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Dossier : 2014-3806(IT)APP

ENTRE :

EMMANUEL AZZOPARDI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Demande entendue le 27 octobre 2015, à Windsor (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

Pour le requérant :

Le requérant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Josh Kumar

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

  CONFORMÉMENT aux motifs de l’ordonnance communs ci-joints, les demandes de prorogation du délai pour déposer des avis d’appel sont accueillies pour les années d’imposition 2001, 2003, 2005 et 2011 seulement, et les avis d’appel pour ces années d’imposition sont réputés avoir été reçus tels qu’ils ont été déposés.

La demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel pour l’année d’imposition 2002 est rejetée.

La présente ordonnance modifiée et les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance datés du 12 septembre 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


 

Dossier : 2014-3807(IT)APP

ENTRE :

THOMAS AZZOPARDI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Demande entendue le 27 octobre 2015, à Windsor (Ontario)

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

Représentant du requérant :

Emmanuel Azzopardi

Avocat de l’intimée :

Me Josh Kumar

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

CONFORMÉMENT aux motifs de l’ordonnance communs ci-joints, les demandes de prorogation du délai pour déposer des avis d’appel sont accueillies pour les années d’imposition 2001 et 2002 seulement, et les avis d’appel pour ces années d’imposition sont réputés avoir été reçus tels qu’ils ont été déposés.

Les demandes de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel pour l’année d’imposition 2011 et un avis d’opposition pour l’année d’imposition 2012 sont rejetées.

La présente ordonnance modifiée et les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance datés du 12 septembre 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2016 CCI 194

Date : 20160914

Dossier : 2014-3806(IT)APP

ENTRE :

EMMANUEL AZZOPARDI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2014-3807(IT)APP

ENTRE :

THOMAS AZZOPARDI,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE COMMUNS

Le juge Bocock

I. Aperçu des diverses demandes de prorogation du délai

[1]  Ces demandes ont été entendues en même temps. Elles concernent deux frères qui ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation à l’égard d’un investissement commun dans une société en commandite. Les deux frères ont omis de déposer des avis d’opposition et des avis d’appel à l’égard de diverses années d’imposition dans le délai de prescription de 90 jours pour chaque type d’avis prévu aux articles 167 et 169 de la Loi de l’impôt sur le revenu (le délai de plein droit).

A. Certaines des demandes ont été accueillies sur consentement.

[2]  L’intimée ne conteste pas les demandes de prorogation du délai pour déposer des avis d’appel concernant certaines années d’imposition, à savoir les années d’imposition 2001 et 2002 pour Thomas et 2001, 2003, 2005 et 2011 pour Emmanuel. Ces demandes ont clairement été présentées dans le délai discrétionnaire d’un an (le délai de grâce d’un an) suivant l’expiration du délai de plein droit.

[3]  La Cour est convaincue que Thomas et Emmanuel Azzopardi ont présenté les demandes susmentionnées dans le délai de grâce d’un an suivant l’expiration du délai de plein droit de 90 jours. De plus, ils avaient de véritables intentions d’interjeter appel et ils ont tenté de le faire dès que les circonstances le permettaient; l’appel était raisonnablement fondé, et il était juste et raisonnable de faire droit à leurs demandes. Par conséquent, la Cour doit recevoir les avis d’appel pour les années d’imposition précisées tels qu’ils ont été déposés, et ces appels doivent être entendus en audience en vertu de l’ordonnance accompagnant les présents motifs.

B. Années faisant encore l’objet d’un litige

[4]  Les années susmentionnées n’incluent pas toutes les années d’imposition à l’égard desquelles les frères Azzopardi souhaiteraient présenter un appel. Pour Thomas, les années 2011 et 2012 sont encore en litige, et pour Emmanuel, l’année 2002 demeure en litige. Les demandes contestées précisent l’objet des motifs de l’ordonnance communs qui suivent.

[5]  La Cour doit traiter les demandes de Thomas et d’Emmanuel séparément étant donné qu’elles se caractérisent par des faits et des conclusions légèrement différents.

II. Questions soulevées dans les demandes

A. Résumé des demandes de Thomas

[6]  Les demandes de Thomas portent sur deux années. La demande portant sur l’année 2011 vise la prorogation du délai pour déposer un avis d’appel. Même si la demande portant sur l’année 2012 n’en faisait pas la requête, elle visait à déposer un avis d’opposition qui n’a jamais été déposé.

B. Résumé de la demande d’Emmanuel

[7]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2002 d’Emmanuel, le ministre a établi une cotisation portant qu’aucun impôt n’était payable ou, en langage courant, une cotisation [traduction] « néant ». Par conséquent, le ministre affirme que l’avis d’opposition et l’avis d’appel antérieurs d’Emmanuel ne s’appliquent pas étant donné qu’une personne n’a pas le droit de faire appel d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable : Babich c. La Reine, 2007 CAF 151, au paragraphe 7. Comme il est décrit ci-dessous, pendant l’audition de la demande, Emmanuel a indiqué qu’il avait demandé une détermination des pertes en vertu du paragraphe 152(1.1) de la Loi. La Cour a mis sa décision en suspens en attendant de connaître la position du ministre, ce qui explique le délai prolongé entre la date d’audience initiale et les présents motifs.

C. Analyse et discussion concernant la demande de Thomas pour les années d’imposition 2011 et 2012

[8]  La Cour a rendu de nombreuses décisions au sujet du délai de plein droit de 90 jours et du délai de grâce d’un an pour déposer des avis d’opposition et des avis d’appel. En règle générale, à moins que la Cour conclue en toute connaissance de cause qu’un contribuable a, selon toute vraisemblance, déposé un avis d’opposition ou d’appel auprès d’une instance reconnaissable et liée dans le délai de plein droit ou a présenté une demande de prorogation dans le délai de grâce d’un an, la loi interdit au contribuable de faire trancher son appel par la Cour. En l’absence d’un tel acte ou d’une telle télécopie exécutée en toute connaissance de cause, la Cour n’a pas compétence pour rendre une ordonnance. La Loi de l’impôt sur le revenu (ou la Loi sur la taxe d’accise) prévoit une interdiction claire et obligatoire qui affaiblit cette compétence. Le libellé même du paragraphe 167(5) mentionne clairement cette interdiction [les commentaires explicatifs entre crochets et le soulignement ont été ajoutés] :

(5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies [c.-à-d. si le délai de grâce d’un an est respecté] :

a) la demande a été présentée dans l’année [dans le délai de grâce] suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 [le délai de plein droit] pour interjeter appel;

b) le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv) l’appel est raisonnablement fondé. [Non souligné dans l’original.]

[9]  La juxtaposition de la mention du délai de grâce d’un an et des exigences en matière de preuve en quatre étapes, de même que le préambule contenant l’expression négative « Il n’est fait droit à la demande que si » sont clairs, évidents et déterminants. La Cour d’appel fédérale a énoncé exactement ce fait à plusieurs occasions, et elle l’a énoncé de façon encore plus claire dans MNR v Minuteman Press, (1988) 88 DTC 6278, en déclarant ce qui suit :

[traduction]

Lorsqu’il a été déterminé qu’aucune demande de prorogation n’a été présentée à l’intérieur du délai de un an imparti pour interjeter appel, la question de savoir s’il serait juste et équitable de faire droit à la prorogation ne se pose pas.

[10]  Si un contribuable n’a pas présenté de demande de prorogation dans le délai de grâce d’un an, la Cour n’a pas compétence pour examiner les facteurs probants subséquents en quatre étapes pour exercer son pouvoir discrétionnaire.

[11]  Par conséquent, lors de l’examen d’une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel ou un avis d’opposition, la première question est de savoir si, dans les faits, le contribuable a effectivement ou en toute connaissance de cause présenté une demande de prorogation dans le délai de grâce d’un an. Cette première question ne peut pas être confondue avec la question subséquente ou la deuxième question, qui est de savoir s’il existe des motifs probants pour accorder la prorogation dans le délai de grâce d’un an.

[12]  Ce n’est que si la Cour conclut que la demande de prorogation a été présentée dans le délai de grâce d’un an qu’elle doit se pencher sur les exigences en matière de preuve en quatre étapes.

[13]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2011 de Thomas, un avis de confirmation a été établi le 21 juin 2013. Le ministre fait valoir qu’aucun avis d’appel n’a été déposé dans le délai de plein droit de 90 jours et qu’aucune demande de prorogation n’a été présentée dans le délai de grâce d’un an en vertu de l’alinéa 167(5)a).

[14]  Pour l’année 2012, le ministre affirme qu’il n’a jamais reçu d’avis d’opposition ou de demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition en vertu du paragraphe 169(1). Ce paragraphe exige qu’un avis d’opposition soit signifié avant l’introduction d’un appel : Bormann c. Canada, 2006 CAF 83, aux paragraphes 3 à 5, qui indiquent ce qui suit :

[3] Le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu oblige le contribuable à signifier un avis d’opposition s’il veut interjeter appel d’une cotisation. En d’autres mots, la signification d’un avis est une condition préalable à l’introduction d’un appel.

[4] Comme je l’ai mentionné, l’appelant n’a pas signifié d’avis d’opposition et il n’existe aucune preuve qu’il ait demandé au ministre une prorogation de délai afin de signifier un avis d’opposition.

[5] La loi est claire : lorsqu’il n’y a pas eu de demande de prorogation de délai, la Cour de l’impôt n’a pas la compétence de proroger le délai par souci d’équité.

[15]  C’est dans le contexte de cette structure obligatoire ayant force exécutoire que la Cour doit examiner les faits des demandes de Thomas concernant les années 2011 et 2012.

[16]  Des faits supplémentaires ont été présentés à l’audience au nom de Thomas par son représentant, Emmanuel, qui est aussi son frère. Au cours des nombreuses années qui ont précédé l’audition de la présente demande, les requérants ont obtenu l’aide de divers comptables et avocats en ce qui concerne les cotisations et les nouvelles cotisations qui ont été établies à l’égard des investissements sous-jacents dans une société en commandite. La correspondance abondait et a brouillé le processus. Les nombreuses années d’imposition, les nombreux contribuables, les états de compte, les demandes de paiement, les demandes de renseignements des représentants des contribuables et les réponses des employés de l’Agence du revenu du Canada (ARC) encombrent le contexte documentaire. L’avis de cotisation de l’année 2012 daté du 10 juin 2013 et l’avis de confirmation de l’année 2011 daté du 21 juin 2013, qui constituent l’objet des présentes demandes, étaient enfouis dans cet amas de papier.

[17]  Bien qu’il soit impossible de trouver un avis d’opposition pour l’année 2012, un avis d’appel pour l’année 2011 ou une demande de prorogation du délai présentée dans le délai de grâce d’un an pour l’année 2011 ou 2012, Thomas soutient que la documentation nécessaire se trouve dans certains documents et demande que le délai de grâce d’un an soit suspendu.

[18]  La nature, la chronologie et les dates des documents sont pertinentes pour effectuer le présent examen, étant donné que les dates d’expiration du délai de grâce d’un an pour les demandes de prorogation sont le 19 septembre 2014 pour l’avis d’appel concernant l’année 2011 et le 30 avril 2015 pour l’avis d’opposition concernant l’année 2012. Les événements peuvent être résumés comme suit :

  i.  3 avril 2012 – L’ARC a envoyé une lettre aux contribuables au sujet d’un avis de détermination d’une perte découlant d’un investissement dans une société en commandite qui a été établi en se fondant sur un certain procès-verbal de transaction concernant un grand groupe de contribuables dont Thomas et Emmanuel faisaient partie. Dans cette lettre, l’ARC informait les contribuables qu’ils devaient déposer (ou déposer de nouveau) l’avis d’opposition ou l’avis d’appel directement auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Cette lettre précédait l’avis de confirmation du 21 juin 2013 et l’avis de cotisation du 10 juin 2013.

  ii.  23 septembre 2013 – L’ARC a envoyé une lettre pour confirmer que les années d’imposition 2001 et 2002 (et non 2011 et 2012) faisaient l’objet d’un litige et exiger le paiement de l’impôt en souffrance pour les années d’imposition 2011 et 2012.

  iii.  2 décembre 2013 – Une demande de paiement d’un montant de 36 753,81 $ a été signifiée à Thomas et à son institution bancaire.

  iv.  11 février 2014 – Le comptable de Thomas a envoyé une lettre à l’ARC pour demander différents documents concernant les années d’imposition 2001, 2002 et 2011 (et non 2012). Dans cette lettre, le comptable demandait des renseignements sous-jacents relativement à la détermination de la perte liée à la société de personnes. Il y laissait entendre que les appels individuels sont [traduction] « inutiles » et il proposait qu’une [traduction] « cause type » soit sélectionnée et que toutes les autres affaires soient suspendues en attendant l’issue. Il demandait également que les autres avis de confirmation soient suspendus.

  v.  11 mars 2014 – L’ARC a envoyé une lettre qui semble être la réponse à la lettre du 11 février 2014 du comptable. Dans cette lettre, l’ARC fournissait les renseignements demandés et confirmait l’avis du 3 avril 2012, qui indiquait qu’une nouvelle cotisation serait établie à l’égard de chaque associé. La question du pouvoir de règlement des associés commandités est énoncée. Plus précisément, la lettre énonçait les motifs des nouvelles cotisations, confirmait les calculs des nouvelles cotisations de chaque associé et concluait en indiquant qu’aucun avis de confirmation ne serait mis en suspens, mais que la Cour canadienne de l’impôt doit traiter les appels concernant des différends dans les 90 jours suivant la réception des avis de confirmation.

  vi.  12 mars 2014 – L’ARC a envoyé à un moment inespéré un état de compte à Thomas qui indiquait un solde dû de zéro. Selon cet état de compte, le solde d’ouverture d’environ 30 000,00 $ est épuisé si le total d’un élément s’élève à 12 300,00 $. L’état fait aussi référence à un nouveau montant en litige de 23 027,04 $ depuis le 30 septembre 2014. Il indique également le rajustement de frais d’intérêts mineurs et le transfert d’un solde créditeur dans un compte pour les acomptes provisionnels de 2014. L’état de compte indique aussi que les montants ayant fait l’objet d’avis d’opposition s’élèvent à 76 174,61 $.

 vii.  14 mars 2014 – L’ARC a renvoyé à Thomas ses trois chèques postdatés d’un montant de 6 150,00 $ chacun payables au receveur général.

[19]  Compte tenu de ces faits, Thomas demande que ses demandes concernant les années 2011 et 2012 soient accueillies pour les motifs suivants :

  i.  Le fait que l’ARC n’a pas fourni de documents financiers et de documents sur la perte relative à la société de personnes empêche la préparation d’un appel ou d’une demande en bonne et due forme;

  ii.  Les renseignements et les documents reçus de l’ARC ont induit Thomas en erreur : l’état de compte et le retour des chèques ont fait croire à Thomas que l’ARC ou la Cour canadienne de l’impôt disposait des avis à l’égard des années d’imposition 2011 et 2012, car le paiement d’aucune autre dette n’était exigé et les montants contestés étaient énumérés comme l’objet de la contestation dans la lettre du 14 mars 2014;

  iii.  L’état de compte incompréhensible du 12 mars 2014 et le retour inexplicable des chèques le 14 mars 2014 démontrent que l’ARC a bel et bien reconnu que toutes les demandes de prorogation ou de suspension présentées par les contribuables ont été approuvées ou, compte tenu de la confusion générale que ces communications ont créée, constituent une date de début plus équitable pour le délai de grâce au cours duquel une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel ou un avis d’opposition peut être présentée.

[20]  Pour les motifs qui suivent, les demandes présentées par Thomas concernant la prorogation du délai pour déposer un avis d’appel pour l’année 2011 et un avis d’opposition pour l’année 2012 sont rejetées.

[21]  Même si l’état de compte incompréhensible du 12 mars 2014 où ne figurait aucune description et le retour inexpliqué des chèques le 14 mars 2014 ont créé de la confusion, lorsqu’ils sont comparés de façon logique aux communications précises connexes envoyées par l’ARC, plus particulièrement à la lettre de réponse du 11 mars 2014, cette confusion se dissipe.

[22]  De plus, la lettre du comptable de Thomas datée du 11 février 2014 est loin d’être claire. Elle ne mentionne aucunement un appel à l’égard de l’année d’imposition 2012. Elle n’indique pas non plus qu’une prorogation du délai pour déposer un avis d’appel ou un avis d’opposition à l’égard de l’année d’imposition 2011 ou 2012 est demandée. Elle indique plutôt qu’une [traduction] « suspension » ou une « résiliation » des avis de confirmation est demandée. Quelles que soient les intentions qui se cachaient derrière cette lettre, il n’existe pas de procédure de suspension ou de résiliation. Le comptable termine la lettre en disant qu’il [traduction] « semble inutile de prolonger le délai et d’accroître les efforts pour que l’ARC et moi-même puissions nous opposer et interjeter appel et éventuellement soumettre l’affaire à la cour de l’impôt au nom de ces trois contribuables lorsque leur appel est le même ». Une fois de plus, la lettre propose la sélection d’une cause type pour Emmanuel. En fait, la lettre laisse entendre qu’aucun autre avis d’opposition ou avis d’appel ne doit être déposé.

[23]  Comme il a été mentionné, en réponse à cette lettre de proposition du 11 février, l’ARC a méthodiquement répondu à chaque demande le 11 mars en décrivant le pouvoir légal relatif aux avis de confirmation conformément au procès-verbal de transaction, en fournissant des éléments de preuve à ce sujet aux contribuables, en renvoyant le représentant au pouvoir légal qui lie les associés commanditaires au procès-verbal de transaction, et en rejetant la demande relative à la cause type. Fait plus important, la lettre indique que l’ARC n’a pas le pouvoir légal de résilier ou de suspendre des avis de confirmation établis légalement en l’absence d’appel. En conclusion, la lettre rappelle au représentant qu’il est possible d’interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt et que chaque client doit déposer des appels distincts pour chaque avis de cotisation ou avis de confirmation. La Cour fait remarquer que si le représentant de Thomas avait interjeté appel à l’époque, le délai de grâce d’un an pour l’année 2011 et le délai de plein droit pour l’année 2012 auraient été respectés.

[24]  Plus précisément, après la réception de la lettre de l’ARC datée du 11 mars, Thomas et son conseiller professionnel disposaient encore d’environ six mois (jusqu’au 19 septembre 2014 pour l’année 2011) pour présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un appel et de plus d’un mois pour déposer un avis d’appel ou d’environ 13 mois (jusqu’au 30 avril 2015) pour présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition concernant l’année 2012. En dépit de la longue réponse délibérée transmise le 11 mars 2014, aucun avis de demande n’a été déposé. Rien dans l’état de compte du 12 mars 2014 ne permettait à Thomas ou à son représentant de conclure que l’ARC avait accepté, reconnu ou interprété la réception d’un avis d’appel pour 2011 ou d’un avis d’opposition pour 2012 compte tenu de la réponse claire et complète fournie par l’ARC le jour précédent. De même, la lettre du 14 mars 2014 qui ne fait référence à aucune année d’imposition (comme les chèques qui y sont joints) ne permet pas de supposer que l’ARC est revenue sur sa position définitive énoncée dans sa lettre du 11 mars 2014.

[25]  Ce n’est que le 22 octobre 2014 que Thomas a présenté une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel pour les années 2011 et 2012. Il n’a jamais présenté de demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition pour l’année 2012. Encore une fois, les dates importantes étaient le 19 septembre 2014 pour l’année 2011 (avis d’appel) et le 30 avril 2015 pour l’année 2012 (avis d’opposition).

[26]   En outre, Thomas et ses divers représentants ont continué de manquer d’attention, plus particulièrement à l’égard de l’année 2012. La réponse de l’intimée datée du 7 janvier 2015 (près de quatre mois avant l’expiration du délai de grâce pour la présentation de la demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition pour l’année 2012) contenait d’autres avertissements. Au paragraphe 24, il était indiqué que le requérant avait jusqu’au 30 avril 2015 pour présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition. Le requérant n’a pas relevé cette information ou, en tout état de cause, n’en a pas tenu compte. Thomas a également demandé deux ajournements qui lui ont été accordés par la Cour, le dernier ayant été accordé le 27 avril 2015, soit trois jours avant l’expiration du délai pour la présentation d’une demande. En dépit de tous ces rappels possibles, Thomas n’a pas présenté de demande pour modifier sa demande concernant l’année 2012, et une ordonnance à cet égard n’a donc pas été rendue même si la Cour avait la compétence pour le faire à l’époque.

[27]  Dans les faits, le déploiement d’efforts, qu’ils soient imprécis, maladroits ou déformés, aurait tout de même pu constituer une occasion dont la Cour aurait pu se saisir. Par contre, le fait de conclure que de tels efforts et le temps consacré à cette tâche seraient inutiles (comme a conclu le représentant de Thomas) et de ne pas déposer un simple avis convenu, une demande subséquente ou une modification ne constitue pas une telle occasion. Le fait de ne pas avoir présenté de tels éléments prive la Cour de la compétence qui lui est conférée en vertu des paragraphes 167(5) et 169(1) et porte un coup fatal.

III. Analyse et décision concernant la demande d’Emmanuel pour l’année d’imposition 2002

[28]  La demande d’Emmanuel était uniquement fondée sur une détermination des pertes demandées pour l’année d’imposition 2002.

[29]  Le paragraphe 152(1.1) de la Loi énonce ce qui suit [Non souligné dans l’original.] :

Détermination des pertes par le ministre

  1. Lorsque le ministre établit le montant de la perte autre qu’une perte en capital, de la perte en capital nette, de la perte agricole restreinte, de la perte agricole ou de la perte comme commanditaire subie par un contribuable pour une année d’imposition et que le contribuable n’a pas déclaré ce montant comme perte dans sa déclaration de revenu pour cette année, le ministre doit, à la demande du contribuable et avec diligence, déterminer le montant de cette perte et envoyer un avis de détermination à la personne qui a produit la déclaration.

[30]  Pendant l’audience, Emmanuel a informé la Cour qu’il avait présenté une demande de détermination des pertes au ministre le 25 août 2015 et qu’une décision n’avait pas encore été rendue à l’égard de cette demande. La Cour a rendu plusieurs ordonnances afin de mettre en suspens les décisions relatives à ces demandes pendant que le ministre exerçait son pouvoir discrétionnaire pour établir une détermination des pertes. Des observations écrites ont aussi été demandées et reçues des parties pendant cette période.

[31]  Par la suite, la Cour a été informée que le ministre aurait besoin de plus de temps pour répondre à la demande. Une prorogation a donc été accordée. L’avocat de l’intimée a informé la Cour le 26 mai 2016 que le ministre considérait que la demande présentée par Emmanuel le 26 août 2015 était une demande de redressement (probablement en vertu du paragraphe 154(4.1)) et non une demande de détermination des pertes en vertu du paragraphe 152(1.1).

[32]  La Cour, ayant entrepris de connaître la position du ministre au sujet de la soi-disant demande de détermination des pertes, en est exactement au même point. Emmanuel croit fermement qu’il a droit à une détermination des pertes. Le ministre refuse d’établir une telle détermination, car il affirme qu’une demande de détermination des pertes n’a pas été dûment présentée. La Cour n’est pas disposée à retarder davantage sa décision à l’égard des demandes d’Emmanuel et rendra donc une décision en se fondant sur l’avis de cotisation pour l’année 2002 dont elle dispose.

[33]  Emmanuel pourrait peut-être présenter de nouveau sa demande de détermination des pertes en indiquant les pertes qui ont été déclarées et en utilisant un format qui inciterait le ministre à donner une réponse définitive, à défaut de quoi il devrait s’adresser à une autre instance pour obtenir la détermination qu’il demande. Or, le nœud de la question est que le ministre soutient qu’il n’a relevé aucune différence dans le dossier entre le montant des pertes qu’Emmanuel a déduites dans sa déclaration de 2002 et le montant des pertes qu’il a accepté dans les cotisations [traduction] « telles qu’elles ont été produites ». En termes simples, il ne semble pas y avoir de différence entre la position adoptée par Emmanuel lors de la production de sa déclaration et la cotisation établie en 2002 par le ministre relativement aux pertes déclarées. Une telle différence est une condition sine qua non qui est l’objet de tous les litiges fiscaux.

[34]  Pour ce motif, il est prématuré de rendre une décision sur la demande de 2002 visant la prorogation du délai pour déposer un avis d’appel. À ce jour, aucune détermination des pertes manifestes n’a fait l’objet d’un litige. À l’heure actuelle, étant donné qu’il existe seulement une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable ou une [traduction] « cotisation néant », aucun appel ne peut être interjeté à la Cour : Babich c. La Reine, 2010 CCI 352, décision confirmée par la Cour d’appel fédérale, précitée, au paragraphe 9. Pour ce motif, la demande de prorogation de délai d’Emmanuel concernant l’année d’imposition 2002 est rejetée.

  La présente ordonnance modifiée et les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance datés du 12 septembre 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 194

NOS DES DOSSIER DE LA COUR :

2014-3806(IT)APP, 2014-3807(IT)APP

INTITULÉ :

EMMANUEL AZZOPARDI, THOMAS AZZOPARDI c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 octobre 2015

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DE L’ORDONNANCE MODIFIÉE :

Le 14 septembre 2016

COMPARUTIONS :

Représentant du requérant :

Emmanuel Azzopardi

Avocat de l’intimée :

Me Josh Kumar

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le requérant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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