Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016-2678(EI)

ENTRE :

INOWAL TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 9 novembre 2016, à Saskatoon (Saskatchewan).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Naveed Anwar

Avocat de l’intimé :

Me Bryn Frape

 

JUGEMENT

L’appel relatif à la décision datée du 27 mai 2016 et rendue sous le régime de la Loi sur l’assurance-emploi est accueilli et la cotisation annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2017.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


Référence : 2017CCI26

Date : 20170213

Dossier : 2016-2678(EI)

ENTRE :

INOWAL TRANSPORT LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]  À la suite d’une revue des gains assurables et ouvrant droit à pension, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’endroit de l’appelante une cotisation d’un montant de 5 351,23 $, plus les intérêts et les pénalités applicables, pour des cotisations d’assurance-emploi (« AE ») impayées en lien avec quatre personnes, relativement à l’année 2014, soit Surinder Singh Multani, Simarjit Singh, Varinderpal Singh et Mohinder Singh (les « travailleurs »).

[2]  Pour établir la cotisation de l’appelante, le ministre a conclu ce qui suit :

a)  Surinder Singh Multani (« Surinder ») et Simarjit Singh (« Simarjit ») étaient engagés aux termes de contrats de louage de services conclus avec l’appelante. Le ministre a conclu que, bien qu’ils soient liés à l’appelante, s’ils n’avaient eu aucun lien de dépendance avec celle-ci des contrats de travail essentiellement similaires auraient été conclus;

b)  Varinderpal Singh (« Varinderpal ») a été engagé aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec l’appelante, et celle-ci et lui n’avaient aucun lien de dépendance;

c)  Mohinder Singh (« Mohinder ») a été engagé aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec l’appelante.

[3]  L’appelante était représentée par son comptable, Naveed Anwar. Surinder, Simarjit et Varinderpal ont témoigné en vertu d’une assignation à comparaître de la part de l’intimé. Ils ont témoigné par l’entremise d’un interprète.

[4]  Avant d’établir la cotisation de l’appelante, et voulant vérifier s’il existait une relation employeur-employé entre les travailleurs et l’appelante, le ministre a envoyé des questionnaires à ces derniers. Seuls les questionnaires concernant Simarjit et Varinderpal ont été déposés en tant que pièces à l’audition du présent appel.

[5]  La plupart des réponses inscrites dans les deux questionnaires étaient identiques et il est devenu évident que M. Anwar les avait remplis et qu’il avait fait signer par Simarjit et Varinderpal leur questionnaire respectif.

[6]  Les questionnaires contenaient une erreur fondamentale au sujet de la relation des travailleurs. Il y était indiqué que Surinder et Simarjit étaient père et fils. Varinderpal était inscrit sous le nom de « Harinderpal », le neveu de Surinder.

[7]  Les trois témoins ont déclaré que Surinder est l’oncle de Simarjit et de Varinderpal, qui sont tous deux frères.

[8]  Mohinder est le frère de Surinder et le père de Simarjit et de Varinderpal.

[9]  L’appelante a été constituée en société le 19 juin 2013. Elle fournissait des chauffeurs à contrat à des entreprises de transport de marchandises par camion. Les chauffeurs s’occupaient de ramasser et de livrer les marchandises. Son principal client était Iqbal Group Inc., qui effectuait des voyages longue distance entre Saskatoon et Edmonton. Iqbal Group Inc. était propriétaire des camions et elle rémunérait ses chauffeurs en fonction de la distance parcourue. Elle payait l’essence dont chaque camion avait besoin.

[10]  Selon la réponse que le ministre a déposée, les seuls chauffeurs que l’appelante engageait étaient Surinder, Simarjit et Varinderpal.

[11]  Les actionnaires de l’appelante étaient les suivants :

Surinder, qui détenait 40 % des actions avec droit de vote;

Simarjit, qui détenait 30 % des actions avec droit de vote;

Varinderpal, qui détenait 30 % des actions avec droit de vote.

[12]  Surinder était l’administrateur de l’appelante.

Déposition des témoins

Surinder

[13]  Surinder trouvait les contrats pour l’appelante et il était son principal chauffeur. Simarjit et Varinderpal étaient engagés à titre de chauffeurs à temps partiel. Cependant, c’était Surinder qui décidait qui était le chauffeur qui se chargerait de chaque contrat, et il supervisait les chauffeurs. À l’occasion, Simarjit et Varinderpal conduisaient un camion avec lui en vue d’acquérir de l’expérience.

[14]  Surinder a déclaré que, à titre de chauffeur du camion, il ne s’occupait jamais du chargement de ce dernier mais qu’il lui arrivait de le décharger si le client n’était pas présent quand il arrivait au lieu de destination.

[15]  Selon Surinder, ses fonctions de chauffeur consistaient à conduire les camions, à les décharger de temps à autre ainsi qu’à remplir les carnets de route et à procéder aux vérifications de sécurité, conformément aux normes de l’industrie.

[16]  Quand Mohinder travaillait pour l’appelante, il accompagnait Surinder lors de ses voyages. Mohinder aidait à décharger le camion quand il le fallait. Surinder n’était pas sûr si Mohinder était présent au Canada en 2014.

[17]  Contrairement à l’hypothèse du ministre selon laquelle les heures d’activité de l’appelante s’étendaient du lundi au samedi, de 7 h à 17 h, Surinder a déclaré que l’appelante n’avait pas d’heures d’activité particulières. L’hypothèse du ministre reposait sur les questionnaires que M. Anwar avait remplis.

[18]  Les heures des travailleurs dépendaient du nombre de voyages disponibles. Surinder ignorait le nombre d’heures qu’il avait effectuées en 2014 et il n’était pas d’accord pour dire qu’il conduisait environ vingt jours par mois. Il a toutefois déclaré qu’il faisait entre trois et quinze voyages par mois. Il a convenu que Simarjit et Varinderpal le faisaient environ trois ou quatre jours par mois.

[19]  Pour rendre sa décision, le ministre a tenu pour acquis qu’Iqbal Group Inc. fixait le calendrier de travail de l’appelante et qu’elle avait conclu avec celle-ci un contrat en vue de la fourniture de services de chauffeur six jours par semaine. Surinder a nié ces hypothèses.

[20]  Au cours de la période, les travailleurs ont déclaré que leur rémunération avait été la suivante :

Surinder

50 000 $

Simarjit

30 000 $

Varinderpal

20 000 $

Mohinder

30 000 $

[21]  Surinder a nié que les travailleurs avaient reçu la rémunération déclarée. Il a indiqué que leur rémunération n’était pas fixe et qu’il ignorait le montant que chaque travailleur recevait par mois. Cependant, ils n’étaient payés que s’ils travaillaient. L’appelante avait toujours du travail et le revenu des travailleurs dépendait de [traduction] « ce qu’ils demandaient ». Aucun des actionnaires ne recevait des dividendes.

[22]  Surinder a convenu que Simarjit, Varinderpal et lui étaient des chauffeurs de classe 1 certifiés et chevronnés avant qu’ils entrent au service de l’appelante. Il a déclaré que Simarjit et Varinderpal avaient obtenu leur certification en 2013.

Simarjit et Varinderpal

[23]  Ni Simarjit ni Varinderpal n’ont payé leurs actions. Ils ont dit que celles-ci avaient été un cadeau de leur oncle. En 2014, ils vivaient avec leur oncle, Surinder.

[24]  En 2014, Simarjit a travaillé pour l’appelante à temps partiel. Simarjit a déclaré qu’il n’a jamais fait un voyage seul. Il accompagnait son oncle, Surinder, et il ne conduisait le camion que quand son oncle était fatigué. Il a dit qu’il faisait deux ou trois voyages par mois avec son oncle, afin de pouvoir acquérir de l’expérience.

[25]  Varinderpal a déclaré ne pas avoir tenu compte du nombre de voyages qu’il avait faits pour l’appelante. Il avait peut-être travaillé trois ou quatre jours par semaine en 2014. Durant ce temps, il était apprenti-chauffeur, et il ne conduisait jamais seul. Il accompagnait son oncle, Surinder, qui le laissait parfois conduire. Varinderpal a déclaré qu’il n’avait obtenu son permis de chauffeur de classe 1 qu’en septembre 2014.

[26]  Simarjit et Varinderpal ont tous deux déclaré qu’ils n’accompagnaient pas leur oncle lors des mêmes voyages. Surinder décidait qui l’accompagnait lors des voyages.

[27]  Tant Simarjit que Varinderpal ont déclaré qu’ils ne chargeaient ou ne déchargeaient pas le camion quand ils accompagnaient leur oncle.

[28]  Varinderpal a déclaré que son père, Mohinder, n’a jamais travaillé pour l’appelant. Mohinder n’est venu au Canada que trois ou quatre fois dans sa vie. Il n’était pas présent au Canada en 2014.

[29]  Simarjit a déclaré qu’il n’avait pas d’horaire fixe et qu’il n’était pas rémunéré régulièrement. Il demandait de l’argent à son oncle quand il en avait besoin, et il a estimé que ce dernier lui avait remis entre 100 $ et 1 000 $ en 2014.

[30]  Varinderpal a également déclaré qu’il ne touchait pas une rémunération régulière. Son oncle lui donnait de l’argent quand il en faisait la demande. Il n’était pas sûr du montant d’argent qu’il avait reçu de son oncle en 2014.

[31]  Tant Simarjit que Varinderpal ont déclaré ne pas avoir produit une déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2014. Simarjit s’est plus tard souvenu que M. Anwar, le comptable, avait rempli pour lui une déclaration, qu’il avait signée. Varinderpal a déclaré que son oncle avait déclaré des revenus pour l’année 2014.

[32]  À la suite d’une question de ma part sur le revenu que Simarjit et Varinderpal avaient reçu, Surinder a répondu que l’argent gagné n’appartenait à personne. Il s’agissait d’argent familial. Il a ajouté : [traduction] « Nous payions nos dépenses du ménage » avec cet argent, de façon à ce que la famille puisse rester ensemble.

Analyse

[33]  La plupart des hypothèses que le ministre a formulées étaient fondées sur les réponses données aux questionnaires. Ces derniers n’étaient pas exacts pour ce qui était de certaines des questions fondamentales qui se posaient dans le présent appel. M. Anwar a déclaré que l’inexactitude des questionnaires était due au fait que son client maîtrisait mal la langue anglaise.

[34]  Ma décision a finalement reposé sur une conclusion relative à la crédibilité. J’ai cru au témoignage de Simarjit et de Varinderpal. Les aspects essentiels de ce qu’ils ont dit au sujet de leur rémunération et de leurs fonctions étaient étayés par le témoignage de Surinder.

[35]  Je suis d’avis que Simarjit et Varinderpal n’ont pas été employés comme chauffeurs de camion auprès de l’appelante en 2014. Ils accompagnaient parfois leur oncle lors de ses voyages, mais ils ne touchaient aucune rémunération. Varinderpal n’a obtenu sa licence de chauffeur de classe 1 qu’en septembre 2014. Simarjit a obtenu sa licence de chauffeur de classe 1 en 2013, mais il a déclaré qu’il était apprenti-chauffeur.

[36]  J’ai conclu que ni Simarjit ni Varinderpal n’ont exercé un emploi assurable auprès de l’appelante en 2014.

[37]  La question à laquelle il faut répondre à propos de Surinder consiste à savoir s’il était un employé ou un entrepreneur indépendant auprès de l’appelante. C’est‑à‑dire, s’il fournissait ses services à titre de personne travaillant à son compte : 671122 Ontario Ltd c Sagaz Industries Canada inc., [2001] 2 RCS 983, au paragraphe 47.

[38]  J’ai conclu que Surinder n’était pas engagé aux termes d’un contrat de louage de services conclu avec l’appelante. Ma décision est fondée sur les points suivants :

a)  l’appelante ne contrôlait pas la manière dont Surinder exécutait ses fonctions à titre de chauffeur de camion. Il ressortait de la preuve qu’aucun des autres actionnaires de l’appelante n’avait l’expertise ou l’expérience voulue, à titre de chauffeur de camion, pour exercer un contrôle sur Surinder;

b)  Surinder décidait seul quand il serait rémunéré, de même que le montant qu’il recevrait de l’appelante. Il avait assurément une chance de réaliser un profit.

[39]  En 2014, Mohinder n’était pas un employé de l’appelante. Selon la preuve, il ne se trouvait pas au Canada cette année-là.

[40]  L’appel est accueilli et la cotisation annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2017.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


RÉFÉRENCE :

2017CCI26

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2678(EI)

INTITULÉ :

INOWAL TRANSPORT LTD. ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 novembre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 février 2017

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

M. Naveed Anwar

Avocat de l’intimé :

Me Bryn Frape

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.