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Date: 19981222

Dossier: 97-1757-IT-G

ENTRE :

ABE GITALIS REAL ESTATE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 1er décembre 1998 à Toronto (Ontario) par l'honorable juge Terrence P. O'Connor

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 1er décembre 1998.

Faits

[2] Les faits sont énoncés dans un exposé conjoint des faits (l' « exposé » ), qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Aux fins de cet appel, les parties conviennent des faits suivants :

1. Le 17 octobre 1989 ou vers cette date, l'appelante a, par l'intermédiaire de Davinder Gurm ( « M. Gurm » ), qui était alors un employé de l'appelante, négocié un bail pour Orfus Investments (le « bail » ).

2. Une commission totalisant 98 733,75 $ (la « commission totale » ) était payable à l'appelante par Orfus Investments le 1er février 1990, en contrepartie de la négociation du bail.

3. Pour le rôle que M. Gurm a joué dans la négociation du bail, l'appelante a initialement fait à M. Gurm un paiement totalisant 59 240,25 $, soit un paiement qu'elle lui a fait comme revenu d'emploi (le « paiement contesté » ).

4. Le paiement net de 36 420,41 $ correspondant au paiement contesté (le « paiement net » ) a été fait par l'appelante à M. Gurm par chèque, soit le chèque no 2467 en date du 13 février 1990 (le « chèque » ), dont une copie conforme est reproduite à l'onglet 1 des présentes.

5. L'aide-comptable de l'appelante a retenu les sommes suivantes sur le paiement contesté :

a) des cotisations au Régime de pensions du Canada de 335,20 $;

b) des cotisations d'assurance-chômage de 282,41 $;

c) de l'impôt sur le revenu de 22 136,86 $ (la « retenue d'impôt sur le revenu » ).

(Il est à noter qu'une écriture d'ajustement a été passée par l'aide-comptable de l'appelante pour tenir compte d'un écart de 65,37 $.)

6. L'appelante n'a pas remis au receveur général du Canada la retenue d'impôt sur le revenu.

7. Une copie conforme de la partie pertinente des registres de paye de l'appelante indiquant le paiement contesté fait à M. Gurm est reproduite à l'onglet 2 des présentes. Les notes figurant dans les marges, ainsi que les ratures faites aux lignes 29 et 30 du registre de paye, ont été ajoutées après les événements mentionnés au paragraphe 5 ci-dessus.

8. Le chèque a été certifié par M. Gurm au moment de la réception et a été encaissé par M. Gurm le 14 février 1990.

9. À l'onglet 3 des présentes figure une copie conforme d'un feuillet de renseignements T4 initialement délivré par l'appelante à M. Gurm à l'égard du paiement contesté (le « feuillet T4 initial » ).

10. En mai 1992, il y a eu un différend entre M. Gurm et l'appelante concernant, entre autres choses, la partie de la commission totale à laquelle avait droit M. Gurm :

a) l'appelante considérait que M. Gurm avait droit à 30 p. 100 de la commission totale, c'est-à-dire à 29 620,13 $ en tout;

b) M. Gurm considérait qu'il avait droit à 60 p. 100 de la commission totale, c'est-à-dire à 59 240,25 $ en tout.

11. S'en est suivi un litige entre l'appelante et M. Gurm devant la Cour de l'Ontario (Division générale), soit l'affaire portant le numéro de dossier de la Cour 409427/90 (le « litige » ), notamment au sujet du paiement contesté. Figurent aux onglets 4 et 5 respectivement des copies conformes de la Déclaration ainsi que de la Défense modifiée et demande reconventionnelle déposées dans le litige.

12. En vertu du litige, une partie de la commission totale a été consignée à la Cour.

13. Le 16 avril 1993, un règlement est intervenu dans le litige, ainsi que l'indiquent le procès-verbal de transaction et l'ordonnance de la Cour, reproduits respectivement aux onglets 6 et 7 des présentes.

14. Le ministère du Revenu national a effectué une vérification de la paye de l'appelante en 1993 au sujet du paiement contesté (la « vérification de 1993 » ).

15. Par suite de la vérification de 1993, l'appelante a demandé et reçu la lettre figurant à l'onglet 8 des présentes (la « lettre » ).

16. Se fondant sur l'information contenue dans la lettre, l'appelante a donné pour instructions à ses avocats de mettre en oeuvre le règlement intervenu dans le litige.

17. En conformité avec la vérification de 1993, le ministère du Revenu national a établi un feuillet de renseignements T5 pour remplacer le feuillet T4 initial. Une copie conforme du feuillet de renseignements T5 est reproduite à l'onglet 9 des présentes.

18. Après la vérification de 1993, le ministère du Revenu national a effectué une autre vérification de la paye de l'intimée (sic), vérification au terme de laquelle le ministre a conclu que l'appelante était tenue de faire et de remettre la retenue d'impôt sur le revenu à l'égard du paiement contesté.

19. Pour l'année d'imposition 1990, M. Gurm s'est vu fixer de l'impôt compte tenu du fait que le paiement contesté intégral avait été inclus dans le calcul de son revenu imposable pour l'année.

20. Dans le calcul de l'impôt net à payer par M. Gurm pour l'année d'imposition 1990, le ministre du Revenu national a accordé un crédit à M. Gurm relativement au montant total de la retenue d'impôt sur le revenu.

DATÉ à Toronto (Ontario) ce 1er jour de décembre 1998.

[3] Aucun témoignage n'a été présenté à l'audition de cet appel. Un fait supplémentaire qui est ressorti est que l'appelante, avant que ne soit délivré le feuillet de renseignements T5 mentionné au paragraphe 17 de l'exposé, avait délivré à M. Gurm un feuillet T4-A, qui a été présenté à la Cour et qui contient la même information que le feuillet T5, à savoir que M. Gurm, en 1990, a reçu un montant brut de 36 420,41 $ comme autre revenu, sans aucune déduction d'impôt sur le revenu ou autre.

[4] La lettre (paragraphe 15 de l'exposé) se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Revenu Canada, Impôt

36, rue Adelaide E., 10e ét. O.

Toronto (Ontario)

M5C IJ7

13 octobre 1993

Abe Gitalis Real Estate Ltd.

220, rue Richmond O., 2e ét.

Toronto (Ontario)

M5V IV9

Monsieur Gitalis,

Conformément à votre demande, nous vous avisons par les présentes que notre vérification est terminée et que nous n'exigeons pas que vous fassiez de retenues sur le paiement de M. Divinder Gurm.

J'espère que cela est suffisant à vos fins et, s'il y a d'autres points qui vous font problème, n'hésitez pas à communiquer avec moi; vous pouvez me joindre au (416) 375-6471.

Veuillez agréer, Monsieur Gitalis, mes salutations distinguées.

« Rob Pietersen »

Rob Pietersen,

vérificateur de retenues à la source

[5] Il sera utile d'analyser la nature de la demande de M. Gurm, de la demande reconventionnelle, du procès-verbal de transaction et de l'ordonnance de la Cour, qui ont été déposés respectivement aux onglets 4, 5, 6 et 7 de l'exposé. Tout d'abord, il s'agit d'une demande en dommages-intérêts de 23 739,24 $ déposée par M. Gurm à l'encontre de l'appelante et d'Orfus Investments ( « Orfus » ). On avait déjà versé à M. Gurm sa commission pour la location initiale du bien, comme l'indiquent les paragraphes 3, 4 et 5 de l'exposé. Autrement dit, sa demande contre l'appelante et Orfus visait l'obtention d'une somme supplémentaire, soit des dommages-intérêts de 23 739,24 $. Quand on lit la demande reconventionnelle de l'appelante (onglet 5 de l'exposé), on voit que ce que M. Grum demandait, soit 23 739,24 $, représentait 60 p. 100 d'une commission totale supplémentaire de 39 566,54 $ résultant du fait qu'Orfus avait loué des locaux supplémentaires en vertu d'un bail commençant le 1er juillet 1990. Dans la demande reconventionnelle, il est allégué que M. Gurm n'a pas droit à cette somme supplémentaire de 23 739,24 $ parce que cette commission-là ne se rapporte qu'à une opération qui remonte à une période postérieure à la cessation de l'emploi de M. Gurm. Il ressort en outre de la demande reconventionnelle qu'il y avait plusieurs autres questions et prétentions que l'appelante faisait valoir contre M. Gurm. En ce qui a trait au paiement du 13 février 1990 fait à M. Gurm, soit un paiement de 36 420,41 $, la seule question était une question liée à un montant de 6 800,28 $, soit le montant allégué du paiement en trop fait par l'appelante à M. Gurm à l'égard de l'opération initiale. Le procès-verbal de transaction relatif à la demande et à la demande reconventionnelle disait pour l'essentiel que le montant de 23 739,24 $ qu'Orfus avait consigné à la Cour devait être divisé en parts égales entre M. Gurm et l'appelante. L'ordonnance de la Cour de l'Ontario, en date du 22 juillet 1993, donne effet au procès-verbal de transaction.

Thèse de l'appelante

[6] La thèse de l'appelante est énoncée dans un document qui a également été déposé, soit un exposé de faits et de règles de droit. Ce bref document se lit comme suit :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ DE FAITS ET DE RÈGLES DE DROIT

OBJET DE L'EXPOSÉ

1. Le présent exposé se veut un exposé de règles de droit établi avant le procès relatif à cette affaire.

FAITS

2. Il est prévu que, au cours du procès (ou par la voie d'un exposé conjoint des faits), il sera établi que le ministre avait affirmé, par écrit, que les résultats d'une vérification révélaient qu'il n'était pas nécessaire que le contribuable retienne de l'impôt à l'égard d'un ancien employé. Cette affirmation écrite se lit en partie comme suit :

[...] nous vous avisons par les présentes que notre vérification est terminée et que nous n'exigeons pas que vous fassiez de retenues sur le paiement à M. Davinder Gurm.

Cette affirmation écrite était signée par un vérificateur de retenues à la source, qui avait terminé une vérification des registres du contribuable. Se fondant sur cette affirmation, le contribuable a conclu un règlement de litige avec son ancien employé et a modifié sa position à son propre détriment. Après cette affirmation et après que le contribuable eut conclu le règlement du litige, le ministre a effectué une autre vérification (qui n'a révélé aucun fait nouveau) et dit maintenant que des sommes auraient dû être retenues et que de l'impôt est dû.

DROIT

3. La préclusion exige ce qui suit :

(1) Une affirmation, ou une conduite y équivalant, qui a pour but d'inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.

(2) Une action ou une omission résultant de l'affirmation, en paroles ou en actes, de la part de la personne à qui l'affirmation est faite.

(3) Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action ou omission.

Taylor c. Sa Majesté la Reine, [1995] A.C.I. no 414, paragraphe 20, soit un jugement dans lequel est cité l'arrêt Canadian Superior Oil c. Hambly, [1970] R.C.S. 932, à la page 939.

4. Le contribuable dit que le ministre est préclus d'alléguer maintenant qu'une retenue d'impôt aurait dû être effectuée.

5. Le ministre peut être assujetti à la préclusion.

Her Majesty the Queen v. Langille,[1977] C.T.C. 144, soit un jugement cité dans l'affaire Taylor c. Sa Majesté la Reine, précitée, au paragraphe 28

Gibson v. The Queen, (1977) 77 D.L.R. (3d) 733, aux pages 737 et 738

Robertson v. Minister, [1948] 2 All E.R. 767, à la page 770.

La question suivante est de savoir si la Couronne est liée par l'assurance qui a été donnée. La Couronne ne peut s'en tirer en disant qu'elle n'est pas liée par la préclusion, ce principe ayant été démoli il y a longtemps.

The Queen v. Skuttle, [1964]R.C.É. 311, au paragraphe 4.

6. Cela dit, en règle générale, pour que la préclusion s'applique contre le ministre, l'affirmation en cause doit porter sur un fait et non sur une question de droit. Autrement dit, le fait d'avoir omis d'appliquer la loi à un moment donné n'empêche pas de l'appliquer ultérieurement, et les questions de droit relèvent des juges et non du ministre. Le rôle des tribunaux dans l'interprétation du droit ne saurait être supplanté par des affirmations antérieures du ministre.

Affaire Gibson v. The Queen, précitée

Affaire Taylor c. Sa Majesté la Reine, précitée.

7. En l'espèce, nous soutenons respectueusement que la cotisation du ministre équivalait à un examen factuel des livres et registres du contribuable et à une détermination selon laquelle, en fait, toutes les retenues appropriées avaient été effectuées. Aucun énoncé de règles de droit n'était en cause dans l'affirmation du ministre. Un comptable a effectué la vérification et est parvenu à une détermination en se fondant sur cette vérification, soit une détermination factuelle à l'égard de laquelle un expert pourrait être appelé à témoigner au procès. Autrement dit, si des questions de comptabilité sont soulevées lors d'un procès devant jury, un témoignage d'expert sur ces questions est approprié, et le point factuel est examiné et tranché par la personne qui juge les faits et non par celle qui juge les questions de droit.

Dyck v. F.M.A. Farm, 1996 CanRepSask 325.

8. À cet égard, la décision rendue dans l'affaire Skuttle présente un intérêt considérable. Dans cette affaire, il y avait eu une vérification, et la Cour avait conclu que la préclusion n'était pas fondée. La Cour était parvenue à cette conclusion non pas parce que la détermination issue de la vérification ne portait pas sur un fait, mais plutôt parce que le vérificateur, bien qu'ayant reconnu que le système d'information comptable du contribuable était approprié, n'avait pas fait d'affirmations pouvant donner lieu à la préclusion. Dans la présente espèce, une telle affirmation a nettement été faite.

REDRESSEMENT DEMANDÉ

9. Le contribuable demande donc que l'appel soit admis.

[7] Dans son argumentation orale, l'avocat insistait sur le fait que l'appelante était un contribuable prudent qui, avant de faire le paiement prévu dans le procès-verbal de transaction, voulait une assurance de Revenu Canada. L'appelante estimait qu'elle avait cette assurance dans la lettre.

[8] L'avocat arguait en outre que, vu les actions de Revenu Canada consistant à effectuer en 1993 une vérification complète des registres de paye de l'appelante sans établir ensuite une cotisation, vu le remplacement du feuillet T4-A délivré à M. Gurm par un feuillet T5 (établi par Revenu Canada mais techniquement délivré par l'appelante) et vu la lettre qui a été envoyée, le ministre est préclus d'établir la cotisation en cause.

[9] Le principal argument de l'avocat est que les actions du ministre équivalaient à une affirmation sur un fait et non sur une question de droit, de sorte que la préclusion s'applique.

Thèse de l'intimée

[10] L'avocat de l'intimée a renvoyé à certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et du Règlement de l'impôt sur le revenu et soutenait que l'obligation de retenir et de remettre une somme remonte à 1990 et que ce qu'un représentant du ministre a dit dans une lettre ou a fait en 1993 ne saurait annuler ou modifier cette obligation initiale. Donc, la Couronne n'est pas précluse. L'avocat soutient en outre que la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu imposent l'obligation de retenir et de remettre des sommes. Ainsi, même si la lettre et d'autres actions du ministre sont pertinentes, elles équivalent à une opinion ou affirmation sur une question de droit, soit une interprétation de la Loi et du Règlement.

[11] Les dispositions les plus pertinentes de la Loi citées par l'avocat de l'intimée sont les suivantes, soit :

Loi de l'impôt sur le revenu

153(1) Toute personne qui verse à une date quelconque d'une année d'imposition

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération,

[...]

g) des honoraires, commissions ou autres sommes pour services,

[...]

doit en déduire ou en retenir la somme qui peut être prescrite et doit, à la date qui peut être fixée par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l'impôt du bénéficiaire ou du dépositaire, selon le cas, pour l'année en vertu de la présente partie ou de la partie XI.3.

227(1) Nulle action ne peut être intentée contre une personne pour le fait de retenir ou de déduire une somme d'argent quelconque en conformité, réelle ou intentionnelle, de la présente loi.

[...]

(4) Toute personne qui déduit ou retient un montant quelconque en vertu de la présente loi est réputée retenir le montant ainsi déduit ou retenu en fiducie pour Sa Majesté.

[...]

Règlement de l'impôt sur le revenu

100.(1) Dans la présente partie et dans l'annexe I,

[...]

« rémunération » comprend tout paiement qui est

a) relatif au versement

d'un traitement ou d'un salaire, ou

des commissions ou d'autres montants semblables établis en fonction du chiffre de ventes ou des contrats négociés (appelés « commissions » dans la présente partie),

à un agent ou employé ou à un ancien agent ou employé,

[...]

101. Toute personne qui effectue un paiement mentionné au paragraphe 153(1) de la Loi dans une année d'imposition doit déduire ou retenir de ce paiement et verser au Receveur général le montant, si montant il y a, déterminé selon les règles prescrites dans la présente partie.

108(1) Les montants déduits ou retenus en vertu du paragraphe 153(1) de la Loi doivent être remis au Receveur général au plus tard le 15e jour du mois qui suit le mois pendant lequel les montants ont été déduits ou retenus.

[...]

Analyse et décision

[12] Un sommaire utile des principes qui s'appliquent à la question des sommes à retenir et à remettre figure dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Her Majesty the Queen v. Coopers & Lybrand Limited, agent for Mercantile Bank of Canada and Receiver and Manager of Venus Electric Limited, 80 DTC 6281, à la page 6287 :

L'article 227 examine deux cas différents de défaut de la part des personnes versant des salaires, savoir le défaut de retenue et le défaut de remise des sommes retenues. Pour mieux comprendre la responsabilité encourue dans chaque cas, il faut se rappeler que l'employé est censé avoir reçu comme salaires tout montant retenu au titre de l'impôt sur le revenu, dont il est crédité à titre d'acompte à valoir sur l'impôt sur le revenu à échoir.

Si la personne versant les salaires n'opère pas les retenues, ce défaut n'a aucun effet sur la responsabilité de l'employé en matière d'impôt sur le revenu, dont le montant sera recouvré en entier par les autorités fiscales auprès de cet employé; la personne ayant versé les traitements ou salaires est seulement passible d'une pénalité égale à un pourcentage du montant qu'elle n'a pas retenu.

Par contre, si elle a fait des retenues sans les verser entièrement, la personne qui a opéré ces retenues est responsable envers le percepteur du montant que l'employé est censé avoir reçu comme salaires, et cet employé est crédité, au titre de l'impôt sur le revenu, d'un montant égal aux retenues. En ce cas, la personne ayant versé les salaires est tenue, en sus de la pénalité de 10 p. 100 pour défaut de remise, à un montant égal aux retenues non remises, avec intérêts.

Pour chiffrer la responsabilité de l'intimée, il échet d'examiner s'il y a eu, de sa part, défaut de retenue ou défaut de remise des montants retenus.

[13] À mon avis, ce que l'appelante a fait initialement, c'est retenir une somme sur ce qu'elle a payé à M. Gurm, ce qui est conforme à la Loi et au Règlement, mais elle n'a pas remis cette somme au receveur général. Ce manquement à l'obligation de remettre la somme peut être suffisant pour que la cotisation du ministre soit considérée comme valable.

[14] Deuxièmement, jusqu'à un certain point, les actions du ministre en 1993 et la lettre, bien que comportant un examen de divers faits, équivalaient essentiellement à une conclusion de droit fondée sur ces faits. Cette conclusion était que l'appelante n'était pas tenue de retenir une somme. Cela veut dire que le vérificateur du ministre a examiné les faits, qu'il connaissait vraisemblablement le droit (sous réserve de ce qui est dit plus loin quant à la non-pertinence de la lettre par rapport aux questions en cause dans la présente espèce) et qu'il a conclu qu'il n'y avait aucune obligation juridique d'effectuer une retenue.

[15] Les actions du ministre et la lettre peuvent avoir incité l'appelante à croire qu'elle n'était pas tenue de remettre une somme, mais, comme je l'ai mentionné, même si c'était le cas, la conclusion en question est une conclusion de droit, et le ministre n'est pas lié par cette conclusion. Même si les faits sur lesquels s'est fondé le ministre étaient erronés, cela ne transforme pas la lettre, soit une conclusion de droit, en un exposé de faits.

[16] Troisièmement, même si les actions du ministre — et notamment l'envoi de la lettre — pouvaient être assimilées à un examen factuel de la situation par opposition à une conclusion de droit, il ressort clairement de l'analyse précédente du litige et de son règlement que seule une part très mineure de ce litige se rapportait à la commission initiale. Ce que M. Gurm réclamait, c'était une prétendue commission relative à la location de locaux supplémentaires, soit une commission à laquelle l'appelante soutenait dans la demande reconventionnelle que M. Gurm n'avait pas droit. De l'aveu général, le feuillet T-5 traite d'une somme de 36 420,41 $, soit le montant net effectivement versé à M. Gurm à l'égard de l'opération initiale comme autre revenu (sans aucune déduction), mais cela ne règle rien quant à l'obligation de retenir et de remettre une somme à l'égard de la commission brute initiale de 59 240,25 $. De plus, il ressort de la demande reconventionnelle que plusieurs autres questions et prétentions étaient beaucoup plus importantes que l'aspect du prétendu paiement en trop à l'égard de la commission initiale. Ce sont toutes ces questions qui ont été réglées par le procès-verbal de transaction qui a donné lieu au paiement fait à M. Gurm en 1993. Bien que l'appelante soutienne qu'il y a eu un paiement en trop, aucun élément de preuve n'indique que l'appelante a exigé de M. Gurm le remboursement de cette somme, si ce n'est après la demande déposée par M. Gurm le 30 août 1990 pour recouvrer une commission supplémentaire. La seule mention du prétendu paiement en trop figure dans la demande reconventionnelle et, comme l'indique le procès-verbal de transaction, le paiement fait à M. Gurm en 1993 se rapporte à la demande de M. Gurm relative à une commission concernant la location de locaux supplémentaires. Cela n'avait rien à voir avec la commission initiale. À cause de ces facteurs, la lettre ne peut être considérée comme répondant nettement à la question en cause dans cet appel, soit l'obligation qu'avait l'appelante de remettre l'impôt retenu sur la commission initiale.

[17] Quatrièmement, les dates sont importantes. À mon avis, ce que le ministre a affirmé en 1993 et la manière dont cette affirmation a été faite n'influaient pas sur l'obligation préexistante, qui remonte à 1990, de remettre l'impôt qui avait été retenu. Je ne dis pas qu'il ne peut jamais y avoir de préclusion rétroactive, mais les faits de l'espèce ne justifient pas ne serait-ce qu'un examen de cette question.

[18] Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 1998.

« T. P. O'Connor »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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