Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990202

Dossier: 97-1591-UI

ENTRE :

ANNE NABET,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée,

et

UNIVERSITÉ LAVAL SERVICE DES FINANCES,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L'appelante en appelle de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), voulant que pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1996, elle n'ait pas exercé un emploi assurable auprès de l'Université Laval, ci-après quelques fois appelée le payeur, au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage et de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[2] La question en litige est de savoir s'il y avait entre l'université Laval et l'appelante un rapport d'employeur-employée ou un rapport de professeur-étudiante.

[3] Pour rendre sa décision, le Ministre s'est fondé sur les faits décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a) durant la période en litige, l'appelante avait le statut d'étudiante inscrite chez le payeur;

b) elle avait des frais de scolarité à payer;

c) elle accomplissait des travaux de recherches lui permettant de terminer sa thèse, et ainsi compléter son programme d'études de 3ième cycle du payeur;

d) la rémunération versée par le payeur à l'appelante provenait de subventions que le payeur avait reçu du Conseil National de Recherche;

e) l'appelante travaillait seule sur son projet de recherche;

f) son professeur était Michel Pézolet;

g) occasionnellement, M. Pézolet suggérait des pistes sur le travail de l'appelante pour l'aider à avancer dans ses recherches;

h) le payeur n'imposait pas un horaire stricte à l'appelante, mais cette dernière travaillait habituellement de 9 h 00 à 18 h 00, du lundi au vendredi;

i) le payeur renouvelait le contrat de l'appelante à tous les 3 mois;

j) le payeur ne contrôlait pas le travail de l'appelante.

[4] L'appelante a admis les alinéas 5 a) à 5 d), et 5 i) de la Réponse.

[5] L'appelante a produit comme pièce A-1, trois contrats passés entre elle et l'Université Laval. La catégorie est décrite ainsi : étudiante du 3ième cycle. Titre de fonction : N/A. Il est mentionné au bas du document que le montant de ce contrat ne sera versé qu'à la condition que le travail soit accompli en entier. L'appelante fait valoir cette mention et aussi le fait qu'à partir du deuxième contrat, elle a eu une augmentation de salaire : le nombre d'heures étant augmenté bien que le taux horaire restait le même. Elle a produit comme pièce A-3, le contrat de son conjoint, monsieur Claude-Paul Lafrance, pour montrer que le contrat de ce dernier n'était pas différent du sien, du moins en ce qui concerne la note du bas qui prévoit que le montant de ce contrat ne sera versé qu'à la condition que ce travail soit exécuté en totalité.

[6] Toutefois, dans le contrat de monsieur Lafrance, la catégorie est décrite comme « chargé ou assistant de recherche » et le titre de la fonction est décrit comme « assistant de recherche » . Le taux horaire aussi est différent.

[7] C'est dans le cadre de la rédaction d'une thèse pour l'obtention d'un doctorat que l'appelante a passé les contrats que l'on retrouve à la pièce A-2. Elle s'est inscrite au programme du doctorat en 1992 et en a obtenu le diplôme en 1997.

[8] Elle soutient que monsieur Michel Pézolet contrôlait ses travaux à titre d'employeur et non de professeur.

[9] La déclaration statutaire de l'appelante a été déposée comme pièce I-1. En voici le contenu :

...

Lorsque je suis venu au Canada c'était pour poursuivre mes études. Au début, j'avais des bourses d'études afin de m'aider. Depuis trois ans j'ai des contrats de travail.

... Les emplois que j'occupe à l'université Laval sont reliés au domaine dans lequel j'étudie, je n'ai aucune feuille de temps à compléter, je suis libre de faire mon travail et de déterminer mes heures de travail, je le fais à mon rythme. ... Je n'ai pas d'échéancier pour la remise des travaux.

[10] L'avocate de l'intimé s'est référé à la décision The Hospital for Sick Children c. M.R.N. et Carole O'beirne, décision rendue par le juge Christie de cette Cour, le 23 juillet 1993, sur un sujet similaire à celui du présent litige.

[11] Il s'agissait de subventions attribuées par le Conseil de recherches médicales du Canada à des établissements d'enseignement ou des instituts de recherche. La demande de subvention est faite par le chercheur mais c'est l'employeur du chercheur qui reçoit les fonds et les administre. L'occupation de Carole O'Beirne consistait à faire des recherches et à terminer sa thèse. L'aide fournie par le chercheur qui dirigeait les travaux de thèse de l'étudiante visait à répondre aux besoins personnels de cette dernière. Il a été décidé que le rapport entre le chercheur principal et Carole O'Beirne en était un de professeur-étudiant. Le chercheur principal n'aurait pas pu spécifier seul le travail que l'étudiante devait accomplir, la détermination du travail étant le fruit d'un consensus.

[12] L'appelante s'est référée à la décision du juge Archambeault de cette Cour, dans Francine Charron c. M.R.N., une décision rendue le 28 janvier 1994. Selon l'interprétation de la preuve faite par le juge, il s'agissait d'un cas dans lequel l'appelante, tout en étant payée par des fonds de recherche supposément dans le cadre de l'obtention d'un diplôme de maîtrise, exécutait véritablement les tâches qui lui étaient demandées par le chercheur principal. Au moment de son recrutement, elle n'était pas encore inscrite au programme de la maîtrise. Dans ces circonstances, la Cour a décidé qu'il y avait entre elle et le chercheur principal une relation d'employeur-employée.

[13] Le cas sous étude s'apparente à la décision The Hospital For Sick Children (supra) et je suis d'avis que cette décision constate bien l'état du droit en ce qui concerne la situation juridique d'un étudiant payé à même des fonds de recherche : il ne s'agit pas d'un emploi assurable si l'étudiant est payé pour des recherches qu'il effectue dans le cadre d'un programme de travail qu'il s'est tracé lui-même; un professeur peut avoir aidé l'étudiant à établir son programme de travail mais cela demeure celui de l'étudiant et aux fins de l'étudiant; l'étudiant gère l'emploi de son temps; le professeur est là pour donner des conseils; le travail est exécuté pour l'utilité de l'étudiant; il ne s'agit pas de services rendus à un employeur.

[14] De même, dans la présente, c'est dans le cadre de sa rédaction de thèse que l'appelante a été payée en conformité avec les contrats de la pièce A-1, à même des fonds de recherche reçus par l'Université Laval pour des travaux de recherche. Il est à noter que le professeur Pézolet n'est pas venu témoigner pour indiquer que ses directives à l'appelante, en ce qui concerne l'emploi de son temps et la nature du travail à faire, étaient contraires à ce qui est l'usage dans le cas d'un projet de recherche effectué par un étudiant pour les fins de son doctorat. Dans ces circonstances, une direction est donnée par le professeur mais c'est à titre de professeur qu'il la donne et non à titre d'employeur. Le travail à faire est celui déterminé par l'étudiant et selon un emploi du temps également déterminé par l'étudiant. A mon avis, la preuve a clairement révélé que l'appelante n'était pas dans une situation d'emploi. Les sommes reçues par elle étaient de la nature de subventions ou d'aide financière à des étudiants et non de la nature d'une rémunération pour services rendus à un employeur.

[15] L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, le 2e jour de février, 1999.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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