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Dossier : 2003-772(IT)I

ENTRE :

TERRY KEEFE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 2 octobre 2003, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

MP. Michael Appavoo

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la  Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000 est accueilli et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de novembre 2003.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’octobre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2003CCI791

Date : 20031113

Dossier : 2003-772(IT)I

ENTRE :

TERRY KEEFE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelant a interjeté appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 1998, 1999 et 2000, dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté à titre de revenu un avantage non déclaré relatif à une automobile que son employeur mettait à sa disposition de 13 254 $, de 13 217 $ et de 12 072 $, respectivement, pour chacune des années d’imposition en cause.

 

FAITS

 

[2]     L’appelant s’est représenté lui‑même et a témoigné pour son propre compte. Il est l’unique actionnaire de même qu’un employé de la société Keefe Bros. Carpet Ltd (la société « Keefe Bros. »). Il a témoigné en faisant preuve de beaucoup de franchise. Ses réponses étaient directes et claires et elles correspondaient à ce à quoi on s’attendrait de la part d’une personne sensée exploitant une petite entreprise. Je n’ai aucune raison de croire qu’il n’a pas dit la vérité lorsqu’il a exposé comment son entreprise était exploitée ou la nature et la fréquence de son utilisation du Jeep Cherokee.

 

[3]     L’appelant a aussi appelé à témoigner M. Mark Potter, un comptable agréé du cabinet qui, au fil des ans, a fourni des conseils comptables à l’appelant et à Keefe Bros.

 

[4]     L’intimée, en revanche, n’a appelé personne à témoigner et n’a présenté aucun document. Le ministre s’est fondé sur les hypothèses dans la réponse à l’avis d’appel et sur le contre‑interrogatoire des témoins de l’appelant.

 

[5]     Les éléments suivants ne sont pas contestés :

 

·        tout au long des années d’imposition, Keefe Bros. mettait un véhicule, dans chaque cas un « Jeep Cherokee », à la disposition de l’appelant;

·        le prix d’achat du Jeep Cherokee était de 50 853 $ pour les années d’imposition 1998 et 1999 et de 50 646 $ pour l’année d’imposition 2000;

·        l’appelant n’a tenu de registre pour aucune des années d’imposition;

·        l’appelant parcourait environ 40 000 km par année d’imposition avec le Jeep Cherokee, et, de ce nombre, approximativement 7 500 km étaient parcourus à des fins personnelles.

 

[6]     L’appelant est l’âme dirigeante de Keefe Bros. En plus de l’appelant, la société compte parmi ses employés l’épouse de l’appelant, qui joue le rôle de commis comptable et d’adjointe administrative. Pendant les 28 dernières années,  Keefe Bros. a effectué la fourniture et l’installation de revêtements de sol commerciaux, principalement du tapis et du revêtement de sol en plaques. La plupart du travail de l’appelant est exécuté dans les bureaux des clients ou sur le chantier, plutôt que dans les locaux de Keefe Bros.

 

[7]     L’appelant demeure à Newmarket, et sa maison est située à environ  14 kilomètres du bureau de Keefe Bros. à Richmond Hill. Les chantiers sont situés à peu près dans un rayon de 100 kilomètres à partir du bureau d’affaires à Richmond Hill. L’appelant a l’habitude de passer voir ses clients dans leur lieu d’affaires pour leur montrer des échantillons, établir un prix de soumission et leur fournir des échantillons de revêtement de sol. Dans le cours normal de l’exercice de ses fonctions, il se rend régulièrement sur les chantiers des clients pour superviser le travail effectué et pour régler les problèmes qui se posent lors des travaux d’installation.

 

[8]     L’appelant a témoigné que, généralement, l’installation de revêtements de sol devait être effectuée les soirs ou les fins de semaine, particulièrement lorsqu’il s’agissait d’édifices occupés par les clients ou d’édifices gouvernementaux, étant donné que les clients se plaignent souvent de l’odeur de la colle utilisée pour les revêtements de sol. L’appelant, en tant que propriétaire exploitant unique de Keefe Bros., est la personne qui, en fin de compte, a la responsabilité de régler les problèmes ou de prendre les décisions sur les chantiers. Il a indiqué qu’il était [traduction] « en disponibilité tous les jours 24 heures sur 24 » et qu’il devait être prêt à aider l’équipe chargée de l’installation lorsqu’elle avait besoin de lui. Il a estimé qu’on aurait besoin de lui sur le chantier en dehors de ce qu’il considérait les « heures ouvrables » environ 50 % du temps.

 

[9]     L’appelant a décrit le Jeep Cherokee comme un véhicule qui était [traduction] « exclusivement un outil de travail », mais il a dit que [traduction] « à l’occasion », il lui arrive de prendre le Jeep Cherokee pour retourner chez lui à la fin de sa journée de travail. Il a indiqué qu’il faisait cela parce que, parfois, il rentrait tard à la maison directement à partir du chantier, il devait aller directement chez un client le lendemain matin, ou il devait réagir à une situation d’urgence sur un chantier pendant la nuit. Il a également mentionné qu’il n’aimait pas laisser le Jeep Cherokee chez Keefe Bros. à Richmond Hill, étant donné que le bureau était situé dans un centre industriel au fond d’un cul‑de‑sac.

 

[10]    L’appelant avait accès à divers degrés à d’autres véhicules pour ses déplacements à des fins personnelles : le premier est un Jeep « TJ » 1992 (que son fils adolescent monopolise actuellement) et le second est l’automobile de son épouse. L’appelant est le seul à avoir accès au Jeep Cherokee de Keefe Bros., mais il a témoigné qu’il utilisait le véhicule de temps à autre pour magasiner, pour aller mener ses enfants au cinéma ou pour faire d’autres travaux domestiques. L’avocat de l’intimée a contre‑interrogé l’appelant concernant la mesure dans laquelle le véhicule était utilisé à des fins personnelles, et ses réponses correspondaient à sa preuve directe.

 

[11]    Pour appuyer sa description d’une semaine de travail normale, l’appelant a établi un exemple de registre pour la semaine du 15 au 19 septembre 2003. Il a indiqué clairement dans sa preuve directe et lors du contre‑interrogatoire que cet exemple de registre ne représentait pas l’usage réel qu’il avait fait du Jeep Cherokee pendant les années d’imposition en litige.

 

[12]    Aucun élément de preuve détaillé n’a été présenté à cet égard, mais il semble que le ministre a mis en doute la validité de la demande de réduction des frais pour droit d'usage d'une automobile de l’appelant pendant une vérification de TPS générale de Keefe Bros. Quoi qu’il en soit, l’appelant a témoigné qu’il avait pleinement collaboré avec les fonctionnaires de l’Agence des douanes et du revenu du Canada tout au long du processus de vérification, et son témoignage n’a pas été contredit par l’avocat de l’intimée. Plus particulièrement, l’appelant a aidé à établir le nombre total de kilomètres parcourus pendant chacune des années d’imposition et à calculer la proportion de l’utilisation du véhicule à des fins personnelles.

 

[13]    M. Mark Potter, un comptable agréé du cabinet Norton McMullen & Co, a été appelé à témoigner pour l’appelant. Depuis plusieurs années, ce cabinet fournit des services de comptabilité à Keefe Bros. et à l’appelant personnellement. M. Potter a donné un avis professionnel à l’appelant et à Keefe Bros. concernant les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile et l’avantage relatif au fonctionnement d’une automobile et a calculé la réduction des frais pour droit d'usage d'une automobile.

 

[14]    Il a dit qu’il connaissait la nature des activités de l’entreprise de Keefe Bros. Pendant au moins les 20 dernières années, Keefe Bros. a eu comme pratique d’acheter un nouveau véhicule pour la société aussitôt que près de 60 000 kilomètres avaient été parcourus avec le véhicule. Chaque année, lors de l’établissement des déclarations de revenu pour Keefe Bros. et l’appelant, il considérait l’utilisation que l’appelant avait fait du véhicule à des fins autres que professionnelles. M. Potter a conseillé à l’appelant de demander une réduction des frais pour droit d'usage d'une automobile en raison de ce qu’il savait et des recherches qu’il avait effectuées dans la jurisprudence sur cette question.

 

[15]    Lorsqu’il a présenté les arguments pour le ministre, l’avocat a attiré l’attention sur le fait que l’appelant avait admis que 7 500 des 40 000 kilomètres qu’il avait parcourus dans le Jeep Cherokee au cours de chacune des années d’imposition étaient [traduction] « relatifs à l’utilisation à des fins personnelles par l’appelant » du véhicule que son employeur mettait à sa disposition.

 

[16]    Au moyen de ces données brutes, l’intimée a calculé que 81 % de la distance parcourue était parcourue à des fins professionnelles. C’est sur ce pourcentage que le ministre s’est fondé pour formuler l’hypothèse figurant à l’alinéa 9g) de la réponse à l’avis d’appel, qui est rédigé ainsi :

 

          [traduction]

 

g)         au cours des années d’imposition 1998, 1999 et 2000, l’appelant a utilisé les véhicules Cherokee principalement dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi auprès de la société; toutefois, la totalité, ou presque, des kilomètres parcourus avec ces véhicules n’ont pas été parcourus par l’appelant dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi auprès de la société;

 

POINT EN LITIGE

 

[17]    La question est de savoir si les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile et les avantages relatifs au fonctionnement d’une automobile concernant les automobiles mises à la disposition de l’appelant ont été inclus à juste titre par le ministre dans le revenu de l’appelant pour les années en cause.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[18]    Les dispositions législatives pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sont énoncées en partie ci‑dessous :

 

6(1)a)

 

[...]

 

(iii)       ceux qui étaient des avantages relatifs à l'usage d'une automobile,

 

[...]

 

e)         Frais pour droit d’usage d’une automobilelorsque son employeur ou une personne liée à son employeur a mis au cours de l'année une automobile à sa disposition (ou à la disposition d'une personne qui lui est liée), l'excédent éventuel de la somme visée au sous alinéa (i) sur le total visé au sous‑alinéa (ii) :

 

[...]

 

k)         Avantage relatif au fonctionnement d’une automobile – lorsqu'une somme est déterminée en application du sous‑alinéa e)(i) relativement à une automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, qu'un montant au titre du fonctionnement de l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) pour la ou les périodes de l'année au cours desquelles l'automobile a été mise à sa disposition ou à la disposition d'une personne qui lui est liée est payé ou payable par l'employeur du contribuable ou par une personne liée à cet employeur (l'employeur et cette personne étant appelés « payeur » au présent alinéa) et que le total des montants ainsi payés ou payables n'est pas versé au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée, le montant lié au fonctionnement de l'automobile, qui correspond au résultat du calcul suivant :

 

A-B

où :

A         représente :

 

(i)         lorsqu'une somme est déterminée en application du sous‑alinéa e)(i) relativement à une automobile dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, qu'un montant au titre du fonctionnement de l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) pour la ou les périodes de l'année au cours desquelles l'automobile a été mise à sa disposition ou à la disposition d'une personne qui lui est liée est payé ou payable par l'employeur du contribuable ou par une personne liée à cet employeur (l'employeur et cette personne étant appelés « payeur » au présent alinéa) et que le total des montants ainsi payés ou payables n'est pas versé au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée, le montant lié au fonctionnement de l'automobile, qui correspond au résultat du calcul suivant,

 

(ii)        dans les autres cas, le produit de la multiplication du montant prescrit pour l'année par le nombre total de kilomètres parcourus par l'automobile (autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable) au cours de la ou des périodes en question;

 

B          le total des montants relatifs au fonctionnement de l'automobile au cours de l'année versés au payeur, au cours de l'année ou des 45 jours suivant la fin de l'année, par le contribuable ou par la personne qui lui est liée;

 

[...]

 

6(2)

 

(2) Frais raisonnables pour droit d’usage d’une automobile. Pour l'application de l'alinéa (1)e), la somme qui représente les frais raisonnables pour droit d'usage d'une automobile pendant le nombre total de jours d'une année d'imposition durant lesquels l'employeur d'un contribuable ou une personne liée à l'employeur a mis l'automobile à la disposition du contribuable ou d'une personne qui lui est liée est réputée égale au montant calculé selon la formule suivante :

 

            A x [2 % x (C x D)+ 2 x (E – F)]

            B                              3

 

où :

 

A         représente le moins élevé des éléments suivants :

 

a)         le nombre de kilomètres parcourus par l'automobile, autrement que dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi du contribuable, pendant le nombre de jours ci‑dessus;

 

b)         le montant représenté par l'élément B;

 

toutefois, le nombre visé à l’alinéa a) est réputé égal au montant représenté par l’élément B, sauf si l'employeur ou la personne liée à celui‑ci exige du contribuable qu'il utilise l'automobile dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi et si la totalité, ou presque, de la distance parcourue par l'automobile pendant le nombre de jours ci‑dessus est parcourue dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi;

 

B          le produit de 1 000 par le quotient de la division, par 30, du nombre de jours ci‑dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

 

C         le coût de l'automobile pour l'employeur ou pour la personne qui lui est liée si l'un ou l'autre est propriétaire de l'automobile à un moment de l'année;

 

D         le quotient de la division, par 30, du nombre de jours où l'employeur ou la personne qui lui est liée est propriétaire de l'automobile, compris dans le nombre total de jours ci‑dessus, ce quotient étant, s'il est supérieur à un, arrondi, le cas échéant, au nombre entier le plus proche, les résultats ayant cinq au plus en première décimale l'étant à l'entier inférieur;

 

E          le total des montants qu'il est raisonnable de considérer comme payables à un bailleur par l'employeur ou par la personne qui lui est liée, pour la location de l'automobile, pendant le nombre de jours où l'automobile est louée à l'employeur ou à la personne qui lui est liée, compris dans le nombre total de jours ci-dessus;

 

F          la partie du total représenté par l'élément E qu'il est raisonnable de considérer comme payable au bailleur au titre de tout ou partie du coût, pour celui‑ci, de l'assurance :

 

a)         contre la perte de l'automobile ou les dommages à celle‑ci;

 

b)         pour la responsabilité qui peut découler de son utilisation ou de son fonctionnement.

 

ANALYSE

 

[19]    Pour bien commencer, l’avocat a fait référence au IT-63R5 aux fins de l’analyse de la présente affaire. Il a par la suite attiré l’attention de la Cour sur la position de l’Agence selon laquelle l’expression « la totalité, ou presque » dans le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi signifie que [traduction] « 90 % ou plus de la distance parcourue par l’automobile que l’employeur mettait à la disposition du contribuable était parcourue dans l’accomplissement de […] emploi ou relativement à celui‑ci ».

 

[20]    Comme l’avocat, je trouve qu’il s’agit d’un bon point de départ, mais il y a plus. Ce qui figure dans le IT-63R5 est ce qu’on appelle la « règle générale » de l’organisation pour ce qui est de l’établissement de ce qui constitue « la totalité, ou presque » au sens de cette disposition. Le pourcentage de 90 % ne figure pas dans la loi elle‑même. De plus, la jurisprudence indique très clairement que ce qui constitue « la totalité, ou presque » est une question de fait qui dépend des circonstances de chaque cas.

 

[21]    Lorsqu’il a présenté son argumentation, l’appelant s’est fondé sur la décision D. McDonald c. La Reine, [1998] A.C.I. no 621 pour appuyer sa position selon laquelle son utilisation à des fins professionnelles de 81 % est visée par l’expression « la totalité, ou presque ». L’avocat de l’intimée a essayé d’établir une distinction entre l’affaire D. McDonald et la présente affaire au motif que, dans ce cas‑là, le juge Rip avait conclu que l’utilisation de l’automobile à des fins personnelles par l’appelant était inférieure à 10 % et qu’il n’était pas nécessaire d’établir la signification des termes « la totalité, ou presque ». Le juge s’est toutefois penché sur la question aux paragraphes [18] à [22] :

 

 18      Le mot « presque » n'est pas défini dans les dictionnaires comme représentant une partie fixe d'un tout. Le critère dit « règle des 90 p. 100 » est un guide approximatif qui est sans aucun doute pratique pour les répartiteurs et les conseillers fiscaux dans la détermination de ce qui constitue des frais raisonnables pour droit d'usage.

 

 19      The Oxford English Dictionary définit le mot « substantially » (correspondant à « presque ») comme signifiant, entre autres choses :

 

[traduction]

            b.         essentiellement, intrinsèquement

            c.         effectivement, réellement.

 

 20      Le même dictionnaire définit le mot « substantial » comme s'appliquant notamment à « une somme, une quantité ou des dimensions importantes ou considérables ».

 

 21      Dans la version française du paragraphe 6(2), les termes correspondant aux mots anglais « all or substantially all » sont « la totalité, ou presque ». Le mot « presque » est défini par Le Petit Robert comme signifiant « à peu près ». Le Robert & Collins, dictionnaire français‑anglais anglais-français n'inclut pas les mots anglais « substantial » ou « substantially » parmi les équivalents anglais du mot français « presque ». Les termes inclus sont : « almost » et « nearly ». Le mot anglais « substantially » est traduit dans le Robert & Collins par « considérablement » et « en grande partie ».

 

 22      Ces définitions de dictionnaire confirment que le terme « substantially » (presque), comme le faisait remarquer le juge Bowman, C.C.I., dans l'affaire Ruhl v. Canada, est élastique et ne convient guère pour exprimer l'idée d'une proportion déterminable de l'ensemble. Les termes anglais « substantially all » dans le contexte de l'alinéa 6(2)d) dans la version anglaise de la Loi n'ont pas à être interprétés comme correspondant à une proportion de 90 p. 100 ou plus; ils peuvent désigner une proportion moindre de l'ensemble, selon les faits. En l'espèce, au moins 85 p. 100 de la distance qui a été parcourue l'a été dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi de M. McDonald et, à mon avis, cela représente presque la totalité de la distance parcourue par l'automobile pendant le nombre total de jours au cours de laquelle celle-ci était à la disposition de M. McDonald.

 

[22]    L’appelant a également cité la décision McKay c. Canada, [2000] A.C.I. no 712, une affaire où il a été conclu qu’une utilisation de l’automobile à des fins professionnelles de 80 % était équivalente à « la totalité, ou presque » au sens de la Loi :

 

17      Le ministre estime que, pour qu'une voiture de tourisme soit utilisée par un contribuable en « totalité, ou presque » pour le transport de marchandises dans le cadre d'une activité commerciale, elle doit être utilisée dans une proportion de 90 p. 100 au moins dans le cadre de l'activité commerciale. De même, aux yeux du ministre, la voiture de tourisme est utilisée exclusivement dans le cadre d'activités commerciales si elle est utilisée à de telles fins dans une proportion d'au moins 90 p. 100. Les tribunaux ont parfois ramené ce seuil sous les 90 p. 100, tout dépendant des circonstances propres à chaque affaire. L'intimée prétend en outre que l'appelant, puisqu'il ne s'est pas prévalu, aux fins de l'impôt, de la déduction pour amortissement à l'égard du Silverado en 1997, ne peut se prévaloir du paragraphe 202(4) de la Loi et demander de CTI.

 

[23]    L’avocat de l’intimé a fait valoir qu’une distinction pouvait être établie entre la décision McKay et l’espèce parce que, comme il s’agissait d’une instance relative à la TPS, la règle n’était pas directement applicable. À mon avis, la Cour n’en approuve pas moins, en soi, les décisions Ruhl et Wood précitées.

 

[24]    L’avocat de l’intimée a cité une décision plus récente de la Cour canadienne de l’impôt, Guignard c. Canada, [2002] A.C.I. no 506. Tout en soulignant que la Cour décrivait la règle des 90 % comme une règle « arbitraire », l’avocat a allégué que cette décision appuyait la position du ministre, étant donné qu’aux paragraphes [18] et [19], le juge a expressément examiné la décision D. McDonald et a établi une distinction entre celle‑ci et les faits dans Guignard. Ce faisant, toutefois le juge Hershfield a expressément mentionné ce qui suit au paragraphe [20] : « je ne conteste pas l’analyse, dans l'affaire McDonald, de l’expression « presque » qui conclut qu’elle peut signifier moins de 90 % ».

 

[25]    Finalement, l’avocat de l’intimée a renvoyé à une décision récente de la Cour canadienne de l’impôt, Ilott c. R., [2002] A.C.I. no 675, comme un cas où la Cour avait conclu que « la totalité, ou presque » correspondait à une utilisation de l’automobile à des fins professionnelles de 90 % ou plus. Même si c’est le résultat qui a été obtenu, pour arriver à cette conclusion, le juge Margeson a accepté l’énoncé dans Wood selon lequel l’expression « la totalité ou la presque totalité » ne se prête pas à une « simple formule mathématique » :

 

88        La Cour est convaincue que même si la politique ministérielle de la cotisation est « la règle de 90 p. 100 », il ressort clairement des décisions qu’un pourcentage inférieur à cela pourrait être suffisant pour répondre aux besoins des appelants en l’espèce. De plus, la Cour est convaincue qu’aucune figure quantitative précise ne peut servir dans la détermination. La Cour doit examiner l’usage des camions dans le cadre des faits de chaque situation différente, et la Cour souscrit aux énoncés du juge Taylor dans l’affaire Wood, précitée, selon lesquels l’expression « la totalité ou la presque totalité » ne se prête pas à une simple formule mathématique. De plus, la Cour est d’avis que toute définition particulière du terme « presque » serait uniquement valide compte tenu du cadre dans lequel il est utilisé.

 

[26]    La position de l’intimée repose sur une « simple formule mathématique ». En niant que « la totalité, ou presque » des kilomètres parcourus dans le Jeep Cherokee avaient été parcourus dans l’accomplissement des fonctions de la charge ou de l’emploi, l’intimée se fonde sur un simple pourcentage qui provient des chiffres convenus découlant de la vérification de TPS. Un tel calcul peut constituer un bon point de départ, mais il ne s’agit que d’un seul des aspects de l’ensemble des circonstances relatives à l’usage de l’automobile dont il faut tenir compte pour rendre cette décision judiciaire.

 

[27]    Dans Ilott, le juge a indiqué qu’il incombait à l’appelant de prouver que « [74] […] sur la prépondérance des probabilités », « la totalité ou la presque totalité » de l’utilisation du véhicule en cause était en vue de gagner un revenu.

 

[28]    Je suis convaincue que l’appelant en l’espèce s’est acquitté de ce fardeau. Comme il est indiqué ci‑dessus, l’appelant et son comptable étaient tous les deux des témoins dignes de foi qui connaissaient bien leur domaine de travail.

 

[29]    Leurs témoignages ont permis d’établir que l’appelant était un propriétaire exploitant unique qui exploitait son entreprise dans un rayon de 100 kilomètres à partir de son lieu d’exploitation. La nature de son entreprise l’obligeait à être présent sur les lieux en fonction des besoins. Le succès de son entreprise dépend de sa capacité de se rendre dans les locaux du client pour obtenir des contrats et pour les exécuter. Je suis donc convaincue que « la totalité, ou presque » des kilomètres parcourus par le Jeep Cherokee ont été parcourus en vue de gagner un revenu.

 

[30]    Par conséquent, les appels interjetés à l’encontre des années d’imposition 1998, 1999 et 2000 sont accueillis, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’octobre 2007.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI791

 

NO DU DOSSIER :

2003-772(IT)I

 

INTITULÉ :

Terry Keefe c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 octobre 2003

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 novembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

MP. Michael Appavoo

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

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