Date : 19971119
Dossier : 95-2088-IT-G
ENTRE :
KAMBIZ NABAVI,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
Motifs du jugement
Le juge Bonner, C.C.I.
[1] L'appelant interjette appel contre des cotisations d'impôt se rapportant aux années d'imposition 1985, 1988 et 1989. Les questions en litige sont les suivantes :
a) Pour les années d'imposition 1985, 1988 et 1989, la question de savoir si l'appelant a omis de produire des déclarations de revenu de la manière et dans le délai prévus au paragraphe 150(1), de sorte qu'il était passible de pénalités en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).
b) Pour les années d'imposition 1988 et 1989 :
(i) La question de savoir si l'appelant a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, des montants décrits dans les plaidoiries comme étant des “dépenses additionnelles”.
(ii) La question de savoir si un gain de 79 000 $ réalisé lors de la vente de l'intérêt que l'appelant avait à titre d'acheteur dans une convention d'achat-vente d'immeuble constitue pour ce dernier un revenu.
c) La question de savoir si l'appelant est passible d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi à l'égard du gain de 79 000 $ réalisé lors de la disposition de la convention d'achat-vente.
[2] L'appelant n'a pas allégué qu'il n'était pas tenu, en vertu du paragraphe 150(1) de la Loi, de produire des déclarations de revenu pour les années d'imposition 1985, 1988 et 1989 parce qu'aucun impôt n'était payable ces années-là. En ce qui concerne l'année 1985, sa position était plutôt qu'il avait “l'impression qu'”une déclaration avait été produite à temps pour son compte par son comptable. Il a soutenu que Revenu Canada avait perdu sa déclaration. Il avait l'habitude, a-t-il dit, de signer des formulaires de déclaration de revenu en blanc et de les laisser à son comptable pour que celui-ci les remplisse et les produise.
[3] L'appelant vend des immeubles. Pour les années 1988 et 1989, il a déclaré le revenu tiré de sa profession sous la forme d'un salaire reçu de Kam Nabavi Realty Inc. (“Nabavi Inc.”), corporation dont il était l'unique actionnaire et dirigeant. Nabavi Inc. réalisait un revenu de commissions par suite des services fournis par l'appelant, qui agissait à titre d'employé de la corporation. Quant à l'année 1988, l'appelant a expliqué que son comptable et lui essayaient de choisir un exercice pour sa corporation. Il semblerait qu'on ait cru qu'une fois que l'exercice avait été choisi pour Nabavi Inc. le montant du revenu de l'appelant et le montant du revenu de la corporation pourraient être fixés1.
[4] Robert Schell, qui travaillait à Revenu Canada, a témoigné lors de l'audition de l'appel. Son témoignage était clair et sans équivoque et je le retiens. Les trois déclarations ont été produites en retard. Les déclarations de 1988 et de 1989 ont été produites le 6 septembre 1991. La déclaration de 1985 a été produite le 5 mars 1992. Il n'existe tout simplement pas d'élément de preuve crédible qui permette de conclure que la déclaration de 1985 a été produite avant l'année 1992 et que Revenu Canada l'a perdue. Il n'existait aucune raison possible justifiant le dépôt tardif de l'une quelconque des trois déclarations. Les pénalités prévues au paragraphe 162(1) ont été imposées à juste titre.
[5] J'examinerai maintenant la deuxième question, à savoir celle qui se rapporte aux soi-disant “dépenses additionnelles”. L'appelant n'a donné absolument aucun détail au sujet de la nature et du montant des présumées dépenses. Dans le calcul de son revenu, la corporation a déduit une vaste gamme de dépenses qu'elle avait probablement engagées en réalisant son revenu de commissions. Il n'existait pas la moindre preuve montrant que l'appelant eût engagé des dépenses déductibles en gagnant le salaire que la corporation lui versait. Je ne me propose pas de faire des conjectures au sujet de la nature, du montant ou du fondement de la déduction des dépenses additionnelles auxquelles l'appelant croit avoir personnellement droit. Par conséquent, l'appel est rejeté sur ce point.
[6] J'examinerai maintenant la question du gain réalisé au moment de la vente, en 1989, des droits conférés à l'acheteur en vertu d'une convention d'achat-vente se rapportant à la propriété située au 2242, avenue King, West Vancouver. L'appelant a conclu une convention en vue d'acheter la propriété le 14 février 1989 ou vers cette date. Il l'a fait au nom de M. K. Nabavi ou d'une personne interposée. L'appelant a soi-disant cédé à sa conjointe l'intérêt qu'il avait dans la convention d'achat-vente à un moment donné entre le 14 février et le 10 avril 1989. La contrepartie prévue à l'égard de la soi-disant cession était apparemment de 1 000 $. L'intérêt qu'avait l'acheteur dans la convention a été vendu à J. Bosa le 10 avril 1989 ou vers cette date. Le vendeur désigné dans la convention conclue avec M. Bosa était la conjointe de l'appelant, Mary Andrea Nabavi. Un gain de 79 000 $ a été réalisé au moment de la vente. L'appelant soutient qu'il a cédé à sa conjointe son intérêt dans la convention le 27 mars 1989 ou vers cette date et que le gain de 79 000 $ a été réalisé par cette dernière.
[7] L'appelant a fait un exposé long et détaillé des circonstances qui ont abouti à la conclusion des opérations. Je ne doute pas que son témoignage soit en partie exact, mais en partie seulement.
[8] L'appelant n'a pas avancé d'argument cohérent à l'appui de la proposition selon laquelle le gain était imputable au capital et il n'y a pas vraiment grand-chose à dire au sujet de cette thèse compte tenu de la profession qu'il exerce et de sa conduite générale. L'appelant a fait savoir qu'à la fin de 1988, sa conjointe et lui habitaient dans un logement loué. Le marché immobilier était actif et les prix étaient à la hausse. L'appelant voulait acheter une maison pendant qu'il avait encore les moyens de le faire. Cela étant, il a demandé à un autre agent, chez Joy Realty Inc., de communiquer avec les fiduciaires de la paroisse qui possédait la propriété située au 2242, avenue Kings. À la fin de 1988 ou au début de 1989, l'appelant a fait une offre en vue d'acheter la propriété. Les fiduciaires de la paroisse ont tardé à donner une réponse. L'appelant a dit qu'avec le temps, il a commencé à croire que son offre ne serait pas retenue et il s'est mis à chercher d'autres maisons. Le 23 janvier 1989, il a fait une offre en vue d'acheter la propriété située au 1750, avenue Queens, West Vancouver. Il y a eu des contre-offres et une convention finale d'achat a été conclue le 7 février 1989. Quatre jours plus tard, l'appelant a conclu une convention écrite avec les fiduciaires de la paroisse en vue d'acheter la propriété de l'avenue Kings. La convention renfermait la disposition suivante : “Cette offre est assujettie à la ratification par le diocèse de New Westminster au plus tard le 12 avril 1989. Cette condition est uniquement fixée au profit du vendeur.”
[9] L'appelant a témoigné que la propriété de l'avenue Kings était plus attrayante que l'autre et qu'il avait donc entrepris de vendre la propriété Queens. La propriété Kings était composée d'une maison unifamiliale située sur deux lots. L'appelant a affirmé qu'il envisageait d'installer la maison sur l'un des lots et de vendre l'autre lot. Il a témoigné que Myrna Joy, qui était propriétaire de l'agence immobilière pour laquelle il travaillait2, et lui avaient mesuré les dimensions de la maison de l'avenue Kings et qu'ils s'étaient rendu compte qu'il était impossible de la déplacer. La maison mesurait cinq pieds de trop et ne pouvait être installée sur un lot que si on la tournait de 90 degrés. Myrna Joy a donc entrepris de chercher un acheteur et je crois comprendre qu'elle en a vite trouvé un.
[10] Le 21 mars 1989, la paroisse a autorisé l'appelant à demander la division de la propriété et a renoncé à la condition figurant dans la convention. L'appelant a réussi à négocier une convention avec les propriétaires de la propriété adjacente en vue d'obtenir une servitude permettant l'installation de services souterrains, au 2242, avenue Kings. Les mesures prises par l'appelant ressemblent étrangement à celles d'un promoteur immobilier et elles ont sans doute accru la valeur de la propriété. L'appelant a témoigné avoir communiqué avec son comptable pour s'informer des conséquences fiscales de l'opération relative à la propriété Kings et ce dernier lui a conseillé de transférer son intérêt à sa conjointe pour la somme de 1 000 $ de façon que celle-ci puisse utiliser l'exemption à vie pour gains en capital en déclarant l'opération aux fins de l'impôt. On ne sait pas trop si Mme Nabavi croyait avoir réalisé le gain. La contrepartie de 1 000 $ qui était prévue à l'égard de la cession n'a jamais été payée. Mme Nabavi n'a pas déclaré l'opération dans sa déclaration de revenu. Quoi qu'il en soit, le raisonnement du comptable et conseiller fiscal laisse entendre que la soi-disant cession en faveur de la conjointe de l'appelant a eu lieu à un moment donné après que l'intérêt cédé eut été revendu à M. Bosa par l'appelant ou du moins après qu'il eut été clair qu'il pouvait être revendu moyennant un bénéfice fort important. Dans le premier cas, le bénéfice était celui de l'appelant parce qu'il avait été réalisé par ce dernier. Dans le dernier cas, l'alinéa 69(1)b) de la Loi s'applique.
[11] À mon avis, il est certain que le gain réalisé à l'égard de la propriété située au 2242, avenue Kings, était, comme l'a conclu le ministre du Revenu national, un revenu tiré d'un projet comportant un risque de caractère commercial. L'appelant, qui gagnait sa vie dans le secteur immobilier, a conclu une convention en vue d'acheter la propriété située au 2242, Kings à un moment où la demande allait rapidement en augmentant et quelques jours seulement après qu'il eut convenu d'acheter la propriété située au 1750, Queens. L'appelant a agi dès que la condition fixée en faveur du vendeur a été remplie en ce qui concerne le projet de division de la propriété, conformément aux conditions de la vente conclue avec M. Bosa. L'appelant préférait peut-être installer la maison du 2242 Kings sur un lot pour s'en servir comme résidence et vendre l'autre lot. Toutefois, la preuve ne permet pas de conclure que l'achat avait uniquement été effectué en vue de permettre à l'appelant d'occuper la propriété située au 2242, rue Kings, à titre de résidence. À mon avis, l'appelant a acheté la propriété avec l'intention secondaire du moins, sinon l'intention primaire, de réaliser un bénéfice. Le gain est donc un revenu pour la personne participant au projet comportant un risque de caractère commercial qui a donné lieu au bénéfice. Or, cette personne était l'appelant.
[12] Je ferai finalement remarquer que la pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi à l'égard de l'omission de déclarer le gain réalisé au moment de la vente de la propriété de l'avenue Kings a été à juste titre imposée. À mon avis, l'omission de l'appelant de déclarer le gain dans ses déclarations de revenu ne résultait pas d'un simple oubli ou d'une erreur innocente. L'appelant est de toute évidence une personne qui était prête à déformer les faits afin d'essayer de se soustraire à l'impôt. À mon avis, la preuve permet de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant a sciemment omis de révéler son gain de sorte que la pénalité pouvait être imposée.
[13] Les appels sont rejetés avec dépens.
“ M. J. Bonner ”
J.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 30e jour de décembre 1997.
Monique Pelletier, réviseure