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Date : 20011012

Dossier : 1999-4603-IT-G

ENTRE :

CRITERION CAPITAL CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu Jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]            Les appels en l'instance ont été entendus à Vancouver (Colombie-Britannique) les 24 et 25 septembre 2001.

Point en litige

[2]            Il s'agit de savoir si l'appelante ( « Criterion » ) était en 1992, 1993 et 1994 une entreprise de prestation de services personnels, ce qui ferait que, en raison du paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), elle n'aurait pas droit à la « déduction accordée aux petites entreprises » prévue au paragraphe 125(1) de la Loi et que, pour 1994 seulement, ses dépenses déductibles seraient limitées par l'alinéa 18(1)p) de la Loi. Il est admis que Douglas Mason ( « M. Mason » ) était un employé déterminé de Criterion, que l'appelante n'employait pas plus de cinq personnes et qu'elle n'est pas associée à Clearly Canadian Beverage Corporation ( « CCBC » ou « Clearly Canadian » ), société concernée par la présente affaire. Le seul point en litige est donc de savoir s'il serait raisonnable de considérer M. Mason comme étant un employé ou cadre de CCBC, si ce n'était de l'existence de Criterion.

[3]            Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent en partie comme suit :

18(1)p)                     une dépense, dans la mesure où elle est engagée ou effectuée par une société au cours d'une année d'imposition en vue de tirer un revenu d'une entreprise de prestation de services personnels, à l'exception :

(i)            du salaire, du traitement ou d'une autre rémunération versé au cours de l'année à un actionnaire constitué en société de la société,

(ii)           du coût, pour la société, de tout autre avantage ou allocation accordé à un actionnaire constitué en société au cours de l'année,

(iii)          d'un montant dépensé par la société et lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats par la société, lorsque le montant aurait été déductible dans le calcul du revenu d'un actionnaire constitué en société pour une année d'imposition tiré d'une charge ou d'un emploi s'il l'avait dépensé en vertu d'un contrat d'emploi qui l'obligeait à verser le montant,

(iv)           d'un montant versé par la société au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires engagés par elle en recouvrement des sommes qui lui étaient dues pour services rendus,

                                qui serait, si le revenu de la société était tiré d'une entreprise autre qu'une entreprise de prestation de services personnels, déductible dans le calcul de son revenu;

[...]

125. (7)                    Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« entreprise de prestation de services personnels » S'agissant d'une entreprise de prestation de services personnels exploitée par une société au cours d'une année d'imposition, entreprise de fourniture de services dans les cas où :

a)            soit un particulier qui fournit des services pour le compte de la société — appelé « employé constitué en société » à la présente définition et à l'alinéa 18(1)p);

b)            soit une personne liée à l'employé constitué en société,

est un actionnaire déterminé de la société, et où il serait raisonnable de considérer l'employé constitué en société comme étant un cadre ou un employé de la personne ou de la société de personnes à laquelle les services sont fournis, si ce n'était de l'existence de la société, à moins :

c)             soit que la société n'emploie dans l'entreprise tout au long de l'année plus de cinq employés à temps plein;

d)            soit que le montant payé ou payable à la société au cours de l'année pour les services ne soit reçu ou à recevoir par celle-ci d'une société à laquelle elle était associée au cours de l'année.

« entreprise exploitée activement » Toute entreprise exploitée par une société, autre qu'une entreprise de placement déterminée ou une entreprise de prestation de services personnels mais y compris un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial.

[...]

Faits

[4]            Dans les années en question, M. Mason était le seul actionnaire et administrateur de Criterion, dont il était également un employé. Il a été la seule personne qui ait été appelée comme témoin. Quoique le vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ait été présent, il n'a pas été appelé à la barre.

[5]            M. Mason n'a fait que des études secondaires, mais, au fil des ans, il a acquis une expérience et des connaissances en affaires qui sont considérables et précieuses et il a établi de nombreux contacts dans le monde des affaires, surtout au Canada et aux États-Unis.

[6]            Avant et pendant les années en question, M. Mason jouait un rôle dans de nombreuses entreprises. En 1987 ou à peu près, il s'est mis à s'intéresser au concept d'une entreprise canadienne d'eau embouteillée. Cela a mené à la constitution de CCBC. Durant les années en question, M. Mason était un actionnaire et administrateur de CCBC, dont il était également président-directeur général.

[7]            Criterion a été constituée en 1988. M. Mason était le seul actionnaire et administrateur de Criterion, dont il était également un des employés.

[8]            Au cours des années en question, M. Mason a, comme président et administrateur, reçu un revenu d'emploi considérable sous forme de salaires, d'options d'achat d'actions et de contributions de CCBC à un régime de retraite. Il a payé à cet égard beaucoup d'impôt sur le revenu.

[9]            Durant les années en question, Criterion avait un autre employé, Lyn Dombroski, et retenait en outre les services de Market Works Inc., qui était dirigée par Katherine Williams. Cette dernière a joué un rôle important à divers égards et a notamment contribué à faire ce qui était nécessaire pour que CCBC soit inscrite à la Bourse de Vancouver, au NASDAQ et à la Bourse de Toronto.

[10]          Criterion avait un bureau au domicile de M. Mason, un bureau à Waterfront Capital Corporation — un des clients de Criterion — et un bureau dans les locaux de CCBC à l'égard duquel elle payait un loyer mensuel à CCBC. L'ensemble du mobilier et des accessoires, à l'exception du tapis dans le bureau de CCBC, appartenait à Criterion.

[11]          En plus de CCBC, Criterion avait plusieurs clients à qui elle fournissait des services durant les années en question. Voir l'annexe figurant à l'onglet 24 du recueil de documents. Au cours des années en question, M. Mason a consacré du temps à des activités de CCBC et à des activités de Criterion.

[12]          Les fonctions de M. Mason comme président et administrateur de CCBC consistaient essentiellement à s'occuper de la gestion quotidienne de CCBC, à savoir, notamment : commercialiser les produits de CCBC, traiter avec les fournisseurs, s'occuper de la distribution et de la commercialisation, superviser le personnel, y compris le personnel de direction, établir l'ordre du jour des assemblées des administrateurs et prendre part à ces assemblées. Ses fonctions comme employé de Criterion consistaient surtout à trouver de nouvelles possibilités de financement et d'affaires en utilisant le réseau de relations qu'il avait établi avant de se joindre à CCBC.

[13]          Criterion avait des actifs et des passifs importants et de gros frais d'exploitation, comme l'indiquent les onglets 1, 2 et 3, à savoir les états financiers de Criterion pour les années en question.

[14]          En plus des activités mentionnées précédemment, Criterion collectionnait et vendait des pièces de monnaie.

[15]          Les honoraires demandés à CCBC par Criterion étaient payés par versements mensuels égaux, cependant le montant réel des avances d'honoraires était fixé par M. Mason en fonction d'honoraires annuels divisés en versements mensuels égaux. Cette méthode était conforme aux honoraires demandés à d'autres clients de Criterion.

[16]          Les services fournis par Criterion à CCBC étaient prévus aux conventions de gestion — onglets 5, 6, 7 et 8. Les services fournis par M. Mason à CCBC étaient prévus à la pièce figurant à l'onglet 4.

Observations de l'avocat de l'appelante

[17]          L'avocat de l'appelante soutient que les services fournis par Criterion à CCBC ne témoignaient pas de l'existence d'une entreprise de prestation de services personnels. Il affirme également que, même si ces services étaient considérés comme constituant une entreprise de prestation de services personnels, le montant de 197 900 $ non admis pour l'année 1994 devrait d'abord être réduit de certains montants dont l'avocate de l'intimée a convenu, ce qui le ramènerait à 189 858 $, et que ce dernier montant devrait en outre être réduit du montant des salaires versés par Criterion et du montant des dépenses engagées par Criterion en vue de tirer un revenu de clients de Criterion autres que CCBC.

[18]          Je cite les extraits suivants des observations écrites de l'avocat de Criterion :

[TRADUCTION]

B.             QUESTION EN LITIGE - UNE PERSONNE PEUT-ELLE FOURNIR DES SERVICES COMME EMPLOYÉ ET COMME ENTREPRENEUR INDÉPENDANT POUR LA MÊME COMPAGNIE?

1.              M. Mason a fourni à Clearly Canadian des services qui constitueraient les services d'un employé. Il les fournit directement comme président-directeur général et comme administrateur. Il s'agit des services qui doivent nécessairement être fournis par un administrateur et des services qui doivent nécessairement être fournis par le président-directeur général (administration globale des activités courantes de Clearly Canadian fabrication, commercialisation, distribution et vente de produits à boire de Clearly Canadian). M. Mason est payé directement pour ces services. Criterion fournit des services qui ne font pas partie des activités courantes de Clearly Canadian. Durant les années faisant l'objet des présents appels, ces services consistaient surtout à trouver, explorer et négocier de nouvelles possibilités commerciales et financières. Criterion dit qu'il s'agit des services d'un entrepreneur indépendant.

2.              Une personne peut fournir certains services directement, comme employé, et peut fournir d'autres services indirectement, par l'intermédiaire d'une société. William Scott c. La Reine, C.A.F., no A-352-91, 5 janvier 1994 (94 DTC 6193) (onglet 1).

3.              Sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu ou du droit du travail, rien n'empêche un employé de conclure avec son employeur d'autres arrangements contractuels, directement ou par l'intermédiaire d'une compagnie. [...]

4.             Le ministre n'a pas en fait allégué que les services fournis en vertu de la convention de gestion représentent une opération trompe-l'oeil ou qu'un employé ne peut pas fournir d'autres services par l'intermédiaire d'une compagnie.

[...]

C.             QUESTION EN LITIGE - QUELS SERVICES SONT FOURNIS PAR DOUGLAS MASON COMME ADMINISTRATEUR/CADRE ET QUELS SERVICES SONT FOURNIS PAR CRITERION EN VERTU DE LA CONVENTION DE GESTION?

1.              Les services fournis par Criterion durant les années d'imposition 1992 à 1994 comprennent tous les services autres que les services devant être fournis par un administrateur (concernant les assemblées des administrateurs et les réunions des comités d'administrateurs) et autres que les services devant être fournis par un président-directeur général (supervision des activités courantes de Clearly Canadian — fabrication, commercialisation, distribution et vente de produits à boire de Clearly Canadian).

2.             Le libellé de chacune des conventions de gestion concernant les services pouvant être fournis par Criterion a une très vaste portée. Les conventions avaient été rédigées ainsi en vue d'assurer de la souplesse. Comme l'indique la déposition de M. Mason, les services effectifs sont plus précis.

3.              La déposition de M. Mason selon laquelle Criterion ne fournit pas de services relatifs aux affaires courantes est confirmée par ce qui suit :

a)              M. Mason est le président-directeur général et est payé directement pour ces services. Il reçoit un feuillet T4.

b)             La convention d'administrateur/cadre en date du 1er janvier 1992 confirme que les services fournis comme président-directeur général doivent être fournis directement par M. Mason et non par Criterion.

c)              Criterion fournit les mêmes services à d'autres compagnies en tant qu'entrepreneur indépendant.

4.              La convention officielle d'administrateur/cadre n'a pris effet que le 1er janvier 1992 l'année d'imposition 1992 de Criterion a commencé cinq mois plus tôt (le 1er août 1991). Toutefois, la déposition de M. Mason, confirmée par les feuillets T4 qui lui ont été personnellement délivrés par Clearly Canadian, confirme que la convention documentait un arrangement de longue date.

5.              Le vérificateur n'a pas en fait contesté la déclaration de Criterion quant à savoir quels services sont fournis directement par M. Masoncomme président-directeur général et quels services sont fournis par Criterion. Selon son point de vue énoncé dans les lettres de M. Ford, les diverses activités qui d'après Criterion et Clearly Canadian sont exercées par Criterion sont en fait des fonctions qui seraient normalement remplies par le président-directeur général.

D.             RÈGLE DE DROIT ENTREPRISE DE PRESTATION DE SERVICES PERSONNELS

1.              La principale question est de savoir si l'entreprise de Criterion consistant à fournir des services à Clearly Canadian constitue une entreprise de prestation de services personnels au sens du paragraphe 125(7). Dans l'affirmative, Criterion n'a pas droit à l'égard de ce revenu à une déduction accordée aux petites entreprises, et certaines dépenses engagées par Criterion pour gagner ce revenu ne sont pas admises en vertu de l'alinéa 18(l)p).

[...]

3.              Il s'agit ici de savoir si, en se fondant sur les services que M. Mason fournit à Clearly Canadian par l'intermédiaire de Criterion, « il serait raisonnable de considérer » M. Mason « comme étant un cadre ou un employé » de Clearly Canadian.

4.              Le critère utilisé est le critère établi par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025) [...]

5.              L'arrêt Wiebe Door concerne en réalité deux critères, et les deux doivent être pris en compte.

a)              Le critère classique de l'entreprise « composé de quatre parties intégrantes » détaillé par lord Wright dans l'affaire Montreal Locomotive Works (1947, Conseil privé) le contrôle, la propriété des instruments de travail, les risques de perte et les chances de bénéfice [...]

b)             le critère d'intégration ou d'organisation énoncé par lord Denning dans l'affaire Stevenson Jordan and Harrison (1952 - C.A.). La Cour d'appel fédérale a toutefois conclu dans l'affaire Wiebe Door que ce critère ne consiste pas à déterminer si la personne fournissant le service fait partie intégrante de l'entreprise de l' « employeur » ou si elle n'en représente qu'un élément accessoire. La question doit plutôt être considérée du point de vue de la personne « employée » . Cette personne dirige-t-elle sa propre entreprise, auquel cas elle est un entrepreneur indépendant, ou fait-elle simplement partie de l'entreprise exploitée par le tiers, auquel cas elle est un employé. Le juge MacGuigan a dit que, relativement à ce critère, il s'agit de savoir à qui appartient l'entreprise.

E.              QUESTION EN LITIGE - LES SERVICES QUE M. MASON FOURNIT PAR L'INTERMÉDIAIRE DE CRITERION SONT-ILS LES SERVICES D'UN EMPLOYÉ OU D'UN ENTREPRENEUR INDÉPENDANT?

1.              En déterminant s'il serait raisonnable de considérer les services de Criterion comme des services d'un cadre ou d'un employé, les services qui sont fournis par Douglas Mason comme président et administrateur ne peuvent être pris en compte. Ces derniers services ne sont pas fournis par Criterion. Comme l'indique la définition d' « entreprise de prestation de services personnels » qui figure au paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le critère vise les services qui seraient des services d'un cadre ou d'un employé « si ce n'était de l'existence de la société » . La Cour ne peut prendre en compte que les services que fournit Criterion et qui consistent à explorer et négocier des possibilités commerciales et financières.

A.             Critères de l'entreprise

a)              Critère du contrôle

2.              Un employeur est en droit de donner des ordres et instructions à un employé quant à la manière dont ce dernier doit accomplir son travail. Un mandant peut dire quoi faire à un entrepreneur indépendant, mais pas comment le faire.

3.              En l'espèce, Douglas Mason en tant que représentant de Criterion reçoit des instructions du conseil d'administration ou agit de sa propre initiative pour examiner diverses nouvelles possibilités commerciales et financières. M. Mason ne reçoit pas de directives quotidiennes quant à savoir comment il doit procéder. On le laisse traiter de ces possibilités de la manière dont il le juge le plus approprié.

4.              De plus, Clearly Canadian n'a pas le droit de contrôler le droit de Criterion de fournir à d'autres clients des services semblables et elle n'a pas le droit non plus de s'enquérir des services que Criterion fournit à d'autres personnes.

5.              L'ADRC reconnaît en fait que le critère relatif au contrôle favoriserait Criterion. [...]

6.              Il est difficile d'exercer un haut niveau de contrôle sur une personne fournissant des services spécialisés. Toutefois, selon le témoignage de M. Mason, les administrateurs examinent de plus près les activités courantes dont il s'occupe comme président que les services fournis par Criterion. La raison en est que ces activités courantes se rapportent à l'entreprise de Clearly Canadian. L'exploration de possibilités financières et commerciales représente l'entreprise de Criterion.

b)              Propriété des instruments de travail

(i)             Outils commerciaux

7.              Les principaux atouts d'une telle organisation s'occupant de trouver des possibilités commerciales et financières sont ses relations commerciales et son expertise aux fins de l'évaluation de possibilités commerciales envisagées.

8.              Le maintien d'un réseau d'affaires implique d'y consacrer continuellement du temps et de l'argent, mais crée un actif commercial précieux un achalandage. Il s'agit toutefois d'un actif de M. Mason, qui est utilisé dans l'exploitation de l'entreprise de Criterion. Ce n'est pas un actif de Clearly Canadian. Les frais d'exploitation de Criterion dans les années considérées en l'espèce indiquent très clairement qu'il s'agit d'une immobilisation très coûteuse.

9.              Dans l'affaire David T. McDonald Company Limited, C.C.I., no 89-2960(IT), 30 juillet 1992 (92 DTC 1917) (onglet 3), la Cour canadienne de l'impôt a confirmé à la page 12 (DTC : à la page 1922) que l'expérience, les connaissances et l'achalandage sont un outil commercial de l'employé constitué en société et que cela entre dans le cadre de la propriété d'outils commerciaux aux fins du critère de l'arrêt Wiebe Door. Le juge Mogan a considéré que c'était un critère pertinent en décidant que les services fournis par M. McDonald par l'intermédiaire de sa compagnie n'étaient pas les services d'un employé.

10.            Le vérificateur [...] dit que la propriété d'un réseau d'affaires est la raison pour laquelle M. Mason a été embauché comme administrateur/directeur général. Ce n'est pas exact. M. Mason a été embauché en 1987 comme président-directeur général parce qu'il pouvait diriger les activités courantes de Clearly Canadian, à savoir la fabrication, la commercialisation et la distribution de boissons. Criterion a été embauchée plus tard (en 1989) parce que Clearly Canadian avait besoin de son réseau d'affaires. Clearly Canadian payait un montant supplémentaire distinct pour les services de Criterion.

11.            M. Mason a été élu administrateur parce que les actionnaires ont sans doute confiance en son jugement pour prendre des décisions commerciales importantes au nom de Clearly Canadian. Les administrateurs sont élus par les actionnaires. La plupart des actionnaires ne sont absolument pas au courant du réseau d'affaires de M. Mason. Cette sorte d'information n'est pas communiquée dans les sollicitations de procurations.

12.            Criterion a des frais d'exploitation importants qui ne sont pas remboursés par Clearly Canadian ou ses autres clients.

[...]

(ii)            Matériel de bureau

14.            Un deuxième type d'instrument de travail dont a besoin un entrepreneur indépendant comme M. Mason est du matériel de bureau permettant de fournir les services. Criterion tient un bureau à la résidence de Douglas Mason, située au 3912, Marine Drive, West Vancouver. Le matériel de ce bureau appartient à Criterion. M. Mason avait également un bureau à Waterfront Capital Corporation, à Vancouver, durant les années d'imposition considérées en l'espèce. Il est en outre propriétaire de tout le matériel situé au bureau que Criterion utilise dans les locaux de Clearly Canadian.

15.            Criterion passe un contrat pour utiliser des installations de bureau dans les locaux de Clearly Canadian. Elle utilise ces installations (et ses autres bureaux) pour fournir des services à Clearly Canadian et à d'autres de ses clients. Le paiement relatif à l'utilisation d'installations de Clearly Canadian était de 450 $ par mois (il est passé à 1 850 $ dans les derniers mois de 1994). Ce montant vise à correspondre à la part de Criterion à l'égard des coûts réels.

16.            Le fait que Criterion soit propriétaire de tous les instruments de travail situés au bureau de Clearly Canadian et qu'elle paie pour l'utilisation de ce bureau ne cadre pas avec l'existence d'une relation employeur-employé. On ne s'attend pas à ce qu'un employé paie pour utiliser l'espace qu'il occupe dans les locaux de son employeur.

Société de projets ETPA Inc. c. M.R.N., 93 DTC 510 (93 DTC 516)

c)              Risques de perte

17.            Frais d'exploitation. Le risque de perte est un problème réel pour Criterion. Pour être en mesure de fournir des services à Clearly Canadianet à ses autres clients, Criterion a ses propres employés et engage des frais d'exploitation importants, comme le confirment les états financiers. Pour les années considérées dans les présents appels, les dépenses totales de Criterion, à l'exclusion du salaire de Douglas Mason, ont été les suivantes :

Dépenses nettes

totales

Salaire

Frais

d'exploitation

1992

154 281 $

40 000 $

114 281 $

1993

252 688 $

80 000 $

172 688 $

1994

197 900 $

60 000 $

137 900 $

Il ne s'agit pas de dépenses engagées par une personne dans le cadre d'une relation employeur-employé. Ces dépenses représentent un risque de perte.

18.            Réclamations pour négligence. Criterion peut commettre une erreur en analysant une nouvelle possibilité d'affaires. Si Clearly Canadianou un autre client suit la recommandation formulée et subit une perte, Criterion en tant qu'entrepreneur indépendant peut être tenue responsable de négligence professionnelle. La perte pourrait être très importante, car les opérations mettent en jeu des millions de dollars. Un employé ne court normalement pas un tel risque. Les clauses d'indemnisation et d'assurance de la convention de gestion (prenant effet en juin 1994) concernent les réclamations de tiers; Criterion n'était en droit d'imposer aucune limitation en matière de réclamations. Criterion court en outre le risque que d'autres de ses clients présentent des réclamations contre elle.

19.            Effet des avances d'honoraires. Un risque de perte n'est pas évité parce qu'une personne est payée selon la formule des avances d'honoraires. Des clauses de la convention de gestion permettent la résiliation de celle-ci. Elles ne mettraient pas un terme aux dépenses de Criterion ou à ses risques commerciaux. Quoi qu'il en soit, une personne qui exploite avec succès une entreprise depuis longtemps devrait être dans une situation où les revenus excèdent les dépenses et où une perte est susceptible d'être subie seulement à cause d'une négligence relative à une opération importante ou à cause d'un événement imprévu (comme une crise cardiaque).

20.            Position de l'ADRC. Dans sa lettre du 5 août 1997, l'ADRC conclut que le risque de perte n'existe pas.

a)              M. Ford déclare qu'il n'y a aucun risque en matière de revenu parce que Criterion sera remboursée de toutes ses dépenses si elle le désire, car M. Mason peut comme directeur général et administrateur faire en sorte que Clearly Canadianpaie tous les frais dont il demande le paiement. M. Ford est dans l'erreur. Il n'y a aucun fondement factuel à cette allégation. Premièrement, Criterion n'est remboursée que des frais liés à un projet précis de Clearly Canadian. Deuxièmement, M. Mason ne contrôle pas le conseil d'administration. Il ne s'agit pas d'une « société privée » dont M. Mason et sa famille seraient propriétaires de toutes les actions; il s'agit d'une société ouverte, dont les administrateurs indépendants sont juridiquement tenus d'agir dans l'intérêt de Clearly Canadian.

b)             M. Ford dit que les paragraphes 8 et 9 de la convention de gestion de 1994 suppriment le risque de poursuites pour négligence allégué par Criterion. C'est inexact. Le paragraphe 8 (qui prévoit une indemnisation) et le paragraphe 9 (qui prévoit que Criterion est visée par les assurances de Clearly Canadian) concernent seulement des poursuites et autres réclamations de tiers. Ces paragraphes ne protègent pas Criterion contre une réclamation de Clearly Canadianpour négligence.

d)              Chances de bénéfice

21.            Criterion est libre d'offrir ses services à des clients autres que Clearly Canadianet elle le fait effectivement. Le revenu provenant des autres clients est important. Criterion reçoit en outre de l'information sur des possibilités d'affaires qu'elle peut offrir à Clearly Canadian (sans toutefois y être obligée). Si Clearly Canadiandécide de ne pas exploiter une telle possibilité, Criterion peut l'offrir à d'autres. Criterion n'est pas en fait tenue de présenter des possibilités particulières à Clearly Canadian et peut les offrir à d'autres. Cette liberté crée des chances de bénéfice importantes que n'a pas un employé. [...]

B.             Critère d'intégration le deuxième critère de l'arrêt Wiebe Door

1.              Point de vue de l' « employeur »

22.           Même si le critère d'intégration était considéré du point de vue de l' « employeur » , les services de Criterion [...] ne font pas partie des activités courantes de Clearly Canadian et ne sont pas essentiels à l'entreprise de cette dernière. Une compagnie n'a pas besoin de nouvelles possibilités commerciales ou financières pour fonctionner.

23.            Dans sa lettre du 5 août 1997, M. Ford prétend que l'exploration de nouvelles possibilités d'affaires fait partie des activités courantes d'une société ouverte comme Clearly Canadian [...]

24.            En toute déférence, nous estimons que M. Ford est dans l'erreur. Nous reconnaissons que, dans un monde en constante évolution, une entreprise doit toujours être prête à changer. Une société ouverte ou fermée qui est bien gérée devrait se préparer aux changements plutôt que d'y réagir. Toutefois, l'entreprise de Clearly Canadian ne consiste pas à acheter et revendre des entreprises ou à réunir des fonds elle consiste à fabriquer, commercialiser, vendre et distribuer des produits à boire de Clearly Canadian. Tous les employés de Clearly Canadian travaillent à ces activités. Le revenu de cette dernière ne provient pas de nouvelles acquisitions financières ou commerciales. Il provient de la vente de ses produits. Elle gagne de l'argent non pas en explorant des possibilités d'achat d'entreprises, mais en exploitant avec succès les entreprises acquises.

[...]

2.              Point de vue de l'employé/entrepreneur indépendant « À qui appartient l'entreprise? » - Critère

26.            Nous soutenons que l'entreprise consistant à trouver des possibilités commerciales et financières est une entreprise de Criterion et non de Clearly Canadian.

a)              Prestation de services de Criterionpar d'autres personnes

27.           Bien que Criterion n'ait pas plus de cinq employés à temps plein, ce qui supprimerait automatiquement l'application des règles en matière d'entreprise de prestation de services personnels, le fait que des personnes autres que Douglas Mason fournissent les services pour la prestation desquels Criterion a un contrat indique que cette dernière est un entrepreneur indépendant exploitant sa propre entreprise, plutôt qu'une structure artificielle fournissant des services d'emploi pour Clearly Canadian.

28.            Au cours de chacune des années considérées en l'espèce, Criterion a retenu les services de Market Works Inc., compagnie exploitée par Katherine Williams, pour que cette compagnie fournisse un bon nombre des services de nature administrative que Criterion est tenue de fournir à ses clients. Parmi ces services, mentionnons les suivants : rédiger et réviser des conventions que Criterion négocie, établir des documents devant être présentés à des organismes de réglementation, établir des comptes rendus, préparer des réunions, etc. Pour les trois années considérées en l'espèce, les paiements faits par Criterion à Market Works Inc. totalisent 56 450 $. En outre, Criterion a employé Lyn Dombroski pour que celle-ci s'occupe de services que Criterion doit fournir à ses clients et qui n'exigent toutefois pas la participation directe de Douglas Mason. Il s'agit notamment de prévoir et de préparer des réunions et d'organiser des réceptions et autres activités de Criteriondestinées à promouvoir la clientèle de Criterion ou à maintenir le réseau de cette dernière. Ces employés de Criterion travaillent à l'entreprise de celle-ci. Ni Clearly Canadian ni des clients de Criterion ne remboursent Criterion de ces frais.

[...]

b)              Autres clients

30.            Cet argument est le plus important. Durant les années considérées en l'espèce, Criterion fournissait les mêmes services à cinq autres clients : Commonwealth Gold Corporation; ESC Envirotech; Venturex Resources; Waterfront Capital Corporation et Columbia Yukon Exploration Inc., Uni-Watt, Aber Resources, Criterion et ses prédécesseurs, Microton et Continental Consulting, avaient auparavant fourni des services à d'autres aussi (Fre-flex Canada, BDC Enterprises), et Criterion fournit aujourd'hui les mêmes services à un groupe de clients encore plus importants (qui inclut maintenant Beachfront Enterprises, Buffalo Head Resources et Lasik Vision). M. Mason a déclaré dans son témoignage que Clearly Canadian représente maintenant environ 50 p. 100 du revenu total de Criterion provenant de services d'experts-conseils, ce qui indique que la prestation de ces services est une entreprise à long terme.

31.            De 1992 à 1994, le revenu de Criterionprovenant de Clearly Canadian a été le suivant :

Année

Revenu total

Revenu provenant de

Clearly Canadian

Revenu provenant

d'autres sources

Pourcentage

1992

304 901 $

246 401 $

64 901 $

80,8 %

1993

436 960 $

339 960 $

97 000 $

77,8 %

1994

659 093 $

505 092 $

154 001 $

76,4 %

Le fait qu'elle fournisse le même type de services à d'autres en faisant appel à son propre personnel et en utilisant son propre matériel de bureau indique clairement que Criterion exploite sa propre entreprise.

[...]

33.            Dans l'affaire Healy Financial Corporation, C.C.I., no 92-374(IT)G, 18 mai 1994 (94 DTC 1705), un particulier, qui avait été cadre et administrateur, avait accepté de fournir des services d'emploi à temps plein, mais il n'a fourni que des services courants limités. Sa compagnie recevait 6 000 $ par mois pour les services qu'il fournissait. Sa compagnie exerçait en outre d'autres activités commerciales. La Cour a statué que le fait que ce particulier exploitait plusieurs autres entreprises par l'intermédiaire de la compagnie durant les années en cause était pertinent, en concluant à l'existence d'une relation d'entrepreneur indépendant.

c)              Source de l'expérience

34.            M. Mason n'a pas acquis son réseau ou son expertise comme consultant à Clearly Canadian. Il a acquis cela avant de fonder Clearly Canadian qui ne l'a jamais payé pour qu'il acquière son réseau. Ce réseau n'a pas été établi par Clearly Canadian dans le cadre de son entreprise.

[...]

[19]          L'avocat a présenté d'autres observations relativement à la réduction des frais de 197 900 $ non admis pour 1994.

Observations de l'avocate de l'intimée

[20]          Voici un résumé des observations écrites de l'intimée.

[21]            Il s'agit de savoir s'il serait raisonnable de considérer M. Mason, « l'employé constitué en société » de l'appelante, « comme étant un cadre ou un employé de la personne [...] à laquelle les services sont fournis, si ce n'était de l'existence de la société » , étant entendu que M. Mason est un actionnaire déterminé de l'appelante et que celle-ci n'emploie pas plus de cinq employés et qu'elle n'est pas associée à CCBC.

[22]            Le juge Mogan a énoncé l'objet du paragraphe 125(7) dans l'affaire David T. MacDonald Company Limited c. Le ministre du Revenu national, C.C.I., no 89-2960(IT), 30 juillet 1992 (92 DTC 1917) :

Les alinéas a) et d) du paragraphe 125(7) ont été ajoutés à la Loi afin d'éliminer les avantages fiscaux dont disposaient jusque-là les « employés incorporés » , par exemple la faculté de convertir un revenu salarial en revenu tiré d'une entreprise constituée en corporation, imposé à un faible taux, le report de l'impôt aux taux applicables aux particuliers sur ce revenu et la possibilité de fractionner le revenu en question entre les membres d'une famille. Le but des nouvelles dispositions était énoncé par le ministère des Finances dans les Renseignements supplémentaires déposés à l'occasion du budget fédéral; l'avocat de l'intimé a invoqué dans sa plaidoirie l'objet des mesures en question. La note applicable se lit comme suit :

Les dirigeants et les employés à salaire élevé des entreprises peuvent obtenir des avantages fiscaux appréciables en constituant une société personnelle par l'intermédiaire de laquelle ils continuent de fournir leurs services à leurs anciens employeurs. Un taux d'impôt fédéral sur les sociétés de 23 1/3 pour 100 - au lieu des taux frappant le revenu des particuliers - s'applique actuellement aux gains de la société dans ce cas. La constitution d'une société personnelle présente d'autres avantages fiscaux, notamment la possibilité de répartir le revenu entre les membres d'une famille. Elle permet de transformer un revenu d'emploi en revenu d'entreprise de la société personnelle. Le budget propose de porter l'impôt fédéral des sociétés frappant ces dirigeants et employés constitués en société au taux général de 36 pour cent, pour les années d'imposition commençant après le 12 novembre 1981. Ainsi, le taux combiné d'impôt fédéral et provincial des compagnies pour ces sociétés de service personnel sera d'environ 50 pour cent, l'équivalent du taux marginal maximum d'impôt que le budget propose pour les particuliers.

[23]          Le critère habituellement utilisé pour analyser la nature d'une relation employeur-employé ou d'une relation d'entrepreneur indépendant est celui qui est énoncé dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1986] 3 C.F. 553, et qui est appelé le critère de l'entreprise composé de quatre parties intégrantes, à savoir le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte.

[24]          L'arrêt Wiebe Door ne dit toutefois pas que le critère composé de quatre parties intégrantes doit être servilement appliqué. S'exprimant pour la Cour d'appel fédérale, le juge MacGuigan — qui a adopté les propos tenus par lord Wright dans l'affaire Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 DLR 161, aux pages 169 et 170 — a en fait décrit ce critère comme étant un critère intégré et il a dit : « Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. »

[25]          La jurisprudence reconnaît depuis un certain temps les faiblesses du critère du contrôle, dont on a conclu qu'il s'est « révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger. » Tel est le cas en l'espèce.

[26]          Bien que CCBC ait été durant toute la période pertinente une société ouverte, il ressort clairement de la preuve que M. Mason a été le créateur de CCBC : c'est lui qui a eu l'idée du produit à boire de Clearly Canadian qui devait être la clé du succès de cette compagnie. Sur la foi de la preuve, on ne peut guère douter du fait que, durant les années considérées dans les présents appels, M. Mason tenait les rênes de CCBC.

[27]          Le fait que le critère du contrôle ne peut s'appliquer à des personnes très spécialisées est bien évident dans la présente affaire, dans laquelle M. Mason a essentiellement été le fondateur de CCBC, dont il était le président-directeur général durant toute la période pertinente.

[28]          Comme président-directeur général et administrateur de CCBC, M. Mason est le directeur titulaire et effectif de l'équipe de gestion de CCBC, et le critère du contrôle n'est donc guère utile.

[29]          En ce qui a trait à la propriété des instruments de travail, l'intimée estime que ce critère n'est pas déterminant.

[30]          Il ne s'agit pas ici d'une situation concernant un menuisier ou un mécanicien qui utilise des outils et de l'équipement spécialisés pour remplir ses fonctions.

[31]          M. Mason a déclaré dans son témoignage que son travail pour CCBC est en grande partie accompli lors de voyages d'affaires et non dans un bureau.

[32]          Dans la mesure où l'on peut soutenir que les instruments de travail en cause sont la table de travail et l'équipement de bureau de M. Mason dans les locaux de CCBC, l'intimée dit que la propriété de ces instruments de travail n'est pas un facteur déterminant en l'espèce.

[33]          Avant d'emménager dans l'ancien établissement de CCBC et avant la mise en oeuvre d'une convention de gestion entre l'appelante et CCBC, M. Mason était strictement un employé de CCBC et se voyait à ce titre fournir un bureau aux frais de CCBC. C'est seulement après la première convention, en 1989, que l'arrangement « locatif » a été mis en oeuvre.

[34]          La thèse de l'intimée est que la partie « location » des conventions de gestion était simplement une mise en scène de la part de l'appelante et de CCBC.

[35]          L'intimée fait valoir que, si le critère de la propriété des instruments de travail doit être appliqué à M. Mason lui-même, les instruments de travail que M. Mason utilise comme président-directeur général et administrateur de CCBC ne peuvent être distingués de ceux qu'il utilise comme employé constitué en société.

[36]          Donc, soutient l'intimée, le critère de la propriété des instruments de travail n'est pas déterminant en l'espèce et ne fait assurément pas pencher la balance en faveur de l'existence d'une relation d'entrepreneur indépendant.

[37]          Chacune des conventions de gestion contient des clauses indiquant que Criterion sera remboursée par CCBC de tous les frais de déplacement et autres frais effectivement et dûment engagés relativement aux fonctions de Criterion selon les conventions. Comme toutes les dépenses doivent être remboursées, il n'y a pas de risque de perte.

[38]          M. Mason a également déclaré lors de son témoignage que des contrats de gestion avaient été conclus avec toutes les autres entités énumérées à l'onglet 24 dont il était un administrateur et un cadre et que ces contrats étaient semblables aux conventions de gestion qui avaient été conclues entre CCBC et l'appelante. Il appert donc que toutes les dépenses de l'appelante pouvaient être remboursées par l'une ou l'autre de ces entités, ce qui réduit encore plus les risques de perte pour l'appelante.

[39]          En ce qui a trait à l'argument de l'appelante selon lequel les clauses d'indemnisation et d'assurance des conventions de gestion ne couvrent pas la faute lourde de M. Mason à l'égard de CCBC, on ne peut que dire qu'il serait en fait inusité qu'une telle convention couvre le risque de faute lourde d'un employé à l'égard de l'employeur. La convention d'administrateur/cadre de 1992 figurant à l'onglet 4 prévoit que CCBC assure M. Mason concernant sa responsabilité comme administrateur et cadre et concernant [TRADUCTION] « toutes réclamations relatives aux services qu'il fournit de bonne foi au nom de CCBC comme cadre ou administrateur » (clauses 4.1 et 4.2). La clause 4.3 prévoit même que la garantie d'assurance survit à une cessation des fonctions ou démission de M. Mason comme cadre et administrateur [TRADUCTION] « et sera applicable à toute réclamation, quelle qu'en soit la date » . En vertu des conventions de gestion et de la convention d'administrateur/cadre, M. Mason et Criterion bénéficient d'une couverture importante d'assurance et d'indemnisation.

[40]          S'il était possible de dire que l'appelante a un risque de perte de possibilités en raison de ses activités, M. Mason a non pas un risque de perte en général, mais seulement un risque de perte de bénéfice.

[41]          La rémunération versée à Criterion par CCBC s'apparente davantage à un salaire qu'à une rétribution versée en vertu d'un contrat d'entreprise.

[42]          L'intimée soutient qu'il n'y a pas de risque en matière de revenu pour Criterion, que cette dernière ne risque de perdre aucune somme et que le fait que le barème tarifaire était basé sur des honoraires annuels devant être versés mensuellement et comportait une possibilité de primes en 1994 et 1995 indique plutôt l'existence d'une relation employeur-employé.

[43]          De même, Criterion n'a pas vraiment une chance de bénéfice dans ses relations avec CCBC vu la formule des avances fixes d'honoraires et de primes possibles choisie par les parties.

[44]          L'intimée soutient que, tout bien considéré, une analyse objective de la preuve sur la question des chances de bénéfice et des risques de perte fait pencher la balance en faveur de l'existence d'un contrat de louage de services plutôt que d'un contrat d'entrepreneur indépendant.

[45]          Pour ce qui est de l'intégration, l'intimée soutient que les fonctions de M. Mason comme président-directeur général de CCBC ne peuvent être distinguées des soi-disant « projets spéciaux » que l'appelante invoque à l'appui de sa prétention selon laquelle elle a droit à la déduction accordée aux petites entreprises.

[46]          On ne peut pas prétendre que le travail de M. Mason accompli prétendument par l'intermédiaire de l'appelante n'était qu'un élément accessoire par rapport à l'entreprise de CCBC; M. Mason faisait partie intégrante de l'entreprise de CCBC. L'entreprise consistant à trouver des possibilités commerciales et financières, pour reprendre les termes utilisés par l'appelante (au paragraphe 26 de ses observations écrites), fait partie intégrante de l'entreprise de CCBC. Sans les possibilités de développement et de croissance grâce à l'acquisition de nouvelles lignes de produits, grâce à une diversification et grâce à du financement, l'entreprise de CCBC perdrait du terrain ou stagnerait complètement.

[47]          Comme CCBC était la source d'environ 80 p. 100 du revenu de l'appelante pendant la période considérée dans les présents appels, il est manifeste qu'il existe un degré élevé d'intégration, même du point de vue de l' « employé » .

[48]          L'intimée soutient en outre que, avant que le premier contrat de gestion entre l'appelante et CCBC soit signé en 1989, M. Mason en tant qu'employé fournissait à peu près les mêmes services que Criterion a ultérieurement fournis. En fait, d'après le témoignage de M. Mason, les fonctions de Criterion énoncées dans les conventions de gestion de 1991 et de 1993 étaient en réalité des fonctions qui incombaient à M. Mason comme président-directeur général de CCBC. Ce fait, ainsi que le fait que M. Mason était un employé de CCBC durant la période dont il est question dans les présents appels, devrait être considéré comme étant en soi déterminant pour ce qui est de l'issue de ces appels.

[49]          M. Mason a déclaré dans son témoignage qu'il était responsable des activités courantes de CCBC comme président-directeur général et administrateur de cette dernière et que Criterion était responsable de « projets spéciaux » n'entrant pas dans ce cadre. Bien que M. Mason ait affirmé que l'on a fait en sorte que les inexactitudes des conventions de gestion de 1991 et de 1993 soient rectifiées par la convention de 1994, qui fait état des services fournis à CCBC par l'appelante, un examen de la clause pertinente — la clause 3.1 — de la convention de gestion de 1994 (onglet 7) n'étaye pas la distinction ténue que cherche à établir l'appelante. La clause 3.1 ne mentionne nulle part des « projets spéciaux » , que ce soit directement ou indirectement. L'intimée dit que les fonctions d'un président-directeur général et administrateur sont les suivantes :

[TRADUCTION]

  • conseiller l'employeur sur ses activités commerciales et sur ses politiques organisationnelles;

  • diriger les activités de l'employeur en matière de finance, d'organisation, de promotion et de planification opérationnelle;

  • approuver les objectifs budgétaires et opérationnels et surveiller le rendement par rapport aux objectifs établis de l'employeur;

  • promouvoir de bonnes relations patronales avec tous les groupes externes;

  • élaborer, recommander et faire mettre en oeuvre par des subordonnés les politiques et objectifs approuvés de l'employeur pour l'année et à long terme;

  • faire rapport au conseil d'administration de l'employeur et le consulter.

Clause 3.1, conventions de gestion de 1994 et de 1995,

onglets 7 et 8.

[50]          Dans la mesure où la liste des principaux projets commerciaux qui figure à l'onglet 12 du recueil conjoint de documents concerne la période considérée dans les présents appels, l'intimée est d'avis que ce document représente une tentative après coup pour justifier le point de vue de l'appelante, déterminée par l'avocat de cette dernière au cours de la vérification et qu'il convient de n'y accorder que peu de poids, voire pas du tout. Quoi qu'il en soit, l'intimée fait valoir que tous les éléments figurant dans cette liste se rapportent à CCBC et représentent des fonctions qu'un président-directeur général d'une telle entité remplirait normalement dans le cadre de son emploi.

[51]          La prétendue distinction qui existe entre les affaires quotidiennes de CCBC et les projets spéciaux qui selon M. Mason relèvent du domaine de l'appelante est artificielle. Relativement aux activités de CCBC, M. Mason est l'élément clé comme cadre, administrateur et président-directeur général. La soi-disant séparation de cette relation et des fonctions de « consultant » ne reflète pas l'essence de la relation véritable. La distinction entre les projets quotidiens et les projets spéciaux est artificielle et n'est motivée que par des considérations purement fiscales.

[52]          Le fait que les sommes versées par l'appelante à son employé à temps partiel Lyn Dombroski et que les sommes versées à Market Works Inc. soient relativement peu importantes permet de conclure que le travail accompli par ces personnes se rapportait à des questions courantes d'ordre pratique bien en deçà de l'expertise de M. Mason.

[53]          Les avances d'honoraires calculées annuellement, mais versées mensuellement par CCBC à Criterion, s'apparentent au « salaire » courant que reçoit habituellement le président-directeur général. Encore là, l'intimée soutient qu'il s'agit d'un facteur très révélateur quant au fait que, si ce n'était de l'appelante, il serait raisonnable de considérer M. Mason comme fournissant ses services à CCBC comme président-directeur général et administrateur de cette dernière.

[54]          Sur la base de sa relation d'administrateur/cadre avec CCBC, M. Mason était rémunéré sous forme de contributions de CCBC à une police d'assurance et à un régime de retraite. Les avances fixes d'honoraires, le remboursement des dépenses, les clauses d'indemnisation et d'assurance de chacune des conventions de gestion ainsi que la clause en matière de primes de la convention de 1994 conclue entre l'appelante et CCBC indiquent que l'on versait en fait un salaire à un employé plutôt que des honoraires à un entrepreneur indépendant.

[55]          En conclusion, l'intimée soutient que, compte tenu de toutes les circonstances, compte tenu de l'ensemble de la preuve et compte tenu de l'examen de l'ensemble des divers éléments composant la relation entre les parties comme l'exige l'arrêt Wiebe Door, si ce n'était de l'existence de Criterion, il serait raisonnable de considérer M. Mason comme fournissant des services à CCBC en tant qu'employé et non en tant qu'entrepreneur indépendant.

[56]          M. Mason est un employé de CCBC en sa qualité de président-directeur et d'administrateur; l'alinéa 125(7)d) n'exige même pas qu'il soit raisonnable de considérer M. Mason comme un cadre ou un employé relativement aux services fournis à CCBC. Il exige seulement que M. Mason soit un employé de CCBC. Comme M. Mason est un employé de CCBC et fournit pour CCBC des services de la nature d'un emploi, les appels pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 de l'appelante doivent être rejetés.

[57]          En tant qu' « entreprise de prestation de services personnels » , l'appelante est limitée aux déductions prévues à l'alinéa 18(1)p).

Analyse et décision

[58]          Je reconnais la crédibilité de M. Mason et, à mon avis, compte tenu de la documentation présentée et de la déposition orale de M. Mason, les principales observations de l'avocat de Criterion étaient exactes. Mes principales raisons sont les suivantes :

1.              Criterion avait plusieurs autres clients dans les années considérées en l'espèce.

2.              En plus de M. Mason, deux autres personnes travaillaient pour Criterion, dont une par l'intermédiaire d'une société.

3.              Le travail de M. Mason accompli par l'intermédiaire de Criterion était plus que le travail attendu d'un président et administrateur.

4.              L'application des critères de l'arrêt Wiebe Door indique davantage l'existence d'une relation d'entrepreneur indépendant. Assurément, les critères du « contrôle » et de la « propriété des instruments de travail » , y compris concernant le réseau de relations et l'achalandage, mènent à cette conclusion.

5.              Criterion avait des actifs importants et de gros frais d'exploitation, et seuls les frais d'exploitation relatifs à des missions précises étaient remboursés.

6.              Il ne s'agissait pas d'une opération trompe-l'oeil.

7.              L'existence de trois bureaux, la propriété du mobilier et d'autres articles dans le bureau de CCBC et le paiement d'un loyer pour ce bureau n'indiquent pas une relation employeur-employé.

8.              Les conventions de gestion disent toutes que Criterion était un entrepreneur indépendant.

En conséquence, j'estime que Criterion n'était pas durant les années en cause une entreprise de prestation de services personnels, et les appels sont admis, avec dépens.

[59]          En raison de cette conclusion, il n'est pas nécessaire de traiter des observations de l'avocat de Criterion quant au montant des dépenses non admises pour 1994, mais, si j'avais à le faire, je statuerais que les observations détaillées au paragraphe 17 des présents motifs étaient exactes et applicables.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour de juillet 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-4603(IT)G

ENTRE :

CRITERION CAPITAL CORPORATION,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus les 24 et 25 septembre 2001 à Vancouver (Colombie-Britannique),

par l'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions

Avocats de l'appelante :              Me Sadie Wetzel

                                                Me Douglas Morley

Avocate de l'intimée :                 Me Lynn Burch

JUGEMENT

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 sont admis, avec dépens, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'octobre 2001.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juillet 2002.

Martine Brunet, réviseure

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