Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2002-34(IT)G

ENTRE :

A & D HOLDINGS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Windsor (Ontario), le 16 novembre 2005

Devant : L'honorable juge B. Paris

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Arthur M. Barat

Avocate de l'intimée :

Me Deen C. Olsen

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997 et 1998 est rejeté avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de janvier 2006.

« B. Paris »

Juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de décembre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2005CCI768

Date : 20060105

Dossier : 2002-34(IT)G

ENTRE :

A & D HOLDINGS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]    Dans le calcul de son revenu tiré d'une entreprise pour ses années d'imposition 1997 et 1998, l'appelante s'est prévalue de la déduction pour amortissement ( « DPA » ) relativement à certains bâtiments et à du matériel qu'elle a acquis en 1994. Le ministre du Revenu national a établi à son égard de nouvelles cotisations par lesquelles il refuse les DPA; l'appelante interjette appel de ces nouvelles cotisations.

[2]    Le point en litige intéresse le coût engagé par l'appelante au titre des bâtiments et du matériel, lequel permet de fixer le montant de la DPA pouvant être déduit pour n'importe quelle année d'imposition donnée. L'appelante soutient que le coût des bâtiments était de 1 600 000 $, tandis que celui du matériel était de 1 055 000 $. Le ministre a établi de nouvelles cotisations sur le fondement que le coût engagé par l'appelante s'élevait à 12 750 $ pour les bâtiments et à 8 250 $ pour le matériel. Le montant de DPA en litige se chiffre à 179 339 $ en 1997 et à 152 720 $ en 1998[1].

[3]    Pendant l'audition de l'appel, les parties ont présenté un recueil conjoint de documents et M. Alexander Menzies, le comptable de l'appelante, a témoigné pour le compte de cette dernière.

[4]    Il ressort de la preuve qu'en 1994 l'appelante a acheté 11,2 acres de terrain, deux bâtiments industriels totalisant environ 160 000 pieds carrés ainsi que du matériel lourd et un quai ferroviaire. Comme le vendeur, WCA Canada Inc., s'était servi des biens pendant de nombreuses années dans le cadre de son entreprise de fabrication et de placage de pare-chocs d'automobile, du nickel et du chrome ont contaminé le terrain.

[5]    Le problème de contamination a d'abord été décelé en 1987 lorsque la ville de Windsor a informé WCA que l'eau recueillie par l'égout pluvial de la municipalité en provenance du terrain contenait du chrome. En 1988, WCA a retenu les services de Golder Associates Ltd., une firme d'ingénieurs en environnement, pour qu'elle fasse enquête et exécute des travaux correctifs. WCA a mis fin aux activités de son usine de pare-chocs en 1990, mais l'eau parvenant à l'égout pluvial contenait toujours du chrome. Dans un rapport datant d'avril 1992, Golder Associates a présenté une autre série de recommandations visant des opérations de nettoyage supplémentaires. Selon M. Menzies, certains des travaux recommandés ont été effectués par WCA et le problème de la contamination des eaux de ruissellement a été résolu à la satisfaction de la municipalité avant que les biens ne soient vendus à l'appelante.

[6]    En 1993, deux hommes d'affaires de Windsor, Kenneth Arnold et William Docherty, se sont montrés intéressés à acheter l'emplacement vacant de WCA. Ils avaient l'intention d'utiliser l'emplacement pour y exploiter une entreprise de biorestauration du sol. Le sol contaminé d'autres emplacements y serait transporté par camions et nettoyé à l'aide d'un procédé pour lequel ils avaient récemment obtenu un brevet. Pour faciliter la vente, WCA a demandé et obtenu, en novembre 1993, que le zonage du terrain soit modifié afin de permettre la biorestauration.

[7]    M. Arnold et M. Docherty ont constitué l'appelante en société le 21 janvier 1994, les actions de celle-ci étant détenues en parts égales par leurs sociétés, K.M. Arnold and Associates Ltd. et R.C. Pruefer Co. Ltd.

[8]    WCA a vendu les biens à l'appelante conformément à une convention d'achat-vente datée du 28 janvier 1994 (la « convention » ). Selon cette entente, le prix d'achat se composait de deux éléments : un paiement comptant de 25 000 $ et la prise en charge d'obligations. Les obligations en question étaient celles qui incombaient à WCA au titre du nettoyage des biens. L'alinéa 1.1a) de la convention définit ainsi les « obligations prises en charge » :

[TRADUCTION]

(i)       toutes les obligations (qu'elles aient pris naissance avant, pendant ou après l'heure de clôture) connues et inconnues, prévues ou imprévues, ordinaires ou extraordinaires, découlant directement ou indirectement de la situation environnementale, physique ou autre des biens ou d'une quelconque partie de ceux-ci à la suite d'événements, d'actes ou d'omissions ayant eu lieu avant, pendant ou après l'heure de clôture, notamment les frais d'enquête, d'étude, de nettoyage ou des mesures correctives, les amendes, les dommages-intérêts accordés à des tierces parties (tant publiques que privées), les honoraires et frais de consultants ainsi que les honoraires et frais d'avocats;

(ii)      toutes les obligations du vendeur prévues ou afférentes à l'entente datée du 8 novembre 1993 conclue entre la ville de Windsor et le vendeur relativement aux biens[2];

(iii)     toutes les obligations du vendeur, de ses filiales, sociétés mères ou sociétés affiliées, des personnes morales procédant de sociétés liées par leur propriétaire, leur fonctionnement ou leur gestion, et de chacun de leurs dirigeants, administrateurs, employés, prédécesseurs, successeurs et ayants droit, respectivement, qui sont, d'une part, mentionnées dans la lettre datée du 7 juillet 1993 de Teresa Gilbert, du ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, adressée à James M. Boggs et adoptant les conclusions et recommandations énoncées dans le rapport d'avril 1992 de Golder Associates Ltd. intitulé « Environmental Investigation - The Windsor Bumper Division of WCA Canada Ltd. - Windsor, Ontario » selon lequel ces travaux devaient être effectués le plus rapidement possible, ou qui, d'autre part, découlent directement ou indirectement de cette lettre;

(iv)     toutes les obligations du vendeur, de ses filiales, sociétés mères ou sociétés affiliées, des personnes morales procédant de sociétés liées par leur propriétaire, leur fonctionnement ou leur gestion, et de chacun de leurs dirigeants, administrateurs, employés, prédécesseurs, successeurs et ayants droit, respectivement, qui sont, d'une part, mentionnées dans la lettre datée du 6 août 1993 de James M. Boggs adressée à Teresa Gilbert, du ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, incorporant une lettre datée du 4 août 1993 de Golder Associates Ltd. qui présente un projet de plan de travail et de calendrier pour la mise en oeuvre proposée des mesures correctives recommandées relativement aux biens, ou qui, d'autre part, découlent directement ou indirectement de cette lettre.

[9]    Selon la convention, M. Docherty et M. Arnold étaient tenus de se porter garants, à titre personnel, à l'égard des obligations de l'appelante envers WCA et de fournir des états montrant leur valeur nette. La convention obligeait également la société Pruefer à fournir ses états financiers pour les trois années précédentes. De plus, l'appelante s'engageait à souscrire une police d'assurance visant les dommages à l'environnement que ses activités de biorestauration pourraient causer à l'emplacement.

[10]Au moment de préparer les états financiers et les déclarations de revenus de l'appelante pour l'année 1994, M. Menzies a dû déterminer le coût engagé par cette dernière au titre du terrain, des bâtiments et du matériel. Il est arrivé à la somme de 3 155 000 $, soit les 25 000 $ payés en espèces par l'appelante plus les 3 130 000 $ qui, selon l'estimation de M. Menzies, correspondaient au coût des obligations prises en charge par l'appelante pour le nettoyage des biens.

[11]Il a fondé son estimation du coût des obligations sur un rapport d'évaluation des biens qui lui avait été remis en même temps qu'un double du contrat d'achat-vente et d'autres documents de clôture. Le rapport d'évaluation repose sur l'hypothèse voulant que les biens ne soient pas contaminés. Ce rapport fixait la juste valeur marchande des biens à 3 155 000 $[3]. M. Menzies a conclu que la différence entre la juste valeur marchande des biens s'ils n'étaient pas contaminés et la somme en espèces versée par l'appelante pour payer le vendeur devait correspondre au coût du nettoyage des biens.

[12]M. Menzies a réparti le coût des biens entre le terrain, les bâtiments et le matériel comme il est précisé ci-dessous[4] :

Terrain                                                   500 000 $

Bâtiments                                            1 600 000 $

Matériel                                               1 055 000 $

[13]Dans les déclarations de revenus de l'appelante pour ses années d'imposition 1994 et suivantes, les bâtiments étaient traités comme des biens appartenant à la catégorie 1 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu et une déduction pour amortissement de quatre pour cent par année a été demandée relativement à ces biens. Le matériel a été traité comme des actifs appartenant à la catégorie 8 et la DPA demandée à cet égard s'élevait à 20 pour cent par année. Dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1997 et 1998, l'appelante s'est prévalue des DPA qui suivent :

                                                                   1997                       1998

Catégorie 1 (bâtiments)                                  57 803 $                55 491 $

Catégorie 8 (matériel)                                   121 536 $                97 229 $

Jusqu'à l'année d'imposition 2000, inclusivement, l'appelante a défalqué plus de 1 000 000 $ de son revenu comme déduction pour amortissement au titre des bâtiments et du matériel.

[14]Il ressort de la preuve que l'appelante et une société affiliée ont constitué une société (appelée « Waste Recovery Systems » ) en février 1994 afin de mettre en oeuvre le projet d'assainissement du sol. On a plus tard décidé que l'entreprise serait dirigée par une société différente appelée « Waste Recovery Systems of Windsor » , dont M. Arnold et M. Docherty étaient les associés. Il semble que certains travaux préliminaires ont été effectués dans le cadre du projet, mais qu'ils ont été interrompus lorsque M. Arnold est décédé en 1997 ou 1998. M. Menzies a affirmé que cette société avait effectivement procédé à une partie du nettoyage des biens, mais sans préciser quels travaux ont été faits ni la date de ceux-ci. Il a toutefois déclaré que le coût de ces travaux avait été déduit par chacun des associés à titre individuel, et non par l'appelante. L'appelante a tiré des revenus de location de la société pendant certaines années, mais elle n'a pas engagé de dépenses au titre du nettoyage ni exécuté des travaux afin de nettoyer les biens. M. Menzies a en outre mentionné qu'à sa connaissance, aucune autorité n'avait ordonné ou exigé que les biens soient nettoyés.

La position de l'appelante

[15]L'avocat de l'appelante a soutenu que le ministre, en ce qui concerne le calcul de la déduction pour amortissement demandée sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu[5] (la « Loi » ), avait fait erreur lorsqu'il avait omis d'ajouter, au coût des biens supporté par l'appelante, le montant des obligations prises en charge au titre du nettoyage et décrites dans la convention d'achat-vente.

[16]L'avocat a avancé que, comme le terme « coût » n'est pas défini dans la Loi, il doit être interprété conformément aux principes reconnus en matière de conduite des affaires. Suivant ces principes, le coût doit comprendre les obligations juridiques du vendeur qui sont prises en charge par l'acquéreur, compte tenu du prix d'achat.

[17]À l'appui de cette affirmation, l'avocat a invoqué l'arrêt Time Motors Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue - M.N.R.)[6] dans lequel la Cour suprême du Canada a jugé que les notes de crédit remises en paiement partiel pour des automobiles d'occasion achetées par un contribuable en vue de leur revente font partie du coût qu'il a supporté au titre de ces automobiles. Dans cet arrêt, la Cour s'est exprimée en ces termes à la page 504 :

[TRADUCTION]

[...] La note de crédit ne doit pas être examinée abstraction faite de la transaction qui a donné lieu à son établissement. Elle fait partie de la contrepartie d'un contrat conclu pour l'achat d'une voiture d'occasion. Ce contrat obligeait l'appelante à verser une somme déterminée, dont une partie seulement était versée en espèces, le solde étant déclaré payable en marchandises d'un genre déterminé. Bien que le contrat soit énoncé dans deux documents distincts, le bordereau de vente et la note de crédit, cette dernière ne peut être considérée comme autre chose qu'une preuve des conditions de l'obligation de verser le solde du prix d'achat. Cette obligation doit être considérée comme demeurant en vigueur jusqu'à ce qu'elle soit acquittée ou qu'elle expire. [...]

[18]L'avocat a également fait valoir que la méthode employée par M. Menzies pour évaluer le montant des obligations était conforme aux principes en matière de conduite des affaires généralement reconnus.

[19] L'avocat a demandé à la Cour de conclure que l'appelante avait supporté un coût lorsqu'elle avait pris en charge les obligations de WCA au titre du nettoyage touchant les biens. Il a souligné que ces obligations étaient des plus réelles; WCA s'était déjà engagée à effectuer les travaux recommandés par Golder Associates. L'engagement relatif à la réalisation des travaux est formulé dans les deux lettres mentionnées aux sous-alinéas 1.1a)(iii) et (iv) de la convention : la première lettre, soit celle de Teresa Gilbert, du ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, adressée à James M. Boggs et datée du 7 juillet 1993, et la seconde, soit celle de M. Boggs adressée à Mme Gilbert et datée du 6 août 1993, qui montrent sans équivoque que WCA était juridiquement obligée de procéder aux travaux le plus tôt possible. Cette obligation juridique a ensuite été prise en charge par l'appelante au moment de l'acquisition des biens.

[20]L'avocat a affirmé qu'il ressort des garanties offertes par M. Docherty et M. Arnold ainsi que de l'exigence relative à la présentation de renseignements financiers que les parties considéraient que l'appelante prenait en charge des obligations de nettoyage onéreuses.

[21]Il a soutenu que l'obligation prise en charge par l'appelante consistait à effectuer les travaux correctifs le plus tôt possible et que cette obligation n'était pas tributaire d'un quelconque événement futur.

[22]En outre, selon l'avocat, le fait qu'aucune somme d'argent n'avait encore été dépensée par l'appelante au titre du nettoyage ne signifiait pas que l'obligation n'existait pas; cette obligation doit toujours être honorée. Il a invoqué l'arrêt Wawang Forest Products Ltd. c. Canada[7], où la Cour d'appel fédérale mentionne ce qui suit :

[...] De façon générale, le contribuable effectue une dépense lorsqu'il a l'obligation juridique de payer une somme d'argent. Dans la majorité des cas, l'obligation juridique naît de l'exécution des obligations contractuelles auxquelles le paiement se rattache. Il n'est pas important de savoir si le paiement de l'obligation est exigible à ce moment précis ou dans une année subséquente. [...][8]

[23] Enfin, l'avocat a soutenu que l'obligation de nettoyer les biens n'était pas tributaire d'un quelconque autre événement et que la preuve ne permettait pas d'établir que l'obligation était éteinte.

La position de l'intimée

[24]L'avocate de l'intimée n'a pas contesté le fait que, sous le régime de la Loi, le coût des biens comprend le coût des obligations juridiques prises en charge par l'acquéreur en contrepartie des biens. Cependant, elle a avancé que l'appelante en l'espèce n'avait pas montré qu'elle avait déjà pris en charge une quelconque obligation juridique concernant le nettoyage des biens et donc qu'elle avait déjà engagé des dépenses à ce titre. En l'absence d'une obligation juridique de payer une somme, aucune déduction ne peut être faite dans le calcul du revenu d'entreprise pour l'année[9]. Dans le cas des dépenses en capital, la déduction pour amortissement n'est possible qu'en ce qui touche les dépenses en capital engagées. Les obligations conditionnelles et les évaluations des dépenses ne sont pas déductibles.

[25]L'alinéa 18(1)e) de la Loi permet également d'affirmer qu'une somme doit être dépensée ou engagée pendant une année pour être déductible, puisqu'il interdit la déduction d'une somme au titre d'une provision, d'une éventualité ou d'un fonds d'amortissement, sauf ce qui est expressément permis par la Loi.

[26]L'avocate de l'intimée a allégué que les seuls fonds versés par l'appelante au titre des biens sont les 25 000 $ payés en espèces et que la somme inscrite par l'appelante comme coût en capital n'est que le montant estimatif d'une dépense éventuelle, laquelle est incertaine tant au regard du temps que de son importance pécuniaire.

[27]Enfin, selon l'avocate, la DPA a pour objet de permettre au contribuable de déduire chaque année une partie du coût du capital supporté par l'entreprise pendant l'année d'imposition en cause. Elle vise le recouvrement, sur une période donnée, d'un coût engagé ou d'une dépense effectuée. Toutefois, dans la présente affaire, depuis les dix années qu'elle est propriétaire des biens, l'appelante n'a pas dépensé un sou pour leur nettoyage. Si l'appelante était autorisée à déduire la DPA demandée, elle recouvrerait un coût qu'elle n'a pas engagé.

Analyse

[28] Comme il est signalé plus haut, le litige qui oppose les parties dans la présente affaire intéresse la détermination du coût en capital supporté par l'appelante au titre du terrain et des bâtiments.

[29]Pour les raisons qui suivent, j'arrive à la conclusion que l'appelante n'a pas réussi à établir que le calcul, par le ministre, du coût en capital du terrain et des bâtiments était erroné.

[30]Le fondement législatif de la déduction pour amortissement est prévu à l'alinéa 20(1)a) de la Loi, lequel porte que sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien « la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable, [...] que le règlement autorise [...] » .

[31]Même si l'expression « coût en capital » n'est pas définie dans la Loi, il ressort de la jurisprudence que ce terme [TRADUCTION] « [...] renvoie au coût réel, factuel ou historique pour le contribuable du bien amortissable au moment de son acquisition [...] » [10]. On a par ailleurs conclu que le terme « coût » signifiait :

[...] l'argent payé ou la contrepartie consentie par quelqu'un pour acquérir quelque chose. Il est généralement considéré comme un fait passé objectivement quantifiable, comme la réponse à la question : « combien est-ce que ça a coûté? » [...] Pour réduire la question à sa plus simple expression, le coût est ce qu'on doit payer pour acquérir quelque chose, la valeur est ce que quelqu'un d'autre vous donnera pour ce quelque chose; les deux ne sont pas synonymes. [...] [L]e coût d'un bien est, pour le contribuable, ce qu'il a donné en échange[11].

[32] En outre, la Cour suprême du Canada a récemment signalé ce qui suit dans l'arrêt La Reine c. Hypothèques Trustco Canada[12] :

Sur le plan textuel, les dispositions relatives aux DPA emploient le mot « coût » dans le sens bien établi de somme payée pour acquérir les biens.

[33]Dans l'affaire dont je suis saisi, l'appelante soutient avoir consenti une contrepartie à WCA lorsqu'elle s'est engagée à prendre en charge l'obligation de cette dernière de nettoyer les biens. La preuve n'étaye pas cette allégation. Tout ce qu'on a réussi à prouver c'est que l'appelante, pour acquérir les biens, a pris en charge l'obligation que WCA aurait pu avoir en ce qui touche le nettoyage des biens. Or, la preuve ne montre pas que WCA avait réellement une telle obligation au moment de l'acquisition.

[34]Il est impossible d'affirmer si la correspondance entre le ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario et M. James Boggs (qui est mentionnée dans la définition de l'expression « obligations prises en charge » prévue dans la convention d'achat-vente) a entraîné, pour WCA, une obligation juridiquement exécutoire d'effectuer des travaux de nettoyage précis. Aucune des lettres n'a été déposée en preuve et personne ayant une quelconque connaissance des négociations entre le ministère de l'Environnement et de l'Énergie et WCA n'a été appelé à témoigner.

[35] À la lumière des termes employés dans la convention d'achat-vente, il semble vraisemblable qu'une entente quelconque a été conclue entre Mme Gilbert et M. Boggs quant aux travaux correctifs à effectuer sur les biens, mais aucun élément de preuve n'a été présenté pour établir que l'une ou l'autre des parties était liée par cette convention. En l'absence d'une preuve corroborante, j'en suis réduit aux conjectures relativement à des aspects fondamentaux de cette convention, notamment en ce qui touche la question de savoir si une quelconque contrepartie a été consentie ou si Mme Gilbert, agissant pour le compte du ministère de l'Environnement et de l'Énergie, s'appuyait sur une disposition législative habilitante pour obliger WCA à s'engager à nettoyer les biens. J'en suis également réduit aux conjectures en ce qui concerne le point de savoir si la convention était conditionnelle à la réalisation d'un événement futur.

[36]Le fait que les travaux de nettoyage énoncés dans le rapport Golder n'ont toujours pas été effectués tendrait à étayer la thèse de l'intimée selon laquelle aucune obligation juridique de nettoyer les biens n'a jamais été créée. Sinon, il y a tout lieu de croire que le ministère de l'Environnement et de l'Énergie aurait pris des mesures pour faire exécuter les travaux de nettoyage.

[37]Bien que l'avocat de l'appelante ait laissé entendre qu'il appartenait à l'intimée de présenter des éléments de preuve établissant que l'obligation d'effectuer les travaux de nettoyage était éteinte, une telle preuve n'aurait été nécessaire que si l'appelante avait d'abord réussi à montrer que cette obligation avait pris naissance.

[38]L'avocat de l'appelante a avancé que les garanties consenties par M. Docherty et M. Arnold et l'assurance souscrite par l'appelante établissaient que cette dernière assumait l'obligation juridique de nettoyer les biens. Il a affirmé que, si l'appelante n'avait pas assumé cette obligation, il aurait été inutile pour le vendeur, WCA, d'obtenir les garanties.

[39]J'estime que l'exigence imposée à M. Docherty et à M. Arnold de consentir des garanties ou à l'appelante d'obtenir une couverture d'assurance ne suffit pas en soi à montrer qu'il existait une obligation juridique sous-jacente de nettoyer les biens incombant à l'appelante. Ces exigences sont également compatibles avec le fait que WCA ait souhaité se protéger contre toute responsabilité éventuelle découlant de la contamination des biens sans savoir si elle assumait une responsabilité précise au moment de la vente. De plus, le fait qu'une personne se croit liée par une obligation juridique ne constitue pas une preuve de l'existence de cette obligation. En définitive, l'existence de l'obligation est une question de droit.

[40]L'appelante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu'elle avait l'obligation juridique de dépenser une somme quelconque pour nettoyer les biens. Comme l'a mentionné la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Newfoundland Light and Power Co. Ltd. v. The Queen[13], « [...] il n'existe, pour un contribuable, aucun coût relié à un bien, tant que l'obligation de payer ce coût n'a pas pris naissance » . Il s'ensuit que l'appelante en l'espèce ne peut se prévaloir de la déduction pour amortissement relativement à un coût qu'elle n'a pas prouvé avoir engagé.

[41]Même si j'avais conclu qu'elle assumait une obligation juridique de nettoyer les biens, l'appelante aurait néanmoins eu le fardeau d'établir le coût de cette obligation. Le chiffre avancé par M. Menzies constituait, de son propre aveu, une estimation fondée sur un rapport d'évaluation qui n'a pas été déposé en preuve. Aucun poids ne peut être accordé à cette estimation. Aucun autre élément de preuve établissant le coût allégué n'a été présenté et, en soi, les hypothèses du ministre relatives au coût des bâtiments et du matériel n'auraient pas, de toute façon, été infirmées.

[42]Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de janvier 2006.

« B. Paris »

Juge Paris

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de décembre 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                   2005CCI768

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2002-34(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               A & D HOLDINGS INC. c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Windsor (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 16 novembre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :                    Le 5 janvier 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Arthur M. Barat

Avocate de l'intimée :

Me Deen C. Olsen

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

       Pour l'appelante :

                   Nom :                              Me Arthur M. Barat

                   Cabinet :                          Barat, Farlam, Millson

                                                          Windsor (Ontario)

       Pour l'intimée :                             Me John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)



[1] Le ministre a supposé que la fraction non amortie du coût en capital des bâtiments et du matériel avait été reduite à néant par les demandes de déductions pour amortissement faites par l'appelante et accordées par l'intimée pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, de sorte que la fraction non amortie du coût en capital d'ouverture des bâtiments et du matériel en 1997 était nulle et qu'aucun montant de DPA n'était donc disponible pour les années d'imposition 1997 et 1998 de l'appelante.

[2] Dans le cadre du changement de zonage, WCA avait l'obligation de conclure avec la ville de Windsor une entente concernant les mesures à prendre pour minimiser la possibilité que du sol contaminé apporté par camion ne s'échappe du terrain. L'entente datée du 8 novembre 1993, intervenue entre WCA et la ville de Windsor, prévoit notamment que WCA devait construire une grande clôture le long de l'un des côtés du terrain. Le coût de ces travaux n'a pas été soulevé de façon précise ni dans la preuve ni dans les observations et je vais considérer qu'il ne s'agit pas d'un point en litige.

[3] Aucune preuve d'expert n'a été présentée à l'audience quant à la valeur des biens, contaminés ou non.

[4] M. Menzies a utilisé la valeur du matériel fixée dans le rapport d'évaluation déjà mentionné, et M. Docherty lui a dit que la valeur du terrain était de 500 000 $.

[5] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[6] [1969] R.C.S. 501.

[7] [2001] A.C.F. no 449.

[8] Précité, au paragraphe 9.

[9] Voir l'arrêtThe Queen v. Burnco Industries Ltd., 84 DTC 6348 (CAF), et la décision J.L. Guay Ltee v. The Queen, 71 DTC 5423 (C.F. 1ère inst..).

[10] Cockshutt Farm Equipment of Canada Ltd. v. M.N.R., 66 DTC 544, à la p. 551.

[11] The Queen v. Kettle River Sawmills Limited, 94 DTC 6086 (C.A.F.), à la p. 6092.

[12] [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54.

[13] [1989] F.C.J. no 1064.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.