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Dossier : 2003‑2379(IT)G

 

ENTRE :

SEDONA NETWORKS CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu à Montréal (Québec), le 28 juillet 2005.

 

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Robert Taylor

Me Al‑Nawaz Nanji

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Carole Benoit

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté, avec dépens à l'intimée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2006.

 

 

« Pierre Archambault »

Le juge Archambault

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2006CCI80

Date : 20060302

Dossier : 2003‑2379(IT)G

 

ENTRE :

SEDONA NETWORKS CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]     Sedona Networks Corporation (« Sedona ») interjette appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour l'année d'imposition 1999. Le ministre a rejeté la demande de crédits d'impôt remboursables de Sedona, d'un montant de 927 785 $, parce qu'il estimait que, tout au long de l'année d'imposition, Sedona n'était pas une société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») selon la définition de cette expression telle qu'elle figure au paragraphe 125(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), comme l'exigent les paragraphes 127(10.1), 127.1(1), 127.1(2) et 127.1(2.01) de la Loi[1].

 

[2]     Les actionnaires de Sedona sont des résidents canadiens (notamment des sociétés publiques) et des non‑résidents. Le problème que pose le présent appel se rapporte à l'application de la règle énoncée à l'alinéa b) (la « règle de l'actionnaire hypothétique ») de la définition[2] de la SPCC. Aux fins de la détermination de la question de savoir si une société (la « société cible ») est contrôlée par des non‑résidents, par des sociétés publiques ou par des sociétés dont une catégorie d'actions est cotée à une bourse de valeurs visée par règlement (les actionnaires de ces trois catégories étant désignés sous le nom d'« actionnaires non admissibles »), cette règle prévoit que chaque action d'une société appartenant à ces actionnaires non admissibles doit être traitée comme si elle appartenait à une « personne donnée » (l'« actionnaire hypothétique »). Il s'agit notamment de savoir si l'alinéa 251(5)b)[3] de la Loi s'applique pour les besoins de la règle et, dans l'affirmative, de quelle façon il s'applique. Cette disposition prévoit notamment que certaines personnes qui ont le droit (l'« option ») d'acquérir des actions ou de contrôler les droits de vote rattachés à des actions d'une société sont réputées occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elles avaient été propriétaires des actions. Une autre question qui se pose est de savoir de quelle façon il convient de traiter, pour l'application de la règle de l'actionnaire hypothétique, les actions appartenant à une société (contrôlée par une société publique), lorsque les droits de vote rattachés à ces actions ont été transférés à une autre société (qui n'est pas une société publique). La dernière question en litige est une question de fait; il s'agit de savoir si un certain non‑résident, M. Manouch Khezri, s'était vu accorder le droit d'acquérir des actions de Sedona pendant l'année d'imposition de cette dernière qui a pris fin le 30 septembre 1999.

 

Les faits

 

[3]     La plupart des faits ne sont pas contestés. Sedona a été constituée en société en 1998 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »); tout au long de son année d'imposition 1999, Sedona était une société privée selon la définition figurant au paragraphe 89(1) de la Loi. Elle s'occupait de la mise au point, de la fabrication et de la distribution de produits permettant aux fournisseurs de services de réseau de fournir des services groupés de transmission de la voix et des données. Pendant son année d'imposition 1999, Sedona a engagé au Canada des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental d'un montant de 2 929 361 $. Malheureusement, elle a fait faillite le 30 mars 2001.

 

[4]     Les deux tableaux suivants indiquent la répartition des actions de Sedona entre, d'une part, les résidents et les sociétés non publiques (au sens du paragraphe 89(1) de la Loi) (les « résidents ») et, d'autre part, les non‑résidents et les sociétés publiques (les « non‑résidents et sociétés publiques »), telle qu'elle a été établie par l'appelante et par l'intimée. Seuls les chiffres en caractères gras sont en litige dans le présent appel :

 

Selon l'appelante

ACTIONS

Résidents

Non‑résidents et sociétés publiques

Total

Act. ord.

     6 666 000

                  148 000

    6 814 000

Act. priv. de cat. A

     1 300 000

                  500 000

    1 800 000

Act. priv. de cat. B

     1 315 789

               8 771 931

  10 087 720

 

        438 597

 

       438 597

TOTAL PARTIEL

     9 720 386

               9 419 931

  19 140 317

Propriété (en %)

        50,78 %

                  49,22 %

         100 %

OPTIONS

 

 

 

Employé rés.

        526 500

 

       526 500

Non‑employé rés.

        207 000

 

       207 000

Employé non‑rés.

 

 

                −

Non‑employé non‑rés.

 

                 342 000[4]

       342 000

TOTAL PARTIEL

        733 500

                  342 000

    1 075 500

TOTAL

   10 453 886

               9 761 931

  20 215 817

Propriété (en %)

       51,71 %

                 48,29 %

         100 %

 

Selon l'intimée

ACTIONS

Résidents

Non‑résidents et sociétés publiques

Total

Act. ord.

  6 666 000

                  148 000

    6 814 000

Act. priv. de cat. A

  1 300 000

                  500 000

    1 800 000

Act. priv. de cat. B

  1 315 789

               8 771 931

  10 087 720

 

 

                  438 597

       438 597

TOTAL PARTIEL

  9 281 789

               9 858 528

  19 140 317

Propriété (en %)

     48,49 %

                   51,51%

         100 %

OPTIONS

 

 

 

Employé rés.

     526 500

 

       526 500

Non‑employé rés.

     207 000

 

       207 000

 

     438 597

 

       438 597

Employé non‑rés.

 

                  458 000

       458 000

Non‑employé non‑rés.

 

                  342 000

       342 000

TOTAL PARTIEL

  1 172 097

                  800 000

    1 972 097

TOTAL

10 453 886

             10 658 528

  21 112 414

Propriété (en %)

     49,52 %

                  50,48 %

         100 %

 

[5]     Toutes ces actions confèrent un droit de vote à leur détenteur. Les 438 597 actions privilégiées de la catégorie B appartenaient à la Bank of Montreal Capital Corporation (la « BMCC »), une filiale à cent pour cent de la Banque de Montréal (la « BM »). Cette dernière est une société publique canadienne pour l'application de la Loi. Une entente de gestion conclue le 10 janvier 1996 par la BMCC et Ventures West Management TIP Inc. (« Ventures ») était en vigueur tout au long de l'année d'imposition 1999 de Sedona. Ventures est une société résidant au Canada qui n'était pas une société publique au sens du paragraphe 89(1) de la Loi. L'entente de gestion conférait à Ventures le droit d'exercer les droits de vote, comme elle le jugeait bon et à sa seule discrétion, à l'égard des actions de Sedona appartenant à la BMCC, ainsi que le droit d'acquérir ces actions si la BMCC résiliait l'entente sans motif valable. Le 10 janvier 1996, la BMCC a également signé une procuration en faveur de Ventures en vue de faciliter la prestation et l'exécution par cette dernière des services de gestion qui devaient lui être fournis. Selon Sedona, les actions en question devraient uniquement être ajoutées à la colonne des « résidents » dans les tableaux reproduits ci‑dessus. De son côté, le ministre a ajouté les actions de Sedona appartenant à la BMCC à la colonne des « non‑résidents et sociétés publiques » parce que la BMCC était contrôlée par une société publique et, conformément à l'alinéa 251(5)b) de la Loi, le ministre a également inclus ces actions dans la colonne des « résidents » parce que Ventures possédait des options à leur égard.

 

[6]     Le 22 juillet 1999, le conseil d'administration de Sedona a autorisé l'octroi d'options à M. Khezri. L'octroi devait prendre effet le 15 octobre 1999, mais les droits visés devaient être dévolus le 2 août 1999. Selon le témoignage présenté lors de l'interrogatoire préalable par le président de Sedona, M. Joseph Elchakieh, M. Khezri avait été embauché au mois de juillet 1999, mais il n'avait commencé à travailler que le 2 août 1999. On a dit à M. Khezri qu'aucune option ne pouvait lui être accordée au mois de juillet parce que, si pareille option lui était accordée, cela aurait une incidence sur le statut de Sedona en tant que SPCC. La lettre par laquelle l'option relative aux 458 000 actions était accordée à M. Khezri a été signée le 15 octobre 1999 par MM. Khezri et Elchakieh. Ce dernier a décrit comme suit, à la page 29 de la transcription de l'interrogatoire préalable, le marché conclu avec M. Khezri :

 

[TRADUCTION]

 

Q.        À quel moment cette entente verbale aurait‑elle été conclue? Par la suite? Combien de temps après?

 

R.         Oui. Je crois que c'était à cette époque. C'est à ce moment‑là que nous en avons discuté, à quelques jours près. La discussion a eu lieu. J'ai discuté avec M. Khezri de la situation financière, du statut de SPCC, et du fait qu'il savait que nous ne lui remettrions pas la lettre concernant l'option, et que nous ne nous engagerions pas à lui remettre ces actions avant le 15 octobre 1999. Nous avons été extrêmement vigilants sur ce point.

 

Q.        Mais il a néanmoins accepté le contrat de travail?

 

R.         Il a accepté l'emploi en se fondant sur la promesse que je lui faisais à ce sujet, que la chose serait faite le 15 octobre.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[7]     Le ministre adopte la position selon laquelle, si l'alinéa 251(5)b) de la Loi s'applique, il faudrait tenir compte des options accordées à M. Khezri pour décider si l'actionnaire hypothétique contrôlait Sedona en 1999. Par contre, Sedona fait valoir que les droits n'ont pas été accordés au cours de son année d'imposition 1999 qui a pris fin le 30 septembre 1999 et qu'il faudrait donc exclure ces options pour déterminer si, en 1999, Sedona était une SPCC.

 

Analyse

 

[8]     Les questions soulevées par le présent appel seront réglées au moyen d'une lecture attentive des principales dispositions pertinentes. La première disposition est l'alinéa b) de la définition de SPCC figurant au paragraphe 125(7) de la Loi. Il est bon de reproduire encore une fois cette disposition particulière :

 

« société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes :

 

[...]

 

b)         si chaque action du capital‑actions d'une société appartenant à une personne non‑résidente ou à une société publique, sauf une société à capital de risque visée par règlement, appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[9]     Avant de déterminer la portée de cette disposition, il faut faire trois commentaires préliminaires. Premièrement, il s'agit ici de savoir si Sedona est contrôlée par des non‑résidents ou des sociétés publiques et non de savoir si elle est contrôlée par des résidents. De fait, une société peut être une SPCC même si elle n'est pas contrôlée par des résidents canadiens! Deuxièmement, il importe d'énoncer l'approche qui doit être suivie lors de l'interprétation d'une disposition comme celle‑ci, qui crée une fiction juridique. Je souscris à l'énoncé que le juge Dussault a fait dans la décision La Survivance c. La Reine, 2005 CarswellNat 1067, no 2001‑428(IT)G, 2005 CCI 245, au paragraphe 36[5] :

 

Dans la mesure où une présomption ou une disposition déterminative a précisément pour effet de travestir la réalité, j'estime que l'on doit l'interpréter de façon stricte et en limiter la portée à ce qu'elle exprime clairement. Dans le cas présent, Société Nationale a acquis le contrôle de Les Clairvoyants durant la journée du 5 juillet 1994. Le paragraphe 256(9) établit que ce contrôle est réputé avoir été acquis au début de cette journée du 5 juillet 1994, rien de plus. Il n'établit pas que la personne qui détenait le contrôle légal ou effectif de Les Clairvoyants, soit La Survivance, a cessé simultanément de détenir ce contrôle. Rien non plus dans ce paragraphe ne permet de conclure que La Survivance serait réputée avoir disposé des actions du capital‑actions de Les Clairvoyants avant le moment réel de leur disposition durant la journée du 5 juillet 1994, de sorte qu'au moment où cette disposition est survenue elle avait toujours le contrôle légal ou effectif de Les Clairvoyants [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[10]    Troisièmement, il est utile de donner un aperçu des circonstances dans lesquelles le législateur a édicté l'alinéa b) de la définition de SPCC; cet alinéa a été ajouté par L.C. 1998, ch. 19, paragraphe 145(2), et est applicable après 1995. L'objet de la disposition était clairement énoncé dans les notes techniques y afférentes publiées par le ministre des Finances :

 

Actuellement, une société est une SPCC si elle est une société privée et une société canadienne (ces deux expressions étant définies au paragraphe 89(1) de la Loi) et si elle n'est pas contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par des sociétés publiques (sauf des sociétés à capital de risque visées par règlement) ou des personnes non‑résidentes, ou une combinaison de celles‑ci. La modification apportée à la définition a pour effet d'exclure deux autres types de sociétés de la notion de SPCC. Il s'agit, tout d'abord, des sociétés qui, si elles ne sont pas réellement contrôlées par des non‑résidents, évitent ce statut du seul fait que leurs actions sont détenues par un grand nombre d'actionnaires. Sont également exclues les sociétés dont les actions sont cotées à une bourse de valeurs à l'étranger.

 

Une société dont les actions avec droit de vote sont réparties entre un grand nombre de personnes n'est pas habituellement considérée comme étant contrôlée par un groupe donné d'actionnaires, à condition que les actionnaires n'agissent pas de concert en vue d'exercer le contrôle. Dans cet ordre d'idées, on pourrait prétendre qu'une société canadienne privée qui appartient à plusieurs non‑résidents ou sociétés publiques n'est pas contrôlée par des non‑résidents ou des sociétés publiques, et est donc une SPCC. Le nouvel alinéa b) de la définition de SPCC a pour objet de réfuter cette position. En effet, il prévoit que les actions détenues par les non‑résidents et les sociétés publiques — non seulement les actions de la société en question, mais aussi de l'ensemble des sociétés — doivent faire l'objet d'une attribution hypothétique à une personne hypothétique. Si pareille attribution donne le contrôle de la société à cette personne, la société n'est pas une SPCC.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[11]    La règle de l'actionnaire hypothétique exige une approche en deux étapes. La première étape se rapporte à l'attribution à l'actionnaire hypothétique de toutes les actions appartenant à des actionnaires non admissibles, et la seconde se rapporte à la résolution de la question de savoir si la société cible est contrôlée par cet actionnaire. Pour bien appliquer la règle à la première étape, il importe de noter ce que dit la disposition pertinente et ce qu'elle ne dit pas. La disposition en question exige uniquement que « chaque action [...] appartenant à » un actionnaire non admissible soit attribuée à l'actionnaire hypothétique. Sous réserve de l'alinéa 251(5)b) de la Loi, qui s'applique pour les besoins de la définition de SPCC, la règle ne fait pas mention des options détenues par un actionnaire non admissible. Il faut donc lire attentivement l'alinéa 251(5)b) pour décider s'il s'applique pour les besoins de la règle :

 

b)         la personne qui, à un moment donné, en vertu d'un contrat, en equity ou autrement, a un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

 

(i)         à des actions du capital-actions d'une société ou de les acquérir ou d'en contrôler les droits de vote, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle était propriétaire des actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier, [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[12]    On peut mieux comprendre la portée de cette disposition en comparant son libellé à celui des alinéas 256(1.4)a) et b) de la Loi, qui prévoient ce qui suit :

 

(1.4) Propriété présumée des actions en cas de droit d'achat ou de rachat

 

Pour ce qui est de déterminer si une société est associée[6] à une autre société avec laquelle elle n'est pas autrement associée, si une personne, ou une société de personnes dans laquelle elle a une participation, a, à un moment donné, en vertu d'un contrat, en equity ou autrement, un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

 

a)         à des actions du capital‑actions d'une société, ou de les acquérir ou d'en contrôler les droits de vote, cette personne ou cette société de personnes est réputée propriétaire de ces actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier, et les actions sont réputées émises et en circulation à ce moment;

 

b)         d'obliger une société à racheter, acquérir ou annuler des actions de son capital‑actions dont d'autres actionnaires d'une société sont propriétaires, cette personne ou cette société de personnes est réputée à ce moment occuper la même position relativement au contrôle de la société et relativement à la propriété des actions que si cette société rachetait, acquérait ou annulait les actions, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[13]    En vertu de l'alinéa 256(1.4)a) de la Loi, le titulaire d'options est réputé propriétaire de ces actions et les actions sont réputées émises. En vertu de l'alinéa 251(5)b), le titulaire de pareilles options est uniquement réputé « occuper la même position relativement au contrôle [...] que » s'il était propriétaire des actions. Il est donc juste de conclure qu'en vertu de la règle énoncée au dernier alinéa, aucune fiction juridique de propriété n'est créée relativement aux actions à l'égard desquelles une option existe. Cette règle vise uniquement à créer une fiction juridique afin de permettre de déterminer s'il existe un contrôle. En d'autres termes, la règle crée une fiction juridique à l'égard du contrôle d'une société, mais non à l'égard de la propriété des actions de cette société. Les options détenues par des actionnaires non admissibles ne sont pas des « actions », et les actions à l'égard desquelles il existe des droits d'option ne sont pas non plus « réputées » appartenir à ces actionnaires. Par conséquent, les options appartenant à un actionnaire non admissible ne peuvent pas être attribuées à l'actionnaire hypothétique parce que seule une « action [...] appartenant » à un actionnaire non admissible doit être ainsi attribuée. Il n'est donc pas pertinent de savoir si Sedona a accordé des options à M. Khezri en 1999 et je ne tire aucune conclusion sur ce point. Nous devons donc attribuer à l'actionnaire hypothétique uniquement les actions de Sedona appartenant à des non‑résidents ou à des sociétés publiques et les actions de la BMCC appartenant à la BM, une société publique[7].

 

[14]    La seconde étape, selon la règle de l'actionnaire hypothétique, consiste à déterminer si, par suite d'une telle attribution, l'actionnaire hypothétique contrôlait Sedona. Il importe de noter que c'est le mot « contrôlée » qui est employé à l'alinéa b) de la définition de SPCC; la disposition ne dit pas « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit ». Par conséquent, c'est la notion de contrôle de droit telle qu'elle a été élaborée par les tribunaux judiciaires qui s'applique plutôt que la notion de contrôle de fait telle qu'elle figure au paragraphe 256(5.1) de la Loi[8].

 

[15]    La décision judiciaire qui fait autorité en matière de contrôle est Buckerfield's Ltd. et al. v. M.N.R., 64 D.T.C. 5301, dans laquelle le président Jackett a dit ce qui suit à la page 5303 :

 

[TRADUCTION] [...] Je crois cependant qu'à l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot « contrôlée » vise le droit de contrôle qui découle de la propriété d'un nombre d'actions suffisant pour donner la majorité des voix à l'élection du conseil d'administration. Voir British American Tobacco Co. v. I.R.C., [1943] 1 All E.R. 13, où le lord chancelier, le vicomte Simon, a déclaré, à la p. 15 :

 

Les détenteurs de la majorité des voix dans une société sont ceux qui ont le contrôle réel de ses affaires et de ses destinées.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Cette définition du contrôle a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt M.N.R. v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223, 67 D.T.C. 5035, et elle a de nouveau été confirmée dans l'arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 795, 98 D.T.C. 6334.

 

[16]    Dans la décision Vineland Quarries and Crushed Stone Limited v. M.N.R., 66 D.T.C. 5092, le juge Cattanach a reconnu que ce « contrôle » pouvait être exercé directement ou indirectement au moyen d'une chaîne de sociétés. Voici ce que le juge a dit à la page 5098 :

 

[TRADUCTION]

 

À mon avis, le mot « contrôlées » à l'al. 39(4)b) vise et comprend un rapport de nature à conférer le contrôle en vertu de la majorité des voix, quelle que soit la manière dont ce résultat est obtenu, directement ou indirectement.

 

[...]

 

En vertu de l'arrêt British American Tobacco[9], je ne crois pas approprié d'arrêter l'analyse après avoir examiné le registre des actionnaires de l'appelante et celui de Sauder and Thornborrow Limited. Il est approprié et nécessaire d'examiner les registres des actionnaires de Bold Investments (Hamilton) Limited et de Sauder and Thornborrow Limited pour répondre à la question de savoir si l'appelante et les deux autres sociétés sont contrôlées par le même « groupe de personnes ». Lorsque l'actionnaire inscrit dans le premier cas est une société, il faut aller au‑delà du registre des actionnaires.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[17]    Le législateur, qui reconnaissait que le contrôle pouvait être exercé indirectement au moyen d'une chaîne de sociétés, a veillé, lorsqu'il a ajouté la règle de l'actionnaire hypothétique à la définition de SPCC, à mentionner les actions de la société cible ainsi que celles de toute société pertinente de la chaîne[10]. Étant donné que la BM, une société publique, contrôle la BMCC puisqu'elle détient toutes les actions de celle‑ci, il faut prendre en compte les actions de Sedona appartenant à la BMCC, comme l'exige la décision Vineland Quarries.

 

[18]    Comme il en a ci‑dessus été fait mention, l'alinéa 251(5)b) de la Loi s'applique à la définition de SPCC et cette disposition est à première vue pertinente lorsqu'il s'agit de décider si l'actionnaire hypothétique contrôle la société cible. Toutefois, cette disposition n'a aucune application pratique à ce niveau parce que, de toute évidence, l'actionnaire hypothétique ne possède pas vraiment des options et, comme il en a ci‑dessus été fait mention, aucun droit de ce genre appartenant à des actionnaires non admissibles n'est attribué à l'actionnaire hypothétique. Mais qu'en est‑il si une société intermédiaire possède des options? Je ne sais pas trop dans quelle mesure l'alinéa 251(5)b) pourrait s'appliquer à l'égard de la BMCC lorsqu'il s'agit de décider si l'actionnaire hypothétique contrôlait Sedona directement ou indirectement et, en particulier, si la BMCC possédait des options à l'égard des actions de Sedona. Je n'ai pas à régler ici cette question parce que rien ne montre que la BMCC ait eu de tels droits à l'égard des actions de Sedona[11]. L'alinéa 251(5)b) ne s'applique donc pas[12].

 

[19]    Toutefois, je tiens à ajouter que, de toute façon, en vertu de l'alinéa 251(5)b) de la Loi, le propriétaire réel des actions (à l'égard desquelles les options ont été transférées à quelqu'un d'autre) n'est pas réputé avoir cessé de les détenir ou avoir cessé de contrôler la société cible. La chose a été reconnue par le président Jackett dans la décision Viking Food Products Ltd. v. M.N.R., 67 D.T.C. 5067 (C. de l'É.), [1967] 2 R.C. de l'É. 11. Dans cette décision, le juge avait à interpréter l'alinéa 139(5d)b) de la Loi (S.R.C. 1952) [maintenant l'alinéa 251(5)b)]. À la page 5071, le juge a dit que le législateur ne voulait pas que cette disposition [TRADUCTION] « ait implicitement pour effet de réputer d'une façon artificielle qu'une personne a cessé de contrôler une société dont toutes les actions émises lui appartiennent simplement parce qu'elle a accordé à quelqu'un d'autre le droit d'acheter ces actions ». Dans un appendice joint à ses motifs, à la page 5073, le juge a ajouté ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

À mon avis, cet argument reductio ad absurdum est fondé sur une interprétation erronée du paragraphe (5d). Cette disposition s'applique lorsque se pose la question de savoir si le titulaire d'un « droit » contrôlait la société et elle prévoit que celui‑ci est réputé occuper la même position relativement au contrôle de la société « que s' » il était propriétaire « des actions ». Lorsque se pose la question de savoir si le propriétaire réel des actions contrôlait la société, il n'y a pas lieu d'appliquer la disposition déterminante du paragraphe (5d). Il n'existe aucune justification possible permettant d'interpréter la disposition comme donnant à entendre l'existence de deux ensembles d'actions à la place de l'ensemble d'actions qui existait en fait[13].

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[20]    L'avocat de Sedona a affirmé avec véhémence que les actions de Sedona dont la BMCC était propriétaire ne pouvaient pas être ajoutées à la colonne des « non‑résidents et sociétés publiques » parce que le droit de contrôler les droits de vote rattachés à ces actions avait été transféré à Ventures pour une période de six ans, à compter du 1er novembre 1996. Aux paragraphes 36, 39 et 41 de son mémoire des faits et du droit, voici ce qu'il a dit :

 

[TRADUCTION]

 

36.       La pertinence du droit de propriété sur une action, pour ce qui est du contrôle d'une société, découle de l'exercice du droit de vote rattaché à cette action lors de l'élection des administrateurs, et non de l'acte passif qui consiste à être propriétaire ou détenteur des actions.

 

R. c. Alroy Industries Ltd., 76 D.T.C. 6220, no T‑1948‑75, (C.F. 1re inst.) (onglet K du recueil de jurisprudence de l'appelante).

[...]

 

39.       Le but essentiel du critère de Buckerfield's est de permettre de déterminer où est situé le contrôle véritable de la société. Il est impossible d'affirmer qu'un actionnaire a ce contrôle du seul fait qu'il est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration, alors que ce conseil n'a peut‑être même pas réellement le pouvoir de prendre une seule décision importante au nom de la société.

 

Duha Printers (Western) Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 795, 98 D.T.C. 6334, paragraphe 70 (C.S.C.) (onglet I du recueil de jurisprudence de l'appelante).

[...]

 

41.       L'entente de gestion conclue par la BMCC et Ventures Inc. était un acte de la BMCC (et de la BM) visant à accorder à Ventures Inc. le droit de vote à l'égard des actions qu'elle détenait dans l'appelante, de sorte que le droit en question était retiré du conseil d'administration de la BMCC. L'entente de gestion n'était pas une entente externe par rapport à la BMCC, mais il s'agissait plutôt d'une entente qui liait juridiquement la BMCC elle‑même.

 

Entente de gestion en date du 10 janvier 1996 conclue par la Bank of Montreal Capital Corporation et Ventures West Management TIP Inc. (onglet A du recueil conjoint de documents).

 

Duha Printers (Western) Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 795, 98 D.T.C. 6334, paragraphe 7 (C.S.C.) (onglet I du recueil de jurisprudence de l'appelante).

 

[Seul le texte souligné est de moi.]

 

L'avocat de Sedona a ensuite ajouté ce qui suit à la page 19, paragraphe 50 :

 

[TRADUCTION]

 

(iii)       Quoi qu'il en soit, l'entente de gestion était une convention unanime des actionnaires par laquelle la BM restreignait les pouvoirs du conseil d'administration de la BMCC de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la BMCC et transférait ces droits à Ventures Inc.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[21]    À mon avis, ces arguments sont mal fondés. Premièrement, le principe avancé par l'avocat de Sedona, au paragraphe 36 susmentionné, est fondé sur une remarque figurant dans la décision Alroy Industries qui a été prise en dehors de son contexte. Voici ce que le juge Décary a dit à la page 6221 au sujet de l'alinéa 139(5d)b)[14] :

 

Il est à noter que ces dispositions visent non seulement la propriété des actions d'une corporation mais encore le droit « d'en contrôler... les droits de vote ».

 

Le Parlement a ainsi entendu reconnaître qu'ont le « contrôle » de droit de vote

a) les actionnaires qui, comme c'est habituellement le cas dans les corporations privées ou de petite dimension, exercent le droit de vote attaché à toutes les actions dont elles sont titulaires;

b) les personnes qui, en plus d'exercer le droit de vote attaché aux actions dont elles sont titulaires, exercent celui attaché à des actions de titulaires dont elles sont les fondés de pouvoir,

c) les personnes [qui ne sont pas][15] inscrites dans les registres comme actionnaires ayant pouvoir d'exercer le droit de vote attaché à des actions dont ils ne sont pas titulaires.

 

Cela témoigne d'un réalisme certain, puisque le droit de vote attaché à une action est loin d'être toujours exercé par le détenteur de celle‑ci, et que les administrateurs sont élus par ceux qui ne se contentent pas de détenir des actions mais exercent aussi leur droit de vote.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[22]    Par conséquent, le juge Décary ne faisait qu'énoncer le fondement de la disposition légale qui élargit les critères permettant de résoudre la question du contrôle. Il est tenu compte non seulement des actions qu'une personne détient dans une société, mais aussi des options se rapportant aux actions de cette société. Le juge Décary n'a donc pas modifié la définition jurisprudentielle du contrôle, qui met l'accent sur le droit de propriété sur les actions.

 

[23]    Deuxièmement, les arguments avancés par l'avocat de Sedona ne sont pas conformes aux enseignements de la Cour suprême du Canada formulés dans l'arrêt Duha Printers. Dans les motifs qu'il a prononcés dans cette affaire, le juge Iacobucci a résumé, au paragraphe 85, les principes du droit des sociétés et du droit fiscal dont il faut tenir compte pour décider s'il existe un contrôle de droit :

 

[85]      Il peut être utile, à ce stade, de résumer les principes du droit des sociétés et du droit fiscal étudiés dans le présent pourvoi, étant donné leur importance. Ces principes sont les suivants :

 

(1) Le paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu vise le contrôle de jure, et non pas le contrôle de facto.

 

(2) Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité : il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un « contrôle effectif » sur « les affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort de la « propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration ».

 

(3) Pour décider s'il y a « contrôle effectif », il faut prendre en considération ce qui suit :

 

a)         la loi qui régit la société;

b)         le registre des actionnaires de la société;

c)         toute restriction, particulière ou exceptionnelle, imposée soit au pouvoir de l'actionnaire majoritaire de contrôler l'élection du conseil, soit au pouvoir du conseil de gérer l'entreprise et les affaires internes de la société, qui ressort de l'un ou l'autre des documents suivants :

(i) des actes constitutifs de la société;

(ii) d'une convention unanime des actionnaires.

 

(4) Les documents autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires ne doivent généralement pas être pris en considération à cette fin.

 

(5) Lorsqu'il existe une restriction du genre visé à l'alinéa 3c), l'actionnaire majoritaire peut tout de même exercer le contrôle de jure, à moins qu'il ne dispose d'aucun moyen d'exercer un « contrôle effectif » sur les affaires et les destinées de la société, d'une manière analogue ou équivalente au critère de Buckerfield's.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[24]    Par conséquent, à moins d'être considérée comme une convention unanime des actionnaires (une « CUA ») ou comme un type d'acte constitutif[16], l'entente de gestion ne doit pas être prise en compte s'il s'agit de déterminer l'existence d'un « contrôle effectif ». Cela pourrait être pertinent aux fins de la détermination du contrôle de fait, mais non aux fins de la détermination du contrôle de droit[17]. L'entente de gestion est un arrangement contractuel « ordinaire »[18] pris par la BMCC et par Ventures, lequel confère à cette dernière de vastes pouvoirs aux fins de la gestion du portefeuille technologique de la BMCC. Il s'agit simplement d'un document externe[19]; or, en règle générale, ce genre de document ne doit pas être considéré comme déterminant pour ce qui est du contrôle de droit. Il n'influe pas sur la régie interne de la BMCC[20]. Ainsi, il ne s'agit pas d'un acte constitutif limitant les pouvoirs du conseil d'administration de la BMCC de gérer les affaires internes de cette dernière. Ce document ne modifie pas non plus les droits de propriété que possède la BMCC sur les actions de Sedona, et ce, même si Ventures peut exercer ces droits lors de la prestation de ses services de gestion.

 

[25]    L'entente de gestion ne peut pas non plus être considérée comme une CUA conclue par les actionnaires de la BMCC. La BM n'est pas partie à cette entente[21]. En vertu du paragraphe 146(2) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, est réputée être une CUA la déclaration écrite de l'unique et véritable propriétaire de la totalité des actions émises de la société, qui restreint, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société. En l'espèce, rien ne prouve que la BM ait fait une telle déclaration écrite. Si la BM avait l'intention de retirer les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la BMCC, ou de modifier ces pouvoirs, elle serait au moins intervenue dans l'entente de gestion et aurait clairement manifesté son intention. Toutefois, elle ne l'a pas fait. En l'espèce, l'existence du contrôle de droit peut donc uniquement être déterminée à l'aide des registres des actionnaires de Sedona et de la BMCC.

 

[26]    Il importe de faire des commentaires au sujet d'un dernier argument avancé par l'avocat de Sedona. Il s'agit de l'argument que l'avocat a invoqué à la page 25 du mémoire des faits et du droit :

 

[TRADUCTION]

 

(iv)       La personne donnée visée par la définition de SPCC, à l'alinéa 125(7)b), n'exerce de toute façon aucun contrôle de droit sur l'appelante : Convention des actionnaires relative aux droits de vote

 

67.       La Convention des actionnaires relative aux droits de vote, à laquelle l'appelante est partie, prévoit qu'il y aura cinq administrateurs. Les parties s'engagent à exercer leurs droits de vote en vue de faire en sorte que les administrateurs représentent les actionnaires résidents ainsi que les actionnaires non‑résidents et les actionnaires qui sont des sociétés publiques, aucun de ceux‑ci n'ayant toutefois le droit d'élire la majorité des administrateurs. La Convention relative aux droits de vote fournit donc un fondement permettant aux personnes qui y sont parties de faire valoir leurs droits contre l'appelante. Comme c'est le cas pour l'effet de l'entente de gestion envers la BMCC, la Convention relative aux droits de vote n'est pas une entente externe par rapport à l'appelante et elle peut être opposée à cette dernière.

 

Convention des actionnaires relative aux droits de vote en date du 6 avril 1999 (onglet N du recueil conjoint de documents)

 

[27]    Selon l'arrêt Duha Printers, ce document ne pourrait être considéré comme pertinent, aux fins de la résolution de la question du contrôle de droit[22], que s'il s'agissait d'une CUA ou d'un acte constitutif retirant dans une mesure suffisante au conseil d'administration son pouvoir de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société[23]. Or, rien ne montre que tous les actionnaires de Sedona aient participé à cette entente[24], de sorte que l'entente ne peut pas être considérée comme une CUA au sens de l'article 146 de la LCSA. Quoi qu'il en soit, l'entente ne restreint pas les pouvoirs des administrateurs de gérer les activités commerciales et les affaires internes de la société ou d'en surveiller la gestion, comme l'exige l'article 146 de la LCSA. En outre, même si cela avait été le cas, l'entente ne prouverait pas que Sedona n'était pas contrôlée par des non‑résidents et des sociétés publiques tout au long de l'année d'imposition 1999 puisqu'elle a été conclue au mois d'avril 1999, c'est‑à‑dire au cours de l'année d'imposition pertinente.

 

[28]    Compte tenu des principes et conclusions susmentionnés, seules les actions de Sedona qui appartiennent réellement à des actionnaires non admissibles et celles sur lesquelles la BM exerce un contrôle par l'entremise de la BMCC doivent être ajoutées à la colonne des non‑résidents et des sociétés publiques pour l'actionnaire hypothétique. Ceci représente un total de 9 858 528 actions sur les 19 140 317 actions émises, à savoir une proportion de 51,51 p. 100, et confère à l'actionnaire hypothétique la majorité des voix aux fins de l'élection du conseil d'administration. Sedona est donc contrôlée par l'actionnaire hypothétique. Étant donné que l'actionnaire hypothétique contrôle Sedona, cette dernière ne peut pas être considérée comme une SPCC.

 

[29]    Pour ces motifs, l'appel interjeté par Sedona doit être rejeté, les dépens étant adjugés à l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mars 2006.

 

 

« Pierre Archambault »

Le juge Archambault

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de juin 2007.

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI80

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003‑2379(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Sedona Networks Corporation

                                                          c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 28 juillet 2005

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 mars 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Robert Taylor

Me Al‑Nawaz Nanji

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Carole Benoit

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                   Nom :                             Robert Taylor

 

                   Cabinet :                         Couzin Taylor LLP

                                                          Avocats fiscalistes

                                                          Ottawa (Ontario)

 

       Pour l'intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Le ministre a également rejeté la déduction d'un montant de 62 215 $ se rapportant aux dépenses courantes, mais à l'audience l'appelante a abandonné la demande y afférente.

 

[2]           Le terme SPCC est défini comme suit au paragraphe 125(7) de la Loi :

 

« société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes :

 

a)         la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non‑résidentes ou par une ou plusieurs sociétés publiques, sauf une société à capital de risque visée par règlement, ou par une combinaison de celles‑ci;

 

b)         si chaque action du capital‑actions d'une société appartenant à une personne non‑résidente ou à une société publique, sauf une société à capital de risque visée par règlement, appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;

 

c)         la société dont une catégorie d'actions du capital‑actions est cotée à une bourse de valeurs visée par règlement.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Seul l'alinéa b) est pertinent aux fins qui nous occupent.

 

[3]           L'alinéa 251(5)b) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

Pour l'application du paragraphe (2) et de la définition de « société privée sous contrôle canadien » au paragraphe 125(7) :

 

[...]

 

b)         la personne qui, à un moment donné, en vertu d'un contrat, en equity ou autrement, a un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

 

(i)         à des actions du capital‑actions d'une société ou de les acquérir ou d'en contrôler les droits de vote, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle était propriétaire des actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier,

 

(ii)        d'obliger une société à racheter, acquérir ou annuler des actions de son capital‑actions dont d'autres actionnaires de la société sont propriétaires, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si celle‑ci rachetait, acquérait ou annulait les actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier,

 

(iii)       aux droits de vote rattachés à des actions du capital‑actions d'une société, ou de les acquérir ou les contrôler, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle pouvait exercer les droits de vote à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier,

 

(iv)       de faire réduire les droits de vote rattachés à des actions, appartenant à d'autres actionnaires, du capital‑actions d'une société est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si les droits de vote étaient ainsi réduits à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l'invalidité permanente d'un particulier,

 

[...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[4]           Toutefois, selon Sedona, ces 342 000 actions (visées par une option) devraient être exclues du numérateur (le nombre d'actions appartenant à l'actionnaire hypothétique), mais elles devraient être incluses dans le dénominateur (le nombre total d'actions, y compris les actions visées par une option), de sorte que les 48,29 p. 100 seraient ramenés à 46,6 p. 100.

 

[5]           Voir également l'approche suivie par la Cour suprême du Canada dans Antosko c. La Reine, [1994] 2 R.C.S. 312, 94 D.T.C. 6314.

 

[6]           Et non pour ce qui est de la définition de la SPCC.

 

[7]           Voir le paragraphe 17 ci‑dessous pour d'autres commentaires au sujet de la raison pour laquelle les actions de la BMCC doivent être attribuées à l'actionnaire hypothétique.

 

[8]           Le paragraphe 256(5.1) prévoit ce qui suit :

 

(5.1) Contrôle de fait

 

Pour l'application de la présente loi, lorsque l'expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes — appelé « entité dominante » au présent paragraphe — à un moment donné si, à ce moment, l'entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d'un contrat de concession, d'une licence, d'un bail, d'un contrat de commercialisation, d'approvisionnement ou de gestion ou d'une convention semblable — la société et l'entité dominante n'ayant entre elles aucun lien de dépendance — dont l'objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l'entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle‑ci n'est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l'entité dominante du seul fait qu'une telle convention existe.

 

[9]           Le passage pertinent de l'arrêt British American Tobacco mentionné par le juge Cattanach à la page 5096 est le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Toutefois, comme le juge Lawrence l'a signalé, le mot « participation de contrôle » a une portée étendue et, à mon avis, la notion de « participation de contrôle » peut bien s'appliquer aux relations existant entre une société et une autre société dont la majorité requise des actions sont directement ou indirectement assujetties, pour ce qui est du droit de vote, à la volonté et aux directives de la première société. Ainsi, si la société appelante est propriétaire du tiers des actions de la société X et que les deux autres tiers appartiennent à la société Y, la société appelante aura néanmoins une participation majoritaire dans la société X si elle possède suffisamment d'actions dans la société Y pour contrôler cette dernière.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[10]          Voir les notes techniques reproduites ci‑dessus au paragraphe 10.

 

[11]          À première vue, il me semble que l'alinéa 251(5)b) ne s'applique pas parce que seules les actions — et non les options — sont prises en compte à l'égard de l'actionnaire hypothétique. Étant donné que nous voulons en fin de compte déterminer si cet actionnaire contrôlait Sedona — et non si la BMCC contrôlait Sedona — cette disposition n'est pas pertinente ici. Il n'en serait toutefois pas de même s'il y avait une société interposée entre la BMCC et Sedona. Je crois que l'alinéa 251(5)b) s'appliquerait alors aux fins de la résolution de la question de savoir si la BMCC contrôlait cette société et si, par conséquent, l'actionnaire hypothétique contrôlait indirectement Sedona. Les actions de Sedona appartenant à la société ne seraient ajoutées à la colonne des non‑résidents et sociétés publiques que dans la mesure où la BMCC contrôlait cette société. Voir la note 9 ci‑dessus.

 

[12]          Quoi qu'il en soit, comme nous le verrons ci‑dessous, l'actionnaire hypothétique contrôlait Sedona sans qu'il soit tenu compte des options que la BMCC possédait peut‑être. Il ne serait donc pas nécessaire de recourir à la règle figurant à l'alinéa 251(5)b) de la Loi.

 

[13]          Ces commentaires ont été faits après que l'avocat de l'appelante eut soumis par écrit les observations suivantes au sujet de la décision Yardley Plastics of Canada Limited v. M.N.R., [1966] C.T.C. 215, 66 D.T.C. 5183 :

 

[TRADUCTION]

 

L'exemple que l'avocat de l'intimée, Me Mogan, a donné à l'audience illustre bien jusqu'à quel point toute autre interprétation serait absurde.

 

Supposons qu'Eaton's ait eu une filiale à cent pour cent et que Simpson's ait possédé une option sur toutes les actions de celle‑ci. Supposons en outre que cent actions en tout ont été émises et sont en circulation. Selon l'interprétation préconisée par Me Mogan, Eaton's, Simpson's et la filiale seraient associées les unes aux autres. Selon mon interprétation, seules Simpson's et la filiale seraient associées. Eaton's ne serait pas associée à la filiale ou à Simpson's.

 

Si la notion artificielle de propriété exigée à l'alinéa 139(5d)b) n'est pas exclusive, il s'ensuit nécessairement qu'aucune des sociétés ne serait associée! Si Simpson's, à cause de son option, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle avait été propriétaire de cent actions et si, malgré ce qui précède, Eaton's est considérée comme étant encore propriétaire de cent actions, la filiale n'est pas associée à Eaton's et elle n'est pas associée à Simpson's. Si l'on ajoute aux actions dont Simpsons's est réputée être propriétaire les cent actions appartenant en fait à Eaton's, on obtient une société dans laquelle, relativement au contrôle, Eaton's et Simpson's possèdent chacune ou sont chacune réputées posséder cent actions. Étant donné que le nombre d'actions est le même et que ni l'une ni l'autre des deux sociétés ne possède, relativement au contrôle, plus de cinquante pour cent du nombre total d'actions émises ou d'actions qui sont réputées émises, il n'y a pas d'association, et la filiale qui était autrefois associée serait dissociée de toute autre société en raison de l'option elle‑même.

 

[14]          Dans la version figurant dans le recueil D.T.C., on trouve [TRADUCTION] « l'alinéa 139(4d)b) » [sic] au paragraphe précédent.

 

[15]          Il convient d'ajouter les mots [TRADUCTION] « qui ne sont pas ».

 

[16]          Dans Daphne A. Dukelow et Betsy Nuse, The Dictionary of Canadian Law, Scarborough (Ontario), Thomson Professional Publishing Canada, 1991, le terme « constating instrument » [acte constitutif] est défini comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

Loi, lettres patentes, acte constitutif, statuts constitutifs, certificat de constitution, certificat de prorogation, règlements administratifs ou autres ou acte constituant ou prorogeant une personne morale, ou régissant ou réglementant les affaires internes d'une personne morale. Lois de Terre‑Neuve.

 

[17]          Voir les paragraphes 51 et 55 de Duha Printers.

 

[18]          Voir les paragraphes 16 et 42 de Duha Printers.

 

[19]          Voir les paragraphes 50 et 51 de Duha Printers, reproduits à la note 23.

 

[20]          Dans Duha Printers, le juge Iacobucci a dit ce qui suit :

 

[59]      Comme je l'ai déjà indiqué, les conventions entre les actionnaires, les conventions en matière de droits de vote, et ainsi de suite, sont généralement des ententes que les tribunaux n'examinent pas pour vérifier qui exerce le contrôle. À mon avis, cela s'explique par le fait qu'elles créent des obligations contractuelles et non des obligations juridiques ou tenant d'un acte constitutif. Ainsi, à mon sens, la question est donc de savoir si la CUA doit être considérée comme étant de nature contractuelle ou comme tenant d'un acte constitutif. Si elle tient d'un acte constitutif, ses dispositions doivent être examinées dans le cadre de l'analyse du contrôle de jure; si elle est de nature contractuelle, ses dispositions ne relèvent pas alors de ce critère. [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[21]          Et ce, même si la BMCC a pris certains engagements pour le compte de la BM. Voir par exemple les articles 9.3 et 10.4 de l'entente de gestion. Je souscris en outre à l'énoncé suivant que l'avocat de l'intimée a fait dans son argumentation orale (page 144 de la transcription) :

 

[TRADUCTION]

 

Dans ce cas‑ci, l'actionnaire est la Banque de Montréal. La société est la BMCC. La société BMCC peut prendre toutes sortes d'engagements envers Ventures West, elle peut également stipuler que certaines choses seront accomplies par un tiers, mais seule la responsabilité de la BMCC est engagée à cet égard.

 

[22]          Dans son argumentation orale, l'avocat de Sedona a admis que la « Convention relative aux droits de vote » se rapporte davantage à la question du contrôle de fait qu'à celle du contrôle de droit.

 

[23]          Dans Duha Printers, le juge Iacobucci a dit ce qui suit :

 

[50]      De toute façon, je ne crois sûrement pas qu'il soit possible d'affirmer que l'arrêt Consolidated Holding étaye la proposition très générale qu'en a tirée le juge Linden (à la p. 118), selon laquelle « [t]out instrument contraignant doit [...] être pris en compte dans l'analyse, si tel instrument influe sur les droits de vote. » Exactement pour les mêmes motifs que ceux exprimés par le juge Wilson dans le passage précité de sa dissidence dans Imperial General Properties, et conformément au point de vue adopté par les tribunaux depuis Buckerfield's, il est clair que le critère général du contrôle de jure reste le contrôle conféré par la majorité des voix dans la société, que traduit la capacité d'élire les administrateurs de cette dernière. Quoique notre Cour ait parfois été disposée à examiner d'autres facteurs que le registre des actionnaires de la société, son examen a porté seulement sur les actes constitutifs et non sur des conventions externes. La seule exception à cette règle se trouve dans des affaires comme Consolidated Holding, où la capacité même d'agir était limitée par des documents externes, mais jusqu'à ce jour, elle ne s'est manifestée que dans des cas où les actions étaient détenues par des fiduciaires.

 

[51]      Je suis donc d'avis de conclure qu'en règle générale les conventions externes ne doivent pas être prises en considération comme constituant des facteurs déterminants quant au contrôle de jure. Cela est compatible avec la décision assez récente de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta Harvard International Resources Ltd. c. Provincial Treasurer of Alberta, 93 D.T.C. 5254, dans laquelle le juge Hutchinson a refusé d'interpréter les motifs du juge Estey dans Imperial General Properties, précité, comme invitant à considérer des conventions autres que des actes constitutifs, autrement que comme des indices possibles de contrôle de facto. En toute déférence, il n'était pas compatible avec la jurisprudence canadienne en la matière que le juge Linden tienne pour acquis, afin de statuer sur la présente affaire, que, pour savoir où est situé le contrôle d'une société, « la Cour tiendra compte de l'époque considérée, des documents juridiques pertinents et des obligations juridiques réelles ou éventuelles pouvant influer sur les droits de vote afférents aux actions » (p. 121).

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[24]          Dans son argumentation orale, l'avocat de Sedona a admis qu'il ne s'agissait pas d'une convention « unanime » des actionnaires (page 94 de la transcription).

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