Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000918

Dossier: 98-2426-IT-G

ENTRE :

RABAH ABDERRAHMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

ET

Dossier: 98-2381-IT-G

ENTRE :

RESTAURANT KERKENNAH INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Ces appels ont été entendus sur preuve commune. L'appelant a été cotisé par la méthode d'avoir net pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993. Des revenus additionnels de 22 863 $, 22 579 $ et 22 424 $ ont été respectivement ajoutés à son revenu pour les années en litige. Des pénalités ont été imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la " Loi ") aux montants respectifs de 2 938,35 $, 2 898,53 $ et 1 846,27 $. En ce qui concerne l'appelante, selon le ministre du Revenu national (le " Ministre "), l'appelant n'ayant pas d'autres sources connues de revenu que le restaurant de l'appelante, et comme il est le seul actionnaire de cette dernière, les mêmes sommes doivent être ajoutées au revenu de l'appelante. Toutefois, vu certains ajustements mineurs qui ne sont point en litige, les sommes ajoutées sont respectivement 23 478 $, 23 210 $ et 22 424 $. Les pénalités sont aux montants de 1 507,28 $, 1 466,97 $ et 1 439,62 $.

[2]            L'avoir net de l'appelant a été établi par les agents de Revenu Québec.

[3]            L'avocat des appelants a indiqué à la Cour au début de l'audience les points que les appelants désiraient développer.

[4]            En ce qui concerne l'appelant, une somme se 17 000 $ devrait être déduite du revenu ajouté pour l'année 1991. L'avocat fait valoir qu'au Québec, au stade de l'opposition, un montant de 17 000 $ a été ajouté aux actifs pour l'année se terminant le 31 décembre 1990. Ainsi, pour l'année 1991, il resterait un écart de 6 478 $. Pour l'année 1992, l'avocat tentera de démontrer qu'un don de 30 000 $ a été fait à l'appelant par sa mère au cours de cette année. Ce don aurait également été reconnu par Revenu Québec. Pour l'année 1992, il n'y aurait pas d'écart. Pour l'année 1993, il n'y aura pas de contestation quant au revenu ajouté soit un montant de 22 424 $. Pour cette dernière année, il n'y aurait pas de débat sauf en ce qui concerne les pénalités. L'avocat des appelants a produit comme pièce A-12, un document de travail montrant un tableau de ces calculs.

[5]            Les pénalités seront contestées tant à l'égard de l'appelant que de l'appelante pour les diverses années en cause sur la base que le Ministre ne peut pas déléguer sa discrétion dans l'imposition des pénalités.

[6]            En ce qui concerne l'appelante, l'avocat soutient que la comptabilité du restaurant était satisfaisante et que le revenu déclaré était le revenu réel. Il ne peut y avoir usage de la méthode d'avoir net quand la comptabilité d'une personne est adéquate. De toute façon, l'avocat de l'appelante fera valoir que le revenu de l'appelant provenait d'une source autre que le restaurant, soit les pourboires reçus par l'épouse de l'appelant.

[7]            L'avocate de l'intimée a fait part à la Cour au début de l'audience qu'en ce qui concerne l'appelante, comme son exercice financier se termine à la fin du mois d'août, le Ministre est maintenant d'avis que seulement une part proportionnelle du revenu non déclaré de l'appelant pour l'année 1991 doit lui être ajouté, soit 7 825 $ plutôt que 23 478 $. Les pénalités seront ajustées en conséquence.

[8]            L'appelant, sa mère, madame Fatma Ben Salah Elmekki, et l'épouse de l'appelant, madame Souad Abderrahman, ont témoigné pour la partie appelante. Monsieur Réjean Michaud et madame Anne Frenette ont témoigné pour la partie intimée.

Témoignage de l'appelant

[9]            L'appelant est un citoyen canadien d'origine tunisienne. Il est arrivé au Canada en 1967 pour l'Expo pour participer à la présentation de la cuisine de son pays. Il a commencé à travailler au Canada en 1968 dans le domaine de la restauration. Il a ouvert le restaurant de l'appelante en 1974. Il s'agit d'un restaurant de 40 places qui offre des spécialités de la cuisine tunisienne. Dans les années en litige, il y avait deux personnes qui y travaillaient, soit l'appelant et son épouse, madame Souad Abderrahman. Les tâches de l'appelant sont le marché et la cuisine. L'épouse s'occupe des tables et de la caisse. C'est elle qui voit à la tenue des livres. Elle fournit l'information au comptable, un monsieur Weiser, une fois par mois. C'est ce dernier qui tient les livres sous la forme informatisée et qui ont été produits sous la cote A-7. C'est le comptable qui établit les sommes à payer aux autorités gouvernementales. L'appelant et son épouse font les chèques appropriés.

[10]          Quand le vérificateur de Revenu Québec, monsieur Michaud, est venu, les livres lui ont été remis. Il aurait fait sa vérification au bureau du comptable. Il aurait aussi obtenu les factures de ventes, les rubans de caisse et autres documents. Par la suite il a demandé à voir les comptes bancaires personnels de l'appelant et ceux de son épouse. Les procurations ont été accordées par les deux personnes et ont été produites comme pièces I-1 et I-8.

[11]          Selon l'appelant, sa mère ne parle ni ne comprend le français. Elle ne serait jamais allée à l'école. Elle vient de l'Île de Kerkennah. Elle aurait 84 ans. Le père de l'appelant travaillait à Sfax, une grande ville près de Kerkennah.

[12]          La pièce A-13 est une photocopie d'un certificat de propriété concernant une obligation du Canada. Selon l'appelant cette obligation était au montant de 7 000 $. Il l'aurait encaissée le 1er mai 1990. La somme de 7 000 $ aurait été déposée au coffret de sûreté à la Caisse St-Paul-de-la-Croix. Les intérêts, au montant de 367,50 $ ont été déposés dans son compte personnel portant le numéro 9671, tel que confirmé par la pièce A-14 qui est un relevé informatisé du compte bancaire. La pièce A-15 est une obligation d'épargne du Canada au montant de 10 000 $. Elle aurait été encaissée le 1er novembre 1990 et cette somme aurait également été déposée au coffret de sûreté. Selon l'appelant, ces sommes, au montant total de 17 000 $, se trouvaient toujours dans le coffret au début de l'année 1991.

[13]          L'appelant a expliqué que sa mère lui avait, en 1992, remis une somme de 30 000 $ pour qu'il puisse s'acheter un motorisé. Cette somme a été gardée dans le coffret de sûreté.

[14]          Ces deux montants ont été acceptés par Revenu Québec. La pièce A-16 est une proposition de règlement faite par l'agent des appels de Revenu Canada offrant la même base de règlement que celle faite par Revenu Québec. Dans cette lettre, en date du 15 septembre 1997, le signataire explique au représentant des appelants que si cette offre n'est pas acceptée, les dossiers de Revenu Québec seront demandés et la décision de Revenu Canada pourrait alors n'être pas aussi avantageuse que celle obtenue auprès de Revenu Québec. L'avocate de l'intimée s'est opposée à la production de cette proposition sur la base de la pertinence. La proposition qui était faite est la suivante:

...

Objet       Vos avis d'opposition pour les années d'imposition 1991-92-93.

                M. Rabah Abderrahman N.A.S. 230-722-530

                Le Restaurant Kerkennah Inc. Corp. # 103061297RC

                                                        

Monsieur,

Suite à notre conversation téléphonique du 11 septembre 1997, la présente a pour but de confirmer notre offre de règlement concernant les oppositions pour les contribuables ci-haut mentionnés.

Comme le Gouvernement du Québec a effectué la vérification et que la Direction régionale des Oppositions a révisé ses cotisations aux montants suivants, il nous a semblé équitable de vous offrir la même offre de règlement que le Gouvernement Provincial, soit les montants suivants :

                                                                                                1991                       1992                       1993

M. Rabah Abderrahman                                                        17 538 $                     4 770 $                 22 424 $

Le Restaurant Kerkennah Inc.                                                5 552 $                            0 $                 22 424 $

Comme vous n'êtes pas d'accord, au niveau Fédéral, concernant les montants proposés, nous devons faire venir du Gouvernement Provincial, les dossiers concernés, afin d'être en mesure d'analyser vos prétentions selon vos avis d'opposition.

Advenant le cas où la nouvelle offre de règlement serait à votre désavantage, il ne nous sera pas possible de revenir à l'offre mentionnée ci-haut et nous devrons cotiser selon les nouveaux résultats.

[15]          L'appelant soutient qu'il n'a pas été mis au courant de cette offre par son représentant.

[16]          En contre-interrogatoire, l'appelant ne recevait pas de salaire du restaurant. Il a des revenus de loyers et c'est ce qu'il déclare. Il croit que son épouse gagne environ 12 000 $ par année pour son travail au restaurant, quoique sur le montant du salaire, il suggère qu'il faudrait s'informer auprès du comptable. Il est incertain. Il dit que cela n'est pas son domaine, que son domaine c'est la cuisine. À chaque mois il lui signe un chèque dont le montant varie. Le montant est d'environ 1 000 $ et quelque par mois.

[17]          En prenant la pièce A-12, dont les calculs sont décrits au paragraphe 4 de ces motifs, l'avocate de l'intimée a demandé à l'appelant d'expliquer sa proposition sur les écarts de revenu provenant des pourboires de son épouse et non du restaurant. En 1991, les ventes totales étaient de 109 720 $, selon l'état des résultats et bénéfices non répartis faisant partie de la Pièce A-1. Pour ce montant les pourboires seraient de 6 478 $. En 1992, les ventes sont de 101 946 $ (pièce A-2) et les pourboires reçus seraient de 6 790 $, et en 1993 les ventes sont de 89 963 $ (pièce A-3) et les pourboires seraient de 22 424 $.

[18]          Toujours selon l'appelant, sa mère pouvait rester trois mois au Canada et neuf mois en Tunisie. Parfois, elle restait plus longtemps au Canada. La mère a le statut de résident permanent. Elle a déjà produit des déclarations de revenu au Canada. En 1990, la mère de l'appelant a produit une déclaration de revenu sur laquelle il y avait un revenu d'emploi de 5 000 $. En 1991 et 1992, l'appelant a réclamé sa mère comme une personne à charge et son père comme personne handicapée à charge.

[19]          Après le décès d'un deuxième frère, sa mère lui aurait dit : " Profite de la vie. ". Elle lui donne parfois 1 000 $, parfois 2 000 $. Elle amène cela en monnaie canadienne. En Tunisie, sa mère est très bien. Elle a des maisons qu'elle loue. Elle a des terres qu'elle cultive. Elle vend des produits. Elle gagne des revenus.

[20]          L'avis d'appel de l'appelant auprès de Revenu Québec a été produit comme pièce I-5. Voici l'explication que donnait alors l'avocat d'alors de l'appelant concernant la provenance de la somme de 30 000 $ :

d)             suite à un litige, l'opposant a reçu une somme de 30,000.00$, à titre de règlement final et total, cette somme ne pouvant en aucun cas être considéré comme du revenu;

[21]          L'avocate de l'intimée lui demande quelle est la bonne version. L'appelant répond qu'il ne sait même pas ce que veut dire litige. En réinterrogatoire, il soutient que l'avocat ne lui a pas fait lire le document.

Témoignage de la mère de l'appelant

[22]          Madame Fatma Ben Salah Elmekki était agricultrice. Elle cultive les vignes, les figuiers. Elle est très occupée. Elle habite chez ses trois fils Mohamed, Rabah et Gemma, qui habitent tous le Canada. Maintenant elle habite chez Mohamed qui réside à Laval. Elle demeurait à Sfax en Tunisie. Elle a une maison à Sfax et deux à Kerkennah. Elle habite plus fréquemment en Tunisie parce qu'elle a des affaires là-bas. Elle ne sait ni lire ni écrire. Elle ne sait même pas compter l'argent canadien. Son mari travaillait dans un hôtel à Sfax. Elle a donné de l'argent à son fils depuis 21 ans. Combien d'argent a-t-elle donné à Rabah ? 30 000 $. Elle a donné cet argent à Rabah et non pas aux autres parce qu'il va faire profiter les autres de son motorisé. Elle a sorti suffisamment d'argent jusqu'à ce qu'il lui dise que cela suffisait. Elle lui a donné l'argent en mains propres. Elle ne se souvient pas d'avoir obtenu une attestation d'une banque tunisienne en date du 25 mars 1996 (pièce A-18) affirmant qu'elle y conservait une somme importante. Elle affirme qu'il y a 12 ou 13 ans, après un voyage à la Mecque, elle a retiré son argent de toute banque parce que selon elle, la religion musulmane ne permet pas de retirer des intérêts sur son capital.

[23]          La pièce I-7 est une déclaration sur l'honneur, en date du 5 juillet 1995, à l'effet que le 16 mai 1992, elle aurait donné à l'appelant 30 000 $ " comme (don) suite de mon voyage en Canada lors de décès de mon fils Hassan qui est résident aussi au Canada. ". Elle s'identifie dans cette déclaration par son passeport canadien. Or, la pièce I-6 qui est le passeport de la mère indique l'arrivée de cette dernière à Carthage le 13 mai 1992.

Témoignage de l'épouse de l'appelant

[24]          Madame Souad Abderrahman habite le Canada depuis 23 ans. Elle est tunisienne de l'Île Kerkennah. Elle est née à Sfax. C'est elle qui s'occupe de la comptabilité du restaurant : les ventes, la caisse enregistreuse, les factures. Le rôle du mari, c'est dans la cuisine et de faire les achats. Il préparait et signait les chèques à la demande de sa femme. Elle préparait les factures à payer.

[25]          Elle fait la caisse tous les lundis. Toutes les fins de mois, les rubans de caisse ainsi que les factures incluant celles qui étaient payées comptant et la recette de la caisse sont inclus dans une enveloppe qui est envoyée au comptable, monsieur Weiser. En même temps, elle remplit un formulaire où elle inscrit ce qui a été acheté pour la cuisine ainsi que les ventes, les repas, le vin et les taxes.

[26]          Madame Souad Abderrahman a déposé comme pièce A-21 un rapport de caisse avec des factures y attachées. Ce rapport était préparé une fois par mois et envoyé au comptable.

[27]          Ce n'est pas monsieur Weiser qu'a rencontré monsieur Michaud, le vérificateur du Ministre. C'est monsieur Rached Ghanem. Lors de la vérification, ces factures et les rubans de caisse ont été apportés au comptable sur sa demande. Quand il est venu au restaurant avec monsieur Rached Ghanem, elle ne s'est pas assise avec eux ni son mari non plus.

[28]          En ce qui concerne le montant des pourboires, elle dit que ça peut être équivalent à peu près 4 000 $ par année. Elle établit le taux à huit et dix pour-cent des ventes. Ces pourboires, elle les donne à son mari.

[29]          C'est elle qui a encaissé l'obligation de 7 000 $ le 1er mai 1990. Elle l'a mise dans son coffret de sûreté à la Caisse populaire St-Paul-de-la-Croix. Les intérêts, elle les a déposés au compte de son mari. L'obligation qui est représentée par la pièce A-15, elle l'a aussi encaissée le 1er novembre 1990 puis elle l'a mise au coffret de sûreté.

[30]          La pièce A-17 sont des photocopies des signatures de la personne autorisée à faire affaires au coffret de sûreté. Madame Abderrahman soutient avoir sorti à chaque fois de l'argent liquide pour payer les motorisés. La pièce I-3 est la pièce constatant l'acquisition du premier motorisé, I-4, celui du deuxième. Le premier document est en date du 7 août 1992 et la date de livraison du 14 août 1992. Elle était allée au coffret de sûreté le 7 août 1992. Sur le document, le dépôt du comptant a été fait le 10 août 1992, au montant de 32 000 $. Le deuxième contrat d'acquisition est en date du 17 août 1993. Un montant de 30 000 $ a été payé comptant le 21 septembre 1993. Madame Abderrahman est allée à son coffret de sûreté le 20 septembre 1993.

Témoignage du vérificateur

[31]          Monsieur Réjean Michaud est maintenant agent d'opposition pour Revenu Québec. Au moment de la vérification, selon son rapport, pièce I-9, il était à la Direction générale de la Vérification et des Enquêtes. Il a expliqué que la décision de procéder par avoir net est faite suite à une analyse sommaire faite au bureau. Cette analyse est faite en se fondant sur la comparaison entre les actifs acquis et le revenu déclaré. Les actifs étaient les placements bancaires, les véhicules automobiles et les propriétés immobilières. Par la suite le vérificateur a rencontré le contribuable et lui a demandé si ce dernier avait des sources de revenus non imposables. À cet égard, l'appelant a demandé au vérificateur de rencontrer un monsieur Alain Brisebois, son comptable. Ce dernier a répondu par la négative.

[32]          Selon le vérificateur, il s'agit d'un type de commerce où il y a beaucoup de transactions en argent ce qui rend plus difficile de valider le revenu déclaré à l'aide des livres comptables. Il s'agit aussi d'une corporation à actionnaire unique.

[33]          En ce qui concerne l'encaissement d'une obligation d'épargne au montant de 7 000 $, le 1er mai 1990, il n'en a pas tenu compte pour l'établissement du bilan au 31 décembre 1990. Ce placement n'existait plus au 31 décembre 1990 parce qu'il avait été encaissé en mai 1990. Il est possible que ces sommes existaient encore le 31 décembre 1990 mais elles pouvaient très bien se trouver dans les soldes importants des comptes bancaires ou les autres actifs que l'on retrouve au bilan d'ouverture. En ce qui concerne le montant de 10 000 $ qui aurait été encaissé en novembre 1990 (onglet 20), il n'a pas été possible de déterminer s'il y avait eu encaissement ni à quel moment. Au cours de son enquête, on ne lui a jamais parlé d'un don de 30 000 $. Il n'y a jamais eu mention de coffret de sûreté durant la vérification.

[34]          Le vérificateur a conclu que les revenus non déclarés provenaient du restaurant parce qu'il n'y avait aucun autre indice qui indiquait une source autre de revenu.

[35]          La présentation du projet de cotisation s'est faite à Me Serge Racine. Après, le vérificateur a rencontré monsieur Ghanem, qui lui a fait des représentations. Il l'a rencontré au restaurant. L'appelant assistait à cette rencontre. Lors de la dernière rencontre monsieur Ghanem était d'accord avec la presque totalité des points sauf sur la question des retraits non expliqués d'obligations d'épargne du Canada de 10 000 $ en 1992 et 12 000 $ en 1993 que l'on retrouve à l'annexe A de la Réponse à l'avis d'appel concernant l'appelant. Il n'y a pas eu d'explications à savoir à quoi avaient servi ces retraits. Ces retraits ont été acceptés au stade de l'opposition et ne font pas partie du litige.

[36]          En contre-interrogatoire, monsieur Michaud a dit qu'il ne croyait pas que monsieur Brisebois travaillait pour le comptable Weiser. Il travaillait seul dans le sous-sol de sa résidence. Il a examiné les livres comptables du restaurant et sur son rapport il a donné la cote satisfaisant à ces livres. Le système comptable du restaurant était complet. Au niveau des ventes il y avait les rubans de caisse. Les déboursés peuvent être payés par chèques. Les revenus déclarés étaient établis à partir des dépôts bancaires. Les rapports financiers avaient été préparés par monsieur Weiser. Monsieur Michaud n'a jamais eu de contact avec ce comptable. Lui n'a pas vérifié la comptabilité.

[37]          En contre-interrogatoire, monsieur Michaud a admis qu'en vérification par avoir net, il est quasi impossible d'identifier avec une certitude absolue la source du revenu non déclaré. Il n'y a eu aucune discussion d'affaires avec monsieur Abderrahman. Il n'a pas été question au cours de sa vérification de revenus de pourboires.

[38]          Madame Anne Frenette est agent des oppositions à l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Ses rapports ont été produits comme pièces I-10 et I-11. Elle a eu à traiter des dossiers des appelants avec monsieur Raymond Tremblay, comptable, représentant du contribuable au niveau des oppositions. Elle a refusé de prendre en compte le don de 30 000 $ car il y avait trop de confusion concernant le contexte du don pour accorder foi à cette théorie. Le comptable disait que madame demeurait au Canada ou était résidente du Canada. Monsieur Abderrahman mentionnait que sa mère ne restait pas au pays depuis les dix dernières années. Toutefois, dans ses déclarations de revenus, il prenait ses parents à sa charge. Elle avait un numéro d'assurance sociale au Canada et faisait sa déclaration en 1991 et 1992. Selon les déclarations de revenus, elle semblait demeurer au Canada à la même adresse que l'appelant. Il y a des années où elle a fait des déclarations, d'autres où elle n'en a pas fait. Elle a produit une déclaration de 1 $ à chaque année.

[39]          En ce qui concerne le montant de 17 000 $, elle ne l'a pas pris non plus en considération. Selon monsieur Tremblay, ce 17 000 $ aurait été des argents en main qui avaient été mis dans un coffret de sûreté à la banque. Cet aspect de l'affaire n'avait jamais été mentionné avant le stade de l'avis d'opposition. De plus, compte tenu qu'elle ne pouvait pas avoir les montants qui se trouvaient dans le coffret de sûreté pour les années subséquentes, elle n'a pas accordé le montant dans la première année.

[40]          L'agent des oppositions indique qu'on ne lui a jamais donné d'explications relatives aux pourboires. Dans l'avis d'opposition, on avait mentionné qu'il s'agissait d'accumulation d'économies personnelles.

Argument de l'avocat des appelants

[41]          Il a fait valoir, en ce qui concerne les pénalités, que le Ministre ne peut pas se reposer sur une vérification faite par Revenu Québec pour se décharger de son fardeau de la preuve.

[42]          L'avocat des appelants fait valoir en ce qui concerne l'appelante qu'on ne peut pas procéder par méthode d'avoir net quand la comptabilité est satisfaisante. Il s'appuie sur des décisions qui expliquent que le recours à la méthode d'avoir net n'est pas la règle et qu'elle sera utilisée exceptionnellement dans les cas où la comptabilité n'est pas tenue adéquatement.

[43]          Il se rend compte que l'avoir net n'a pas été fait à l'encontre du restaurant mais à l'encontre de l'appelant. Le Ministre a ajouté les montants de revenus de l'appelant comme provenant du restaurant parce que selon lui, il n'y avait aucune autre explication plausible de la provenance des sommes additionnelles. Or, il n'y a pas de preuve démontrant que l'appelant ou son épouse se sont approprié les revenus de la corporation. Il n'y a aucune preuve que le restaurant ait pu générer des revenus additionnels. Selon l'avocat de l'appelante, les pourboires de l'épouse sont la source des revenus additionnels de l'appelant, en plus des montants de 17 000 $ et 30 000 $ dont il est question.

[44]          En ce qui concerne l'appelant, le document de travail de l'avocat (pièce A-12) explique les modifications qui seraient à apporter à l'avoir net établi par le Ministre. Pour l'année 1991, on devrait déduire le montant de 17 000 $, pour en arriver à un revenu additionnel corrigé de 6 478 $, et pour l'année 1992, il n'y aurait pas de revenu additionnel, vu le don de la mère de 30 000 $. L'année 1993 n'est pas contestée par l'appelant. Les soldes restants ont comme source de revenu les pourboires de l'épouse de l'appelant.

[45]          L'avocat de l'intimée fait valoir, en ce qui concerne le montant de 30 000 $, que la preuve n'a pas révélé quand dans les années 1992, le montant de 30 000 $ a été donné. Il n'y a aucune précision à cet égard. De plus, il n'a jamais été question de ce don lors de la vérification. Ce fut mentionné pour la première fois en opposition avec Revenu Québec et selon le document déposé, le représentant du contribuable parlait d'un règlement d'un litige, ce qui a été nié par monsieur Abderrahman. Du témoignage de la mère de l'appelant, il ne ressort rien de certain. Elle dit ne pas faire affaire avec les banques, alors qu'il y a en preuve une attestation bancaire de la Société Tunisienne des banques (pièce A-18). En ce qui concerne la déclaration sur l'honneur, c'est l'appelant qui avait préparé le document et qui lui a demandé de le signer. Elle aurait fait ce don au Canada le 16 mai 1992, or selon son passeport, elle est arrivé à l'aéroport de Tunis Carla le 13 mai 1992. Ainsi, le 16 mai 1992, madame est en Tunisie et non pas au Canada.

[46]          En ce qui concerne l'appelante, l'avocate de l'intimée fait valoir qu'il n'y a aucune autre source de revenus plausible autre que le restaurant. Elle fait aussi valoir que les revenus de pourboires n'ont jamais été déclarés ni par elle ni par son conjoint. Selon madame, ses revenus totalisaient 4 000 $ par année.

Conclusion

[47]          L'offre de règlement qui a été déposée comme pièce A-16 a été l'objet d'une objection de la part de l'intimée au motif que cette offre n'était pas pertinente au débat judiciaire, ainsi que mentionné au paragraphe 14 de ces motifs. Aucun privilège n'a été soulevé. C'est donc sur la base de la pertinence que je me prononcerai. L'avocat des appelants quant à lui y voyait de la pertinence parce que la vérification a été faite par Revenu Québec et tout ce qui a été accordé par Revenu Québec devrait également être accordé par le Ministre. Je suis d'avis que le document aurait pu être pertinent si les montants accordés l'avaient été pour des raisons relatives aux faits ou à la Loi expliquées dans l'offre ou autre document annexé. Les montants accordés l'ont été pour la seule fin de régler le litige et c'est aussi dans un but de régler le litige qu'ils étaient proposés au contribuable. Cette offre n'est donc d'aucune utilité au débat et en ce sens elle n'est pas pertinente. L'appelant a affirmé qu'il n'avait pas été mis au courant de cette offre par son représentant. Il s'agit alors d'une affaire entre lui et son représentant.

[48]          L'inclusion du montant de 17 000 $ dans les actifs de l'appelant au 31 décembre 1990 a été refusée pour divers motifs : le montant provenant de l'encaissement de deux obligations peut avoir été utilisé pour acquérir ou accroître les actifs déjà pris en compte; il n'y a pas de preuve documentaire de l'encaissement de la deuxième obligation au montant de 10 000 $; s'il y a 17 000 $ d'argent liquide dans le coffret de sûreté à un moment, il s'agit d'un comportement habituel : il y a des sommes à chaque année et elles doivent être rapportées; l'appelant n'a pas fourni ces détails pour les autres années. Je suis d'avis que ces motifs de refus sont raisonnables.

[49]          L'inclusion du don de 30 000 $ dans une source de revenu non imposable a été refusée pour l'année se terminant le 31 décembre 1992 au motif qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve concordants à ce sujet : l'avis d'appel auprès de Revenu Québec, en date du 26 septembre 1995, indique la provenance de cette somme comme étant celle reçue à titre de règlement final d'un litige; l'appelant n'a pas pu expliquer cet allégué; la preuve a révélé que la mère de l'appelant est une femme qui a des moyens financiers substantiels, pourtant l'appelant la réclamait comme personne à charge dans ses déclarations de revenu. Dans les divers témoignages, on parle de montant donné par mille dollars à la fois au cours des années, d'autres fois d'un montant exact de 30 000 $ donné en une seule fois; au stade de la vérification, personne n'a parlé de ce don de 30 000 $. Je suis d'avis que la prépondérance de la preuve ne peut pas m'amener à conclure qu'il y a eu don de 30 000 $ lors de l'année 1992.

[50]          Ce revenu non déclaré de l'appelant provient-il de l'exploitation du restaurant de l'appelante ? L'appelant propose comme autre source de revenu plausible les pourboires reçus par son épouse. Il est vrai que l'avoir net prend en considération le revenu familial, soit celui de l'appelant et celui de son épouse. Ceci est accepté par les deux parties. Toutefois, les pourboires en tant que source de revenu n'ont pas été déclarés par cette dernière. Or, les revenus pris en compte dans l'avoir net de l'appelant sont les revenus déclarés de l'appelant et de son épouse. Donc, en ce qui concerne l'appelant les revenus de pourboire ne peuvent pas venir réduire l'écart entre le revenu déclaré et celui non déclaré.

[51]          Vu les écarts de revenus importants entre le revenu déclaré et celui non déclaré, je suis d'avis que les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi l'ont été correctement. L'argument initial de l'avocat des appelants voulant que le Ministre n'était pas celui qui avait exercé sa discrétion dans leur imposition n'a pas vraiment été discuté au fond vu que la preuve a révélé que cette imposition a été considérée et faite par les agents mêmes du Ministre et non pas par ceux de Revenu Québec.

[52]          En ce qui concerne l'appelante, l'avocat de cette dernière fait valoir que celle-ci a tenu une comptabilité satisfaisante et qu'il ne doit pas y avoir de cotisation pour motif d'avoir net établi au sujet de son actionnaire. Je ne puis toutefois que constater qu'il n'y a pas eu de preuve certaine que le revenu déclaré par l'appelante était son seul revenu. Il n'y a pas eu d'analyse exhaustive de la comptabilité de l'appelante. Il y a aussi une possibilité dans ce genre d'entreprise, tel que suggéré par l'intimée, que les ventes faites en argent comptant ne soient pas toutes déclarées. Dans le cas d'une entreprise d'un tel genre, où l'actionnaire principal n'a pas déclaré la totalité de son revenu et n'a pas d'explication quant à la provenance de ce revenu, le Ministre est en droit de cotiser l'entreprise comme ayant été à l'origine de ce revenu. Voir à ce sujet entre autres : Fortis et al. v. Minister of National Revenue, 86 DTC 1795 (traduction : [1986] A.C.I. no 924); Chicken Tandoor Limited and Monahar Lal Ahir v. The Queen, 87 DTC 487 (traduction : [1987] A.C.I. no 653); Maison Funéraire Robichaud Ltée and Camille Robichaud v. The Queen, 97 DTC 491 (traduction : [1996] A.C.I. no 230); Luso Construction Ltd. v. Canada, [1999] T.C.J. No. 323;

[53]          Il appartenait donc à l'appelant d'expliquer de façon raisonnable la provenance du revenu non déclaré. Il l'a fait en partie avec les pourboires. L'épouse de l'appelant a calculé qu'elle a pu recevoir 4 000 $ de pourboires dans ces années, ce qui me paraît plausible. Il s'agit à mon avis d'une autre source plausible de revenu. Pour le solde, il n'y a pas d'autre explication raisonnablement acceptable que ce revenu provenait du restaurant. Donc le revenu additionnel ajouté par le Ministre à l'exclusion des sommes de 4 000 $, ci-dessus mentionnées, a été correctement ajouté comme revenu non déclaré au revenu déclaré de l'appelante.

[54]          En ce qui concerne les pénalités, pour les mêmes raisons que celles mentionnées à l'égard de l'appelant, elles doivent être maintenues.

[55]          Les appels de l'appelant sont rejetés, avec frais. Ceux de l'appelante sont accordés, sans frais, sur la base de ce qui est mentionné aux paragraphes 53 et 54 de ces motifs et de l'admission faite par l'intimée telle que rapportée au paragraphe 7 de ces motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de septembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        98-2426(IT)G et 98-2381(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Rabah Abderrahman et Sa Majesté la Reine

                                                                Restaurant Kerkennah Inc. et sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    les 29 et 30 mai 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 18 septembre 2000

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :              Me Yves Ouellette

                                                Me Reno Vaillancourt

Pour l'intimée :                       Me Anne-Marie Boutin

                                                Me Mounes Ayadi

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour les appelants :                             

                                Nom :       Me Yves Ouellette

                                Étude :     Lafleur Brown

                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :                    Morris Rosenberg

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                Ottawa, Canada

98-2426(IT)G

ENTRE :

RABAH ABDERRAHMAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Restaurant

Kerkennah Inc. (98-2381(IT)G) les 29 et 30 mai 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocats de l'appelant :                                  Me Yves Ouellette

                                                                   Me Reno Vaillancourt

Avocats de l'intimée :                                    Me Anne-Marie Boutin

                                                                   Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993 sont rejetés, avec frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 18 septembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


98-2381(IT)G

ENTRE :

RESTAURANT KERKENNAH INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Rabah Abderrahman (98-2426(IT)G) les 29 et 30 mai 2000 à Montréal (Québec) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Avocats de l'appelante :                                Me Yves Ouellette

                                                                   Me Reno Vaillancourt

Avocats de l'intimée :                                    Me Anne-Marie Boutin

                                                                   Me Mounes Ayadi

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1991, 1992 et 1993 sont accordés, sans frais, sur la base de ce qui est mentionné aux paragraphes 53 et 54 des motifs du jugement ci-joints et de l'admission faite par l'intimée, telle que rapportée au paragraphe 7 de ces mêmes motifs.

Signé à Ottawa, Canada, le 18 septembre 2000.

" Louise Lamarre Proulx "

J.C.C.I.


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