000 $ au moyen d’une traite bancaire de BMO Banque de Montréal, succursale Les Promenades de Montarville. Selon elle, il s’agissait d’un prêt qu’elle aurait remboursé intégralement le 30 janvier 2011.

[7]       L’appelante a de plus produit un document intitulé « Prêt » par lequel elle reconnaît avoir reçu de monsieur Dany Yon et Service d’urgence un prêt au montant de 27 000 $ remboursable au plus tard le 27 juillet 2011, le tout sans intérêt. Elle seule a signé ce document daté du 27 juillet 2010.

[8]       Lors de son témoignage, l’appelante a affirmé avoir utilisé l’argent obtenu de Service d’urgence pour effectuer une mise de fonds initiale pour l’achat avec une amie, Brigitte Bélanger, d’un immeuble de trois ou quatre logements, situé sur la rue Joliette à Montréal. L’appelante a mis en preuve une traite bancaire de BMO Banque de Montréal, succursale Les Promenades de Montarville, pour la somme de 28 348,68 $, émise au nom de François Gareau In Trust, notaire. L’appelante a également mis en preuve une photocopie d’un relevé bancaire pour la période se terminant le 25 août 2010 sur lequel on constate un retrait d’un montant de 28 348,68 $ effectué le 5 août 2010 au moyen d’une traite bancaire.

[9]       Pour démontrer le remboursement du prêt, l’appelante a mis en preuve un document intitulé « Reçu Quittance » qu’elle a reconnu avoir préparé et par lequel monsieur Dany Yon, tant personnellement qu’en sa qualité de président et principal actionnaire de Service d’urgence, reconnaît avoir reçu de madame Annie St-Pierre en date du 30 janvier 2011 la somme de 27 000 $ en argent comptant, en remboursement complet et final du prêt consenti le 27 juillet 2010 pour le même montant. Monsieur Dany Yon, tant personnellement qu’en sa qualité de président et de principal actionnaire de Service d’urgence, a de plus libéré, déchargé et donné quittance complète et finale à madame Annie St-Pierre et s’est engagé à tenir madame Annie St-Pierre quitte et indemne de toute réclamation, demande ou action de qui que ce soit découlant du prêt.

[10]  Lors de son témoignage, l’appelante a soutenu qu’elle avait utilisé le produit de la vente de sa propriété située au 799, Chemin de Touraine à Boucherville pour rembourser le prêt à Service d’urgence. Au soutien de ses allégations, l’appelante a mis en preuve un état des déboursements du vendeur préparé par le cabinet Bolduc & Huard, Notaires Inc. et daté du 14 janvier 2011 qui montre un produit net de la vente de 92 859,13 $, lequel montant a été déposé par l’appelante dans son compte d’épargne le 18 janvier 2011. Le relevé du compte d’épargne de l’appelante pour la période terminée le 25 janvier 2011 montre un dépôt de 92 859,13 $ effectué le 18 janvier 2011 et un virement de 35 000 $ effectué le même jour au compte chèque de l’appelante. Selon l’appelante, ce virement de 35 000 $ aurait servi à rembourser Service d’urgence.

[11]  Selon l’appelante, elle a retiré 20 000 $ comptant de son compte chèque le 18 janvier 2011 de même qu’un montant de 15 000 $ comptant le 21 janvier 2011. Le relevé du compte chèque de l’appelante pour la période terminée le 25 janvier 2011 montre ces deux retraits totalisant 35 000 $. L’appelante ne s’est pas rappelé en quelles coupures ces retraits ont été effectués. L’appelante aurait gardé tout cet argent chez elle dans un garde-robe. Par contre, elle n’a pas été en mesure de fournir la date à laquelle elle a remis l’argent à monsieur Yon, ni à préciser l’endroit où le remboursement a eu lieu : à la banque, à sa résidence de 205, rue Le Baron à Boucherville ou ailleurs, ou si d’autres personnes comme des préposées de la banque étaient présentes lors du remboursement du prêt.

[12]  L’appelante a également expliqué, qu’antérieurement à l’année 2010, il n’y a pas eu de prêts entre elle et monsieur Yon mais qu’à compter du mois de janvier 2010, elle lui a consenti des prêts sans intérêt en attendant que certains de ses clients paient les factures pour les services qu’il leur a rendus. Elle a notamment fait référence à des prêts de 500 $, 7 000 $ et de 10 000 $, lesquels ne comportaient pas d’intérêts et auraient tous été remboursés en totalité. De plus, elle a affirmé ne pas connaître la situation financière de monsieur Yon et de Service d’urgence et n’avoir appris pour la première fois l’existence de dettes fiscales (taxes sur les produits et services et taxes de vente du Québec) que le 12 juillet 2011 lors de la saisie mobilière effectuée à son domicile sur la rue Le Baron à Boucherville. Ladite saisie a été effectuée par le sous-ministre du Revenu du Québec suite à un jugement rendu le 26 octobre 2010 à l’encontre de monsieur Yon pour des montants de taxe sur les produits et services cotisés en tant qu’administrateur de sa société Service d’urgence. Suite à ce jugement, le compte de banque de la société Service d’urgence a été saisi et n’a pas fait l’objet d’une main levée par la suite.

[13]  L’appelante s’est opposée à la saisie-exécution mobilière et a demandé l’annulation de la saisie des biens meubles qui lui appartenaient. Elle a effectivement obtenu une main levée de la saisie-exécution à l’égard des biens dont elle était propriétaire. Deux des trois véhicules qui étaient sur place n’ont pas été saisis parce qu’ils appartenaient à Service d’urgence. L’autre véhicule appartenait à l’appelante.

[14]  Quant à ses relations avec monsieur Yon, l’appelante a reconnu qu’il a cohabité avec elle dans ses maisons pour des périodes intermittentes et qu’elle a eu des relations sexuelles avec lui. Par contre, elle a affirmé que monsieur Yon n’était pas un conjoint de fait et ne l’a jamais déclaré comme tel dans ses déclarations de revenus.

[15]  L’appelante a expliqué qu’elle avait rencontré monsieur Yon en 2004 alors qu’elle était étudiante et travaillait pour un cabinet d’avocats. L’appelante et monsieur Yon se sont fréquentés dans les mois qui ont suivi leur rencontre et il serait venu habiter avec elle en 2006 alors qu’elle était propriétaire de la résidence située sur la rue Cartier à Saint-Denis-sur-Richelieu. L’appelante a vendu ladite résidence au mois de septembre 2007 et elle a acheté une autre résidence située sur la rue De Touraine à Boucherville en novembre 2007. Entre les mois de septembre à novembre 2007, l’appelante a habité chez sa sœur. Monsieur Yon a habité chez l’appelante de 2007 à 2011 pendant des périodes plus ou moins longues. Il aurait notamment quitté la résidence de l’appelante en 2008 de même qu’au mois de mai 2009. Monsieur Yon aurait de nouveau habité chez l’appelante entre les mois de mai à novembre 2010. Monsieur Yon n’aurait pas habité chez l’appelante de façon permanente (sauf en situation de dépannage seulement) alors qu’elle a été propriétaire de la résidence située sur la rue Le Baron à Boucherville, soit du 4 janvier 2011 jusqu’au mois de février 2012. Du mois de février 2012 jusqu’au 14 mai 2012, l’appelante a habité chez sa sœur. À compter du 14 mai 2012, l’appelante a habité dans sa résidence située sur la rue des Sureaux à Boucherville et monsieur Yon n’y a pas habité du tout. Ladite résidence est louée depuis janvier 2015 et l’appelante habite depuis au 28 rue De Fontainebleau à Blainville avec un conjoint. De 2006 à 2011, l’appelante n’a pas eu de fréquentations assidues avec d’autres personnes.

[16]  Lors de son témoignage, l’appelante a également fourni des explications concernant sa cohabitation avec monsieur Yon. Il y avait une entente de partage des dépenses de la maison. Monsieur Yon devait payer les dépenses afférentes à la maison comme les comptes d’électricité de même que l’épicerie. L’appelante s’occupait de la répartition des comptes et monsieur Yon était souvent en retard pour le paiement de sa part des dépenses. L’appelante devait notamment payer les comptes de téléphone et de taxes municipales et scolaires et effectuer les paiements hypothécaires mensuels. Elle s’occupait de la préparation des repas, sauf le barbecue. Elle faisait les courses, l’entretien de la maison et le lavage des vêtements alors que monsieur Yon s’occupait de la tonte du gazon. Monsieur Yon lui faisait des cadeaux à l’occasion. Monsieur Yon et l’appelante ont pris des vacances ensembles au Mexique à quelques reprises et ont fait du camping au Domaine de Rouville à Saint-Jean Baptiste. En 2005, monsieur Yon et l’appelante ont fait ensemble l’acquisition d’un terrain et d’une roulotte au camping Rouville et en 2008 monsieur Yon a acheté seul une autre roulotte qu’il a installée sur le terrain du Camping Rouville et il y a habité une bonne partie de l’année 2008.

[17]  L’appelante était indépendante financièrement parlant et n’avait pas de compte de banque conjoint avec monsieur Yon. Aucun enfant n’est issu de la relation entre monsieur Yon et l’appelante.

[18]  Monsieur Dany Yon a témoigné à l’audience. Il a confirmé l’octroi du prêt à l’appelante le 27 juillet 2010 pour l’achat d’un immeuble. Selon lui, l’appelante a remboursé le prêt en question le 30 janvier 2011 en lui remettant en mains propres à la Banque de Montréal le montant dû en argent comptant. Il a affirmé avoir signé le Reçu Quittance le jour même où le prêt a été remboursé. Monsieur Yon a de plus confirmé que l’appelante lui avait plusieurs fois consenti des prêts de moins de 10 000 $ pour vivre.

[19]  En contre-interrogatoire, monsieur Yon a dû confirmer les adresses de son domicile qu’il a fournies à diverses entités ou institutions au cours des années 2006 à 2012. Il a notamment fourni à Revenu Québec, à la Régie de l’assurance‑maladie du Québec et à la Société de l’assurance-automobile du Québec son adresse domiciliaire au 131 rue Cartier à Saint-Denis-sur-Richelieu et au 799, Chemin De Touraine à Boucherville et aux Services Financiers Canadian Tire Limitée dont il détenait une carte de crédit, une adresse domiciliaire au 799, Chemin de Touraine à Boucherville. Dans le cadre de la création d’une fiducie familiale le 28 juin 2007, monsieur Yon a déclaré être domicilié au 131 rue Cartier à Saint-Denis-Sur-Richelieu. Le 8 avril 2009, monsieur Yon s’est fait signifier un bref de saisie de salaire à son domicile situé au 799, Chemin De Touraine à Boucherville. Selon les plumitifs criminel et pénal de monsieur Dany Yon, ce dernier était domicilié au 205 rue Le Baron à Boucherville en juillet 2012, date à laquelle il aurait posé des gestes d’agression et pour lesquels il a dû faire face à quatre chefs d’accusation.

[20]  Monsieur René St-Pierre, le père de l’appelante, a lui aussi témoigné à l’audience. Il a confirmé connaître personnellement monsieur Yon avec qui il semblait entretenir de bonnes relations. Il a rencontré monsieur Yon dans chacune des trois résidences dans lesquelles l’appelante a résidé lors des déménagements et, à l’occasion lors des fêtes de famille. Il a affirmé que les relations entre sa fille et monsieur Yon étaient parfois houleuses et qu’il avait constaté peu de témoignages d’affection ou de tendresse de monsieur Yon envers sa fille, tout en admettant qu’il ne connaissait pas le détail des relations entre sa fille et monsieur Yon. Selon lui, l’appelante ne fréquentait pas d’autres personnes que monsieur Yon.

[21]  Lors de l’audience, quatre représentantes des autorités fiscales fédérales et québécoises ont témoignés. Leurs témoignages ont surtout porté sur les cotisations émises à l’encontre de Service d’urgence et de monsieur Yon et sur les mesures de perception qui ont été prises par les autorités fiscales.

[22]  Service d’urgence a été cotisée par un avis daté du 3 février 2011 pour les périodes de déclaration de TPS/TVQ du 4 décembre 2006 au 31 août 2010, lesquelles étaient manquantes. La somme due en vertu de ladite cotisation était de 189 369,61 $.

[23]  Service d’urgence a également été cotisée par un avis daté du 4 février 2011 pour un montant totalisant 451 072,29 $ en droits, intérêts et pénalités dus en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec pour la période du 4 décembre 2006 au 31 août 2010. Le 2 décembre 2011, Service d’urgence a été cotisée à nouveau en vertu de la Loi sur les impôts du Québec pour un montant de 230 022,79 $ (solde dû de 222 722,79 $) pour son année d’imposition terminée le 31 décembre 2008 et pour un montant total de 40 117,50 $ (solde dû de 40 022,52 $) pour son année d’imposition terminée le 31 décembre 2009.

[24]  Dans le cadre des mesures de perception prises à l’encontre de monsieur Yon et de Service d’urgence, une attention particulière a été accordée aux adresses domiciliaires de monsieur Yon et de l’appelante. La vérification des adresses a démontré que toutes les adresses de monsieur Yon étaient en lien avec celles de l’appelante et que, pour la période comprise entre l’automne 2006 et le printemps 2011, monsieur Yon n’est jamais réellement demeuré ailleurs que chez l’appelante, sauf pour de très courtes périodes de temps.

Questions en litige

[25]  Les questions en litige sont les suivantes :

a) est-ce que l’appelante était la conjointe de fait de monsieur Dany Yon ou avait-t-elle un lien de dépendance avec ce dernier? et

b) est-ce qu’il y a eu un remboursement du montant de 27 000 $ de la part de l’appelante?

Position des parties

[26]  L’appelante soutient ce qui suit :

a)                     elle n’était pas la conjointe de fait de monsieur Dany Yon au sens de la LTA au moment du prêt et ni au moment du remboursement;

b)                     elle a remboursé intégralement le 30 janvier 2011 le prêt de 27 000 $ que monsieur Dany Yon lui a consenti et ce dernier lui a remis le Reçu Quittance dûment signé;

c)                      le remboursement du prêt équivaut à une contrepartie valable qui empêche l’application de l’article 325 de la LTA. L’appelante se fonde sur la décision du juge Boyle rendue dans l’affaire Martin c. La Reine, 2013 CCI 38 qui a exprimé ce principe à l’égard de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[27]  L’intimée soutient ce qui suit :

a)     Service d’urgence dont l’actionnaire unique est monsieur Dany Yon a transféré 27 000 $ à l’appelante;

b)    l’appelante et monsieur Dany Yon sont des personnes liées puisqu’ils étaient des conjoints de fait lorsque le prêt a été consenti le 23 juillet 2010;

c)     l’appelante n’a jamais prouvé le remboursement allégué du prêt de 27 000 $;

d)    le paragraphe 325(1) de la LTA s’applique en l’espèce et l’appelante a été cotisée selon le prorata entre les dettes fiscales de Service d’urgence en vertu de la LTA et de l’ensemble des dettes fiscales globales de ladite société, et ce jusqu’à concurrence de l’avantage reçu. L’appelante a été cotisée selon le calcul suivant :

Dettes en vertu de la LTA=     184 444,98 $

                                                                     X 27 000 $=7 604,72 $

Dettes fiscales globales=          654 858,04 $

 

Analyse

[28]  Le paragraphe 126(1) de la LTA édicte que les personnes liées sont réputées avoir un lien de dépendance et que la question de savoir si des personnes non liées entre elles sont sans lien de dépendance à un moment donné en est une de fait.

[29]  Le paragraphe 126(2) de la LTA précise que les paragraphes 251(2) à (6) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquent aux fins de déterminer si des personnes sont liées pour l’application de la présente partie de la LTA.

[30]  Le paragraphe 251(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que des particuliers unis par union de fait sont considérés comme étant des personnes liées.

[31]  La définition de l’expression « conjoint de fait » est énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu qui se lit comme suit :

« conjoint de fait » En ce qui concerne un contribuable à un moment donné, personne qui, à ce moment, vit dans une relation conjugale avec le contribuable et qui, selon le cas :

a)         a vécu ainsi tout au long de la période de douze mois se terminant à ce moment;

b)         est le père ou la mère d’un enfant dont le contribuable est le père ou la mère, compte non tenu des alinéas 252(1)c) et e) ni du sous-alinéa 252(2)a)(iii).

Pour l’application de la présente définition, les personnes qui, à un moment quelconque, vivent ensemble dans une relation conjugale sont réputées, à un moment donné après ce moment, vivre ainsi sauf si, au moment donné, elles vivaient séparées, pour cause d’échec de leur relation, pendant une période d’au moins 90 jours qui comprend le moment donné.

[32]  Pour être considérés comme conjoints de fait, l’appelante et monsieur Dany Yon doivent avoir vécu dans une relation conjugale pendant 12 mois, et ce, sans séparation de 90 jours consécutifs.

[33]  Il est à noter qu’aucune définition de l’expression « vivre dans une relation conjugale » ne se retrouve dans la Loi de l’impôt sur le revenu et qu’il faut donc se référer aux critères élaborés dans l’arrêt Molodowich v. Penttinen, (1980) O.J. no 1904 qui ont d’ailleurs été repris par la Cour Suprême du Canada (la « CSC ») dans l’arrêt M v. H, [1999] 2 R.C.S. 3 aux par. 59 et 60. La CSC y définit clairement l’expression « vit dans une relation conjugale » comme étant la suivante :

Molodowich c. Penttinen, 1980 CarswellOnt 274 (C. dist. Ont.), énonce les caractéristiques généralement acceptées de l’union conjugale, soit le partage d’un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l’image sociétale du couple. Toutefois, il a été reconnu que ces éléments peuvent être présents à des degrés divers et que tous ne sont pas nécessaires pour que l’union soit tenue pour conjugale. S’il est vrai que l’image sociétale des couples de même sexe ne fait pas nécessairement l’objet d’un consensus, l’on s’entend pour dire qu’ils ont en commun bon nombre des autres caractéristiques « conjugales ». Pour être visés par la définition, ni les couples de sexe différent ni les couples de même sexe n’ont besoin de se conformer parfaitement au modèle matrimonial traditionnel afin de prouver que leur union est « conjugale ».

Un couple de sexe différent peut certainement, après de nombreuses années de vie commune, être considéré comme formant une union conjugale, même sans enfants ni relations sexuelles. Évidemment, le poids à accorder aux divers éléments ou facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si un couple de sexe différent forme une union conjugale variera grandement, presque à l’infini. Cela doit s’appliquer aussi aux couples de même sexe. Les tribunaux ont eu la sagesse d’adopter une méthode souple pour déterminer si une union est conjugale. Il doit en être ainsi parce que les rapports dans les couples varient beaucoup. […]

[34]  Cette Cour a à plusieurs reprises appliqué ces critères, notamment dans l’arrêt Milot c. Canada, [1995] T.C.J. No. 412, en considérant la notion d’union conjugale.

Question 1 : Lien de dépendance entre l’appelante et Dany Yon

[35]  Dans le présent dossier, la question est de savoir s’il y a un lien de dépendance entre l’appelante et monsieur Dany Yon.

[36]  Pendant les années 2006 et 2007, monsieur Dany Yon résidait quelques jours par semaine dans la maison de l’appelante sur l’avenue Cartier, et ce, jusqu’à la vente de la maison en septembre 2007.

[37]  Par la suite, pendant les années 2007 à 2011, l’appelante habitait la maison sur Chemin De Touraine et monsieur Yon y habitait aussi par périodes. Cette maison a été vendue en janvier 2011 et l’appelante a alors déménagé sur la rue Le Baron. La preuve a révélé que toutes les adresses de monsieur Yon étaient en lien avec celles de l’appelante et que ce dernier n’a jamais demeuré ailleurs que chez l’appelante.

[38]  L’appelante soutient qu’elle et monsieur Dany Yon n’étaient pas conjoints de fait même s’ils habitaient sous le même toit. À cet effet la jurisprudence de la Cour canadienne de l’impôt a clairement établi que le fait de vivre sous le même toit ne permettait pas de conclure en soi à une relation conjugale et que ce n’était qu’un des critères qui devait être considéré. Voir, entre autres, Perron c. Canada, 2010 TCC 547 et Aukstinaitis c. Canada, 2008 CCI 104 et a contrario : Bellavance c. La Reine, 2004 CCI 5, Sykes v. Canada, [2005] 3 C.T.C. 2054.

[39]  Même si on prend pour acquis que l’appelante et monsieur Dany Yon habitaient sous le même toit, il y a lieu de considérer les autres critères permettant de déterminer s’il y avait une union conjugale.

[40]  L’appelante avait tout à son nom et elle avait une entente avec monsieur Yon en vertu de laquelle ce dernier devait payer les comptes de la maison, dont l’électricité et l’épicerie. Ils se partageaient les dépenses, mais monsieur Yon ne payait pas de loyer au sens juridique du terme.

[41]  L’appelante a témoigné à l’effet qu’elle s’occupait des repas, de l’entretien de la maison, des courses, du lavage et que monsieur Yon s’occupait de la tonte du gazon et du barbecue. L’appelante a aussi mentionné le fait qu’il n’y avait pas vraiment de communications, ni d’entraide entre eux, qu’ils prenaient leur repas ensemble à l’occasion, qu’ils s’offraient des cadeaux, qu’ils faisaient du camping ensemble et qu’ils avaient des rapports sexuels. L’appelante lui a aussi prêté de l’argent à quelques reprises pour lui permettre de vivre. Ces prêts ne comportaient pas d’intérêts. Par ailleurs, pendant les années 2004 à 2011, l’appelante n’a pas fréquenté d’autres personnes.

[42]  À mon avis, le commentaire de l’appelante quant à l’absence d’entraide me semble contradictoire car l’appelante rendait de nombreux services à monsieur Yon, alors que ce dernier ne défrayait qu’une infirme partie des dépenses de la maison.

[43]  Il y a lieu de rappeler ici que l’appelante a mentionné que, lors du transfert de la somme d’argent, elle fréquentait monsieur Dany Yon, mais qu’elle n’était pas au courant de ses dettes fiscales; or, l’appelante a elle-même reconnu qu’elle était dans une relation avec monsieur Dany Yon au moment du transfert du montant de 27 000 $.

[44]  Le père de l’appelante a témoigné qu’il connaissait personnellement monsieur Dany Yon et qu’il l’a rencontré à plusieurs reprises, entre autres, lors de déménagements et, par la suite, dans chacune des trois résidences. Il a aussi indiqué que monsieur Dany Yon était parfois présent lors des fêtes de famille. Il a aussi dit que la relation de sa fille avec monsieur Dany Yon était houleuse et qu’ils avaient des hauts et des bas; toutefois il a mentionné ne pas connaitre le détail des relations de sa fille avec monsieur Dany Yon.

[45]  De ce qu’il appert de la preuve au dossier et suite à l’analyse de l’ensemble des critères, il me semble que l’appelante et monsieur Dany Yon vivaient bel et bien dans une relation conjugale. Le couple se faisait des cadeaux et prenaient des vacances ensemble. L’appelante prêtait de l’argent sans intérêt à son conjoint  pour qu’il puisse vivre. Le couple vivait sous le même toit et avait des relations sexuelles.

[46]  Par ailleurs, il est important de se rappeler que c’est à l’appelante que revenait le fardeau de prouver qu’elle n’était pas liée à monsieur Dany Yon. À cet effet, la Cour d’appel fédérale a conclu dans Downey v. Canada, 2006 CAF 353 que malgré que le fait que le juge n’ait pas déterminé s’il y avait un lien de dépendance entre les parties, le contribuable n’avait pas relevé son fardeau de preuve de démontrer qu’il n’existait pas un tel lien de dépendance.

[47]  Dans les circonstances, l’appelante ne s’est pas affranchie de son fardeau de preuve permettant de considérer qu’elle n’avait pas de lien de dépendance avec monsieur Dany Yon.

Question 2 : Remboursement du montant de 27 000 $

[48]  Dans le présent dossier, il y a eu un transfert de 27 000 $ à l’appelante effectué en date du 23 juillet 2010 par traite bancaire et la question est de savoir s’il y a eu remboursement de ce montant. Le principe est que s’il y a eu remboursement du montant du prêt, le remboursement équivaudrait à une contrepartie valable et l’article 325 de la LTA ne pourrait pas s’appliquer.

[49]  L’appelante prétend avoir remboursé intégralement monsieur Dany Yon en argent comptant en date du 30 janvier 2011. L’appelante ne pouvait pas rembourser Service d’urgence par chèque puisque le compte bancaire de cette dernière était gelé depuis la saisie du mois d’octobre 2010. Pour effectuer le remboursement, l’appelante prétend qu’elle a effectué les retraits suivants dans son compte de banque de la BMO :

              18 janvier 2011 : retrait de 20 000 $

              21 janvier 2011 : retrait de 15 000 $

[50]  L’appelante a témoigné qu’elle avait retiré un montant totalisant 35 000 $ en deux fois afin de pouvoir rembourser le montant de 27 000 $ en date du 30 janvier. L’appelante n’a fourni aucune explication pour expliquer la différence entre ces deux montants et l’appelante ne s’est pas rappelée en quel type de coupures l’argent a été retiré, mais elle dit qu’elle croyait que c’était probablement des billets de 100 $. Par ailleurs l’appelante a mentionné, qu’entre le moment des retraits et ledit remboursement, elle a gardé l’argent chez elle dans son garde-robe.

[51]  L’appelante ne s’est pas rappelée non plus où elle aurait remis l’argent à monsieur Dany Yon, soit à la Banque de Montréal ou soit à son domicile sur la rue Le Baron. En janvier 2011, monsieur Dany Yon habitait chez l’appelante sur la rue Le Baron. Selon le témoignage de monsieur Dany Yon, l’argent comptant lui aurait été remis en mains propres à la succursale de la banque. De plus, l’appelante a mentionné qu’aucune autre personne n’était présente lors du remboursement.

[52]  Selon monsieur Dany Yon, le Reçu Quittance daté du 30 janvier 2011 a été signé et remis le jour même où le remboursement a eu lieu.

[53]  Selon la preuve au dossier, l’appelante aurait fait des retraits de son compte bancaire pour rembourser le montant du prêt; elle aurait entreposé l’argent chez elle entre-temps et plus d’une semaine après le dernier retrait, elle se serait rendue à la banque, ayant déjà l’argent en main, dans le but de rembourser monsieur Dany Yon, qui rappelons-le habitait chez elle à ce moment-là.

[54]  Nous faisons présentement face à une version des faits qui semble comporter des incohérences ou des faiblesses. À cet effet, la juge Miller, dans la décision Nichols c. Canada, 2009 CCI 334, exprime bien les éléments dont un juge peut tenir compte lorsqu’il apprécie la crédibilité d’un témoin :

En matière de crédibilité, je peux tenir compte des incohérences ou des faiblesses que comporte le témoignage des témoins, y compris les incohérences internes (si le témoignage change pendant que le témoin est à la barre ou s'il diverge du témoignage rendu à l’interrogatoire préalable), les déclarations antérieures contradictoires et les incohérences externes (soit lorsque le témoignage est incompatible avec des éléments de preuve indépendants que j’ai acceptés). Il m’est ensuite loisible d’apprécier l’attitude et le comportement du témoin. Troisièmement, je peux rechercher si le témoin a des raisons de rendre un faux témoignage ou d’induire la Cour en erreur. Enfin, je peux prendre en compte la teneur générale de la preuve. C’est‑à‑dire que j’ai toute latitude pour rechercher si l’examen du témoignage à la lumière du sens commun donne à penser que les faits exposés sont impossibles ou hautement improbables.

[Mes soulignements]

[55]  En considérant les témoignages de l’appelante et de monsieur Dany Yon, je ne crois pas qu’il y a eu en l’espèce un remboursement de prêt d’un montant de 27 000 $. Quoiqu’il en soit, je doute fortement que légalement, il y a un remboursement du prêt puisque l’argent n’a pas été remis à la société prêteuse, soit à Service d’urgence. Aucune preuve documentaire démontrant que monsieur Dany Yon agissait en tant que mandataire de la société Service d’urgence n’a été soumise. Aucune résolution du conseil d’administration et aucune résolution des actionnaires de Service d’urgence autorisant monsieur Dany Yon à signer et à donner quittance sur la dette de l’appelante n’a été déposée en preuve. La façon dont le Reçu Quittance a été rédigée par l’appelante démontre bien le dilemme auquel l’appelante a eu à faire face. Le Reçu Quittance a été signé par monsieur Dany Yon en sa qualité personnelle et en sa qualité de président et principal actionnaire de Service d’urgence et non pas en sa qualité d’administrateur.

[56]  Par ailleurs, il est important de se rappeler que c’est à l’appelante que revient le fardeau de prouver le remboursement du prêt, tel que je l’ai exprimé dans la décision Pelletier c. Canada, 2009 CCI 541.

[57]  De ce qu’il appert de la preuve au dossier, je ne suis pas convaincu qu’il y a effectivement eu remboursement du montant d’argent transféré. À cet effet, je considère que l’appelante ne s’est pas déchargée de son fardeau de la preuve.

Conclusion

[58]  Comme la preuve présentée par l’appelante ne m’a pas convaincu qu’elle n’avait pas de lien de dépendance avec monsieur Dany Yon et que, par ailleurs, il y a eu remboursement du prêt, la cotisation doit être maintenue.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

RÉFÉRENCE :

2016 CCI 146

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1965(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Annie St-Pierre et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 30 novembre 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 29 juin 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Gaudreault-Martel

Avocat de l'intimée :

Me David Roulx

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me Julie Gaudreault-Martel

Cabinet :

BCF s.e.n.c.r.l

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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