Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20010531

Dossier: 2001-893-IT-G

ENTRE :

WILLIAM SHAWN DAVITT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      L'intimée cherche à obtenir une ordonnance radiant l'avis d'appel ou, subsidiairement, radiant les paragraphes 1 à 249 de l'avis d'appel ou toute combinaison de ces paragraphes. Les motifs sur lesquels s'appuie la requête sont les suivants :

          [TRADUCTION]

1.          l'avis d'appel ou des passages de l'avis d'appel sont scandaleux, frivoles ou vexatoires ou ils constituent un recours abusif à la Cour, au sens des alinéas 53b) et c) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

2.          l'avis d'appel ne révèle aucune cause raisonnable d'action, au sens de l'alinéa 58(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

3.          la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence pour accorder la mesure de redressement demandée par l'appelant;

4.          l'article 12 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

5.          l'article 12 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch.T-2, dans sa version modifiée, et le paragraphe 171(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.);

6.          tout autre motif que l'avocate pourra conseiller et que cette cour pourra autoriser.

[2]      L'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) est ainsi formulé :

   La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l'acte ou le document :

a)          peut compromettre ou retarder l'instruction équitable de l'appel;

b)          est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c)          constitue un recours abusif à la Cour.

[3]      Le paragraphe 58 des Règles est ainsi formulé :

(1) Une partie peut demander à la Cour,

a)          soit de se prononcer, avant l'audience, sur une question de droit soulevée dans une instance si la décision pourrait régler l'instance en totalité ou en partie, abréger substantiellement l'audience ou résulter en une économie substantielle des frais;

b)          soit de radier un acte de procédure au motif qu'il ne révèle aucun moyen raisonnable d'appel ou de contestation de l'appel,

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

(2) Aucune preuve n'est admissible à l'égard d'une demande,

a)          présentée en vertu de l'alinéa (1)a), sauf avec l'autorisation de la Cour ou le consentement des parties;

b)          présentée en vertu de l'alinéa (1)b).

(3) L'intimée peut demander à la Cour le rejet d'un appel au motif que,

a)          la Cour n'a pas compétence sur l'objet de l'appel;

b)          une condition préalable pour interjeter appel n'a pas été satisfaite;

c)          l'appelant n'a pas la capacité légale d'intenter ou de continuer l'instance,

et la Cour peut rendre jugement en conséquence.

[4]      Les principes sur lesquels une cour peut se fonder pour radier un acte de procédure sont bien établis et ont été examinés de façon approfondie dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959 par la juge Wilson à la page 980 où elle a dit, après avoir fait référence à de nombreux précédents, anglais et canadiens, ce qui suit :

            Ainsi, au Canada, le critère régissant l'application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie-Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 de l'ordonnance 18 des R.S.C. : dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d'un jugement » . La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

[5]      C'est la règle du caractère « évident et manifeste » que je propose d'appliquer à la présente affaire. En outre, les faits essentiels allégués dans l'avis d'appel doivent être considérés comme véridiques sous réserve de la limite établie dans l'arrêt Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, à la page 455 :

c)          La règle selon laquelle les faits d'une déclaration doivent être considérés comme prouvés

           

            À mon avis, nous ne sommes pas tenus par le principe énoncé dans l'arrêt Inuit Tapirisat, précité, de considérer comme vraies les allégations des appelants concernant les conséquences éventuelles des essais du missile de croisière. La règle selon laquelle les faits matériels d'une déclaration doivent être considérés comme vrais, lorsqu'il s'agit de déterminer si elle révèle une cause raisonnable d'action, n'oblige pas à considérer comme vraies les allégations fondées sur des suppositions et des conjectures. La nature même d'une telle allégation, c'est qu'on ne peut en démontrer la véracité par la présentation de preuves. Il serait donc inapproprié d'accepter une telle allégation comme vraie. On ne fait pas violence à la règle lorsque des allégations, non susceptibles de preuve, ne sont pas considérées comme prouvées.

[6]      M. Davitt est un stagiaire en droit et il a comparu en son propre nom. L'avis d'appel compte 41 pages non numérotées et 249 paragraphes.

[7]      La première question concerne un revenu en intérêts de 1 $ pour lequel l'appelant demande une déduction de 1 $.

[8]      Les motifs justifiant l'opposition à l'ajout de ce montant sont que la Loi de l'impôt sur le revenu établit une discrimination entre les résidents et les non-résidents. Ces derniers sont imposés différemment des résidents puisque la retenue d'impôt est effectuée en vertu de l'alinéa 212(1)b) sous réserve d'un grand nombre d'exceptions. Il s'agit, selon M. Davitt, d'une discrimination fondée sur l'origine nationale. Les mêmes exemptions ne sont pas nécessairement offertes aux résidents.

[9]      Il souhaite que la Cour raye l'intérêt de 1 $ de son revenu en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte, déclare que l'alinéa 212(1)b) contrevient à l'article 15 de la Charte et accorde des dommages-intérêts punitifs.

[10]     Je remarque qu'il n'est pas imposé sur le montant de 1 $ en vertu de l'alinéa 212(1)b). Par conséquent, la Cour ne dispose d'aucun fondement lui permettant de déclarer que l'alinéa 212(1)b) n'a aucun effet même si elle était disposée ou habilitée à le faire. Si elle le faisait, la cotisation fiscale relative au montant d'intérêt de 1 $ demeurerait quand même intacte.

[11]     L'appelant n'a pas donné avis d'une question constitutionnelle aux procureurs généraux en vertu de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. Bien entendu, cet élément n'est pas pertinent relativement à une requête préliminaire en radiation. Il n'est pas nécessaire d'attendre qu'un avis soit donné aux procureurs généraux pour reconnaître un argument totalement injustifié et frivole qui n'a aucune chance de succès. Le fait que les non-résidents ne soient pas imposés sur certains revenus en intérêts alors que les résidents le sont ne constitue pas une discrimination fondée sur l'origine nationale.

[12]     Les paragraphes 5 à 22 sont radiés.

[13]     Les paragraphes 23 à 72 sont avancés au soutien de la proposition selon laquelle les engagements de paiements gouvernementaux associés aux dettes des gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse contractées avant que l'appelant n'ait atteint l'âge de la majorité ou relatives à cette période sont nuls en ce qui concerne l'appelant. Le motif invoqué est que l'article 117 de la Loi de l'impôt sur le revenu établit à son égard une discrimination fondée sur l'âge. Il demande que la Cour déclare que les personnes âgées de moins de 18 ans soient exonérées de l'impôt relatif aux dettes des gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse qui ont été contractées avant et pendant l'année 1998. D'autres arguments indiquent que le financement par emprunt à long terme constitue une violation des obligations fiduciaires à l'égard des jeunes Canadiens, qu'il s'agit d'une forme d'exploitation des enfants contraire aux obligations internationales du Canada en vertu de la Déclaration des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations Unies et que les dettes sont « odieuses » conformément à la doctrine des dettes odieuses.

[14]     Il veut que son impôt soit ajusté en conséquence et que des dommages-intérêts punitifs soient accordés.

[15]     Même s'il demande des dommages-intérêts punitifs dans plusieurs passages de l'avis d'appel, je ne le dirai qu'une seule fois dans les présents motifs : cette cour ne peut pas accorder de dommages-intérêts punitifs.

[16]     Que la mesure de redressement demandée outrepasse ou non la compétence de la Cour, il ne s'agit certainement pas d'une mesure de redressement qui a la moindre chance d'être accordée par cette cour ou tout autre tribunal. La Cour ne représente pas un forum pour la propagation de théories politiques, sociales et économiques.

[17]     Les paragraphes 23 à 72 sont radiés.

[18]     Les paragraphes 73 à 113 traitent des « dettes non déclarées » du gouvernement du Canada et des faiblesses qu'il y aurait dans les conventions comptables et les divulgations d'ordre financier des gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse. L'appelant mentionne en particulier les dettes non déclarées associées au régime de la sécurité de la vieillesse, à l'allocation au conjoint, au supplément de revenu garanti et au Régime de pensions du Canada.

[19]     La position de l'appelant se concrétise dans quatre paragraphes de l'avis d'appel.

          [TRADUCTION]

91.        Le contribuable soutient que les états financiers publiés par le gouvernement du Canada et la province de la Nouvelle-Écosse, également connus sous le nom de comptes publics, pour les exercices se terminant les 31 mars 1998 et 1999, constituent une représentation partiale, incomplète, trompeuse, frauduleuse, incompréhensible et fausse de la situation financière de ces gouvernements.

92.        Le contribuable soutient en outre que le gouvernement du Canada et la province de la Nouvelle-Écosse ont d'importantes dettes non déclarées liées, entre autres choses, à des pensions gouvernementales (comme le Régime de pensions du Canada, le régime de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti), à l'assurance-maladie du gouvernement et à des frais relatifs à la dépollution environnementale.

93.        Le contribuable soutient qu'en tant que jeune Canadien, il n'est responsable de payer que l'impôt lié au coût de l'ensemble des avantages gouvernementaux que les personnes de son groupe d'âge reçoivent pendant leur vie.

94.        Le contribuable soutient qu'il est exonéré de payer l'impôt associé aux dettes non déclarées du gouvernement du Canada et de la province de la Nouvelle-Écosse qui ont été contractées pendant et avant l'année 1998, à l'exception des dettes pouvant être associées aux avantages déjà reçus ou qui seront reçus par les personnes du groupe d'âge du contribuable pendant leur vie.

[20]     Les paragraphes 97, 98, 99 et 100 sont ainsi formulés :

          [TRADUCTION]

97.        Le Canada et la Nouvelle-Écosse sont des démocraties. L'article 3 de la Charte précise que tout citoyen canadien a le droit de vote aux élections législatives fédérales ou provinciales.

98.        Le contribuable soutient que les droits démocratiques des citoyens ne peuvent être significatifs que si les citoyens du Canada et de la Nouvelle-Écosse reçoivent des états financiers qui présentent honnêtement, à tous égards importants, la situation financière, les résultats d'exploitation et les recettes et représentent honnêtement la situation financière du gouvernement du Canada et de la province de la Nouvelle-Écosse.

99.        Le contribuable soutient en outre que les dispositions actuelles de la Loi sur le vérificateur général (Canada) et de la Auditor General Act (Nouvelle-Écosse) contreviennent à l'article 3 de la Charte car elles n'exigent pas que les états financiers du gouvernement du Canada et de la province de la Nouvelle-Écosse présentent honnêtement la situation financière de ces gouvernements.

100.      Le contribuable demande par la présente à la Cour de rétablir la démocratie au Canada et en Nouvelle-Écosse en exigeant que ces gouvernements créent et publient des états financiers qui présentent honnêtement la situation financière du gouvernement du Canada et de la province de la Nouvelle-Écosse.

[21]     J'ai cité ces paragraphes simplement afin d'illustrer le genre de déclarations politiques figurant dans l'avis d'appel.

[22]     Dans les paragraphes 101 à 113, l'appelant demande à la Cour d'ordonner que des modifications soient apportées à la Loi sur le vérificateur général du Canada et à la Auditor General Act de la Nouvelle-Écosse, essentiellement afin d'assurer un niveau de communication de l'information financière qui n'est actuellement pas atteint selon lui. Il souhaite également que la Cour déclare que les particuliers âgés de moins de 18 ans au 31 décembre 1998 soient exonérés de payer l'impôt associé aux dettes non déclarées du Canada et de la Nouvelle-Écosse qui ont été contractées avant et pendant l'année 1998, à l'exception de celles pouvant correspondre aux avantages que les personnes appartenant au groupe d'âge de l'appelant recevront pendant leur vie.

[23]     Il souhaite également que la Cour ordonne un renvoi afin de déterminer comment cette correspondance peut être réalisée. Il demande également à la Cour de modifier l'article 117 ainsi que d'autres articles de la Loi de l'impôt sur le revenu afin de parvenir au résultat susmentionné. Encore une fois, il demande que des dommages-intérêts punitifs lui soient accordés.

[24]     Cette cour n'est pas habilitée à accomplir ce que l'appelant lui demande. Notre rôle est d'entendre les appels interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de certaines lois fédérales. En général, nous pouvons accueillir ou rejeter des appels, annuler ou modifier des cotisations ou déférer l'affaire au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Comme tous les autres tribunaux, cette cour possède certains pouvoirs aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés quand les droits et les libertés d'une personne prévus par la Charte sont enfreints, mais ces pouvoirs doivent être exercés à l'intérieur de la compétence que le législateur a conférée à la Cour, comme le précise l'affaire O'Neill Motors Limited c. La Reine, C.C.I., no 94-820(IT)G, 9 novembre 1995 (96 DTC 1486), confirmée par [1998] 4 C.F. 180 (98 DTC 6424) (C.A.F.).

[25]     Le résultat visé par l'appelant en l'espèce outrepasse les pouvoirs ou la compétence de la Cour. L'organe législatif du gouvernement est investi du pouvoir de modifier une loi du Parlement et non l'organe judiciaire.

[26]     Les paragraphes 73 à 113 sont radiés.

[27]     Les paragraphes 114 à 134 traitent du Régime de pensions du Canada (le « RPC » ). L'argument invoqué est que le RPC établit une discrimination fondée sur l'âge, le sexe et l'état matrimonial, en contravention du paragraphe 15(1) de la Charte. Le fondement de cette prétention figure aux paragraphes 124, 127 et 129 qui sont ainsi formulés :

          [TRADUCTION]                                                                                      

124.      Le paragraphe 11.1(1) du RPC agit de façon à établir une discrimination à l'égard des jeunes Canadiens en exigeant qu'ils effectuent des cotisations au RPC à des taux considérablement plus élevés que les Canadiens plus âgés même si les jeunes Canadiens n'ont pas le droit de recevoir des prestations plus élevées du RPC.

127.      Le contribuable soutient que l'article 11.1 du RPC établit une discrimination fondée sur le sexe, en contravention du paragraphe 15(1) de la Charte, puisque le RPC exige que les Canadiens cotisent au RPC aux mêmes taux que les Canadiennes même s'ils recevront des prestations pendant une période considérablement plus courte que les Canadiennes en raison d'une espérance de vie plus courte.

129.      Les Canadiens qui sont célibataires doivent cotiser au RPC aux mêmes taux que les Canadiens mariés même si ces derniers reçoivent des prestations du RPC plus importantes; les conjoints des cotisants au RPC décédés ont droit à des prestations de survivant.

[28]     L'appelant demande la mesure de redressement suivante :

          [TRADUCTION]

133.      - que la Cour déclare que l'article 11.1 du Régime de pensions du Canada contrevient à l'article 15 de la Charte dans la mesure où il exige que les jeunes hommes célibataires versent des cotisations au RPC qui ne sont pas proportionnelles aux prestations du RPC que les personnes de ce groupe peuvent s'attendre à recevoir pendant leur vie.

134.      - que la Cour modifie l'article 11.1 du RPC de sorte que les cotisations au RPC des jeunes hommes célibataires soient proportionnelles aux prestations du RPC que les personnes de ce groupe peuvent s'attendre à recevoir pendant leur vie.

[29]     Il existe des procédures d'appel devant cette cour visant des décisions rendues ou des cotisations établies en vertu du RPC. Elles n'ont pas été suivies. Il y a des limites au genre de mesure de redressement que cette cour peut accorder dans le cadre de ces appels. La mesure de redressement demandée en l'espèce n'est pas du type que la Cour peut accorder. En outre, la modification des lois n'est pas une mesure de redressement que les tribunaux peuvent accorder en vertu de la Charte.

[30]     Les paragraphes 114 à 134 sont radiés.

[31]     Les paragraphes 135 à 160 traitent des cotisations d'assurance-emploi. Essentiellement, l'argument avancé dans ces paragraphes est énoncé aux paragraphes 144 et 145 qui sont ainsi formulés :

          [TRADUCTION]

144.      Le contribuable soutient que la Loi sur l'assurance-emploi (ci-après la « Loi sur l'a.-e. » ) établit une discrimination fondée sur l'âge, en contravention de l'article 15 de la Charte, puisqu'elle exige que le contribuable paie des cotisations même si, en tant qu'étudiant universitaire à plein temps, il n'a pas le droit de percevoir des prestations d'assurance-emploi.

145.      Le contribuable soutient que la Loi sur l'a.-e. établit une discrimination fondée sur l'âge, en contravention de l'article 15 de la Charte, puisque le surplus des cotisations à l'assurance-emploi constitue un « impôt » visant principalement les jeunes Canadiens.

[32]     La mesure de redressement demandée est la suivante :

          [TRADUCTION]

155.      - qu'il soit déclaré que les dispositions de la Loi sur l'a.-e. contreviennent à l'article 15 de la Charte dans la mesure où elles exigent des jeunes Canadiens qui sont étudiants à plein temps à l'université de cotiser au régime d'assurance-emploi aux taux normaux, mais ne leur permettent pas de recevoir les prestations associées;

156.      - qu'il soit déclaré que la Loi sur l'a.-e. contrevient à l'article 15 de la Charte dans la mesure où les cotisations d'assurance-emploi perçues sont excessives et qu'elles sont utilisées afin de financer d'autres programmes du gouvernement du Canada;

157.      - que le paragraphe 5(2) de la Loi sur l'a.-e. soit modifiée de sorte que la catégorie des emplois non assurables, comme cette expression est utilisée dans la Loi, soit élargie afin d'inclure le revenu d'emploi des étudiants à plein temps;

158.      - que la Loi sur l'a.-e. soit modifiée de sorte que les cotisations à l'assurance-emploi n'excèdent pas le montant nécessaire pour assurer des prestations d'assurance-emploi et qu'elles ne soient pas utilisées afin de financer d'autres programmes gouvernementaux;

159.      - que le contribuable reçoive un remboursement complet des cotisations d'assurance-emploi qu'il a versées et des cotisations de l'employeur qui s'y rapportent pour un montant total de 1 200 $;

160.      - que la Cour ordonne d'autres mesures de redressement qu'elle considère appropriées et justes dans les circonstances.

[33]     La Cour n'est pas habilitée à accorder la mesure de redressement demandée. Elle n'est pas en mesure de modifier la loi. En outre, les arguments concernant l'article 15 de la Charte n'ont aucune chance de succès puisqu'ils sont dénués de fondement.

[34]     Les paragraphes 135 à 160 sont radiés.

[35]     Les paragraphes 161 à 171 soutiennent essentiellement que certaines dispositions de la partie I.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui « récupèrent » les prestations de la sécurité de la vieillesse conformément à une formule dont un élément s'élève à 53 215 $ établissent une discrimination à l'égard des jeunes Canadiens fondée sur l'âge parce que l'indexation partielle du montant de 53 215 $ en vertu du paragraphe 117.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu érode les prestations de la sécurité de la vieillesse versées aux Canadiens.

[36]     La mesure de redressement demandée est la suivante :

          [TRADUCTION]

169.      - qu'il soit déclaré que la partie I.2 de la LIR dans sa version de 1998 contrevient au paragraphe 15(1) de la Charte dans la mesure où le seuil de revenu en vertu de la partie I.2 de 53 215 $ n'était que partiellement indexé, érodant ainsi les prestations de la sécurité de la vieillesse nettes d'impôt du contribuable;

170.      - que la LIR soit modifiée de sorte que l'impôt sur le revenu prélevé auprès des jeunes Canadiens soit proportionnel aux prestations du gouvernement que les personnes de sa génération recevront pendant leur vie.

[37]     Les positions avancées en ce qui concerne les prétendues prestations de la sécurité de la vieillesse « récupérées » ne sont pas moins dénuées de fondement que celles concernant l'assurance-emploi et le RPC. L'article 15 de la Charte ne peut pas être invoqué chaque fois qu'une personne n'aime pas une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le fait que les prestations de programmes sociaux soient réparties de manière inégale ne justifie pas en soi l'octroi d'une mesure de redressement en vertu de la Charte. La modification d'une loi fiscale ou de toute autre loi afin de corriger une inégalité perçue ou imaginée n'est pas une action que la Charte habilite la Cour à accomplir. En fait, les arguments en l'espèce sont encore plus dénués de fondement que ceux concernant la Loi sur l'assurance-emploi et le RPC. L'appelant n'est pas à un âge où il peut recevoir des prestations de la sécurité de la vieillesse. Le fait qu'elles pourraient être « récupérées » d'ici 30 ans (en supposant que la loi demeure inchangée, ce qui constitue une hypothèse plutôt extravagante) ne constitue pas un fondement sur lequel une action de cette cour pourrait s'appuyer. La décision rendue par le juge Dickson dans l'arrêt Operation Dismantle (précité) aux pages 456 à 457 le démontre clairement.

[38]     Les paragraphes 161 à 171 sont radiés.

[39]     Les paragraphes 172 à 186 traitent de la réduction des dépenses d'éducation par la province de la Nouvelle-Écosse. J'ignore comment cette question est devenue, selon l'appelant, une question constitutionnelle concernant la discrimination fondée sur l'âge qui peut être plaidée devant une cour fédérale ayant compétence en matière de législation fiscale fédérale. Les paragraphes 179 à 186 sont ainsi formulés :

          [TRADUCTION]

179.      Le contribuable soutient que la province de la Nouvelle-Écosse a réduit les dépenses d'éducation au cours de cette période, de sorte qu'elle disposerait de fonds pour payer les frais d'intérêts associés à sa dette.

180.      En raison des compressions spectaculaires dans le domaine de l'éducation par la province de la Nouvelle-Écosse, les étudiants de cette province doivent payer un montant considérable de leurs études postsecondaires.

181.      En déterminant la responsabilité en matière d'impôt sur le revenu, la LIR n'établit pas de distinction entre les Canadiens plus âgés qui ont reçu une éducation subventionnée et les jeunes Canadiens qui n'en ont pas reçue.

182.      Le paragraphe 15(1) de la Charte interdit expressément la discrimination fondée sur l'âge.

183.      Le contribuable soutient que les dispositions de la LIR qui lèvent un impôt à l'égard des jeunes Canadiens aux taux normaux même s'ils ne reçoivent pas ou n'ont pas reçu de formation postsecondaire subventionnée par le gouvernement, établissent une discrimination à l'égard des jeunes Canadiens fondée sur l'âge, en contravention de l'article 15 de la Charte.

184.      Le contribuable soutient que le paragraphe 15(1) de la Charte exige que l'impôt levé à l'égard d'un groupe d'âge particulier doit correspondre à l'ensemble des avantages gouvernementaux que recevront les personnes de ce groupe d'âge pendant leur vie.

Mesure de redressement

185.      Le contribuable demande que l'article 117 de la LIR soit modifié de sorte que l'impôt levé à l'égard des jeunes Canadiens soit proportionnel à l'ensemble des avantages gouvernementauxque les membres de ce groupe d'âge recevront pendant leur vie.

186.      Le contribuable demande que la Cour ordonne d'autres mesures de redressement qu'elle considère appropriées et justes dans les circonstances.

[40]     J'ai reproduit ces paragraphes parce qu'il s'agissait de la manière la plus simple de démontrer leur futilité totale dans le cadre du présent appel interjeté devant cette cour à l'encontre d'une cotisation fiscale établie en vertu d'une loi fédérale. Le fait de se plaindre des dépenses d'éducation provinciales devant la Cour, qui a compétence pour entendre les appels en matière d'impôt sur le revenu, est frivole.

[41]     Les paragraphes 172 à 186 sont radiés.

[42]     Les paragraphes 187 à 215 font valoir que le crédit d'impôt personnel visé par l'article 118 de la Loi de l'impôt sur le revenu est trop peu élevé car il établit une discrimination [TRADUCTION] « fondée sur l'âge, l'état matrimonial et contre les pauvres » , en contravention du paragraphe 15(1) de la Charte. De plus, l'appelant soutient que le crédit d'impôt personnel est si déraisonnablement peu élevé qu'il contrevient à l'article 7 puisqu'il menace la vie, la liberté et la sécurité de la personne. Il souhaite que le crédit d'impôt personnel soit élevé à 10 920 $.

[43]     Il ne s'agit pas de quelque chose que cette cour peut accomplir. L'appelant pourrait envisager de parler avec son député.

[44]     Les paragraphes 187 à 215 sont radiés.

[45]     Les paragraphes 216 à 243 constituent une plainte à l'égard des taxes sur les boissons alcoolisées imposées par la Nouvelle-Écosse. L'appelant déclare que ces taxes (y compris la TVH) ne sont pas constitutionnellement autorisées et qu'elles contreviennent à la Charte en fonction de l'origine nationale ou ethnique. L'appelant déclare qu'il boit, alors que d'autres personnes d'origine nationale ou ethnique différente ne le font pas. Par conséquent, selon lui, cela est discriminatoire. Il n'est pas très clair si l'appelant affirme que la discrimination est exercée à l'égard des buveurs ou des teetotalistes.

[46]     En outre, l'appelant déclare que les taxes sur les boissons alcoolisées établissent une discrimination fondée sur la croyance religieuse.

[47]     Il souhaite obtenir un remboursement des taxes sur les boissons alcoolisées qu'il a payées et demande à la Cour de déclarer que l'imposition des boissons alcoolisées par la Nouvelle-Écosse contrevient à l'article 15 de la Charte.

[48]     Il est impossible d'interjeter appel devant cette cour à l'encontre des taxes provinciales sur les boissons alcoolisées. Même si cela l'était, les arguments avancés sont frivoles et manifestement dénués de fondement.

[49]     Au paragraphe 244, il souhaite également obtenir des dommages-intérêts punitifs de 7 812 000 $ contre le Canada et la Nouvelle-Écosse pour les [TRADUCTION] « violations éhontées des droits démocratiques et de la personne du contribuable » .

[50]     La question de savoir si la réclamation de l'appelant se rapporte uniquement aux taxes sur les boissons alcoolisées de 43 $ qu'il affirme avoir payées à la Nova Scotia Liquor Commission ou également à tous les autres préjudices qu'il prétend avoir subis n'est pas claire.

[51]     Les paragraphes 216 à 244 sont radiés.

[52]     Les paragraphes 245 à 248 font valoir que la Cour ne devrait pas tenir compte des erreurs de procédure ou des omissions puisque le fait de radier un appel pour ces motifs contreviendrait à la Charte. L'affirmation que le respect d'exigences procédurales constitue une violation des droits d'une partie en vertu de la Charte est une proposition qui est à ce point dénuée de sens qu'il suffira de simplement l'énoncer pour que sa propre absurdité manifeste en entraîne le rejet.

[53]     En tout état de cause, je ne radie par le présent appel pour des motifs procéduraux. Je le fais parce qu'il est frivole, vexatoire et scandaleux et qu'il ne révèle aucune cause raisonnable d'action. Je n'avais pas vu depuis longtemps une telle quantité de propositions aussi singulièrement dénuées de fondement. On ne peut pas s'objecter au fait que des étudiants en droit débattent de notions imaginatives et vraiment exagérées dans une salle commune d'un collège. Il s'agit sans aucun doute d'une partie salutaire et nécessaire de leur formation. Toutefois, le fait de présenter ces questions devant les tribunaux constitue un gaspillage des fonds publics et du temps de la Cour.

[54]     Il est parfois arrivé qu'une cour ait tout radié sauf les mots « avis d'appel » , laissant l'appel en vigueur de sorte que l'appelant puisse y apporter une modification. Subsidiairement, j'ai songé à laisser les paragraphes 1 à 4, qui sont purement formels et introductifs, pour que l'appelant puisse apporter des modifications. Je ne vois aucune raison toutefois de conserver des passages de l'avis d'appel.

[55]     Le paragraphe 249 de l'avis d'appel est ainsi formulé :

          [TRADUCTION]

249.      Le contribuable demande que cet appel soit traité dans les meilleurs délais de sorte qu'il puisse évaluer s'il est dans son intérêt supérieur de continuer à résider au Canada.

[56]     J'espère avoir traité cette requête avec suffisamment de rapidité pour respecter cette demande plutôt présomptueuse.

[57]     L'appel est radié. L'intimée a droit à l'adjudication de ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2002.

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-893(IT)G

ENTRE :

WILLIAM SHAWN DAVITT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Requête entendue le 15 mai 2001 à Toronto (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Pour l'appelant :                         L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                 Me Lesley King

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance radiant l'avis d'appel ou, subsidiairement, radiant les paragraphes 1 à 249 de l'avis d'appel ou toute combinaison de ces paragraphes;

          Et vu les allégations des parties;

          Il est ordonné que l'avis d'appel soit radié.

          L'intimée a droit à l'adjudication de ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de février 2002.

Martine Brunet, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.