Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2002-1826(IT)G

ENTRE :

NORMAN GAUDREAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 29 avril 2004 à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Mes Paul Lefebvre et Edward Rowe

Avocats de l'intimée :

Mes Steven Leckie et Justine Malone

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de l'année d'imposition 1996 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l'appelant a droit à une déduction pour impôt étranger de 7 379 $ conformément à l'article 126 de la Loi.

          Le soi-disant appel interjeté en vertu de la Loi à l'égard de l'année d'imposition 1997 est annulé.

          Les appels interjetés en vertu de la Loi à l'égard des années d'imposition 1998 et 1999 sont rejetés.

                L'intimée a droit à ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 2004.

« Lucie Lamarre »

La juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2005.

Mario Lagacé, réviseur


Référence : 2004CCI840

Date : 20041222

Dossier : 2002-1826(IT)G

ENTRE :

NORMAN GAUDREAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      Les présents appels concernent des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard des années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999. Lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus pour ces années, l'appelant s'est prévalu de déductions prévues au sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi relativement à des montants qui étaient exonérés de l'impôt sur le revenu au Canada en raison d'une disposition d'une convention fiscale, soit l'article 4 de la convention fiscale entre le Canada et l'Égypte (la « Convention » ). Ces montants se chiffraient à 39 179 $ en 1996, à 246 377 $ en 1997, à 355 777 $ en 1998 et à 292 404 $ en 1999.

[2]      Lorsqu'il a établi la cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre a refusé la déduction des montants visés au sous-alinéa 110(1)f)(i) de la Loi et a inclus dans le revenu de l'appelant pour ces années des sommes de 7 379 $, de 29 191 $, de 46 975 $ et de 47 930 $ respectivement. Ces sommes correspondent à l'impôt sur le revenu versé au fisc égyptien pour le compte de l'appelant par son employeur à l'égard de ces années-là. En outre, le ministre a permis la déduction pour impôt étranger prévue à l'article 126 de la Loi qui s'élevait à 46 975 $ et à 47 930 $ respectivement pour les années d'imposition 1998 et 1999.

[3]      Lorsqu'il a établi la cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre a décidé que l'appelant était résident du Canada au cours des années en cause et qu'il devait verser de l'impôt sur son revenu provenant de sources canadiennes et de l'étranger. Le ministre était aussi d'avis que, même si l'appelant résidait en Égypte pendant ces années, ses liens personnels et économiques (le centre de ses intérêts vitaux) étaient demeurés plus étroits avec le Canada qu'avec l'Égypte, de sorte qu'il devait payer de l'impôt au Canada et non pas en Égypte, conformément au paragraphe 4(2) de la Convention. Le ministre a donc établi une cotisation à l'égard de l'appelant en vertu de l'article 2 de la Loi. Le ministre estimait aussi que l'avis de cotisation à l'endroit de l'appelant était justifié par l'alinéa 6(1)a) de la Loi à cause du versement, par son employeur, des impôts qu'il devait payer au fisc égyptien au cours de ces mêmes années.

[4]      L'appelant fait valoir qu'il ne résidait pas habituellement au Canada au sens du paragraphe 250(3) de la Loi durant la période où il a vécu et travaillé en Égypte, soit du 3 octobre 1996 au 1er avril 2000. L'appelant soutient également que, s'il est considéré avoir résidé au Canada pendant ces années, il est aussi réputé avoir été un résident de l'Égypte en vertu du paragraphe 4(2) de la Convention du fait que ses liens personnels et économiques (le centre de ses intérêts vitaux) étaient plus étroits avec l'Égypte qu'avec le Canada au cours de cette période. Par conséquent, selon l'appelant, en vertu de l'article 15 de la Convention, son revenu n'était imposable qu'en Égypte pendant la période où il y résidait. Finalement, l'appelant affirme que, s'il est considéré être un résident du Canada et devoir verser des impôts, en vertu de l'article 4, en tant que résident du Canada plutôt que de l'Égypte, il devrait avoir droit à la déduction pour impôt étranger complète prévue à l'article 126 de la Loi au titre de toutes les années d'imposition pendant lesquelles il a travaillé en Égypte, pas seulement pour 1998 et 1999.

[5]      Sur ce dernier point, le ministre concède que l'appelant devrait avoir droit à la déduction pour impôt étranger de 7 379 $ pour 1996 si l'appelant était imposable au Canada.

[6]      Toutefois, en ce qui concerne l'année 1997, les deux parties conviennent que l'appel devrait être annulé parce que l'appelant n'a pas fait signifier au ministre un avis d'opposition à l'égard de cette année-là, alors que la signification de cet avis est une condition préalable au dépôt d'un appel en vertu de l'article 169 de la Loi.

[7]      Les dispositions applicables de la Loi invoquées par les deux parties au présent appel sont reproduites ci-dessous.

LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PARTIE I

IMPÔT SUR LE REVENU

SECTION A - Assujettissement à l'impôt

ARTICLE 2 : Impôt payable par les personnes résidant au Canada.

(1) Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu par la présente loi, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l'année.

[. . .]

ARTICLE 6 :Montants à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi.

(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

4 6(1)a) 3

a) Valeur des avantages - la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui au cours de l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi [...]

SECTION C - Calcul du revenu imposable

ARTICLE 110 : Déductions.

(1) Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

[. . .]

4 110(1)f) 3

f) Déduction des paiements - toute prestation d'assistance sociale payée après examen des ressources, des besoins ou du revenu et incluse en application de la division 56(1)a)(i)(A) ou de l'alinéa 56(1)u) dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou toute somme dans la mesure où elle a été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, représentant, selon le cas :

(i)        une somme exonérée de l'impôt sur le revenu au Canada par l'effet d'une disposition de quelque convention ou accord fiscal avec un autre pays qui a force de loi au Canada,

            [. . .]

SECTION E - Calcul de l'impôt

ARTICLE 126 : Déduction pour impôt étranger.

           (1) Le contribuable qui résidait au Canada à un moment donné d'une année d'imposition peut déduire de l'impôt payable par ailleurs par lui pour l'année en vertu de la présente partie une somme égale à :

a) la partie de tout impôt sur le revenu ne provenant pas d'entreprises qu'il a payé pour l'année au gouvernement d'un pays étranger (sauf, lorsque le contribuable est une société, tout impôt, ou toute partie d'impôt, de ce genre qu'il est raisonnable de considérer comme ayant été payé par le contribuable relativement au revenu qu'il a tiré d'une action du capital-actions d'une société étrangère affiliée lui appartenant) dont il peut demander la déduction;

cette somme ne peut toutefois dépasser [. . .]

SECTION J - Appels auprès de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour d'appel fédérale

ARTICLE 169 : Appel.

          (1) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

[. . .]

PARTIE XVII - Interprétation

ARTICLE 250 : [. . .]

4 250(3) 3

           (3)Résident habituel. Dans la présente loi, la mention d'une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui, au moment considéré, résidait habituellement au Canada.

CONVENTION FISCALE ENTRE LE CANADA ET L'ÉGYPTE

[. . .]

Article 4 - Résident

1. Au sens de la présente Convention, l'expression « résident d'un État

contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

a) cette personne est considérée comme un résident de l'État où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident de l'État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux);

b) si l'État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État où elle séjourne de façon habituelle;

c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux États ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'État dont elle possède la nationalité;

d) si cette personne possède la nationalité des deux États ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

[. . .]

Article 15 - Professions dépendantes

1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18 et 19, les salaires,

traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État, si :

a) le bénéficiaire séjourne dans l'autre État contractant pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 90 jours au cours de l'année civile considérée, et

b) les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d'un employeur qui n'est pas un résident de l'autre État, et

c) la charge de ces rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre État.

Point en litige

[8]      Il s'agit de déterminer en l'espèce si l'appelant résidait habituellement au Canada d'octobre 1996 à avril 2000, période pendant laquelle il a travaillé en Égypte dans le cadre d'un contrat de travail conclu avec Babcock & Wilcox Industries Ltd. ( « Babcock & Wilcox » ). Si c'était le cas, et parce qu'il est admis par les deux parties que l'appelant était un résident de l'Égypte pendant cette période, les règles énoncées à l'article 4 de la Convention, qui permettent de trancher la question, s'appliqueront à l'appelant puisqu'il serait alors résident des deux pays. Ce qu'il faut décider, dans cette éventualité, c'est si les liens personnels et économiques (le centre de ses intérêts vitaux) de l'appelant étaient plus étroits avec le Canada qu'avec l'Égypte durant cette même période.

[9]      Les deux parties conviennent que, si c'est le cas, les appels devraient être rejetés pour 1998 et 1999, mais accueillis pour l'année 1996 dans la mesure seulement où l'appelant pourrait se prévaloir d'une déduction pour impôt étranger de 7 379 $ conformément à l'article 126 de la Loi. Il ne faut pas oublier que l'appel relatif à l'année 1997 sera annulé pour des raisons de procédure.

[10]     L'intimée admet que, si l'appelant prouve que ses liens personnels et économiques étaient plus étroits avec l'Égypte qu'avec le Canada durant la période en cause, les appels devraient être accueillis pour les années d'imposition 1996, 1998 et 1999.

Faits

[11]     L'appelant est un citoyen canadien. Ingénieur en mécanique, il travaille depuis 20 ans pour des entreprises spécialisées dans la construction de centrales énergétiques et d'usines de dessalement. À ce titre, il a expliqué qu'il avait travaillé en Arabie saoudite pendant de nombreuses années auparavant.

[12]     Au printemps de 1996, il travaillait pour Babcock & Wilcox à la construction d'une usine à Windsor, en Ontario, lorsque son employeur lui a demandé de travailler dans le cadre d'un contrat en Égypte à titre de directeur de chantier d'un consortium. Après avoir travaillé pendant quatre mois au contrat égyptien aux bureaux de son employeur au Canada, il a quitté le Canada en septembre 1996 pour l'Égypte et est revenu au Canada en avril 2000, lorsque le contrat était terminé.

[13]     Le 6 août 1996, l'appelant a signé un contrat de travail qui a été déposé en preuve sous la cote A-1, onglet 19. Sur ce contrat, l'espace réservé au nom de l'employeur est laissé en blanc. La première clause énonce que la durée de l'emploi est indéterminée. Cependant, sous la signature du représentant de l'employeur, il est indiqué que la date de retour devrait tomber quatre ans plus tard environ.

[14]     Le même contrat stipule que, en cas de maladie ou de blessure, l'appelant bénéficiera d'une assurance au moins égale à celle que lui garantit la Loi sur les accidents du travail de l'Ontario. L'appelant a aussi reconnu, dans ce contrat, qu'il était responsable du versement des impôts sur le revenu à payer au Canada et en Égypte. Il était de plus assujetti au régime de compensation fiscale de l'employeur, régime qui visait à faire en sorte, dans la mesure du possible, que les expatriés canadiens n'aient à payer plus ou moins d'impôt lorsqu'ils occupent un emploi à l'étranger que s'ils étaient demeurés au Canada. En vertu du contrat, l'appelant recevait une prime d'expatriation équivalant à 15 % de son salaire de base en tant qu'indemnité relative à un emploi en dehors du Canada. Cette prime devait être versée pour toute la durée de l'affectation à l'étranger. Le contrat énonçait également que l'employeur fournissait le transport aérien à l'appelant comme suit : au début du contrat, entre son lieu d'origine et son nouveau lieu de travail; durant l'affectation, après 12 mois, l'aller-retour entre son lieu d'origine et son nouveau lieu de travail; à la fin du contrat, le retour à son lieu d'origine.

[15]     L'appelant a aussi rempli pour l'employeur, en juillet 1996, un questionnaire (pièce A-1, onglet 18) où il déclarait que la durée de son affectation en Égypte serait de 48 mois. Il a indiqué dans le questionnaire qu'il était propriétaire d'une maison et d'un terrain vacant au Canada, qu'il gardait son permis de conduire canadien et qu'il avait droit à l'assurance-maladie provinciale au Canada.

[16]     À l'audience, l'appelant a précisé que son épouse et lui-même étaient propriétaires de la maison paternelle à Timmins, en Ontario, héritée des parents de son épouse, à qui ils avaient promis de léguer ensuite la maison aux petits-enfants. Lorsque l'appelant et son épouse sont partis pour l'Égypte, ils n'ont pas loué la maison. Ils possédaient beaucoup d'articles souvenirs (des objets et des souvenirs qu'ils avaient achetés dans différents pays au fil des ans) qu'ils ne voulaient pas entreposer. Ils ont laissé tout le mobilier dans leur maison également. Ils n'ont pas conservé leur inscription dans l'annuaire téléphonique, mais la maison était protégée par un système d'alarme relié à une ligne téléphonique de la maison. L'appelant et son épouse avaient demandé à quelqu'un de s'occuper de la maison régulièrement. Ces gens avaient une procuration pour régler les factures. Une personne venait tondre la pelouse l'été et une autre déneigeait l'hiver. Le courrier avait été redirigé chez les gens qui prenaient soin de la maison.

[17]     L'épouse de l'appelant, qui s'était rendue en Égypte avec son mari, est revenue au moins deux fois durant l'été pendant deux à trois semaines et habitait alors dans leur maison à Timmins. Elle a expliqué dans son témoignage qu'il faisait trop chaud pour demeurer durant l'été à Alexandrie, où ils avaient loué un appartement semi-meublé sur une base annuelle. Avant de revenir au Canada pour de bon, ils ont revendu tout ce qu'ils avaient acheté pour leur appartement à Alexandrie.

[18]     Durant son séjour en Égypte, l'appelant n'avait pas vraiment de vie sociale. Il travaillait presque sept jours par semaine et passait ses temps libres avec son épouse. Ils avaient trois enfants adultes vivant au Canada et un d'entre eux leur avait rendu visite une fois durant l'affectation de l'appelant en Égypte. L'appelant avait gardé ses deux comptes bancaires canadiens. Son salaire était déposé dans un de ces comptes par la succursale canadienne de son employeur. Selon l'appelant, ce salaire était toutefois imputé à la succursale de l'employeur, en Égypte. (Je constate cependant qu'il n'y a aucune mention de ce fait dans le contrat de travail (pièce A-1, onglet 19), où le nom de l'employeur n'est même pas précisé.) Toutes les factures canadiennes étaient réglées sur ce compte bancaire canadien. L'appelant disposait aussi d'un compte de dépenses pour le travail et d'un compte personnel en Égypte, dans lequel il gardait très peu d'argent. Il ne possédait pas de voiture en Égypte, car son employeur lui fournissait un véhicule, et il a obtenu un permis de conduire égyptien à l'automne 1997. Il ne possédait pas lui-même de voiture au Canada, mais son épouse en avait une, qui était entreposée à la maison, à Timmins. La voiture était assurée contre l'incendie et le vol, mais pas au titre de la responsabilité civile. L'appelant possédait aussi un régime enregistré d'épargne-retraite (REER), des cartes de crédit et un coffret bancaire au Canada. Pendant son séjour en Égypte, il touchait des prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse (voir les déclarations de revenus produites pour 1998 et 1999 à la pièce A-1, onglets 2 et 3). L'appelant a toujours conservé son passeport canadien et, d'après ce que j'ai compris, il n'a pas demandé de passeport égyptien.

[19]     L'appelant a rempli des questionnaires pour la détermination de son statut de résidence (formulaire NR73) relativement à chaque année de son séjour à l'étranger, et ces formulaires ont été produits avec ses déclarations de revenus au Canada. Dans ces documents, il a indiqué qu'il prévoyait séjourner à l'étranger pendant quatre ans, puis qu'il prendrait sa retraite au Canada au terme de cette affectation. Il a également indiqué dans le premier questionnaire (1996) qu'il conservait son admissibilité à l'assurance maladie et hospitalisation provinciale et, en même temps, qu'il bénéficiait d'une assurance frais médicaux et hospitalisation à l'étranger fournie par son employeur (pièce A-1, onglet 14). Dans les autres questionnaires, il a seulement déclaré qu'il était visé par l'assurance de son employeur pendant son séjour en dehors du Canada (pièce A-1, onglets 15 et 16, et pièce A-2).

[20]     L'appelant ne se souvenait pas d'être revenu au Canada durant son séjour en Égypte, mais il semble, d'après les questionnaires NR73 qu'il a remplis, qu'il soit retourné au Canada au moins une fois pendant 20 à 30 jours (pièce A-1, onglet 16).

[21]     En avril 2000, l'employeur a fermé ses bureaux en Égypte et l'appelant n'a pas cherché un autre emploi dans ce pays; il est revenu au Canada.

Analyse

I. L'appelant résidait-il habituellement au Canada durant la période en cause?

[22]     La décision déterminante sur la résidence d'un particulier aux fins fiscales a été rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Thomson v. M.N.R., [1946] R.C.S. 209. Je me reporterai à certains extraits de cette décision qui sont pertinents ici. Le juge Estey a défini comme suit les termes « résident habituel » aux pages 231 et 232 :

[TRADUCTION]

      D'après le dictionnaire et d'après l'interprétation que les tribunaux donnent de ces termes, un individu est « résident habituel » du lieu où, dans sa vie de tous les jours, il habite d'une manière régulière, normale ou habituelle. On « séjourne » à un endroit que l'on visite ou dans un lieu où l'on demeure exceptionnellement, occasionnellement ou par intermittence. Dans le premier cas, c'est le caractère permanent qui prédomine, et dans le second, le caractère temporaire. La différence ne peut être exprimée d'une manière claire et nette, chaque cas devant être déterminé compte tenu de tous les facteurs pertinents, mais ce qui précède indique d'une façon générale la différence essentielle. Ce n'est pas la longueur de la visite ou du séjour qui détermine la question.

[...]     il est bien établi qu'une personne peut avoir plus d'une résidence [...]

[23]     Le juge Rand s'est exprimé en ces termes aux pages 224 et 225 :

[TRADUCTION]

L'expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu'à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la Loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu'il s'agit de résidence dans le cadre du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

Aux fins de la législation de l'impôt sur le revenu, il est nécessaire de considérer que chaque personne a, en tout temps, une résidence. Il n'est pas nécessaire à cet effet qu'elle ait une maison ni un endroit particulier où elle demeure, ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c'est de déterminer dans l'espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache ce mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d'apprécier la résidence habituelle est d'en examiner l'antithèse, la résidence occasionnelle, temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s'accompagne également d'une notion de provisoire et de retour.

Mais dans les différentes situations de prétendues « résidences permanentes » , « résidences temporaires » , « résidences habituelles » , « résidences principales » et ainsi de suite, les adjectifs n'influent pas sur le fait qu'il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question. Il se peut qu'elle soit limitée en durée dès le début ou qu'elle soit indéterminée, ou bien, dans la mesure envisagée, illimitée. Sur le plan inférieur, les expressions comportant le terme résidence doivent être distinguées, comme elles le sont je crois dans le langage ordinaire, du concept de « séjour » ou de « visite » .

[24] Par conséquent, comme l'a laissé entendre l'avocat de l'appelant, la question consiste à déterminer où, durant la période en cause, l'appelant habitait, dans sa vie de tous les jours, d'une manière régulière, normale ou habituelle. Il faut examiner le point jusqu'auquel l'appelant s'est établi en pensée et en fait ou a conservé ou centralisé son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question.

[25]     Cette question relève principalement des faits. Dans la décision The Queen v. Reeder, 75 DTC 5160 (C.F., 1ère inst.), invoquée par l'appelant, la Cour fédérale a énuméré certains facteurs jugés importants pour trancher la question de la résidence en matière fiscale, à la page 5163 :

Ces éléments sont notamment :

a. le genre de vie passé ou présent;

b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

c. les liens dans le ressort de cette juridiction;

d. les liens en d'autres lieux;

e. le caractère permanent ou autre des séjours à l'étranger.

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d'autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d'une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu'un individu peut avoir simultanément plus d'une résidence du point de vue fiscal.

[26]     Dans ses plaidoiries, l'avocat de l'appelant s'est fortement appuyé sur la décision Boston v. The Queen, 98 DTC 1124 (C.C.I.). Dans cette affaire, le contribuable avait résidé au Canada jusqu'à ce qu'il s'installe en Malaisie en 1988 pour exercer de nouvelles fonctions chez son employeur. Il est arrivé en Malaisie seul, car son épouse, avec qui il éprouvait des problèmes conjugaux, était restée à leur maison avec leur garçon, à Edmonton, en Alberta. Le contribuable a continué de figurer sur la liste de paye de son employeur canadien, mais son salaire était imputé à son employeur en Malaisie. Il a emménagé dans une maison dont son employeur était propriétaire et il versait un loyer à celui-ci. Il a fait l'achat d'une voiture en Malaisie et a obtenu un permis de conduire du pays. Il possédait des biens immobiliers et d'autres placements au Canada. Même si le contrat initial visait une période minimale de trois ans, le contribuable a travaillé en Malaisie pour son employeur pendant sept ans. Le juge Mogan, de la Cour canadienne de l'impôt, a conclu que le contribuable n'était pas un résident habituel du Canada. Il a pris en considération la décision de son collègue, le juge Sarchuk, rendue dans le jugement Ferguson v. M.N.R., 89 DTC 634, où le contribuable s'était rendu en Arabie saoudite dans le cadre d'une série de contrats d'un an et avait été considéré résident du Canada. Dans la décision Boston, précitée, le juge Mogan a établi une distinction entre la décision Ferguson, précitée, et l'appel dont il était saisi, pour les motifs suivants (à la page 1128) :

[. . .] l'appelant s'est rendu en Malaisie pour une période d'au moins trois ans; il avait d'importantes responsabilités professionnelles dans ce pays; il espérait continuer à y vivre une fois les trois années écoulées, s'il devenait directeur de la raffinerie de Port Dickson; il s'est mis à participer aux activités de la collectivité de Port Dickson.

[27]     La décision Boston a été examinée par le juge en chef Garon dans la décision McFadyen v. The Queen, 2000 DTC 2473 (C.C.I.), où il a établi une distinction entre ces deux jugements parce que le contribuable dans l'affaire Boston avait passé plus de six années à l'étranger, contrairement à M. McFadyen, qui avait vécu au Japon pendant à peu près trois ans seulement. Dans la décision McFadyen, la Cour canadienne de l'impôt est parvenue à la conclusion que le contribuable avait gardé des liens avec le Canada qui étaient largement économiques, mais aussi en partie personnels (liens familiaux, biens immobiliers, meubles et électroménagers, comptes bancaires, coffret bancaire, un REER, des cartes de crédit et un permis de conduire délivré par la province); elle l'a donc considéré comme un résident habituel du Canada durant la période où il se trouvait au Japon. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (McFadyen v. The Queen, 2003 DTC 5015).

[28]     L'appelant s'est aussi reporté à la décision Nicholson v. The Queen, 2004 DTC 2013 (C.C.I.), où le contribuable avait été recruté par une entreprise américaine afin de travailler au Royaume-Uni; il devait y prendre en charge les activités commerciales de l'employeur en Europe. Il fallait décider si le contribuable résidait au Canada durant la période (un an et demi) où il avait vécu au Royaume-Uni. La Cour a conclu que, même s'il avait continué d'être visé par le régime d'assurance maladie de la province et conservé sa résidence familiale, il n'était pas résident du Canada au cours de la période. La Cour s'est fondée sur le fait, notamment, que le contribuable n'avait aucune intention de revenir au Canada lorsqu'il a accepté le poste au Royaume-Uni. Il prévoyait plutôt déménager plus tard aux États-Unis. Il s'est séparé de sa première épouse et a gardé son compte bancaire canadien sur lequel il lui versait des montants périodiques. Il vivait avec sa nouvelle épouse au Royaume-Uni, où l'enfant de celle-ci fréquentait l'école.

[29]     J'estime que la situation dans la décision Nicholson peut être distinguée de la situation qui nous occupe ici. De fait, à la lumière de la jurisprudence précitée, je suis d'avis que l'appelant était un résident habituel du Canada durant la période en cause.

[30]     Comme l'a déclaré le juge Rip récemment dans la décision Snow v. Canada, [2004] T.C.J. no 267 (Q.L.), au paragraphe 18 :

¶ 18     Une personne peut être résidente de plus d'un pays à des fins fiscales. La nature de la vie d'une personne et la fréquence à laquelle elle vient au Canada sont des facteurs importants à prendre en compte pour décider du lieu de sa résidence [voir la note 2 ci-dessous]. Les termes « résidait habituellement » employés au paragraphe 250(3) renvoient au lieu où, dans sa vie de tous les jours, la personne habite d'une manière normale ou habituelle [voir la note 3 ci-dessous]. L'intention d'un contribuable, même si elle est manifestement pertinente pour déterminer quelle est sa « vie de tous les jours » , ne permet pas à elle seule de trancher l'affaire [voir la note 4 ci-dessous]. L'absence temporaire d'une personne du Canada n'entraîne pas nécessairement la perte de la résidence canadienne si le ménage familial demeure au Canada ou même, éventuellement, si des liens personnels ou commerciaux étroits sont maintenus au Canada [voir la note 5 ci-dessous].

_____________________________

Note 2 : Thomson, précité, aux pages 213 et 214, le juge Kerwin [Thomson v. M.N.R., [1946] R.C.S. 209.]

Note 3 : Thomson, précité, à la page 231, le juge Estey.

Note 4 : Peter W. Hogg, Joanne E. Magee et Jinyan Li, Principles of Canadian Income Tax Law, 4e éd., p. 60-62, Carswell, Toronto.

Note 5 : Hogg, précité, p. 62.

[31]     En l'espèce, je reconnais que l'appelant, selon les éléments de preuve qui m'ont été présentés, n'est pas revenu fréquemment au Canada pendant qu'il travaillait en Égypte. Toutefois, il est clair d'après la preuve que lui et son épouse ont quitté le Canada sur une base temporaire seulement.

[32]     Il est clair à la lumière du contrat de travail que l'appelant a reçu une affectation en Égypte pour laquelle il a même touché une prime à l'expatriation pendant toute la durée de son contrat. Le contrat prévoyait le transport par avion entre le lieu d'origine de l'appelant et son lieu de travail. L'appelant a conservé tous ses biens au Canada et, avant de quitter le territoire canadien, a pris tous les arrangements nécessaires afin que quelqu'un s'occupe de ces biens. Lorsqu'il a accepté son affectation en Égypte, son but n'était pas de rompre ses liens avec le Canada, mais principalement de gagner sa vie. L'appelant a accepté de se rendre en Égypte en vertu d'un contrat et n'a pas rompu ses liens avec le Canada. Il n'a pas abandonné, en pensée et en fait, son mode de vie habituel au Canada. De fait, la maison de Timmins est restée en tout temps disponible comme lieu où il pouvait vivre habituellement. Pour reprendre les termes du juge Rand dans l'arrêt Thomson, l'appelant et son épouse ont conservé leur mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au Canada. Si je peux établir une distinction entre le présent dossier et l'affaire Boston, je soulignerai que la durée du contrat ici était beaucoup plus courte et que l'appelant en l'espèce n'a pas montré qu'il était devenu actif dans la collectivité dans laquelle il vivait en Égypte. Il ne s'y trouvait que pour travailler. Finalement, la décision Boston a été prise en considération, mais n'a pas été suivie dans la décision McFadyen, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale.

[33]     Je souscris au raisonnement du juge Mahoney dans la décision Reeder, à la page 5163 :

           Le défendeur en était à une époque de son existence où les déplacements sont fréquents. Il pouvait, désirait et même tenait à voyager. En cela il ne différait pas de ses contemporains, et c'est dans ce contexte qu'il faut considérer les faits de la cause. Il est constant qu'avant le 29 mars 1972 et après le 1er décembre 1972 il résidait au Canada. Ses attaches, quelles qu'elles soient, n'ont cessé un seul moment d'être au Canada, sauf les liens contractés pendant son absence et qui devaient permettre à lui et à sa famille de jouir en France d'un mode de vie acceptable, auquel il s'attendait. Son absence était temporaire quoique, strictement parlant, de durée indéterminée. Ses liens avec la France étaient temporaires et ont disparu à son retour au Canada.

           Je suis convaincu que si, durant son séjour en France, on avait demandé au défendeur où il habitait d'une manière régulière, normale ou habituelle, il aurait répondu au Canada. Je conclus que le défendeur résidait au Canada durant toute l'année 1972.

[34]     À mon avis, on peut parvenir à la même conclusion ici. Tout au long de son séjour en Égypte, les liens de l'appelant étaient tous avec le Canada, sauf pour les liens contractés durant son absence et qui devaient permettre, à lui et à son épouse, de jouir en Égypte d'un mode de vie acceptable, auquel il s'attendait. De fait, les liens avec l'Égypte étaient temporaires et ont disparu à son retour au Canada. Comme l'a affirmé le juge Rip dans l'extrait cité plus haut de la décision Snow, l'absence temporaire d'une personne du Canada n'entraîne pas nécessairement la perte de la résidence canadienne lorsque des liens personnels et économiques étroits sont maintenus au Canada. Je conclus par conséquent que l'appelant résidait habituellement au Canada durant les années en cause.

II. Règles décisives : paragraphe 4(2) de la Convention

[35]     L'appelant ayant été résident du Canada et de l'Égypte durant la période en cause, les règles décisives qui sont énoncées à l'article 4 de la Convention, que j'ai mentionnées auparavant dans les présents motifs, doivent être prises en considération.

[36]     Les parties ne contestent pas le fait que l'appelant avait un foyer d'habitation permanent dans les deux pays. En vertu du paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention, puisqu'il avait un foyer d'habitation permanent dans les deux États, il était réputé être résident de l'État avec lequel ses liens personnels et économiques (le centre de ses intérêts vitaux) étaient les plus étroits durant la période en cause.

[37]     Le modèle de convention fiscale de l'OCDE est reconnu mondialement comme un document de référence fondamental pour l'application et l'interprétation des conventions fiscales (voir le jugement rendu par la Cour suprême du Canada sous l'intitulé The Queen v. Crown Forest Industries Limited et al., 95 DTC 5389 (Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 801), à la page 5398. Dans sa version condensée du 28 janvier 2003, le paragraphe 15 des commentaires sur l'article 4 énonce ce qui suit :

15.       Lorsque la personne physique a un foyer d'habitation permanent dans les deux États contractants, il y a lieu de rechercher dans les faits celui des deux États avec lequel les liens personnels et économiques sont les plus étroits. Seront ainsi pris en considération les relations familiales et sociales de l'intéressé, ses occupations, ses activités politiques, culturelles ou autres, le siège de ses affaires, le lieu d'où il administre ses biens, etc. Les circonstances doivent être examinées dans leur ensemble; mais il est évident cependant que les considérations tirées du comportement personnel de l'intéressé doivent spécialement retenir l'attention. Si une personne qui a une habitation dans un État établit une deuxième habitation dans un autre État, tout en conservant la première, le fait que l'intéressé conserve cette première habitation dans le milieu où il a toujours vécu, où il a travaillé et où il garde sa famille et ses biens peut, avec d'autres éléments, contribuer à démontrer qu'il a conservé le centre de ses intérêts vitaux dans le premier État.

[38]     Par conséquent, si une personne qui a une habitation dans un État en établit une deuxième dans l'autre État tout en conservant la première, le fait qu'elle conserve cette première habitation dans le milieu où elle a toujours vécu, où elle a travaillé et où elle garde sa famille et ses biens peut, avec d'autres éléments, contribuer à démontrer qu'elle a conservé le centre de ses intérêts vitaux dans le premier État.

[39]     En l'espèce, il est vrai que l'appelant a affirmé qu'il avait travaillé à l'étranger pendant un certain nombre d'années durant sa carrière, mais d'après ce que je comprends, c'était dans des circonstances similaires à celles qui l'ont emmené en Égypte. Son épouse et lui-même avaient toujours conservé leur maison et la totalité de leurs biens au Canada. Leur famille avait toujours vécu au Canada. Selon ma perception, ils n'avaient jamais eu l'intention de rompre leurs liens économiques et personnels avec le Canada. De fait, l'appelant n'a pas réellement établi de liens économiques avec l'Égypte hormis ceux qui étaient nécessaires pour satisfaire à tous ses besoins de subsistance quotidiens. Il a loué un appartement à l'année en Égypte, y a ouvert un compte bancaire pour répondre strictement à ses besoins, il n'a pas acheté de voiture et a obtenu son permis de conduire simplement pour pouvoir se déplacer jusqu'à son lieu de travail en Égypte. Le fait que l'appelant ait accepté de travailler en Égypte dans le cadre d'un contrat d'à peu près quatre ans ne modifie aucunement le fait que le centre de ses intérêts vitaux soit demeuré au Canada.

[40]     Je conclus donc, compte tenu de tous les faits, que le centre des intérêts vitaux de l'appelant était davantage lié au Canada qu'à l'Égypte durant les années 1996, 1998 et 1999.

[41]     L'appelant devait donc payer de l'impôt au Canada sur son revenu de toutes provenances. Il a bénéficié d'une déduction pour impôt étranger en vertu de l'article 126 pour 1998 et 1999. Comme l'a admis l'intimée, il a également droit à une déduction pour impôt étranger de 7 379 $ pour 1996.

[42]     L'appel visant l'année d'imposition 1996 est donc accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre pour qu'il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que l'appelant a droit à une déduction pour impôt étranger de 7 379 $ en vertu de l'article 126 de la Loi.

[43]     Le soi-disant appel relatif à l'année d'imposition 1997 est annulé.

[44]     Les appels concernant les années d'imposition 1998 et 1999 sont rejetés et les dépens sont accordés à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de décembre 2004.

« Lucie Lamarre »

La juge Lamarre

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2005.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.