Dossier : 2003-3198(GST)I |
ENTRE : |
MICHEL TAILLEFER, |
appelant, |
et |
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SA MAJESTÉ LA REINE, |
intimée. |
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
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Appel entendu à Sudbury (Ontario), le 30 janvier 2004.
Devant : L'honorable Brent Paris |
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Comparutions : |
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Représentant de l'appelant : |
M. Robert D. Topp |
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Avocate de l'intimée : |
Me Justine Malone |
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JUGEMENT
L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 16 juillet 2002 et porte le numéro 60784, est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de février 2004.
« Brent Paris » |
Juge Paris
Traduction certifiée conforme
ce 7e jour de juillet 2005.
Sara Tasset
Référence : 2004CCI148 |
Date : 20040219 |
Dossier : 2003-3198(GST)I |
ENTRE : |
MICHEL TAILLEFER, |
appelant, |
et |
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SA MAJESTÉ LA REINE, |
intimée. |
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
Le juge Paris
[1] M. Taillefer interjette appel d'une cotisation dont il a fait l'objet en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard de sa responsabilité d'administrateur de la compagnie appelée The Trailer Centre Inc. (la « compagnie » ) parce que cette dernière avait omis de verser la TPS pour les périodes ayant pris fin entre le 30 septembre 1998 et le 31 décembre 1999 ainsi qu'à l'égard des pénalités et intérêts y afférents. Le montant visé par la cotisation est de 20 126,10 $ en tout.
[2] La seule question dont la Cour est saisie est de savoir si M. Taillefer, en sa qualité d'administrateur de la compagnie, a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l'omission de cette dernière de verser la TPS que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, auquel cas il ne serait pas redevable des montants dus par la compagnie.
[3] M. Taillefer était l'unique actionnaire et administrateur de la compagnie, qu'il a constituée vers l'année 1993. Lorsqu'elle a commencé à être exploitée, la compagnie vendait des remorques utilitaires, des quais pour bateaux en aluminium et des élévateurs à bateau ainsi que des pièces depuis le premier endroit où elle était établie, au sud de Sudbury. Elle s'est ensuite établie à un second endroit, à Estaire, quelques années plus tard, et a commencé à vendre des véhicules de plaisance, comme des tentes remorques, des campeuses sur camionnette, des caravanes classiques et des semi-remorques de camping. La compagnie a acheté des locaux à Estaire pour y exercer ses activités, pour un montant d'environ 139 000 $, qu'elle a financé par l'entremise de la Banque de développement.
[4] La compagnie obtenait ses stocks auprès de fournisseurs à l'aide du crédit accordé par certains organismes de financement. M. Taillefer a déclaré que le type de financement utilisé par la compagnie s'appelait [TRADUCTION] « financement sur stocks » , ce qui voulait dire que la personne qui assurait le financement détenait un privilège sur la marchandise et que, lorsqu'un client du Trailer Centre achetait une remorque ou un autre article, la compagnie devait rembourser les sommes y afférentes afin d'obtenir la mainlevée du privilège. C'est pourquoi le prix reçu par la compagnie d'un client qui achetait des marchandises devait en bonne partie servir immédiatement à rembourser la société de financement. M. Taillefer estimait que la marge normale de profit de la compagnie, déduction faite des coûts, était de 40 à 60 p. 100 pour les pièces, de 30 p. 100 pour les remorques et les élévateurs à bateau et de 25 p. 100 pour les remorques et les semi-remorques de camping. Si je comprends bien, cela veut dire qu'il s'agissait du profit tiré de la vente de l'article, déduction faite de son coût, avant le paiement des frais d'exploitation de la compagnie, lesquels comprenaient les intérêts afférents au financement sur stocks.
[5] M. Taillefer s'occupait activement de l'exploitation quotidienne de la compagnie et il prenait toutes les principales décisions financières au sein de l'entreprise. Le teneur de livres de la compagnie préparait chaque mois des états financiers que M. Taillefer examinait; ces états renfermaient des renseignements concernant le paiement des retenues à la source ainsi que de la TPS et de la TVP. M. Taillefer a dit qu'il pouvait dire, à l'aide de ces états, si un compte n'était pas payé à temps; selon lui, la compagnie n'avait jamais payé la TPS en retard avant l'automne 1998.
[6] À la fin de l'année 1998, à cause de l'état de l'économie locale, M. Taillefer a décidé de mettre fin aux activités de la compagnie. Un certain nombre de concurrents avaient ouvert leurs portes dans la région et M. Taillefer croyait que les perspectives d'avenir de la compagnie n'étaient pas bonnes. Il voulait faire en sorte que la compagnie vende le reste de ses stocks d'une façon ordonnée, ce qui lui permettrait de rembourser tous ses créanciers. Il croyait que les profits tirés de la vente des stocks seraient suffisamment élevés pour permettre de rembourser au complet tous les créanciers. M. Taillefer affirme que la compagnie ne faisait pas face à des difficultés financières à ce moment-là, mais qu'il prévoyait qu'elle traverserait des temps difficiles. Il a également dit que la valeur nette de la propriété, à Estaire, pourrait servir à combler la différence.
[7] Toutefois, les marchandises de la compagnie n'ont pas été liquidées aussi facilement que M. Taillefer l'avait espéré. La compagnie s'était vue obligée de réduire ses prix en vue de conclure des ventes parce que les clients savaient qu'elle mettait fin à ses activités. Les marges de profit sur les stocks ont baissé et la compagnie n'a pas eu suffisamment d'argent pour rembourser tous ses créanciers. M. Taillefer a affirmé qu'il restait de l'argent provenant des ventes, une fois que les sommes dues dans le cadre du financement sur stocks étaient payées, et qu'il décidait de la façon d'utiliser ces fonds. Il choisissait les comptes que la compagnie allait payer et le moment où les paiements seraient effectués. Il a admis que la TPS avait été perçue sur toutes les ventes et que les sommes y afférentes avaient été déposées dans le compte bancaire de la compagnie. Ces sommes ont ensuite servi à payer les frais d'exploitation quotidiens de la compagnie; ce qui lui a permis de poursuivre ses activités et de continuer à liquider ses stocks.
[8] M. Taillefer croyait que, s'il continuait à exploiter la compagnie, celle-ci serait en mesure d'obtenir le rendement le plus élevé possible sur le reste des stocks. Il a affirmé que les stocks auraient été vendus à perte s'il avait simplement mis fin aux activités de la compagnie et qu'il aurait été obligé de verser la différence aux créanciers. Il savait que les versements au titre de la TPS n'étaient pas effectués à temps, mais il croyait que tout manque pouvait être comblé par la suite à l'aide de l'argent tiré de la vente de la propriété, à Estaire. Il croyait que la propriété avait une certaine valeur nette, mais, en fin de compte, la Banque de développement a repris possession de la propriété et l'a vendue pour une somme de 65 000 $; il ne restait rien pour rembourser les autres créanciers.
[9] M. Taillefer a également déclaré qu'au milieu de l'année 1999, l'un de ses créanciers avait saisi certains stocks qui étaient grevés de privilèges et qu'il avait vendu ces marchandises aux enchères. Le prix obtenu était fort peu élevé, ce qui a occasionné d'autres difficultés financières pour la compagnie, mais il n'a pas été expliqué clairement de quelle façon les activités de celle-ci étaient touchées. Il semble ressortir de la preuve que le créancier a repris possession d'environ quatre ou cinq véhicules de plaisance.
[10] La compagnie a d'abord accusé un retard à l'égard du versement de la TPS au mois de septembre 1998, et bien qu'elle eût effectué de nombreux paiements sur son compte, elle a accusé des retards jusqu'à ce qu'elle mette fin à ses activités au mois de décembre 1999. Toutes les déclarations ont été produites en retard pendant cette période et les montants qui étaient dus selon ces déclarations n'ont pas été versés avec les déclarations. Les documents produits par l'intimée indiquaient que, pour les périodes de déclaration ayant pris fin entre le mois de septembre 1998 et le 31 décembre 1999, la compagnie devait verser un montant d'environ 70 000 $ au titre de la TPS et que, pour ces périodes, elle a versé un montant d'environ 50 000 $.
[11] Le représentant de l'appelant a soutenu que M. Taillefer avait fait preuve d'une diligence raisonnable pour prévenir l'omission de la compagnie de verser la TPS et qu'il ne devrait pas être personnellement tenu responsable des montants non versés. Il a soutenu qu'il était raisonnable pour l'appelant de faire ce qu'il pouvait pour que la compagnie poursuive ses activités afin de minimiser les pertes découlant de la liquidation de ses stocks. Le représentant a affirmé que l'appelant envisageait de vendre les stocks d'une façon ordonnée et de rembourser tous les créanciers à l'aide du produit de la vente. Ce n'est que parce que le montant qui a été tiré des ventes était moins élevé que la compagnie n'a pas été en mesure de verser la TPS. Dans ces conditions, a-t-il soutenu, il n'aurait pas été raisonnable de mettre simplement fin aux activités de l'entreprise.
[12] À mon avis, il n'a pas été démontré que M. Taillefer avait fait preuve du soin, de la diligence et de la compétence nécessaires pour être visé par les dispositions du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise. En décidant si M. Taillefer a fait preuve d'une diligence raisonnable au sens de cette disposition, il faut tenir compte de son expérience et de ses connaissances dans le domaine. M. Taillefer participait activement aux opérations financières de la compagnie et il avait passablement d'expérience dans les affaires puisqu'il exploitait l'entreprise depuis cinq ou six ans avant l'automne 1998. La norme de soin à laquelle on s'attend est donc plus rigoureuse que dans le cas de quelqu'un qui ne participe pas aussi activement à l'exploitation de l'entreprise et qui ne possède pas de telles connaissances.
[13] La preuve montre que la compagnie a perçu la TPS sur ses ventes et que l'appelant, en sa qualité d'administrateur de la compagnie, a délibérément décidé que la compagnie ne verserait pas la TPS au receveur général; en effet, il voulait rembourser les autres créanciers à l'aide de ces sommes et permettre ainsi à la compagnie de poursuivre ses activités. Rien ne montre que des mesures aient été prises en vue de prévenir le défaut de versement.
[14] Le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) vise les mesures prises en vue de prévenir toute omission de la part de la compagnie de verser la TPS. Cet aspect du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable a été mentionné par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. McKinnon, [2001] 2 C.F. 203. Aux pages 220 et 221 ainsi qu'aux pages 232 et 233, le juge Evans a dit ce qui suit :
[30] [...] la "diligence raisonnable" signifie normalement que dès que l'administrateur sait ou devrait savoir que la compagnie ne peut pas faire les versements en souffrance, il doit prendre des mesures concrètes pour prévenir le défaut, par exemple en essayant d'obtenir un accroissement de la marge de crédit ou de parvenir à un arrangement avec la banque pour être en mesure de verser les sommes dues. [...]
[...]
[70] J'estime qu'il est essentiel de ne pas perdre de vue la question qui est au coeur du présent appel, savoir si les administrateurs en l'espèce ont exercé la diligence raisonnable requise pour prévenir le défaut de versement de la compagnie. Il ne s'agit pas nécessairement de la même chose que de se demander s'il était raisonnable de leur part, du point de vue commercial, de continuer à exploiter l'entreprise. Pour être en mesure d'invoquer le moyen de défense tiré du paragraphe 227.1(3), il faut normalement qu'ils aient pris des mesures positives qui, si elles aboutissaient, auraient pu prévenir le défaut de versement. Il faut donc examiner si ce qu'ont fait ces administrateurs pour prévenir le défaut satisfait à la norme de soin, de diligence et d'habileté qu'aurait observée une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.
[71] Il ne suffira normalement pas que les administrateurs aient continué à exploiter l'entreprise, sachant qu'un défaut de versement était probable mais dans l'espoir que la compagnie reprendrait pied avec une reprise de l'économie ou une amélioration de sa position sur le marché. Dans ces conditions, les administrateurs seront généralement tenus pour avoir accepté le risque inhérent à la gageure que la compagnie serait subséquemment en mesure de verser les sommes dues. Le public n'a pas à assurer contre son gré ce risque, aussi raisonnable qu'il soit du point de vue commercial pour les administrateurs de continuer à exploiter l'entreprise sans rien faire pour prévenir les défauts de versement à l'avenir.
[15] Dans ce cas-ci, M. Taillefer a dit qu'il croyait initialement qu'en poursuivant ses activités et en liquidant ses actifs d'une façon ordonnée, la compagnie gagnerait suffisamment d'argent pour payer la TPS. Toutefois, la preuve montre qu'au 30 septembre 1998, les arriérés commençaient à s'accumuler et qu'à la fin de l'année, les arriérés atteignaient environ 15 000 $. Pendant le contre-interrogatoire, M. Taillefer a déclaré qu'il n'avait pas cherché des sources additionnelles de financement destinées à permettre à la compagnie de payer la TPS qu'elle devait, et qu'il n'avait pas pris d'autres mesures afin de diminuer la probabilité d'une omission d'effectuer les versements dans l'avenir. Il semble que M. Taillefer ait principalement compté sur la vente éventuelle de la propriété, à Estaire, afin de se procurer les fonds nécessaires pour payer les arriérés.
[16] La ligne de conduite que l'appelant a choisie pour la compagnie était du moins en partie influencée par le fait qu'il serait personnellement responsable du paiement de la différence entre ce que cette dernière était en mesure de tirer de la vente de ses stocks et le montant de ses dettes. M. Taillefer avait intérêt à maintenir les activités, même si cela voulait dire que la TPS ne serait pas versée comme elle devait l'être. Or, le projet qu'il entretenait, de payer la TPS à un moment donné, ne satisfait pas au critère de la diligence raisonnable énoncé au paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise.
[17] Le représentant de l'appelant m'a référé à la décision McKinnon c. La Reine 2003 CCI 884, dans laquelle le juge en chef adjoint Bowman a conclu que l'appelant avait fait preuve d'une diligence raisonnable en vue de prévenir l'omission de verser la TPS. Dans cette affaire-là, on avait omis à deux reprises de verser la TPS, une fois au mois de mars 1997 et une autre fois moins de deux mois plus tard, au mois de mai 1997. Il a été statué que les omissions étaient attribuables à des événements imprévus, qui avaient eu de sérieuses incidences sur les liquidités de la compagnie, et principalement au fait qu'un entrepreneur avec qui cette dernière avait conclu un contrat de sous-traitance avait d'une façon arbitraire et injuste refusé de payer certains montants élevés qu'il devait à celle-ci. Le montant retenu par l'entrepreneur s'élevait à environ 58 000 $, alors que les montants non versés étaient inférieurs à 12 000 $ en tout. La Cour a conclu que le contribuable avait fait son possible en vue de prévenir le défaut de versement, mais qu'à cause de la situation financière dans laquelle la compagnie se trouvait, la chose était impossible.
[18] Il est possible de faire une distinction à l'égard de la décision McKinnon compte tenu du fait que la perte imprévue du montant dû par l'entrepreneur empêchait la compagnie de s'acquitter de ses obligations. Ce n'était pas une situation dans laquelle les versements n'avaient pas été effectués à temps pendant une longue période, au cours de laquelle l'administrateur avait décidé de continuer à exploiter l'entreprise dans l'espoir d'être éventuellement en mesure de s'acquitter des obligations qui lui incombaient au titre de la TPS.
[19] L'obligation d'un administrateur consiste à prévenir l'omission plutôt qu'à simplement combler la différence à un moment ultérieur. En l'espèce, la preuve ne montrait pas qu'il était impossible pour la compagnie d'effectuer les versements en question. M. Taillefer a plutôt fait certains choix au sujet de la façon de dépenser les fonds de la compagnie, et il a décidé de ne pas verser la TPS qui avait été perçue, en espérant que les montants qui étaient dus pourraient en fin de compte être payés. Je ne suis donc pas convaincu que M. Taillefer ait démontré qu'il avait agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir les défauts de versement que ne l'aurait fait un homme d'affaires raisonnablement prudent dans les mêmes circonstances.
[20] Par conséquent, l'appel est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de février 2004.
« Brent Paris » |
Juge Paris
Traduction certifiée conforme
ce 7e jour de juillet 2005.
Sara Tasset
RÉFÉRENCE : |
2004CCI148 |
No DU DOSSIER DE LA COUR : |
2003-3198(GST)I |
INTITULÉ : |
Michel Taillefer c. La Reine |
LIEU DE L'AUDIENCE : |
Sudbury (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : |
Le 30 janvier 2004 |
MOTIFS DU JUGEMENT : |
L'honorable Brent Paris |
DATE DU JUGEMENT : |
Le 19 février 2004 |
COMPARUTIONS : |
Représentant de l'appelant : |
M. Robert D. Topp |
Avocate de l'intimée : |
Me Justine Malone |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : |
Pour l'appelant : |
Nom : |
Robert D. Topp, C.A. |
Cabinet : |
Arthur Rogers & Topp |
Pour l'intimée : |
Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada Ottawa, Canada |