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Référence : 2009 CCI 135  

Date : 20090304

Dossier : 2003-2892(IT)G     

ENTRE :

 

SUCCESSION DE MARJORIE ZELLER, AGISSANT

 PAR SES FIDUCIAIRES DOUGLAS ZELLER ET LEON PAROIAN

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS CONCERNANT LES CONCLUSIONS SUR LES DÉPENS

 

La juge Campbell

 

[1]     Dans les motifs du jugement rendus dans la présente affaire, j’ai indiqué que je remettais à plus tard la question des dépens, suite à la demande formulée par les deux avocats. Les parties n’étant pas parvenues à s’entendre sur la question dans le délai alloué, elles ont présenté des conclusions écrites qui exposent leur position respective.

 

[2]     L’appel lui-même avait trait à la détermination de la juste valeur marchande (« JVM ») des actions de 701221 Ontario Limited (« 701221 »). Le 20 octobre 1998, Marjorie Zeller, l’unique actionnaire de 701221, est décédée. En produisant la déclaration de revenus définitive, les fiduciaires de la succession ont déclaré que la JVM était de 958 548 $, conformément aux dispositions en matière de disposition réputée que renferme le paragraphe 70(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a procédé à une nouvelle cotisation et a majoré la JVM de 701221 à 5 524 548 $ en se fondant sur le rapport d’un expert (le « rapport Albert »). L’appelante a retenu les services du cabinet Wise, Blackman pour procéder à une évaluation et ce cabinet a établi que la valeur des actions était de 2 200 000 $ (le « rapport Wise »). Le ministre a alors retenu les services d’un autre expert pour produire un second rapport, dans lequel la valeur de 6 380 000 $ a été attribuée aux actions le 20 octobre 1998 (le « rapport Dunham »). La valeur que j’ai attribuée en fin de compte à ces actions est de 3 394 345 $.

 

[3]     L’appelante a soumis quatre options, lesquelles sont énumérés ci-dessous par ordre de préférence :

 

[traduction]

 

Option 1 : une somme globale de 413 556, 01 $ (ainsi que l’envisage le paragraphe 147(4) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

 

Cette somme se compose de ce qui suit :

 

a)     une indemnisation substantielle pour les services de Bruck Easton, d’un montant de 233 934 $ [des honoraires de 219 800 $ (à 400 $ l’heure) + un montant de TPS de 14 134 $];

 

b)    une indemnisation substantielle pour les débours de l’avocat de l’appelante et les coûts du rapport Wise payés par l’appelante, d’un montant global de 179 622, 01 $, réparti comme suit :

 

·   une indemnisation substantielle pour les coûts du rapport Wise, les témoins experts appelés à témoigner pour le compte de l’appelante. Ces coûts comprennent à la fois la préparation du rapport Wise et la préparation et la présence à l’instruction de MM. Wise et Dorweiler, soit 157 943, 05 $;

 

·   une compensation pour les autres débours engagés par l’avocat de l’appelante, soit 13 125, 25 $;

 

·   une compensation pour la TPS payée par l’appelante en rapport avec les factures de Wise, Blackman et d’autres débours taxables que l’avocat a payés pour l’appelante, soit 8 553, 71 $.

 

Option 2 : une somme globale de 226 189, 51 $ (ainsi qu’il est envisagé au paragraphe 147(4) des Règles).

 

Cette somme se compose de ce qui suit :

 

·        une indemnité à l’appelante pour les services d’avocat fournis, sur la base d’une estimation des dépens entre parties qui seraient taxables par l’appelante, ainsi qu’il est prévu au tarif B des Règles, soit 46 567, 50 $ (44 350 $ plus 2 217, 50 $ de TPS);

 

·        une compensation pour les débours engagés par l’avocat de l’appelante et les coûts du rapport Wise payés par l’appelante, soit un montant global de 179 622, 01 $ (pour plus de détails sur ce montant, voir l’option 1b)).

 

Option 3 : que la présente Cour donne des directives à l’officier taxateur en vue d’accorder les dépens à l’appelante comme suit : (ainsi que l’envisage le paragraphe 147(6) des Règles).

 

·        Taxés sur une base procureur-client (plus la TPS) à l’égard des honoraires de l’avocat de l’appelante;

 

·        les dépens comprendront le remboursement de tous les débours de l’appelante et les coûts du rapport Wise payés par l’appelante, soit un montant global de 179 622, 01 $ (pour plus de détails sur ce montant, voir l’option 1b)).

 

Option 4 : que la présente Cour donne des directives à l’officier taxateur en vue d’accorder les dépens à l’appelante comme suit : (ainsi que l’envisage le paragraphe 147(6) des Règles).

 

·        Taxés entre parties (plus la TPS) à l’égard des honoraires de l’avocat de l’appelante;

 

·        les dépens comprendront le remboursement de tous les débours de l’appelante ainsi que les coûts du rapport Wise payés par l’appelante, soit un montant global de 179 622, 01 $ (pour plus de détails sur ce montant, voir l’option 1b)).

 

[4]     L’intimée est d’avis que chaque partie devrait payer les dépens qui lui sont propres. Elle soutient que les deux parties ont fait des offres de règlement, mais que les deux dernières de l’intimée, soit 3 500 000 $, étaient plus raisonnables par rapport à l’issue éventuelle de l’audition de l’affaire, où il a été conclu que les actions valaient 3 394 345 $.

 

[5]     Les dispositions suivantes de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt s’appliquent aux dépens :

 

18.26 (1) La Cour peut, sous réserve de ses règles, ordonner le paiement des frais et dépens. Elle peut notamment en allouer à l’appelant si le jugement réduit de plus de la moitié le total de tous les montants en cause ou des intérêts en cause, ou augmente de plus de la moitié le montant de la perte en cause.

 

18.26 (2) Pour en venir à sa décision d’allouer ou non les frais et dépens, la Cour peut prendre en compte les offres écrites de règlement faites après le dépôt de l’avis d’appel.

 

[6]     L’article 147 des Règles accorde à la Cour une très grande latitude pour ce qui est d’accorder les frais et dépens :

 

147. (1) La Cour peut fixer les frais et dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les supporter.

 

(2) Des dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

 

(3) En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir          compte :

 

a) du résultat de l’instance;

 

b) des sommes en cause;

 

c) de l’importance des questions en litige;

 

d) de toute offre de règlement présentée par écrit;

 

e) de la charge de travail;

 

f) de la complexité des questions en litige;

 

g) de la conduite d’une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de        l’instance;

 

h) de la dénégation d’un fait par une partie ou de sa négligence ou de son refus de l’admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis;

 

i) de la question de savoir si une étape de l’instance,

 

                    (i) était inappropriée, vexatoire ou inutile,

                    (ii) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection;

j) de toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens.

 

(4) La Cour peut fixer la totalité ou partie des dépens en tenant compte ou non du         tarif B de l’annexe II et peut adjuger une somme globale au lieu ou en sus des      dépens taxés.

       
(5) Nonobstant toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut, à sa   discrétion :

 

a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question ou d’une partie       de l’instance particulière;

 

b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés jusqu’à et y compris une      certaine étape de l’instance;

 

c) adjuger la totalité ou partie des dépens sur une base procureur-client.

 

(6) La Cour peut, dans toute instance, donner des directives à l’officier taxateur,            notamment en vue :

 

a) d’accorder des sommes supplémentaires à celles prévues pour les postes mentionnés au tarif B de l’annexe II;

 

b) de tenir compte des services rendus ou des débours effectués qui ne sont pas inclus dans le tarif B de l’annexe II;

 

c) de permettre à l’officier taxateur de prendre en considération, pour la taxation des dépens, des facteurs autres que ceux précisés à l’article 154.

 

[7]     Plusieurs points pertinents ressortent de la jurisprudence. Dans la décision Merchant v. Canada, [1998] 3 C.T.C. 2505, au paragraphe 58, le juge Bowman (plus tard juge en chef) a déclaré ceci :

 

[…] En général, le plaideur qui l’emporte a droit aux frais et dépens entre parties. Lorsque le succès est partagé, il arrive souvent qu’aucune ordonnance ne soit rendue à l’égard des frais et dépens. […] Pour adjuger les frais sur la base procureur-client contre un plaideur qui remporte un certain succès comme c’était ici le cas pour MMerchant, il faut que la conduite soit fort répréhensible. Comme l’a dit le juge McLachlin dans l’arrêt Young, ci-dessus, à la page 134, il doit y avoir eu « conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d’une des parties ».

 

[8]     Les dépens entre parties qui sont fondés sur le barème du tarif visent à accorder à la partie à laquelle ils sont adjugés une indemnisation partielle des frais qu’elle doit payer à son propre procureur ((Mark Orkin, The Law of Costs, 2e éd., vol. 1 (Aurora : Canada Law Book, 2008), à 1-9). Cependant, récemment, ces dépens ont été utilisés pour plus qu’une indemnisation.

 

[traduction]

 

Habituellement, dans notre système de « perdant payeur », une adjudication de dépens avait pour but d’indemniser partiellement ou dans quelques circonstances restreintes entièrement, la partie ayant eu gain de cause des frais juridiques que celle-ci avait engagés. Mais les dépens en sont venus récemment à être reconnus comme un outil important entre les mains du tribunal pour influencer la façon dont les parties se comportent et éviter que l’on abuse de la procédure du tribunal. Plus précisément, les trois autres objectifs reconnus d’une adjudication de dépens sont les suivants : encourager à régler l’affaire, éviter les actions et les défenses frivoles et s’abstenir de recourir à des mesures inutiles qui prolongent indûment le litige (Mark Orkin, The Law of Costs, 2e éd., vol. 1 (Aurora : Canada Law Book, 2008), à 2-1)).

 

[9]     En général, le degré d’indemnisation que représentent les indemnités partielles varie entre 50 % et 75 % des dépens d’indemnisation substantielle ou taxés sur la base procureur-client (Mark Orkin, The Law of Costs, 2e éd., vol. 1 (Aurora : Canada Law Book, 2008), à 2-3).

 

[10]    Ainsi qu’il est indiqué dans Merchant, déroger à la règle exige des circonstances inhabituelles. Pour qu’un plaideur qui a en totalité ou en partie gain de cause :

 

a)                soit privé des frais;

 

b)               soit tenu de payer les frais et dépens entre parties;

 

c)                soit tenu de verser des frais à l’autre partie sur la base procureur-client;

 

il faut que sa conduite soit dans une certaine mesure répréhensible ([1998] 3 C.T.C. 2505, au paragraphe 58).

 

[11]    Dans l’arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, à la page 134, la Cour suprême du Canada a établi le critère qui s’applique à l’adjudication des dépens sur la base procureur-client :

 

[…] les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que s’il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d’une des parties.

 

[12]    Je ne crois pas que dans les circonstances de l’espèce il convient d’accorder les dépens sur la base procureur-client. L’argument principal de l’appelante à propos de la demande des dépens procureur-client est axé sur les résultats de l’instance, les offres de règlement et l’idée générale que l’approche suivie par le ministre, y compris la « majoration » des évaluations, a créé plus de travail qu’il n’en aurait fallu normalement. Même si l’appelante a raison au sujet de l’emploi que fait le ministre de cette tactique, cela ne justifie pas que l’on recoure aux dépens procureur-client. Les évaluations sont, en général, des procédures difficiles à appliquer et, de par leur nature même, elles ne sont pas une science exacte. Comme je l’ai signalé dans mes motifs, au paragraphe 39, en citant les propos du juge en chef Bowman dans Western Securities Limited v. The Queen, 97 DTC 977, quand les services d’évaluateurs experts sont retenus par leurs clients respectifs, il peut y avoir une tendance à fixer la valeur la plus haute possible ou la valeur la plus basse possible, suivant les souhaits de la partie qui a retenu leurs services.

 

[13]    Aux paragraphes 46 et 48 de mes motifs, j’ai signalé que si M. Dunham, l’expert de l’intimée, s’était entretenu avec les dirigeants de la société, il se serait fait une meilleure idée de certaines questions, comme les prêts des actionnaires et les salaires, et qu’il aurait de ce fait intégré un autre ajustement dans son analyse pour refléter la réalité commerciale de la société. Il y a toutefois eu des facteurs appliqués par M. Dunham dont j’ai tenu compte dans mes motifs, y compris la prime afférente à la taille, la prime afférente à la taille de la société, les taux de croissance, les décotes appliquées pour participation minoritaire et pour absence de liquidité, ainsi que l’attribution d’une survaleur à la clause de non-concurrence. Au bout du compte, j’ai pris et appliqué les facteurs puisés dans chacun des rapports d’experts que j’ai considérés comme étant les plus appropriés et raisonnables dans les circonstances. Pour déterminer la JVM, j’ai retenu quatre critères d’évaluation critiques contenus dans le rapport Wise et un critère critique contenu dans le rapport Dunham, et j’ai fait un compromis entre les deux rapports pour ce qui est des trois autres critères critiques.

 

[14]    Comme je l’ai signalé dans mes motifs, le témoin expert de l’intimée aurait pu rencontrer l’appelante pour obtenir d’autres éclaircissements, mais les faits ne sont pas semblables à ceux dont il est question dans Hunter v. Canada, [2003] 1 C.T.C. 2652 où, en établissant la nouvelle cotisation à l’endroit des contribuables, le ministre n’avait pas examiné les livres des contribuables ni communiqué au préalable avec eux au sujet d’une nouvelle cotisation proposée. Il semble que les affaires dans lesquelles des dépens procureur-client ont été adjugés contiennent des faits nettement plus extrêmes que ceux dont il est question en l’espèce, où je ne considère pas que l’on pourrait qualifier de quelque façon la conduite de l’intimée de répréhensible, scandaleuse ou outrageante.

 

[15]    En l’espèce, des offres de règlement ont été faites des deux côtés. L’appelante en a fait trois :

 

·   Octobre 2005 – 1 580 000 $;

·   Février 2006 – 2 200 000 $;

·   Octobre 2006 – 2 200 000 $;

 

tandis que l’intimée en a fait quatre :

 

·  le 13 février 2006 – 4 600 000 $ et chaque partie supporte ses propres dépens;

·  le 2 août 2006 – 3 790 000 $ et chaque partie supporte ses propres dépens;

·  le 4 octobre 2006 – 3 500 000 $ et chaque partie supporte ses propres dépens;

·  le 31 octobre 2006 – 3 500 000 $ et chaque partie supporte ses propres dépens.

 

[16]    L’appelante soutient que les offres de l’intimée ont été faites bien après le début de l’instruction de l’affaire, environ huit ans après le décès de la contribuable, et après que l’appelante ait déjà engagé une bonne partie des dépenses liées au litige. Il est néanmoins important de souligner que les offres de 3 500 000 $ que le ministre a faites le 4 et le 31 octobre 2006 étaient nettement plus proches du résultat final de 3 394 342 $, comparativement à celle de 2 200 000 $ que l’appelante a faite. L’offre du ministre était donc très raisonnable dans les circonstances. Il y a eu aussi, censément, des discussions officieuses en octobre 2002, durant lesquelles des tentatives de règlement de l’affaire ont eu lieu. Indépendamment du fait que l’on puisse faire abstraction de ces tentatives parce qu’il n’y a eu aucune offre de règlement écrite et que M. Paroian est aujourd’hui décédé, il est juste de dire, compte tenu des offres originales de 4 600 000 $ que le ministre a faites avant le début de l’instruction, qu’elles n’excédaient que de 1 200 000 $ la valeur finale fixée par la Cour. La dernière offre de l’appelante, soit 2 200 000 $, était inférieure à la valeur finale que la Cour a déterminée, mais la différence – 1 200 000 $ était la même. Le fait que le ministre ait continué de faire des offres durant toute l’année 2006 montre qu’il a constamment essayé de régler l’affaire. Cela étaye donc la prétention selon laquelle le comportement de l’intimée n’a pas été répréhensible ou outrageant au point de justifier l’octroi de dépens procureur-client.

 

[17]    Une autre option suggérée par l’appelante est d’octroyer des sommes globales ou supérieures aux valeurs du tarif. Une somme globale peut être envisagée quand les dépens procureur-client ne sont pas justifiés mais que les valeurs du tarif ne seront pas suffisantes (paragraphe 147(4) des Règles). Dans la décision Hunter, le juge Bell a accordé une série unique de dépens, incluant les honoraires et les débours, ou la somme de 25 000 $, après que l’appelante eut demandé 22 000 $. Cependant, dans cette affaire, il a conclu que l’intimée avait eu un comportement quelque peu répréhensible.

 

[18]    Dans la décision Bruhm v. The Queen, 94 DTC 1400, le juge Sarchuk laisse entendre qu’il faut quelque chose de plus qu’une simple « indemnisation » pour que l’octroi d’une somme globale soit justifié. Aux pages 1404 et 1405 du recueil, le juge Sarchuk indique ceci :

 

[…] je n’accepte pas la thèse de l’appelant selon laquelle il y a lieu de tenir compte d’un « principe d’indemnisation » pour déterminer s’il y a lieu, en l’espèce, d’adjuger une somme globale, conformément au paragraphe 147(4) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt. J’avoue également avoir du mal à accepter son raisonnement selon lequel la disparité financière entre les parties en litige justifie un « rajustement des principes traditionnels » en ce qui a trait aux frais et dépens.

[…]

[…] J’ai examiné les facteurs énumérés dans cet article et j’ai conclu que l’adjudication d’une somme globale n’est pas justifiée. Je ne suis pas persuadé que la conduite de l’intimée a contribué à prolonger inutilement la durée de l’instance ni qu’elle a été, à une étape quelconque de l’instance, inappropriée, vexatoire ou inutile. De plus, l’appelant n’a pas présenté d’offre de règlement par écrit et MDoyle n’a pas amorcé d’échanges sérieux au sujet d’un règlement. Les dépens sont donc adjugés à l’appelant et devront être taxés conformément au tarif B de l’annexe II.

 

[19]    Dans Scavuzzo et al. v. The Queen, 2006 DTC 2311, le juge en chef Bowman n’a pas accordé de dépens procureur-client à l’encontre du ministre, mais plutôt des dépens excédant les montants entre parties prévus dans le tarif. En fixant les dépens à 275 000 $, en guise de remboursement partiel des dépenses, le juge a tenu compte de l’existence de facteurs tels que les suivants : le refus du ministre de donner effet à la démission d’un des contribuables à titre d’administrateur; l’obtention d’une ordonnance de recouvrement de protection qui était arbitraire et abusive; de fausses hypothèses plaidées par le ministre; le rejet de l’offre de règlement de la contribuable et la proposition d’une contre-offre lacunaire; le montant excédait la somme de deux millions de dollars; enfin, la complexité de l’affaire.

 

[20]    Examinons maintenant les facteurs énumérés au paragraphe 147(3) des Règles.

 

a)     Le résultat de l’instance 

 

         Ma décision selon laquelle la JVM des actions s’élevait à 3 394 342 $ était certainement plus favorable à l’appelante. Dans son rapport, l’expert de l’intimée avait évalué les actions à 6 380 000 $, soit près du double de mon chiffre final. Dans le rapport d’expert de l’appelante, les actions étaient évaluées à 2 200 000 $, soit près de 1 200 000 $ de moins que mon calcul final.

 

b)     Les sommes en cause 

 

         Il est incontesté que les sommes sont considérables. La JVM étant de 3 394 342 $, l’appelante soutient que le montant d’impôt qui se rapporte à la disposition réputée de ces actions est d’environ 1 200 000 $.

 

c)      L’importance des questions en litige 

 

         Du point de vue de l’appelante, la JVM des actions constituait une part importante de la succession.

 

d)     Toute offre de règlement présentée par écrit 

 

         Les offres de règlement de chacune des parties sont analysées aux paragraphes [14] et [15] des présentes. Les deux parties ont fait des tentatives de règlement, mais l’offre de l’intimée n’était pas déraisonnable compte tenu de l’issue éventuelle. Cependant, cette offre, même sans être déraisonnable, était quand même supérieure à mon calcul et, surtout, elle a été faite bien après le début de l’audition de l’appel, à un moment où une bonne part des dépenses liées au litige avait déjà été engagées.

 

e)      La complexité des questions en litige

 

f)      La charge de travail 

 

         Comme les parties ne parvenaient pas à arriver à un règlement, chacune a eu recours aux services d’experts. Le rapport Wise comprenait près de 80 pages de faits, d’analyses d’évaluation et de calculs, tandis que le rapport Dunham en contenait plus de 40. L’audition de l’appel a duré 15 jours et compris quatre séances différentes de la Cour sur une période de plus d’un an et demi. Mes motifs de jugement comptaient plus de 30 pages et comportaient des calculs longs et détaillés.

 

g)      La conduite d’une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l’instance 

 

         Comme je l’ai indiqué dans mes motifs, l’intimée aurait dû parler directement avec la direction afin de se faire une meilleure idée de certains des éléments dont elle a fini par tenir compte dans ses calculs. On pourrait donc faire valoir que si l’expert de l’intimée l’avait fait, les négociations de règlement auraient peut-être été plus fructueuses.

 

h)      La dénégation d’un fait par une partie ou sa négligence ou son refus     de l’admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis 

 

         Sans objet.

 

i)       La question de savoir si une étape de l’instance

         (i)      était inappropriée, vexatoire ou inutile

         (ii)      a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop                       de circonspection 

 

         En ce qui concerne le point (i), on pourrait faire valoir que si l’intimée avait parlé de certaines des questions avec l’appelante, on les aurait peut‑être mieux saisies et elles auraient ainsi été prises en compte dans une évaluation. Cela aurait pu faciliter les discussions de règlement. Si cela avait été le cas, certaines questions analysées lors de l’audition auraient donc peut-être été inutiles.

 

j)       Toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens 

 

         Sans objet.

 

[21]    À la suite d’un examen de ces facteurs, et aussi de ma conclusion selon laquelle les dépens procureur-client ne sont pas justifiés, je crois qu’il est raisonnable dans les circonstances d’accorder à l’appelante une somme globale de 226 189, 51 $, à titre de dépens, conformément au paragraphe 147(4) des Règles, et conformément aussi à l’option 2 proposée par l’appelante et résumée au  paragraphe [3] des présentes.

 

[22]    Plusieurs jours après le début de l’audition, j’ai appris qu’il n’y avait pas eu de conférence préparatoire. Ce fait est regrettable car je crois que cela aurait contribué dans une large mesure à régler l’appel et amoindri ainsi les dépens. J’espère qu’à l’avenir les avocats recourront à cette option dans des appels semblables.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2009

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’avril 2009

Hélène Tremblay, traductrice


 

RÉFÉRENCE :

2009 CCI 135

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2003-2892(IT)G

 

INTITULÉ :

Succession de Marjorie Zeller agissant pas ses fiduciaires Douglas Zeller et Leon Paroian et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

 

DATES D’AUDIENCE :

27 et 28 février, 1er et 2 mars 2006, 23, 24, 25, 26 et 27 octobre 2006, 26, 27, 28 et 29 mars 2007, et 17 et 18 juillet 2007

 

MOTIFS CONCERNANT LES CONCLUSIONS SUR LES DÉPENS :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

DATE DES MOTIFS CONCERNANT LES CONCLUSIONS SUR LES DÉPENS :

Le 30 juillet 2008

 

 

Le 4 mars 2009

 

COMPARUTIONS :

 

 

Avocat de l’appelante :

Me Gerald E. Skillings

 

Avocat de l’intimée :

Me Michael Ezri

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

 

Nom :

Me Gerald E. Skillings

 

Cabinet :

Ducharme Fox LLP

Windsor (Ontario)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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