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Dossier : 2016-2135(IT)I

ENTRE :

RAFEEK KHAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Appel entendu le 24 mai 2017, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

Tim Okafor

Avocate de l’intimée :

Me Nimanthika Kaneira

 

JUGEMENT

  L’appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu par le ministre du Revenu national, datée du 8 juin 2015, à l’égard des années d’imposition 2005 et 2006 de l’appelant est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2017.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


Référence : 2017 CCI 171

Date : 20170914

Dossier : 2016-2135(IT)I

ENTRE :

RAFEEK KHAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  La Cour est saisie d’un appel visant des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la Loi), par le ministre du Revenu national (le ministre), datée du 8 juin 2015, à l’égard de l’appelant relativement aux années d’imposition 2005 et 2006.

[2]  Au moyen des nouvelles cotisations, le ministre a refusé des montants déduits de 9 000 $ et de 8 000 $ par l’appelant au titre de dons de bienfaisance pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement.

[3]  Pour fixer l’impôt à payer de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes, qu’il a formulées au paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel :  [traduction]

  • a) les déclarations de revenus de l’appelant ont été préparées par Nathaniel Okoroafor (le spécialiste en déclarations);

  • b) le spécialiste en déclarations a fait de fausses déductions au titre de dons de bienfaisance en préparant les déclarations de revenus de ses clients;

c)  dans ses déclarations de revenus, l’appelant a déduit des dons de bienfaisance relativement à la Christ Apostolic Church International Canada, à Evidence Ministries et à The Christ Healing Church (les organisations) pour les sommes suivantes :

ORGANISATION

2005

2006

Christ Apostolic Church International

Evidence Ministries

The Christ Healing Church

4 800 $

4 200

 

 

8 000 $

  • d) l’Agence du revenu du Canada (l’Agence) a révoqué l’enregistrement d’organisme de bienfaisance des organisations, tel qu’il est indiqué ci-dessous :

ORGANISATION

Date de révocation

Christ Apostolic Church International

Evidence Ministries

The Christ Healing Church

Le 21 août 2010

Le 14 juillet 2007

Le 5 septembre 2009

e)  l’Agence a révoqué l’enregistrement d’organisme de bienfaisance des organisations pour les raisons suivantes :

  • i) avoir délivré des reçus pour des montants d’argent supérieurs aux montants des dons;

  • ii) avoir délivré des reçus pour des opérations qui n’étaient pas admissibles à titre de dons;

  • iii) ne pas avoir tenu de registres pertinents à l’appui de leurs activités;

f)  les reçus délivrés par les organisations ne contenaient pas les renseignements mentionnés à l’article 3501 du Règlement de l’impôt sur le revenu;

  • g) l’appelant n’a effectué aucun don aux organisations dont la juste valeur marchande s’élève à 9 000 $ et à 8 000 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement, tel qu’il est indiqué au paragraphe 8c) ci-dessus;

  • h) tout versement en espèces par l’appelant aux organisations avait pour but d’obtenir de leur part des reçus gonflés pour dons de bienfaisance qui seraient bonifiés grâce aux crédits d’impôt non remboursables escomptés;

  • i) l’appelant n’avait aucune intention charitable en ce qui concerne les dons refusés;

  • j) le montant des déductions au titre de dons de bienfaisance demandé par l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006 n’était pas cohérent avec celui des déductions au titre de dons demandé pour d’autres années d’imposition, à exception de l’année d’imposition 2004, comme il est indiqué ci-dessous :

Année

d’imposition

Déduction demandée au titre de don

Revenu net déclaré

%

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

  $

952

6 000

9 025

8 145

78

520

39 715 $

42 887

41 204

36 101

43 644

51 092

54 388

50 539

51 805

57 007

57 699

53 550

55 060

0 %

2 %

0 %

17 %

21 %

16 %

0 %

0 %

0 %

0 %

1 %

0 %

0 %

k)  les déductions demandées par l’appelant au titre de dons de bienfaisance étaient très importantes, représentant 21 % et 16 % du revenu net déclaré pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement, comme il est indiqué dans le paragraphe précédent;

  • l) l’appelant n’a effectué aucun don en nature au cours des années d’imposition 2005 et 2006;

  • m) l’appelant n’a pas fait de dons de bienfaisance de plus de 25 $ et de 145 $, respectivement, pour les années d’imposition 2005 et 2006.

[4]  Pour établir que l’appelant a effectué des présentations erronées des faits attribuables à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire dans les déclarations de revenus qu’il a produites pour les années d’imposition 2005 et 2006, le ministre s’est fondé sur les faits suivants, énoncés au paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel :


  • a) les faits tels qu’ils sont exposés au paragraphe 8 ci-dessus;

  • b) les clients du spécialiste en déclarations ont acheté des reçus de dons auprès de ce dernier en contrepartie d’un pourcentage des déductions demandées au titre de dons;

  • c) les paiements pour acheter les reçus de dons ont été versés au spécialiste en déclarations et non aux organisations;

  • d) les paiements relatifs aux reçus de dons ont été effectués après les années d’imposition au cours desquelles les déductions ont été demandées, au moment de la préparation des déclarations de revenus;

  • e) le montant des paiements relatifs aux reçus de dons était inférieur à celui des dons censément faits;

  • f) les montants d’argent versés au spécialiste en déclarations par l’appelant relativement aux reçus de dons représentaient une fraction de la valeur nominale des reçus de dons;

  • g) l’appelant a signé sa déclaration de revenus de 2006.

[5]  M. Rafeek Khan a témoigné à l’audience. Il ne se souvenait ni des montants exacts des dons qu’il avait effectués au cours des années antérieures à 2005, ni des organisations auxquelles les dons avaient été faits. Il a indiqué qu’il avait fait des dons aux églises dans le but d’améliorer sa vie. Il a expliqué que les dons faits en 2005 et en 2006 avaient été effectués toutes les semaines ou toutes les deux semaines, lorsqu’il assistait à des services dans les églises, et que ces dons avaient été effectués au moyen de virements bancaires ou de billets de banque. Pour effectuer les dons, il a eu recours à différents comptes bancaires ainsi qu’à une marge de crédit de 20 000 $.

[6]  Il a également expliqué que, en 2005 et en 2006, il travaillait dans un hôpital et dans une maison de soins infirmiers, et qu’il gagnait entre 50 000 et 60 000 $ par année. Il a déclaré que, après 2006, il n’a fait aucun don important et qu’il avait cessé de donner de l’argent aux églises, premièrement parce qu’il était déçu de devoir donner 10 % de son revenu et de recevoir des messages de radicalisation et, deuxièmement, parce qu’il devait rembourser sa marge de crédit.

[7]  Il a expliqué que le don de 8 000 $ à The Christ Healing Church a été effectué tous les mois pendant l’année d’imposition 2006, que le trésorier de l’organisation assurait le suivi des dons et qu’il lui avait délivré un reçu peu de temps après la fin de l’année.

[8]  Il a déclaré qu’il avait reçu de la part des organisations les reçus officiels pour les dons de bienfaisance qu’il avait effectués, mais qu’il ne les avait jamais produits lui-même auprès de l’Agence du revenu du Canada (Agence). Il a également indiqué qu’il n’avait jamais acheté de reçus à des fins fiscales de quiconque.

[9]  L’appelant ne se souvenait pas du nom des personnes qui avaient préparé et produit ses déclarations de revenus de 2005 et de 2006, car, pendant cette période, il était sous l’emprise de l’alcool. Sa déclaration de revenus de 2005 a été produite par voie électronique et il ne l’a pas signée, mais sa déclaration de revenus de 2006 n’a pas été produite par voie électronique et il l’a signée.

[10]  M. Michel Chénard, un agent des litiges à l’Agence, a témoigné à l’audience et a produit le sommaire de l’option C des déclarations de revenus de l’appelant pour les années d’imposition 2001 à 2013, afin de montrer les montants des déductions demandées pour dons par l’appelant chaque année ainsi que le revenu net déclaré par l’appelant chaque année.

[11]  L’appelant n’a présenté aucun relevé bancaire indiquant les retraits d’argent effectués de ses comptes bancaires équivalant aux dons prétendument faits en 2005 et 2006. Lors du procès, il n’a présenté qu’un reçu de 8 000 $ de la Christ Healing Church, une des trois organisations auxquelles il allègue avoir effectué un don important. Ce reçu, daté du 18 février 2007, était annexé à sa déclaration de revenus de 2006.

[12]  L’appelant n’a pas contesté le fait que a) l’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance de Christ Apostolic Church International a fait l’objet d’une révocation motivée le 21 août 2010, b) l’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance de Evidence Ministries a fait l’objet d’une révocation motivée le 14 juillet 2007, et c) l’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance de Christ Healing Church a fait l’objet d’une révocation motivée le 5 septembre 2009.

[13]  Deux questions sont soulevées dans le présent appel :

  • a) L’appelant a-t-il effectué des dons de bienfaisance pour les déductions demandées?

  • b) L’appelant a-t-il fait une présentation erronée des faits attribuable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire dans la production de ses déclarations de revenus de 2005 et de 2006, ce qui permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de ces années après l’expiration du délai normal de prescription?

[14]  Puisque le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 2005 et 2006 de l’appelant après l’expiration du délai normal de prescription, le ministre doit s’appuyer sur le paragraphe 152(4) de la Loi pour valider les nouvelles cotisations. Le paragraphe 152(4)a) de la Loi est ainsi libellé :

Cotisation et nouvelle cotisation

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenus pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

  • a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

  • (i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

  • (ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

[15]  D’après les éléments de preuve dont je suis saisi, j’en suis arrivé à la conclusion que l’appelant a demandé des déductions pour des dons qu’il n’a pas faits. Les explications de M. Khan ne sont pas crédibles pour les motifs suivants :

  • a) l’énorme écart entre les montants des dons faits en 2005 et en 2006 et ceux des dons faits avant 2004 et après 2006;

  • b) le ratio des dons allégués comparativement à son revenu net pour les années 2005 et 2006 à une époque où il éprouvait des difficultés financières, car il avait été obligé de changer de banque parce que cette dernière avait annulé sa marge de crédit;

  • c) l’absence de relevés bancaires, de laquelle je tire une inférence négative étant donné que de tels relevés auraient aidé l’appelant à établir le montant de ses dons;

  • d) l’incapacité de l’appelant d’expliquer la raison pour laquelle il a choisi de donner aux trois organisations et de fournir des renseignements à propos des causes appuyées par ces organisations;

  • e) l’incapacité de l’appelant de fournir le nom des personnes qui ont préparé et produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2005 et 2006.

[16]  L’appelant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a fait les dons qu’il a prétendu avoir faits.

[17]  L’appelant a indéniablement fait une présentation erronée des faits dans ses déclarations de revenus. Il savait ou aurait dû savoir que les déductions de 9 000 $ et de 8 000 $ dépassaient largement la somme de tous les dons en espèces qu’il avait réellement faits. Il a assurément examiné sa déclaration de revenus de 2006 préparée par M. Nathaniel Okoroafor avant de la signer. Il s’est fié exclusivement au reçu fourni par la Christ Healing Church sans remettre en question l’importante déduction demandée à titre de don de bienfaisance. À tout le moins, il a fait preuve de négligence lorsqu’il a signé une déclaration de revenus, sachant que le montant indiqué sur le reçu était supérieur à celui du don réellement fait.

[18]  Dans les circonstances, le ministre a le droit d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration du délai normal de prescription, en application du paragraphe 152(4) de la Loi. Le ministre s’est acquitté du fardeau qui lui incombait, car l’appelant n’est pas crédible.

[19]  Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2017.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour de septembre 2019

Lionbridge


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 171

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-2135(IT)I

INTITULÉ :

Rafeek Khan et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mai 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 septembre 2017

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

Tim Okafor

Avocate de l’intimée :

Me Nimanthika Kaneira

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[BLANK]

 

Cabinet :

[BLANK]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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