Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2006-1455(EI)

2006-3144(EI)

2006-1456(CPP)

2006-3143(CPP)

ENTRE :

DEAN LANG et SHARON LANG,

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 21 août 2007, à Prince Albert (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

Comparutions :

 

Avocat des appelants :

Me James H.W. Sanderson, c.r.

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

           Les appels des évaluations établies et des décisions rendues par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada sont accueillis; les évaluations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour réexamen et réévaluation selon les motifs ci‑joints, et les décisions sont modifiées conformément à ces motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef D.G.H. Bowman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI547

Date : 20070914

Dossiers : 2006-1455(EI)

2006-3144(EI)

2006-1456(CPP)

2006-3143(CPP)

ENTRE :

DEAN LANG et SHARON LANG,

appelants,

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge en chef Bowman

 

[1]     Il s’agit d’appels de décisions rendues et d’évaluations établies par le ministre du Revenu national en vertu du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi, selon lesquelles certains travailleurs engagés par les appelants exerçaient un emploi ouvrant droit à pension et un emploi assurable auprès des appelants.

 

[2]     Les appelants Dean et Sharon Lang exploitaient, en Saskatchewan, une entreprise de nettoyage d’appareils de chauffage et de conduits sous le nom de Dun‑Rite Vac (« Dun‑Rite »). Ils retenaient les services de travailleurs, qui travaillaient chez des clients qui avaient recours à Dun‑Rite.

 

[3]      Selon la position prise par les appelants, les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants et n’exerçaient pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[4]      Chaque affaire dans laquelle se pose la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être tranchée selon les faits qui lui sont propres. Les quatre éléments du critère mixte énoncé dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025 et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, doivent chacun se voir attribuer le poids qui convient eu égard aux circonstances de l’affaire. En outre, l’intention des parties au contrat est devenue, selon certains arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, un facteur dont le poids semble varier d’un cas à l’autre. (The Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 96; City Water International Inc. c. M.R.N., 2006 CAF 350).

 

[5]      Les avis d’appel sont fondamentalement identiques dans tous les appels; les faits y sont énoncés tels qu’ils ont été présentés dans la preuve. L’avis d’appel, dans l’appel 2006‑3143(CPP), est rédigé comme suit :

 

[traduction]

1.     Les appelants sont mari et femme; ils possèdent de l’équipement permettant de nettoyer les appareils de chauffage et les conduits dans des résidences et dans d’autres bâtiments.

 

2.     Les appelants vivent à Hudson Bay (Saskatchewan), mais ils vont d’une ville à l’autre, d’un village à l’autre et de porte en porte à la recherche de personnes qui veulent faire nettoyer leur appareil de chauffage et leurs conduits. Il s’agit de conclure des ventes, et les appelants doivent parfois faire un grand nombre de rencontres pour trouver un client.

 

3.     Les appelants ont à leur disposition une liste de personnes qui sont prêtes à exécuter le travail une fois qu’ils ont trouvé des clients. Avant d’aller d’une ville ou d’un village à l’autre, les appelants déterminent qui veut faire le travail dans cette ville ou dans ce village, le moment où cette personne exécutera le travail et les rendez‑vous qu’ils peuvent prendre pour cette personne. Il faut normalement environ deux heures pour nettoyer l’appareil de chauffage et les conduits d’une résidence et, pour que le voyage en vaille la peine pour la personne qui fera le travail, on tente d’organiser chaque jour trois ou quatre rendez‑vous.

 

4.     Une fois que les rendez‑vous sont pris, les appelants informent la ou les personnes qui feront le travail des dates et des heures des rendez‑vous; à compter de ce moment‑là, cette personne ou ces personnes sont chargées de s’occuper du client.

 

5.     Les appelants fournissent l’équipement de nettoyage à la personne qui fait le travail; s’il faut un moyen de transport, les appelants mettent leur camion à la disposition de cette personne et fournissent l’essence. Les appelants possèdent une tente‑roulotte qu’ils utilisent pour aller d’une ville à l’autre et, s’il faut que la personne qui exécute le travail passe la nuit dans la ville où le travail est accompli, la tente‑roulotte est mise à sa disposition. Si la tente‑roulotte n’est pas disponible, les appelants paient le prix d’une chambre, s’il y en a une qui est disponible, à la personne qui exécute le travail.

 

6.     La personne qui est chargée d’accomplir le travail peut le faire elle‑même ou demander à quelqu’un de le faire à sa place, auquel cas c’est elle qui rémunère le travailleur.

 

7.     La personne qui est chargée de faire le travail est obligée de s’en acquitter à la satisfaction du client; s’il faut reprendre le travail, la personne le fait à ses frais.

 

8.     Les appelants fournissent ou louent leur équipement de nettoyage à la personne qui exécute le travail; si l’équipement est endommagé, cette personne est responsable des frais de réparation.

 

9.     La personne qui exécute le travail fournit tous les instruments de travail dont elle peut avoir besoin.

 

10.   Les dispositions qui sont prises entre les appelants et les gens qui exécutent le travail, à l’exception d’un certain Monty Hagan, sont les mêmes :

 

        i)     Ce sont les appelants qui indiquent le prix, ce prix étant déterminé comme suit : 40 $ pour l’équipement de nettoyage, 125 $ pour le nettoyage d’un appareil de chauffage, 55 $ pour le nettoyage des conduits et 5 $ pour chaque grille à registre dont est doté le bâtiment. Dans une résidence, il y a habituellement de dix à douze grilles à registre. Le prix pour une résidence dotée de douze grilles à registre serait de 240 $;

 

        ii)    Le montant demandé est partagé entre les appelants et la personne qui exécute le travail. Les appelants conservent 40 $ pour l’utilisation de l’équipement, la personne qui exécute le travail a droit à 25 p. 100 du solde et le reste revient aux appelants. Si le montant demandé s’élève à 240 $, la personne qui fait le travail reçoit 50 $ et les appelants reçoivent 190 $. La personne qui exécute le travail recouvre le montant du client et le remet aux appelants, qui partagent ce montant toutes les deux semaines.

 

11.   Une fois que les appelants ont pris un rendez‑vous avec un client, ils ne font plus rien. Ils ne supervisent pas le travail ou la personne qui exécute le travail.

 

12.   Les personnes qui, en 2004 et en 2005, accomplissaient le travail sont celles qui sont désignées comme étant censément des employés des appelants.

 

13.   Quant à Monty Hagan, il emploie des personnes pour recruter des clients et c’est lui qui rémunère ces personnes. C’est normalement lui qui emploie les travailleurs qui accomplissent le travail et qui les rémunère. Les appelants fournissent l’équipement de nettoyage. Monty Hagan se charge de son propre transport et en assume le coût. Le prix qu’il indique est le même que celui qui est énoncé à l’alinéa 10i). Le montant est partagé entre Monty Hagan et les appelants comme suit : 40 $ reviennent aux appelants pour l’équipement de nettoyage, le solde est réparti à raison de 25 p. 100 à Monty Hagan pour ses frais et de 25 p. 100 à la personne qui exécute le travail, et le reste revient aux appelants. Un montant de 240 $ serait partagé comme suit : 40 $ aux appelants pour l’équipement de nettoyage plus 100 $, 50 $ à Monty Hagan et 50 $ au travailleur. Les appelants ne s’occupent pas du travail.

 

[6]      Ces faits sont fondamentalement exacts, sauf les paragraphes 8 et 9. Les appelants ne louent pas l’équipement de nettoyage aux travailleurs. Ils fournissent l’équipement de nettoyage et la fourgonnette. Les travailleurs fournissent les petits outils, comme les tournevis ou les marteaux, dont ils ont besoin.

 

[7]      La réponse à l’avis d’appel, dans le dossier 2006‑3143(CPP), est rédigée comme suit :

 

[traduction]

6.         Dans la décision qu’il a rendue au sujet des travailleurs, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

     a)       l’appelant s’occupait de nettoyage d’appareils de chauffage et de conduits;

 

     b)       l’appelant exploitait son entreprise sous le nom de « Dun‑Rite Vac »;

 

     c)       dans le cadre de l’entreprise, l’appelant se déplaçait normalement d’une petite collectivité à l’autre, partout en Saskatchewan;

 

     d)       l’appelant décidait des endroits où aller et du moment où s’y rendre;

 

     e)       l’appelant recrutait les clients (ci‑après « les clients ») et prenait les rendez‑vous;

 

     f)        M. Liebrecht était le beau‑fils de l’appelant;

 

     g)       les tâches des travailleurs comprenaient le nettoyage d’appareils de chauffage et de conduits;

 

     h)       M. Hagan s’occupait également des ventes;

 

     i)        M. Liebrecht s’occupait également de certains travaux d’entretien de l’équipement;

 

     j)        M. Embrey aidait à nettoyer les appareils de chauffage;

 

     k)       les travailleurs travaillaient pour l’appelant à plein temps, sur une base continue;

 

     l)        les travailleurs ne concluaient pas de contrats écrits avec l’appelant;

 

     m)      les travailleurs touchaient une commission et ils recevaient 25 p. 100 du prix demandé pour le travail;

 

     n)       le travail valait en moyenne environ 240 $; l’appelant déduisait au départ 40 $, et les travailleurs recevaient 25 p. 100 des 200 $ qui restaient;

 

     o)       M. Hagan touchait également des primes;

 

     p)       l’appelant décidait du taux de rémunération des travailleurs;

 

     q)       l’appelant décidait du prix proposé aux clients;

 

     r)       les clients effectuaient les paiements à Dun‑Rite Vac;

 

     s)       les travailleurs remettaient chaque jour à l’appelant les factures et les montants payés par les clients;

 

     t)        l’appelant s’occupait de l’argent, fixait la rémunération et payait les travailleurs;

 

     u)       l’appelant rémunérait les travailleurs régulièrement aux deux semaines;

 

     v)       les travailleurs ne remettaient pas de factures à l’appelant,

 

     w)      l’appelant décidait des heures et des jours de travail des travailleurs;

 

     x)       les travailleurs travaillaient normalement en équipe, et il y avait normalement trois personnes par équipe;

 

     y)       les membres d’une équipe se déplaçaient normalement ensemble;

 

     z)       l’appelant organisait les voyages et fixait les rendez‑vous avec les clients;

 

     aa)     l’appelant fixait les heures d’activité de l’entreprise;

 

     bb)     les travailleurs travaillaient normalement de 8 à 17 h, du lundi au vendredi;

 

     cc)     l’appelant donnait des directives et des instructions aux travailleurs;

 

     dd)     l’appelant fixait les délais et les priorités que les travailleurs devaient respecter;

 

     ee)     l’appelant décidait des endroits où le travail était effectué;

 

     ff)       l’appelant assignait le travail aux travailleurs;

 

     gg)     les clients étaient ceux de l’appelant;

 

     hh)     les travailleurs représentaient l’appelant pendant qu’ils s’acquittaient de leurs tâches;

 

     ii)       les travailleurs ne se faisaient pas remplacer;

 

     jj)       l’appelant trouvait et rémunérait des remplaçants au besoin;

 

     kk)     l’appelant assurait la formation de certains travailleurs;

 

     ll)       l’appelant fournissait tous les instruments de travail et l’équipement nécessaires, notamment le camion, l’équipement de nettoyage, les tuyaux et les outils de nettoyage;

 

     mm)   l’appelant fournissait également aux travailleurs une tente‑roulotte pour qu’ils puissent y dormir;

 

     nn)     les travailleurs se déplaçaient normalement dans le véhicule de l’appelant;

 

     oo)     M. Hagan utilisait parfois son propre véhicule;

 

     pp)     les travailleurs ne concluaient pas de contrat de location avec l’appelant;

 

     qq)     les travailleurs ne payaient pas l’appelant pour l’utilisation de son équipement;

 

     rr)      l’appelant fournissait tout le matériel nécessaire;

 

     ss)      l’appelant fournissait des prospectus de vente à M. Hagan;

 

     tt)       l’appelant payait l’hébergement au besoin;

 

     uu)     les travailleurs n’engageaient pas de frais dans l’exécution de leurs tâches;

 

     vv)     les travailleurs n’avaient ni possibilité de profit ni risque de perte;

 

     ww)   M. Liebrecht n’avait aucun lien de dépendance avec l’appelant;

 

     xx)     les travailleurs ne détenaient pas de permis précis les autorisant à accomplir leurs tâches;

 

     yy)     les travailleurs n’avaient pas de noms commerciaux ni de permis d’exploitation;

 

     zz)      les travailleurs ne souscrivaient pas à une assurance‑responsabilité et ne versaient pas de cotisations à la Commission des accidents du travail;

 

   aaa)     les travailleurs n’exploitaient pas une entreprise pour leur propre compte pendant qu’ils accomplissaient des tâches pour l’appelant;

 

   bbb)    les travailleurs ne facturaient pas la TPS à l’appelant;

 

   ccc)     les travailleurs ont reçu les salaires suivants de l’appelant, pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 août 2005 :

 

 

2004

2005

Brass

958,00 $

   5 012,50 $

Embrey

2 084,25 $

  8 614,55 $

Hagan

44 363,85 $

14 929,45 $

Liebrecht

26 080,23 $

16 085,95 $

McLaughlin

  1 327,25 $

 

Morton

  2 470,50 $

 

Munro

 

4 952,25 $

Nesbitt

14 212,75 $

 

Pankratz

12 865,35 $

 

Peters

 

436,00 $

Ryan

  2 187,90 $

 

Siggulkow

  7 548,85 $

 

Vitkauskas

20 986,10 $

17 631,40 $

 

 

 

 

[8]      Un grand nombre des faits tenus pour acquis ne sont pas contestés. Certains faits sont de la nature d’un argument. Dans la mesure où ils sont incompatibles avec les faits allégués dans l’avis d’appel, je conclus que les faits énoncés dans l’avis d’appel ont été prouvés. La question se résume à ce qui suit : les appelants allaient d’une ville à l’autre en Saskatchewan et recrutaient des clients pour que Dun‑Rite nettoie leurs conduits. Les appelants communiquaient avec l’une des personnes inscrites sur la liste de celles qui étaient prêtes à faire le travail, et ils informaient cette personne du jour, de l’heure et de l’endroit du rendez‑vous. Les appelants fournissaient la fourgonnette et l’équipement de nettoyage, et assuraient le transport des travailleurs jusqu’à l’endroit où le travail devait être effectué. Les travailleurs pouvaient à leur gré refuser un travail. Les travailleurs touchaient un pourcentage des frais demandés par les appelants. Les travailleurs recouvraient l’argent des clients et le remettaient aux appelants. Si le travail n’était pas accompli à la satisfaction du client ou si un client se plaignait, c’était le travailleur qui devait reprendre le travail à ses frais.

 

[9]      Les appelants considéraient les travailleurs comme des entrepreneurs indépendants, et les travailleurs qui ont témoigné ont produit leurs déclarations de revenus à titre de travailleurs autonomes. Joe Vitkauskas estimait être travailleur autonome ainsi que Kris Liebrecht, qui estimait agir comme sous‑traitant et produisait également sa déclaration de revenus à titre de travailleur autonome.

 

[10]     Je n’ai pas traité séparément du cas de Monty Hagan. M. Hagan touchait une commission sur une base différente et il s’occupait activement de recruter des travailleurs et de faire du démarchage. Au cours de l’argumentation, l’intimé a reconnu que Monty Hagan était un entrepreneur indépendant, de sorte que je n’examinerai pas son cas plus à fond. Compte tenu de la preuve, je crois que l’intimé a eu raison de reconnaître la chose.

 

[11]     Qu’en est‑il des autres? La plupart des affaires concernant la situation d’employé par opposition à celle d’entrepreneur indépendant sont serrées. Il faut établir l’équilibre entre divers facteurs et faire preuve de jugement et de bon sens. De bien des façons, il faut appliquer le même type d’approche que celle que lord Pearce a décrite comme suit, dans un contexte fort différent, dans l’arrêt B.P. Australia Ltd. v. Commissioner of Taxation of the Commonwealth of Australia, [1996] A.C. 224, pages 264 et 265 :

 

[traduction]

On ne peut pas trouver la solution du problème en appliquant un critère ou une description rigide. Elle doit découler de plusieurs aspects de l’ensemble des circonstances dont certaines peuvent aller dans un sens et d’autres dans un autre. Une observation peut se détacher si nettement qu’elle domine d’autres indications plus vagues dans le sens contraire. C’est une appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices qui doit apporter la réponse finale. Bien que les dépenses de capital et les dépenses de revenu soient différentes et facilement identifiables lorsqu’il s’agit de cas évidents, la ligne de démarcation est souvent difficile à tracer dans les cas limites; et des considérations divergentes peuvent produire une situation où la réponse repose sur des questions d’importance et de degré.

 

[12]     La Cour suprême du Canada a cité ce passage en l’approuvant dans  l’arrêt M.N.R. v. Algoma Central Railway, [1968] S.C.R. 447. Cet arrêt portait sur la question de savoir si certaines dépenses étaient imputables au capital par opposition au revenu, mais il est néanmoins pertinent dans le type d’affaire qui nous occupe. Aucun critère à lui seul n’est déterminant et aucune récitation rituelle des facteurs préconisés dans l’arrêt Wiebe Door ne mène nécessairement à la bonne conclusion. On est tenté de citer les remarques que le juge Estey a faites dans l’arrêt Johns‑Manville Canada Inc. v. The Queen, 85 DTC 5373, page 5377 :

 

Lorsqu’il s’agit d’examiner les principes de droit pertinents applicables à la caractérisation d’une somme déboursée comme dépense d’exploitation ou comme dépense de capital, l’observation formulée par le maître des rôles sir Wilfred Greene dans l’arrêt British Salmson Aero Engines, Ltd. v. Commissioner of Inland Revenue (1937), 22 T.C. 29, à la p. 43 constitue un point de départ déconcertant :

 

[traduction] [...] il y a eu [...] de nombreux cas où cette question de capital ou de revenu a été débattue. Il y a de nombreux cas qui se situent à la limite; en effet, dans de nombreux cas il est presque vrai de dire que tirer à pile ou face permettrait de trancher la question de façon presque aussi satisfaisante qu’essayer de trouver des raisons [...]

 

[13]     J’ai déjà mentionné que ces affaires sont serrées, comme le démontre la fréquence avec laquelle la Cour d’appel fédérale annule les décisions rendues par la présente cour pour le motif que les mauvais facteurs ont été appliqués ou que l’on aurait dû mettre davantage l’accent sur un facteur plutôt que sur un autre. Nous allons ci‑dessous examiner certaines affaires qui ont été tranchées au cours des dernières années et la façon dont les divers facteurs ont été traités, lorsqu’il s’agissait de régler ce type de question. (Voir l’appendice A)

           a)      Le contrôle

           b)     La propriété des instruments de travail

           c)      La possibilité de profit

           d)     Le risque de perte (les facteurs énoncés aux alinéas c) et d) sont parfois combinés)

           e)      L’intégration

 

Selon l’arrêt Wiebe Door, les critères énoncés aux alinéas a), b), c) et d) font tous partie d’un seul critère. L’intégration ne fait pas partie du critère à quatre volets, et on estime que ce facteur est difficile à appliquer. Il n’a jamais servi de fondement pour décider qu’une personne était un employé, sauf dans des décisions de la Cour qui ont été annulées en appel.

 

           f)      L’intention

 

1.     Wiebe Door : La décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt a été annulée parce que le juge de première instance avait trop mis l’accent sur le critère de l’intégration (ou de l’organisation). La Cour d’appel fédérale a conclu que les installateurs de portes étaient des entrepreneurs indépendants. Elle a réitéré le critère énoncé dans l’arrêt Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 D.L.R. 161, pages 169 et 170 :

 

[traduction]

Dans les jugements antérieurs, on s’appuyait souvent sur un seul critère, comme l’existence ou l’absence de contrôle, pour décider s’il s’agissait d’un rapport de maître à préposé, la plupart du temps lorsque des questions de responsabilité délictuelle de la part du maître ou du supérieur étaient en cause. Dans les situations plus complexes de l’économie moderne, il faut souvent recourir à des critères plus compliqués. Il a été jugé plus convenable dans certains cas d’appliquer un critère qui comprendrait les quatre éléments suivants : (1) le contrôle; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte. Le contrôle en lui‑même n’est pas toujours concluant.

 

[14]     Il ressort de l’arrêt Wiebe Door que le critère de l’intégration ou de l’organisation n’est pas utile et qu’il est largement rejeté; le juge du procès qui se fonde sur ce critère le fait à ses risques et périls.

 

[15]     Une analyse qui n’a pas changé est celle du juge Cooke, dont il est fait mention comme suit dans l’arrêt Wiebe Door :

 

C’est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) : [NOTE DE BAS DE PAGE 3 : Ce critère a été cité de nombreuses fois. Ainsi, dans l’affaire Ferguson v John Dawson & Partners (Contractors) Ltd., [1976] 3 All ER 817, les trois juges de la Cour d’appel y ont fait référence, et les deux juges de la majorité l’ont tenu pour [traduction] « très utile » (aux p. 824 et 831).

 

[traduction] Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s’est engagée à accomplir ces tâches les accomplit‑elle en tant que personne dans les affaires à son compte ». Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s’agit d’un contrat d’entreprise. Si la réponse est négative, alors il s’agit d’un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n’a été dressée, peut-être n’est‑il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l’importance relative qu’il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il faudra toujours tenir compte du contrôle même s’il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses aides, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu’à quel point il peut tirer profit d’une gestion saine dans l’accomplissement de sa tâche. L’utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s’engage à rendre le service le fait dans le cadre d’une affaire déjà établie; mais ce facteur n’est pas déterminant. Une personne qui s’engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n’a pas conclu de contrat dans le cadre d’une entreprise qu’elle dirige actuellement.

 

2.     Sagaz : Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a donné son approbation à l’arrêt Wiebe Door.

 

3.     Precision Gutters Ltd. c. M.R.N., 2002 CAF 207, [2002] A.C.F. no 771 (QL). La décision de la Cour canadienne de l’impôt a été annulée, et il a été conclu que les poseurs de gouttières étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés comme l’avait conclu le juge de la Cour de l’impôt.

 

[16]    Cet arrêt suit l’analyse effectuée dans l’arrêt Wiebe Door. Il mettait un accent quelque peu différent sur les éléments du critère à quatre volets. Aux paragraphes 14 et 15, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit :

 

[14]      Ce que le juge de la Cour de l=impôt a qualifié de quatrième ingrédient du critère unique composé de quatre volets, notamment, l=* intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l=entreprise de l=employeur présumé + ne fait pas partie de ce critère mais a plutôt été qualifié de critère entièrement distinct (critère d=intégration). Celui-ci a été introduit par le lord juge Denning dans l=arrêt Stevenson Jordan and Harrison Ltd. v. MacDonald and Evans [1952] 1 T.L.R. 101. Celui-ci l=a énoncé de la façon suivante :

 

Une particularité semble se répéter dans tous les cas : en vertu d=un contrat de louage de services, une personne est employée en tant que partie d=une entreprise et son travail fait partie intégrante de l=entreprise; alors qu’en vertu d=un contrat d=entreprise, son travail, bien qu’il soit fait pour l=entreprise, n=y est pas intégré mais seulement accessoire.

 

[15]      Donc le juge de la Cour de l=impôt a confondu le critère unique à quatre volets avec le critère d=intégration. Les quatre éléments du critère unique à quatre volets sont (1) le degré de contrôle ou l=absence de contrôle de la part de l=employeur; (2) la propriété des instruments de travail; (3) la possibilité de profit; (4) le risque de perte (voir Mirichandani c. Canada (ministre du Revenu national) [2001] F.C.J. 269 et Wiebe Door Services, précité, à la page 5028).

 

Et aux paragraphes 18, 19 et 20, la cour a ajouté :

 

[18]      Donc, le juge Major a indiqué que la question centrale à trancher dans des causes semblables consistait à savoir si la personne qui avait été embauchée pour accomplir ces tâches les accomplissait en tant que personne dans les affaires à son compte ou en tant qu’employé. Afin de statuer, les quatre critères énumérés dans l=arrêt Wiebe Door représentent des facteurs à considérer.

 

[19]      Bien que ni le juge Major dans l=arrêt Sagaz ni le juge MacGuigan dans l=arrêt Wiebe Door n=aient complètement rejeté le * test de l=intégration +, ceux-ci ont estimé qu’il pourrait être difficile à appliquer.

 

[20]      Le juge de la Cour de l=impôt a cité l=arrêt Market Investigations et il s=est ensuite posé la question, * à qui appartient l=entreprise? + en parlant de la présente instance. Le juge de la Cour de l=impôt a étudié cette question sous la rubrique * intégration + dans ses motifs, apparemment en considérant que la question posée dans l=arrêt Market Investigations faisait partie du critère d=intégration. Il ressort des motifs du juge Major que celui-ci n=a pas considéré que ce qu’il a appelé la * question centrale + était liée au critère de l=intégration.

 

Une chose importante que l’arrêt Precision Gutters a faite a été de donner le coup de grâce au critère de l’intégration.

 

4.     Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6053. Dans cet appel, interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, il s’agissait notamment de savoir si l’appelant gagnait un revenu d’emploi ou un revenu d’entreprise au Canada. La conclusion tirée par la Cour canadienne de l’impôt, à savoir que l’appelant gagnait un revenu d’emploi, a encore une fois été annulée, et il a été conclu que l’appelant était un entrepreneur indépendant.

 

[17]     Il importe de noter que la relation en question était régie par l’article 2085 du Code civil du Québec, qui est rédigé comme suit :

 

       Art. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

       Art. 2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes for a limited period to do work for remuneration, according to the instructions and under the direction or control of another person, the employer.

 

 

[18]     Les articles 2098, 2099 et 2100 traitent des entrepreneurs indépendants. Ces dispositions sont rédigées comme suit :

 

CHAPITRE HUITIÈME

 

DU CONTRAT D’ENTREPRISE OU DE SERVICE

CHAPTER VIII

 

CONTRACT OF ENTERPRISE OR FOR SERVICES

 

SECTION I

 

DE LA NATURE ET DE L’ÉTENDUE DU CONTRAT

SECTION I

 

NATURE AND SCOPE OF THE CONTRACT

 

      Art. 2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

       Art. 2098. A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to carry out physical or intellectual work for another person, the client or to provide a service, for a price which the client binds himself to pay.

 

           Art. 2099. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

 

       Art. 2099. The contractor or the provider of services is free to choose the means of performing the contract and no relationship of subordination exists between the contractor or the provider of services and the client in respect of such performance.

 

 

       Art. 2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

       Art. 2100. The contractor and the provider of services are bound to act in the best interests of their client, with prudence and diligence. Depending on the nature of the work to be carried out or the service to be provided, they are also bound to act in accordance with usual practice and the rules of art, and, where applicable, to ensure that the work done or service provided is in conformity with the contract.

 

       Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.

 

       Where they are bound to produce results, they may not be relieved from liability except by providing superior force.

 

[19]     Les trois juges de la Cour d’appel fédérale semblent avoir abordé la question sous trois angles différents.

 

[20]     La juge Desjardins a cité le Code civil du Québec et a ensuite analysé la question à l’aide des critères de common law énoncés dans les arrêts Montreal Locomotive et Sagaz. Elle l’a fait sur la base suivante (page 6861) :

 

[48]      Dans l=affaire Hôpital Notre-Dame de l=Espérance et Théoret c. Laurent, [1978] 1 R.C.S. 605, un cas de responsabilité civile délictuelle, la Cour suprême du Canada a été appelée à déterminer si un médecin était un employé de l=hôpital où la partie plaignante avait été traitée. Le juge Pigeon, au nom de la Cour, a cité et approuvé André Nadeau, Traité pratique de la responsabilité civile délictuelle, (Montréal : Wilson & Lafleur, 1971) page 387, qui avait fait remarquer que * le critère essentiel destiné à caractériser les rapports de commettant à préposé est le droit de donner des ordres et instructions au préposé sur la manière de remplir son travail + (pages 613 et 614). Le juge Pigeon avait alors cité la célèbre affaire Curley c. Latreille, [1929] R.C.S. 166, où il avait été noté que la règle était identique à la common law sur ce point (ibid., aux pages 613 et 614).

 

[49]     En conséquence, la distinction entre un contrat de travail et un contrat de service aux termes du Code civil du Québec peut être examinée à la lumière des critères élaborés au cours des années, tant en droit civil qu’en common law.

 

[21]     En appliquant les critères, la juge Desjardins a conclu que le contrôle était un facteur neutre et que la propriété des instruments de travail était également un facteur neutre. Voici ce qu’elle a dit :

 

[94]      L=emploi atypique qui était celui de l=appelant et dans lequel l=insistance est sur un profit plus élevé avec un risque plus élevé, la mobilité et l=indépendance, montre à mon avis que l=appelant a eu raison de réclamer le statut d=entrepreneur et de prestataire de services au sens de l=article 2098 du Code civil du Québec. Ceci amène alors à conclure que l=appelant exerçait une profession indépendante conformément à l=article XIV de la Convention.

 

La juge n’a pas mentionné l’intention.

 

[22]     Le juge Décary a abordé la question d’une façon différente. Voici ce qu’il a dit à la page 6870 :

 

[117]    Le critère consiste donc à se demander, en examinant l=ensemble de la relation entre les parties, s=il y a contrôle d=un côté et subordination de l=autre. Je dirai, avec le plus grand respect, que les tribunaux , dans leur propension à créer des catégories juridiques artificielles, ont parfois tendance à ne pas tenir compte du facteur même qui est l=essence d=une relation contractuelle, à savoir l=intention des parties. L=article 1425 du Code civil du Québec établit le principe selon lequel * on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés +. L=article 1426 du Code civil du Québec poursuit en disant : * on tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages +.

 

[118]    Nous sommes en présence ici d=un type de travailleur qui a choisi d=offrir ses services à titre d=entrepreneur indépendant et non pas d=employé et d=un type d=entreprise qui choisit des entrepreneurs indépendants au lieu de prendre des employés. Le travailleur sacrifie délibérément sa sécurité d=emploi en échange de la liberté ([traduction] * le salaire était beaucoup plus élevé, il n=y avait pas de sécurité d=emploi, pas d=avantages sociaux comme ceux que touche l=employé, par exemple l=assurance-maladie, la retraite, des choses de ce genre [...] +, témoignage de M. Wolf, Dossier d=appel, vol. 2, page 24). La société qui embauchait utilise délibérément des entrepreneurs indépendants pour effectuer un certain travail à un certain moment ([traduction] * Le salaire est plus élevé avec une sécurité d=emploi moindre, parce que les consultants sont engagés pour combler les besoins lorsque l=emploi local ou la charge de travail sont anormalement élevés, ou quand l=entreprise ne veut pas engager d=autres employés et les mettre à pied ensuite. Ils engageront des consultants parce qu’ils peuvent mettre fin à leur contrat en tout temps sans avoir de responsabilités à leur égard + ibid., page 26). La société qui embauche ne traite pas ses consultants, dans son exploitation quotidienne, de la même manière qu’elle traite ses employés (voir par. 68 des motifs de Madame le juge Desjardins). Toute la relation de travail commence et se maintient selon le principe voulant qu’il n=y a pas de contrôle ou de subordination.

 

[119]    Les contribuables peuvent organiser leurs affaires de la façon légale qu’ils désirent. Personne n=a suggéré que M. Wolf ou Canadair ou Kirk‑Mayer ne sont pas ce qu’ils disent être ou qu=ils ont arrangé leurs affaires de façon à tromper les autorités fiscales ou qui que ce soit. Lorsqu’un contrat est signé de bonne foi comme un contrat de service et qu’il est exécuté comme tel, l=intention commune des parties est claire et l=examen devrait s=arrêter là. Si ce n=était pas suffisant, il suffit d=ajouter qu’en l=espèce, les circonstances dans lesquelles le contrat a été formé, l=interprétation que lui ont donnée les parties et l=usage dans l=industrie aérospatiale conduisent tous à conclure que M. Wolf n=est pas dans une position de subordination et que Canadair n=est pas dans une position de contrôle. La * question centrale + a été définie par le juge Major dans l=affaire Sagaz comme étant : * si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte +. Il est clair, à mon avis, que M. Wolf a exécuté des services professionnels à titre de personne qui travaillait pour son propre compte.

 

[120]    De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l=embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n=est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l=on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d=emploi, le peu d=égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité.

 

[23]     Le juge Noël a énoncé des motifs quelque peu différents :

 

[122]    J=accueillerais aussi l=appel. À mon avis, il s=agit d=un cas où la qualification que les parties ont donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n=est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l=autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l=espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l=intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[123]    Mon évaluation des critères juridiques applicables aux faits de l=espèce est essentiellement la même que celle de mes collègues. J=estime que leur évaluation du critère de contrôle, du critère d=intégration et de la propriété des outils n=est pas concluante, ni dans un sens ni dans l=autre. En ce qui concerne le risque financier, je conviens avec respect avec mes collègues que l=appelant, en contrepartie d=un salaire plus élevé, avait renoncé à bon nombre des prestations qui étaient habituellement dévolues à l=employé, y compris la sécurité d=emploi. Toutefois, je conviens avec la juge de la Cour de l=impôt que l=appelant était payé pour ses heures travaillées, quels que soient les résultats atteints, et qu’en ce sens, il ne supportait pas plus de risques qu’un employé ordinaire. Mon évaluation de l=ensemble de la relation entre les parties ne n=amène pas à une conclusion claire et c=est pourquoi, selon moi, il faut examiner la façon dont les parties voyaient leur relation.

 

[124]    Ce n=est pas un cas où les parties qualifiaient leur relation d=une façon telle que cela leur procure un avantage fiscal. Aucune manœuvre frauduleuse ou aucun maquillage de quelque sorte n=est allégué. Il s=ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l=emporter à moins qu’elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu’elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu’elles se trouvaient dans une relation d=entrepreneur indépendant et qu’elles ont agi d=une façon conforme à cette relation, je n=estime pas que la juge de la Cour de l=impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente (à comparer avec l=affaire Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161, à la page 170).

 

[125]    J=accueillerais l=appel avec dépens.

 

[24]     Je doute qu’il soit possible de trouver la ratio decidendi qui s’appliquerait aux trois jugements. Les trois juges étaient d’accord pour dire que le jugement de la Cour canadienne de l’impôt ne pouvait pas être maintenu, mais indépendamment de cela, je ne puis trouver aucun élément commun. La juge Desjardins n’a pas mentionné l’intention, alors que le juge Décary a conclu que l’intention commune était déterminante et que, si d’autres facteurs étaient nécessaires, le manque de sécurité d’emploi, le fait qu’il n’y avait pas d’avantages sociaux, la liberté de choix et la mobilité devaient être pris en considération. Ces facteurs ne semblent pas avoir été mentionnés antérieurement, mais il s’agit certes de facteurs dont l’absence ou la présence serait, selon moi, importante lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence d’une relation employeur‑employé. Le juge Noël considérait l’intention comme un facteur pondérateur si le critère traditionnel énoncé dans l’arrêt Wiebe Door ne donnait aucun résultat concluant.

 

5.     Royal Winnipeg Ballet. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision de la Cour canadienne de l’impôt et a conclu que les danseurs de ballet étaient des entrepreneurs indépendants. Il serait facile de dire simplement que la ratio decidendi, dans le jugement majoritaire (juges Sharlow et Desjardins), est que même si le juge de première instance a conclu que la prépondérance des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door indiquait l’existence d’une relation employeur‑employé entre les danseurs et la compagnie de ballet, l’intention commune des parties doit être déterminante. Toutefois, ce n’est pas aussi simple que cela. À la page 6332, la juge Sharlow a dit ce qui suit :

 

[62]      La question de savoir si l’intention contractuelle qu’une des parties déclare avoir eue coïncide avec celle de l’autre partie donne fréquemment lieu à des différends. En particulier, dans les appels intentés aux termes du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance-emploi, il arrive que les parties présentent des preuves contradictoires au sujet de la nature de la relation juridique qu’elles souhaitaient créer. Ce genre de différend prend habituellement naissance dans le cas où une personne est embauchée pour fournir des services et signe un formulaire de contrat présenté par l’employeur dans lequel la personne en question est qualifiée d’entrepreneur indépendant. L’employeur insère parfois une telle clause dans le contrat dans le but d’éviter de créer une relation employeur-employé. Il arrive que la personne en question affirme par la suite qu’elle était une employée. Elle pourrait déclarer qu’elle s’est sentie obligée d’indiquer son consentement sur le formulaire de contrat pour des raisons financières ou autres. Elle pourrait également déclarer qu’elle pensait, malgré le fait qu’elle a signé un contrat contenant ces termes, qu’elle serait traitée comme les autres travailleurs qui étaient manifestement des employés. Dans ce genre d’affaire, le tribunal pourrait fort bien conclure, en se fondant sur les facteurs exposés dans l’arrêt Wiebe Door, que la personne en question est une employée, mais cela ne veut pas dire que l’intention des parties n’est pas pertinente. En fait, les parties sont généralement d’accord sur le sens à donner à la plupart des modalités énoncées dans leur contrat. Cela veut simplement dire qu’une stipulation du contrat portant sur la nature juridique de la relation créée par celui-ci n’est pas déterminante.

[63]      Ce qui est inhabituel en l’espèce, c’est qu’il n’y a pas d’accord écrit qui vise à qualifier la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB, et que, parallèlement, les parties s’entendent sur ce qu’elles croient être la nature de leur relation. La preuve révèle que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et qu’ils avaient agi en conséquence. Le litige portant sur la nature de la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB vient du fait qu’un tiers (le ministre), qui a un intérêt légitime à ce que la relation juridique soit correctement qualifiée, souhaite faire écarter le témoignage des parties au sujet de leur intention commune parce que ce témoignage n’est pas compatible avec les faits objectifs.

[64]      Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[25]     Le juge Evans était dissident. Voici ce qu’il a dit aux pages 6336 et 6337 :

 

[98]      Lorsque le différend à trancher porte sur la qualification juridique d’un contrat, il y a de bonnes raisons d’accorder peu de poids, voire aucun, à la façon dont les parties en ont compris la nature ou à l’objectif qu’elles recherchaient en concluant le contrat en question. Premièrement, il est difficile de comprendre pour quelle raison la façon dont les parties qualifient juridiquement le contrat qu’elles ont conclu serait pertinente ou devrait être conciliée avec les facteurs objectifs exposés dans les arrêts Wiebe Door et Sagaz. C’est une chose que de tirer une déduction au sujet de la nature juridique d’un contrat en se fondant, par exemple, sur les facteurs de contrôle, de risque de pertes et de possibilité de profit, mais c’en est une autre très différente que de tirer des conclusions à partir de la perception des parties de la nature juridique de leur contrat, qui est la question essentielle que la Cour doit trancher. Le fait que les parties aient eu l’intention de conclure un contrat d’entreprise n’est pas un attribut juridique d’un tel contrat.

[99]      Deuxièmement, l’opinion qu’entretiennent les parties au sujet de la nature juridique de leur contrat est nécessairement intéressée. En général, les parties s’intéressent principalement à l’objectif recherché et ne se préoccupent que de façon secondaire, voire pas du tout, des moyens juridiques permettant de l’atteindre. Supposons, par exemple, que leur objectif soit de se soustraire au versement des cotisations d’assurance-emploi. Le moyen juridique à utiliser pour y parvenir est de conclure un contrat d’entreprise. Cet objectif sera atteint si les modalités du contrat et la conduite des parties se rapprochent davantage des éléments d’un contrat d’entreprise que de ceux d’un contrat de travail. Dans la mesure où elles y auront réfléchi, les parties préféreront conclure le genre de contrat qui, juridiquement, leur permettra d’atteindre l’objectif qu’elles recherchent.

[100]    De la même façon, le droit attache peu de poids, sinon aucun, au fait que la conduite des parties soit compatible avec les conséquences juridiques découlant de la conclusion d’un contrat d’entreprise. Ces conséquences peuvent avoir pour effet d’exempter le payeur d’avoir à déduire et à verser les cotisations d’assurance-emploi et les cotisations au Régime de pensions du Canada, et d’obliger le fournisseur de services à s’inscrire aux fins de la TPS et à la facturer. Ce sont là les conséquences juridiques d’un contrat d’entreprise, mais elles ne constituent pas la preuve de son existence. Le fait que les parties aient recherché ces conséquences n’est d’aucun secours lorsqu’il s’agit de décider si elles ont adopté les moyens juridiques pour y parvenir, à savoir si elles ont conclu un contrat qui comporte les éléments d’un contrat d’entreprise et non ceux d’un contrat de travail.

[101]    Troisièmement, les parties à un contrat prévoyant l’exécution d’un travail (pour utiliser un terme neutre) sont rarement sur un pied d’égalité pour négocier. En attribuant une force probante importante à une déclaration figurant dans un document contractuel signé par les parties selon laquelle le contrat est un contrat d’entreprise, on risque de désavantager la partie la plus vulnérable qui pourrait fort bien dire par la suite, par exemple, qu’elle avait l’intention de conclure un contrat de travail pour pouvoir participer au régime d’assurance-emploi.

[102]    En présence d’une disposition claire d’un contrat signé selon laquelle il s’agit d’un contrat d’entreprise et non d’un contrat de travail, une partie dans cette situation aurait du mal à nier que, selon une analyse objective, cette disposition reflète l’intention des parties, au moins en l’absence de fausse représentation ou de contrainte. Autrement dit, la partie vulnérable est non seulement liée par les modalités du contrat, mais son statut contractuel et, par conséquent, les droits que lui confère la loi, risquent d’être compromis par la façon dont la partie en position de force a qualifié juridiquement le contrat.

[103]    Quatrièmement, la qualification juridique d’un contrat peut avoir un effet sur les tiers, comme la victime d’un acte délictuel commis par le fournisseur de services dans l’exécution du contrat ou, comme en l’espèce, Revenu Canada. Le fait de fonder la qualification juridique du contrat sur des considérations autres que les modalités de celui-ci, interprétées dans leur contexte, risque de compromettre ces intérêts et de porter atteinte à des programmes obligatoires établis par la loi visant à protéger certaines catégories de personnes, comme l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada.

[104]    Je m’inquiète également de l’effet que pourrait avoir sur les autres danseurs du RWB une conclusion sur le statut contractuel des danseurs en l’espèce. Si l’intention des danseurs doit jouer un rôle important dans la décision, le résultat pourrait-il être différent dans le cas d’un autre danseur du RWB qui nierait avoir eu l’intention de conclure un contrat d’entreprise? Il semble étrange que des contrats essentiellement identiques puissent être qualifiés différemment pour cette raison.

[105]    À mon avis, le seul rôle important que peut jouer l’intention déclarée des parties au sujet de la nature juridique de leur contrat est d’influencer le contexte interprétatif dans lequel la Cour examine le contrat en vue d’en élucider les ambiguïtés et d’en combler les lacunes.

 

[26]     City Water International Inc. Le jugement de la Cour canadienne de l’impôt portant que les travailleurs étaient des employés a été annulé par la Cour d’appel fédérale, qui a conclu que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[27]     Après avoir examiné les critères traditionnels énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, le juge Malone a conclu que les facteurs de la propriété des instruments de travail et du contrôle indiquaient que les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants, alors que la possibilité de profit et le degré de risque financier indiquaient qu’ils étaient des employés.

 

[28]     Étant donné que les facteurs examinés n’allaient pas clairement dans un sens ou dans l’autre, le juge Malone a dit ce qui suit aux paragraphes 27 à 31 :

 

[27]      Le bilan des facteurs analysés ci-dessus ne donne pas un résultat clair. Par conséquent, il est nécessaire d’établir la valeur qu’il faudrait accorder à l’intention de City Water et des travailleurs en entretien au moment de la conclusion du contrat.

[28]      S’il peut être établi que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, sont conformes à la relation juridique que les parties souhaitaient établir, alors il ne peut être fait abstraction de leur déclaration d’intention (voir l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CAF 87, au paragraphe 61). Royal Winnipeg n’était pas tranché quand le juge a rendu sa décision.

[29]      Royal Winnipeg reprend essentiellement les principes de droit énoncés par la Cour dans l’arrêt Wolf, précité au paragraphe 15. Dans cette affaire, la Cour devait trancher la question de savoir si M. Wolf était un employé ou un entrepreneur indépendant. Le juge Noël, qui était d’accord avec la juge Desjardins quant à la décision à rendre, mais qui avait procédé à une analyse différente, a affirmé aux paragraphes 122 à 124 :

 

[...] Mais, dans une issue serrée comme en l’espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l’intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.

 

[...] Mon évaluation de l’ensemble de la relation entre les parties ne n’amène pas à une conclusion claire et c’est pourquoi, selon moi, il faut examiner la façon dont les parties voyaient leur relation.

 

[...] Il s’ensuit que la manière dont les parties ont pu voir leur entente doit l’emporter à moins qu’elles ne se soient trompées sur la véritable nature de leur relation. À cet égard, la preuve, lorsqu’elle est évaluée à la lumière des critères juridiques pertinents, est pour le moins neutre. Comme les parties ont estimé qu’elles se trouvaient dans une relation d’entrepreneur indépendant et qu’elles ont agi d’une façon conforme à cette relation, je n’estime pas que la juge de la Cour de l’impôt avait le loisir de ne pas tenir compte de cette entente [...]

[30]      Donc, il ne convient d’accorder de la valeur à l’intention des parties que si le contrat reflète de façon satisfaisante la relation juridique qui les unit (voir Royal Winnipeg, au paragraphe 81). En l’espèce, il n’existe aucun accord écrit prétendant qualifier la relation juridique entre les travailleurs en entretien et City Water. Toutefois, les parties concevaient de la même façon la nature de leur relation. Selon la preuve, les deux parties croyaient que les travailleurs étaient autonomes et chacune a agi en conséquence.

 

[31]      Selon mon analyse, puisque les facteurs pertinents ne suggèrent pas de résultat clair, le juge aurait dû accorder plus d’importance à l’intention des parties en l’espèce. Le juge devait examiner les facteurs à la lumière de la preuve non contestée et se demander si, dans l’ensemble, les faits concordaient avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des personnes « travaillant à leur compte » (voir Sagaz, précité au paragraphe 3) ou s’ils concordaient plus avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des employés. En omettant de ce faire, il a commis une erreur manifeste et dominante sur une question mixte de droit et de fait. S’il avait procédé à cette analyse, à mon sens, il n’aurait eu d’autre choix que de conclure que City Water n’était pas l’employeur des travailleurs en entretien.

 

[29]     Cet arrêt modifie la position qui avait été prise dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet. Il s’agit essentiellement de la position énoncée par le juge Noël dans l’arrêt Wolf, à savoir que l’intention doit être utilisée pour faire pencher la balance uniquement si les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door ne vont pas d’une façon concluante dans un sens ou dans l’autre.

 

6.     Combined Insurance Company of America c. Canada, 2007 CAF 60. Encore une fois, la décision de la Cour canadienne de l’impôt portant que la représentante était une employée a été annulée, la Cour d’appel fédérale ayant conclu que cette personne était une entrepreneure indépendante. La relation était régie par le Code civil du Québec. Dans l’affaire Combined Insurance, le contrat conclu entre la représentante et la compagnie d’assurances prévoyait expressément que la représentante était une entrepreneure indépendante.

 

[30]     Le juge Nadon, au nom de la cour, a dit ce qui suit en examinant la jurisprudence :

[34]  En terminant ce survol de la jurisprudence pertinente, je m’en remets aux propos que tenait le juge Létourneau dans Le Livreur Plus Inc. c. Canada, précité. Après avoir déterminé que la question sur laquelle devait se prononcer la Cour était toujours celle de la détermination de la véritable nature de la relation entre les parties, le juge Létourneau se prononçait au paragraphe 18 de ses motifs relativement à la pertinence des critères de Wiebe Door, précité :

 

[18]  Dans ce contexte, les éléments du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 D.T.C. 5025, à savoir le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de pertes et enfin l’intégration, ne sont que des points de repère : Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, paragraphe 3. En présence d’un véritable contrat, il s’agit de déterminer si, entre les parties, existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ou s’il n’y a pas, plutôt, un degré d’autonomie révélateur d’un contrat d’entreprise : ibidem

[Le souligné est le mien]

 

[35]  De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.      Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précité, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

2.      Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[...]

 

[...] En outre, il est indéniable que le juge n’a nullement considéré les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door, précité, qui à tout le moins sont des points de repère utiles servant à déterminer si le contrat en est un de travail ou d’entreprise, comme le disait le juge Létourneau dans Le Livreur Plus, précité.

 

[31]     Dans l’arrêt Combined Insurance, les facteurs du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door ont été relégués au rang des « points de repère utiles » qui, néanmoins, aidaient à déterminer la nature réelle du contrat.

 

[32]     André Gagnon c. M.R.N., 2007 CAF 33, [2007] A.C.F. no 156 (QL). Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale n’a pas annulé la décision de la Cour canadienne de l’impôt. Elle a de fait confirmé la décision selon laquelle les installateurs de cloisons sèches étaient des employés. Au paragraphe 5 des motifs de jugement, le juge Létourneau a dit ce qui suit :

 

[5]        Les contrats entre l’appelant et les travailleurs ont été conclus oralement. À l’audience, aucune preuve n’a été présentée quant aux intentions de l’appelant et des travailleurs en ce qui concerne leur relation d’affaires. Toutefois, les quatre facteurs analysés par le juge sont pertinents et utiles lorsqu’il s’agit de déterminer quelles étaient les intentions des parties aux contrats et la nature juridique de leur relation.

 

Je déduis que la Cour d’appel fédérale dit que l’analyse consiste principalement à déterminer l’intention des parties et que, si l’intention n’est pas expressément déclarée, il faut utiliser les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door comme outils en vue de déterminer quelle est cette intention.

 

[33]     J’aimerais faire quelques observations au sujet du facteur « intention ». Premièrement, la Cour suprême du Canada n’a pas exprimé d’avis au sujet du rôle de l’intention. Dans l’arrêt Sagaz, il n’est pas fait mention de l’intention en tant que facteur. Deuxièmement, si l’intention des parties est un facteur, cette intention doit être partagée par les deux parties. S’il n’y a pas rencontre de volontés et si les parties ne sont pas d’accord, l’intention ne peut pas être un facteur. Troisièmement, si l’intention est un facteur permettant de décider si quelqu’un est un employé ou s’il est plutôt un entrepreneur indépendant, ce doit nécessairement être un facteur dans tous les cas où la question est pertinente. La Cour met habituellement l’accent sur la question plutôt stricte de savoir si une personne exerce un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension ou, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, si une personne est un employé aux fins de la déduction de certains types de dépenses ou quant à la façon d’établir son impôt. D’autre part, l’arrêt Sagaz portait sur la responsabilité du fait d’autrui. Si le critère est le même, l’intention subjective des parties contractantes quant à la nature de leur relation pourrait bien influer sur les droits de tiers, soit une préoccupation exprimée par le juge Evans dans les motifs qu’il a rendus en dissidence dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet.

 

[34]     Où cette série d’arrêts nous mène‑t‑elle? Il est possible de tirer quelques conclusions générales :

 

a)        Le critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, tel qu’il a été confirmé dans l’arrêt Sagaz, est un facteur important dans tous les cas, y compris ceux qui viennent du Québec;

 

b)       La Cour d’appel fédérale a relégué le critère à quatre volets énoncé dans l’arrêt Wiebe Door au rang des « points de repère utiles », « pertinents et utiles lorsqu’il s’agit de déterminer quelles étaient les intentions des parties ». Cela est vrai tant au Québec que dans les provinces de common law;

 

c)        L’intégration en tant que critère n’entre plus en ligne de compte à toutes fins utiles. Les juges qui essaient de l’appliquer le font à leurs risques et périls;

 

d)       L’intention est un critère qui ne peut être ignoré, mais son poids n’est pas encore déterminé. Le poids à lui accorder varie d’un cas à l’autre : il peut être prédominant ou il peut être un critère de démarcation. La Cour suprême du Canada n’a pas tenu compte de ce critère. Si elle en tient compte, le jugement rendu en dissidence par le juge Evans dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet devra être pris en considération;

 

e)        Les juges de première instance qui omettent de tenir compte de l’intention risquent fort de voir leurs jugements annulés par la Cour d’appel fédérale. (Cependant, voir l’affaire Gagnon, dans laquelle l’intention n’a pas été prise en considération en première instance mais que la Cour d’appel fédérale a établie en se reportant aux critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, que le juge de première instance avait appliqués. Comparer avec Royal Winnipeg Ballet, City Water et Wolf.)

 

[35]     J’examinerai maintenant la question du statut des gens qui avaient été embauchés pour s’occuper du nettoyage des conduits. Même si je suis tenté d’employer la méthode préconisée par sir Wilfred Greene, je tâcherai d’appliquer du mieux que je le peux les principes à déduire des arrêts de la Cour d’appel fédérale.

 

[36]     J’ai examiné la présente espèce en me fondant sur quatre hypothèses possibles. Ces hypothèses mènent toutes à la même conclusion :

 

a)        L’intention est déterminante (Royal Winnipeg Ballet);

 

b)       Il suffit de se fonder sur l’arrêt Wiebe Door, et l’intention n’a pas à entrer en ligne de compte. (Sagaz, Wiebe Door et Precision Gutters);

 

c)        Le critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door ne pointe pas d’une façon concluante dans une direction, de sorte que l’intention est un critère de démarcation (Wolf et City Water);

 

d)       Il faut se fonder sur le bon sens, sur son instinct et sur ce que penserait la personne ordinaire.

 

[37]     Si la loi ne me permet pas de tenir compte d’autre chose que du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, considéré isolément, je dois dire qu’en l’espèce, tout indique une relation d’entrepreneur indépendant plutôt que d’employé. Aucune supervision ni aucun contrôle n’étaient exercés. On choisissait les travailleurs et on leur demandait de se rendre à un endroit particulier. S’il fallait reprendre le travail, les travailleurs devaient le faire à leurs frais. Il y avait pour les travailleurs des possibilités de profit et des risques de perte. Les travailleurs touchaient un pourcentage du montant versé à Dun‑Rite. Si le client ne payait pas Dun‑Rite, les travailleurs n’étaient pas payés non plus. Si Dun‑Rite réussissait à obtenir un grand nombre de commandes, les chances d’augmenter leur revenu étaient d’autant plus grandes pour les travailleurs. Si Dun‑Rite décidait de ne pas embaucher un travailleur, celui‑ci n’était tout simplement pas embauché. Le travailleur qui s’acquittait bien de sa tâche avait d’autant plus de chances d’être embauché pour un autre travail. Le facteur de la propriété des instruments de travail ne va ni dans un sens ni dans l’autre. Les appelants fournissaient l’équipement de nettoyage et la fourgonnette, et les travailleurs fournissaient les petits outils.

 

[38]     Si l’intention est déterminante, les travailleurs étaient sans aucun doute des entrepreneurs indépendants (Royal Winnipeg Ballet). Les appelants et les travailleurs qui ont été cités comme témoins se considéraient tous comme des entrepreneurs indépendants. C’est ce qui ressort des témoignages qu’ils ont présentés oralement ainsi que du fait qu’aucun avantage social, aucune paie de vacances et aucune sécurité d’emploi n’étaient assurés. Les travailleurs devaient attendre que les appelants ou Monty Hagan communique avec eux. Ils pouvaient accepter ou refuser le travail, et ils pouvaient accepter d’autres travaux. Il n’existait aucune garantie que Dun‑Rite les embauche et il n’existait aucune garantie qu’ils seraient embauchés de nouveau une fois terminé le travail pour lequel ils avaient été embauchés. Cela étant, les considérations que le juge Décary a énoncées dans l’arrêt Wolf s’appliquent.

 

[39]     Si nous considérons l’intention comme étant simplement un critère de démarcation (comme l’a dit le juge Noël dans les motifs qu’il a rendus dans l’affaire Wolf ainsi que le juge Malone dans l’arrêt City Water), le résultat serait identique même si les critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door n’allaient pas clairement dans un sens ou dans l’autre. La loi m’oblige à tenir compte du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, mais elle ne m’empêche pas de procéder à un examen plus approfondi afin de déterminer quelle était la relation réelle entre les parties. Si le critère  énoncé dans l’arrêt Wiebe Door ne donnait pas de résultat concluant, l’examen de l’intention des parties ferait clairement pencher la balance du côté de la relation d’entrepreneur indépendant.

 

[40]     Si je devais me fonder uniquement sur mon instinct et sur le bons sens, je dirais qu’indépendamment du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door, indépendamment de l’intention, les travailleurs à qui on fait appel pour nettoyer les conduits de quelques maisons, qui touchent une partie du montant demandé et qui poursuivent ensuite leur chemin sont loin de pouvoir être considérés comme des employés.

 

[41]     Par conséquent, malgré l’argumentation fort habile, exhaustive et équitable de Me Sittler, les appels sont accueillis; les évaluations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour réexamen et réévaluation selon les présents motifs, et les décisions sont modifiées conformément à ces motifs.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2007.

 

 

 

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef D.G.H. Bowman

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


APPENDICE A

 

Jurisprudence de la Cour d’appel fédérale postérieure à l’arrêt Wolf portant sur la distinction entre un employé et un entrepreneur indépendant

(étant donné que le même critère s’applique à tous les cas, les arrêts mentionnés ci‑dessous ne portent pas uniquement sur l’A‑E et sur le RPC)

 

Arrêt

Renvoi

CCI

CAF

Juge

Prov.

Remarques

Delaware Nation c. Logan

Gagnon c. Canada

Combined Insurance Co. of America c. Canada

City Water International c. Canada

3234339 Canada Inc. (s/n Credico Marketing Inc.) c. Canada

Royal Winnipeg Ballet c. Canada

Desbiens c. Canada

90416868 Québec Inc. c. Canada

Dynamic Industries Ltd. c. Canada

Carabas c. Canada

Marathon Electric Ltd. c. Canada

Ambulance St-Jean c. Canada

Dewdney Transport Group Ltd. c. Canada

Tremblay c. Canada

Livreur Plus Inc. c. Canada

Productions Petit Bonhomme Inc. c. Canada

D&J Driveway inc. c. Canada

Lazowski c. Canada

BCH Inc. c. Canada

Smith (s/n Rainbow Tarping & General Contracting) c. Canada

Dynamex Canada Inc. c. Mamona

Shaw Communications Inc. c. Canada

Poulin c. Canada

Lagacé c. Canada

Comeau’s Sea Foods c. Canada

Nametco Holdings Ltd. c. Canada

Jaillet c. Canada

Yellow Cab Co. c. Canada

Meredith c. Canada

Acier Inoxydable Falard Inc. c. Canada

Precision Gutters Ltd. c. Canada

Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. c. Canada

Mastech Quantum Inc. c. Canada

Kreutz (s/n Keepsafe Systems) c. Canada

Wolf c. Canada

 

[2007] A.C.F. no 604

[2007] A.C.F. no 156

[2007] A.C.F. no 124

[2006] A.C.F. no 1653

[2006] A.C.F. no 1406

 

[2006] A.C.F. no 339

[2005] A.C.F. no 2103

[2005] A.C.F. no 1720

[2005] A.C.F. no 997

[2005] A.C.F. no 80

[2004] A.C.F. no 1791

[2004] A.C.F. no 1650

[2004] A.C.F. no 827

[2004] A.C.F. no 802

[2004] A.C.F. no 267

[2004] A.C.F. no 238

[2003] A.C.F. no 1784

[2003] A.C.F. no 1757

[2003] A.C.F. no 1421

[2003] A.C.F. no 981

 

[2003] A.C.F. no 907

[2003] A.C.F. no 541

[2003] A.C.F. no 141

[2003] A.C.F. no 119

[2002] A.C.F. no 1808

[2002] A.C.F. no 1680

[2002] A.C.F. no 1454

[2002] A.C.F. no 1062

[2002] A.C.F. no 1007

[2002] A.C.F. no 794

[2002] A.C.F. no 771

[2002] A.C.F. no 572

 

[2002] A.C.F. no 552

[2002] A.C.F. no 351

[2002] A.C.F. no 375

 

E. (C.C.T.)

E.

E.

E.

E.

 

E.

E.I.

E.

E.

E.

E.

E.

E.

E.

E.

E.I.

E.

E.I.

E.

E.

 

E. (C.C.T.)

E.

E.

E.I.

E.I.

E.

E.I.

E.

E.I.

E.I.

E.

E.I.

 

E.I.

E.

E.

rejeté

rejeté

accueilli

accueilli

rejeté

 

accueilli

rejeté

rejeté

accueilli

accueilli

rejeté

accueilli

rejeté

accueilli

accueilli

rejeté

accueilli

rejeté

rejeté

rejeté

 

rejeté

rejeté

accueilli

accueilli

rejeté

rejeté

rejeté

accueilli

accueilli

accueilli

accueilli

accueilli

 

accueilli

rejeté

accueilli

Sexton

Létourneau

Nadon

Malone

Létourneau

 

Sharlow

Létourneau

Décary

Sharlow

Rothstein

Evans

Létourneau

Linden

Létourneau

Létourneau

Décary

Létourneau

Malone

Evans

Sexton

 

Sharlow

Rothstein

Létourneau

Desjardins

Sexton

Strayer

Létourneau

Sexton

Malone

Létourneau

Sexton

Noël

 

Richard J.C.

Strayer

Desjardins

ON

ON
QC

ON

QC

 

ON

QC

QC

CB

ON

CB

ON

CB

QC

QC

QC

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MB

ON

ON

 

MB

AB

QC

QC

NS

CB

NB

CB

AB

QC

CB

QC

 

ON

CB

QC

aucune erreur susceptible de révision

aucune preuve concernant l’intention des travailleurs

intention à la lumière de Wiebe – nature du contrat

intention en tant que critère de démarcation

intentions des travailleurs non connues – crédibilité et poids

 

plus de poids accordé aux intentions – contrôle

intentions des parties supplantées par d’autres facteurs

résultat correct même si le critère du droit civil n’a pas été utilisé

affaire de prestation de serv. pers. – Wiebe Door, non pas l’intention

nouvelle décision – preuve manquante

aucune erreur susceptible de révision

plus de poids accordé aux intentions des parties

aucune erreur susceptible de révision

Bulletin de Revenu Canada – intentions des parties

résumé des règles de droit aux paragraphes 16 à 19

aucune erreur susceptible de révision

désaccord concernant la subordination – aucune question d’intention

aucune erreur susceptible de révision

aucune erreur susceptible de révision

aucune erreur susceptible de révision

 

aucune intention – désaccord entre les parties contractantes

aucune erreur susceptible de révision

besoin d’accorder plus de poids aux intentions des parties

facteurs de l’arrêt Wiebe Door, non pas l’intention

aucune erreur susceptible de révision

l’employeur n’avait pas signé le supposé contrat de travail

aucune erreur susceptible de révision

exception fondée sur l’al. 6e) de la L.A.-E. – avec dissidence

il est erroné de soulever le voile de la personnalité juridique – relation juridique véritable

la société était une entité juridique distincte

l’intention n’était pas un facteur dans ce cas-là

la société (entité juridique distincte) aurait pu exercer un contrôle sur les travailleurs

 

le contrat avait été conclu avec une filiale et non avec la société mère

le contrat verbal selon lequel il s’agissait d’un E.I. a été supplanté

intention : critère de démarcation ou essence de la relation contractuelle

 

E. = employé

E.I. = entrepreneur indépendant

(C.C.T.) = décision d’un arbitre en vertu du Code canadien du travail


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI547

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-1455(EI), 2006-3144(EI),

                                                          2006-1456(CPP) et 2006-3143(CPP)

 

INTITULÉ :                                       Dean Lang et Sharon Lang

                                                          c.

                                                          Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Prince Albert (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge en chef D.G.H. Bowman

 

DATE DU JUGEMENT ET               

DES MOTIFS DE JUGEMENT :        Le 14 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me James H.W. Sanderson, c.r.

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                             Me James H.W. Sanderson, c.r.

 

                   Cabinet :                         Sanderson, Balicki, Popescul

                                                          110, 11e rue Est

                                                          Prince Albert (Saskatchewan)  S6V 1A1

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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