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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-4853(GST)G

ENTRE :

1146491 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de 964211 Ontario Limited (2000‑4854(GST)G) et de 105572 Ontario Inc.(2000-4855(GST)G)

le 6 mai 2002, à Ottawa (Ontario), par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :                        Me Terry D. McEwan

 

Avocat de l'intimée :                           Me Pierre Zemaitis

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 6 août 1999 et porte le numéro H990120, pour la période du 13 décembre 1995 au 31 janvier 1999, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints. 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-4854(GST)G

 

 

ENTRE :

964211 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de 1146491 Ontario Ltd. (2000‑4853(GST)G) et de 105572 Ontario Inc. (2000-4855(GST)G)

le 6 mai 2002, à Ottawa (Ontario), par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :                        Me Terry D. McEwan

 

Avocat de l'intimée :                           Me Pierre Zemaitis

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 6 août 1999 et porte le numéro H990119, pour la période du 1er juillet 1995 au 31 août 1998, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints. 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

2000-4855(GST)G

ENTRE :

105572 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de 1146491 Ontario Ltd. (2000‑4853(GST)G) et de 964211 Ontario Limited (2000-4854(GST)G)

le 6 mai 2002, à Ottawa (Ontario), par

 

l'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :                        Me Terry D. McEwan

 

Avocat de l'intimée :                           Me Pierre Zemaitis

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 6 août 1999 et porte le numéro H990121, pour la période du 1er juin 1995 au 31 août 1998, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci-joints. 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Date: 20020510

Dossier: 2000-4853(GST)G

ENTRE :

1146491 ONTARIO LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier: 2000-4854(GST)G

ENTRE :

964211 ONTARIO LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier: 2000-4855(GST)G

ENTRE :

105572 ONTARIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller, C.C.I.

 

[1]     Les appels de 1146491 ONTARIO LTD., 964211 ONTARIO LIMITED et de 105572 ONTARIO INC., (ci-après les « compagnies ») ont été entendus sur preuve commune. Les compagnies exploitent une entreprise sous le même nom commercial, celui de Marché Frais. Leur entreprise consiste à vendre des fruits et des légumes frais, de la viande et des fruits de mer. Parmi les produits vendus par les appelantes, il y a deux ensembles pour salade. Le ministre du Revenu national (ci-après le « ministre ») a établi des cotisations à l'égard de chacune des compagnies pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999 pour le motif que les ensembles pour salade représentent des salades et, par conséquent, entrent dans la catégorie d'exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base en vertu de l'alinéa 1 o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après la « Loi ») et qu'en tant que telles elles n'étaient pas des fournitures détaxées. Les appelantes se sont opposées à ces cotisations et ont prétendu que les ensembles pour salade étaient des produits alimentaires de base et non des salades.

 

[2]     Le président des compagnies, M. Brazeau, a témoigné au nom des appelantes. Il a mentionné que Marché Frais exploite neuf magasins dans la région d'Ottawa et de Gatineau. Les cotisations en l'espèce ont été établies par suite de la vente d'ensembles pour salade dans deux magasins à Gatineau et dans un magasin à Hull. M. Brazeau a déposé des ensembles pour salade similaires à ceux dont il est question en l'espèce : un ensemble pour salade grecque et un ensemble pour salade césar. Je vais décrire l'ensemble pour salade césar. Un sac transparent sur lequel sont imprimés les mots ensemble pour salade césar contient de quatre à six portions de laitue romaine lavée et coupée, d'autres sacs transparents de type « Zip Lock » qui contiennent du parmesan, des morceaux de bacon et des croûtons et un petit contenant de vinaigrette césar muni d'un couvercle. Le sac est également muni d'une fermeture de type « Zip-lock ». M. Brazeau a décrit la manière dont ses employés font sortir autant d'air que possible des sacs sans écraser la laitue. Cette opération a lieu dans les installations de Marché Frais.

 

[3]     L'ensemble pour salade grecque est similaire sauf qu'il contient la laitue et des sacs séparés contenant des olives, du fromage feta, des oignons rouges, des croûtons et de la vinaigrette grecque. Pour montrer le genre de produits vendus par Marché Frais, M. Brazeau a présenté deux de ceux-ci comme pièces : d'abord un sac transparent, de type « Zip lock » contenant de quatre à six portions de laitue fraîchement lavée et coupée. Ce sac n'est pas considéré comme une salade par le ministre, mais comme un produit alimentaire de base et c'est une fourniture détaxée. Deuxièmement, M. Brazeau a présenté une salade d'épinards pour une personne comprenant l'œuf, le bacon et la vinaigrette déposée dans une assiette en Styrofoammc et recouverte de cellophane. Marché Frais ne vend pas cette salade comme fourniture détaxée mais comme une salade qui entre dans la catégorie d'exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base aux termes de l'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi.

 

[4]     Les employés de Marché Frais déterminent les quantités d'ingrédients qui entrent dans un ensemble pour salade en les mélangeant et en évaluant les combinaisons qui donnent le meilleur résultat.

 

[5]     Les compagnies appelantes ont déposé en preuve une enquête menée auprès de leurs clients. Au cours de cette enquête, elles ont demandé aux clients d'indiquer si, selon eux, le produit représentait une salade ou les ingrédients d'une salade. J'ai permis la production de cet élément de preuve, mais j'y attache très peu de poids pour le motif, non seulement, comme l'intimée l'a souligné, que M. Brazeau n'est pas un sondeur qualifié, mais également parce que l'enquête tente de répondre à la même question que celle dont je suis saisi. Je me contenterai de dire qu'il n'est guère surprenant que la vaste majorité des clients aient déclaré que le sac contenait les ingrédients d'une salade plutôt que la salade elle-même.

 

[6]     Le résumé conjoint des cotisations produit par les parties est utile, et je le reproduis ci-dessous : (pièce A-1)

 

RÉSUMÉ

AVIS DE (NOUVELLES) COTISATIONS – TPS – 6 AOÛT 1999

 

 

1146491 Ontario Limited

(Période : 13 déc. 95 –

31 jan. 99)

964211 Ontario Limited

(Période : 1er juil. 95 –

28 fév. 99)

105572 Ontario Limited

(Période : 1er juin 95 – 31 août 98)

 

 

TOTAUX

Rajustement d'impôt

Salade              28 15,39

Autre               17 127,55

                       45 142,94

Salade           50 205,33

Autre            57 818,89

                   108 024,22

Salade           96 34,47

Autre                  0,00

                   96 934,47

Salade    175 155,19

Autre       74 946,44

             250 101,63

Intérêt

                         1 396,33

                      4 143,75

                     7 026,26

               12 566,34

Pénalités

                         2 548,29

                      7 784,30

                     9 601,98

               19 934,57

TOTAUX

                       49 087,56

                   119 952,27

                  113 562,71

             282 602,54

 

[7]     L'intimée a produit des exemplaires de diverses pages du site Web des appelantes. Sur l'une d'entre on peut lire ce qui suit : « …où les clients peuvent choisir entre les salades prêtes à manger ou les préparations de salades mélanger-et-servir de marque maison ».

                   

[8]     L'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi constitue le point de départ de l'analyse en l'espèce. Il est utile de reproduire le paragraphe 1 en entier puisque, ce faisant, il est possible de saisir le sens de la nature des exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base :

 

1.           La fourniture d'aliments et de boissons destinés à la consommation humaine (y compris les édulcorants, assaisonnements et autres ingrédients devant être mélangés à ces aliments et boissons ou être utilisés dans leur préparation), sauf les fournitures suivantes :  

a) les vins, spiritueux, bières, liqueurs de malt et autres boissons alcoolisées;

b) (Abrogé par L.C. 1997, ch. 10, par. 137(1));

c) les boissons gazeuses;

d) les boissons de jus de fruit et les boissons à saveur de fruit non gazeuses, sauf les boissons à base de lait, contenant moins de 25 % par volume :

(i) de jus de fruit naturel ou d'une combinaison de tels jus,

(ii) de jus de fruit naturel ou d'une combinaison de tels jus, qui ont été reconstitués à l'état initial,

ainsi que les produits qui, lorsqu'ils sont ajoutés à de l'eau, produisent une boisson figurant au présent alinéa;

e) les bonbons, les confiseries qui peuvent être classées comme bonbons, ainsi que tous les produits vendus au titre de bonbons, tels la barbe-à-papa, la gomme à mâcher et le chocolat, qu'ils soient naturellement ou artificiellement sucrés, y compris les fruits, graines,  noix et maïs soufflé lorsqu'ils sont enduits ou traités avec du sucre candi, du chocolat, du miel, de la mélasse, du sucre, du sirop ou des édulcorants artificiels;

f)           les croustilles, spirales et bâtonnets -- tels les croustilles de pommes de terre, les croustilles de maïs, les bâtonnets au fromage, les bâtonnets de pommes de terre ou les pommes de terre juliennes, les croustilles de bacon et les spirales de fromage -- et autres grignotines semblables, le maïs soufflé et les bretzels croustillants, à l'exclusion de tout produit vendu principalement comme céréale pour le petit déjeuner;

g)          les noix et les graines salées;

h)          les produits de granola, à l'exclusion des produits vendus principalement comme céréale pour le petit déjeuner;

i)           les mélanges de grignotines contenant des céréales, des noix, des graines, des fruits séchés ou autres produits comestibles, à l'exclusion de tout mélange vendu principalement comme céréale pour le petit déjeuner;

j)          les sucettes glacées, les tablettes glacées au jus de fruit et les friandises glacées, aromatisées, colorées ou sucrées, congelées ou non;

k)         la crème glacée, le lait glacé, le sorbet, le yogourt glacé, la crème-dessert (pouding) glacée, les succédanés de ces produits ou tout produit contenant l'un ou l'autre de ces produits, lorsqu'ils sont emballés ou vendus en portions individuelles;

l)          les tablettes, roulés et pastilles aux fruits et autres grignotines semblables à base de fruits;

m)        les gâteaux, muffins, tartes, pâtisseries, tartelettes, biscuits, beignes, gâteaux au chocolat et aux noix (brownies) et croissants avec garniture sucrée, ou autres produits semblables (à l'exclusion des produits de boulangerie tels les bagels, les muffins anglais, les croissants et les petits pains, sans garniture sucrée) qui :

 

(i) sont pré-emballés pour la vente aux consommateurs en paquets de moins de six articles constituant chacun une portion individuelle,

 

(ii) ne sont pas pré-emballés pour la vente aux consommateurs et sont vendus en quantités de moins de six portions individuelles;

 

n) les boissons, sauf le lait non aromatisé, ou la crème-dessert (pouding) – gélatine aromatisée, mousse, dessert fouetté aromatisé et tout autre produit semblable à la crème-dessert – qui ne sont pas, selon le cas :

 

i) préparés et pré-emballés spécialement pour être consommés par les bébés,

 

ii) vendus en paquets pré-emballés par le fabricant ou le producteur et constitués de plusieurs portions individuelles,

 

iii) vendus en boîte, en bouteille ou autre contenant d'origine, dont le contenu dépasse une portion individuelle

 

o) les aliments ou boissons chauffés pour la consommation;

 

o.1) les salades, sauf celles qui sont en conserve ou sous vide;

 

o.2) les sandwiches et produits semblables, sauf ceux qui sont congelés;

 

o.3) les plateaux de fromage, de charcuteries, de fruits ou de légumes et autres arrangements d'aliments préparés;

 

o.4) les boissons servies au point de vente;

 

o.5) les aliments ou boissons vendus dans le cadre d'un contrat conclu avec un traiteur;

 

p) les aliments et boissons vendus au moyen d'un distributeur automatique;

 

q) les aliments et boissons vendus dans un établissement où la totalité, ou presque, des ventes d'aliments et de boissons portent sur des aliments et boissons visés à l'un des alinéas a) à p), sauf si :

 

(i) les aliments ou boissons sont vendus sous une forme qui n'en permet pas la consommation immédiate, compte tenu de la nature du produit, de la quantité vendue ou de son emballage,

 

(ii) dans le cas d'un produit visé à l'alinéa m), le produit n'est pas vendu pour consommation dans l'établissement et, selon le cas :

(A) est pré-emballé pour la vente aux consommateurs en quantités de plus de cinq articles dont chacun constitue une portion individuelle,

 

(B) n'est pas pré-emballé pour la vente aux consommateurs et est vendu en quantités de plus de cinq portions individuelles;

 

 r) l'eau non embouteillée, sauf la glace.

 

 

[9]     Les avocats des deux parties ont attiré mon attention sur l'ancien libellé de la disposition sans toutefois élaborer sur la signification de la modification qui a été apportée. Il suffit de dire qu'auparavant, les salades n'entraient dans la catégorie d'exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base que si elles représentaient des « aliments préparés vendus sous une forme qui en permet la consommation immédiate ». Comme il est seulement question maintenant des « …salades, sauf celles qui sont en conserve ou sous vide », il n'est plus nécessaire que je tranche en particulier la question à savoir si la salade a été préparée ou si elle est prête à être consommée immédiatement. Toutefois, je ne puis trancher la question en litige sans tenir compte des caractéristiques des produits visés par les exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base, et ce qui caractérise certainement un bon nombre de ces produits est le fait qu'ils peuvent être consommés immédiatement. Ce facteur n'est cependant pas déterminant en soi.

 

[10]    Les avocats s'entendent pour dire que la façon d'aborder correctement cette question d'interprétation se trouve dans la décision Shaklee Canada Inc. c. La Reine, C.A.F., no A-182-95, 19 décembre 1995 ((1995) 191 N.R. 227) où il est mentionné qu'il convient d'examiner le sens courant d'un mot. Une fois cela convenu, les avocats ont produit certaines définitions du mot salade tirées du dictionnaire. À vrai dire, ces définitions sont peu ou pas utiles. Je ne comprends pas vraiment mieux le sens du mot salade après m'être fait dire qu'une salade c'est « des légumes verts (comme de la laitue, des endives, ou de la romaine) et souvent des tomates, des concombres ou des radis servis avec une vinaigrette ». Et je ne suis pas réellement plus avancé après avoir entendu dire qu'une salade est « généralement un mélange de légumes crus que l'on mange comme plat séparé ou avec d'autres plats ». L'avocat de l'intimée a déposé un livre sur l'histoire de la salade en Amérique. Ce livre, dont la lecture a été fascinante, mentionne l'arrivée en 1990 de la salade prête à manger, mais il ne traite pas en particulier de la question des ensembles pour salade. Le mot « salade » n'a évidemment pas été défini par les tribunaux et je ne vais certainement pas le faire. Je vais cependant déterminer si les ensembles pour salade de Marché Frais sont des produits alimentaires de base ou s'ils entrent dans les exceptions qui s'appliquent dans le cas des produits alimentaires de base.

 

[11]    Pour répondre à cette question, il importe davantage de veiller à appliquer logiquement et convenablement la politique gouvernementale voulant que les produits alimentaires de base soient détaxés que de définir le mot salade. Un sac contenant de quatre à six portions de laitue et d'autres ingrédients enveloppés séparément que l'on doit apporter chez-soi et mélanger en entier ou en partie dans un plat avant de les consommer constituent un produit alimentaire de base et non une salade.

 

[12]    Dès les débuts de la taxe sur les produits et les services, le gouvernement a dit clairement que les produits alimentaires de base ne devaient pas être taxés. Plutôt que de tenter de définir ce qui est inclus dans les produits alimentaires de base, l'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI établit une liste d'exceptions aux produits alimentaires de base. À l'examen de la liste d'exceptions, il ressort de façon évidente qu'il existe deux catégories de produits qui ne doivent pas être considérés comme des produits alimentaires de base : les collations et les aliments vides, y compris à peu près tout ce que la plupart des gens considèreraient comme des aliments qui ne sont pas très sains; et les aliments à consommer immédiatement une fois l'emballage ouvert ou enlevé. Selon la plupart des gens, les salades ne feraient pas partie de la première catégorie. Alors, pour qu'une salade soit visée par l'exception qui s'applique aux aliments ayant la caractéristique commune d'être consommables immédiatement, elle doit faire partie de la deuxième catégorie. Si l'on examine particulièrement les aliments visés dans les alinéas 1o.1), o.2), o.3), o.4) et o.5), la meilleure façon de décrire le lien qu'ils ont en commun est probablement de dire qu'il s'agit d'aliments entièrement cuisinés. Ces aliments ne requièrent aucune préparation – tout est fait pour vous. L'avocat de l'intimée a prétendu que l'ensemble pour salade est un aliment de ce genre. Je ne suis pas d'accord. L'acheteur doit apporter l'ensemble pour salade chez-lui pour assembler la salade. La salade peut effectivement être utilisée pendant deux ou trois jours, si on referme le sac après chaque usage, ou être préparée d'un coup et mangée par une famille de quatre pour souper. L'ensemble pour salade est certainement plus pratique qu'une pomme de laitue mais pas aussi pratique que la salade d'épinards toute préparée produite en preuve. L'avocat de l'intimée a reconnu que l'on avait affaire à des aliments dont certains sont plus pratiques que d'autres, le consommateur ayant le choix entre une pomme de laitue, un sac de laitue coupée et lavée, un ensemble pour salade et une salade entièrement préparée. Il a soutenu que, si l'ensemble pour salade est taxé, c'est parce qu'il est plus pratique qu'un sac de laitue coupée et lavée. Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Selon le contexte, la salade est visée par une catégorie d'exceptions dont les autres éléments ont des caractéristiques communes et je déduis que, pour qu'une salade représente un des aliments visés par l'exception, il faut qu'elle soit préparée et prête à manger sans quelque autre intervention que soit. Une salade est une salade – un ensemble pour salade est un ensemble pour salade.

 

[13]    Dans une société où le rythme de vie est de plus en plus frénétique, où les détaillants attirent les ménages en leur offrant des produits pratiques, où le fait de passer plus d'une demi-heure à préparer un repas est un luxe rare, il ne convient pas de conclure qu'un ensemble pour salade ne fait pas partie des produits alimentaires de base. Les fins gourmets se moqueraient probablement de ceux qui croient préparer des aliments ou cuisiner lorsqu'ils se font une salade césar à partir d'un ensemble pour salade. Mais selon moi, ils sont encore beaucoup plus nombreux, qu'ils soient des étudiants à l'université, des commis juridiques, des yuppies ou des couples de retraités, à croire qu'ils cuisinent lorsqu'ils se font une salade à partir d'un ensemble pour salade. En tant que tel, l'ensemble lui-même ne peut être considéré comme la salade.

 

[14]    L'avocat de l'intimée a fait référence à un certain nombre de décisions portant sur le concept de fourniture multiple versus celui de fourniture (globale) unique. Il s'est appuyé sur le passage suivant de la décision du juge Rip dans O.A. Brown Ltd. c. La Reine, C.C.I., no 94-435(GST)I, 10 juillet 1995 ([1995] G.S.T.C. 40) qui est rédigé comme suit :

 

            En tranchant cette question, il est d'abord nécessaire de décider ce qui a été fourni en contrepartie du paiement.  Il faut alors se demander si la fourniture globale est composée d'une seule fourniture ou de plus d'une fourniture.  Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale.  Il faut examiner la nature véritable de l'opération pour en déterminer les attributs fiscaux [...]

 

[15]    Selon moi, ce passage n'est pas particulièrement utile à la position avancée par l'avocat de l'intimée. Il soutient que les divers ingrédients constituent une fourniture unique qui est essentiellement une salade. L'ensemble pour salade a certainement été vendu comme un seul article; aucune des parties n'a prétendu que la laitue en elle-même (parce qu'un sac de laitue n'est pas imposable) devrait faire en sorte que tout le sac soit non imposable. En outre, aucune des parties n'a prétendu que des parties de l'ensemble devraient être traitées différemment. En fait, la fourniture unique est la fourniture unique d'un ensemble pour salade, et non d'une salade.

 

[16]    En résumé, les facteurs suivants me portent à conclure, selon la prépondérance des probabilités, que les ensembles pour salade de Marché Frais ne sont pas des salades aux fins de l'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi :

 

-        selon l'étiquette, il s'agit d'un ensemble pour salade et non d'une salade;

-        dans sa publicité, Marché Frais fait une distinction entre les salades prêtes à manger et les ensembles pour salade;

-        le sac contient plusieurs portions;

-        il n'est pas nécessaire d'utiliser le contenu d'un coup. Le sac peut être refermé et son contenu utilisé à un autre repas;

-        le contenu ne peut être consommé sur place;

-        l'ensemble doit être apporté à la maison puisqu'il faut un plat et des ustensiles pour faire la salade;

-        bien que l'ensemble pour salade soit pratique, dans une certaine mesure il ne l'est pas autant qu'une salade entièrement préparée;

-        le bon sens dit qu'il faut faire une distinction entre une salade et un ensemble pour salade;

-        les caractéristiques de l'ensemble pour salade ne correspondent pas aux caractéristiques des autres exceptions mentionnées dans l'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi.

 

[17]    Comme j'ai conclu que les ensembles pour salade ne sont pas des salades aux fins de l'alinéa 1o.1) de la Partie III de l'Annexe VI de la Loi, il n'est pas nécessaire que j'examine la question à savoir si les ensembles pour salade sont sous vide.

 


[18]    Les appels sont accueillis et la question est déférée au ministre pour nouvelle cotisation pour le motif que les ensembles pour salade de Marché Frais sont des produits alimentaires de base et non des salades. Les appelantes auront droit aux dépens.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 10e jour de mai 2002.

 

 

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour d'avril 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

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