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Dossier : 2002-3718(IT)G

ENTRE :

BARBARA QUINN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Les appels de Barbara Quinn (2002-3718(IT)G), Susan Tolley (2002-3719(IT)G), et Caedmon Nash (2002-3720(IT)G) ont été entendus ensemble à

Toronto (Ontario) le 5 juillet 2004

Devant : L'honorable R.D. Bell

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Mes Clifford L. Rand et

David C. Muha

Avocats de l'intimée :

Mes Arnold Bornstein, Sointula Kirkpatrick et Michael Appavoo

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1997 est admis avec dépens, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait :

(1)      que la juste valeur marchande des gravures à tirage limité signées et numérotées que l'appelante a données à la Ferris State University le 31 décembre 1999 s'élevait à 24 384 $;

(2)      que les gravures étaient des « biens à usage personnel » selon la définition figurant à l'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu, auxquelles les dispositions du paragraphe 46(1) de cette loi s'appliquaient, de sorte qu'aucun gain n'a été réalisé et qu'aucune perte n'a été subie lors de la disposition que l'appelante a effectuée au moyen du don;

(3)      que l'intimée a convenu d'annuler les pénalités.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 2004.

                  « R.D. Bell »                

Juge Bell

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI649

Date : 20040924

Dossier : 2002-3718(IT)G

ENTRE :

BARBARA QUINN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bell

POINTS LITIGIEUX :

1.        En ce qui concerne l'année d'imposition 1997 de l'appelante, quelle était la juste valeur marchande des 48 gravures à tirage limité signées et numérotées (chaque « gravure » et, collectivement, les « gravures » ) que l'appelante a données (le « don » ) à In Kind Canada ( « In Kind » ) le 15 octobre 1997, soit la date à laquelle le don a été fait ? Ce montant permettra de déterminer le montant du crédit d'impôt pour dons de l'appelante qui pourra être déduit en application du paragraphe 118.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de ce don.

2.        Si le montant du crédit d'impôt pour dons de l'appelante qui aura été calculé est plus élevé que le prix d'achat des gravures payé par l'appelante, les gravures étaient-elles des « biens à usage personnel » selon la définition figurant à l'article 54 de la Loi, auxquelles les dispositions du paragraphe 46(1) de la Loi s'appliquaient ? S'il s'agissait de « biens à usage personnel » , le prix de base rajusté de chacune de ces gravures pour l'appelante sera réputé s'élever à 1 000 $, de sorte qu'aucun gain n'aura été réalisé et qu'aucune perte n'aura été subie lors de la disposition effectuée au moyen du don.

LES FAITS :

[1]      L'appelante a été informée par son planificateur financier de la possibilité d'acheter des oeuvres d'art et de les donner à un organisme de bienfaisance en échange, aux fins de l'impôt, d'un reçu établi à la valeur marchande, qui serait plus élevée que le prix d'achat. L'appelante a déclaré avoir décidé de participer tant en vue de réduire son impôt sur le revenu qu'en vue d'accorder un avantage à un organisme de bienfaisance. Le 10 août 1997, l'appelante a acquis de CVIAM les gravures en question, soit 48 reproductions d'oeuvres d'art créées par Barry Barnett, moyennant un prix s'élevant à 8 648 $ en tout. Le 15 octobre 1997, l'appelante a donné les gravures à In Kind (le « don » ), un organisme de bienfaisance enregistré au sens de l'alinéa a) de la définition du « total des dons de bienfaisance » figurant au paragraphe 118.1(1) de la Loi ( « In Kind » ). In Kind a remis à l'appelante un reçu pour don daté du 16 octobre 1997, au montant de 25 280 $, à l'égard de 16 gravures de 225 $ chacune, de 16 gravures de 410 $ chacune et de 16 gravures de 945 $ chacune. L'appelante a joint ce reçu à sa déclaration de revenu relative à l'année d'imposition 1997 et, dans le calcul du total des dons de bienfaisance et du total des dons pour cette année-là, elle a inclus un montant de 25 280 $ à l'égard du don. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi une nouvelle cotisation à l'égard de cette année-là en réduisant le montant de la juste valeur marchande des 48 gravures au moment où le don avait été fait à ce qu'il en avait coûté à l'appelante, à savoir 8 648 $. Le ministre a également imposé à l'appelante des pénalités s'élevant à 3 770 $ conformément au paragraphe 163(2) de la Loi et au paragraphe 19(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu de l'Ontario. À l'audience, l'avocat de l'intimée a informé la Cour que les pénalités seraient annulées :

LE TÉMOIN EXPERT ROLLAND FORD

[2]      Rolland Ford ( « M. Ford » ) a été reconnu à titre d'expert dans le domaine des gravures à tirage limité. Ses titres de compétence sont fort impressionnants. Un résumé de ses études et de son expérience figure ci-dessous :

[TRADUCTION]

EXPÉRIENCE :

4/2002 jusqu'à la présente date    Mill Pond Press Venice, FL

VP, Ventes et marketing

Gère les efforts de promotion des ventes et de commercialisation auprès de clients nationaux et de distributeurs internationaux. Supervise toutes les décisions en matière de commercialisation. Participe aux prises de décisions afférentes aux nouveaux artistes, aux oeuvres d'art publiées, au chiffre de tirage, à la stratégie de prix et de distribution. Est responsable de l'expansion continue de nouveaux canaux de distribution. Est chargé de veiller à ce que la société se tienne au courant de ce qui se passe dans le domaine, notamment en ce qui concerne les changements apportés aux produits des concurrents. A élaboré et mis en oeuvre un programme régional de formation en matière de ventes pour tout le réseau de détaillants, au moyen de 14 séminaires régionaux. Gère le service des ventes internes. A élaboré un programme à l'intention des représentants extérieurs. A frayé la voie à une meilleure communication avec les marchands au moyen d'un site Web et de courriels.

11/2000 - 3/2002       Light of the Future Galleries Naperville, IL

Directeur des opérations

Gérait les efforts de promotion des ventes et de commercialisation de trois galeries d'art. Était responsable du contrôle des stocks, des décisions d'achat et de l'évaluation des produits. Embauchait et formait tout le personnel de vente. Élaborait et mettait en oeuvre des programmes de formation et des stratégies de vente. Fixait les horaires et les objectifs en vue de satisfaire aux objectifs de croissance de la société. Planifiait et gérait tous les événements majeurs. Prenait les décisions finales relatives à l'établissement des prix de tous les produits, y compris des oeuvres sur le marché secondaire.

2/1996 - 11/2000       Media Arts Group, Inc.          Naperville, IL

Directeur régional des ventes

A accru l'étendue du territoire de 1,3 milles à 5,1 milles en trois ans! Meilleur DRV pendant trois années sur quatre. L'objectif principal était de créer des possibilités de franchise auprès des propriétaires de magasins multiples. Supervisait toutes les étapes de franchisage depuis le plan d'entreprise initial jusqu'à l'ouverture officielle et aux activités ultérieures. Cherchait principalement à créer un climat de confiance et de respect auprès des principaux clients. A travaillé avec diligence à améliorer les comptes établis à faible volume. A élaboré un programme régional de formation qui a par la suite été utilisé par la société dans son ensemble. Rencontrait les propriétaires d'entreprises en vue d'examiner les profits et pertes, de définir les possibilités, de gérer les stocks et l'évolution du plan. Procédait au recrutement et assurait la formation sur les lieux.

1/1992 - 1/1996         Home Cable Concepts          Cincinnati, OH

Directeur de district

A mis sur pied une équipe professionnelle de 25 représentants, générant un revenu mensuel de plus de 200 000 $. A pris en charge un bureau qui s'était classé 46e sur 47 bureaux à l'échelle nationale et l'a amené au premier rang. Embauchait tous les membres du personnel, y compris les préposés au service et à l'administration. A élaboré et mis sur pied un nouveau programme de ventes utilisé à l'échelle nationale pour les nouvelles lignes de produits.

2/1985 - 1/1992         Entre Computer Centers       Stanford, CT

Directeur des ventes/directeur de la formation

A mis sur pied un nouveau service de formation dans le domaine des logiciels. A frayé la voie aux efforts de promotion des ventes auprès de sociétés locales, y compris des sociétés Fortune 500. Gérait les ventes au détail à tous les égards.

ÉTUDES :

NYU (CED)                  New York, NY, États-Unis

Formation professionnelle

- Certificat d'ordinatique

Andover Inst. of Business     Portland, ME, États-Unis

Grade d'associé

- Administration des affaires

[3]      Les remarques additionnelles sur l'expérience de M. Ford sont tirées du rapport que celui-ci a préparé. M. Ford a déclaré s'occuper de ventes d'oeuvres d'art à tirage limité depuis 1996, avoir principalement travaillé pour deux éditeurs différents d'oeuvres d'art à tirage limité et avoir géré trois galeries d'art de la région de Chicago qui vendaient des oeuvres d'art à tirage limité. En cette qualité, il achetait des oeuvres d'art d'éditeurs et d'artistes et les vendait au détail. Avant 1996, il avait également collectionné plus d'une douzaine de gravures à tirage limité. Il a déclaré qu'à l'heure actuelle, en sa qualité de vice-président, Ventes et marketing, chez Mill Pond Press, un éditeur de gravures à tirage limité, il est obligé de maintenir un niveau de connaissances fort élevé [TRADUCTION] « dans le domaine des gravures à tirage limité, en ce qui concerne les acteurs, le produit ainsi que les marchés de gros et de détail » .

[4]      Selon le rapport de M. Ford, le domaine des gravures à tirage limité englobe un groupe varié de genres, notamment des oeuvres représentant des animaux, de l'art moderne, des oeuvres d'inspiration, de l'art autochtone, des paysages, des oeuvres représentant des fleurs, des oeuvres nostalgiques, de l'art figuratif, des scènes sportives, des thèmes de l'Ouest, des oeuvres portant sur l'aviation et divers autres genres. M. Ford a fait référence à un article paru dans l'édition du mois de juillet 2002 de la revue Art Business News; il a décidé que les sujets les plus en vogue de gravures à tirage limité sont les paysages, suivi d'oeuvres représentant des fleurs et ensuite d'oeuvres représentant des animaux.

[5]      M. Ford a déclaré que les reproductions de gravures appartiennent à deux catégories, les gravures à tirage illimité et les gravures à tirage limité. Une gravure à tirage illimité n'est jamais numérotée et peut être produite en quantités illimitées. Dans le cas des gravures à tirage limité, l'artiste et l'éditeur se sont engagés à produire uniquement un certain nombre de gravures, le « chiffre de tirage » . À cause du nombre restreint d'oeuvres personnalisées par l'artiste, les tirages limités, selon M. Ford, sont par leur nature des oeuvres recherchées exclusives et collectionnables. M. Ford a déclaré que les gravures à tirage limité, lorsqu'elles sont « épuisées » sur le marché primaire (points de vente au détail), se vendront souvent sur le marché secondaire et que les gravures à tirage illimité ne se vendent généralement pas sur le marché secondaire. Dans son rapport, M. Ford déclare que les gravures à tirage limité sont presque toujours numérotées, une fraction indiquant au dénominateur le nombre de gravures tirées et au numérateur le numéro de la gravure particulière.

[6]      M. Ford a témoigné en outre que, dans un tirage limité, il y a souvent des gravures spéciales désignées sous le nom d' « épreuves » , la plus commune de ces désignations étant l' « épreuve d'artiste » . Ces épreuves sont généralement limitées à un pourcentage du tirage total (généralement moins de 25 p. 100) et la mention « EA » figure dans la marge de la gravure. Ce sont habituellement les premières gravures qui sont produites au moyen du procédé d'impression. M. Ford a dit que l'artiste examine ces gravures et apporte des améliorations à la technique d'impression en corrigeant les couleurs et ainsi de suite; il s'agit des gravures que l'artiste « imprime à titre d'essai » avant de mettre les autres gravures sous presse. Ces épreuves sont généralement considérées comme plus désirables et leur valeur est plus élevée.

[7]      M. Ford a ensuite déclaré qu'un artiste ajoute dans certains cas une petite oeuvre d'art originale dans la marge ou au verso d'une gravure ou embellit à la main la gravure au pinceau. Une gravure à laquelle l'artiste ajoute une peinture ou un dessin original est souvent désignée sous le nom de « remarque » . M. Ford a déclaré que ces gravures spéciales ne constituent généralement qu'une fraction minime du tirage total et se vendent souvent, sur les marchés de gros et de détail, à des prix dépassant de beaucoup la valeur des gravures « normales » signées et numérotées. M. Ford a dit que ces remarques tendent à augmenter de valeur plus rapidement sur un marché secondaire.

[8]      M. Ford a en outre déclaré que les gravures à tirage limité sont imprimées sur du papier de grande qualité, que des encres coûteuses et durables sont utilisées et que les gravures sont souvent mises sous presse de multiples fois, des plaques étant utilisées pour apporter de petites corrections à chaque gravure; il s'agit habituellement de corrections mineures apportées à la couleur. M. Ford a expliqué que pour les gravures à tirage illimité, on utilise du papier de moins bonne qualité et que les encres ne sont pas durables.

[9]      M. Ford a ensuite donné des explications au sujet de l'offset, soit le procédé d'impression le plus communément utilisé aux fins de la reproduction d'une oeuvre d'art à tirage limité. Il a expliqué le procédé en disant qu'une presse offset moderne est une machine à moteur munie d'un cerveau électronique qui peut coûter plusieurs millions de dollars. Ce procédé est appelé « offset » parce que le papier ne vient jamais vraiment en contact avec la presse à imprimer. M. Ford a déclaré que, dans la presse, l'image est transférée à un cylindre qui imprime ensuite l'image sur le papier et que l'image est donc « reportée » avant l'impression.

[10]     M. Ford a également donné des explications au sujet de la sérigraphie. On place une trame faite de soie ou d'un autre matériel bien tendu sur le substrat (généralement du papier). La trame bloque les zones où la peinture ne doit pas être appliquée au substrat. Après avoir décrit le reste du procédé, M. Ford a dit qu'à cause du travail et de l'habileté nécessaires pour créer une sérigraphie, ces oeuvres se vendent habituellement à un prix beaucoup plus élevé qu'un offset. Il a joint un livre intitulé The Complete Guide to Limited Edition Art Prints, de J. Brown, dans lequel l'offset et la sérigraphie sont décrits en détail.

[11]     M. Ford a mentionné d'autres types de procédés de production de gravures à tirage limité, dont l'un est connu sous le nom d' « eau-forte » , selon lequel une image est creusée sur une pierre ou sur une autre matière, la gravure étant créée en recouvrant la matière d'encre et en imprimant la matière sur le substrat. M. Ford a déclaré que l'offset n'est généralement pas considéré comme une « oeuvre d'art » .

[12]     M. Ford a parlé du chiffre de tirage des gravures à tirage limité en disant qu'il est fort variable. Il a déclaré que le chiffre de tirage des offset varie habituellement de 195 à 1950. Il a ensuite dit que certains artistes publient les gravures d'une image sur plus d'un substrat (par exemple sur une toile et sur du papier) et dans des dimensions différentes, chaque type de gravure formant une série distincte. Il a donné différents exemples du point jusqu'auquel les prix de différentes séries peuvent varier.

[13]     M. Ford a ensuite dit qu'il s'occupe directement sur une base régulière du processus d'établissement des prix des gravures à tirage limité. Il a dit que l'établissement du prix de détail d'une gravure est habituellement fonction du coût de production, de ce qu'il en coûte pour mettre la gravure sur le marché et de la demande sur le marché. Il a parlé des facteurs servant à déterminer le coût, le choix de la dimension de la gravure et le chiffre de tirage ainsi que l'établissement du prix de gros, qui doit être suffisamment élevé pour permettre à l'éditeur de rentrer dans ses frais et de faire un profit. Il a dit que parmi les autres facteurs qui influent sur la décision relative à l'établissement du prix, il y a le prix établi par les concurrents pour des gravures similaires, la renommée de l'artiste, le sujet et le succès que l'artiste a connu par le passé lorsqu'il s'est agi de vendre des gravures et ainsi de suite. Voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION]

En général, il n'y a qu'un faible écart attribuable à ces facteurs. Ainsi, une gravure d'une même dimension et du même type par un artiste célèbre, disons, Robert Bateman, n'aurait pas un prix beaucoup plus élevé qu'une gravure produite par un artiste régional moins bien connu. Toutefois, en général, les artistes les plus célèbres ont tendance à publier des gravures à plus fort tirage.

M. Ford a dit que l'éditeur vend généralement les gravures directement aux marchands à un prix de gros qui représente environ 50 p. 100 du prix de détail, les marchands étant les points de vente au détail où les gravures sont vendues, comme les galeries d'art et les boutiques de cadeaux et ainsi de suite. Il a dit qu'un éditeur n'accorderait qu'aux galeries « bien établies » un prix de gros, plutôt que le prix indiqué dans les listes de prix. Il a déclaré que si un éditeur apprenait qu'un détaillant vendait des gravures en accordant une forte remise par rapport aux prix de vente au détail, l'éditeur pourrait fort bien rompre ses relations avec le détaillant.

[14]     M. Ford a déclaré que la plupart des lithographies à tirage limité se vendent au détail à un prix variant de 170 à 340 $CAN. Il a dit que les éditeurs de gravures à tirage limité considèrent le marché nord-américain comme un seul marché et qu'il arrive communément que les artistes américains vendent leurs gravures au détail au Canada et vice versa. Il a exprimé l'opinion selon laquelle les prix de gros et de détail sont les mêmes pour des gravures similaires au Canada et aux États-Unis.

[15]     M. Ford a témoigné qu'il y a des millions d'acheteurs de gravures à tirage limité en Amérique du Nord et encore plus sur le marché international. Il a fait référence à un article paru dans l'édition du mois d'août 2003 d'Art Business News, dans lequel il est déclaré que, selon les estimations, le marché total des accessoires décoratifs et des décorations murales représentait plus de 35 milliards de dollars américains en 2002 et que ce montant serait composé, dans une proportion d'environ 10 p. 100, de gravures à tirage limité. Il a déclaré que Mill Pond Press était un réseau comptant environ 2 000 détaillants, dont environ 200 au Canada. Il a dit que le marché des gravures à tirage limité était extrêmement fort entre le début et le milieu des années 1990, qu'il était modérément fort à la fin des années 1990 [TRADUCTION] « et [qu'] il était déprimé au début des années 2000 » . Il a ajouté que les événements tragiques du « 11 septembre » et les effets néfastes que ces événements avaient eus sur l'industrie du tourisme avaient énormément nui aux galeries d'art dont la clientèle était composée de touristes.

[16]     M. Ford a ensuite dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

À ma connaissance, le marché des gravures à tirage limité n'a pas été touché par de gros dons de gravures, au Canada ou aux États-Unis. Avant que l'on ait retenu mes services afin de témoigner dans cette affaire, je n'avais jamais entendu parler d'un programme consortial de dons d'oeuvres d'art et je n'avais jamais entendu parler d'une société appelée CVI Art Management Inc.

[17]     À la fin de son rapport, M. Ford traite des gravures données par les trois appelants dont les appels ont été entendus ensemble. Voici ce qui y est dit :

[TRADUCTION]

E.          Gravures données par Caedmon Nash, par Barbara Quinn et par Susan Tolley

Les 26 et 27 mai 2004, j'ai examiné un certain nombre de gravures qui, m'avait-on dit, étaient identiques à celles qui avaient été données à des organismes de bienfaisance par les particuliers qui sont parties aux affaires dont la Cour de l'impôt est ici saisie. En particulier, j'ai examiné un grand nombre de gravures provenant de trois collections intitulées « A Distant Thunder » , « The Barry Barnett Collection » et « Nature & Wildlife » . J'ai également examiné une évaluation des gravures Barnett préparée par Cynthia Duval et les évaluations des autres gravures préparées par Robert Parks.

A Distant Thunder

Les gravures que j'ai examinées étaient des oeuvres de Carl Beam, Richard Bedwash, Russel Noganosh et Brian Marion. Il s'agissait de sérigraphiques de haute qualité tirées à 300 exemplaires (345 si l'on inclut les épreuves d'artiste). Les images étaient désirables et vendables. À mon avis, les valeurs indiquées dans l'évaluation de Robert Parks étaient plus faibles que les prix payés pour des types similaires de gravures qui se vendaient au détail en Amérique du Nord à la fin de l'année 1999.

Barry Barnett Collection

Les gravures que j'ai examinées étaient des gravures signées et numérotées, des épreuves d'artiste et des remarques de l'artiste américain Barry Barnett. Chacune des remarques comportait dans la marge un dessin exécuté à la main se rapportant au sujet de l'image. J'ai également examiné un exemple de « Certificat d'authenticité » (j'ai supposé qu'un certificat similaire accompagnait chaque gravure). Il s'agit de lithographies de premier ordre. Les images étaient désirables et vendables. À mon avis, les valeurs indiquées dans l'évaluation correspondent aux prix auxquels des gravures de qualité similaire se seraient vendues au détail en 1997 dans les galeries d'art en Amérique du Nord.

Nature & Wildlife

Les gravures que j'ai examinées étaient des gravures étampées et numérotées, chacune étant tirée à 155 exemplaires, créées par Lynn Donoghue, Adriene Veninger et Pamela Stagg. Il s'agissait de lithographies de premier ordre. Les images étaient désirables et vendables. À mon avis, les valeurs indiquées dans l'évaluation correspondaient à peu près aux prix payés au détail pour des gravures similaires en 1998 dans les galeries d'art en Amérique du Nord.

M. Ford a signé son rapport après avoir déclaré qu'il l'avait lui-même préparé et qu'au mieux de sa connaissance, les renseignements qui s'y trouvaient étaient exacts et complets. Ce rapport était daté du 2 juin 2004.

[18]     M. Ford a témoigné que le prix de la majorité des gravures à tirage limité variait de 125 à 250 $US. Il a ensuite déclaré que son entreprise, Mill Pond Press, ne publie pas un grand nombre de sérigraphies et que le prix des sérigraphies varie habituellement de 300 à 1 500 $US. Il a affirmé s'être rendu dans de nombreuses galeries d'art et avoir vu un grand nombre de sérigraphies produites par d'autres éditeurs ou par des artistes qui s'occupaient eux-mêmes de l'édition et :

[TRADUCTION]

[...] qu'avec les sérigraphies qui ont été publiées par Mill Pond, telle est la fourchette des prix.

[19]     Dans son témoignage oral, M. Ford a déclaré participer chez Mill Pond au processus de sélection des oeuvres d'art originales qui seraient tirées en petite quantité. Il a témoigné être membre du comité de sélection parce que c'était lui qui [TRADUCTION] « obt[enait] le plus d'information en retour des marchands au sujet de ce qui se vend[ait] » . Il a témoigné que [TRADUCTION] « presque tout le monde » est un client lorsque des gravures à tirage limité sont en cause. Plus précisément, voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION]

Ce sont les masses. Ce sont la plupart des gens. C'est probablement 75 p. 100 du public acheteur, les mêmes gens qui vont acheter un fauteuil inclinable chez Lazy Boy et les mêmes gens qui vont acheter les articles habituels dans tous les autres magasins.

M. Ford a également affirmé qu'il y a un vaste marché de gravures à tirage limité, dans les bureaux, avec ou sans l'aide de dessinateurs d'intérieurs. Il a déclaré que Mill Pond Press publie chaque année plus d'un million de gravures au prix de détail moyen de 200 $ par gravure et qu'il y a des centaines d'autres éditeurs aux États-Unis, dont environ 30 à 40 sont des [TRADUCTION] « acteurs importants » . Il a également dit que des millions de gravures à tirage limité sont vendues chaque année en Amérique du Nord.

[20]     L'avocat de l'appelant a posé la question suivante à M Ford :

[TRADUCTION]

Q. Vous avez ensuite dit, au premier paragraphe complet, page 11 :

« À ma connaissance, le marché des gravures à tirage limité n'a pas été touché par de gros dons de gravures, au Canada ou aux États-Unis » .

Voici ce que vous avez dit :

« Avant que l'on ait retenu mes services afin de témoigner dans cette affaire, je n'avais jamais entendu parler d'un programme consortial de dons d'oeuvres d'art et je n'avais jamais entendu parler d'une société appelée « C.V.I. Art Management Inc. »

À votre avis, pourquoi le marché n'aurait-il pas été touché par les programmes consortiaux de dons?

R.          Eh bien, probablement à cause du nombre et du pouvoir de mise en marché. Nous avons notre réseau de marchands d'oeuvres d'art. Nous envoyons des centaines de milliers de gravures chaque année et, en général, elles se vendent toutes et nous ne sommes que l'un de nombreux acteurs importants dans ce domaine. Nous avons l'avantage de la publicité et de la réputation, et ce, quel que soit le nombre de gravures en cause, qu'il y en ait 1 000 ou 10 000 ou n'importe combien.

Le meilleur exemple auquel je puis songer est le suivant : si l'on met 5 000 gravures sur le marché, par exemple à Ann Arbour (Michigan), on pourrait en donner une à chaque groupe de 200 spectateurs qui viennent d'assister à un match de football et il n'en resterait plus; or, je doute qu'en ma qualité de vice-président de Mill Pond, je doute qu'un des détaillants avec lesquels je traite au Michigan m'appellerait pour se plaindre d'avoir perdu une vente parce que quelqu'un d'autre distribuait des gravures.

Q.         N'avez-vous donc pas inondé le marché à Ann Arbour en faisant cela?

R.          Une gravure pour chaque groupe de 200 personnes? Non.

Q.         Et pourquoi? Cela ne diminue-t-il pas la demande de gravures à Ann Harbour?

R.          Non, à mon avis, non.

Q.         Et pourquoi?

R.          Simplement parce que l'on parle d'une ville, disons, de 300 000 habitants peut-être. Par conséquent, si une personne sur cinq achète une gravure à tirage limité à un moment donné au cours des deux ou trois années à venir, le marché ne sera pas vraiment touché, si une personne sur 200, lors d'un match de football, a obtenu l'une de ces gravures.

[21]     Les propos suivants ont ensuite été échangés :

[TRADUCTION]

Q.         [...] Pour une gravure « A Distant Thunder » , le montant indiqué dans l'évaluation de Robert Parks était de 350 $CAN. Vous dites ici, dans votre rapport, qu'à votre avis, le montant établi dans l'évaluation de Robert Parks est plus faible que les prix payés pour des types similaires de gravures, qu'un montant de 350 $CAN est inférieur aux prix payés pour des types similaires de gravures vendues au détail en Amérique du Nord en 1999. Pouvez-vous nous donner une idée du prix auquel ce genre de gravures, le même genre de gravures, se seraient vendues à ce moment-là?

R.          Bien sûr. Je dirais que ce serait le même prix ou un prix un peu plus élevé, je suppose que c'est ainsi que je le décrirais, et ce, pour de multiples raisons. Premièrement, il s'agit de sérigraphies, dont le procédé de fabrication est fortement axé sur la main-d'oeuvre et qui sont fort prisées sur de nombreux marchés, et ce, qu'il s'agisse du marché de masse, d'un marché un peu plus haut de gamme ou même du marché des beaux-arts. Avant d'écrire ce rapport, j'ai procédé à certaines vérifications, parce que je n'avais jamais entendu parler de Carl Dean et il semblait, selon les renseignements que j'avais pu trouver dans Internet, que les oeuvres de cet artiste étaient fortement commercialisables, que cet artiste jouissait d'une certaine célébrité et d'une certaine notoriété, et c'est important. Par conséquent, oui, j'ai fait des recherches à son sujet. Il y avait des points forts et des points faibles dans la collection, mais somme toute, les prix étaient plus ou moins les mêmes que les prix moyens de sérigraphies qui seraient obtenus pour des oeuvres similaires sur le marché.

Q.         En ce qui concerne la collection Barry Barnett, Mme Duval est l'évaluatrice et elle a évalué les gravures à 200 $US, les épreuves d'artiste à 400 $US et les remarques à 900 $US, et ce, dans chaque cas. Vous dites qu'à votre avis, ces valeurs correspondaient aux prix auxquels se seraient vendues au détail des gravures de qualité similaire en 1997 dans les galeries d'art en Amérique du Nord. Est-ce exact?

R.          C'est tout à fait exact.

Q.         Quant aux gravures de Susan Tolley, la collection « Nature & Wildlife » , elles ont été évaluées par M. Parks en 1998. La collection était composée d'oeuvres de différents artistes, des artistes dont les oeuvres représentaient des fleurs.

R.          Oui.

Q.         Certaines étaient évaluées à 280 $CAN, certaines étaient évaluées à 285 $CAN et d'autres à 290 $CAN. Ces prix correspondent-ils à peu près aux prix qui auraient été payés au détail pour des gravures similaires en 1998 dans des galeries d'art en Amérique du Nord?

R.         Oui, à peu près, et à coup sûr, compte tenu encore une fois du faible tirage, elles auraient été mises en marché à peu près à ce prix-là. Il s'agissait de lithographies de premier ordre, en ce sens qu'elles étaient imprimées sur du bon papier. Il semble que l'artiste ait utilisé de bonnes encres. Encore une fois, il y avait des points forts et des points faibles, mais je crois que somme toute c'était à peu près ce prix-là.

Q.         En fait, les programmes consortiaux de dons qui ont été portés à votre connaissance ont-ils eu un effet sur le marché, dans le domaine, votre domaine, en 1997, en 1998 et en 1999?

R.          À ma connaissance, non. Je n'en avais jamais entendu parler. Je m'intéresse à des associations dans le domaine des gravures à tirage limité, comme la National Association of Limited Edition Dealers. Nous nous réunissons, nous nous parlons au téléphone et je n'en avais non seulement jamais entendu parler, mais de plus il n'en avait jamais été question dans les conversations que j'avais eues avec qui que ce soit dans le domaine.

[22]     Pendant le contre-interrogatoire, M. Ford a déclaré que les oeuvres des artistes dont le travail a fait l'objet des dons n'avaient jamais fait partie des stocks de Mill Pond Press. Il a également dit qu'en ce qui concerne une des collections, il n'y avait pas de certificat d'authenticité et que Mill Pond Press n'aurait probablement pas publié de gravures de cette façon. Il a dit que certaines gravures n'étaient pas signées, que les initiales de l'artiste y étaient simplement étampées. Il a ensuite dit que Mill Pond Press n'aurait pas publié de gravures non signées. M. Ford a ajouté que lorsqu'une gravure était simplement étampée plutôt que signée, on ne pouvait pas savoir si l'artiste avait approuvé la gravure.

[23]     L'avocat de l'intimée a ensuite posé à M. Ford un certain nombre de questions auxquelles ce dernier a répondu par la négative. Il s'agissait de savoir s'il avait vérifié l'effet qu'avait eu CVIAM sur le marché en ce qui concerne les gravures de Barry Narnett, s'il avait vérifié la chose à l'égard de la collection « A Distant Thunder » , s'il l'avait fait pour l'un des artistes de la collection « Nature & Wildlife » et ainsi de suite.

RAPPORT D'EXPERT DE SANDRA J. TROPPER, ASA

[24]     Mme Sandra J. Tropper ( « Mme Tropper » ) a été reconnue à titre d'expert en évaluation de biens meubles, et notamment de gravures à tirage limité. Les titres de compétence de Mme Tropper semblent exceptionnels dans son champ d'expertise; ils sont ci-après énoncés :

[TRADUCTION]

TITRES DE COMPÉTENCE DE L'ÉVALUATRICE

Sandra Tropper, propriétaire d'Artemis, Inc., est marchand d'oeuvres d'art, expert-conseil et évaluatrice dans la région de Washington, D.C., depuis plus de vingt ans. En sa qualité de marchand privé, elle aide à l'achat d'oeuvres d'art originaires, et notamment de gravures à tirage limité, de tableaux, de sculptures et d'objets d'artisanat contemporain. Elle compte parmi ses clients des personnes morales (y compris de gros cabinets comptables, de gros cabinets d'avocats, des associations professionnelles, etc.), des collecteurs privés et des organismes gouvernementaux.

Elle a obtenu un baccalauréat en histoire de l'art et en économie politique du collège Sweet Briar, à Sweet Briar (Virginie), en 1973. Elle a obtenu sa maîtrise en arts, dans le domaine de l'histoire de l'art, de l'université George Washington, à Washington, D.C., en 1986. En 1975, elle a également obtenu une maîtrise en arts, dans le domaine des études internationales, de l'université John Hopkins, Paul Nitze School of Advanced International Studies, Bologne, Italie, et Washington, D.C.

En plus de ses antécédents universitaires dans le domaine de l'histoire de l'art, Mme Tropper a suivi des cours de formation pratique dans le domaine des beaux-arts au Corcoran School of Art, au Smithsonian Institution, à Pyramid Atlantic, et au Maryland College of Art and Design.

Mme Tropper est évaluatrice principale accréditée (ASA) auprès de l'American Society of Apparaisers, une organisation internationale multidisciplinaire de certification et d'accréditation. L'American Society of Appraisers offre un programme obligatoire de recertification à tous ses principaux membres et Mme Tropper a suivi ce programme. À l'heure actuelle, elle est membre du comité national des biens meubles de l'ASA et membre du comité d'examen. Elle agit également à titre de représentante de l'ASA auprès du groupe de travail chargé de la terminologie, des applications et des concepts du Centre for Advanced Property Economics aux fins de la réinterprétation des définitions données en matière d'évaluation dans les Uniform Standards of Professional Appraisal Practice (Règles uniformes de pratique en matière d'évaluation professionnelle). Elle est chargée des cours en matière d'évaluation des biens meubles de l'ASA, y compris les cours intitulés Personal Property 203: Report Writing et Personal Property 204: The Legal and Commercial Environment.

Mme Tropper a suivi des cours sur la théorie et la pratique en matière d'évaluation, y compris les cours suivants : Principes d'évaluation (évaluation des biens meubles); Recherche et analyse en matière d'évaluation des biens meubles; Rédaction de rapports d'évaluation de biens meubles (cours de maître); Évaluateurs de biens meubles et pratique (normes et obligations); Règles uniformes de pratique des évaluateurs professionnels (2001). De plus, elle a suivi de nombreux cours et séminaires, portant notamment sur l'évaluation des biens meubles (évaluation d'objets d'art et d'objets d'art décoratif); Arts décoratifs asiatiques; Gravures sur bois japonaises; Peinture victorienne; Évaluation de photographies; Conservation, analyse et interprétation d'oeuvres d'art, Williamstown Art Conservation Center's Summer Institute; un cours intitulé Beyond Warp and Weft (connaissances, conservation et évaluation de textiles); Biens culturels (diligence raisonnable et provenance, questions de droit et d'éthique) et Art populaire américain.

Elle est membre d'ArtTable, une organisation nationale de femmes s'intéressant aux arts, et de Charter 100, une organisation nationale de femmes professionnelles.

[25]     La lettre d'envoi adressée à Me Cliff Rand, avocat des appelants, que Mme Tropper a jointe à son rapport est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

Monsieur,

            Conformément à la demande que vous avez faite en vue de la préparation d'un rapport d'évaluation de la juste valeur marchande de 233 gravures de divers artistes (Barry Barnett, Lynn Donoghue, Pamela Stagg, Adriene Veninger, Carl Beam, Russel Noganosh, Richard Bedwash et Brian Marion), j'ai inspecté des biens comparables à vos bureaux les 16 et 17 mai 2004, à mon bureau, à Bethesda (Maryland), le 24 mai et le 2 juin 2004, et à l'hôtel Crowne Plaza, à Arlington (Virginie), le 30 mai 2004. Je crois comprendre que les gravures que j'ai inspectées proviennent des mêmes tirages, mais qu'il ne s'agit pas des gravures elles-mêmes qui ont été données. J'ai supposé que les gravures données sont comparables à tous les égards, y compris quant à leur état.

Compte tenu de l'inspection des biens à laquelle j'ai procédé et de recherches ultérieures, y compris l'analyse des marchés des artistes et la vente de biens comparables, je suis arrivée à la conclusion selon laquelle, aux dates auxquelles les dons ont été faits, les justes valeurs marchandes des biens en question étaient les suivantes :

Barry Barnett : juste valeur marchande de 48 gravures au 15 octobre 1997 : 24 384 $

Lynn Donoghue : juste valeur marchande de 44 gravures au 3 décembre 1998 : 10 560 $

Pamela Stagg : juste valeur marchande de 35 gravures au 3 décembre 1998 : 8 750 $

Adriene Veninger : juste valeur marchande de 21 gravures au 3 décembre 1998 : 4 620 $

(Juste valeur marchande totale des gravures de la collection Nature and Wildlife : 23 930 $)

Carl Beam : juste valeur marchande de 25 gravures au 31 décembre 1999 : 10 625 $

Russel Noganosh : juste valeur marchande de 17 gravures au 31 décembre 1999 : 5 525 $

Richard Bedwash : juste valeur marchande de 25 gravures au 31 décembre 1999 : 8 775 $

Brian Marion : juste valeur marchande de 18 gravures au 31 décembre 1999 : 5 332 $

(Juste valeur marchande totale de gravures de la collection A Distant Thunder : 30 257 $)

            Veuillez noter que les conclusions qui sont ici tirées se rapportent à la juste valeur marchande des oeuvres d'art destinées à faire l'objet des dons de bienfaisance. À toutes fins utiles, dans le présent document, la juste valeur marchande s'entend de la définition donnée dans le jugement rendu par le juge Cattanach dans l'affaire Henderson v. Minister of National Revenue, 1973 Carswell Nat 189, [1973] C.T.C. 636, 73 D.T.C. 5471. Dans ce jugement, la juste valeur marchande est définie comme étant le prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs et de vendeurs sérieux qui n'ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont pas obligés d'acheter ou de vendre.

            En préparant ce rapport, j'ai observé les dispositions du code de déontologie de l'American Society of Appraisers et je me suis conformée aux normes promulguées dans les Règles uniformes de pratique en matière d'évaluation professionnelle de l'Appraisal Foundation, une organisation représentant les principales organisations s'occupant d'évaluation à l'échelle nationale. De plus, je n'ai jamais eu d'intérêt et je n'ai aucun intérêt actuel ou futur à l'égard des biens visés par le présent rapport.

            Je vous remercie de m'avoir permis de vous offrir mes services dans cette affaire.

Veuillez agréer l'expression de mes meilleurs sentiments.

Sandra Tropper, ASA

American Society of Appraisers

[26]     Mme Tropper a également inclus une page de définitions de termes utilisés en matière d'évaluation, laquelle est ainsi libellée :

[TRADUCTION]

DÉFINITIONS DE TERMES UTILISÉS EN MATIÈRE D'ÉVALUATION

Évaluation de biens meubles

            L'évaluation est une opinion informée sur la valeur, la qualité, l'état et l'authenticité d'un bien meuble. Cette opinion est fondée sur les études et la formation de l'évaluateur, sur l'expérience à l'égard du marché et sur des recherches. L'évaluation d'un bien meuble doit être utilisée en entier, y compris les réserves dont il est fait mention aux pages 104 et 105.

Objet et fonction de la présente évaluation

            La présente évaluation a pour objet de permettre d'arriver à une conclusion au sujet de la juste valeur marchande d'oeuvres d'art. Elle a pour fonction d'appliquer ces valeurs dans le contexte de dons de bienfaisance consentis à des organismes à but non lucratif.

Juste valeur marchande

            La juste valeur marchande est définie comme étant le prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs et de vendeurs sérieux qui n'ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont pas obligés d'acheter ou de vendre. (Juge Cattanach, dans Henderson v. Minister of National Revenue, 1973 Carswell Nat 189, [1973] C.T.C. 636, 73 DTC 5471)

Méthode d'évaluation

            Les biens meubles sont évalués au moyen de la méthode de la comparaison des données du marché, de la méthode du coût ou de la méthode du revenu ou de la production de revenu. En ce qui concerne les oeuvres d'art dont il est ici question, la méthode du marché a été utilisée. Après mûre réflexion, il a été jugé que les autres méthodes ne convenaient pas.

Méthode de la comparaison des données du marché

            La méthode de la comparaison des données du marché comporte un examen et une comparaison d'opérations concernant des biens analogues ou comparables qui ont été conclues sur le marché approprié, afin d'arriver à une valeur marchande convenable. Étant donné qu'il y a des biens comparables sur le marché, l'évaluatrice a choisi cette méthode en vue d'évaluer les biens dont il est ici question.

Méthode du coût

            La méthode du coût permet d'en arriver à une conclusion au sujet du coût de remplacement du bien amorti au moyen d'une reproduction du bien, d'un nouveau bien ou d'un bien de remplacement. Ce coût peut également inclure le coût des réparations nécessaires afin de remettre le bien dans son état initial. Étant donné qu'il existe des biens comparables sur le marché, cette méthode ne convient pas.

Méthode du revenu

            La méthode du revenu est employée lorsqu'un objet sera utilisé afin de générer un revenu dans l'avenir. (Généralement, on a recours à cette méthode lorsque le bien en question est loué; il faut tenir compte de l'amortissement puisque la location peut réduire avec le temps la durée économique de l'objet en raison de sa manipulation et de son utilisation). Les biens dont il est question dans ce rapport ne peuvent pas générer de revenu sauf s'ils sont vendus et l'évaluatrice n'a pas choisi cette méthode.

État/Qualité

            L'état et la qualité sont notées en ordre décroissant comme suit :

excellent, bon, moyen, passable et mauvais.

[27]     Mme Tropper poursuit son rapport en faisant un exposé de 26 pages, suivi d'une description fort détaillée des 233 gravures en cause dans cet appel; elle indique le type de gravure, les matières utilisées, la dimension, le nombre de gravures; elle indique si l'oeuvre est signée; elle donne une description fort complète et indique la juste valeur marchande de chaque oeuvre.

[28]     De toute évidence, il n'est pas possible de reproduire ici le document au complet. En résumé, Mme Tropper a inspecté les trois groupes de gravures, et notamment 48 gravures de Barry Barnett, 100 gravures regroupées sous le titre « Nature & Wildlife » et 85 gravures regroupées sous le titre « A Distant Thunder » . Elle est arrivée à une conclusion au sujet de la juste valeur marchande de chaque gravure à la date pertinente à laquelle le don avait été fait :

          Gravures de Barry Barnett - 15 octobre 1997

          Nature & Wildlife - 3 décembre 1998

          A Distant Thunder - 31 décembre 1999

Mme Tropper a décrit les antécédents des artistes; elle a donné une description générale des oeuvres d'art et elle a examiné le marché sur lequel les oeuvres des artistes étaient vendues. Pour les groupes et les artistes en question, elle a parlé du marché sur lequel ces gravures se vendaient régulièrement « dans le cours ordinaire des affaires » . En ce qui concerne les gravures regroupées, elle a parlé des antécédents de chaque artiste et du marché séparément, en notant également les similarités.

[29]     Mme Tropper a déclaré avoir cherché à établir la juste valeur marchande aux fins du calcul du montant du don de bienfaisance aux dates pertinentes selon la définition de la « juste valeur marchande » figurant dans le jugement rendu par le juge Cattanach dans l'affaire Henderson v. Minister of National Revenue, 73 DTC 5471. Dans son exposé, elle dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] dans ce jugement, la juste valeur marchande est définie comme étant le prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs et de vendeurs sérieux qui n'ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont aucunement obligés d'acheter ou de vendre.

[30]     Mme Tropper a indiqué les taux de conversion de dollars américains en dollars canadiens à la date appropriée. Elle a en outre déclaré qu'elle avait considéré chaque oeuvre comme un bien distinct et que chaque oeuvre aurait un prix sur le marché. Elle a examiné les marchés libres qui ont été définis comme « n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles » , et sur lesquels personne n'est contraint d'acheter ou de vendre si ce n'est en vue d'acheter une oeuvre d'art en tant que placement, en tant qu'ornement décoratif ou en tant qu'ajout à une collection.

[31]     Mme Tropper a dit que les appelants avaient acheté les gravures à un prix réduit compte tenu d'une possibilité offerte par CVIAM. Elle a ajouté que les gravures n'avaient pas été achetées sur le marché libre, soit une condition à remplir pour en arriver à la juste valeur marchande des oeuvres. Elle a ajouté que les gravures n'avaient pas été achetées par les donateurs sur le marché où les biens de ce genre se vendraient normalement dans le cours ordinaire des affaires. Elle a déclaré qu'il y a diverses couches de marché dans les nombreux types de galeries d'art et de marchands d'oeuvres d'art des milieux artistiques. Elle a ensuite dit que la couche de marché qui permet de déterminer la juste valeur marchande d'une oeuvre d'art individuelle :

[[TRADUCTION]

[...] est le marché libre commun de détail, où un bien devrait raisonnablement rapporter le prix le plus élevé au vendeur et le marché où pareil bien se vend « de façon normale » dans le « cours ordinaire des affaires » .

[32]     Mme Tropper a décrit les trois marchés distincts qui ont été pris en considération. Le premier est le marché de l'offset représentant des animaux (dans le cas de Barry Barnett). Le deuxième est le marché de l'offset représentant un thème général (dans le cas des gravures « Nature & Wildlife » ). Le troisième est le marché d'art autochtone nord-américain, qui empiète sur le marché des gravures où les oeuvres d'art tirées à la main se vendent (dans le cas des gravures de la collection « A distant Thunder » ). Mme Tropper a ensuite décrit la nature de ces marchés; elle a conclu en disant que les prix varient énormément sur tous ces marchés compte tenu de nombreux facteurs, y compris le chiffre de tirage, le nombre de gravures tirées, la possibilité de commercialiser l'image (ce qui comprend la couleur et les capacités de l'artiste), la réputation de l'artiste, la qualité du papier et la qualité de l'impression.

[33]     Mme Tropper a décrit le marché d'Internet et l'effet qu'il avait eu sur les prix, et en partie sur les prix en 1997, en 1998 et en 1999. Elle a expliqué qu'à ce moment-là, le public n'était pas exposé aux oeuvres d'art par l'entremise d'Internet. Mme Tropper a également examiné le marché général en consultant des marchands, des galeries d'art, des éditeurs, des artistes et des sites Web en vue de se renseigner sur les variations de prix attribuables à la quantité de gravures dont est composé un tirage et elle a traité de la question d'une façon passablement détaillée.

[34]     Mme Tropper a ensuite parlé des [TRADUCTION] « réductions globales » , en concluant que, pour chaque don, le nombre des gravures n'était pas suffisant pour indiquer qu'il fallait calculer une valeur réduite fondée sur la quantité. Voici ce qu'elle a dit :

[TRADUCTION]

En fait, même le nombre total de gravures tirées par ces artistes ne satureraient pas le vaste marché nord-américain.

Mme Tropper a également traité des diverses façons dont les établissements bénéficiaires utilisaient les oeuvres.

[35]     Mme Tropper a dit que chaque groupe de gravures se vendrait dans un secteur différend du marché des oeuvres d'art et qu'il était donc justifié de faire une analyse raisonnée afin d'arriver à la juste valeur marchande. Elle a déclaré que les trois marchés avaient été analysés par rapport à la définition susmentionnée. Elle a ensuite parlé d'une façon détaillée de l'oeuvre de Barry Barnett ainsi que de l'historique des ventes de la galerie d'art de M. Barnett; elle a décrit les recherches qu'elle avait faites au sujet des méthodes d'établissement des prix des différentes productions de ses oeuvres, ce qui lui a permis d'en arriver à une conclusion au sujet de la valeur.

[36]     Mme Tropper a adopté la même démarche pour la collection « Nature & Wildlife » en ce qui concerne les oeuvres d'art de Lynn Donoghue, de Pamela Stagg et d'Adriene Veninger.

[37]     Mme Tropper a ensuite parlé des sérigraphies des quatre artistes autochtones canadiens dont était composée la collection appelée « A Distant Thunder » . Elle a procédé à de longues recherches et son rapport était détaillé en ce qui concerne l'évaluation des oeuvres de cette collection.

[38]     Comme il en a ci-dessus été fait mention, Mme Tropper a consacré 67 pages à la description des oeuvres d'art en donnant des détails précis au sujet de chacune des 233 oeuvres qu'elle avait examinées et évaluées.

[39]     Une page portant sur les attestations est reproduite ci-dessous :

[TRADUCTION]

233 gravures : 48 oeuvres de Barry Barnett; 44 de Lynn Donoghue; 35 de Pamela Stagg; 21 d'Adriene Veninger; 25 de Carl Beam; 17 de Russel Noganosh; 25 de Richard Bedwash; 19 de Brian (Pashegesic) Marion

ATTESTATIONS

J'ai personnellement examiné minutieusement les biens énumérés ci-dessus les 16 et 17 mai aux bureaux de Wildeboer Rand Thomson Apps & Dellelce, à Toronto, aux bureaux d'Artemis, Inc., à Bethesda (Maryland), les 24 mars et 2 juin 2004 ou le 30 mai 2004 à l'hôtel Crown Plaza, à Arlington (Virginie). Je soumets la présente évaluation. J'ai rédigé ces attestations en me fondant sur mon expérience, sur mon expertise et sur l'analyse des marchés où ces biens ou des biens comparables de ces artistes ou d'artistes comparables se vendent.

J'atteste au mieux de ma connaissance :

·         que les faits et données figurant dans ce rapport sont exacts;

·         que les analyses, opinions et conclusions ne s'appliquent que conformément aux réserves qui sont faites (pages 104 et 105) et qu'il s'agit d'analyses, d'opinions et de conclusions professionnelles personnelles impartiales;

·         que je n'ai aucun intérêt actuel ou éventuel dans les biens qui font l'objet du présent rapport et que je n'ai aucun intérêt personnel ni aucun parti-pris à l'endroit des parties en cause;

·         que ma rémunération ne dépend pas de la présentation d'une valeur préétablie ou d'une tendance des prix favorable à mon client, du montant de l'estimation, de l'obtention d'un montant stipulé ou encore d'un événement ultérieur résultant des analyses, opinions ou conclusions énoncées dans ce rapport ou de leur utilisation;

·         que mes analyses, opinions et conclusions ont été élaborées et que le présent rapport a été préparé conformément aux Règles uniformes de pratique en matière d'évaluation professionnelle;

·         que personne ne m'a apporté une aide importante aux fins de l'évaluation et de l'examen de l'évaluation, ou en tant qu'expert-conseil, dans la préparation de ce rapport.

« Sandra J. Tropper »                                        « 2 juin 2004 »

Sandra J. Tropper, A.S.A.                                 2 juin 2004

American Society of Appraisers

Les réserves qui sont faites aux pages 104 et 105 du rapport de Mme Tropper sont reproduites ci-dessous :

[TRADUCTION]

RÉSERVES

Pour que l'évaluation soit valide, il faut se fonder sur les 106 pages du rapport, dont 104 pages de photographies, telles qu'elles sont présentées dans la table des matières.

Les évaluations incluses dans ce rapport s'appliquent comme suit aux dates auxquels les dons ont été faits :

            15 octobre 1997 (dans le cas des gravures de Barry Barnett)

3 décembre 1998 (dans le cas des gravures des artistes de la collection « Nature & Wilderness » )

31 décembre 1999 (dans le cas des gravures de la collection « A Distant Thunder » )

Les frais d'évaluation sont uniquement fondés sur un taux horaire et ne dépendent aucunement des conclusions tirées au sujet de la valeur.

L'évaluatrice ici en cause, Mme Sandra Tropper, n'a jamais eu d'intérêt dans les biens, et elle n'a pas d'intérêt actuel ou futur dans les biens; de plus, elle n'a aucun intérêt personnel ni aucun parti-pris à l'endroit des parties en cause.

La présente évaluation ne s'applique qu'aux fins et pour les utilisations prévues (telles qu'elles sont énoncées dans les définitions). Il s'agit d'une estimation de la valeur des biens en cause aux dates auxquelles les dons ont été faits. Toute autre utilisation du présent rapport est nulle et non avenue. L'évaluatrice n'assume aucune responsabilité à l'égard de l'utilisation non autorisée de l'évaluation.

La présente évaluation ne garantit pas l'existence d'un titre de propriété.

La présente évaluation ne constitue pas une garantie au sujet du produit de la vente ou ne devrait pas être utilisée pour l'achat d'un bien.

La présente évaluation ne constitue pas une garantie de l'authenticité des biens évalués. Dans bien des cas, il n'est possible de vérifier l'identité avec certitude qu'en procédant à des essais scientifiques. Les valeurs sont donc fondées sur les meilleurs renseignements disponibles. La présente évaluation est fondée sur un examen visuel effectué sur place; l'évaluatrice n'a procédé à aucun essai détaillé à l'égard des biens.

L'évaluatrice ne divulguera pas le contenu du rapport sans l'autorisation du client si ce n'est conformément aux exigences de la loi ou des règlements d'une organisation professionnelle.

La présente évaluation a été préparée conformément aux Règles uniformes de pratique en matière d'évaluation professionnelle, les USPAP, un ensemble exhaustif de normes relatives à la procédure, à la compétence et à l'éthique élaboré par l'Appraisal Foundation, promulguées chaque année par le comité chargé des normes d'évaluation de l'Appraisal Foundation, une organisation composée des principaux organismes d'évaluation aux États-Unis.

La présente évaluation doit être considérée comme complète et non assujettie à des hypothèses sortant de l'ordinaire. Toutefois, il s'agit d'une évaluation sommaire et tous les renseignements à l'appui seront conservés dans les dossiers d'Artemis. Ces dossiers seront conservés pour une période d'au moins cinq ans, ou pendant les deux années qui suivront la conclusion du litige, selon les exigences des USPAP.

Dans la présente évaluation, l'évaluatrice a tenu compte de données provenant de diverses sources (à savoir les marchands, les artistes et les autorités) et de documents publiés (factures, relevés des ventes) et elle a jugé ces renseignements dignes de foi. L'évaluatrice n'assume aucune responsabilité quant à l'exactitude de ces sources.

Les photographies accompagnant ce document ne sont pas considérées comme des photographies professionnelles et viennent uniquement s'ajouter à la description donnée dans ce rapport.

[40]     Le rapport renferme en outre des photographies en couleurs de chacune des gravures.

[41]     Dans son témoignage oral, Mme Tropper a déclaré avoir cherché à obtenir la juste valeur marchande et avoir essayé d'arriver à une conclusion à ce sujet aux fins du calcul du montant du don de bienfaisance aux diverses dates auxquelles les dons ont été faits. Elle a déclaré avoir utilisé la définition de la juste valeur marchande énoncée par le juge Cattanach dans la décision Henderson v. Minister of National Revenue. Elle a déclaré avoir utilisé cette définition parce qu'elle croyait comprendre qu'il s'agissait de la définition qu'il convenait d'utiliser et que le cabinet d'avocats Wildeboer Rand la lui avait fournie. Elle a déclaré avoir essayé de déterminer la façon dont les artistes sont associés aux divers marchés où leurs oeuvres semblent avoir été vendues. Voici ce qu'elle a déclaré :

[TRADUCTION]

J'ai essayé de tirer une conclusion au sujet des valeurs en me fondant encore une fois sur les antécédents des artistes, sur les renseignements dont je disposais au sujet de l'historique des ventes, en examinant l'oeuvre d'art elle-même et en essayant de la placer dans le contexte du marché, d'un marché où elle se vendrait, selon moi, et de tirer des conclusions au sujet des valeurs.

[42]     Mme Tropper a dit que les marchés dont elle avait tenu compte étaient les marchés libres pour ces types particuliers d'actifs, où l'on observe l'élément d'actif en cause et les prix de vente pendant que les marchands, les vendeurs ou les acheteurs informés conduisent normalement leurs affaires. Elle a déclaré avoir examiné les marchés libres, soit dans la plupart des cas des galeries d'art au détail. Elle a dit que ce marché pouvait être élargi en vue d'inclure :

[TRADUCTION]

[...] des choses comme les magasins s'occupant d'encadrements, des choses comme les boutiques de cadeaux, les conseillers en oeuvres d'art et les marchands d'oeuvres d'art qui travaillent dans le secteur privé. À mon avis, le marché des oeuvres d'art est composé de toutes ces choses.

[43]     Mme Tropper a insisté sur le fait que le marché libre, le marché grâce auquel on arriverait à la juste valeur marchande selon la définition, était ce marché de détail. Elle a déclaré que c'est là où l'on peut raisonnablement s'attendre à obtenir le prix le plus élevé pour un élément d'actif, s'il était vendu, et où cet élément d'actif rapporterait le prix le plus élevé. Elle a déclaré avoir tenu compte des circonstances dans lesquelles les appelants avaient acquis leurs gravures et elle a conclu que ce n'était pas le marché normal. Voici ce qu'elle a dit :

[[TRADUCTION]

Ce n'est pas la façon normale dont les oeuvres d'art se vendent. C'était un genre de marché artificiel. Sur une période donnée, ce marché n'existait pas. Normalement, on ne s'adresse pas à un planificateur financier pour acheter une oeuvre d'art.

[44]     Mme Tropper a dit que, comme il en était fait mention dans son rapport, l'offre et la demande passées pour des oeuvres comparables aident à déterminer les prix demandés. Voici ce qu'elle a dit :

[TRADUCTION]

Lorsque l'on examine le marché, on examine ce que les gens étaient prêts à payer par le passé, ce qui existe sur le marché, ce qui est similaire, ce qui est comparable. Ces oeuvres d'art ne se vendaient pas sur le marché, de sorte que ma tâche consistait, selon moi, à revenir en arrière et à trouver en fait l'endroit où le même genre de choses, des choses comparables, s'étaient vendues par le passé.

[45]     Mme Tropper a dit qu'elle croyait comprendre que ces oeuvres étaient produites expressément pour un marché de promotion d'abri fiscal et qu'elles n'allaient pas être mises sur un marché de détail :

[TRADUCTION]

[...] du moins pas aux dates précises auxquelles la présente estimation de la juste valeur marchande - les diverses dates auxquelles les conclusions relatives à la juste valeur marchande devaient être tirées.

[46]     En témoignant, Mme Tropper a décrit en détail la nature des oeuvres des artistes en question. Elle a tenu compte du chiffre de tirage, de la qualité du papier, de la qualité de l'encre, de la force des couleurs et ainsi de suite. Elle a également tenu compte de l'expérience et de la réputation de l'artiste. Elle a affirmé qu'il était difficile d'obtenir des factures, et ce, pour les raisons suivantes :

[TRADUCTION]

Les galeries d'art et les marchands ne veulent pas vous fournir de factures, en particulier des factures qui ont été établies il y a six, sept, ou même cinq ans. Ils doivent fouiller dans leurs dossiers. Ils vont sortir des choses. La plupart du temps, ils ne sont pas rémunérés pour cette tâche, de sorte que c'est fort difficile. Il faut établir des relations quelconques avec la personne avec qui l'on travaille et il faut espérer qu'elle voudra bien fournir les renseignements. Il se pose également un problème de protection de renseignements personnels. Fournir des factures, c'est fournir les clients et les adresses des clients. Je parle à bien des gens au téléphone, mais ils ne savent pas toujours qui je suis et ils ne savent pas toujours si je cherche à trouver une bonne liste de distribution pour envoyer des renseignements au sujet d'autres artistes... ou pour m'adresser directement aux clients.

[47]     Quant à l'octroi de remises, Mme Tropper a dit qu'une remise est normalement accordée pour l'encadrement plutôt que pour l'oeuvre d'art; elle a déclaré croire que, parce que l'encadrement ne comporte aucun coût « initial » pour la galerie, il est plus facile d'accorder une remise. Elle a déclaré que la chose permet également de maintenir l'intégrité du prix de l'artiste. Elle a également dit que certains artistes ne laissent pas les gens, les galeries et les marchands vendre leurs oeuvres si des remises sont accordées. Elle a affirmé que les dessinateurs et les décorateurs ajoutent généralement ce montant au prix d'achat lorsqu'ils effectuent des achats pour des clients.

[48]     Pendant le contre-interrogatoire, Mme Tropper a dit que son adjoint avait fait une partie des appels téléphoniques lorsqu'il s'était agi d'obtenir des renseignements. Elle a affirmé qu'avant d'être chargée des évaluations ici en cause, elle n'avait jamais entendu parler des artistes en question. L'avocat a également interrogé Mme Tropper en ce qui concerne les renseignements obtenus de propriétaires de galeries d'art. Mme Tropper a expliqué qu'ils ne voulaient pas toujours fournir des renseignements et qu'ils hésitaient parfois à lui parler ou à parler à son adjoint. L'avocat a également posé des questions à Mme Tropper en ce qui concerne l'établissement des prix des épreuves d'artiste et des remarques ainsi qu'un certain nombre de questions au sujet de M. Barnett et de l'opinion de celui-ci quant à la valeur de ses oeuvres comparativement aux valeurs établies par Mme Tropper. L'avocat a posé des questions au sujet des sérigraphies, des lithographies et ainsi de suite ainsi que des divers artistes et des types d'oeuvres qu'ils créaient. De plus, il a posé des questions au sujet de plusieurs factures ainsi que du code de déontologie de l'American Society of Appraisers. Mme Tropper a répondu clairement aux questions qui lui étaient posées au sujet des conclusions auxquelles elle était arrivée à l'égard de la valeur des gravures des artistes, à savoir qu'elle se reportait à des oeuvres comparables sur le marché. En réponse aux questions de l'avocat de l'intimée, Mme Tropper a déclaré qu'elle n'avait pas demandé à CVIAM combien de ventes cette dernière avait conclu et qu'en fait elle ne lui avait demandé aucun renseignement. Mme Tropper a également affirmé ne pas avoir demandé à qui que ce soit à la Fresno Pacific University combien de gravures identiques à celles de la collection « Nature & Wildlife » avaient été données à cette université.

PREUVE OBTENUE À L'INTERROGATOIRE PRÉALABLE QUI A ÉTÉ VERSÉE AU DOSSIER :

[49]     L'avocat de l'appelant a produit en preuve certaines parties de la transcription de l'interrogatoire préalable de M. S. Tringali ( « M. Tringali » ), fonctionnaire à l'Agence des douanes et du revenu ( « l'ADR » ). L'interrogatoire portait sur le travail accompli par un certain M. Gary Roy ( « M. Roy » ), vérificateur à l'ADR, qui avait aidé à examiner les oeuvres d'art ici en cause. On l'a présenté comme ayant de l'expérience en matière d'achat et de vente d'oeuvres d'art, puisqu'il avait consacré chaque semaine une dizaine d'heures à cette activité pendant une dizaine d'années. M. Roy est évaluateur accrédité [l'accréditation de l'International Society of Appraisers ( « ISA » )] depuis 2003. M. Tringali a dit que M. Roy communiquait avec les artistes par écrit et recevait des lettres ou des appels téléphoniques en réponse. Il a également dit que M. Roy se fondait :

[TRADUCTION]

[...] non seulement sur son expérience, mais aussi sur les ventes comparables, sur l'état de l'oeuvre d'art, sur sa connaissance de l'oeuvre d'art, sur des conversations qu'il avait eues avec d'autres personnes du domaine, et ainsi de suite.

[50]     On a référé M. Tringali à un rapport sur la fourchette des prix de Gary Roy adressé à l'agent des appels au sujet de la collection Barry Barnett, avec documents à l'appui. L'auteur de ce rapport attribuait une valeur de 25 280 $ à la collection Barry Barnett. M. Tringali a affirmé croire qu'il s'agissait de la valeur indiquée sur le reçu pour don qui avait été remis au donateur. Il a ensuite dit qu'il ne croyait pas que le document avait été remis à l'agent des appels et que l'ADR l'avait rejeté. Il a déclaré que l'ADR n'avait pas adopté de [TRADUCTION] « position » , mais qu'elle avait une [TRADUCTION] « indication » que la juste valeur marchande correspondait au montant que les donateurs avaient payé. Il a ensuite affirmé que M. Roy ne disposait pas de comparables. M. Tringali a déclaré que, selon le rapport, toutes les gravures portant une remarque dans chacune des trois séries Barry Barnett devaient être admises à 945 $, que toutes les épreuves d'artiste devaient être admises à 410 $ et que toutes les gravures du tirage régulier devaient être admises à 225 $.

[51]     En parlant d'autres rapports sur la fourchette des prix, M. Tringali a dit que le mot [TRADUCTION] « projet » n'était pas étampé sur ces rapports et qu'ils étaient datés. L'avocat de l'intimée a dit qu'il ne savait pas trop quels autres rapports de ce genre M. Roy avait envoyés à l'ADR.

PRÉTENTIONS DES APPELANTS

[52]     L'argumentation des appelants renfermait des notes détaillées, quoique succinctes; j'ai donc décidé de simplement les reproduire ici au lieu de les paraphraser, avec l'effet compromettant possible que la chose pourrait emporter. Voici donc le texte complet des arguments :

[TRADUCTION]

A.         Introduction et faits importants

1.          Les faits fondamentaux, dans ces trois appels, sont passablement simples. Chacun des appelants a acheté un groupe différent de gravures à tirage limité de CVI Art Management Inc. ( « CVIAM » ) et a donné les gravures à un bénéficiaire appartenant à l'une des catégories de donataires admissibles désignés dans la définition de l'expression « total des dons de bienfaisance » figurant au paragraphe 118.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi » ). Chacun des appelants a demandé des crédits d'impôt pour dons de bienfaisance à l'égard du don de ces gravures. Les appelants ont participé à ces opérations sur les conseils de leurs planificateurs financiers.

2.          CVIAM a conçu et facilité ces opérations. En plus de vendre les gravures aux appelants, CVIAM a fait en sorte que les gravures soient évaluées et a remis des copies des évaluations aux appelants, et elle a trouvé des donataires admissibles qui étaient prêts à accepter les dons de gravures.

3.          Chacun des appelants a acheté différentes gravures :

·         Caedmon Nash a acheté 85 sérigraphies produites à l'aide d'oeuvres originales de quatre artistes des Premières nations canadiennes : 25 de Carl Beam, 25 de Richard Bedwash, 17 de Russell Noganosh et 18 de Brian Marion. M. Nash a conservé l'une des gravures de Nogatosh et a donné les 84 autres gravures à la Ferris State University.

·         Susan Tolley a acheté 100 gravures à tirage limité produites à l'aide d'oeuvres originales de trois artistes canadiennes : 44 de Lynn Donoghue, 36 d'Adriene Veninger et 21 de Pamela Stagg. Mme Tolley a conservé l'une des gravures de Lynn Donoghue et a donné les 99 autres gravures au Fresno Pacific College.

·         Barbara Quinn a acheté 48 gravures à tirage limité créées à l'aide d'oeuvres originales de l'artiste américain dont les oeuvres représentent des animaux, Barry Barnett. Les 48 gravures comprenaient une gravure à tirage limité, une épreuve d'artiste et une remarque[1] de chacune de 16 images différentes. Mme Quinn a donné les 48 gravures à In Kind Canada.

4.          Les gravures étaient toutes différentes, mais elles présentaient plusieurs caractéristiques communes. Mme Tropper, l'évaluatrice, a témoigné que toutes les gravures étaient des gravures numérotées à tirage limité, de bonne qualité et produites par des professionnels. Tel était également le témoignage de M. Ford. Les gravures étaient toutes des oeuvres décoratives du genre que les consommateurs, partout en Amérique du Nord, achèteraient pour décorer leurs maisons et leurs lieux d'affaires.

5.          M. Ford, qui a énormément d'expérience en ce qui concerne la production et la commercialisation de gravures à tirage limité, a présenté une preuve au sujet de la nature et de l'étendue du marché des gravures à tirage limité. Selon la preuve soumise par M. Ford, des millions de gravures à tirage limité sont produites chaque année en vue d'être vendues sur le marché nord-américain. M. Ford a témoigné que les gravures à tirage limité constituent une partie importante (c'est-à-dire 2,5 à 3 milliards de dollars américains) du marché annuel, de plus de 35 milliards de dollars américains, des accessoires décoratifs et des décorations murales. M. Ford a témoigné qu'il y a de 10 000 à 20 000 points de vente au détail offrant des gravures à tirage limité en Amérique du Nord.

6.          Les appelants ont fondé leurs demandes de crédits d'impôt pour dons à l'égard du don de leurs gravures sur le montant indiqué sur le reçu obtenu de l'organisme de bienfaisance ou de l'établissement qui avait reçu leur don. Les montants auxquels les reçus étaient établis étaient de leur côté fondés sur la valeur estimative des gravures données[2]. Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l'égard des appelants en vue de réduire leurs crédits d'impôt pour dons compte tenu du fait que le montant auquel s'élevaient les dons qu'ils avaient faits était égal au prix auquel ils avaient acheté les gravures.

7.          Le ministre a également imposé des pénalités à chacun des appelants. Le 18 juin 2004, le ministre a informé les appelants qu'il annulerait la cotisation concernant les pénalités dont ils avaient fait l'objet.

B.         Points litigieux

8.          Les questions dont la Cour est saisie dans ces appels peuvent être résumées comme suit :

a)          Quels étaient les montants des crédits d'impôt pour dons que les appelants avaient le droit de déduire en application du paragraphe 118.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi » ) à l'égard du don de leurs gravures?

b)          Si les montants auxquels les crédits d'impôt pour dons des appelants ont été calculés sont plus élevés que le prix d'achat que les appelants ont payé pour les gravures données, les gravures étaient-elles des « biens à usage personnel » des appelants auxquels la disposition du paragraphe 46(1) de la Loi s'appliquait?

C.         Arguments

a)          Juste valeur marchande

            (i)          Historique

9.          Le paragraphe 118.1(3) de la Loi prévoit que, dans le calcul de l'impôt payable pour une année d'imposition, le particulier peut déduire un crédit d'impôt calculé sur la base du « total des dons » pour l'année. Le « total des dons » d'un particulier pour une année d'imposition est défini au paragraphe 118.1(1) comme le moindre de trois montants, dont le premier est le « total des dons de bienfaisance » du particulier pour l'année. Le paragraphe 118.1(1), tel qu'il était rédigé au moment pertinent, prévoyait que le « total des dons de bienfaisance » d'un particulier pour une année d'imposition était « le total des montants représentant chacun la juste valeur marchande d'un don [...] qu'il a fait au cours de l'année ou d'une des cinq années d'imposition précédentes » . Par conséquent, la question dont la Cour est saisie se rapporte à la juste valeur marchande des gravures au moment où elles ont été données par chacun des appelants.

10.        L'intimée a établi les cotisations à l'égard des appelants compte tenu du fait que le montant du total des dons de bienfaisance est égal au montant que les appelants ont payé pour acquérir les gravures de CVIAM. Par conséquent, l'intimée a supposé, en établissant les nouvelles cotisations, que la juste valeur marchande des gravures était égale au coût des gravures pour les appelants.

11.        Les arrangements promus par CVIAM selon lesquels les appelants acquéraient et donnaient les gravures ont été qualifiés par le ministère des Finances d'arrangements liés à des abris fiscaux prévoyant des achats à bas prix et des dons d'un montant élevé. Il est compréhensible que de tels arrangements ne plaisent pas au ministre du Revenu national et au ministère des Finances. Le fait de permettre aux contribuables de tirer profit du système fiscal au moyen du mécanisme d'un don de bienfaisance n'est clairement pas conforme à une bonne politique fiscale. Néanmoins, comme le juge MacDonald l'a fait remarquer dans l'arrêt Nova Corp. of Alberta v. R.[3], s'il existe une [possibilité] dans la Loi, le contribuable qui la trouve et en tire parti pendant qu'elle est offerte à droit à l'avantage en résultant.

12.        La lacune dont les promoteurs d'abris fiscaux qui avaient conçu les arrangements de dons de bienfaisance ont tiré parti résultait de deux facteurs combinés. En premier lieu, les tribunaux judiciaires avaient reconnu qu'un contribuable peut faire un don « rentable » [4]. En second lieu, en 1996 et en 1997, le gouvernement fédéral a proposé des mesures « pour aider tous les organismes de bienfaisance à solliciter les dons des Canadiens à revenu modeste » [5] en améliorant grandement le système de crédit d'impôt pour dons de bienfaisance. Plus précisément, le pourcentage du revenu d'un particulier qui pouvait être donné à un organisme de bienfaisance d'une façon efficace sur le plan de l'impôt a été porté de 20 à 50 p. 100 dans [le] budget fédéral du 6 mars 1996, puis à 75 p. 100 dans [le] budget du 18 février 1997. La porte avait été ouverte en vue de permettre la commercialisation d'arrangements concernant les dons de bienfaisance auprès des Canadiens ordinaires à faible revenu et à revenu moyen, et les promoteurs d'abris fiscaux n'ont pas hésité à en profiter. Au cours des quelques mois qui ont suivi le budget de 1997, CVIAM s'occupait activement de promouvoir son projet de dons de bienfaisance auprès des contribuables canadiens.

13.               Lorsqu'une lacune existe, elle peut être comblée de l'une de deux façons : une disposition législative modificative (modifiant même la loi d'une façon rétroactive dans certains cas[6]) peut être adoptée ou, lorsque les circonstances le permettent, le ministre peut invoquer la règle générale anti-évitement pour refuser les avantages fiscaux découlant d'opérations destinées à permettre de tirer parti de la lacune. Dans le cas des arrangements concernant les dons de bienfaisance, le gouvernement a choisi la première solution. Dans un communiqué de presse daté du 5 décembre 2003, le ministre des Finances a annoncé un projet de modification de la Loi destiné à mettre fin aux opérations concernant des dons de bienfaisance, dans le cadre desquelles une oeuvre était achetée à bas prix et donnée pour un montant élevé[7]. Le communiqué de presse accompagnant le projet de loi disait notamment ce qui suit :

Les modifications proposées aujourd'hui font écho aux préoccupations que suscitent les stratagèmes relatifs aux dons de bienfaisance, offerts au public par divers promoteurs, dans le cadre desquels le contribuable acquiert un bien, en fait don à un organisme de bienfaisance et obtient un reçu d'impôt pour une valeur supérieure au coût d'acquisition du bien pour lui. Ces arrangements confèrent aux contribuables un avantage fiscal supérieur au coût réel du bien qui fait l'objet du don.[8]

14.        Si ce projet de modification de la Loi est édicté[9], la position prise par l'intimée dans ces appels au sujet de l'établissement des cotisations sera clairement exacte à l'égard des contribuables qui font de tels dons de biens à 18 h ou après 18 h le 5 décembre 2003. Le projet de modification de la Loi prévoit qu'aux fins du calcul du crédit d'impôt pour don du contribuable à l'égard du don d'un bien, le montant du don est limité au coût du bien donné pour le contribuable lorsque :

·         le bien a été acquis par le contribuable moins de trois ans avant que le don ait été fait;

·         le bien a été acquis en vertu d'un « arrangement de don » (tel qu'il est défini à l'article 237.1 de la Loi);

·         le bien a été acquis en prévision d'un don[10].

15.        Selon les appelants, l'intimée demande en fait à la présente cour de donner effet au projet de modification de la Loi du 5 décembre 2003 six ans avant sa présentation par le ministre des Finances, en faisant une entorse à la notion de « juste valeur marchande » bien établie dans le droit fiscal canadien. Ce faisant, l'intimée demande à la Cour de rendre une décision fondée sur la politique plutôt que sur le droit.

            (ii)         Définition canadienne de la « juste valeur marchande »

16.        L'expression « juste valeur marchande » n'est pas définie dans la Loi. Toutefois, il s'agit d'une notion fondamentale en droit fiscal canadien. Cette expression figure plus d'une centaine de fois dans la Loi, dans des dispositions aussi diverses que les règles de déduction pour inventaire, diverses dispositions concernant la réorganisation des sociétés, les règles de remise de dettes et les règles prescrivant les conséquences qu'emporte le fait de cesser de résider au Canada. L'une des principales utilisations, dans la Loi, de la notion de juste valeur marchande vise à permettre de surveiller les opérations conclues entre des personnes qui ont entre elles un lien de dépendance et de s'assurer que les gains accumulés soient imposés aux moments appropriés et entre les mains des contribuables appropriés. Des exemples primordiaux se trouvent au paragraphe 69(1), qui traite d'une contrepartie inadéquate lorsque des transferts sont effectués entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance, et au paragraphe 70(5), qui prévoit l'imposition des gains en capital accumulés au décès du contribuable. Dans la plupart des circonstances où la question de la juste valeur marchande d'un bien se pose, le fisc cherche à s'assurer que la juste valeur marchande ne soit pas déclarée en moins. Il existe bon nombre d'arrêts canadiens portant sur le sens de la juste valeur marchande pour l'application de la Loi. Les éléments essentiels de la définition qui est donnée de cette expression dans cette jurisprudence est qu'il s'agit du prix le plus élevé qu'il est possible d'obtenir pour le bien en question sur un marché libre qui n'est assujetti à aucune restriction. Il est juste de dire que le fisc a préconisé le fait que la définition canadienne de la juste valeur marchande doit viser le prix le plus élevé qu'un bien peut rapporter et qu'il en a largement tiré profit. Toutefois, cette définition même de la juste valeur marchande s'applique aux cas dans lesquels le ministre préférerait que l'on arrive à la valeur la moins élevée possible, par exemple lorsqu'il est question de la valeur d'un bien au jour d'évaluation, ou de la valeur d'un bien qui a été donné.

17.        Deux énoncés judiciaires de la définition de la « juste valeur marchande » sont fréquemment cités par les tribunaux canadiens. Le premier, qui est cité et invoqué dans de nombreuses décisions fiscales canadiennes[11], a été effectué par le juge Cattanach dans la décision Henderson v. M.N.R.[12] :

La Loi ne donne aucune définition de l'expression "juste valeur marchande"; celle-ci a été définie de diverses façons, généralement selon ce qu'avait à l'esprit la personne cherchant à formuler la définition. Je ne crois pas nécessaire d'essayer de donner une définition précise de cette expression telle qu'employée dans la Loi; il suffit, me semble-t-il, de dire qu'il y a lieu de donner à ces mots leur sens ordinaire. Dans son sens courant, me semble-t-il, cette expression désigne le prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs disposés à acheter et de vendeurs disposés à vendre, qui n'ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont en aucune façon obligés d'acheter ou de vendre. J'ajouterais que cet exposé succinct de mon point de vue sur le sens à donner à l'expression « juste valeur marchande » comprend ce que j'estime être l'élément essentiel, soit un marché libre de toutes restrictions, où le prix est établi par le jeu de la loi de l'offre et de la demande entre des acheteurs et des vendeurs avertis et désireux d'acheter et de vendre.

La seconde définition de la juste valeur marchande, qui est plus succincte, et qui a souvent été utilisée par les tribunaux canadiens dans les affaires d'impôt sur le revenu[13], est celle que le juge McIntyre a adoptée dans la décision Re Mann Estate[14] :

[TRADUCTION]

[...] « juste valeur marchande » s'entend du prix le plus élevé, estimé en argent, qu'un vendeur sérieux peut obtenir pour le bien, sur un marché libre non assujetti à des restrictions, d'un acheteur sérieux averti sans lien de dépendance.

18.        Les éléments essentiels de la définition de la juste valeur marchande, soit la recherche du prix le plus élevé qu'il est possible d'obtenir sur un marché libre qui n'est assujetti à aucune restriction, sont fermement enchâssés dans le droit fiscal canadien.

            (iii)        Le prix le plus élevé

19.        Les tribunaux canadiens prennent maintes mesures en vue de donner effet à l'élément « prix le plus élevé » de la notion de juste valeur marchande. Ainsi, les tribunaux canadiens vont jusqu'à déterminer la juste valeur marchande d'un bien en se fondant sur son utilisation optimale, indépendamment de son utilisation réelle à la date d'évaluation[15], et tiennent compte de l'existence d'acheteurs spéciaux qui pourraient être prêts à payer une prime pour le bien[16].

            (iv)        Ventes théoriques sur le marché pertinent

20.        Le « marché libre de toutes restrictions » dont il faut tenir compte afin de déterminer la juste valeur marchande laisse supposer l'existence d'acheteurs sérieux et de vendeurs sérieux, qui ne sont pas obligés d'acheter ou de vendre, et qui ne sont assujettis à aucune restriction les empêchant de procéder à l'achat ou à la vente[17]. Selon les appelants, il est facile d'identifier le marché par rapport auquel il convient de déterminer la valeur des gravures qu'ils ont données. Il s'agit du marché de détail étendu et actif sur lequel les gravures à tirage limité qui viennent d'être publiées, et dont les dimensions, la nature et la qualité sont semblables à celles des gravures données se vendent le plus souvent en grandes quantités. Il s'agit du marché décrit dans le témoignage de M. Ford et du marché dont Mme Tropper a tenu compte afin d'obtenir des comparables en arrivant à son opinion au sujet de la valeur. Ce marché de détail est le marché sur lequel ces gravures (que M. Ford a définies comme exerçant un attrait sur les masses) se vendraient dans le cours ordinaire des affaires et de la façon normale applicable aux gravures à tirage limité de ce genre qui viennent d'être publiées. Il s'agit également du marché sur lequel ces gravures se vendraient au prix le plus élevé. Selon les appelants, compte tenu de ces éléments de preuve, la jurisprudence canadienne portant sur le sens de la juste valeur marchande exige que la présente cour examine ce marché de détail lorsqu'elle détermine la juste valeur marchande des gravures.

21.        Bien sûr, il existe fort peu d'éléments de preuve et il n'existe peut-être aucune preuve de ventes réelles sur le marché de détail de gravures provenant des mêmes tirages que celles qui ont été données (sauf dans le cas des gravures de Barry Barnett), et ce, pour une raison fort claire. Les gravures données venaient d'être publiées et, aux dates d'évaluation, elles n'avaient jamais été mises en vente sur le marché de détail. Selon la preuve, à l'exception des gravures de Barry Barnett que M. Barnett a conservées, toutes les gravures provenant des mêmes tirages que les gravures données par les appelants ont été données à des organismes de bienfaisance et à des établissements d'enseignement. Elles n'ont jamais fait partie de la chaîne d'offre au détail. Bien sûr, cela ne veut pas pour autant dire que les gravures données n'ont aucune valeur ou qu'elles ne pourraient pas se vendre sur le marché de détail; au contraire, selon la preuve d'expert, les gravures sont désirables et vendables sur le marché de détail. Cela veut dire qu'il faut se fonder sur des comparables afin d'établir leur valeur sur ce marché. Les comparables constituent un outil fondamental que l'on utilise en appliquant la méthode d'évaluation fondée sur la comparaison des prix ou sur les données du marché. Les comparables constituent la preuve dont les tribunaux canadiens tiennent le plus souvent compte lorsqu'ils déterminent la juste valeur marchande. Les comparables sont ce sur quoi Mme Tropper s'est largement fondée en arrivant à son opinion au sujet de la valeur des gravures. La preuve présentée par M. Ford au sujet de la nature et de la portée du marché des gravures à tirage limité étaye l'utilisation de comparables aux fins de la détermination de la valeur au détail des gravures données. Mme Tropper et M. Ford ont témoigné que des gravures comparables sont régulièrement achetées et vendues sur le marché de détail et que ces opérations constituaient un guide fiable permettant d'estimer les prix que les gravures données rapporteraient sur le marché de détail.

22.       L'intimée soutiendra qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les comparables dans ces appels parce qu'il existe une preuve de ventes des gravures données et de gravures provenant des mêmes tirages, à savoir les ventes que CVIAM a conclues avec les appelants et avec d'autres acheteurs. Cet argument ne tient pas compte des éléments essentiels de la définition de la juste valeur marchande établie dans la jurisprudence canadienne, qui comporte une détermination du prix le plus élevé qu'un bien rapporterait s'il se vendait selon la façon normale applicable à ce bien sur un marché libre non assujetti à des restrictions. Selon nous, les ventes conclues avec les appelants n'ont pas eu lieu sur le marché où le prix le plus élevé serait obtenu pour les gravures. De plus, la vente ou l'achat de gravures à tirage limité par l'entremise d'un planificateur financier n'a rien de normal. Le réseau de planificateurs financiers par l'entremise duquel CVIAM vendait ces gravures était anormal. Il n'a existé que pendant deux ans et demi, du milieu de l'année 1997 jusqu'à la fin de l'année 1999[18]. Ce n'est pas le marché sur lequel les gravures à tirage limité se vendent normalement. Selon la preuve d'expert, une personne qui veut acheter une belle gravure représentant un sujet botanique pour décorer le cabinet de toilette n'appellerait pas un planificateur financier pour procéder à cet achat. Elle se rendrait plutôt dans un atelier local d'imprimerie, dans un magasin s'occupant d'encadrements ou dans une boutique de cadeaux pour voir ce qui est disponible. Il en irait de même, dans le cas de l'acheteur qui voudrait acquérir une seule gravure ou un certain nombre de gravures. M. Ford a témoigné que, si une entreprise voulait acheter, disons, 80 gravures pour décorer les murs de ses bureaux, la personne chargée de l'achat se rendrait probablement dans un atelier local d'imprimerie ou se procurerait les gravures auprès d'un dessinateur ou d'un décorateur d'intérieurs. Cette personne n'appellerait pas un planificateur financier. Par conséquent, le marché sur lequel les appelants ont acheté les gravures n'est pas le marché dont il convient de tenir compte pour déterminer la juste valeur marchande des gravures en vertu du droit fiscal canadien. C'est pourquoi Mme Tropper a conclu que le marché des promoteurs n'était pas le marché approprié afin de déterminer la juste valeur marchande selon la définition canadienne.

23.        L'approche adoptée par le juge Mogan dans la décision Whent v. R[19] est révélatrice en ce qui concerne la question du marché dont il convient de tenir compte afin de déterminer la juste valeur marchande. Cette affaire se rapportait à l'évaluation de 215 oeuvres d'art originales de l'artiste des Premières nations Norval Morrisseau. Les oeuvres d'art avaient été achetées par des contribuables, trois avocats, entre le mois de mars 1984 et le mois de février 1986, et elles avaient été données à cinq établissements différents entre le mois de décembre 1984 et le mois de décembre 1986. Pendant cette période, M. Morrisseau, qui avait autrefois été un artiste canadien important, traversait une mauvaise période de sa vie pour un certain nombre de raisons, notamment à cause d'un problème d'alcoolisme. Compte tenu de la preuve dont il disposait, le juge Mogan a conclu qu'il « y avait dans les galeries privées un marché très chancelant, voire inexistant, pour de nouvelles peintures de Morrisseau » au cours des années d'évaluation[20]. Étant donné l'absence d'information sur les ventes conclues dans les galeries d'art pendant les années pertinentes, l'évaluateur de la Couronne avait utilisé les ventes aux enchères passées comme principal outil en arrivant à son opinion au sujet de la juste valeur marchande. Le juge Mogan a rejeté cette approche, pour le motif que le marché des ventes aux enchères n'était pas le marché sur lequel les oeuvres d'un artiste contemporain comme Morrisseau seraient vendues au prix le plus élevé[21]. Le juge Mogan a également fait remarquer que « [l]a meilleure preuve directe quant à la conclusion de transactions sans lien de dépendance » en ce qui concerne les nouveaux tableaux de Morrisseau dans les années d'évaluation était celle des achats effectués par les contribuables[22]. Il a néanmoins conclu que la juste valeur marchande des oeuvres d'art était le montant qu'elles auraient probablement rapporté dans les galeries d'art détaillantes à ce moment-là, compte tenu de la preuve et de tous les facteurs pertinents, s'il y avait eu un marché dans les galeries d'art pour ces oeuvres. En d'autres termes, le juge Mogan a abordé la question de la détermination de la juste valeur marchande en décidant d'abord du marché sur lequel les tableaux de Morrisseau auraient rapporté le prix le plus élevé et en déterminant ensuite le prix qu'ils auraient probablement rapporté sur ce marché hypothétique. Selon les appelants, l'approche adoptée par le juge Mogan était celle que prescrivait la jurisprudence canadienne portant sur la définition de la juste valeur marchande. La Cour d'appel fédérale a examiné et confirmé l'approche adoptée et les conclusions tirées par le juge Mogan.

(v) Application des « principes et méthodes reconnus d'expertise »

24.        Dans la décision qu'elle vient de rendre dans l'affaire Malette v. R.[23], la Cour d'appel fédérale a approuvé et appuyé l'approche que les tribunaux canadiens avaient toujours suivie en matière d'évaluation (à l'exception peut-être d'une décision récente, la décision Klotz, sur laquelle nous reviendrons ci-dessous). Selon cette approche, il faut déterminer la valeur, dans le contexte des dons de bienfaisance comme dans le contexte des autres dispositions de la Loi, en appliquant les « principes et méthodes reconnus d'expertise » . Dans le jugement qu'il a rendu dans l'affaire Malette, le juge Noël a fait remarquer que « lorsque le législateur souhaite s'écarter du sens reconnu de l'expression "juste valeur marchande", il le fait en des termes exprès (voir par exemple les paragraphes 10(4), 69(6), 69(7), 70(5.3), 107.4(4) et 160(3.1), ainsi que les alinéas 70(8)a) et 110(1.5)b) de la Loi) » [24]. Si le projet de loi du 5 décembre 2003 est édicté, le paragraphe 248(35) de la Loi sera une autre disposition qui pourrait venir s'ajouter à la liste des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu dressée par le juge Noël qui s'écartent du sens reconnu de la juste valeur marchande. Toutefois, pour les années visées par l'appel, la décision de la Cour d'appel fédérale confirmait que c'est le sens habituel reconnu de la juste valeur marchande qui s'applique à la détermination du montant d'un don de bienfaisance.

25.        L'approche adoptée par les tribunaux canadiens en matière d'évaluation de biens donnés consiste à examiner minutieusement et d'une façon critique les méthodologies employées par les experts qui leur soumettent une preuve, et à examiner avec soin les conclusions tirées au sujet de la valeur. Puis, compte tenu de l'ensemble de la preuve présentée au tribunal et de l'interprétation des principes d'évaluation applicables qu'il a donnée, le tribunal détermine la valeur qu'aurait le bien sur le marché pertinent :

·         Dans la décision Langlois v. R.[25], le juge Garon devait déterminer la juste valeur marchande de plusieurs oeuvres d'art originales données par le contribuable. Le juge a déterminé la valeur de chaque oeuvre en soupesant la preuve qui lui avait été présentée, la preuve fournie au sujet du marché de détail (c'est-à-dire les ventes aux enchères par opposition aux galeries d'art) sur lequel chaque oeuvre en question se vendrait probablement et la preuve concernant les prix de vente d'oeuvres qui étaient comparables quant aux dimensions, au sujet et à la technique. La Cour d'appel fédérale a noté la façon consciencieuse dont le juge Garon était arrivé à une détermination de la valeur et a confirmé la décision qu'il avait rendue[26].

·         Dans la décision Whent v. R., dont il a ci-dessus été fait mention, le juge Mogan devait déterminer la juste valeur marchande de 215 oeuvres d'art originales de Norval Morrisseau. Les contribuables avaient payé un prix d'achat global de 130 000 $ pour acquérir ces oeuvres et ils les avaient données à un certain nombre d'établissements pour une valeur estimative de 990 000 $. Le ministre avait établi de nouvelles cotisations à l'égard des contribuables en tenant compte du fait que la juste valeur marchande des oeuvres d'art était le montant que les contribuables avaient payé pour les acquérir. Le juge Mogan avait minutieusement examiné les évaluations des trois experts mises à sa disposition, lesquelles variaient de 255 155 $ à 1 104 795 $. Pour diverses raisons qui découlaient de la preuve mise à sa disposition, le juge Mogan n'était pas entièrement satisfait des méthodes employées par les évaluateurs ou de leurs conclusions. Il a examiné les opinions exprimées par les experts au sujet du marché sur lequel il convenait d'évaluer les oeuvres d'art; il a conclu que le marché des galeries détaillantes était le marché approprié puisque c'était le marché sur lequel les prix les plus élevés pouvaient être obtenus pour les tableaux de Morrisseau. Compte tenu de tous les éléments de preuve dont il disposait, et en adoptant différents aspects des méthodes employées par les divers évaluateurs, le juge Mogan est arrivé à une valeur de 660 000 $[27]. La Cour d'appel fédérale a confirmé l'approche adoptée par le juge Mogan et la valeur à laquelle il était arrivé[28].

·         Dans la décision Friedberg v. R.[29], le juge en chef adjoint Jerome devait déterminer la juste valeur marchande de deux collections de textiles anciens que le contribuable avait données au Musée royal de l'Ontario. Le personnel du MRO avait trouvé les collections et avait organisé leur achat et leur don immédiat par M. Friedberg. L'une des collections avait été achetée par M. Friedberg pour un montant de 67 500 $ et elle avait été donnée, la valeur établie s'élevant à 496 175 $. L'autre collection avait été achetée au prix de 12 000 $, sa valeur, pour le don, étant fixée à 229 437 $. Chacune des collections avait été évaluée par trois évaluateurs. La Cour a examiné les méthodes employées par les évaluateurs, qui avaient conclu que, pour les textiles anciens en cause, il fallait consulter les listes de prix des maisons d'enchères afin de chercher des comparables ainsi que les prix payés par le MRO par le passé pour des textiles similaires[30]. Le juge en chef adjoint Jerome avait conclu que les méthodes employées par les évaluateurs étaient « plus qu'adéquates » lorsqu'il s'agissait de déterminer la juste valeur marchande des textiles, et il avait accepté la moyenne des montants estimatifs comme représentant la juste valeur marchande des collections[31]. La Cour d'appel fédérale a confirmé les conclusions que le juge en chef adjoint Jerome avait tirées au sujet de la juste valeur marchande des collections[32].

(vi)      « Les réductions globales »

26.        Dans la décision qu'elle vient de rendre dans l'affaire Malette, la Cour d'appel fédérale a confirmé que l'un des principes d'expertise reconnus qui peut s'appliquer aux fins de la détermination de la juste valeur marchande en droit fiscal canadien est l'application d'une réduction globale, le cas échéant. Une réduction globale indique qu'il peut y avoir un effet dépressif sur la juste valeur marchande du bien lorsque l'offre excède la demande. Selon un principe d'évaluation reconnu, pareille réduction peut s'appliquer lorsqu'il est supposé qu'un grand nombre de biens similaires feront en même temps leur apparition sur le marché. Étant donné que les biens qu'il faut évaluer dans les présents appels sont composés d'un certain nombre de gravures - plus précisément, dans l'appel de Caedmon Nash, 84 gravures, dans l'appel de Barbara Quinn, 48 gravures, et dans l'appel de Susan Tolley, 99 gravures, il s'agit de savoir s'il faut appliquer une remise sur quantité ou une réduction globale en évaluant les gravures données.

27.        L'arrêt Malette n'était pas le premier arrêt canadien de nature fiscale à traiter des remises sur quantité ou des réductions globales. Dans l'arrêt Untermeyer Estate v. A-G British Columbia, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il ne serait pas approprié d'appliquer une remise sur quantité en déterminant, pour des droits de succession, la juste valeur marchande d'un bloc de 318 800 actions d'une société publique (c'est-à-dire environ 6,4 p. 100 des actions émises de la société). Le raisonnement du juge Mignault était le suivant :

[TRADUCTION]

Je ne déduirais rien de la valeur marchande de ces actions en prenant pour acquis qu'elles seraient toutes placées sur le marché en même temps, car je ne crois pas qu'un actionnaire prudent agirait ainsi. Faire une telle déduction dans une affaire comme celle qui nous occupe, c'est faire de la « valeur sacrifiée » ou du « dumping » des actions la mesure d'évaluation.[33]

                

Le juge Cattanach a adopté ce raisonnement dans la décision Dobieco Ltd. v. M.N.R.[34], où il s'agissait de déterminer la juste valeur marchande de blocs importants d'actions spéculatives d'une société publique détenues par le contribuable à titre de bien figurant à l'inventaire. Compte tenu de la preuve du volume des opérations, le juge Cattanach avait conclu qu'il était raisonnable de supposer que [TRADUCTION] « le marché pouvait absorber les actions sans être indûment perturbé » [35] et, en renvoyant au passage souvent cité de l'arrêt Untermeyer Estate, qu'il [TRADUCTION] « ne serait pas normal ou prudent » pour l'appelant dans l'affaire dont il était saisi de placer en même temps toutes ses actions sur le marché[36]. Il ne convenait donc pas d'accorder une remise par rapport à la valeur négociable.

28.        Dans l'affaire Whent, l'évaluateur du ministre avait appliqué une réduction globale de 50 p. 100 en déterminant la juste valeur marchande de 215 oeuvres d'art originales de Norval Morrisseau. Le juge Mogan avait rejeté l'application d'une réduction globale dans ce cas-là en se fondant sur le fait que « [l]e marché ouvert hypothétique dans lequel la juste valeur marchande est déterminée suppose des acheteurs et vendeurs agissant sans qu'aucune pression ne soit exercée sur eux pour que les oeuvres soient achetées ou vendues » [37]. Il avait également retenu l'opinion, exprimée par l'un des évaluateurs des contribuables, selon laquelle les oeuvres données auraient pu être vendues en deux ans sur le marché des galeries détaillantes si une stratégie de commercialisation sensée avait été adoptée d'un bout du pays à l'autre[38]. Les motifs pour lesquels le juge Mogan avait rejeté l'application d'une réduction globale correspondent en fait à ceux que la Cour suprême a exprimés dans l'arrêt Untermeyer Estate : il faut supposer qu'un vendeur agirait d'une façon prudente et rationnelle en disposant du bien en question.

29.       Les appelants soutiennent qu'à cause de la taille et de l'étendue du marché des gravures à tirage limité, les circonstances dans les présents appels sont analogues à celles qui existaient dans les affaires Untermeyer Estate, Dobieco et Whent. Le marché des gravures à tirage limité est suffisamment vaste pour absorber les gravures données par les appelants, peut-être pas immédiatement, mais sur une période relativement courte. Dans son rapport d'expert, Mme Tropper arrive à la même conclusion; en effet, elle déclare ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le nombre de gravures dont étaient composés ces dons était insuffisant pour indiquer la nécessité de calculer une valeur réduite sur la quantité. En fait, même le nombre total de gravures tirées par ces artistes ne satureraient pas le vaste marché nord-américain.[39]

30.                 Selon les appelants, la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Malette ne s'écarte pas du principe énoncé dans l'arrêt Untermeyer Estate, à savoir qu'il faut supposer qu'un vendeur agirait d'une façon prudente et rationnelle en disposant d'un bien. L'arrêt Malette n'étaye certes pas la thèse selon laquelle une réduction globale s'appliquerait toujours lorsque plusieurs biens sont évalués, mais il étaye simplement la thèse selon laquelle une telle réduction peut s'appliquer lorsque les circonstances justifient la chose. Dans l'affaire Malette, les deux parties avaient admis que les 981 oeuvres d'art originales de Harold Feist qui étaient en cause ne pouvaient pas être absorbées sur le marché au cours d'une brève période[40]. De plus, le contribuable avait admis qu'il convenait d'appliquer une réduction globale compte tenu des faits de l'affaire, à moins que sur le plan juridique une réduction ne puisse pas être appliquée[41]. La Cour d'appel avait donc uniquement pour tâche de déterminer si, dans des circonstances appropriées, il était possible d'appliquer une réduction globale en déterminant la juste valeur marchande de biens culturels donnés. La décision de la cour selon laquelle une réduction globale pouvait s'appliquer était fondée sur le principe fondamental selon lequel il faut suivre les principes et méthodes reconnus d'expertise en déterminant la juste valeur marchande d'un bien, les réductions globales étant fondées sur un principe reconnu ou sur une méthode d'évaluation appropriée. Dans les appels dont la Cour est ici saisie, l'évaluateur des appelants était d'avis qu'il ne conviendrait pas d'appliquer une réduction globale. L'intimée n'a présenté aucune preuve d'expert contraire.

(vii)               Le coût n'est pas un facteur déterminant

31.       Les tribunaux canadiens (à l'exception, encore une fois, de la décision rendue par la Cour de l'impôt dans l'affaire Klotz) ont clairement dit que le coût n'est pas un facteur déterminant en ce qui concerne la juste valeur marchande. Considérons, par exemple, le passage suivant de la décision rendue par le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Friedberg :

En raison des conclusions susmentionnées, il a fallu déterminer la juste valeur marchande de chacune des collections aux fins des déductions fiscales. L'avocat du ministre soutient que le prix d'achat peut être considéré comme étant l'équivalent de la juste valeur marchande, mais cette proposition n'est pas appuyée par la jurisprudence. Dans Conn c. M.R.N., (1986), 86 D.T.C. 1669 (C.C.I.), après une longue revue des autorités, le juge a dit ce qui suit à la page 1677 :

              La juste valeur marchande semble être reliée, non pas aux frais d'acquisition, mais plutôt au montant qui pourrait être obtenu sur le marché lors de la disposition. Les frais d'acquisition d'un même article peuvent varier grandement, comme nous l'avons déjà vu, et ces frais ou le prix de base rajusté peuvent avoir une incidence sur l'impôt, mais non sur la juste valeur marchande.[42]

Dans l'affaire Friedberg, le ministre avait établi une nouvelle cotisation à l'égard du contribuable pour le motif que la juste valeur marchande des textiles donnés était égale au montant que le contribuable avait payé à leur égard. En appel, le ministre avait soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur de droit en acceptant les évaluations, étant donné que les évaluateurs n'avaient pas tenu compte du prix que M. Friedberg avait payé pour acquérir les textiles. La Cour d'appel fédérale a rejeté cet argument; elle a refusé de modifier la décision que le juge en chef adjoint Jerome avait rendue au sujet de la valeur, en faisant remarquer qu'en arrivant à cette décision, le juge en chef adjoint Jerome était parfaitement au courant du prix d'achat payé par M. Friedberg. Le juge Linden a également fait remarquer que le ministre, « chose étonnante et rétrospectivement imprudente » , n'avait présenté aucune preuve d'expert au sujet de la valeur[43]. Dans les présents appels, Mme Tropper a tenu compte du marché sur lequel CVIAM vendait les gravures aux appelants et à d'autres personnes. Elle a rejeté ce marché parce que ce n'était pas le marché libre aux fins de l'achat des gravures, ni le marché sur lequel les gravures se vendraient normalement dans le cours ordinaire des affaires. Mme Tropper a témoigné qu'une personne qui veut acheter des gravures ne s'adresserait pas à son planificateur financier pour le faire. Cela étant, elle a conclu que le marché du planificateur financier par l'entremise duquel CVIAM vendait les gravures aux appelants et à d'autres personnes n'était pas le marché pertinent aux fins de la détermination de la juste valeur marchande.

32.       Cela ne veut pas pour autant dire que les tribunaux canadiens ne tiennent pas compte du prix d'achat d'un bien lorsqu'ils déterminent sa juste valeur marchande. Dans la décision Whent, un autre cas dans lequel le ministre avait initialement établi de nouvelles cotisations à l'égard des contribuables en se fondant sur le fait que la juste valeur marchande des oeuvres d'art données était égale au montant que ceux-ci avaient payé pour les acquérir, le juge Mogan a fait remarquer qu'étant donné qu'il y avait peu d'éléments de preuve, sinon aucun élément de preuve, de ventes d'oeuvres de Morrisseau dans les galeries d'art pendant la période visée par l'évaluation, l'achat par les contribuables d'oeuvres de Morrisseau était « [l]a meilleure preuve directe quant à la conclusion de transactions sans lien de dépendance » [44]. Cela étant, le juge a conclu que le coût pour les contribuables des oeuvres d'art était « un fait pertinent mais non déterminant par rapport à la question de la juste valeur marchande » [45]. Le fait que le coût ne constituait certes pas un fait déterminant ressort de toute évidence de la conclusion tirée par le juge Mogan, à savoir que la juste valeur marchande des oeuvres d'art était plus de cinq fois supérieure aux montants que les appelants avaient payés pour les acquérir.

33.     Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles la preuve établit qu'il ne peut pas y avoir de marché pour le type de bien en question, ou que le seul marché est celui sur lequel le bien a été acheté. Dans ces conditions, le coût du bien peut indiquer sa juste valeur marchande. Tel était le cas dans les affaires Aikman[46] et Global Communications[47]. Dans l'affaire Aikman, le juge Bowman avait pour tâche de déterminer la juste valeur marchande d'une cyclogrue, un prototype d'un véhicule plus léger que l'air permettant le transfert de charges lourdes. Compte tenu de la preuve, le juge Bowman a conclu que la cyclogrue était trop grosse pour être exposée dans un musée[48] et qu'il n'y avait pas de marché commercial pour le prototype[49]. Dans ces conditions, le prix négocié par l'acheteur pour la cyclogrue indiquait sa valeur. Dans l'affaire Global Communications, la Cour d'appel fédérale était saisie de la question de la véritable valeur de données sismiques achetées par le contribuable. La Cour d'appel fédérale avait rejeté les évaluations du bien pour le motif qu'il n'y était pas tenu compte du montant auquel se vendraient les données sismiques sur le seul marché où elles se vendaient réellement en argent comptant[50]. Selon les appelants, les faits en cause dans les appels dont la Cour est ici saisie sont fort différents de ceux des affaires Aikman et Global Communications. Il n'y a pas de cyclogrue ou de données sismiques qui se vendent dans le centre commercial local; toutefois, il y a des milliers d'ateliers d'imprimerie et de magasins s'occupant d'encadrements dans lesquels des gravures à tirage limité comparables aux gravures qui ont été données sont régulièrement vendues.

(viii)      Klotz v. R.

34.       Certains faits fondamentaux que la Cour a récemment examinés dans la décision Klotz v. R.[51] sont semblables à ceux dont il est ici question, en ce sens que M. Klotz avait participé à un arrangement comportant l'achat à bas prix et le don pour un montant élevé d'un certain nombre de gravures à tirage limité. Le juge en chef adjoint Bowman a conclu que la juste valeur marchande des gravures Klotz était égale au prix d'achat que M. Klotz avait payé pour acquérir ces gravures du promoteur. La conclusion du juge était fondée sur plusieurs facteurs. Un facteur important qui semble avoir influé sur la décision de la Cour dans l'affaire Klotz se rapportait à la nature des gravures données par M. Klotz. L'évaluatrice avait fondé les conclusions qu'elle avait tirées au sujet de la valeur sur l'hypothèse selon laquelle le marché sur lequel les gravures de M. Klotz rapporteraient le prix le plus élevé était le marché des galeries d'art de détail à New York. Le fait qu'un grand nombre des gravures à tirage limité que M. Klotz avait données avaient été acquises par le promoteur de ces galeries de détail moyennant une forte remise par rapport aux prix suggérés habituels inquiétait le juge en chef adjoint Bowman. Le fait que l'évaluatrice ne semblait pas tenir compte de l'âge des gravures ou « du temps pendant lequel les gravures étaient demeurées invendues » [52] en se formant une opinion au sujet de la valeur préoccupait également le juge. Le fait qu'un grand nombre des gravures Klotz avaient été achetées à un prix correspondant à 1/200 et 1/20 de leur présumée juste valeur marchande dans le genre de galeries où cette juste valeur marchande serait en théorie obtenue indique qu'il s'agissait de gravures « restantes » ou de stocks invendables qui ne s'étaient pas vendus sur le marché de détail. Les faits en cause dans les appels dont la Cour est ici saisie sont passablement différents sur ce point. Les gravures achetées et données par les trois appelants venaient d'être publiées. Les images qui étaient reproduites dans ces gravures étaient nouvelles sur le marché. Au lieu de parcourir le marché pour trouver des gravures bon marché invendues (et probablement fort difficiles à vendre) comme le promoteur l'avait fait dans l'affaire Klotz, CVIAM est effectivement devenue une société s'occupant d'édition, qui commandait de nouvelles oeuvres d'artistes établis ou des agents d'artistes établis ou qui achetait les droits de reproduction y afférents et prenait des dispositions afin de reproduire pareilles oeuvres. Les motifs du jugement ne le montrent pas clairement, mais il se peut que le juge en chef adjoint Bowman ait conclu qu'à cause de la nature des gravures données par M. Klotz, il ne pouvait pas y avoir de marché de détail à leur égard et qu'il convenait donc d'adopter la même approche que dans les affaires Aikman et Global Communications pour évaluer ces gravures. Par contre, selon la preuve d'expert qui a été soumise dans ces appels, les gravures qui venaient d'être publiées et que les appelants avaient données exerçaient un attrait sur les masses et pouvaient facilement se vendre sur le marché de détail.

35.       Dans l'affaire Klotz, le juge en chef adjoint Bowman avait devant lui une preuve d'évaluation qu'il avait rejetée pour un certain nombre de raisons. La seule preuve d'évaluation dont disposait la Cour était celle de Mme Laverty, l'évaluatrice initiale des gravures Klotz, qui avait par ailleurs participé au programme de dons pour lequel elle avait procédé aux évaluations. De toute évidence, la participation de Mme Laverty remettait en question son objectivité. L'autre témoin expert cité par M. Klotz, M. Alasko, s'était contenté de faire des commentaires au sujet de la méthode employée par Mme Laverty et le juge en chef adjoint Bowman avait fait remarquer que M. Alasko avait clairement dit qu'il « ne souscrivait pas aux conclusions » figurant dans le rapport de Mme Laverty[53]. Au paragraphe 40, le juge en chef adjoint Bowman a énoncé un certain nombre d'autres motifs pour lesquels il rejetait l'évaluation, lesquels peuvent être résumés comme suit :

           

1.          l'absence de preuve de ventes de gravures identiques ou similaires dans les galeries d'art de détail;

2.          le fait que le prix demandé dans les galeries d'art de détail pour une gravure individuelle n'indiquait pas le prix auquel cette gravure se vendrait si un grand nombre de gravures faisaient en même temps l'objet de dumping sur le marché;

3.          le fait qu'il avait été conclu, en ce qui concerne plus de 80 p. 100 des gravures, que la valeur était de 1 000 $, ce qui par hasard était également le montant maximal auquel un bien à usage personnel pouvait être aliéné sans qu'un gain en capital soit réalisé;

4.          le fait que les conclusions relatives à la valeur n'étaient pas différentes selon l'identité des artistes, la technique utilisée, le chiffre de tirage, l'âge des gravures, ou le temps depuis lequel les gravures « étaient demeurées invendues » ; et

5.          le fait que certaines gravures avaient été acquises par le promoteur auprès de galeries d'art de détail à un prix correspondant au vingtième de la valeur estimative, et que certaines avaient même été acquises à un prix représentant 1/200 de la valeur estimative.

Selon les appelants, la preuve relative à l'évaluation que Mme Tropper a soumise à la Cour, à laquelle vient s'ajouter la preuve fournie par M. Ford au sujet de la taille et de l'étendue du marché de détail des gravures à tirage limité d'une nature semblable à celle que les appelants ont données, ne comporte pas les mêmes lacunes que la preuve d'évaluation présentée au juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Klotz.

36.        Compte tenu de la faiblesse de la preuve d'évaluation et de l'illogisme que comporte le fait que de nombreuses gravures Klotz avaient été achetées par le promoteur auprès de galeries de détail et de marchands moyennant une forte remise par rapport aux valeurs estimatives, il n'est pas surprenant qu'il ait été conclu qu'il n'y avait pas de marché de détail pour les gravures Klotz. Selon cette analyse, la décision Klotz ne peut pas se concilier avec l'ensemble de la jurisprudence canadienne antérieure portant sur la juste valeur marchande. Toutefois, en arrivant à ses conclusions, le juge en chef adjoint Bowman a de fait tenu compte d'une série de décisions rendues par la United States Tax Court au milieu des années 1980 et s'est apparemment fondé sur ces décisions. Étant donné qu'elle n'a présenté aucune preuve d'évaluation dans les présents appels, l'intimée demandera à la Cour d'adopter la même approche que celle que le juge en chef adjoint Bowman a adoptée.

(ix)      Arrêts américains faisant autorité

37.        Selon les appelants, les arrêts américains faisant autorité s'écartent énormément des nombreux arrêts canadiens faisant jurisprudence qui portent sur la définition de la juste valeur marchande, et ils ne devraient pas être suivis. Comme le juge en chef adjoint Bowman lui-même l'a fait remarquer dans la décision Aikman, les arrêts américains faisant autorité devraient être considérés avec circonspection étant donné que les tribunaux américains font face à un régime législatif différent et que, devant des questions similaires, ils « peuvent être parvenus à des solutions qui ne sont pas nécessairement appropriées au Canada » [54].

38.       Il y a plusieurs différences entre la définition de la « juste valeur marchande » visée par règlement en droit fiscal américain et le sens accepté depuis longtemps de cette expression en droit fiscal canadien. Le règlement du Trésor américain qui était interprété par la Tax Court américaine dans la série de décisions mentionnées par le juge en chef adjoint Bowman renfermait une définition de l'expression « juste valeur marchande » . Cette définition prévoyait que la juste valeur marchande était [TRADUCTION] « le prix auquel le bien changerait de mains entre un vendeur sérieux et un acheteur sérieux, qui ne sont ni l'un ni l'autre obligés de vendre ou d'acheter et qui ont tous deux une connaissance raisonnable des faits pertinents » (voir Anselmo v. Commissioner, (1985) 757 F.2d 1208 (U.S.C.A., 11th Circuit) à la page 1212). Dans cette définition, il n'est pas fait mention du prix le plus élevé qu'un bien rapporterait, soit une idée qui est fermement enchâssée dans le sens attribué à la juste valeur marchande par les tribunaux canadiens.

39.       De plus, dans la plupart des décisions de la Tax Court américaine dont le juge en chef adjoint Bowman a fait mention, il avait expressément été dit que le règlement du Trésor américain en matière de droits de succession s'appliquait lorsqu'il s'agissait de déterminer la juste valeur marchande du bien donné. Ce règlement prescrivait le marché pertinent sur lequel il convenait de se fonder pour déterminer la juste valeur marchande. Il prévoyait notamment que la juste valeur marchande d'un bien devait être déterminée sur le marché où de bien en question était [TRADUCTION] « le plus communément vendu au public » (Anselmo v. Commissioner, à la page 1214). Dans ses décisions, la Tax Court américaine a interprété ce règlement en matière de droits de succession comme obligeant le tribunal à s'engager dans un examen de la question de savoir si les contribuables dont les appels étaient portés devant lui étaient les [TRADUCTION] « consommateurs ultimes » du bien donné dans ces cas-là[55]. La cour a conclu que les contribuables étaient les consommateurs ultimes du bien en question puisqu'ils ne l'avaient pas acheté en vue de le revendre. Le tribunal a ensuite examiné le marché [TRADUCTION] « le plus actif » sur lequel le bien en question était vendu aux [TRADUCTION] « consommateurs ultimes » . En se fondant sur le volume des ventes, le tribunal a conclu que le marché sur lequel les contribuables avaient acheté le bien était le marché [TRADUCTION] « le plus actif » et, par conséquent, par application du règlement sur les droits de succession, c'était le marché auquel le tribunal devait se reporter en déterminant la juste valeur marchande. Ainsi, dans la décision Hunter v. Commissioner, la Tax Court américaine a fait la remarque suivante :

[TRADUCTION]

En déterminant la juste valeur marchande des gravures, nous devons examiner le marché sur lequel les gravures sont vendues au consommateur ultime [...] Dans la décision Lio, nous avons dit que « la vente au consommateur ultime est toute vente aux personnes qui n'acquièrent pas l'objet en question en vue de le revendre [...] et que le marché le plus approprié pour les besoins de l'évaluation était le marché le plus actif pour l'objet particulier en cause » .[56]

40.       Il va sans dire que le règlement du Trésor américain et le règlement en matière de droits de succession prescrivant la définition de la juste valeur marchande et le marché pertinent ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit de trancher des questions relevant du droit canadien. Au contraire, la définition canadienne de la juste valeur marchande établie depuis longtemps n'exige pas que la valeur soit déterminée sur un marché où le bien est acheté par un « consommateur ultime » , et n'exige pas que l'on cherche le marché le plus actif sur lequel le bien est vendu. Cette définition exige une détermination du prix le plus élevé auquel un bien pourrait se vendre sur un marché où ce prix serait obtenu et sur lequel le bien se vend de la façon normale qui s'applique dans le cours ordinaire des affaires. Par conséquent, selon les appelants, le raisonnement et les critères qui permettent d'arriver à une conclusion au sujet de la juste valeur marchande du bien dans ces décisions de la Tax Court américaine ne devraient pas s'appliquer à la détermination de la juste valeur marchande dans ces appels.

41.       Pour illustrer ce point, il convient de comparer l'approche que le juge Mogan a adoptée dans la décision Whent et celle que la Tax Court américaine aurait probablement adoptée si les faits en cause dans cette affaire lui avaient été soumis. La Tax Court américaine aurait cherché à identifier le marché le plus actif sur lequel les tableaux de Morrisseau étaient achetés par les « consommateurs ultimes » , et aurait ensuite déterminé le prix auquel les tableaux se vendraient sur ce marché. Sans aucun doute, la Tax Court américaine aurait conclu que les trois appelants, dans l'affaire Whent, étaient des « consommateurs ultimes » et que les rues et les dépanneurs de Thunder Bay et de Vancouver constituaient le marché le plus actif pour les oeuvres de Morrisseau pendant la période pertinente. Par conséquent, la Tax Court américaine aurait probablement presque certainement conclu que, selon le règlement du Trésor et le règlement concernant les droits de succession et selon sa propre jurisprudence, la juste valeur marchande des tableaux de Morrisseau était le montant que les appelants, dans cette affaire, avaient payé pour les acquérir. Comme il en a ci-dessus été question, l'approche adoptée par le juge Mogan était tout à fait différente. Le juge Mogan (1) a identifié le marché des galeries d'art de détail comme étant le marché sur lequel les tableaux de Morrisseau auraient rapporté le prix le plus élevé; et (2) a déterminé, en se fondant sur la preuve, ce qui aurait probablement été le prix de vente sur ce marché, s'il y en avait eu un. La Cour d'appel fédérale a conclu que cette approche était irréprochable. À notre avis, l'approche adoptée par le juge Mogan et le résultat sont exacts en droit canadien. L'approche que la Tax Court américaine adopterait pour se prononcer sur les mêmes faits, et le résultat auquel elle parviendrait, ne le sont pas.

(x)      Charge de la preuve

42.       Si l'intimée fonde les cotisations qu'elle a établies à l'égard des appelants ici en cause sur l'hypothèse selon laquelle le marché des promoteurs d'abris fiscaux était d'une taille et d'un niveau d'activité tels qu'il serait le marché approprié lorsqu'il s'agit de déterminer la juste valeur marchande (ce qui, à notre avis, serait de toute façon inexact en droit canadien), nous soutenons qu'il incombe à l'intimée d'établir les faits relatifs à ce marché. En particulier, compte tenu de la preuve d'expert des appelants, à savoir que, selon les principes et les méthodes reconnus d'expertise, ce marché n'est pas le marché approprié lorsqu'il s'agit de déterminer la juste valeur marchande, l'intimée aurait dû présenter une preuve d'expert à ce sujet. Les renseignements concernant la taille de ce marché et l'activité sur ce marché ne sont pas des renseignements dont les appelants ont connaissance, ceux-ci étant simplement des participants individuels aux arrangements concernant les dons promus par CVIAM. L'examen détaillé que le présent juge a récemment effectué dans la décision Redash Trading Incorporated c. R.[57], au sujet de la question de la charge de la preuve m'amène à conclure qu'en pareil cas, la charge de la preuve passe à l'intimée.

(xi)      Résumé de la preuve d'expert

43.       L'intimée n'a soumis à la Cour aucune preuve d'évaluation par un expert, et aucune preuve d'expert concernant le marché des gravures à tirage limité. Si la Cour retient la preuve et les arguments que les appelants ont soumis au sujet du marché pertinent en ce qui concerne la valeur des gravures données, la seule preuve d'expert relative à la valeur dont la Cour dispose a été fournie par Mme Tropper. De plus, M. Ford a témoigné que, compte tenu de sa connaissance du marché de détail des gravures à tirage limité, les valeurs initialement attribuées aux gravures données (au moyen des évaluations de M. Parks et de Mme Duval) et sur lesquelles les donataires se fondaient pour remettre les reçus pour dons étaient à peu près égales au prix qui auraient été payés pour ces gravures sur le marché de détail pendant les années ici en cause. Les conclusions que Mme Tropper a tirées au sujet de la valeur et les montants indiqués sur les reçus pour dons sont énoncés ci-après :

                        Valeur établie Montant du reçu pour don

                        par Mme Tropper[58]                                                    

Gravures Nash            29 932 $                                   29 400 $

Gravures Tolley          23 690 $                                   28 130 $

Gravures Quinn          24 384 $                                   25 280 $[59]

44.        Même Gary Roy, l'évaluateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a apparemment conclu que la juste valeur marchande des gravures données par Mme Quinn était égale au montant indiqué dans le reçu pour don qui avait été remis à celle-ci. Rien ne montre si M. Roy a de fait évalué les gravures données par Mme Tolley ou par M. Nash.

b) Biens à usage personnel

(i)      Généralités

45.       La deuxième question qui se pose dans ces appels est de savoir si les gravures données étaient des « biens à usage personnel » pour l'application de la Loi. Il convient de trancher cette question au cas où la Cour conclut que la juste valeur marchande des gravures données était plus élevée que le montant que les appelants ont payé pour les acquérir.

46.       Conformément au sous-alinéa 69(1)b)(ii) de la Loi, le don des gravures des appelants constituait une disposition dont le produit réputé était égal à la juste valeur marchande des gravures. Conformément au paragraphe 40(1) de la Loi[60], au moment où les gravures ont été données, chacun des appelants aurait réalisé un gain en capital, dans la mesure où le produit de disposition excédait le prix de base rajusté des gravures.

47.       Selon les appelants, chacune des gravures données constitue un bien à usage personnel. Par conséquent, selon le paragraphe 46(1) de la Loi, tel qu'il était rédigé dans les années visées par l'appel, le prix de base rajusté des appelants et le produit de disposition de chacune des gravures étaient réputés être de 1 000 $. Par conséquent, aucun gain n'aurait été réalisé et aucune perte n'aurait été subie au moment de la disposition des gravures.

48.        En effet, la règle spéciale qui s'applique aux biens à usage personnel prévoit que les gains qui auraient par ailleurs été réalisés au moment de la disposition d'un bien à usage personnel ne sont pas imposés si la valeur du bien n'excède pas 1 000 $. Toutefois, il faut noter qu'il y a une autre façon dont les règles fiscales qui s'appliquent aux biens à usage personnel diffèrent de celles qui s'appliquent aux autres immobilisations à usage non personnel. Conformément au sous-alinéa 40(2)g)(iii) de la Loi, la perte résultant de la disposition d'un bien à usage personnel (autre qu'un bien qui fait partie du sous-ensemble spécial des « biens meubles déterminés » ) est réputée nulle. On pourrait donc supposer que le ministre encouragerait une interprétation large de l'expression « biens à usage personnel » .

(ii)      Définition inclusive figurant à l'article 54

49.        Les biens à usage personnel sont définis d'une façon inclusive à l'article 54 de la Loi. Cette définition inclusive et non exhaustive prévoit notamment que les biens à usage personnel comprennent « les biens qui appartiennent au contribuable et qui sont affectés principalement à l'usage ou à l'agrément personnels du contribuable » . Le fait que la définition donnée dans la Loi est simplement inclusive veut dire que cette expression conserve son sens ordinaire. La chose est examinée comme suit dans Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes :

         

[TRADUCTION]

Les définitions non exhaustives laissent au départ supposer qu'un terme défini a le sens qui lui est attribué selon l'usage ordinaire (ou technique) plutôt que d'écarter ce sens. Une définition non exhaustive est normalement précédée du verbe « comprend » ; elle est utilisée à l'une des fins suivantes :

         

·     étendre le sens ordinaire d'un mot ou d'une expression;

·     traiter des cas limite;

· illustrer l'application d'un mot ou d'une expression en donnant des exemples.[61]

                                   

Selon les appelants, la définition non-exhaustive des biens à usage personnel prévue à l'article 54 accomplit les deux premières fonctions. Elle étend le sens des biens à usage personnel en vue d'inclure les créances relatives à la disposition de biens à usage personnel et les options relatives à l'acquisition de biens à usage personnel. Elle traite également des cas limite en prévoyant que les biens à usage personnel comprennent les biens affectés principalement à l'usage ou à l'agrément personnels de personnes liées au propriétaire ou, dans le cas d'un bien détenu par une fiducie ou par une société de personnes, par les bénéficiaires de la fiducie et par les membres de la société de personnes. Toutefois, à part les sens élargis et les précisions donnés par la définition figurant à l'article 54, l'expression « biens à usage personnel » telle qu'elle est employée dans la Loi a son sens ordinaire. Il s'agit donc de déterminer ce qu'est ce sens.

                       (iii)      L'usage personnel par opposition à l'usage commercial

50.       Dans la Loi, le mot « personnel » est employé pour décrire un bien, des intérêts et des dépenses qui concernent d'une certaine façon des particuliers et, ce qui est plus important, qui ne sont pas liés à des entreprises ou à d'autres activités génératrices de revenus. Ainsi, la définition de « frais personnels ou de subsistance » figurant au paragraphe 248(1) de la Loi est fondée sur la distinction entre a) les dépenses inhérentes aux « biens entretenus par toute personne pour l'usage ou l'avantage du contribuable » et b) les dépenses inhérentes aux biens « entretenus dans le but ou avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise » .

51.       La ligne de conduite sous-tendant le régime des biens à usage personnel est fondée sur la distinction entre ce qui est personnel et ce qui est lié à une entreprise ou à une activité commerciale. Dans le Sommaire de 1971 de la Législation sur la réforme fiscale (juin 1971), on faisait remarquer que le fait de permettre la déduction des pertes subies à l'égard des biens à usage personnel [TRADUCTION] « équivaudrait pour le gouvernement à subventionner des frais personnels » . Par conséquent, les dispositions relatives aux biens à usage personnel sont interprétées de façon à assurer qu'il n'y ait pas de confusion entre les pertes attribuables à des biens à usage personnel et les gains réalisés dans le contexte commercial. Le paragraphe 46(4) de la Loi va jusqu'à refuser toute perte subie à l'égard d'une action d'une société, d'un droit relatif à une fiducie ou d'une participation dans une société de personnes qu'il est raisonnable d'attribuer à une diminution de la valeur du bien à usage personnel de la société, de la fiducie ou de la société de personnes. L'article 41 de la Loi énonce un ensemble de règles spéciales qui s'appliquent aux « biens meubles déterminés » (définis à l'article 54 en tant que sous-ensemble des « biens à usage personnel » ). Ces règles prévoient la reconnaissance des pertes résultant de la disposition de biens meubles déterminés; toutefois, ces pertes peuvent uniquement être défalquées des gains résultant des dispositions de biens meubles déterminés et ne peuvent pas servir à compenser les gains résultant de la disposition de biens commerciaux ou de biens d'entreprise.

52.       Il importe de noter la définition des « biens meubles déterminés » elle-même. L'expression « biens meubles déterminés » d'un contribuable est définie comme s'entendant des « [b]iens à usage personnel du contribuable, constitués par l'un ou plusieurs des biens suivants qui lui appartiennent, en totalité ou en partie, ou sur lesquels il détient un droit:

a) estampes, gravures, dessins, tableaux, sculptures ou autres oeuvres d'art de même nature;

b) bijoux;

c)    in-folios rares, manuscrits rares ou livres rares;

d) timbres;

e) pièces de monnaie » .

                        Le fait que les gravures (ou estampes) font partie de ce sous-ensemble de biens à usage personnel donne à entendre qu'elles constituent un type de bien qui est généralement considéré comme un bien à usage personnel.

      

53.       Selon les appelants, le texte de la Loi est fondé sur la répartition des biens en deux catégories générales : les biens qui sont liés à une entreprise, ou utilisés dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise, ou encore à des fins commerciales ou génératrices de revenu, et les biens qui ne sont pas ainsi liés ou qui ne sont pas ainsi utilisés. Tout ce qui fait partie de la dernière catégorie est un bien à usage personnel. En d'autres termes, le sens de l'expression « biens à usage personnel » est plus facilement exprimé par la négative : les biens à usage personnel sont tous les biens autres que ceux qui sont liés à une entreprise ou utilisés dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise ou encore à des fins commerciales ou génératrices de revenu.

54.       À la suite d'un examen passablement détaillé de la question, c'est l'interprétation que le juge en chef adjoint Bowman a donnée de l'expression « biens à usage personnel » dans la décision Klotz[62]. Telle est également l'approche suivie par les tribunaux dans les quelques décisions publiées qui traitent de la question de savoir si un bien particulier (en général, un bien immeuble) est à juste titre désigné comme étant un bien à usage personnel. Considérons par exemple le passage suivant de la décision Boudreau v. R. :

Les éléments de preuve produits au procès conduisent à la conclusion que la propriété constitue un bien à usage personnel. L'appelant n'a pas acquis la propriété afin de tirer un revenu d'un bien. L'appelant n'a pas une seule fois loué la propriété à la juste valeur locative.[63]

Dans la décision Jason v. R., la Cour a défini la question de la même façon :

[...] il s'agit principalement de savoir si le montant de 188 164 $ constitue une perte d'entreprise découlant d'un projet comportant un risque de caractère commercial ou une perte résultant de la disposition d'un bien à usage personnel.[64]

55.       La même approche est adoptée dans les publications du ministre Voir, par exemple :

·       le bulletin d'interprétation IT-373R2, intitulé « Boisés » au paragraphe 11 :

S'il s'agit d'un boisé non commercial et si le contribuable reçoit une somme ou une autre contrepartie de valeur par suite de la vente ou de la cession du droit d'abattre des arbres, le produit de la vente est assujetti à l'impôt sur le compte de capital, de façon générale, en tant que disposition d'un « bien à usage personnel » .

                      

·         le bulletin d'interprétation IT-218R, intitulé « Bénéfices, gains en capital et pertes provenant de la vente de biens immeubles » au paragraphe 10 :

Des biens immeubles qui sont détenus par leur propriétaire comme biens en immobilisation peuvent être utilisés par celui-ci comme des biens à usage personnel (voir la définition de l'alinéa 54f)) ou ils peuvent être utilisés dans le but de réaliser ou de produire un revenu tiré d'une entreprise ou d'un bien.

56.       Selon les appelants, les gravures qui ont été données font partie de la catégorie des biens à usage personnel parce qu'elles n'ont pas été acquises ou utilisées dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise ou encore à des fins commerciales ou génératrices de revenu, ou en liaison avec une entreprise ou un projet comportant un risque de caractère commercial.

(iv)      Le don est un bien à usage personnel

57.       Les appelants soutiennent en outre que, de toute façon, le don d'un bien constitue un usage personnel de ce bien, ce qui a pour effet d'inclure dans la catégorie des biens à usage personnel le bien acquis en vue d'être donné et utilisé pour faire le don. Telle était la conclusion tirée par le juge en chef adjoint Bowman dans la décision Klotz :

J'ai conclu que les gravures sont des biens à usage personnel. Même si l'interprétation plus étroite avancée par la Couronne avait été retenue, j'aurais néanmoins statué que les gravures sont des biens à usage personnel. Une façon d'utiliser un objet consiste à le donner, que ce soit pour des motifs altruistes, par esprit de charité ou pour des raisons d'ordre fiscal.[65]

58.       Le fait que le don des gravures que les appelants ont fait constituait une utilisation personnelle de ce bien par les appelants est beaucoup plus clair en l'espèce qu'il ne l'était dans le cas de M. Klotz, qui n'avait pas vu les gravures qu'il avait achetées, qui ne les avait jamais eues en sa possession et qui n'avait eu aucun rôle lorsqu'il s'était agi de les choisir. C'était l'avantage fiscal espéré qui avait amené M. Klotz à acheter et à donner les gravures[66]. D'autre part, les appelants se rendaient compte que des organismes de bienfaisance et des universités profiteraient de leurs dons. M. Nash et Mme Tolley ont témoigné avoir participé au programme des dons principalement en vue d'aider des organismes de bienfaisance. Mme Tolley a choisi d'acheter les gravures de trois artistes canadiennes parce que l'idée de les encourager lui plaisait, et elle avait décidé de conserver l'une des gravures. De même, M. Nash avait choisi les gravures d'un artiste des Premières nations parce que l'art autochtone lui plaisait. Il a également décidé de conserver une gravure. Les appelants ont conservé les gravures chez eux pendant un certain temps avant de les donner.

59.        Un examen de certaines modifications apportées à l'article 46 de la Loi, lesquelles ont pris effet le 27 février 2000, étaye également la thèse selon laquelle le bien qui est acquis en vue d'être donné est un bien à usage personnel.

60.       Le paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation prévoit que la modification d'une loi « ne constitue pas ni n'implique une déclaration portant que les règles de droit » étaient différentes avant la modification, mais cela n'empêche pas le recours à des modifications législatives comme outil d'interprétation de la loi. Voir, par exemple, la remarque suivante du juge Sexton dans l'arrêt Silicon Graphics Ltd. v. R. :

   

[...] Toutefois, la Loi d'interprétation n'empêche pas la Cour de tirer une inférence selon laquelle les modifications sont destinées à changer la loi lorsque la preuve interne et externe justifie une telle conclusion. On a laissé entendre    qu'il existe une présomption selon laquelle les modifications apportées au libellé d'une loi ont un but et que les dispositions de la Loi d'interprétation mentionnées ci-dessus [à savoir, le paragraphe 45(2)] n'empêchent pas la Cour de reconnaître que, en principe du moins, l'objet principal des modifications est de provoquer un changement considérable du droit.[67]

Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale s'était en partie fondée sur les modifications apportées à la définition de l'expression « corporation privée dont le contrôle est canadien » figurant dans la Loi en interprétant le sens de la définition avant sa modification. De même, dans la décision HSC Research Development Corp. v. R.[68], le juge O'Connor a procédé à une analyse détaillée de la façon dont le paragraphe 256(5.1) avait été ajouté à la Loi pour conclure qu'avant l'introduction de cette nouvelle disposition, l'expression « contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » lorsqu'elle était employée dans la Loi se rapportait à un contrôle de droit plutôt qu'à un contrôle de fait. Enfin, dans l'arrêt Nova Corp. of Alberta v. R., le juge MacDonald s'était en partie fondé sur l'adoption des règles d' « acquisition du contrôle » concernant la minimisation des pertes afin de conclure qu'avant leur adoption, les opérations d'échanges de pertes du genre de celles que Nova Corp. avait conclues étaient autorisées par la Loi[69].

61.        Les modifications apportées à l'article 46 édictaient les changements annoncés dans le budget fédéral du 28 février 2000. Les documents d'information qui ont été publiés avec le budget montraient clairement l'objet de ces modifications :

     

Certains dons de bienfaisance sont structurés de façon à tirer parti du prix de base rajusté présumé de 1 000 $ des biens à usage personnel dans le cadre d'un arrangement visant à ce que les contribuables tirent un profit après impôt de ces dons. Par exemple, on a conçu des arrangements dans le cadre desquels un promoteur acquiert un certain nombre d'objets à un prix unitaire inférieur à 50 $, invite des contribuables à les racheter à un prix unitaire de 250 $, puis veille à ce qu'ils soient évalués à 1 000 $ chacun aux fins de leur don à un organisme de bienfaisance.

   Si la valeur attribuée à ces biens est de 1 000 $, l'auteur du don fait un gain en capital de 750 $, mais le prix de base rajusté présumé du bien est de 1 000 $.[70]

               [...]

Il est proposé dans le budget de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de façon que les présomptions visant le produit de disposition et le prix de base de 1 000 $ à l'égard des biens à usage personnel ne s'appliquent pas aux biens acquis après le 27 février 2000 dans le cadre d'un arrangement aux termes duquel le bien fait l'objet d'un don de bienfaisance.

62.        Cet objectif a été atteint au moyen de l'ajout du paragraphe 46(5), qui renferme une définition de l'expression « bien exclu » , ainsi que de modifications apportées au début du paragraphe 46(1), en vue de soustraire le « bien exclu » à l'application des règles spéciales prévoyant un prix de base rajusté et un produit de disposition réputés de 1 000 $. L'expression « bien exclu » est essentiellement définie comme s'entendant d'un bien acquis dans le cadre d'un arrangement aux termes duquel le bien fera l'objet d'un don de bienfaisance. La définition du bien à usage personnel n'a pas été modifiée.

63.       Selon les appelants, il ressort du fait que ces modifications ont été effectuées et de la façon dont elles l'ont été que les biens à usage personnel, avant et après l'adoption des modifications, englobent les biens acquis en vue d'être donnés. Si ce n'était pas le cas, aucun bien ne ferait partie de la nouvelle catégorie des « biens exclus » .

D.              Ordonnance demandée

64.       Chacun des appelants demande donc respectueusement que l'appel qu'il a interjeté devant la Cour soit admis avec dépens et que la Cour réfère ces affaires au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation compte tenu du fait que les nouvelles cotisations visées par les appels doivent être annulées, ou modifiées en vue de refléter le fait que la juste valeur marchande des gravures données à la date du don était de 29 932 $ dans le cas de M. Nash, de 23 690 $ dans le cas de Mme Tolley, et de 24 384 $ dans le cas de Mme Quinn, et que les gravures étaient des biens à usage personnel des appelants.

                       

ARGUMENTS DE L'INTIMÉE

[53]     Selon la position prise par l'avocat de l'intimée, les justes valeurs marchandes des groupes de gravures données par les appelants correspondent aux prix que ceux-ci ont payés pour ces groupes. Voici ce que l'intimée a dit dans ses observations écrites :

[TRADUCTION]

Ils ont acheté les gravures de CVI Art Management Inc. ( « CVIAM » ). Dans les années visées par les appels, CVIAM était certes le vendeur habituel, sinon exclusif, des groupes de gravures en question. Pour ces groupes, CVIAM demandait de ses clients, autres que les appelants, des prix identiques ou semblables à ceux qu'elle demandait des appelants. En vendant ces groupes de gravures, CVIAM a établi les prix les plus élevés qu'il était raisonnable d'obtenir pour ces groupes aux moments où les appelants ont donné leurs gravures.

L'intimée affirme ensuite dans son exposé écrit que, si la Cour conclut que la juste valeur marchande excédait le coût pour les appelants, ces derniers ont réalisé des gains en capital sur les dons de leurs gravures et que ces gravures n'étaient pas des biens à usage personnel des appelants.

[54]     L'avocat de l'intimée a mentionné la conclusion tirée par le juge en chef adjoint Bowman dans la décision Klotz c. R. 2004 CCI 147. Il a affirmé que le juge en chef adjoint Bowman avait dit qu'il y avait eu vente de 250 gravures pour la somme de 75 000 $ entre deux parties sans lien de dépendance et qu'un don à des organismes de bienfaisance avait été fait en même temps que l'achat. L'avocat a ensuite dit que le juge s'était demandé quelle était la meilleure preuve de la valeur si ce n'est le prix d'achat. L'avocat a déclaré que la Cour avait dit que le fait d'invoquer une juste valeur marchande supérieure au prix d'achat payé par l'appelant deux jours seulement après l'achat « n'a aucun sens et n'a rien à voir avec la réalité ordinaire du monde commercial » .

[55]     L'avocat a soulevé un certain nombre de questions :

1.        Les prix payés par les appelants satisfont-ils à la définition classique de la juste valeur marchande énoncée dans la décision Henderson?

2.        Le fait de se fonder sur les prix demandés par CVIAM constitue-t-il une approche acceptable à l'égard de la valeur?

3.        Ces prix sont-ils des prix réduits pour les gravures en question?

4.        La Cour devrait-elle évaluer les gravures, comme Mme Tropper l'a fait, sur une base individuelle?

5.        La preuve soumise par M. Ford et par Mme Tropper au sujet des prix de gravures semblables à celles qui sont en cause étaye-t-elle la juste valeur marchande des gravures indiquée dans les reçus pour dons de bienfaisance des appelants?

6.        La Cour devrait-elle retenir l'opinion exprimée par Mme Tropper?

7.        En ce qui concerne le don fait par Mme Quinn, la Cour devrait-elle être liée par le rapport sur les fourchettes de prix préparé par Gary Roy?

[56]     L'avocat examine ensuite ces questions.

1.        Les prix payés par les appelants satisfont-ils à la définition classique de la juste valeur marchande énoncée dans la décision Henderson?

L'avocat a énoncé la définition de la juste valeur marchande établie par le juge Cattanach dans la décision Henderson et a déclaré que les appelants avaient conclu avec CVIAM des opérations comportant tous les principaux éléments de cette définition. Il a cité la décision 931 Holdings Ltd. v. M.N.R., [1985] 2 C.T.C. 2094, dans laquelle le juge Rip a dit qu'un marché libre est :

[TRADUCTION]

un marché dont aucun acheteur n'est exclu, même si le bien est situé de façon à être plus attrayant pour certaines personnes.

L'avocat a ensuite dit que Mme Tropper n'avait pas étayé son assertion au moyen d'une enquête indépendante au sujet de l'entreprise de CVIAM et que Mme Tropper croyait que le marché n'était pas un marché libre uniquement parce que CVIAM vendait ses gravures à des planificateurs financiers. Il a déclaré que les planificateurs financiers touchaient des commissions lorsqu'ils vendaient des gravures, que rien ne montrait qu'aucun client n'était refusé et qu'il y aurait une incitation à vendre des gravures à autant de clients que possible. Il a ensuite cité la décision Gilvesy Enterprises Inc. v. R., [1997] 1 C.T.C. 2410, dans laquelle le juge Bowie, de la présente cour, avait dit ce qui suit au sujet de l'application d'une clause de coercition concernant la vente d'actions :

Aucune négociation n'était possible à cause des conditions de la convention de rachat d'actions et, en particulier, de la clause de coercition. Toutefois, je ne crois pas que ces restrictions diminuent la valeur probante de la vente aux fins qui nous occupent.

L'avocat a soutenu que même si le marché créé par CVIAM était restreint, ce marché pouvait néanmoins fournir la meilleure preuve de la juste valeur marchande.

L'avocat a ensuite dit que même si Mme Tropper avait témoigné que les gravures à tirage limité se vendent habituellement dans des galeries d'art, dans des boutiques de cadeaux, dans des magasins s'occupant d'encadrements, ou encore chez des marchands d'oeuvres d'art et des conseillers en oeuvres d'art, CVIAM était une source de nombreuses gravures, de 1997 à 1999, et offrait de nombreux groupes de gravures à ce moment-là. Il a ensuite dit que CVIAM était tout simplement un autre genre de vendeur en détail de gravures et qu'elle pouvait offrir 35 groupes identiques à ceux que Mme Quinn avait achetés[1].

L'avocat a conclu ses arguments sur le premier point en disant qu'étant donné que CVIAM était la principale source, sinon la seule source, des collections achetées par les appelants, les prix que ces derniers avaient payés [TRADUCTION] « [étaient] les prix les plus élevés qu'il était raisonnablement possible d'obtenir pour ces gravures » .

[57]     L'avocat est ensuite passé à la deuxième question, à savoir :

2.        Le fait de se fonder sur les prix que les appelants ont payés à CVIAM constitue-t-il une approche acceptable à l'égard de la valeur?

L'avocat a mentionné les arrêts américains faisant autorité que le juge en chef adjoint Bowman avait commentés dans la décision Klotz. Il a déclaré que, de l'avis du juge Bowman, le raisonnement qui était fait dans ces arrêts était instructif et convaincant. Il a dit que la juste valeur marchande était définie comme suit dans ces arrêts :

[TRADUCTION]

Le prix auquel le bien changerait de mains entre un vendeur sérieux et un acheteur sérieux, qui ne sont ni l'un ni l'autre obligés de vendre ou d'acheter et qui ont tous deux une connaissance raisonnable des faits pertinents.

L'avocat a dit qu'en ce qui concerne les dons à des organismes de bienfaisance, l'Internal Revenue Code et les règlements ne précisent pas le marché dont les tribunaux doivent tenir compte, mais qu'en ce qui concerne les droits de succession et l'impôt sur les dons, les tribunaux américains doivent se fonder sur le marché où l'élément d'actif en question est le plus communément vendu. Or, ce marché est celui de la vente au consommateur ultime.

[58]     L'avocat s'est ensuite penché sur la troisième question, à savoir :

3.        Les prix que les appelants ont payés sont-ils des prix réduits pour les gravures en question?

L'avocat a dit que, dans son rapport, Mme Tropper avait soutenu que les prix payés par les appelants étaient des prix réduits. Il a dit que rien ne montrait que c'était le cas. Il a soutenu que le prix réellement payé représentait donc la juste valeur marchande des gravures.

[59]     L'avocat a ensuite traité de la quatrième question, à savoir :

4.        La Cour devrait-elle évaluer les gravures, comme Mme Tropper l'a fait, sur une base individuelle?

L'avocat a dit que Mme Tropper avait déclaré que chacune des gravures en question :

[TRADUCTION]

avait un titre individuel, une image individuelle et était une oeuvre d'art numérotée individuelle qui se vendrait donc individuellement. C'est pourquoi chaque oeuvre a[vait] été considérée comme un bien distinct.

L'avocat a soutenu que rien ne montrait que CVIAM vendait individuellement les gravures en question au moment où les dons ont été faits. Il a affirmé que Mme Tropper se trompait, que l'approche adoptée par Mme Tropper allait à l'encontre du raisonnement que le juge en chef adjoint Bowman avait fait dans la décision Klotz lorsqu'il avait dit ce qui suit :

Nous n'évaluons pas une gravure individuelle. Nous évaluons 250 gravures données en masse à une université. C'est la totalité de ce don qui doit être évaluée et il faut chercher à savoir ce que ces 250 gravures rapporteraient sur le marché libre. La meilleure preuve du prix auquel se vendraient 250 gravures est la preuve du prix auquel elles se sont en fait vendues, soit 75 000 $.

L'avocat a ensuite soutenu que les appelants étaient obligés d'acheter les gravures en groupes. Il a affirmé qu'il fallait accorder peu de poids aux conclusions tirées par Mme Tropper parce que Mme Tropper était membre de l'American Society of Appraisers ( « ASA » ) et qu'elle était donc tenue de se conformer aux Règles uniformes de pratique en matière d'évaluation professionnelle ( « USPAP » ). Il a ensuite dit que Mme Tropper ne s'était pas conformée à ces règles, mais que pour presque tous les artistes, elle s'était fondée sur les données relatives aux ventes courantes en vue d'arriver à une conclusion au sujet de la valeur. Il a soutenu que rien ne montrait clairement pourquoi Mme Tropper remettait en question l'exactitude des déclarations orales de M. Barnett. Il a ajouté que, ce qui est fort important, Mme Tropper n'avait fait aucun cas de CVIAM, qui vendait les gravures, et qu'elle ne s'était pas renseignée sur les activités de CVIAM ou sur le nombre de ventes conclues par CVIAM.

[60]     La cinquième question examinée par l'avocat était la question suivante :

5.        La preuve soumise par M. Ford et par Mme Tropper au sujet des prix de gravures semblables à celles qui sont en cause étaye-t-elle la juste valeur marchande des gravures indiquée dans les reçus pour dons de bienfaisance des appelants?

L'avocat a soutenu que la Cour ne devrait pas se fonder sur l'opinion exprimée par M. Ford, à savoir que des gravures à tirage limité semblables à celles qui étaient en cause [TRADUCTION] « rapportaient des prix se rapprochant des valeurs estimatives des gravures en question » . Il a dit que le témoignage que M. Ford avait présenté au sujet des prix courants et passés des gravures à tirage limité créées par des artistes autres que ceux qui étaient en cause, par exemple celles de Robert Bateman, un artiste bien connu, ne se rapportait pas à des [TRADUCTION] « comparables » . Il a soutenu que M. Ford se fondait énormément sur les prix établis par Mill Pond Press et que cela ne s'appliquait pas aux artistes en question. En effet, Mill Pond n'avait jamais publié les oeuvres de ces artistes. Il a déclaré que Mill Pond affirmait que toutes les gravures à tirage limité sont accompagnées de certificats d'authenticité et sont signées et numérotées et que, dans ce cas-ci, un grand nombre de gravures n'étaient pas conformes à ces normes, étant donné que rien ne montrait que les gravures, sauf pour celles de Barnett, aient été accompagnées de certificats d'authenticité et que les gravures de la collection « Nature & Wildlife » n'étaient pas signées et numérotées. L'avocat a en outre affirmé que l'existence d'un marché est une question de fait plutôt qu'une question d'opinion, et que la Cour ne devrait pas se fonder sur l'opinion de Mme Tropper, à savoir qu'il y avait des marchés pour les gravures en question dans les années visées par l'appel, cette dernière n'ayant pas trouvé, dans le cas de deux artistes, de marché pour des gravures à tirage limité de 1997 à 1999. Il a également dit que Mme Tropper n'avait pas témoigné au sujet de la vente de gravures précises données par les appelants à peu près au moment où les dons avaient été faits et avant le moment où les dons avaient été faits. L'avocat a également dit que Mme Tropper avait reconnu que M. Barnett n'était pas digne de foi, mais qu'elle avait exprimé une opinion en se fondant sur les renseignements que celui-ci avait fournis. L'avocat a soutenu que Mme Tropper n'avait pas fourni de preuve de l'existence d'un marché pour les gravures de la plupart des artistes en 1998 ou en 1999 et ainsi de suite.

[61]     La sixième question était la suivante :

6.        La Cour devrait-elle retenir l'opinion exprimée par Mme Tropper?

L'avocat a soutenu qu'il faut accorder peu de poids aux conclusions tirées par Mme Tropper, et ce, pour les raisons susmentionnées.

[62]     La septième question était la suivante :

7.        En ce qui concerne le don fait par Mme Quinn, la Cour devrait-elle être liée par le rapport sur les fourchettes de prix préparé par Gary Roy?

L'avocat a déclaré que In Kind avait remis à Mme Quinn un reçu pour don de bienfaisance indiquant une juste valeur marchande de 25 280 $ pour les gravures de Barnett. Il a dit que Gary Roy, qui était alors vérificateur à Revenu Canada, avait préparé un [TRADUCTION] « rapport sur les fourchettes de prix » dans lequel il souscrivait à cette juste valeur marchande. Il a soutenu qu'au moment où il avait préparé son rapport, M. Roy n'était pas un évaluateur accrédité et qu'il avait uniquement de l'expérience à temps partiel en ce qui concerne l'achat et la vente de livres et d'oeuvres d'art. Il a soutenu que la conclusion tirée par M. Roy n'était pas digne de foi parce que celui-ci s'en était remis aux déclarations orales de M. Barnett, à savoir que des gravures comparables avaient été vendues. L'avocat a dit que M. Roy avait pris au pied de la lettre ce que M. Barnett lui avait dit. Il a en outre soutenu que le rapport pouvait être considéré comme une ébauche même s'il ne portait pas de mention en ce sens puisqu'il était adressé à un agent des appels mais n'avait jamais été envoyé.

BIENS À USAGE PERSONNEL

[63]     L'avocate en second de l'intimée a soumis des arguments au sujet de la question de savoir si les gravures étaient des « biens à usage personnel » au sens où cette expression est employée dans la Loi. L'avocate a soutenu que les appelants avaient acheté les gravures et les avaient acquises pour deux raisons, à savoir afin de faire une économie d'impôt et afin de donner les gravures. Elle a ensuite affirmé que les appelants n'utilisaient pas les gravures en les donnant, mais qu'il s'agissait uniquement d'une utilisation envisagée. Lorsque, sur mes instances, l'avocate a finalement parlé de la définition des « biens à usage personnel » , elle a soutenu que cette définition était inclusive et qu'elle permettait d'interpréter le sens attribué aux biens à usage personnel dans les cas limite. Elle a affirmé que, pour déterminer la façon dont les appelants utilisaient les gravures, la Cour devait se demander pourquoi les appelants avaient acheté ces gravures et ce qu'ils en faisaient. Elle a affirmé que M. Nash avait fait un don parce qu'il était sensé de le faire sur le plan financier et que M. Nash avait l'intention de donner toutes les gravures ou presque toutes les gravures. Elle a ensuite dit que Mme Tolley croyait qu'elle recouvrerait l'argent qu'elle avait dépensé.

[64]     L'avocate a mentionné la décision Woods Estate v. R., [2000] 3 C.T.C. 2179. Elle a dit qu'il avait été conclu que le bien en question, une maison, n'était pas un bien à usage personnel. Il s'agissait d'une maison appartenant à une succession et, puisqu'elle n'était pas louée, la maison n'avait jamais produit de revenu. La maison n'était pas utilisée par le contribuable ou par une personne liée au contribuable. L'avocate a soutenu qu'il s'agissait d'un type de bien autre qu'un bien d'entreprise ou un bien commercial, mais qu'il ne s'agissait pas d'un bien à usage personnel, en se reportant à la thèse de l'avocat des appelants selon laquelle il n'existait que deux types de biens. Elle a dit que le fait d'acheter les gravures et de les donner pour faire une économie d'impôt ne constituait pas une utilisation personnelle, mais que cela se rapprochait [TRADUCTION] « davantage d'une utilisation à des fins de placement » . Elle a affirmé que le fait de recevoir les gravures, de les regarder et de décider quelles gravures doivent être conservées et quelles gravures doivent être données pourrait être considéré comme une utilisation et elle a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] mais, selon nous, cela ne constitue pas une utilisation personnelle parce que cela fait partie du processus d'achat, de détention et de don, en vue de faire une économie d'impôt ou d'obtenir un crédit.

Comme il en a ci-dessus été fait mention, l'avocate a soutenu que le don ne constituait pas [TRADUCTION] « une utilisation réelle » , mais [TRADUCTION] « une utilisation envisagée » , pendant que les appelants avaient les gravures en leur possession. L'avocate a ensuite mentionné la décision Mid-West Feed Ltd. et al v. Minister of National Revenue, [1987] 2 C.T.C. 2101 (C.C.I.), et elle a affirmé que cette décision étaye la thèse selon laquelle c'est l'utilisation réelle du bien dont il faut tenir compte plutôt que son utilisation envisagée ou son utilisation future.

[65]     L'avocate a ensuite cité la décision Glaxo Wellcome Inc. v. Her Majesty the Queen, [1996] 1 C.T.C. 2904 (C.C.I.), où la Cour a dit ce qui suit :

À moins qu'un principe d'interprétation ne m'oblige à attribuer un sens plus large au mot « utilisé » , ce mot laisse entendre l'utilisation réelle à une certaine fin, et non sa possession en vue d'une utilisation future.

L'avocate a soutenu que l'élément d'actif en question était un bien acheté par le contribuable à des fins d'expansion future. Le bien avait été vendu lorsque le propriétaire s'est rendu compte qu'il n'était pas suffisamment grand pour servir à l'expansion de l'entreprise. Selon l'avocate, il s'agissait de savoir si le bien était un « ancien bien d'entreprise » . Sur mes instances, elle a dit que la définition de cette expression était la suivante :

[TRADUCTION]

[...] l'expression « ancien bien d'entreprise » d'un contribuable s'entend d'une immobilisation principalement utilisée par le contribuable en vue de tirer un revenu d'une entreprise [...]

L'avocate a ensuite dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Selon nous, en ce qui concerne les gravures que les appelants ont acquises, conservées et données dans ce cas-ci, les appelants, en donnant les gravures, ne les ont pas utilisées au sens véritable où la Cour a interprété les termes « utilisation » et « utilisé » dans la décision Glaxo Wellcome. Les appelants n'ont pas utilisé leurs gravures en les donnant. Ils ont donné les gravures pour que quelqu'un puisse les utiliser. Selon l'intimée, cela ne constitue pas un usage personnel envisagé à l'article 46 ou par la définition de l'expression « biens à usage personnel » figurant à l'article 54. L'intimée soutient que l'utilisation ordinaire des gravures consisterait à les accrocher au mur, à les regarder à loisir au bureau ou à la maison pendant un certain temps. Même s'ils n'ont pas utilisé les gravures de cette façon, les appelants auraient pu utiliser les gravures elles-mêmes personnellement. Ils auraient pu les utiliser pour faire une multitude de choses. Ils auraient pu les utiliser comme papier d'emballage, comme matériau d'empaquetage ou ils auraient pu s'en servir pour recouvrir les tablettes des placards. Telles sont les utilisations en ce qui concerne le contribuable ou les appelants dans ce cas-ci [...]

[66]     L'avocate a terminé son argumentation en disant que le don des gravures était simplement la réalisation du but assimilable à un placement que les appelants visaient en achetant les gravures, à savoir faire une économie d'impôt. Elle a dit qu'il ne s'agissait pas d'une utilisation personnelle et qu'il ne s'agissait pas d'une utilisation principale des gravures.

[67]     J'ai demandé à l'avocate quelle serait son opinion si quelqu'un possédait un violon depuis 30 ans, s'il ne s'en était jamais servi et s'il le donnait finalement à la banque des instruments du Conseil des arts du Canada. Elle a répondu que si le violon était demeuré inutilisé, il ne s'agirait pas d'un bien à usage personnel. L'avocate a ensuite affirmé que, dans la décision Klotz, le juge en chef adjoint Bowman semblait, à l'égard des biens à usage personnel, avoir fondé sa conclusion sur le fait qu'un don peut constituer une utilisation et que l'intimée ne souscrivait pas à cette conclusion.

[68]     Le premier avocat de l'intimée a ensuite fait référence au fait que l'avocat des appelants avait reconnu que, selon l'opinion exprimée par Mme Tropper, la juste valeur marchande des gravures de Mme Tolley était inférieure à celle qui avait initialement été alléguée. Il en allait de même pour les gravures de Mme Quinn. L'avocat a dit qu'en ce qui concerne M. Nash, la valeur établie par Mme Tropper était plus élevée, d'environ 500 $, que le montant de la juste valeur marchande alléguée par M. Nash. Il a mentionné le paragraphe 118.1(2) de la Loi, en disant que cette disposition est libellée comme suit :

(2) Le don qui n'est pas attesté par un reçu, contenant les renseignements prescrits, présenté au ministre ne peut être inclus dans le total des dons de bienfaisance, le total des dons à l'État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles.

L'avocat a dit que la valeur indiquée dans le reçu était inférieure au montant de l'évaluation. Il a ensuite cité le paragraphe 350(1.1) du Règlement de l'impôt sur le revenu, qui est rédigé comme suit :

(1.1)     Tout reçu officiel délivré par un autre bénéficiaire d'un don doit énoncer que ledit reçu est un reçu officiel aux fins de l'impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu'il ne puisse pas facilement être modifié [...]

L'avocat a également cité l'alinéa h) qui est rédigé comme suit :

h)          le montant qui correspond

            [...]

(ii)         lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait; [...]

RÉPONSE DE L'AVOCAT DES APPELANTS

[69]     L'avocat a d'abord traité du dernier point soulevé par l'avocat de l'intimée. Il a dit que le paragraphe 118.1(2) prévoit simplement que le contribuable doit établir qu'il a fait un don en présentant un reçu et que le Règlement précise ce qui doit figurer dans ce reçu. Il a déclaré qu'une fois que la juste valeur marchande du don est contestée, il s'agit d'une question discutable que la Cour doit trancher.

[70]     L'avocat a soutenu que les faits de la présente espèce sont fort différents de ceux de l'affaire Klotz, en précisant que, dans le cas des appelants ici en cause, il s'agissait de nouvelles gravures. Il a soutenu que le juge en chef adjoint Bowman, en disant, dans les motifs de jugement qu'il a rendus dans l'affaire Klotz, que le témoin expert, Mme Laverty, s'était empêtrée, disait cela dans le contexte du témoignage de M. Alasko, le second témoin expert de l'appelant, qui ne voulait pas mettre encore plus Mme Laverty dans l'embarras. L'avocat a affirmé que M. Ford et Mme Tropper ne s'étaient pas mis dans le pétrin et que cette distinction était primordiale. Il a ajouté que le témoin qui s'est mis dans le pétrin n'est pas un témoin digne de foi et qu'un cas tel que l'affaire Klotz, [TRADUCTION] « va alors de mal en pis puisqu'il n'y a aucun témoin expert digne de foi d'un côté ou de l'autre » .

[71]     L'avocat a mentionné la décision Gilvesy, dans laquelle il était question d'une clause de coercition. Il a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'une affaire dans laquelle on demandait à la Cour de déterminer la juste valeur marchande des actions. Il a dit qu'il s'agissait d'une affaire de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (la « PDTPE » ) et que le juge n'avait pas conclu que le prix de vente imposé par coercition était égal à la juste valeur marchande, mais qu'il [TRADUCTION] « avait simplement dit qu'il n'était pas supérieur à la juste valeur marchande » . Le point litigieux se rapportait au prix de base utilisé dans la PDTPE. L'avocat a soutenu que le seul point pertinent dans la décision Gilvesy se rapportait à la thèse selon laquelle une vente sur un marché assujetti à des restrictions ne rapporterait pas un prix supérieur à la juste valeur marchande, ce à quoi il souscrivait.

[72]     L'avocat a ensuite parlé de la prétention de l'avocat de l'intimée selon laquelle CVIAM [TRADUCTION] « était tout simplement un autre détaillant » . Il a soutenu que CVIAM était fort loin d'être un autre détaillant, mais qu'elle mettait en oeuvre un programme dans le cadre duquel des gravures étaient données. Voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION]

Il s'agissait de trouver un réseau de planificateurs financiers, d'obtenir des avis juridiques et des avis comptables, de trouver des donataires, de faire toutes sortes de choses que les personnes qui vendent des gravures au détail ne font pas.

[73]     L'avocat a souligné que les gravures de Barry Barnett n'avaient pas été vendues qu'à 35 particuliers parce qu'il n'y avait que 35 épreuves d'artiste et 35 remarques. Il a dit que la preuve ne montre pas clairement ce qui est arrivé à toutes les gravures, mais qu'un grand nombre d'entre elles avaient été obtenues par M. Barnett et que ce dernier en avait vendu un grand nombre, ce qui avait servi de fondement à l'évaluation des gravures effectuée par Mme Tropper. Il a dit que, selon la description donnée par l'avocat de l'intimée au sujet des ventes que CVIAM avait conclues avec d'autres particuliers ou clients, [TRADUCTION] « c'[était] le marché normal pour ces gravures, le seul marché pour ces gravures » . Il a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] l'intimée soutient que, si l'on applique la décision Henderson, puisque c'était le seul marché pour ces gravures, c'est là qu'il faut chercher la juste valeur marchande.

L'avocat a ensuite dit que, selon la prétention des appelants, tel n'était pas le critère énoncé dans la décision Henderson. Il a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

Selon le critère énoncé dans la décision Henderson, il s'agit du prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend selon la façon normale qui s'applique à ce bien dans le cours ordinaire des affaires.

[74]     L'avocat a déclaré qu'un achat effectué par l'entremise d'un planificateur financier n'est pas la façon normale d'acheter des gravures à tirage limité. À l'appui de sa position, il a donné l'exemple suivant :

[TRADUCTION]

Supposons qu'un fabricant de meubles fabrique 100 chaises et supposons que les chaises sont fabriquées selon une nouvelle conception et qu'elles n'ont jamais été vendues, que ce sont des chaises en bois de bonne qualité et bien conçues, qu'il s'agit de chaises vendables. Pour la personne qui se présente chez le fabricant, ces chaises sont vendables. Supposons qu'un expert comme M. Ford, pas un expert en gravures, mais un expert qui connaît les chaises, arrive sur les lieux, et qu'il affirme que ces chaises sont vendables. Toutefois, ces chaises n'ont toutefois jamais été vendues au détail. Supposons que le fabricant a vendu ces 100 chaises, qu'il vient de les vendre à Brick Warehouse, un détaillant, qu'il les a vendues au prix de gros de 50 $ chacune. Brick va les vendre au prix de 100 $ chacune. [...] Mais ces chaises n'ont jamais été vendues au détail. Or, mon collègue soutiendrait probablement qu'il faut examiner le seul marché sur lequel ces chaises se sont vendues. Or, elles ont été vendues au prix de 50 $ chacune seulement lorsqu'elles ont été vendues à Brick. Elles se trouvent encore dans l'usine. Elles n'ont pas encore été livrées à Brick, ou même, en admettant qu'elles aient été livrées à Brick, elles n'ont pas encore été vendues au détail. Selon eux, tel est le seul marché pour ces chaises. Selon nous, ces chaises ont néanmoins une juste valeur marchande. C'est ce qu'un expert en évaluation de ces chaises au détail dirait qu'elles valent - 100 $, soit le prix auquel Brick les vendra, parce qu'il s'agit d'une vente hypothétique sur le marché approprié, c'est ce que prévoit la loi. C'est ce que disent les décisions Friedberg et Whent. Et la vente hypothétique sur le marché approprié, lorsque des gravures exerçant un attrait sur les masses sont en cause, c'est la vente sur le marché de détail. Ce n'est pas une vente conclue par l'entremise d'un planificateur financier. Ce n'est pas une vente conclue par CVI. [...] il faut se reporter à la décision Henderson. On se demande quel est le prix le plus élevé que ces chaises rapporteraient si elles se vendaient de la façon normale qui s'applique au bien en question dans le cours ordinaire des affaires. Or, le prix le plus élevé est obtenu chez Brick Warehouse, au moment où ces chaises se vendent finalement. Le fait que la personne qui donne ces chaises les a achetées chez le fabricant ne veut pas dire que leur juste valeur marchande est soudainement de 50 $ la chaise simplement parce que c'est le prix auquel elle a pu les acheter.

[75]     L'avocat a poursuivi en disant que la Cour ne savait pas grand-chose au sujet de CVIAM, si CVIAM s'était entendue avec un planificateur financier ou les milieux de la planification financière, et ainsi de suite. Il a dit que nous ne connaissons pas les circonstances [TRADUCTION] « parce que l'intimée ne nous a rien dit et que cela ne rel[evait] pas des connaissances des appelants » . Il a contesté l'hypothèse émise dans la nouvelle cotisation selon laquelle le prix le plus élevé était le prix auquel CVIAM vendait les gravures et il s'est demandé quel était le fondement de pareilles hypothèses. Il a ensuite dit que les appelants avaient fait tout ce que l'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'ils fassent, qu'ils avaient appelé des évaluateurs, qu'ils avaient cherché à obtenir le plus de renseignements factuels possibles, qu'ils avaient eu recours à un expert connaissant le marché, qu'ils avaient présenté une preuve générale au sujet du caractère vendable des gravures et des prix auxquels elles pouvaient se vendre. L'avocat a ensuite dit que si une preuve prima facie avait été soumise par l'entremise de Mme Tropper, de M. Ford, des appelants et même de M. Roy, selon laquelle la juste valeur marchande dans un cas correspondait à peu près à ce qui était indiqué dans les reçus pour dons, la charge de la preuve passait à l'intimée. Il a soutenu qu'en critiquant l'approche adoptée par Mme Tropper, l'avocat de l'intimée n'avait pas compris, parce que Mme Tropper avait dit que, sur le marché approprié, les gravures se vendent sur une base individuelle et qu'étant donné que les gravures étaient toutes différentes, elles étaient vendables individuellement et non en groupe. Voici ce qu'il a dit au sujet de l'argument de l'avocat de l'intimée :

[TRADUCTION]

[...] [Il] s'est sans aucun doute arrêté à des vétilles dans le rapport de Mme Tropper et, en bonne justice, il ne disposait pas d'une preuve d'expert sur laquelle il pouvait s'appuyer et je le comprends fort bien. Cependant, en disant que Mme Tropper s'était trompée, qu'elle aurait dû évaluer les gravures en groupe plutôt que sur une base individuelle, il va à l'encontre des méthodes d'évaluation appropriées, il va à l'encontre de ce que l'intimée a fait par le passé lorsqu'elle a soumis la preuve d'évaluation d'un expert dans ces cas similaires.

[76]     L'avocat a ensuite mentionné l'arrêt Malette, pour ce qui est de la réduction globale. Il a souligné que le propre expert de l'intimée avait appliqué une réduction à [TRADUCTION] « chaque oeuvre » , de sorte qu'il avait adopté la même approche que celle qui est maintenant préconisée par les appelants.

[77]     L'avocat a dit que Mme Tropper était allée à la recherche de factures dans les galeries, qu'elle ne savait pas qui disait la vérité, et qu'elle avait examiné les renseignements reçus par rapport aux comparables sur le marché. Il a soutenu que, pendant le contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée [TRADUCTION] « s'[était] arrêté à des vétilles ici et là » . Il a dit que Mme Tropper n'était pas un témoin qui s'était mise dans le pétrin. Il a déclaré que Mme Tropper avait pour mission de trouver le prix le plus élevé qu'il était possible d'obtenir de la façon normale dans le cours ordinaire des affaires, soit le critère énoncé dans la décision Henderson. Voici ce qu'il a dit :

[TRADUCTION]

Mme Tropper n'avait pas à mettre l'accent sur le prix payé par les appelants parce qu'elle savait, après avoir examiné les gravures, après les avoir regardées, qu'il existait un marché. Avec ses antécédents et ses connaissances, elle savait qu'il existait un marché pour ce genre de gravures dans les galeries de détail, dans les ateliers d'imprimerie et dans les magasins s'occupant d'encadrements partout en Amérique du Nord.

[78]     L'avocat a ensuite affirmé que la Cour pouvait faire une inférence à partir de l'omission de l'intimée de produire une preuve d'expert. Il a soutenu que l'intimée n'avait pas pu trouver qui que ce soit qui ait été prêt à témoigner sous serment, après avoir produit un rapport et après avoir accompli le travail pertinent, et à dire à la Cour que la juste valeur marchande des gravures n'était pas supérieure au prix payé par les appelants.

[79]     L'avocat a ensuite rappelé à la Cour que Mme Tropper avait dit que, même si toutes les gravures vendues par CVIAM, les gravures ici en cause, avaient été mises en vente sur le marché de détail, leur vente n'aurait pas eu un effet dépressif sur le marché. Il a ajouté que, dans son rapport écrit, Mme Tropper avait dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le nombre de gravures dont étaient composés ces dons était insuffisant pour indiquer la nécessité de calculer une valeur réduite sur la quantité. En fait, même le nombre total de gravures tirées par ces artistes ne satureraient pas le vaste marché nord-américain.

[80]     L'avocat a ensuite parlé de la preuve présentée par Mme Tropper à titre d'expert, y compris la preuve par ouï-dire, et il a affirmé que les tribunaux avaient approuvé la thèse selon laquelle une telle preuve pouvait être utilisée par un expert. Il a mentionné la décision Woods dans laquelle une fiducie était propriétaire d'une maison, et où la présente cour avait conclu qu'il ne s'agissait pas d'un bien personnel. Il a dit que cela n'étaye pas une thèse autre que celle selon laquelle une fiducie ne peut pas posséder de biens à usage personnel à moins d'être visée par les dispositions du sous-alinéa 54a)(iii) de la Loi.

[81]     L'avocat a ensuite parlé de la présentation du budget fédéral du 28 février 2000, dans lequel il était expressément fait mention de certains arrangements concernant des dons de bienfaisance tels que ceux qui sont ici en cause, en le qualifiant de preuve externe, et en ajoutant que la Loi telle qu'elle existait par la suite constituait une preuve interne. L'avocat a également mentionné l'arrêt Silicon Graphics v. Her Majesty the Queen, [2002] 3 C.T.C. 527 (C.A.F.) et la décision HSC Research v. Her Majesty the Queen, [1995] 1 C.T.C. 2283 (C.C.I.) comme faisant autorité en ce qui concerne la thèse selon laquelle la Cour n'est pas assujettie aux restrictions prévues au paragraphe 45(2) de la Loi d'interprétation en interprétant une modification apportée à la loi lorsque tous les éléments de preuve externe et interne donnent à entendre que la modification comportait un but, qu'elle avait un objet. L'avocat a résumé son argument en disant qu'à la simple lecture de la disposition, il est possible d'inférer que le législateur voulait qu'il y ait une modification et que, par conséquent, avant cette modification, ces biens étaient des biens à usage personnel. En ce qui concerne l'argument de l'avocat de l'intimée sur ce point, l'avocat des appelants a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Nous disons... que dès qu'une personne l'achète et dès qu'une personne en est propriétaire, elle en est propriétaire dans le but de l'utiliser de quelque façon, et ce but pourrait être un but charitable. On coupe les cheveux en quatre en disant que ce n'est qu'au moment même où le bien est donné, parce qu'il s'écoule un certain temps avant qu'il soit donné, et que la personne en cause en est alors encore propriétaire.

ANALYSE ET CONCLUSION

[82]     Je souscris à tous les arguments figurant dans les notes d'argumentation de l'avocat des appelants qui sont ici reproduites ainsi qu'aux arguments avancés dans la réponse de l'avocat.

[83]     Mme Tropper est fort bien qualifiée et elle a énormément de connaissances dans son champ d'expertise puisqu'elle a été reconnue à titre [TRADUCTION] d' « évaluatrice en biens meubles, y compris les gravures à tirage limité » . J'ai trouvé Mme Tropper tout à fait digne de foi et l'intégrité professionnelle dont elle a fait preuve en témoignant lors de l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire m'a fortement impressionné. Son rapport était exceptionnellement bien préparé et fort bien présenté. Les questions que l'avocat de l'intimée a posées à Mme Tropper en ce qui concerne les USPAP et les marchés appropriés pour les oeuvres des artistes qui ont préparé les images à l'aide desquelles les gravures ont été faites, et ainsi de suite, semblaient constituer une tentative pour compromettre l'exactitude et l'efficacité de son évaluation. Les réponses honnêtes données par Mme Tropper lors des interrogatoires tant en ce qui concerne ce qu'elle avait fait que ce qu'elle n'avait pas fait m'ont impressionné. À mon avis, la preuve présentée par Mme Tropper n'a pas été compromise pendant le contre-interrogatoire.

[84]     L'intimée n'a produit aucune preuve d'expert et, de fait, aucun autre élément de preuve. La preuve des témoins des appelants, y compris M. Ford, expert en commercialisation d'oeuvres d'art, et Mme Tropper, telle qu'il en a ci-dessus été fait mention, constituait une preuve prima facie, et elle était incroyablement forte. Le ministre a émis des hypothèses de fait dans chacune des réponses à l'avis d'appel des appelants au sujet de la juste valeur marchande des gravures. Plus précisément, il a émis les hypothèses suivantes en ce qui concerne M. Nash :

[TRADUCTION]

m)        le prix d'achat des gravures données était de 8 571 $;

n)         la juste valeur marchande des 84 gravures au moment où le don a été fait était d'au plus 8 571 $.

Le ministre a émis les hypothèses suivantes en ce qui concerne Mme Tolley :

m)         le prix d'achat des gravures données était de 8 377 $;

n)         la juste valeur marchande des 99 gravures au moment où le don a été fait était d'au plus 8 377 $

Le ministre a émis les hypothèses suivantes en ce qui concerne Mme Quinn :

n)         le prix d'achat des gravures données était de 8 648 $;

o)          la juste valeur marchande des 48 gravures au moment où le don a été fait était d'au plus 8 648 $.

[85]     Dans la décision Redash Trading Incorporated, précitée, j'ai examiné à fond l'effet qu'avait l'omission par l'intimée de présenter une preuve dans un cas où la charge de la preuve lui avait clairement été transmise. Je réfère à l'examen qui a été effectué et à la conclusion qui a été tirée sur ce point. Plus précisément, j'énonce ici les remarques figurant dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, où la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit :

Comme je l'ai signalé, l'appelant a produit une preuve claire et non contredite, alors que l'intimée n'a produit absolument aucune preuve. À mon avis, le droit sur ce point est bien établi et l'intimée ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve [...]

Il est établi en droit qu'une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre [...] Comme je l'ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l'appelante en l'espèce n'a été contestée ni contredite [...]

Lorsque l'appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l'appelant et prouver les présomptions [...]

et

Lorsque le fardeau est passé au ministre et que celui-ci ne produit absolument aucune preuve, le contribuable est fondé à obtenir gain de cause [...]

L'intimée ne s'est tout simplement pas acquittée de son fardeau en l'espèce.

[86]     Compte tenu de la preuve, qui a été énoncée en détail, et puisque je souscris aux arguments de l'avocat des appelants, j'ai conclu que les appelants auront gain de cause. Je veux souligner en particulier la thèse que Mme Tropper a avancée en utilisant la définition de la juste valeur marchande que le juge Cattanach avait établie dans la décision Henderson, précitée. Selon cette définition, il s'agit fondamentalement du prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs et de vendeurs sérieux. Cette définition correspond précisément au mode d'évaluation employé par Mme Tropper.

[87]     Je tiens également à souligner que je suis d'accord avec l'avocat des appelants en ce qui concerne la décision Klotz. À mon avis, la preuve dans cette affaire-là, telle qu'elle a été décrite par le juge en chef adjoint Bowman, était tellement inférieure à la preuve soumise en l'espèce qu'il me serait fort difficile de ne pas souscrire à la décision que celui-ci a rendue.

[88]     Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux commentaires de l'avocat des appelants et aux remarques que le juge en chef adjoint Bowman a faites dans la décision Klotz au sujet des biens à usage personnel. Je suis entièrement d'accord avec eux. Selon la thèse des avocats de l'intimée, l'utilisation envisagée ne peut pas constituer une utilisation. L'extension de cette thèse, de façon qu'il soit conclu qu'un violon qui appartient à une personne depuis 30 ans et qui n'a jamais été utilisé n'est pas un bien à usage personnel laisse tellement à désirer qu'elle se passe de commentaires.

[89]     Je conclus que l'évaluation effectuée par Mme Tropper indique la juste valeur marchande qu'il faut utiliser pour répondre à la première question. Je conclus en outre que les gravures étaient des « biens à usage personnel » au sens attribué à cette expression dans la Loi lorsqu'il s'agit de répondre à la deuxième question. Comme l'avocat de l'intimée l'a reconnu, les pénalités seront annulées.

[90]     Par conséquent, l'appel sera admis avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 2004.

                  « R.D. Bell »                

Juge Bell

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI649

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3718(IT)G

INTITULÉ :

Barbara Quinn c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 5 juillet 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable R.D. Bell

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Mes Clifford L. Rand et

David C. Muha

Avocats de l'intimée :

Mes Arnold Bornstein, Sointula Kirkpatrick et Michael Appavoo

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Clifford L. Rand

Cabinet :

Wildeboer Rand Thompson Apps & Dellelce

Toronto (Ontario)

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]               L' « épreuve d'artiste » est un type spécial de gravure à tirage limité. Habituellement, les épreuves d'artiste étaient les premières gravures du tirage qui étaient créées (elles étaient en général « imprimées à titre d'essai » par l'artiste). Une « remarque » est une gravure provenant d'un tirage limité à laquelle l'artiste a ajouté une oeuvre d'art originale (en général, une petite esquisse ou une petite peinture).

[2]               Les valeurs estimatives auxquelles Cynthia Duval est arrivée à l'égard des gravures données par Mme Quinn étaient plus élevées que les montants indiqués dans le reçu pour don qui avait été remis à cette dernière.

[3]               Nova Corp. of Alberta v. R., [1997] 3 C.T.C. 291 (C.A.F.), à la page 307.

[4]               Voir R. v. Friedberg, 92 DTC 6031 (C.A.F.), à la page 6033; Whent v. R., [1996] 3 C.T.C. 2542 (C.C.I.), confirmé par [2000] 1 C.T.C. 329 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée 2000 CarswellNat 2397 (C.S.C.), à la page 2258.

[5]               Voir le budget fédéral de 1997, Plan budgétaire (18 février 1997), à la page 112.

[6]               Un exemple de disposition modificative ayant un effet rétroactif se trouve au paragraphe 10(1.01) qui prescrit un ensemble distinct de règles d'évaluation des biens figurant à l'inventaire dans le cas des projets comportant un risque de caractère commercial. Cette disposition, bien qu'elle ait été présentée dans un communiqué de presse en date du 20 décembre 1995, s'appliquait à toutes les années d'imposition antérieures, sous réserve des dispositions précises relatives aux droits acquis figurant dans la règle qui entrait en vigueur.

[7]               Le ministère des Finances avait antérieurement fait certains efforts, moins fructueux, en vue de mettre un frein à ces opérations :

·          le budget fédéral du 16 février 1999 introduisait les pénalités imposées à des tiers (édicté à l'article 163.2 de la Loi). Les informations supplémentaires relatives au budget de 1999 comprenaient une description de l'opération relative aux dons de bienfaisance dans le cadre de laquelle une oeuvre était achetée à bas prix et donnée pour un montant élevé, de nouvelles pénalités civiles devant s'appliquer au promoteur de l'opération, à l'évaluateur qui avait évalué l'oeuvre d'art, et peut-être à l'organisme de bienfaisance qui avait remis le reçu pour le don (voir le budget fédéral de 1999, Plan budgétaire, à la page 206).

·          Le budget du 28 février 2000 apportait des modifications aux règles concernant les biens à usage personnel destinées à assurer l'imposition des gains accumulés sur des biens donnés (en instaurant la notion de « bien exclu » au paragraphe 46(5) de la Loi).

·          Le budget fédéral du 18 février 2003 ajoutait les « arrangements de don » à la définition de l'expression « abri fiscal » pour l'application des règles d'identification des abris fiscaux figurant au paragraphe 237.1(1) de la Loi.

[8]               Communiqué de presse du ministère des Finances en date du 5 décembre 2003.

[9]               Le projet de loi, qui a initialement été rendu public le 5 décembre 2003, était inclus dans le projet de modifications de forme publié par le ministre des Finances le 27 février 2004. Le projet de modifications de forme n'a pas été présenté à la Chambre des communes.

[10]             Le mécanisme utilisé pour obtenir ce résultat est le suivant : un projet de loi qui a initialement été rendu public le 20 décembre 2002 et qui a de nouveau été rendu public dans le cadre du projet de modifications de forme du 27 février 2004 supprimera la mention, dans la définition du « total des dons de bienfaisance » figurant à l'article 118.1, de la juste valeur marchande des dons et la remplacera par la notion de « montant admissible » d'un bien. Cela nécessite l'ajout du paragraphe 248(30) proposé, qui définit le « montant admissible » d'un don. Pour les besoins de cette définition, le paragraphe 248(35) proposé précise qu'à l'égard du don d'un bien qui a été acquis par le contribuable en vertu d'un « arrangement de don » moins de trois ans avant que le don ait été fait, ou en prévision d'un don, la juste valeur marchande du bien est réputée être le moindre de la juste valeur marchande du bien déterminée par ailleurs et de son coût pour le contribuable. L'expression « arrangement de don » est définie au paragraphe 237.1(1) de la Loi comme comprenant un arrangement aux termes duquel il est raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations faites, que, si une personne devait conclure l'arrangement, un bien acquis par la personne aux termes de l'arrangement ferait l'objet d'un don à un donateur reconnu. Ces règles ne s'appliqueront pas à certains types de dons décrits au paragraphe 248(36) proposé.

[11]             Voir, par exemple, Aikman v. R., [2000] 2 C.T.C. 2211 (C.C.I.), confirmé par [2002] 2 C.T.C. 147, aux pages 2224 et 2225; Langlois v. R., [1999] 3 C.T.C. 2589 (C.C.I.), confirmé par 2000 CarswellNat 3241 (C.A.F.), à la page 2626; Milne v. R., [1994] 2 C.T.C. 2190 (C.C.I.) à la page 2197; et Dominion Metal & Refining Works Ltd. v. M.N.R., 86 DTC 6311 (C.F. 1re inst.), à la page 6314.

[12]             Henderson v. M.N.R., 73 DTC 5471 (C.F. 1re inst.), confirmé par 75 DTC 5332 (C.A.F.), à la page 5476.

[13]             Voir, par exemple, M.N.R. v. Northwood Country Club, 89 DTC 173 (C.C.I.), à la page 176; Dominion Metal & Refining Works Ltd. v. M.N.R., 86 DTC 6311 (C.F. 1re inst.) à la page 6314; Hugh Waddell Ltd. v. R., 82 DTC 6050 (C.F. 1re inst.), confirmé par [1984] 1 C.F. 511 (C.A.F.), à la page 6051; et 931 Holdings Ltd. v. M.N.R., [1985] 2 C.T.C. 2094 (C.C.I.), à la page 2103.

[14]             Re Mann Estate, [1972] 5 W.W.R. 23 (C.S.C.-B.), confirmé par [1973] C.T.C. 561 (C.A.C.-B.) et [1974] C.T.C. 222 (C.S.C.), à la page 27.

[15]             Voir, par exemple, Ringuette v. R., [2000] 3 C.T.C. 2121 (C.C.I.), à la page 2138; Turmel c. R., [2003] 1 C.T.C. 2625 (C.C.I.), à la page 2632; 931 Holdings Ltd. v. M.N.R., [1985] 2 C.T.C. 2094 (C.C.I.), à la page 2104.

[16]             Voir, par exemple, 931 Holdings Ltd. v. M.N.R., [1985] 2 C.T.C. 2094 (C.C.I.), à la page 2103; Milne v. R., [1994] 2 C.T.C. 2190 (C.C.I.), aux pages 2197 et 2198; Dominion Metal & Refining Works Ltd. v. R., 86 DTC 6311 (C.F. 1re inst.), à la page 6314.

[17]             Voir, par exemple, la remarque du juge Mahoney dans Connor v. R., 78 DTC 6497 (C.F. 1re inst.), confirmé par 79 DTC 5256 (C.A.F.), aux pages 6503 et 6504 concernant l'évaluation des actions d'une société privée : « Lorsqu'il s'agit d'évaluer les actions d'une compagnie privée, il faut supposer que le "marché est ouvert et libre". Il ne faut pas limiter ce marché théorique aux autres actionnaires; il faut admettre que des inconnus prendraient volontiers pied dans la compagnie s'ils jugeaient le prix équitable, et que les autres actionnaires sont prêts à les accepter ou à donner leur accord au prix offert. La loi applicable [soit, dans cette affaire-là, le Règlement concernant l'application de l'impôt sur le revenu, 1971, S.C. 1970-71, ch. 63, art. 26(3) et 27(7), selon lequel le coût de certains biens est réputé être égal à leur juste valeur marchande au jour d'évaluation] ne prévoit pas d'autres méthodes que celle de la "juste valeur marchande" lorsqu'en fait il n'y a pas de "marché ouvert et libre". »

[18]             La preuve montrait uniquement que CVIAM avait mis les gravures en vente entre l'été 1997 et la fin de l'année 1999, mais les appelants croient comprendre qu'en fait, CVIAM a continué à vendre des gravures pendant une période additionnelle de deux mois, jusqu'au 27 février 2000.

[19]             Whent v. R., [1996] 3 C.T.C. 2542 (C.C.I.), confirmé par [2000] 1 C.T.C. 329 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée 2000 CarswellNat 2397 (C.S.C.)

[20]             Whent (C.C.I.), à la page 2567.

[21]             Whent (C.C.I.), aux pages 2575 et 2576.

[22]             Whent (C.C.I.), à la page 2573.

[23]             Malette v. R., 2004 Carswell Nat 1424 (C.A.F.).

[24]          Malette v. R. (C.A.F.), au paragraphe 25.

[25]             Langlois v. R., [1999] 3 C.T.C 2589 (C.C.I.), confirmé par 2000 CarswellNat 3241 (C.A.F.).

[26]             Langlois (C.A.F.), au paragraphe 18.

[27]             Whent (C.C.I.), à la page 2577.

[28]             Whent (C.A.F.), à la page 344.

[29]             Friedberg v. R., 89 DTC 5115 (C.F. 1re inst.), confirmé quant à la question de l'évaluation 92 DTC 6031 (C.A.F.).

[30]             Friedberg (C.F. 1re inst.), à la page 5120.

[31]             Friedberg (C.F. 1re inst.), à la page 5120.

[32]             Freidberg (C.A.F.), aux pages 6034 et 6035.

[33]             Untermeyer Estate v. A-G. British Columbia,[1929] S.C.R. 84, aux pages 91 et 92.

[34]             Dobieco Ltd. v. M.N.R., 63 DTC 1063 (C. de l'É.), annulé sur une question différente, 65 DTC 5300 (C.S.C.).

[35]             Dobieco Ltd. v. M.N.R. (C. de l'É.), à la page 1071.

[36]             Dobieco Ltd. v. M.N.R. (C. de l'É.), à la page 1071.

[37]             Whent (C.C.I.), à la page 2572.

[38]             Whent (C.C.I.), aux pages 2572 et 2573.

[39]             Rapport d'expert de Sandra Tropper, pièce A-5, à la page 10.

[40]             Malette (C.A.F.), au paragraphe 17.

[41]             Malette (C.A.F.), au paragraphe 11.

[42]             Friedberg (C.F. 1re inst.), aux pages 5119 et 5120.

[43]             Friedberg (C.A.F.), à la page 6034.

[44]             Whent (C.C.I.), à la page 2573.

[45]             Whent (C.C.I.), à la page 2574.

[46]             Aikman v. R., [2000] 2 C.T.C. 2211 (C.C.I.), confirmé par [2002] 2 C.T.C. 147.

[47]             Global Communications v. R., 99 DTC 5377 (C.A.F.), à la page 5385.

[48]             Aikman (C.C.I.), à la page 2230.

[49]             Aikman (C.C.I.), à la page 2230.

[50]             Global Communications (C.A.F.).

[51]             Klotz v. R., 2004 CarswellNat 303 (C.C.I.).

[52]             Klotz, au paragraphe 40.

[53]             Klotz, au paragraphe 36. Le juge en chef adjoint Bowman a dit (au paragraphe 35) que l'expression « assommer une oeuvre avec des fleurs » s'appliquait à l'opinion que M. Alasko avait exprimée au sujet du rapport de Mme Laverty.

[54]             Aikman (C.C.I.), à la page 2234.

[55]             Par exemple, voir Hunter v. Commissioner, (1986) 51 TCM 1533, à la page 1536; Lio v. Commissioner, (1985) 85 TC 3292, à la page 3298.

[56]             Hunter v. Commissioner, aux pages 1536 et 1537. Voir également Lio v. Commissioner, à la page 3299.

[57]             Redash Trading Incorporated c. R., 2004 CCI 446.

[58]             La valeur attribuée par Mme Tropper aux gravures que Caedmon Nash et Susan Tolley avaient conservées pour leur propre usage a été déduite dans le calcul des montants indiqués dans ce tableau.

[59]             Le montant initial auquel les gravures de Mme Quinn avaient été évaluées était plus élevé que le montant indiqué dans le reçu pour don qui avait été remis pour les gravures. Le montant auquel les gravures avaient initialement été évaluées était de 24 000 $US (200 $US pour chaque gravure, 400 $US pour chaque épreuve d'artiste et 900 $US pour chaque remarque).

[60]             Il est à supposer que les gravures sont, pour les appelants, des immobilisations. Cette qualification n'est pas contestée dans cet appel. Quoi qu'il en soit, il a clairement été établi dans l'arrêt Whent (C.A.F.), à la page 339, qu'un bien qui est acheté en vue d'être donné ne constitue pas un projet comportant un risque de caractère commercial ou qu'il ne fait pas par ailleurs partie d'un inventaire.

[61]             Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e édition (Butterworths, 2002), aux pages 51 et 52.

[62]             Klotz, aux paragraphes 63 et 66.

[63]             Boudreau v. R., [2000] 1 C.T.C. 2242 (C.C.I.), à la page 2245.

[64]             Jason v. R.,[1996] 1 C.T.C. 2320 (C.C.I.), à la page 2322.

[65]             Klotz, au paragraphe 67.

[66]             Klotz, aux paragraphes 19 et 22.

[67]             Silicon Graphics v. R., [2002] 3 C.T.C. 527 (C.A.F.), à la page 539.

[68]             HSC Research Development Corp. v. R., [1995] 1 C.T.C. 2283 (C.C.I.), aux pages 2293 à 2297.

[69]             Nova Corp. of Alberta v. R., [1997] 3 C.T.C. 291 (C.A.F.), à la page 307.

[70]             Budget fédéral 2000, Plan budgétaire (28 janvier 2000), aux pages 241 et 242.

[1]         Au paragraphe 4 de l'exposé conjoint des faits, il est déclaré que CVIAM a conclu 34 ventes à part celle qui a été conclue avec Mme Quinn. Il est également déclaré que CVIAM a conclu 149 ventes à part la vente à Mme Tolley d'une gravure de chacun des tirages dont provenaient les gravures que cette dernière avait achetées. Il est en outre énoncé que CVIAM a conclu 297 ventes à part la vente à M. Nash d'une gravure de chacun des tirages dont provenaient les gravures que ce dernier avait achetées.

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