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Dossier : 2013-2353(IT)G

ENTRE :

ANTHONY MELMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 2, 3 et 4 février 2016, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Keith M. Trusser

Me Linda Smits

Avocate de l’intimée :

Me Jenny P. Mboutsiadis

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel visant les pénalités pour faute lourde établies pour l’année d’imposition 2007 est rejeté et des dépens sont adjugés à l’intimée conformément au tarif applicable, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations écrites sur les dépens dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.


Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de juillet 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2017.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 167

Date : 20160708

Dossier : 2013-2353(IT)G

ENTRE :

ANTHONY MELMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

Introduction

[1]             Le présent appel vise des pénalités pour faute lourde. Ces pénalités ont été imposées à l’appelant, M. Melman, parce qu’il avait omis de déclarer un revenu de dividendes imposables de 18 850 000 $ dans sa déclaration de revenus de 2007. M. Melman fait valoir que le ministre n’a pas établi qu’il avait commis une faute lourde en produisant la déclaration de revenus, elle-même entièrement préparée, examinée et produite par les comptables de longue date et dignes de confiance de M. Melman. En revanche, M. Melman admet qu’il n’a pas lu ou examiné sa déclaration de revenus avant de la signer. Le ministre affirme que l’omission, conjointement avec d’autres circonstances, constitue une faute lourde. La seule question en litige concernant la faute lourde pour la Cour est la suivante : M. Melman a-t-il fait preuve d’aveuglement volontaire à l’égard des indications, des alertes ou des précautions qui auraient mis au jour cette erreur avouée concernant la déclaration du revenu de dividendes?

Les faits

Contexte de l’omission de déclarer le revenu

[2]             Les avocats conviennent que toute détermination de faute lourde repose sur des faits précis. De tels faits ont été présentés à la Cour au moyen de divers documents et témoins y faisant référence : M. Melman lui-même, ses comptables de l’époque (M. Newman, M. Rose et Mme Pan, tous associés ou employés du même cabinet comptable), et enfin M. Meunier, vérificateur de l’ARC. Leurs éléments de preuve sont résumés ensemble ci-dessous.

[3]             En février 2007, deux sociétés de portefeuille sous le contrôle intégral et majoritaire de M. Melman ont déclaré et lui ont payé certains dividendes s’élevant à 15 080 000 $ et procurant un rendement de 18 850 000 $ en dividendes imposables (les « dividendes »). En février, en mars et en avril 2007, M. Melman a participé de près à l’incitation, au calcul, à la déclaration, au versement et à la réception des dividendes. Au moment de la déclaration, du versement et de la réception, des notes reflétant toutes ces étapes ont été préparées. En outre, des fonds représentant la dette fiscale estimée à l’époque, à savoir 4 725 000 $, ont été placés avec une date d’échéance coïncidant avec la date d’échéance des impôts, soit la fin avril 2008.

[4]             La déclaration et le versement des dividendes ont découlé du produit que les deux sociétés de portefeuille de M. Melman ont reçu de la vente de leurs portefeuilles considérables à une société profitable, bien connue et qui, à cette époque, était privée, soit la société de services bancaires d’investissement Onex Corporation. Au cours du reste de l’année 2007 et au début de l’année 2008, d’autres dividendes en capital non imposables distincts ont également été versés à M. Melman par ses deux sociétés de portefeuille. Des tableaux de ventilation détaillés ont présenté divers scénarios comprenant le moment, la caractérisation, la quantité, le versement et l’imposition de tous ces dividendes et montants d’argent; ces réalisations et versements ponctuels considérables et délibérés ont mis de l’ordre dans les affaires de M. Melman en prévision de sa retraite.

Faits au sujet de M. Melman, relation avec ses comptables et omission de déclarer

[5]             M. Melman était et est encore une personne minutieuse, précise et exigeante. C’est également ainsi qu’il se comportait avec ses comptables. Il exigeait que les délais de réponse de ses conseillers concernant les renseignements, les mesures et les documents soient mesurés en minutes et en heures plutôt qu’en jours, en semaines ou en mois, comme on le fait dans la plupart des cas. Il détient des diplômes de premier cycle et de cycle supérieur en gestion des affaires et financière, un diplôme d’ingénieur en chimie et en mathématique ainsi qu’un MBA et un doctorat. Ces faits ne suffisent pas à résumer avec justesse son éducation, ses connaissances et son expérience dans le domaine des affaires. Du point de vue de ces qualités, M. Melman est une partie inégalée devant la Cour. Ses comptables savaient déjà tout cela. Ils ont fait de leur mieux pour le servir. Malheureusement, ils ont échoué en n’incluant pas les dividendes dans sa déclaration de revenus de 2007 et en ne remplissant pas un T5 et un T5 sommaire reflétant les versements imposables de dividendes que lui ont faits ses deux sociétés de portefeuille. M. Melman les tient responsables. Dans d’autres procédures, il intente une action civile contre eux afin d’obtenir une indemnisation relativement à ce défaut de se conformer. En l’espèce, il affirme que leur faute lourde ne doit pas lui être attribuée.

Communications à l’égard des dividendes et des impôts y afférents

[6]             De nombreux documents et éléments de preuve oraux faisaient référence aux échanges et aux commentaires de M. Melman et de ses comptables à l’égard des dividendes, de la dette fiscale correspondante et du versement. Les avocats de M. Melman ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à explorer les longues chaînes de courriels et de communications chargées de faits qui se sont étendues sur une période de 15 mois, soit de février 2007 à avril 2008. Trois comptables, deux membres du personnel de M. Melman et le contribuable lui-même ont chacun joué un rôle. Au cœur de tout cela, connaissant et pilotant chaque détail, se trouvait M. Melman.

[7]             Les échanges et les réunions résumés, cités et documentés ont de façon générale suivi le calendrier suivant.

A.   Versements de dividendes au début 2007

a)     Analyse des souscriptions – 20 février 2007

[8]             Une fois que les sociétés de M. Melman ont reçu le produit de la vente d’Onex en février 2007, le plan de verser à M. Melman des dividendes de la société de portefeuille a véritablement pris forme. Au commencement de la formulation des dividendes en capital et des dividendes imposables, les comptables ont envoyé à M. Melman une proposition de tableau de ventilation incluant un poste décrit comme un [TRADUCTION] « paiement d’impôt personnel sur le dividende imposable ». M. Melman a reçu les pièces jointes, a personnellement apporté de véritables révisions au document et a inclus une liste provisoire d’instructions de transfert à l’intention de son institution financière. Ces instructions portaient sur le versement de tous les dividendes, aussi bien en capital qu’imposables.

b)    Versement de dividendes et estimation fiscale – du 21 au 24 février 2007

[9]             Le 22 février 2007, par un échange de courriels entre M. Melman et les trois comptables qui travaillaient sur son dossier (M. Newman, M. Rose et Mme Pan [maintenant Grace]), les montants de dividendes imposables et en capital ont été affinés de manière définitive. Les instructions précises concernant le transfert ont été examinées attentivement et peaufinées par M. Melman lui-même. Dans une rubrique distincte, une référence dans la même annexe indique les [TRADUCTION] « Investissements pour impôts dus » comme n’arrivant pas à échéance avant le 30 avril 2008. Après qu’un des comptables a précisé qu’aucun versement n’était requis à l’égard des dividendes avant le 30 avril 2008, M. Melman a donné les instructions finales à son institution financière [TRADUCTION] « d’investir le montant total de 4 725 000 $ jusqu’à cette date » comme réserve pour ces impôts autrement dus à ce moment.

[10]        Par ailleurs, le 22 février, des résolutions distinctes sur le dividende en capital ont été signées par M. Melman et les choix correspondants en application du paragraphe 83(2) ont été produits. Le même jour, des dividendes imposables (l’objet du présent appel) totalisant 15 080 000 $ ont été déclarés par voie de résolutions signées par M. Melman. Tous les dividendes ont été versés par les sociétés à M. Melman au moyen de transferts électroniques de fonds à la même date selon les instructions que M. Melman avait données à son institution financière. Ces opérations ont été comptabilisées au courant de l’année d’imposition de la société prenant fin le 28 février 2007. Comme il est dit plus haut, les dividendes devaient être comptabilisés pour l’année d’imposition 2007 de M. Melman prenant fin le 31 décembre 2007, les impôts étant dus le 30 avril 2008, et le défaut de ce faire donne lieu au présent appel.

c)     Mars et avril 2007 – Entiercement relatif à l’estimation fiscale et dette

[11]        À la suite de la déclaration et du versement des dividendes, M. Melman a transféré un courriel à son assistante personnelle reflétant deux mentions importantes : l’estimation des impôts personnels dus en avril 2008 et les placements entiercés auprès de l’institution financière pour payer cette dette, censée être de 4 725 000 $. Il lui a demandé de noter le montant estimé de la dette fiscale ainsi que sa date d’échéance, et de consigner l’affaire à l’agenda pour avril 2008. L’assistante l’a fait, mais elle a demandé si la [TRADUCTION] « date d’échéance de 2008 » était une coquille et qu’elle aurait dû être « 2007 ». M. Melman, après avoir reçu cette question le samedi soir, a confirmé que [TRADUCTION] « 2008 est exact » avant 5 h le dimanche matin, ce qui témoigne de sa précision, de son attention et de sa diligence.

[12]        Ensuite, en avril 2007, les comptables de M. Melman ont confirmé de nouveau qu’aucun versement n’était requis en 2007 du fait de l’impôt sur les dividendes. Il a été confirmé une nouvelle fois par courriel, le 5 avril 2007, que M. Melman paierait les impôts personnels estimés de 4 725 000 $ payables le 30 avril 2008 à l’égard des dividendes.

B.   Automne 2007

a)     Réunion annuelle de planification fiscale

[13]        Habituellement, lors des réunions annuelles de planification fiscale, M. Melman discute avec ses comptables des opérations importantes, de son revenu et d’autres efforts qui pourraient être déployés concernant la planification fiscale. Une note est préparée à la suite de chaque réunion annuelle. Au cours de l’année 2007, un document intitulé [TRADUCTION] « ébauche seulement » a été préparé. M. Melman n’a pas reçu de copie. Ce document ne contenait aucune référence à la dette fiscale sur les dividendes précédemment estimée de 4 725 000 $ et normalement payable à la fin avril 2008. Les montants relatifs à l’emploi et au revenu y afférent de M. Melman pour 2007, y compris les retenues d’impôt, ont été fournis par un membre du personnel de l’ancien employeur de M. Melman, Onex Corporation. Fort logiquement, en 2007, ces montants n’incluaient pas les dividendes reçus par M. Melman ni les T5 connexes pour ses sociétés de portefeuille personnelles, puisque Onex Corporation n’avait pas préparé les déclarations de la société de portefeuille de M. Melman depuis une date quelconque en 2005. Même s’il préparait les déclarations de revenus personnelles de M. Melman depuis plusieurs années, ce n’est qu’en 2005 que M. Newman et son cabinet ont pris en charge pour la première fois la préparation des déclarations de revenus de la société de portefeuille.

C.    Avril 2008 – Préparation des déclarations de revenus de 2007

a)     Mars 2008 – [TRADUCTION] « Combien dois-je? »

[14]        Le 27 mars 2008, M. Melman a repris ses demandes par courriel quant au peaufinage de l’estimation de sa dette fiscale personnelle due pour le 30 avril 2008 concernant l’année d’imposition 2007. M. Melman a indiqué qu’il voulait l’information [TRADUCTION] « dès que possible/aujourd’hui quand on se parlera ». Par le fruit du hasard, le lendemain, la nouvelle assistante de M. Melman, après avoir examiné [TRADUCTION] « vos dons personnels, vos T5 » et les feuillets de renseignements de la famille de M. Melman, a affirmé que [TRADUCTION] « compte tenu de la paperasse pour vos sociétés, le côté personnel semble un peu maigre ». Elle était en train de transférer cette information fiscale à M. Newman et à son cabinet. M. Melman n’a pas répondu. Plus tard le même jour, M. Melman a rappelé à ses comptables qu’il n’avait pas reçu de mise à jour de l’estimation de sa dette fiscale pour 2007, en faisant référence à ses courriels précédents.

b)    5 avril 2008 – [TRADUCTION] « Nous ne pouvons encore nous prononcer. »

[15]        Le principal comptable de M. Melman, M. Newman, a répondu le 5 avril 2008 en expliquant que la préparation des déclarations de revenus personnels débuterait une fois l’exercice des sociétés [TRADUCTION] « clos » au début de la semaine suivante. Après cela, les impôts personnels de 2007 pourraient être déterminés définitivement.

c)     15 avril 2008 – impôt dû pour 2007 et entretien téléphonique pour discuter des déclarations

[16]        M. Melman n’était pas disposé à attendre plus longtemps. Le 15 avril 2008, à 5 h 3, il a écrit [TRADUCTION] « j’attends votre réponse/votre suivi [...] » concernant sa déclaration de revenus et d’autres questions. Pour ce qui est de signer ses déclarations de revenus, c’est dans ce courriel que M. Melman a avisé qu’il serait absent du 24 avril au 3 mai 2008.

[17]        Les 15 et 16 avril, le principal comptable de M. Melman a décidé qu’une conférence téléphonique pour discuter de la déclaration de revenus aurait lieu le vendredi 18 avril à 10 h 30.

d)    18 avril 2008 – Examen téléphonique matinal de la dette fiscale de 2007

[18]        Une conférence téléphonique a eu lieu entre M. Melman et M. Newman dans la matinée du 18 avril. M. Melman n’avait pas de copie de l’ébauche de sa déclaration de revenus, de note explicative ou de renseignements supplémentaires en sa possession concernant la déclaration de revenus réelle avant ou pendant l’appel. Les renseignements les plus récents en sa possession à ce moment-là étaient un aperçu des sources de revenus et des déductions sous forme de note. À l’autre bout du fil, le comptable de M. Melman avait un résumé des sources de revenus, des déductions et de l’impôt payable, mais n’avait pas d’ébauche de la déclaration de revenus devant lui.

[19]        Ces documents écrits qu’avaient M. Melman et le principal comptable lors de la conférence téléphonique ont été continuellement confirmés par M. Melman et son comptable au moment de leurs témoignages. En outre, M. Melman n’a pas précisément posé de question au sujet de la différence entre la dette fiscale estimée [TRADUCTION] « à ce moment-là » de 369 000 $ et le montant investi correspondant prévu précédemment de 4 725 000 $. La différence n’a également pas été expliquée à M. Melman par ses comptables. Aucune partie n’a fait allusion au montant des dividendes devant être comptabilisés dans la déclaration de revenus.

e)     21 et 23 avril 2008 – [TRADUCTION] « Tout autre impôt dû par la société. »

[20]        Le 21 avril 2008, M. Melman a demandé à recevoir par écrit les montants exacts des paiements d’impôts afin qu’il puisse transmettre des instructions de versement à son institution financière. À partir de ce moment, toute la correspondance par courriel a commencé à faire référence à l’impôt [TRADUCTION] « provenant de la vente d’actions d’Onex ». M. Melman a indiqué, dans son témoignage, que cela faisait globalement référence à tout impôt sur les sociétés ou personnel découlant de la cession d’actions pour contribuer à sa retraite. Ses comptables, dans un courriel de réponse, ont fait précisément référence à une cession d’actions d’Onex indépendante et distincte en 2007, sans lien avec les dividendes. Dans tous les courriels de réponse reçus par M. Melman lors de ces échanges, il était question d’impôts sur les sociétés et non d’impôts personnels, à l’exception du montant de 369 000 $ finalement dû pour le 30 avril 2008. Des précisions supplémentaires et des détails au sujet des montants d’impôts dus ont été reçus par courriel. La dette fiscale personnelle totale due le 30 avril 2008 par M. Melman pour l’année 2007 a été décrite comme étant de 359 604,43 $. Le 23 avril 2008, M. Melman a confirmé précisément qu’aucun autre impôt dû ne devait être payé, et ce, par [TRADUCTION] « aucune des sociétés ». Ainsi, la déclaration de revenus, dont la copie au dossier était datée du 21 avril 2008 et produite à l’instruction, a été produite en omettant les dividendes de 18 850 000 $ ainsi que l’impôt payable y relatif.

D.   Signature de la déclaration, production et nouvelle cotisation

[21]        M. Melman a signé sa déclaration de revenus le 21 avril 2008. Il a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas examiné ou lu l’ébauche ni la déclaration finale. Bien que la comptable débutante, lors de son témoignage, ne se soit souvenue de rien ou presque au sujet de la déclaration ou de sa signature, M. Melman se souvenait qu’il avait signé la déclaration pour 2007 à sa résidence et que la comptable débutante attendait pendant qu’il le faisait. Lors de la signature, un taxi attendait pour ramener la comptable à son bureau. Une fois revenue avec la déclaration signée, celle-ci a été produite par les comptables.

[22]        L’établissement de la nouvelle cotisation ne s’est pas fait attendre. Dans des éléments de preuve non contestés, le vérificateur de l’ARC a indiqué que, lors des vérifications des registres des procès-verbaux des sociétés, la présence de résolutions relatives aux dividendes portant la signature de M. Melman dans les documents des sociétés dont le montant total atteignait 15 080 000 $ ont été découvertes et comparées à l’omission frappante des 18 850 000 $ de dividendes imposables dans la déclaration de revenus. Cette découverte a promptement mené à une enquête diligente de l’ARC, à l’admission par M. Melman et ses comptables de l’omission, et à l’établissement d’une nouvelle cotisation par le ministre. Le vérificateur de l’ARC a indiqué que la détection, le rapprochement et la confirmation du dividende imposable omis ont pris moins de 10 minutes. Il n’a pas été contredit sur ce point.

E.    Réaction de M. Melman à l’omission et à la pénalité

[23]        Une fois informé de l’omission, des intérêts et des pénalités par son comptable au début avril 2011, M. Melman s’est inquiété du fait que l’omission puisse sembler répréhensible. M. Melman est entré immédiatement en communication (en l’espace de quelques heures) avec le président d’un conseil d’administration auquel il devait être nommé. Il a mentionné ses déclarations de revenus et leur examen approfondi dans le cadre de la vérification préalable pour la nomination. M. Melman a indiqué sa [TRADUCTION] « bonne conduite » et les précautions qu’il avait prises. Il a mis son avocat en copie conforme. Deux minutes plus tard, trois ans après l’omission et avec huit heures de préavis avant la nouvelle cotisation, M. Melman a envoyé le courriel subséquent suivant à son avocat :

[TRADUCTION]
« Voici le paragraphe dont je parlais :

? A.R. Melman devra payer un impôt de 4 725 000 $ dû le 30 avril 2008, donc investir 4 725 000 $ en bons du Trésor pour 90 jours. Une partie de la dette fiscale devra être payée pendant l’année selon les demandes de versements d’impôt personnel de l’ARC.

David [le comptable de M. Melman] a parlé à votre associé fiscaliste qui est au courant de la situation et a discuté de mesures possibles avec David. »

[crochets ajoutés]

Déclarations de revenus et historique de production de M. Melman

[24]        Les déclarations de revenus de M. Melman ne sont pas banales pour ce qui est des montants déclarés en 2007 ou au cours des années antérieures. Les montants d’une année par rapport aux autres en ce qui concerne le revenu total, le revenu imposable, les dividendes ou l’impôt payable au moment de la production de la déclaration sont disparates et ne suivent aucune tendance. De même, le lien entre le revenu total, le revenu imposable, les dividendes et l’impôt payable au moment de la production de la déclaration au sein même d’une année d’imposition donnée varie grandement.

[25]        Lors de son témoignage, M. Melman a été amené à parler de certaines de ses déclarations de revenus annuelles, soit 2007 (non examinée avant la signature) et d’autres années (2002 à 2006 et 2009). M. Melman a affirmé que le processus normal d’examen et de signature incluait une rencontre individuelle en ayant en main la déclaration ainsi qu’un examen des documents avant la signature. Le comptable principal, M. Newman, confirme que ce service d’examen individuel de la déclaration de revenus était offert aux clients.

[26]        Une analyse de la déclaration de revenus de 2007 révèle des montants importants du point de vue quantitatif sur les quatre pages principales de la déclaration de revenus où l’omission des dividendes s’est produite. En comparaison, le nombre d’entrées est assez faible et relativement semblable à la plupart des déclarations. En 2007, cinq sources de revenus sont présentes, dont la plupart des montants découlent d’un emploi. Toutes les autres sources de revenus, y compris le dividende imposable sous-déclaré par erreur de 2 582 $, n’ont totalisé que 48 389 $.

[27]        En revanche, une déclaration correcte des montants aurait produit des données proportionnellement très différentes : le revenu total et le revenu imposable auraient été trois fois plus élevés, les dividendes 7 300 fois plus élevés, et l’impôt dû au moment de la production de la déclaration aurait été 12,5 fois plus élevé que celui déclaré. En termes absolus, les montants appropriés, mais non déclarés (en arrondissant), comparés aux montants déclarés sont les suivants : revenu imposable de 27 000 000 $, par rapport à 9 000 000 $; dividendes de 18 850 000 $, par rapport à 2 582 $; et impôt estimé dû au moment de la production de la déclaration d’environ 4 725 000 $ par rapport à 367 000 $.

Le droit

[28]        Le paragraphe 163(2) est relatif aux pénalités en vertu de la Loi. Pertinent en l’espèce, le paragraphe s’applique lorsqu’un contribuable « dans des circonstances équivalant à faute lourde » fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus. L’extrait pertinent du paragraphe est rédigé comme suit :


Faux énoncés ou omissions

(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...] est passible d’une pénalité [...].

[29]        Bien que la loi s’interprète de façon relativement simple, il existe une jurisprudence de longue date. Une situation est relative, factuelle et particulière. La pierre de touche de la faute lourde repose sur un cas de négligence plus grave qu’un défaut de prudence raisonnable; elle doit inclure un degré élevé de négligence correspondant à une action délibérée ou à une indifférence quant au respect : Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314.

[30]        Lors de l’évaluation de la situation liée au degré d’indifférence quant au respect, la Cour doit déterminer si le contribuable pénalisé a fait preuve d’aveuglement volontaire. Cet aveuglement volontaire ne comprend pas nécessairement la connaissance réelle des faits, mais plutôt un évitement de l’observation et une résistance à la vigilance en présence des possibilités habituelles de détection : Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, au paragraphe 6. Dans des circonstances qui commanderaient ou « imposeraient » de s’enquérir de la situation, l’aveuglement volontaire est le refus ou la négligence de commencer l’enquête sans raison valable : Panini c. Canada, 2006 CAF 224, au paragraphe 43.

[31]        Depuis l’arrêt Villeneuve, les juges de la Cour canadienne de l’impôt suivent diverses méthodologies dans leurs analyses factuelles de l’aveuglement volontaire : l’établissement de principes directeurs (Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, au paragraphe 65), des feux rouges clairs et des signes problématiques non subtils (Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143, au paragraphe 24), et une approche équilibrée évaluant l’importance de l’erreur, la faculté de découvrir l’erreur et le niveau d’instruction et l’intelligence apparente du contribuable (décisions DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545, au paragraphe 11, et Brisson c. La Reine, 2013 CCI 235, aux paragraphes 29, 30, 37 et 38).

Analyse

[32]        D’après l’analyse contenue dans les motifs qui suivent et les faits et circonstances en l’espèce, la Cour conclut que M. Melman a fait preuve d’aveuglement volontaire. À cet effet, il a consenti, participé ou acquiescé à l’omission des dividendes dans sa déclaration de revenus dans des circonstances équivalant à faute lourde. Par conséquent, l’appel est rejeté et les pénalités imposées sont maintenues.

[33]        En tirant cette conclusion, la Cour a suivi une approche méthodologique proche de celles que contenaient les déclarations des deux avocats. Aucun facteur ou critère n’a été prédominant et chacun d’entre eux a reçu le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve : décision DeCosta, au paragraphe 11. En évaluant les faits selon ces facteurs ou ces critères, la Cour requiert que l’intimée prouve qu’il est plus probable qu’improbable que M. Melman ait ignoré volontairement les avertissements ou les indicateurs placés devant lui qui, s’il en avait tenu compte, auraient probablement mené à la détection de l’omission. La Cour procède maintenant à son analyse de la scène et du contexte de l’affaire dont elle est saisie entourant les circonstances menant à cette omission. Une telle analyse entraîne forcément des répétitions et un chevauchement des faits.

Éducation, expérience et intelligence du contribuable

[34]        S’il y a un contribuable bien formé pour détecter l’omission de dividendes, c’est bien M. Melman. M. Melman était et est encore l’un des spécialistes des services de banque d’affaires les plus compétents, hautement instruits et expérimentés au pays et peut-être à l’étranger. Il se spécialise dans l’amélioration des bilans et dans l’optimisation des flux de rentrées. Il est l’ancien vice-président directeur d’une importante banque à charte canadienne. Il a siégé aux conseils d’administration de sociétés et d’organisations dont les noms figurent quotidiennement dans les pages financières de journaux nationaux et internationaux. Bien qu’il ait indiqué qu’il manquait de connaissances au sujet des particularités du régime fiscal canadien, son témoignage a révélé qu’il possédait de fines et profondes connaissances quant aux titres de participation et de créance et aux revenus et profits générés par ce genre de bien, à savoir les actions et les obligations de sociétés.

[35]        M. Melman comprend les dividendes, tant les dividendes imposables et que ceux en capital. Sa correspondance avec ses propres conseillers professionnels témoigne de ses capacités et de ses connaissances pratiques avancées des titres productifs de revenus, de leur utilisation et de leur classification. Ses connaissances pratiques de l’impôt découlant des titres sont nettement supérieures à celles d’un contribuable attentif ordinaire, ou même à celles d’un homme ou d’une femme d’affaires. M. Melman est aux antipodes du contribuable naïf et inexpérimenté. Son expérience se distingue considérablement de celle de contribuables dont on a conclu qu’ils étaient naïfs et peu avertis et dans le cas desquels on a annulé les pénalités pour de tels motifs : Agregan c. La Reine, 2008 CCI 572, aux paragraphes 28 et 29.

Ampleur de l’omission

[36]        La taille des dividendes omis est objectivement énorme et, dans les faits, elle est vraisemblablement inégalée parmi les causes dont la Cour a été saisie et où des pénalités ont été imposées. En outre, leur proportion relativement aux revenus de M. Melman, si on les met en relation, correspond au double de ses autres revenus déclarés. Pour ce qui est des dividendes, au lieu de 18 850 000 $, seul un montant de 2 582 $ en dividendes imposables a été déclaré. Ce montant déclaré est minuscule et sa fraction correspondante est un grain de poussière par rapport au bon montant non déclaré. En ce qui concerne les montants de revenus et de dividendes contenus dans les déclarations de revenus antérieures de M. Melman, il ressort de la preuve que ces énormes dividendes ponctuels en 2007 étaient liés à un événement marquant et planifié : sa retraite. Un événement aussi unique contribue à l’ampleur des montants, nécessitant la réserve de taille de 4 725 000 $ investie par M. Melman avec une échéance planifiée afin de payer l’impôt afférent prévu.

Facilité de détection de l’erreur

[37]        Fondamentalement et légalement, les cas de faute lourde se produisent dans les déclarations de revenus et leur production. Le présent appel n’a rien de différent. Au lieu des 18 850 000 $ de dividendes imposables, une somme d’un peu plus de 2 500 $ a été déclarée. D’après l’exposé factuel ci-dessus, le contraste entre les revenus déclarés et non déclarés est criant lorsque l’on regarde les lignes de la déclaration de 2007, qu’il s’agisse du revenu total, du revenu net ou du revenu imposable. La manière première, élémentaire et la plus simple dont M. Melman aurait pu détecter l’erreur était d’examiner une copie de l’ébauche, un double exemplaire ou une copie pour signature de sa déclaration de revenus avant de la signer. C’est un geste simple et nécessaire qu’il admet ne pas avoir accompli.

Dérogation à la pratique habituelle

[38]        L’avocat de M. Melman a affirmé que M. Melman avait de bonnes raisons ou de bonnes excuses pour ne pas lire sa déclaration : il faisait confiance à ses comptables de longue date. La Cour requiert un examen plus approfondi de cette affirmation compte tenu de la pratique différente suivie en avril 2008.

[39]        M. Melman a affirmé, dans son témoignage, qu’il avait lu avant de les signer toutes ses déclarations de revenus des années précédentes lors de rencontres individuelles avec son comptable principal. Il ne l’a pas fait pour 2007. Cette « signature à la va-vite » a eu lieu tandis que le taxi de la comptable débutante attendait devant la résidence de M. Melman. M. Melman s’apprêtait à quitter la ville. Son comptable habituel n’était pas disponible. Ils se sont donc entretenus par téléphone, sans qu’aucun d’eux n’ait sous les yeux la déclaration de revenus remplie. Ce soi-disant processus d’examen et de signature a eu lieu et a été approuvé, voire décidé, par M. Melman. Il s’agissait d’une année d’imposition au cours de laquelle beaucoup de travail et d’efforts ont été consacrés aux plans financiers de M. Melman pour la retraite, en liquidant ses affaires commerciales importantes et en assurant d’une manière générale une bonne réserve pour la dette fiscale. Pourtant, lorsque le processus d’examen réduit et d’exécution rapide pour la signature de la déclaration de revenus de 2007 a été établi, M. Melman, peut-être de manière assez inhabituelle et sans aucun antécédent d’avoir agi de la sorte, a participé de plein gré puisque cela satisfaisait ses exigences : Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335, au paragraphe 15.

[40]        En dérogeant à son habitude d’une rencontre individuelle, d’un examen page par page et d’une signature supervisée avec son comptable principal M. Melman a fait preuve d’une légèreté inhabituelle : Hougassian c. La Reine, 2007 CCI 293, au paragraphe 12; Spunt c. La Reine, 2007 CCI 571, au paragraphe 11. Des préparatifs de voyage ne constituent pas une bonne raison ni une bonne excuse pour ne pas examiner la déclaration concernant une année d’imposition aussi importante. En outre, bien qu’aucun T5 n’ait été préparé par les comptables de M. Melman, ses connaissances approfondies des dividendes et de leur déclenchement retirent de son appel l’argument concernant la situation d’un important versement de dividendes provenant d’une tierce partie dont le contribuable n’a aucune connaissance préalable ou sur lequel il n’exerce aucun contrôle. Quoi qu’il en soit, l’absence de feuillet de renseignement T5 préparé n’exonère pas nécessairement un contribuable des pénalités imposées lorsqu’il omet de déclarer le revenu : Gagnon c. La Reine, 2004 CCI 530.

Familiarité avec le spécialiste en déclarations de revenus

[41]        Une relation de confiance existait depuis de nombreuses années entre M. Melman et ses comptables, et particulièrement avec l’associé chargé du dossier, M. Newman. Cette relation de confiance incluait un service haut de gamme et attentif. Malheureusement, cette attention n’a pas été appliquée à la préparation et à l’examen de la déclaration de revenus de 2007. Le service complet, fiable et familier s’est réduit à un examen général et rapide mutuellement admis d’un document de travail et à la signature subséquente, sans examen, de la déclaration de revenus elle-même. M. Melman et son comptable principal ont tous deux confirmé n’avoir eu aucune ébauche de déclaration de revenus sous les yeux lors de la conférence téléphonique tenue pour [TRADUCTION] « examiner la déclaration de revenus ».

[42]        Les témoignages ont démontré qu’avant février 2006, Onex Corporation entreprenait la préparation des déclarations de revenus ainsi que des T5 et des T5 sommaires connexes pour les sociétés de M. Melman. La firme de M. Newman l’a fait pour la première fois pour l’exercice se terminant en février 2006. La seconde fois a été en février 2007, l’année pour laquelle aucun T5 ni T5 sommaire pour les dividendes n’a été préparé.

[43]        Les services de confiance des années antérieures avaient inclus une rencontre individuelle, un examen de sources écrites des revenus et des déductions, ainsi qu’un examen, avant la signature, des déclarations de revenus. En 2007, année critique, ces dérogations à la surveillance habituellement exercée par M. Melman sont par définition le reflet d’une insouciance et d’une délégation nonchalante de la responsabilité. Ceci est survenu au moment critique de mesurer et de déterminer l’existence de l’aveuglement volontaire, notamment, l’examen, la discussion au sujet de la déclaration de revenus et la signature : Saikali c. Canada, 1998 3 CTC 200 (CAF), au paragraphe 3; La Reine c. Columbia Enterprises Ltd., [1983] 2 C.F. 854 (CAF). Aucun de ces faits ne constitue une bonne raison de se fier à ses comptables et de ne pas examiner la déclaration de revenus de 2007 avant de la signer.

Autres circonstances

[44]        Il existe d’autres circonstances entourant la dette d’impôt estimée entiercée de 4 725 000 $, et le fait que M. Melman ait dérogé, sans motifs valables, à son comportement et à sa routine habituels trouble la Cour. Lors de son témoignage, M. Melman a affirmé que son institution financière avait l’habitude de communiquer directement avec lui au sujet de l’échéance des dépôts; ils travaillaient en étroite collaboration. L’absence, admise lors des témoignages, de discussions ou de tout souvenir de communications avec l’institution financière ou de la part de cette dernière en avril 2008 semble inhabituelle. Or, M. Melman, en contre-interrogatoire, n’avait aucun souvenir d’un courriel ou d’un appel téléphonique à son institution financière ou de la part de celle-ci, au sujet de l’investissement de plusieurs millions de dollars relativement à la dette fiscale venant à échéance précisément à la date où l’impôt était exigible.

[45]        Par ailleurs, M. Melman n’a pas dit s’il avait posé des questions à ses comptables concernant cet important montant entiercé inutilisé investi en avril 2007 pour régler sa dette fiscale potentielle estimée venant à échéance à la fin d’avril 2008. Sa dette fiscale déclarée était nettement inférieure au dixième du montant initialement prévu. Cet élément concernant cette dette fiscale est passé inaperçu, n’a pas été mentionné et a été inexplicablement réutilisé au moment du dépôt de la déclaration de 2007. Il est raisonnable de penser que l’échéance d’un investissement équivalent aussi important et créé à des fins précises constitue un rappel clair de demander précisément pourquoi ces fonds n’étaient plus nécessaires.

[46]         Dans d’autres circonstances notées tout au long de la procédure, M. Melman a fait de telles demandes et posé des questions. Au lieu de cela, l’attention de M. Melman et les questions posées à ses comptables en avril 2008 portaient surtout sur les ventes subséquentes d’actions de Onex Corporation et non sur la dette fiscale diminuée et l’important investissement directement lié aux dividendes omis. Il n’y a guère de bonnes raisons ou de bonnes excuses évidentes de ne pas poser de questions au sujet d’un élément aussi évident. Cette indifférence contraste également fortement avec le souvenir extrêmement net de M. Melman au sujet d’un courriel précis mentionnant le montant entiercé investi de 4 725 000 $, son but et sa date d’échéance précisément établie plus de trois ans plus tard, un jour avant l’établissement de la pénalité.

Caractère suffisant des questions à l’égard de la déclaration de revenus

[47]        Dans ce cadre factuel précis, les pénalités imposées à M. Melman sont fondées en raison de la présence de l’aveuglement volontaire quant au contenu de la déclaration de revenus réelle de 2007 au moment de sa préparation, de son collationnement, de son examen et de sa signature en avril 2008. M. Melman n’a pas lu ou examiné sa déclaration de revenus, ni même une copie de celle-ci. Il l’a tout de même signée. Il a attesté qu’il avait examiné le document dans le certificat imprimé à l’intérieur de la déclaration. Parallèlement, il a également redéployé la somme de 4 725 000 $ directement liée à sa dette fiscale correctement évaluée, sans y réfléchir au préalable et sans poser d’autres questions que celles liées précisément aux impôts sur les sociétés. Il a ignoré la question de son assistante concernant la documentation « un peu maigre » et l’absence de feuillets de renseignements personnels. Il a agi ainsi en se basant sur le manque d’expérience de son assistante. À lui seul, cet élément n’est peut-être pas significatif. Collectivement, il s’agit d’une autre petite indication que quelque chose n’allait pas. Cela contribue à remettre en cause la thèse selon laquelle il y avait une bonne raison d’ignorer les signes.

[48]        Au moment de la signature, qui est la période critique pour l’évaluation par la Cour, M. Melman n’a pas été l’homme minutieux, vigilant et exigeant qu’il est habituellement. N’eût été ces manques repérables et cumulatifs, la Cour estime que l’omission des dividendes dans la déclaration de revenus aurait probablement été détectée par M. Melman. L’impact manifeste et remarquable de l’omission des dividendes sur toutes les lignes de résumé importantes de la déclaration de revenus de 2007 ne saurait être minimisé. La prédiction équilibrée de détection probable de la Cour va tout à fait dans le sens de la grande précision de M. Melman et de sa fierté à détecter et à communiquer fréquemment d’autres omissions, coquilles et autres erreurs stylistiques beaucoup moins importantes et parfois sans conséquence, commises par ses comptables de longue date et dignes de confiance, qui n’étaient eux-mêmes relativement pas familiers avec ses sociétés de portefeuille personnelles pour lesquelles les T5 n’ont pas été préparés en 2007.

Conclusion

[49]        Compte tenu des circonstances de l’espèce que sont l’unicité, l’histoire, le rappel et la connaissance des dividendes, du but et de l’échéance de ces dividendes, et compte tenu de l’expérience de M. Melman; la Cour juge que les signaux d’avertissement quant à l’omission des dividendes étaient suffisants pour encourager fortement M. Melman à poser des questions précises et à examiner la déclaration de revenus réelle de 2007 qu’il a signée en avril 2008.

[50]        Sur la base d’une application équilibrée des facteurs combinés retrouvés dans n’importe laquelle des décisions Torres, Brisson, Bhatti et DeCosta, ces feux rouges clairs exigeaient qu’une personne raisonnable et attentive, ce que M. Melman était sans conteste, s’arrête un instant et se demande simplement : « Pourquoi? ». Au lieu de cela, et indépendamment de tout le reste, M. Melman a refusé de voir tout avertissement possible en ne lisant pas sa déclaration de revenus, qu’il s’agisse de l’ébauche, d’une copie ou de celle qu’il a signée. Parallèlement aux autres circonstances et signes évocateurs, cet évitement a entraîné un aveuglement volontaire à l’égard d’un geste important et obligatoire qui aurait fort probablement mené à la détection de l’omission.

[51]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l’intimée conformément au tarif applicable, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations écrites sur les dépens dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.

Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de juillet 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de juillet 2017.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 167

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-2353(IT)G

INTITULÉ :

ANTHONY MELMAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 2, 3 et 4 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Keith M. Trusser

Me Linda Smits

Avocate de l’intimée :

Me Jenny P. Mboutsiadis

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Keith M. Trusser

Me Linda Smits

 

Cabinet :

McKenzie Lake Lawyers LLP

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

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