Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

1999-4601(IT)G

ENTRE :

S & C ROSS ENTERPRISES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appels entendus les 27 et 28 juin 2002, à Vancouver (Colombie-Britannique), par

 

l'honorable juge Gordon Teskey

 

Comparutions

 

Avocats de l'appelante :                      Me Douglas C. Morley

                                                          Me Sadie Wetzel

Avocate de l’intimée :                         Me Lynn M. Burch

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 sont accueillis, avec dépens, selon les motifs du jugement ci-joints. 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2002.

 

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'août 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date: 20020913

Dossier: 1999-4601(IT)G

 

 

ENTRE :

S & C ROSS ENTERPRISES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Teskey

 

[1]     L’appelante, S & C Ross Enterprises Ltd. (« S & C Ross Enterprises »), interjette appel à l’encontre de la nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu établie à son égard pour les années d’imposition 1992, 1993 et 1994, nouvelle cotisation dans laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a pas admis la demande de « déduction accordée aux petites entreprises » pour chacune des années ni la demande de déduction de certaines dépenses selon l’alinéa 18(1)p) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

Point en litige

 

[2]     La question soumise à la Cour est de savoir si l’entreprise de S & C Ross Enterprises consistant à fournir des services à Clearly Canadian Beverage Corporation (« Clearly Canadian ») est une « entreprise de prestation de services personnels » au sens du paragraphe 125(7) de la Loi. S’il est conclu que S & C Ross Enterprises est une entreprise de prestation de services personnels, alors S & C Ross Enterprises n’a pas droit à la déduction accordée aux petites entreprises, et les dépenses engagées pour gagner le revenu ne peuvent être déduites en vertu des dispositions de l’alinéa 18(1)p).

 

[3]     Le paragraphe 125(7) est un paragraphe de définitions dans lequel l’expression « entreprise exploitée activement » est définie comme suit :

 

« entreprise exploitée activement » Toute entreprise exploitée par une société, autre qu'une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels mais y compris un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial.

 

En outre, ce paragraphe définit comme suit l’expression « entreprise de prestation de services personnels » :

 

« entreprise de prestation de services personnels » S'agissant d'une entreprise de prestation de services personnels exploitée par une société au cours d'une année d'imposition, entreprise de fourniture de services dans les cas où :

 

a)   soit un particulier qui fournit des services pour le compte de la société — appelé « employé constitué en société » à la présente définition et à l'alinéa 18(1)p);

 

b)   soit une personne liée à l'employé constitué en société,

 

est un actionnaire déterminé de la société, et où il serait raisonnable de considérer l'employé constitué en société comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle les services sont fournis, si ce n'était de l'existence de la société, à moins :

 

c)   soit que la société n'emploie dans l'entreprise tout au long de l'année plus de cinq employés à temps plein;

 

d)   soit que le montant payé ou payable à la société au cours de l'année pour les services ne soit reçu ou à recevoir par celle-ci d'une société à laquelle elle était associée au cours de l'année.

 

[4]     L’alinéa 18(1)p), intitulé « Dépenses restreintes des entreprises de prestation de services personnels », se lit comme suit :

 

p)   Dépenses restreintes des entreprises de prestation de services personnels — une dépense, dans la mesure où elle est engagée ou effectuée par une société au cours d'une année d'imposition en vue de tirer un revenu d'une entreprise de prestation de services personnels, à l'exception :

 

(i)      du salaire, du traitement ou d'une autre rémunération versé au cours de l'année à un actionnaire constitué en société de la société,

 

(ii)     du coût, pour la société, de tout autre avantage ou allocation accordé à un actionnaire constitué en société au cours de l'année,

 

(iii)    d'un montant dépensé par la société et lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats par la société, lorsque le montant aurait été déductible dans le calcul du revenu d'un actionnaire constitué en société pour une année d'imposition tiré d'une charge ou d'un emploi s'il l'avait dépensé en vertu d'un contrat d'emploi qui l'obligeait à verser le montant,

 

(iv)    d'un montant versé par la société au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés par elle en recouvrement des sommes qui lui étaient dues pour services rendus,

 

qui serait, si le revenu de la société était tiré d'une entreprise autre qu'une entreprise de prestation de services personnels, déductible dans le calcul de son revenu;

 

[5]     Stuart Ross (« M. Ross ») est le seul propriétaire et dirigeant de S & C Ross Enterprises.

 

[6]     Il est entendu que :

 

a)       durant toute la période pertinente, M. Ross était un « actionnaire déterminé » de l’appelante au sens du paragraphe 248(1) de la Loi;

 

b)      S & C Ross Enterprises n’employait pas plus de cinq employés à temps plein durant les années considérées en l’espèce;

 

c)       M. Ross fournissait des services (les « services ») au nom de S & C Ross Enterprises pour Clearly Canadian;

 

d)      S & C Ross Enterprises et Clearly Canadian n’étaient pas associées durant les années considérées en l’espèce;

 

e)       durant les années considérées en l’espèce, M. Ross était un administrateur de Clearly Canadian, dont il était également le vice‑président directeur.

 

[7]     La présente espèce est le troisième appel devant notre cour dans lequel le ministre allègue qu’une société faisant affaire avec Clearly Canadian était une entreprise de prestation de services personnels. Les deux premiers de ces appels étaient : Criterion Capital Corporation c. La Reine, C.C.I., no 1999-4603(IT)G, 12 octobre 2001 (2001 DTC 921) (« Criterion »), et Bruce E. Morley Law Corporation c. La Reine, C.C.I., no 1999-4538(IT)G, 21 mars 2002 (2002 DTC 1547) (« Morley »).

 

[8]     L’appel Criterion a été admis, et mon collègue le juge O'Connor a conclu que la société Criterion n’était pas une entreprise de prestation de services personnels.

 

[9]     L’appel Morley a été rejeté par mon collègue le juge Hershfield, celui‑ci ayant conclu que la société Morley était une entreprise de prestation de services personnels.

 

[10]    Je recommande aux lecteurs des présents motifs de faire une pause ici pour lire les motifs du jugement rendus dans ces deux appels.

 

[11]    Je suis d’accord sur l’issue de chacun de ces deux appels et ne trouve pas que les conclusions auxquelles on est parvenu dans ces deux appels soient contradictoires.

 

[12]    La question de savoir si une société est une entreprise de prestation de services personnels est une question de fait, et les faits de l’affaire Criterion sont bien différents de ceux de l’affaire Morley.

 

Faits

 

[13]    M. Ross a terminé ses études secondaires en 1962 et a eu divers emplois de professionnel jusqu’en 1969. En 1969, il s’est inscrit à un programme d’études pour devenir comptable général licencié. Il a terminé quatre des cinq années requises.

 

[14]    À partir de 1969, M. Ross a eu une série d’emplois de professionnel. Chacun a progressivement exigé un degré de compétence plus élevé.

 

[15]    Au cours de la période allant de 1969 à 1986, M. Ross est devenu un professionnel hautement qualifié qui était capable de remplir toutes les fonctions habituelles d’un directeur financier pour diverses sociétés et qui avait une bonne connaissance de ce qui est généralement requis pour transformer une société fermée en une société faisant un premier appel public à l'épargne. Il a appris comment évaluer de possibles achats non seulement de terrains et d’autres biens, mais aussi de sociétés en exploitation. En 1986, il pouvait être un employé très précieux pour une société et pouvait également être un conseiller très précieux pour une société.

 

[16]    En 1986, M. Ross a, avec Bruce Horton (« M. Horton ») et Douglas Mason (« M. Mason »), créé une société pour fabriquer et distribuer, sous contrat de licence, une boisson au cola à forte teneur en caféine appelée « Jolt ».

 

[17]    En 1987, M. Mason a avancé l’idée de vendre de l’eau modifiée dans une bouteille pourpre originale, le produit devant s’appeler « Clearly Canadian ».

 

[18]    Au cours de cette année‑là, il est devenu évident que ce dernier produit était un produit gagnant, et la société a laissé tomber la franchise « Jolt » et a pris le nom de Clearly Canadian.

 

[19]    Les ventes de Clearly Canadian pour la période de cinq ans commençant en 1988 ont connu une croissance incroyable, à savoir :

 

          ANNÉE                          VENTES

 

          1988                               2 millions de dollars

          1989                               8 millions de dollars

          1990                               10 millions de dollars

          1991                               120 millions de dollars

          1992                               187 millions de dollars

 

[20]    En 1989, Clearly Canadian, qui faisait appel à des conseillers externes pour certains services, a décidé qu’elle pouvait recevoir des services de conseil tout aussi bons des trois principaux membres de son personnel, soit MM. Horton, Mason et Ross.

 

[21]    En 1989, M. Horton, M. Mason et M. Ross ont constitué leurs sociétés de conseil respectives et ont signé des contrats de services de conseil avec Clearly Canadian.

 

[22]    Les témoignages, non contredits, de M. Ross et M. Mason indiquaient que M. Ross recevait un salaire de Clearly Canadian pour diriger quotidiennement la société et que les honoraires d’expert‑conseil versés à S & C Ross Enterprises entraient exactement dans la même catégorie que les honoraires versés à Criterion, c'est‑à‑dire qu’ils étaient versés pour des fonctions hors de l’ordinaire et pour des services pour lesquels on engagerait normalement des conseillers.

 

[23]    Le fait que ces trois dirigeants de Clearly Canadian, MM. Horton, Mason et Ross, effectuent également ces travaux techniques hors de l’ordinaire permettait de gagner beaucoup de temps, car ces trois personnes étaient toujours au courant, ce qui permettait d’économiser beaucoup d’argent.

 

[24]    La montée en flèche des ventes exigeait des acquisitions, une distribution, des associés, de multiples montages financiers et des brevets. Les efforts que faisaient ces trois personnes pour suivre le rythme étaient extraordinaires.

 

[25]    S & C Ross Enterprises s’occupait particulièrement d’effectuer le travail de contrôle préalable et d’analyser des états financiers de manière à faire des comparaisons avec Clearly Canadian pour voir si le projet d’acquisition était viable. Les services fournis par S & C Ross Enterprises étaient distincts des fonctions d’administrateur que M. Ross remplissait comme employé.

 

[26]    Le travail que M. Ross accomplissait comme employé de Clearly Canadian consistait à surveiller la production des états financiers de la société, à contrôler les comptes débiteurs et créditeurs et à veiller à ce que le grand livre général soit reporté correctement. M. Ross gérait les opérations financières quotidiennes de Clearly Canadian. En outre, il supervisait le personnel de soutien relevant de lui.

 

[27]    S & C Ross Enterprises avait, au cours de la période, plusieurs autres contrats pour des travaux de consultation et était payée sous forme d’options sur actions, dont certaines ont pris beaucoup de valeur. Elle gérait en outre des biens qu’elle avait en Arizona.

 

[28]    Je conclus que, à tous égards, les faits qui m’ont été exposés concernant S & C Ross Enterprises sont presque identiques aux faits relatifs à l’appel de la société Criterion.

 

[29]    La preuve montre que les activités de président et de vice‑président directeur ne comportent pas des enquêtes en matière de contrôle préalable ou l’une quelconque des autres sortes d’activités décrites dans la convention de gestion de 1994.

 

Les règles de droit pertinentes

 

[30]    Dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622 (99 DTC 5669), la juge McLachlin, titre qu’elle portait alors, a dit, au paragraphe 39 :

 

[39]      Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l'opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci : Bronfman Trust, précité, aux pp. 52 et 53, le juge en chef Dickson; Tennant, précité, au par. 26, le juge Iacobucci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n'a jamais statué que la réalité économique d'une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu'en l'absence d'une disposition expresse contraire de la Loi ou d'une conclusion selon laquelle l'opération en cause est un trompe-l'œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n'est possible que lorsque la désignation de l'opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables : Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.

 

[31]    Pour que l’appelante ait gain de cause, je dois conclure qu’elle était un entrepreneur indépendant et non un employé.

 

[32]    La Cour suprême du Canada a traité de cette question dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983. C’était une affaire de responsabilité du fait d’autrui, mais la Cour a examiné d’une manière approfondie la question de savoir quand une personne est-elle un employé. Le juge Major, s’exprimant pour la Cour, a traité longuement de la décision rendue par le juge MacGuigan dans l’affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N. (C.A.), [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), et il a dit, aux paragraphes 46, 47 et 48 :

 

46.  À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme -- en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 -- qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47.  Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

48.  Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[33]    Pour ce qui est de l’arrêt Wiebe Door, précité, il s’agit d’un document qui a été produit si souvent qu’il est inutile d’en reproduire des passages.

 

[34]    Le 21 mai dernier, la Cour d'appel fédérale a, dans l’affaire Precision Gutters Ltd. c. M.R.N., 2002 CAF 207, réexaminé cette question. Dans cette affaire, le juge Isaac a, après avoir fait référence à l’arrêt précité, dit que la question essentielle est de savoir si une personne engagée pour fournir des services fournit ceux‑ci en tant que personne travaillant à son compte. Il a ensuite examiné quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, à savoir le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte.

 

[35]    Une semaine plus tard, la Cour d'appel fédérale a, dans Meredith c. La Reine, 2002 CAF 258, déclaré que faire abstraction de la personnalité morale est contraire à des principes bien établis du droit des sociétés.

 

[36]    La Cour a poursuivi en disant que le principe bien établi selon lequel une société a une identité juridique distincte de celle des actionnaires s’applique également à des sociétés à peu d’actionnaires.

 

[37]    Au sujet des employés, la Cour a dit au paragraphe 15 : « [...] Ce qu'il faut déterminer, c'est le pouvoir légal de la société de contrôler les employés, et non pas la question de savoir si les employés se sentent assujettis à ce contrôle. [...] ».

 

[38]    La Cour a dit ensuite que le fait que l’appelant était le seul actionnaire et administrateur de la société n’était pas pertinent.

 

Examen des quatre facteurs

 

Le contrôle

 

[39]    Clearly Canadian n’exerçait aucun contrôle sur S & C Ross Enterprises et n’était pas en droit d’exercer un tel contrôle.

 

La propriété des instruments de travail

 

[40]    À ses propres frais, S & C Ross Enterprises louait de Clearly Canadian les instruments de travail nécessaires, selon une entente conclue avec le conseil d’administration.

 

Les risques de perte

 

[41]    Frais d’exploitation. La question des risques de perte est une question assez simple dans le cas de S & C Ross Enterprises. Pour être en mesure de fournir des services à Clearly Canadian et à ses autres clients, S & C Ross Enterprises engageait des frais d’exploitation, comme le confirment les états financiers. Ce ne sont pas des frais qu’engage un employé. Ces frais créent un risque de perte.

 

Réclamations pour cause de négligence

 

[42]    S & C Ross Enterprises peut commettre une erreur en analysant une nouvelle occasion commerciale ou financière pour Clearly Canadian. Si Clearly Canadian ou un autre client suit la recommandation formulée et subit une perte, S & C Ross Enterprises, en tant qu’entrepreneur indépendant, peut être tenue responsable de négligence professionnelle. La perte pourrait être très élevée, car les opérations impliquent des millions de dollars. Il ne s’agit pas d’un risque que court normalement un employé. Les dispositions en matière d’indemnité et d’assurance qui sont énoncées dans la convention de gestion (qui dit que S & C Ross Enterprises est un assuré dans les polices de Clearly Canadian) prévoient une protection contre les réclamations de tiers, mais il n’y avait aucune limite quant aux réclamations que Clearly Canadian était en droit de faire. Celui qui est le plus susceptible de déposer une réclamation pour cause de négligence contre une personne fournissant des services professionnels, c’est le client de cette personne. S & C Ross Enterprises courait également le risque que des réclamations soient faites par ses autres clients.

 

Effet des acomptes

 

[43]    Les risques de perte ne sont pas évités parce qu’une personne est payée par acomptes. Il y a des dispositions dans la convention de gestion qui permettent de résilier celle‑ci. Quoi qu’il en soit, une personne exploitant une entreprise prospère depuis longtemps devrait être dans une situation où les revenus dépassent les frais, et une perte n’est susceptible d’être subie que par suite d’une négligence relative à une opération importante ou par suite d’un événement inattendu (comme une crise cardiaque).

 

Les chances de bénéfice

 

[44]    S & C Ross Enterprises est libre d’offrir ses services à des clients autres que Clearly Canadian, et la preuve indique qu’elle le fait. Cela a donné lieu à des revenus. Au sujet de services fournis pendant les années d’imposition 1992 à 1994, M. Ross a affirmé que la rémunération reçue d’autres clients se limitait à des options sur actions. Comme les clients de S & C Ross Enterprises sont souvent des sociétés ouvertes ayant des ressources financières limitées, il s’agit d’une forme de rémunération fréquente. Celle‑ci a une valeur réelle (S & C Ross Enterprises n’était pas désireuse de travailler gratuitement), mais ne se matérialise que des années plus tard, lorsque les options sont levées. M. Ross a témoigné que, au cours d’années d’imposition subséquentes, S & C Ross Enterprises a gagné des revenus élevés en levant des options sur actions. Au cours des années subséquentes, il y a également eu des paiements en espèces pour des services de conseil de S & C Ross Enterprises — « Lasik Vision » (1996) et « Lake City Casinos » (1998).

 

Conclusion

 

[45]    Malgré le fait que je ne considère pas qu’il y a des différences majeures entre la présente espèce et l’affaire Criterion, précitée, et que je suis d’accord sur le raisonnement de mon collègue le juge O'Connor, même si cette affaire n’a pas été entendue ou tranchée sur la foi de la preuve, incontestée, qui m’a été soumise, je conclus que S & C Ross Enterprises était un entrepreneur indépendant par rapport à Clearly Canadian.

 

[46]    Je conclus également que S & C Ross Enterprises n’est pas une entreprise de prestation de services personnels et que, par conséquent, elle était en droit d’obtenir la déduction accordée aux petites entreprises et de déduire de son revenu les dépenses engagées pour gagner celui‑ci.

 

[47]    Les parties ont convenu que, si je rends un conclusion en faveur de l’appelante, celle‑ci est en droit de déduire de son revenu des dépenses de 87 435 $.

 

[48]    L’appel est accueilli, avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les services fournis par l’appelante à Clearly Canadian Beverage Corporation ne représentaient pas une entreprise de prestation de services personnels et que, par conséquent, l’appelante est en droit d’obtenir la déduction accordée aux petites entreprises et de déduire de son revenu des dépenses de 87 435 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2002.

 

 

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d'août 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.