Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016-2153(IT)I

ENTRE :

MARC COSTANZO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 30 janvier 2017, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

M. Rubin Cohen

Avocate de l’intimée :

Me Caroline Ahn

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté relativement aux nouvelles cotisations datées du 8 octobre 2015 pour les années d’imposition 2009 et 2010 de l’appelante et aux nouvelles cotisations datées du 17 mars 2016 pour les années d’imposition 2008 et 2011 de l’appelante est accueilli, conformément aux motifs du jugement ci-joints. Par conséquent, les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelles cotisations au motif que les dépenses déduites par l’appelant dans le calcul de son revenu d’entreprise pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 sont entièrement déductibles sauf les honoraires de musicien associé, qui ne sont pas déductibles, et les frais de téléphone et de services publics qui sont partiellement déductibles de la façon suivante :

2008 : 3 982 $

2009 : 1 355 $

2010 : 1 871 $

2011 : 2 896 $

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’avril 2017.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2017 CCI 58

Date : 20170426

Dossier : 2016-2153(IT)I

ENTRE :

MARC COSTANZO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Il s’agit d’un appel interjeté relativement aux nouvelles cotisations datées du 8 octobre 2015 pour les années d’imposition 2009 et 2010 de l’appelant et aux nouvelles cotisations datées du 17 mars 2016 pour les années d’imposition 2008 et 2011 de l’appelant établies par le ministre du Revenu national (le « ministre »), sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, version modifiée (la « Loi »).

[2]  Dans le cadre des nouvelles cotisations portées en appel, la dette fiscale de l’appelant a été établie selon le tableau ci-dessous :

Année

Revenu d’entreprise brut

Revenu d’entreprise net

Intérêt

RPC

2008

56 493 $

29 638 $

Aucun

1 294 $

2009

55 384 $

33 534 $

Aucun

1 486 $

2010

73 504 $

55 799 $

Aucun

2 163 $

2011

45 339 $

27 621 $

Aucun

1 193 $

[3]  Au début de l’audition de l’appel, le ministre a fait les concessions suivantes :

a)  à l’exception des honoraires de musicien associé et d’une partie des frais de téléphone et de services publics, le reste des dépenses déduites par l’appelant dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 est entièrement déductible;

b)  les honoraires de musicien associé déduits par l’appelant aux montants de 7 835 $ pour 2008, de 11 723 $ pour 2009, de 31 722 $ pour 2010 et de 700 $ pour 2011 ne sont pas déductibles;

c)  les frais de téléphone et de services publics déduits par l’appelant sont partiellement déductibles selon le tableau ci-dessous :

Année

Dépenses déduites

Dépenses permises

2008

6 636 $

3 982 $

2009

2 258 $

1 355 $

2010

3 119 $

1 871 $

2011

4 227 $

2 896 $

[4]  À la suite des concessions mentionnées ci-dessus, la seule question en litige du présent appel porte sur les honoraires de musicien associé. Lesdits honoraires auraient été payés à Mme Amy Todd et à M. Scott McManus pour des services musicaux fournis à l’appelant, selon les montants suivants pour les années 2008 à 2011 :

Année

Honoraires versés à Mme Amy Todd

Honoraires versés à M. Scott McManus

2008

1 700 $

6 135 $

2009

9 400 $

2 334 $

2010

26 500 $

5 200 $

2011

700 $

Aucun

[5]  M. Costanzo a témoigné à l’audience. Il a expliqué qu’au cours des années en cause, il exploitait une entreprise à propriétaire unique en tant qu’artiste de spectacle (chanteur/musicien) et chercheur de talents indépendant. Il exploitait également un studio de musique.

[6]  Au cours de son témoignage, M. Costanzo a confirmé que ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 ont été produites en retard le 11 juin 2014 par M. Rubin Cohen, CA, qui était également son représentant devant les tribunaux.

[7]  M. Costanzo a déclaré qu’il retenait les services de Mme Todd depuis 2008 afin d’obtenir une rétroaction lorsqu’il a besoin de savoir quel type de son, d’harmonie ou de rythme est à la mode ou tendance à un moment donné. Il a également déclaré que Mme Todd est une très bonne amie à qui il a fait appel jusqu’à ce jour en 1999 et en 2000 et avec laquelle il a vécu pendant une courte période en 2003.

[8]  M. Costanzo a indiqué qu’il n’avait aucun contrat écrit avec Mme Todd pour ses services et qu’il n’y avait pas de modalités précises concernant sa rémunération. Il lui payait ce qu’il pouvait se permettre. Les paiements à Mme Todd ont été versés de façon irrégulière au moyen du service Virement Interac ou en espèces.

[9]  M. Costanzo a expliqué qu’aucune modalité fixe ne pouvait être établie en ce qui a trait à la rémunération de Mme Todd parce que les redevances qu’il recevait pour ses chansons ne lui étaient pas versées régulièrement.

[10]  M. Costanzo a également déclaré qu’il n’avait pas tenu de registre des dates et du nombre de fois qu’il a consulté Mme Todd au cours d’une semaine, d’un mois ou d’une année et que Mme Todd ne lui avait pas facturé ses services.

[11]  En ce qui concerne M. McManus, M. Costanzo a déclaré qu’il retenait ses services pour diverses tâches musicales, comme le mixage de pistes. M. McManus est un ingénieur qui a aussi un studio de musique. M. Costanzo a déclaré qu’il n’avait pas de contrat écrit officiel avec M. McManus parce qu’il est un ami. Il a ajouté que les coûts des services fournis par M. McManus étaient inférieurs à la juste valeur marchande de tels services. M. McManus n’a pas facturé l’appelant pour les services qu’il a rendus. L’appelant n’a pas de registre des dates et du nombre de fois qu’il a consulté M. McManus ou retenu ses services au cours d’une semaine, d’un mois ou d’une année.

[12]  En ce qui concerne la preuve documentaire, M. Costanzo a déposé les documents suivants :

a)  ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011;

b)  un document signé par Mme Todd dans lequel elle confirme avoir reçu de l’appelant les montants indiqués ci-dessus pour des services de musique;

c)  un document signé par M. McManus dans lequel il confirme avoir reçu de l’appelant les montants indiqués ci-dessus pour des services de musique;

d)  un relevé de la Banque Canadienne Impériale de Commerce de son compte-chèques illimité pour la période du 18 janvier au 17 avril 2008 montrant que, au cours de la période de trois mois, Mme Todd a reçu 780 $, et M. McManus, 1 300 $.

[13]  Les déclarations de revenus de M. Costanzo pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 ont toutes été produites en retard le 11 juin 2014. Les honoraires de musicien associé déduits par M. Costanzo représentaient, en pourcentage du total des dépenses d’entreprise déduites, 20,4 % pour 2008, 31 % pour 2009, 58 % pour 2010 et 3 % pour 2011.

[14]  Mme Amy Todd a témoigné à l’audience. Elle a expliqué qu’elle était une danseuse professionnelle et qu’elle n’avait aucune formation musicale. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas travaillé de 2008 à 2011 parce que son père voulait se suicider.

[15]  Mme Todd a confirmé qu’elle était la meilleure amie de M. Costanzo et qu’ils avaient vécu ensemble au début des années 2000. Elle a dit avoir agi pour lui en tant que consultante en musique (en donnant une rétroaction). M. Costanzo communiquait avec elle tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, par téléphone et par courriel. Aucun arrangement particulier ou officiel n’a été conclu avec M. Costanzo. Elle était payée en espèces ou au moyen du service Virement Interac. Elle n’a pas reçu de paiement en une somme forfaitaire. Elle n’a pas envoyé de factures à M. Costanzo pour ses services et elle n’a pas tenu de registre des dates et de la nature des services demandés par M. Costanzo. Elle a déclaré qu’elle n’avait aucune idée de la valeur des services qu’elle a rendus. M. Costanzo seul décidait des montants qu’il allait lui payer et à quel moment il le ferait.

[16]  Mme Todd a confirmé avoir reçu les montants indiqués dans le document qu’elle a signé, mais ces montants n’ont pas été déclarés aux fins de l’impôt sur le revenu puisqu’elle n’a produit aucune déclaration de revenus pour ces années. En janvier 2017, M. Rubin Cohen, représentant de l’appelant, a déposé au nom de Mme Todd des copies non signées de ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2008 à 2011 afin de déclarer les montants reçus de M. Costanzo. Les montants déclarés étaient fondés sur les relevés de M. Costanzo et non sur ses propres relevés de l’argent qu’elle a reçu de M. Costanzo.

Législation

[17]  Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

18(1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

  • a) Restriction générale - les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

[…]

Frais personnels ou de subsistance

  • h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise pendant qu’il était absent de chez lui;

[…]

67 Restriction générale relative aux dépenses

Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

Analyse

[18]  Le présent appel soulève deux questions, à savoir :

a)  si les dépenses déduites ont été engagées pour tirer un revenu d’une entreprise au sens de l’alinéa 18(1)a) de la Loi,

et, dans l’affirmative,

b)  si ces dépenses étaient raisonnables dans les circonstances de manière à passer outre à l’interdiction de déduction prévue à l’article 67 de la Loi.

[19]  Comme le système fiscal est fondé sur l’autocontrôle, la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable (Njenga c. Canada, [1996] A.C.F. 1218 (Cour d’appel fédérale)).

[20]  L’article 230 de la Loi oblige le contribuable à tenir des livres de comptes et des registres adéquats pour justifier la déduction des dépenses d’entreprise réclamées. M. Costanzo, à titre de contribuable, a la responsabilité de documenter ses propres affaires de façon raisonnable.

[21]  D’après les éléments de preuve soumis dans le présent appel, j’admets le fait que M. Costanzo exploitait une entreprise commerciale, mais la documentation à l’appui des réclamations est clairement insuffisante pour justifier la déduction des honoraires de musicien associé, et que ces frais ont été engagés en vue de tirer un revenu d’une entreprise.

[22]  M. Costanzo a produit ses déclarations de revenus en retard, celles-ci n’ayant été produites que six ans après que les honoraires de 2008 ont été effectivement payés et seulement sur la foi de ses souvenirs. Il n’a pas présenté de documents indiquant le montant des honoraires payés, les dates de paiement ainsi que la nature et la fréquence des services fournis. Aucun accord officiel ou écrit décrivant les conditions générales en vertu desquelles les services devaient être fournis, aucune facture ou aucun reçu n’a été soumis à la Cour. Sa preuve documentaire se présente principalement sous la forme d’un relevé bancaire pour la période du 18 janvier au 17 avril 2008, montrant des virements de fonds à Mme Amy Todd et à M. Scott McManus, et d’une lettre de chacun d’eux confirmant que les honoraires ont été reçus de M. Costanzo. Les deux étaient des amis très proches de M. Costanzo.

[23]  M. Costanzo a été très vague quant à la nature des services fournis par ses amis. En ce qui concerne les services fournis par M. McManus, M. Costanzo a dit qu’il l’avait aidé à mixer des pistes sonores et que les montants qui lui avaient été versés étaient bien en deçà de la juste valeur marchande des services qu’il avait reçus en échange. M. McManus n’a pas témoigné à l’audience. Au sujet des services fournis par Mme Todd, M. Costanzo a dit qu’il faisait appel à elle afin d’obtenir une rétroaction sur le type de musique qui est à la mode et tendance. Elle a témoigné à l’audience, mais son témoignage était aussi très vague et hésitant. Elle n’a aucun registre d’appels téléphoniques ou de travaux effectués pour M. Costanzo et elle n’avait aucune idée de la valeur des services qu’elle a rendus à M. Costanzo. Elle ne savait pas combien d’argent elle avait reçu de M. Costanzo et elle n’a pas déclaré les montants reçus dans ses déclarations de revenus pour les années où elle a été payée. Elle a déclaré les honoraires reçus seulement en 2017, à la demande du comptable de M. Costanzo, en fonction des renseignements fournis par M. Costanzo.

[24]  Compte tenu des motifs qui précèdent, je ne suis pas convaincu que, même si les dépenses ont effectivement été engagées comme l’a indiqué l’appelant, elles l’ont été en vue de tirer un revenu, conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi. Les vagues éléments généraux présentés en preuve ne sont pas suffisants pour que l’appelant puisse s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

[25]  De plus, les honoraires de musicien associé réclamés par l’appelant n’étaient pas raisonnables dans les circonstances.

[26]  L’appel est accueilli, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelles cotisations au motif que les dépenses déduites par l’appelant dans le calcul de son revenu d’entreprise pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 sont entièrement déductibles sauf les honoraires de musicien associé, qui ne sont pas déductibles, et les frais de téléphone et de services publics qui sont partiellement déductibles de la façon suivante :

2008 : 3 982 $

2009 : 1 355 $

2010 : 1 871 $

2011 : 2 896 $

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’avril 2017.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 58

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2153(IT)I

INTITULÉ :

Marc Costanzo et Sa Majesté La Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 janvier 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 avril 2017

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

M. Rubin Cohen

Avocate de l’intimée :

Me Caroline Ahn

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.