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Date: 20000630

Dossier: 98-1872-GST-G

ENTRE :

HEALTHCARE INSURANCE RECIPROCAL OF CANADA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel interjeté par Healthcare Insurance Reciprocal of Canada à l'encontre d'une cotisation de taxe sur les produits et services (“ TPS ”) datée du 3 mars 1998 et couvrant la période du 1er septembre 1996 au 30 novembre 1997.

[2] Au début de l'audience, les parties ont déposé l'exposé conjoint des faits suivant :

[TRADUCTION]

1. L'appelante est une organisation non constituée en personne morale. Le principal établissement de l'appelante se trouve au 4100, rue Yonge, bureau 412, Toronto (North York), en Ontario, M2P 2B5.

2. L'appelante a été établie le 1er juillet 1987. Les membres de l'appelante (les “ membres ”) sont des établissements de santé situés partout au Canada. Une majorité des membres sont des “ administrations hospitalières ” telles qu'elles sont définies au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise (Canada) (la “ Loi ”).

3. L'appelante a été établie dans le but de permettre aux membres de s'assurer contre les risques inhérents à leurs activités. L'appelante est autorisée en tant que bourse d'assurance réciproque ou d'interassurance au sens de la partie XIII de la Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, chap. I.8 et au sens des lois sur l'assurance de certaines autres provinces du Canada.

4. Tout au long de la période pertinente pour le présent appel, l'appelante a été régie par un conseil d'administration de quatorze administrateurs. La direction de l'appelante se compose d'un fondé de pouvoir et président-directeur général et de quatre vice-présidents.

5. Pendant la période du 1er septembre 1996 au 3 novembre 1997, l'appelante a eu de 201 à 234 membres.

6. Les obligations des membres sont prévues dans une entente des souscripteurs et dans une entente intitulée [TRADUCTION] “ Police d'assurance contre les accidents tous risques pour les établissements de santé, numéro de police mère 1995/1 ” (la “ police ”). Ces deux ententes se trouvent dans le recueil commun de documents.

7. Les activités de l'appelante comprennent la surveillance, la préparation d'une défense faite à l'encontre d'une réclamation ou le règlement d'une réclamation, l'administration de fonds, la coordination et la mise en place d'une bourse d'assurance entre les membres, la gestion de risques, la conformité aux règlements ainsi que les services de comptabilité et de tenue de dossiers.

8. Depuis le 1er janvier 1991, l'appelante est inscrite aux fins de la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) prélevée en vertu de la partie IX de la Loi.

9. Pendant la période du 1er septembre 1996 au 31 décembre 1996 et conformément à l'avis reçu de ses conseillers professionnels, l'appelante a perçu et recouvré un montant de 148 283 $ au titre de la TPS sur les droits qui lui ont été versés par les membres et demandé des crédits de taxe sur les intrants de 119 124 $. En vertu du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics (TPS/TVH), des membres ont réclamé des remboursements de 83 p. 100 dudit montant de TPS, soit un total de 123 075 $.

10. Au cours d'une vérification entreprise par le ministre en 1996, le vérificateur du ministre a reçu une opinion de la Direction des décisions et de l'interprétation de la TPS de Revenu Canada. Une copie de cette opinion se trouve dans le recueil commun de documents.

11. Compte tenu du différend avec le ministre, pour la période du 1er janvier 1997 au 30 novembre 1997, l'appelante n'a pas recouvré de TPS auprès des membres, mais a remis à Revenu Canada la somme de 143 662 $, soit la différence entre (i) 476 591 $, qui représente 7 p. 100 des droits perçus auprès des membres de l'appelante au cours de cette période, et (ii) les crédits de taxe sur les intrants de 332 929 $ gagnés par l'appelante au cours de cette période.

12. Par avis de (nouvelle) cotisation no 00000000302, daté du 3 mars 1998, le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelante pour la période du 1er septembre 1996 au 30 novembre 1997 de la manière suivante :

a) le ministre a rejeté pour la période du 1er septembre 1996 au 31 décembre 1996 les crédits de taxe sur les intrants réclamés par l'appelante au montant net de 93 916 $, soit le montant des crédits de taxe sur les intrants réclamés par l'appelante moins 17 p. 100 de la TPS que l'appelante a perçue auprès des membres;

b) il a porté au crédit du compte de l'appelante le montant de 143 662 $ qui avait été remis pour la période du 1er janvier 1997 au 30 novembre 1997;

c) il a perçu des intérêts et imposé des pénalités de 1 095,08 $ et de 2 680,44 $, respectivement.

13. Par avis de décision daté du 15 mai 1998, le ministre a confirmé la cotisation.

14. Les parties reconnaissent qu'une question du présent appel consiste à savoir si l'appelante a offert des “ services financiers ” au sens du paragraphe 123(1) de la Loi aux membres et, en conséquence, elle n'était pas tenue de percevoir la TPS sur les droits qu'elle percevait auprès des membres et n'avait pas droit à des crédits de taxe sur les intrants pour la TPS qu'elle a payée sur les coûts et les dépenses qu'elle a encourus en offrant les services aux membres. L'autre question est celle de savoir si les pénalités ont été correctement imposées à l'appelante.

[3] Par ailleurs, M. Gregory Bruce King, le vice-président aux finances et à l'administration de l'appelante, a témoigné pour le compte de l'appelante.

Dispositions législatives :

[4] Définitions

123. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

“ fourniture exonérée ” Fourniture figurant à l'annexe V.

“ effet financier ”

[...]

c) police d'assurance;

“ service financier ”

[...]

d) l'émission, l'octroi, l'attribution, l'acceptation, l'endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier;

[...]

f.1) le paiement ou la réception d'un montant en règlement total ou partiel d'une réclamation découlant d'une police d'assurance;

[...]

h) la souscription d'un effet financier;

[...]

(l) le fait de consentir à effectuer un service visé à l'un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l'effectuer;

[...]

La présente définition exclut :

[...]

t) les services visés par règlement.

“ police d'assurance ”

a) Police ou contrat d'assurance (sauf une garantie portant sur la qualité, le bon état ou le bon fonctionnement d'un bien corporel, lorsque la garantie est fournie à une personne qui acquiert le bien à une fin autre que sa vente) établis par un assureur, y compris :

(i) la police de réassurance établie par un assureur,

(ii) le contrat de rente établi par un assureur ou le contrat établi par un assureur qui serait un contrat de rente sauf que les paiements qui y sont faits :

(A) sont payables périodiquement à des intervalles dépassant, ou ne dépassant pas, un an,

(B) varient selon la valeur d'un groupe déterminé d'éléments d'actif ou selon la fluctuation des taux d'intérêt,

(iii) le contrat établi par un assureur, aux termes duquel tout ou partie des provisions de l'assureur pour le contrat varient selon la valeur d'un groupe déterminé d'éléments d'actif;

b) police ou contrat d'assurance-accidents et d'assurance-maladie, que la police soit établie, ou le contrat conclu, par un assureur ou non;

c) cautionnement de soumission, de bonne exécution, d'entretien ou de paiement établi relativement à un contrat de construction.

“ assureur ” Personne titulaire d'un permis ou autrement autorisée par la législation fédérale ou provinciale à exploiter une entreprise d'assurance au Canada, ou par la législation d'une autre administration à exploiter une telle entreprise dans cette administration.

Règlement sur les services financiers (TPS)

Services

4. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

“ effet ” Argent, compte, pièce justificative de carte de crédit de paiement, ou effet financier.

“ personne à risque ” Personne exposée à un risque financier fait de la propriété, de l'acquisition ou de la délivrance d'un effet à l'égard duquel un service mentionné au paragraphe (2) est offert, soit d'une garantie, d'une acceptation, d'une indemnité se rapportant à cet effet.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), pour l'application de l'alinéa t) de la définition de “ service financier ” au paragraphe 123(1) de la Loi, sont visés les services suivants, sauf ceux mentionnés à l'article 3 :

a) ...

b) les services administratifs, y compris ceux reliés au paiement ou au recouvrement de dividendes, d'intérêts, de capital, de créances, d'avantages ou d'autres montants, à l'exclusion des services ne portant que sur le paiement ou le recouvrement.

(3) Pour l'application de l'alinéa t) de la définition de “ service financier ”, au paragraphe 123(1) de la Loi, ne sont pas visés les services mentionnés au paragraphe (2) et fournis relativement à un effet par :

a) la personne à risque;

b) la personne étroitement liée à la personne à risque, si l'acquéreur du service n'est ni la personne à risque, ni la personne étroitement liée à celle-ci;

c) le mandataire, le vendeur ou le courtier agissant, dans le cadre du transfert de propriété de l'effet, pour le compte de la personne à risque ou de la personne étroitement liée à celle-ci.

Position de l'appelante

[5] L'appelante affirme qu'elle est une “ personne ” distincte de ses souscripteurs au sens donné au terme “ personne ” au paragraphe 123(1) de la Loi, et pouvait être inscrite (et le fait est qu'elle l'a été) aux fins de la TPS, percevoir la TPS sur ses fournitures taxables et réclamer des crédits de taxe sur les intrants (CTI). Je devrais faire remarquer que l'intimée n'a soulevé aucune objection à l'égard de la susdite proposition.

[6] L'appelante prétend que les services offerts par elle ne constituaient pas des “ services financiers ” exempts. Cette position s'appuie sur son opinion selon laquelle les alinéas d), f.1) et l) de la définition de “ services financiers ” ne s'appliquent pas à elle parce qu'il n'y a pas d'“ effet financier ”, c'est-à-dire aucune “ police d'assurance ” au sens donné à ce terme au paragraphe 123(1) de la Loi. L'appelante soutient que les définitions de “ police d'assurance ” et d'“ assureur ” exigent deux éléments : l'existence d'une police ou d'un contrat d'assurance et que ladite police ou ledit contrat d'assurance soient “ établis par un assureur ”. L'appelante ne conteste pas que la police mère[1] est une police ou un contrat d'assurance, mais soutient : a) que celle-ci n'a pas été établie par l'appelante, b) ni n'a été établie par un “ assureur ” au sens des lois sur les assurances des autres provinces dans lesquelles l'appelante était titulaire d'un permis.

[7] Pour ce qui est du premier point, l'appelante prétend qu'elle n'a pas établi la police mère et affirme que ce fait ressort clairement des termes de la police mère et des certificats d'assurance qui décrivent l'“ assureur ” comme les souscripteurs de Healthcare Insurance Reciprocal of Canada par l'intermédiaire du fondé de pouvoir. L'avocat soutient que les dispositions pertinentes portant sur la TPS doivent être appliquées d'une manière qui respecte les intentions et les ententes écrites des souscripteurs de l'appelante, lesquelles visaient à prévoir une autoassurance au moyen d'accords de réciprocité comme un moyen d'obtenir des économies et des coûts d'assurance à long terme ainsi que la stabilité de la couverture. Ainsi, l'appelante n'était pas un assureur en ce sens qu'elle “ n'est que le moyen par lequel ses souscripteurs échangent contractuellement des risques les uns avec les autres et qu'elle est titulaire d'un permis à cette fin ”.

[8] Pour ce qui est du deuxième point, l'appelante affirme que les personnes qui établissaient véritablement la police mère étaient les souscripteurs. Toutefois, selon l'avocat, l'article 123 de la Loi définit un “ assureur ” comme une personne titulaire d'un permis ou autrement autorisée par la législation fédérale ou provinciale à exploiter une entreprise d'assurance. L'article 379 de la Loi sur les assurances (Ontario) L.R.O. 1990, chap. I.8, telle qu'elle a été modifiée, prévoit tout particulièrement que les membres d'une bourse réciproque, comme les souscripteurs, ne doivent pas être considérés comme des assureurs.

[9] Ainsi, soutient-on, la police mère ne peut constituer une “ police d'assurance ” aux fins de la partie IX de la Loi parce qu'elle n'a pas été établie par un “ assureur ” au sens de ce terme dans les lois sur les assurances applicables. Il s'ensuit, selon l'avocat, que l'appelante ne peut être considérée comme fournissant les services financiers exempts au sens de l'alinéa l) de la définition puisqu'il fait mention du consentement à offrir des services comme ceux décrits aux alinéas d) et f.1) qui nécessitent l'existence d'une police d'assurance au sens de la Loi.

Position de l'intimée

[10] L'intimée ne conteste pas que l'appelante soit une personne au sens du paragraphe 123(1) de la Loi, qu'elle s'est inscrite aux fins de la TPS et qu'elle avait le droit de percevoir la TPS sur ses fournitures taxables et de réclamer les CTI. Toutefois, selon l'intimée, l'appelante est un “ assureur ” aux fins du paragraphe 123(1) de la Loi parce que, notamment, elle est titulaire d'un permis en vertu de la Loi sur les assurances (Ontario). Les souscripteurs individuels de l'appelante ne sont pas des assureurs aux fins de la Loi sur les assurances (Ontario) ni de la Loi sur la taxe d'accise. L'intimée soutient que c'est l'appelante qui établit les polices d'assurance (“ effets financiers ”), qui les traite et qui paie les montants en règlement d'une demande découlant des polices d'assurance. Les souscripteurs individuels ne le font pas. L'aspect essentiel rattaché à chaque souscripteur est qu'il s'agit d'un assuré. Le véhicule du contrat réciproque est conçu de manière à fournir davantage de disponibilité et des primes plus faibles que si une source standard d'assurance est utilisée. L'assurance établie à l'égard d'un souscripteur provient de l'appelante. Elle ne peut provenir ni ne provient directement des autres souscripteurs, qui ne sont pas des assureurs. C'est le contrat réciproque dans son ensemble qui fournit une autoassurance; les souscripteurs individuels ne fournissent pas d'autoassurance. Le résultat ne change pas parce que les souscripteurs individuels paient des primes en vertu du contrat réciproque et financent les manques à gagner de ce contrat. L'appelante a par conséquent fourni des services financiers exempts.

Analyse

[11] Une bourse d'assurance réciproque est une forme d'assurance mutuelle établie par un groupe d'organisations ayant en commun certaines activités. Le type d'assurance qu'un contrat réciproque peut offrir couvre toutes les catégories d'assurance pour lesquelles une compagnie d'assurance peut être titulaire d'un permis en vertu de la Loi sur les assurances (Ontario) à l'exception de l'assurance-vie, de l'assurance contre les accidents, de l'assurance-maladie et de l'assurance de garantie[2]. Le paragraphe 42(1) de la Loi sur les assurances (Ontario) inclut particulièrement les bourses d'assurance réciproques[3] comme l'une des catégories d'assureurs qui peuvent être titulaires d'un permis. Au surplus, l'article 379 de cette loi stipule que nul n'est réputé un assureur au sens de cette loi du fait qu'il échange avec d'autres personnes des contrats réciproques d'indemnisation ou d'interassurance. Comme c'est le cas pour toutes les compagnies d'assurance qui offrent de l'assurance au public, le contrat réciproque fait l'objet d'un permis et est surveillé sur une base continuelle par le surintendant des assurances de l'Ontario. Le paragraphe 390(1) de la Loi sur les assurances (Ontario) autorise la suspension ou la révocation d'un permis lorsqu'une bourse contrevient à une disposition de cette loi.

[12] La Loi sur les assurances (Ontario) prévoit qu'une bourse d'assurance réciproque constitue une organisation distincte de ses souscripteurs qui ne font qu'“ échanger ” de l'assurance au moyen de la bourse d'assurance réciproque sans le faire directement. La couverture d'assurance établie à l'égard d'un souscripteur provient de l'appelante, elle ne provient pas directement des autres souscripteurs et, de fait, le contraire serait impossible étant donné les termes employés par la Loi sur les assurances (Ontario). C'est la bourse d'assurance réciproque dans son ensemble qui accorde une autoassurance, les souscripteurs individuels ne le font pas. Ce n'est que grâce à un contrat réciproque qu'il est possible d'obtenir une telle autoassurance. Il est juste d'affirmer que la loi exige que la bourse d'assurance réciproque, l'appelante en l'espèce, prenne en charge la capacité d'exploiter une entreprise en établissant des polices (puisqu'il est interdit aux souscripteurs de le faire), en percevant des primes et en investissant des fonds notamment. Elle est également soumise aux règlements et est responsable du traitement des réclamations et doit répondre aux poursuites au nom des souscripteurs. En d'autres termes, elle assume une importante responsabilité fonctionnelle, c'est-à-dire la responsabilité de l'assurance. C'est pour ces motifs que les bourses d'assurance réciproque qui demandent à assurer des risques ou qui les assument et qui sont situées en Ontario doivent demander et obtenir un permis auprès de la Commission des assurances de l'Ontario.

[13] Le statut juridique d'une bourse d'assurance réciproque a été examiné dans l'affaire Ontario School Boards' Insurance Exchange v. Peel Board of Education et al[4]. La demanderesse était une bourse d'assurance réciproque dûment créée et titulaire d'un permis valide en vertu de la partie XIII de la Loi sur les assurances (Ontario). Peel Board of Education a déposé une demande pour qu'une ordonnance soit rendue afin d'annuler la déclaration au motif que la demanderesse, en tant qu'association non constituée en personne morale, n'avait pas la capacité juridique pour intenter une poursuite en son propre nom. En rejetant la requête de la demanderesse, le juge Molloy a fait les commentaires suivants :

[TRADUCTION]

6. OSBIE est réputée être un assureur en vertu des dispositions de la Loi sur les assurances. Un assureur réciproque est décrit par John Weir dans la Annotated Insurance Act of Ontario, [Toronto: Carswell], 1986 de la manière suivante :

Une bourse d'assurance réciproque constitue une entente volontaire par laquelle un groupe d'entités (personnes physiques ou morales) concluent un contrat entre elles afin de partager leurs pertes individuelles (produites par elles-mêmes ou par des tiers) d'une manière collective prédéterminée : article 1, définitions.

Les pertes et les responsabilités sont en général financées à partir d'un bassin de contributions initial, dont les déficits sont comblés au moyen de cotisations ouvertes effectuées à l'égard de chaque souscripteur ou membre individuel en vertu de la formule établie dans l'entente des souscripteurs.

Une “ bourse d'assurance réciproque ” est une forme sophistiquée d'autoassurance ou d'assurance mutuelle sans but lucratif exigeant une structure et une expertise professionnelle tout comme une compagnie d'assurance. Une bourse d'assurance réciproque (mais non un souscripteur ou un membre individuel) est un “ assureur ” au sens de la Loi sur les assurances et des lois connexes.

(les caractères gras sont de moi)

7. La question devant moi est celle de savoir si la Loi sur les assurances attribue expressément ou implicitement aux bourses d'assurance réciproque le pouvoir d'intenter des poursuites ou d'être poursuivies en leur propre nom. L'article 380 de la Loi sur les assurances prévoit :

(1) Les contrats réciproques d'indemnisation ou d'interassurance peuvent être passés au nom des souscripteurs par toute autre personne agissant comme fondé de pouvoir en vertu d'une procuration dont une copie a été dûment déposée de la façon prévue ci-après.

(2) Malgré toute condition ou stipulation contenue dans une telle procuration ou un tel contrat d'indemnisation ou d'interassurance, les actions ou instances relatives à ces contrats peuvent être engagées devant tout tribunal compétent de l'Ontario.

8. Il me semble que le paragraphe 380(2) confère aux bourses d'assurance réciproque comme OSBIE le droit d'intenter des poursuites ou d'être poursuivies en leur propre nom en ce qui concerne leur contrat d'assurance réciproque. [...]

13. Je souscris à cette distinction. Les affaires dans lesquelles on a conclu que la capacité d'intenter des poursuites n'existait pas portaient sur des situations concernant des entités comme des partis politiques, des syndicats ou des organismes administratifs : voir Westlake, précité, Hollinger Bus Lines v. Ontario Labour Relations Board, (1952) 3 D.L.R. 162 (C.A. Ont.); McKinney v. Liberal Party of Canada et al (1987), 61 O.R. (2d) 680 (S.C. Ont.); Wheeler v. Darcey, (1995), 25 O.R. (3d) 412 (Div. gén.). Par contre, l'assureur réciproque n'est pas un organisme administratif, mais exploite plutôt une entreprise commerciale semblable à celle d'une compagnie d'assurance. Le paragraphe 42(1) de la Loi sur les assurances autorise l'assureur qui est titulaire d'un permis (ce qu'est OSBIE) “ à faire souscrire des contrats d'assurance ” et “ à faire des affaires en Ontario ”. Le paragraphe 42(2) de la Loi sur les assurances prévoit :

(les caractères gras sont de moi)

Le permis délivré en vertu de la présente loi autorise l'assureur qui y est désigné à exercer en Ontario tous les droits et pouvoirs raisonnablement subordonnés à la conduite d'opérations d'assurance qui y sont précisées et qui ne sont pas incompatibles avec la présente loi ni avec la loi ou l'acte le constituant en personne morale ou en association.

(je souligne)

14. À mon avis, une entité exploitant une entreprise d'assurance et qui est expressément autorisée à exercer tous les droits découlant de l'exploitation de cette entreprise d'assurance doit nécessairement avoir le droit d'intenter une poursuite afin de faire appliquer ces droits. Une poursuite pour faire appliquer le contrat d'assurance réciproque, pour obtenir des dommages-intérêts pour sa rupture ou pour l'incitation à sa rupture est, à mon avis, liée à l'entreprise de OSBIE. À ce titre, OSBIE doit avoir implicitement le pouvoir d'intenter des poursuites et d'être poursuivie du moins dans la mesure où cette entreprise est concernée.

L'analyse raisonnée appliquée par le juge Molloy confirme à mon avis que toutes les fonctions et les exigences relatives à l'assurance de la Loi sur les assurances (Ontario) sont remplies par la bourse d'assurance réciproque, en l'espèce l'appelante et non les souscripteurs. Cette conclusion peut être appuyée par la référence à d'autres paragraphes de la Loi sur les assurances (Ontario) comme le paragraphe 48(2) qui établit une norme minimale de stabilité financière applicable précisément à une bourse d'assurance réciproque, le paragraphe 387(1) qui exige que le fonds d'assurance excédentaire et le fonds de réserve de la bourse soient placés par cette dernière dans la catégorie des valeurs mobilières autorisée pour une compagnie d'assurance à capital-actions, l'article 391 qui exige que le fondé de pouvoir d'une bourse paie au trésorier de l'Ontario un impôt annuel, relativement à toutes les primes et à tous les dépôts “ encaissés par une bourse ” de la même manière que s'ils avaient été reçus par un assureur titulaire d'un permis, l'article 388 qui accorde une consécration législative au fait que l'obligation à l'égard d'un contrat d'indemnisation, d'interassurance ou d'assurance est assumée par la bourse au nom des souscripteurs, et l'alinéa 381g) qui prévoit que la bourse par l'entremise du fondé de pouvoir doit fournir une preuve jugée satisfaisante par le surintendant selon laquelle elle exige des souscripteurs qu'ils maintiennent “ une prime raisonnablement suffisante pour couvrir le risque que la bourse assume ”. Il s'agit d'une reconnaissance explicite du fait que le risque est assumé par la bourse même si ce sont les souscripteurs qui finalement prennent le risque en charge. Dans le présent contexte, je remarque que les conventions de réassurance conclues par l'appelante agissent dans le but de l'indemniser de toute perte subie relativement à tout certificat d'assurance délivré à ses assurés en vertu de la police mère. Les notes des états financiers de l'appelante déclarent également :

[TRADUCTION]

Réassurance

Au cours de l'année, la bourse a cédé l'assurance sur une base d'“ excédent de taux de sinistre ” aux réassureurs pour des primes de... De telles conventions de réassurance limitent la responsabilité de la bourse dans l'éventualité de pertes importantes. Malgré les conventions de réassurance, la bourse conserve la responsabilité à l'égard des souscripteurs. La bourse s'attend à percevoir tous les montants recouvrables des réassureurs[5].

[14] Je ne peux accepter la position de l'appelante selon laquelle un accord de réciprocité n'est rien de plus qu'un échange de contrats privés gérés par une entité qui n'a d'autre responsabilité que celle de la mise en application de l'accord. En dehors du fait que les termes employés dans la loi habilitante indique clairement qu'une bourse d'assurance réciproque comme celle de l'appelante est visée par la loi régissant la conduite de l'entreprise d'assurance, il est indéniable que les souscripteurs ne peuvent agirent en tant qu'organisation d'assurance que par l'intermédiaire de l'appelante. Les souscripteurs ne possèdent pas de titre ou de responsabilité juridique à l'égard des investissements de l'appelante qui consistent en espèces, en bons du Trésor, en effets de commerce à court terme, en obligations et en actions ordinaires et privilégiées. L'appelante à titre d'entité titulaire d'un permis et faisant l'objet de vérifications possède des obligations — dont les réserves de réclamations, les dettes et les impôts sur les primes — et a un revenu des assurances ainsi qu'un bénéfice technique[6]. L'appelante possède un conseil d'administration qui est tenu “ de gérer ou de superviser la gestion et l'entreprise ainsi que les affaires de la bourse ” séparément de l'entreprise et des affaires des membres individuels. Les souscripteurs paient des “ primes ” à l'appelante qui se composent des éléments que le Conseil détermine, y compris mais non de façon limitative les réclamations, les coûts de rajustement et ceux liés à la production d'une défense, la réassurance, les impôts sur les primes, les réserves et les frais d'exploitation. Comme c'est le cas pour les compagnies d'assurance, les bourses doivent baser leurs primes sur une évaluation correcte, habituellement établie par un actuaire, de l'expérience des pertes et de la probabilité des réclamations futures par des titulaires de police ou des membres de la bourse d'assurance réciproque. En ce qui concerne l'appelante, son Conseil doit déterminer chaque année, sur l'avis de l'actuaire et du fondé de pouvoir, la prime devant être payée par chacun des souscripteurs et la franchise disponible pour chacun d'eux aux fins du contrat réciproque[7].

[15] L'appelante a soutenu que les termes employés dans certains des contrats d'assurance établissent que les émetteurs de polices sont les souscripteurs. La Loi sur les assurances (Ontario) impose un certain nombre de conditions que l'appelante et ses souscripteurs doivent respecter avant que l'appelante puisse exploiter une entreprise d'assurance. Ainsi, les souscripteurs ne peuvent exploiter une entreprise d'assurance qu'en nommant un fondé de pouvoir et en désignant une bourse d'assurance réciproque pour le faire en leur nom. Dans ces circonstances, les souscripteurs ont profité volontairement des avantages et des privilèges d'échanger de l'assurance et ont accepté implicitement de le faire grâce à une bourse d'assurance réciproque qui à son tour doit respecter les exigences établies dans les lois d'assurance provinciales. Il s'ensuit que tous les aspects de l'exploitation d'une entreprise d'assurance — dont l'émission de polices — entrent dans le cadre de la compétence accordée au fondé de pouvoir. Le fait que la police mère puisse décrire les souscripteurs comme les assureurs ne signifie pas qu'ils en sont puisque les lois d'assurance prévoient particulièrement qu'ils ne peuvent être et ne sont pas les assureurs. En effet, s'ils l'étaient, cela contreviendrait à la Loi sur les assurances (Ontario), ce qui entraînerait une suspension ou la révocation du permis de l'appelante.

[16] Bien que cela ne constitue pas la preuve d'un fait, il est intéressant de noter comment l'appelante elle-même décrit ses services. Dans le rapport de 1997 du fondé de pouvoir et président-directeur général[8], figurent les commentaires suivants :

[TRADUCTION]

Healthcare Insurance Reciprocal of Canada (HIROC) est le plus important assureur responsabilité pour les établissements de santé au Canada. Établi sous le nom de Hospital Insurance Reciprocal of Ontario en 1987, HIROC fournit aux souscripteurs de l'Ontario, du Manitoba, de Terre-Neuve et du Labrador et de la Saskatchewan une couverture d'assurance complète, une gestion de risques, des services consultatifs et une expertise exceptionnelle en gestion de réclamations.

Et

[TRADUCTION]

[...] En tant que spécialiste en assurance responsabilité pour les établissements de santé au Canada, nous offrons à nos souscripteurs une gamme complète de services exceptionnels à la clientèle, dont des programmes de gestion des risques, des produits d'assurance innovateurs et de l'expertise en gestion de réclamations qui fournit une protection solide ainsi qu'une stabilité financière à long terme dans un environnement de soins de santé en constante évolution.

Le fondé de pouvoir a également fait référence aux services innovateurs en matière de souscription de l'appelante en déclarant :

[TRADUCTION]

[...] En exerçant une influence à l'endroit de nos relations au sein des industries de l'assurance et de la réassurance dans le monde entier et en optimisant les économies d'échelle, nos gestionnaires de souscription ont offert une gamme en croissance constante de produits d'assurance innovateurs et rentables qui respectent de façon constante les besoins de nos clients. Ils comprennent la couverture pour l'assurance responsabilité contre l'atteinte à l'environnement et l'assurance vol et détournements (détournements par le personnel) ainsi que la couverture de la garantie jusqu'à 20 millions de dollars qui inclut la responsabilité des administrateurs et des dirigeants.

Au surplus, l'accès privilégié de HIROC au marché nous permet d'offrir des produits uniques liés à la responsabilité non offerts actuellement par les souscripteurs commerciaux. Parmi eux, mentionnons la couverture qui inclut des mesures de redressement par voie d'injonction à l'encontre de poursuites et qui ne comprennent pas de réclamations pour dommages et, plus récemment, des prestations complémentaires VIH/sida.

Je remarque également qu'en vendant son produit, l'appelante s'est souvent décrite comme l'assureur[9].

[17] Est-ce que la bourse a offert des services financiers? Le paragraphe 123(1) définit le “ service financier ” afin d'inclure à l'alinéa d) l'émission, l'octroi, l'attribution, [...] le renouvellement, le traitement [...] d'un effet financier dont la définition inclut une police d'assurance. L'alinéa f.1) se rapporte au paiement [...] d'une réclamation découlant d'une police d'assurance, alors que l'alinéa l) comprend le fait de consentir à effectuer un service visé à l'un des alinéas a) à i) ou de prendre des mesures en vue de l'effectuer. Je suis convaincu que l'appelante était un assureur titulaire d'un permis et remplissait les critères présentés ci-dessus, dont l'émission d'une police d'assurance. Elle a par conséquent fournit des services financiers. Je conclus que l'appelante était, pendant la période pertinente, un assureur titulaire d'un permis qui offrait un service financier à ses souscripteurs par la souscription, notamment, d'un effet financier, en l'espèce, une police d'assurance, tels que ces termes sont définis au paragraphe 123(1) de la Loi.

[18] Subsidiairement, l'appelante a soutenu que si elle a fourni des services financiers, ces services étaient spécifiquement exclus de la catégorie des services exempts parce qu'ils étaient des services administratifs. L'avocat a soutenu que l'alinéa t) de la définition de “ service financier ” du paragraphe 123(1) de la Loi, interprété en tenant compte de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les services financiers (TPS), exclut “ les services administratifs ” de la définition de “ service financier ”. Selon l'appelante, les droits qu'elle reçoit des souscripteurs sont payés en contrepartie des services administratifs qu'elle offre.

[19] Je suis d'avis que l'exclusion prévue à l'alinéa 123(1)t) ne s'applique pas en l'espèce. Il ne s'agit pas d'un cas où l'appelante n'a fait que fournir un traitement des données ou des services administratifs isolément puisque comme je l'ai conclu, l'appelante a offert un effet financier sous-jacent, c'est-à-dire une police d'assurance. Les services que l'avocat de l'appelante a décrits n'être pas exclus du paragraphe 4(3) du Règlement ne peuvent à mon avis être séparés du service financier lui-même qui consiste en l'octroi d'une assurance. De plus, selon la preuve, il serait raisonnable de conclure que tout service administratif offert par l'appelante était fourni par une personne à risque. En conséquence, les activités de l'appelante sont visées par les alinéas d), f.1), h) et l) de la définition des services financiers et sont exemptées.

[20] L'avocat de l'intimée a informé la Cour que le ministre du Revenu national n'allait pas contester l'appel en ce qui concerne la question de la pénalité. L'appel est accueilli à cet égard. À tous les autres égards, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juin 2000.

“ A.A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de janvier 2001.

Benoît Charron, réviseur



[1]               Pièce A-1, volume 1, onglet 2.

[2]               C’est un fait que l’appelante a offert des contrats pour l’assurance I.A.R.D. dont la responsabilité des biens et la responsabilité civile automobile qui, dans le dernier cas, comprenait l’obligation en tant qu’assureur de délivrer une carte d’assurance à une personne qui a souscrit un contrat d’assurance automobile. Loi sur l’assurance-automobile obligatoire, L.R.O. 1990, chap. 25, par. 6(1), tel qu’elle a été modifiée.

[3]               Appelées dans cette loi une “ bourse ” ou des “ bourses d’assurance réciproque ou d’interassurance ”.

[4]               6 C.C.L.I. (3d) 259.

[5]               Pièce A-1, onglet 32A, page 8, note no 4.

[6]               Pièce A-1, onglet 32A, pages 2 et 3.

[7]               Entente des souscripteurs, pièces A-1, onglet 1, articles 1.05p) et 3.02.

[8]               Pièce A-1, onglet 31B.

[9]               Voir par exemple la pièce A-1, onglets 22, 26, 28.

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