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Dossier : 2007-1971(IT)G

 

ENTRE :

BLACKBURN RADIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu les 9 et 10 février 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Daniel Sandler

Avocat de l'intimée :

Me André LeBlanc

________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L'appel de la nouvelle cotisation datée du 13 avril 2004, relativement à l'année d'imposition 1999 de l'appelante, est accueilli et la nouvelle cotisation est annulée au motif que les circonstances de l'appel ne permettaient pas au ministre du Revenu national de procéder à une nouvelle cotisation après la période normale.

 

          Le présent jugement remplace le jugement daté du 27 février 2009.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mars 2009.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 155

Date : 20090317

Dossier : 2007-1971(IT)G

 

ENTRE :

BLACKBURN RADIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge V. A. Miller

 

[1]              Les questions en litige dans le présent appel sont de savoir a) si la nouvelle cotisation datée du 13 avril 2004 était prescrite et, dans la négative, b) si l'appelante a le droit de déduire de son revenu, pour l'année d'imposition ayant pris fin le 31 août 1999, une prime de 7 621 517 $ que Blackburn Group Incorporated (« BGI »), une société remplacée par l'appelante, a payée à l'un de ses employés.

 

[2]              En établissant la nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a inclus par erreur la somme de 7 681 517 $ dans le revenu de l'appelante.

 

[3]              The Blackburn Group Inc. (« TBGI ») et la société qui l'a remplacée, BGI, étaient situées à London (Ontario) et exerçaient leurs activités à titre de sociétés de gestion de placements et de capital‑investissement. TBGI et BGI sont appelées ci‑après l'« appelante ». Cette dernière est une société privée sous contrôle canadien.

 

Le groupe de sociétés

 

[4]              Entre 1993 et 1999, l'appelante possédait la totalité ou une majorité des actions de diverses sociétés d'exploitation actives dans deux secteurs d'activités : les médias et les services d'information. L'appelante tirait ses revenus d'honoraires de gestion, de dividendes et de gains découlant de la vente de ses placements.

 

[5]              L'appelante était une entreprise familiale, mais son conseil d'administration (le « conseil ») était formé de personnes étrangères à la famille, dont les antécédents et les compétences étaient diversifiés. Monsieur Bruce Pearson, consultant en gestion, a témoigné avoir été membre du conseil de 1982 à 2007. Il a occupé divers postes au sein de l'appelante et, en 1992, il est devenu président du conseil d'administration et directeur général de la société. Il a décrit les compétences des membres du conseil et le fonctionnement de ce dernier. Le conseil, a‑t‑il dit, était très actif dans toutes les activités de l'appelante. Il exerçait un contrôle sur tous les fonds. Il tenait des réunions trimestrielles et prenait toutes les décisions concernant les activités de l'appelante, y compris les placements qu'il convenait de poursuivre, leur gestion stratégique, leur budget et leur vente.

 

[6]              Le présent appel a trait aux sociétés qui étaient engagées dans les services d'information, et, en particulier, aux sociétés dénommées Blackburn Marketing Services (US) Inc. et Carfax. Voici maintenant une description des faits qui ont donné lieu à la relation entre ces sociétés.

 

[7]              Avant le mois d'août 1993, l'appelante détenait 100 % des actions de deux sociétés américaines, Urban Decision Systems (« UDS ») et Blackburn Marketing Services (U.S.) Inc., faisant affaire sous la raison sociale National Research Bureau (« NRB »). NRB possédait environ 85 % de Carfax, et VRH Inc. (« VRH ») était une filiale américaine, détenue en propriété exclusive, de Carfax. Le 31 août 1993, l'appelante a constitué en société Blackburn Marketing Services Holdings Inc. (« BMSI Holdings »), une société américaine. Le même jour, elle a transféré les actions de UDS et de NRB qu'elle détenait à BMSI Holdings en échange d'actions de BMSI Holdings. Un schéma illustrant cette relation est joint aux présents motifs en tant qu'annexe « A ».

 

[8]              Bruce Pearson a déclaré que les actions ont été placées dans BMSI Holdings de façon à créer un groupe consolidé, pour les besoins de l'impôt sur le revenu des sociétés des États‑Unis. Il a témoigné que certaines des sociétés américaines fonctionnaient à profit, mais que Carfax fonctionnait à perte. Une fois que les actions ont été placées dans BMSI Holdings, il ne fallait produire qu'une seule déclaration de revenus des sociétés aux États‑Unis.

 

[9]              Le 2 novembre 1993, NRB a vendu des actions de Carfax à une partie sans lien de dépendance, R.L. Polk & Co. Ltd. (« Polk (US) »), et le rapport des actions de NRB et de Polk (US) était de 65 à 35. Un schéma illustrant cette opération est joint aux présents motifs en tant qu'annexe « B ».

 

[10]         Le 7 janvier 1997, UDS et la totalité des éléments d'actif de NRB (à l'exception des actions de Carfax) ont été vendues à des parties sans lien de dépendance. Le 31 août 1997, NRB a été fusionnée avec BMSI Holdings. L'entité juridique ainsi fusionnée a conservé la dénomination Blackburn Marketing Services (US) Inc. (« BMSI (US) »). C'est ainsi que les actions de Carfax que NRB détenait antérieurement sont passées aux mains de BMSI (US). Un schéma illustrant cette relation est joint aux présents motifs en tant qu'annexe « C ».

 

[11]         BMSI (US), à l'instar de la société qu'elle avait remplacée, BMSI Holdings, n'avait aucun employé et n'exploitait aucune entreprise. Elle était toutefois dotée d'un conseil d'administration, mais les témoins ont tous déclaré que ce dernier n'avait aucun pouvoir décisionnel indépendant à l'égard des sociétés dont BMSI (US) détenait les actions. Toutes les décisions relatives aux sociétés BMSI étaient prises par le conseil d'administration de l'appelante.

 

Le régime incitatif à long terme

 

[12]         William D. Goldstein est entré au service de l'appelante en 1989. Il a déclaré que ses fonctions consistaient, notamment, à trouver des possibilités de placement pour l'appelante, à négocier et à conclure les placements ainsi qu'à en assurer la supervision et la gestion générales. Il lui incombait aussi de trouver pour l'appelante des moyens rentables de vendre les placements. C'était le conseil qui lui assignait ses tâches et qui décidait d'acheter ou de vendre un placement.

 

[13]         Monsieur Pearson a déclaré que M. Goldstein souhaitait s'éloigner des activités courantes de l'entreprise. Après quatre années de négociations, l'appelante et M. Goldstein ont signé le 1er septembre 1993 un contrat d'emploi (le « contrat »), dans lequel l'appelante a convenu d'offrir les services de M. Goldstein aux sociétés BMSI.

 

[14]         Conformément au contrat, M. Goldstein recevait de l'appelante un salaire annuel et des avantages sociaux. Il avait également droit à une rémunération incitative, en vertu de deux régimes incitatifs, l'un à court terme et l'autre à long terme. Ce régime de rémunération incitatif avait pour but de [TRADUCTION] « récompenser M. Goldstein pour le rendement à court terme des sociétés BMSI, ainsi que pour l'appréciation à long terme de la valeur de ces dernières ». Les paiements incitatifs à long terme faits à M. Goldstein ont été décrits comme des unités de rendement qu'il était possible de racheter pour 12 % de l'augmentation de la valeur de la part que détenait l'appelante dans toutes les sociétés BMSI après le 31 août 1993. Le droit de recevoir les paiements incitatifs à long terme était déclenché par la survenue de certains faits, dont la vente de la participation de l'appelante dans l'une quelconque des sociétés BMSI.

 

[15]         Monsieur Goldstein a déclaré qu'à son avis le régime incitatif à long terme était l'élément principal du contrat, car l'appelante n'avait pas offert de régime d'actionnariat des salariés et il ne touchait qu'un salaire annuel et quelques avantages sociaux de courte durée.

 

[16]         Selon M. Pearson, M. Goldstein a obtenu le régime incitatif à long terme parce que ses fonctions consistaient à trouver des occasions de placement, à surveiller les placements et à s'assurer que, si ces derniers n'étaient pas fructueux, la perte subie par l'appelante serait minime. Il était d'avis que M. Goldstein [TRADUCTION] « faisait brillamment le travail ».

 

[17]         Monsieur Pearson et M. Goldstein ont tous deux déclaré que les services de placement et de gestion que M. Goldstein a fournis en vertu du contrat l'ont toujours été à l'appelante, et non à BMSI Holdings ou à BMSI (US).

 

L'accord de services de gestion

 

[18]         Le 2 novembre 1993, l'appelante a conclu un accord de services de gestion (ASG) avec BMSI (US), Carfax et VRH; selon cet accord, l'appelante fournirait des services de gestion généraux, des services financiers et comptables, des services de ressources humaines et des services de paye, de même qu'un certain nombre d'autres services administratifs et centraux pour Carfax et VRH. L'ASG comportait une formule de calcul des frais qui seraient facturés à Carfax et à VRH pour la fourniture des services en question. L'ASG précisait que M. Goldstein et un autre cadre de l'appelante seraient chargés de la supervision et de la gestion générales des activités de Carfax et de VRH. À titre de rémunération pour les services de la haute direction (dont M. Goldstein faisait partie), l'appelante a convenu de ne pas facturer plus de 190 000 $ par année. Monsieur Goldstein a déclaré qu'il n'a fourni que des services de gestion stratégique, et qu'il ne s'occupait pas de la gestion courante de Carfax et de VRH.

 

[19]         L'ASG prévoyait des frais qui auraient été appliqués au régime incitatif à court terme de M. Goldstein. Aucune preuve n'a indiqué que l'on avait payé ou non à l'appelante un montant quelconque qui aurait été appliqué au régime incitatif à court terme. L'ASG ne comportait pas de frais liés au régime incitatif à long terme que l'appelante avait accordé à M. Goldstein.

 

[20]         Monsieur Pearson a déclaré que Polk (US), qui possédait 35 % de Carfax, n'était pas seulement au courant de l'ASG; elle avait aussi pris activement part à sa négociation. Il a déclaré que Polk (US) n'acceptait pas que Carfax fasse une contribution quelconque à l'égard du régime incitatif à long terme conclu avec M. Goldstein. Par une lettre datée du 7 octobre 1993, M. Pearson a rassuré M. Stephen Polk, le propriétaire de Polk (US), que le régime incitatif à long terme conclu avec M. Goldstein n'aurait [TRADUCTION] « pas d'incidence sur vous [...] car il ne s'appliquera qu'à la part (de l'appelante) de la valeur de ces éléments d'actif ».

 

[21]         Monsieur Pearson a déclaré que Polk (US) et Carfax exerçaient les mêmes activités. Il a ajouté que Stephen Polk savait que, lorsque l'appelante serait prête à vendre les actions de Carfax qu'elle possédait, M. Goldstein mettrait probablement en concurrence Polk (US) et une tierce partie en vue de l'obtention de ces actions. Stephen Polk savait qu'il y aurait une situation de conflit, car M. Goldstein ferait toujours passer en premier l'intérêt de l'appelante. En fin de compte, Stephen Polk a eu raison.

 

La vente de Carfax

 

[22]         Le 30 juillet 1999, BMSI (US) a vendu ses actions de Carfax à Polk (US). Cette vente a donné lieu au paiement à M. Goldstein d'une prime incitative à long terme de 7 681 517 $ (la « prime »). Les témoins ont tous déclaré que la vente des actions de Carfax exigeait l'accord du conseil et que le conseil d'administration de BMSI (US) n'était pas intervenu dans la décision.

 

[23]         Le gain en capital résultant de la vente a été déclaré par BMSI (US) aux États‑Unis. L'appelante a déclaré la prime à titre de dépense et n'a déduit de son revenu que la somme de 7 621 517 $. Monsieur Goldstein a témoigné qu'il avait déclaré la prime dans son revenu et payé de l'impôt sur cette dernière. Pendant toute la période en cause, M. Goldstein a été un résident canadien.

 

[24]         Par un avis daté du 13 avril 2004, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'endroit de l'appelante, relativement à son année d'imposition terminée le 31 août 1999, en rajoutant la prime entière au motif qu'il s'agissait d'une dépense engagée pour le compte d'une société non résidente liée. Dans la réponse au nouvel avis d'appel modifié, l'intimée a indiqué ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

19.       Il fait valoir de plus que le paiement incitatif, calculé sur la valeur de l'augmentation du placement de BMSI (US), est directement lié aux gains en capital réalisés par BMSI (US) lors de la vente des actions de Carfax. De ce fait, le paiement incitatif que Blackburn Group Incorporated a déduit dans son année d'imposition 1999 n'était pas lié à Blackburn Group Incorporated et devrait être attribué à BMSI (US), à Carfax, ou aux deux, et remboursé par elles.

 

20.       Il fait valoir de plus que, de 1993 à 1999, M. Goldstein, à titre d'employé de The Blackburn Group Inc. et de Blackburn Group Incorporated, était chargé de la gestion et du développement d'entreprises et de portefeuilles de placement, y compris Blackburn Polk Marketing Services Inc. et plusieurs sociétés des États‑Unis, notamment Carfax, qui appartenaient à BMSI (US). Indépendamment de l'existence ou non de contrats de travail ou d'accords de services de gestion distincts, en raison de la prestation des services de M. Goldstein à Carfax, la valeur des actions de Carfax que détenait BMSI (US) a augmenté, de sorte que les gains en capital ont été réalisés par BMSI (US) à la vente des actions de Carfax. Cela étant, il soutient que The Blackburn Group Inc. et Blackburn Group Incorporated ont conclu une entente avec BMSI (US) pour fournir des services notamment à Carfax. En outre, en vertu de l'accord de services de gestion, The Blackburn Group Inc. et Blackburn Group Incorporated ont conclu une entente notamment avec Carfax, en vue de fournir les services de cadres supérieurs, dont M. Goldstein, à Carfax. Il soutient donc que The Blackburn Group Inc. et Blackburn Group Incorporated ont conclu des ententes avec des parties non résidentes avec lesquelles elles avaient un lien de dépendance, soit BMSI (US) et Carfax, relativement à la prestation des services de M. Goldstein à Carfax, et ce, à des conditions conclues ou imposées, relativement aux opérations, qui diffèrent de celles qui auraient été conclues entre des personnes sans lien de dépendance, pour l'application de l'alinéa 247(2)a) de la Loi.

 

Les questions en litige

 

[25]         La première question qu'il faut trancher consiste à savoir si la nouvelle cotisation datée du 13 avril 2004 était hors délai. L'appelante a été l'objet d'une première cotisation, pour son année d'imposition terminée le 31 août 1999, par la voie d'un avis daté du 24 mars 2000. La période normale de nouvelle cotisation expirait le 24 mars 2003. Le ministre a établi sa nouvelle cotisation au‑delà de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans au motif que la prorogation prévue au sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») s'appliquait dans son cas. Les dispositions légales pertinentes sont l'alinéa 152(3.1)b) et les sous‑alinéas 152(4)b)(iii) et 152(4.01)b)(iii), qui sont ainsi rédigés :

 

(3.1) Période normale de nouvelle cotisation – Pour l'application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d'imposition s'étend sur les périodes suivantes :

 

[...]

 

a) quatre ans suivant soit le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l'année, soit, s'il est antérieur, le jour de mise à la poste d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable par lui pour l'année, si, à la fin de l'année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu'une société privée sous contrôle canadien;

 

b) trois ans suivant le premier en date de ces jours, dans les autres cas.

 

[...]

 

(4) Cotisation et nouvelle cotisation – Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

[...]

 

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année et, selon le cas :

 

[...]

 

(iii) est établie par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance.

 

(4.01) Cotisation à laquelle s'appliquent les alinéas 152(4)a) ou b) – Malgré les paragraphes (4) et (5), la cotisation, la nouvelle cotisation ou la cotisation supplémentaire à laquelle s'appliquent les alinéas (4)a) ou b) relativement à un contribuable pour une année d'imposition ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans la mesure où il est raisonnable de considérer qu'elle se rapporte à l'un des éléments suivants :

 

[...]

 

b) en cas d'application de l'alinéa (4)b) :

 

[...]

 

(iii) l'opération visée au sous‑alinéa (4)a)(iii),

 

[...]

 

[26]         Dans l'arrêt SMX Shopping Centre Ltd. c. La Reine[1], le juge Sharlow a analysé l'article 152 de la Loi et, aux paragraphes 18 et 24 de sa décision, elle a déclaré :

 

[18]      Aux termes du sous-alinéa 152(4)b)(iii), il convient de se demander s'il y a lieu, « par suite de la conclusion d'une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance » d'établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt du contribuable pour une année d'imposition pertinente. Dans l'affirmative, la nouvelle cotisation peut être établie pendant la période prorogée de nouvelle cotisation mais, selon le sous‑alinéa 152(4.01)b)(iii), uniquement dans la mesure où la nouvelle cotisation peut avec raison être considérée comme se rapportant à l'opération mentionnée au sous‑alinéa 152(4)b)(iii).

 

[...]

 

[24]      [...] Dans le contexte du sous-alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot « opération » doit être interprété comme comprenant une opération qui, selon le contribuable, constitue le fondement factuel d'une déduction qui est faite dans une déclaration de revenu. Ainsi, si le contribuable affirme avoir droit à une déduction pour des frais particuliers qu'il a engagés, et si le paiement des frais (à supposer qu'ils aient été engagés) met en cause le contribuable et une personne non résidente avec qui le contribuable avait un lien de dépendance, le ministre est légalement autorisé à établir une nouvelle cotisation, pendant la période prorogée de nouvelle cotisation, en vue de refuser la déduction. Ce pouvoir légal ne disparaît pas si le contribuable nie par la suite que les frais ont été engagés ou qu'il omet de prouver qu'ils ont été engagés.

 

[27]         L'intimée est d'avis que la nouvelle cotisation découle de toutes les opérations qui ont donné lieu à la prime. Ces opérations mettaient en cause l'appelante, BMSI (US) – une non‑résidente – ainsi que M. Goldstein. Au paragraphe 30 de ses observations écrites, l'avocat de l'intimée a écrit ceci :

 

[TRADUCTION]

 

30.       En outre, étant donné que l'âme dirigeante est la même pour l'appelante et pour la filiale américaine, la décision de la société de récompenser M. Goldstein en rachetant 12 % de la valeur majorée des actions vendues par la filiale américaine en se servant des fonds de l'appelante constitue une opération ou une série d'opérations qui, en pratique, a fait en sorte qu'une part de 7 681 517 $ du revenu de l'appelante a été volontairement transférée à la filiale américaine.

 

[28]         À l'interrogatoire préalable du représentant de l'intimée, l'avocat de l'appelante a demandé : [TRADUCTION] « quelle a été l' “opération” conclue par l'appelante et BMSI (US) qui a donné lieu à la nouvelle cotisation? » On a délibéré sur la question et la réponse a été donnée par écrit :

 

[TRADUCTION]

 

La fourniture, par Blackburn Group Incorporated à BMSI (US), des services stratégiques continus de M. Goldstein en vue de faire augmenter la valeur de son actif aux États‑Unis sans recevoir une compensation quelconque de BMSI (US) pour le montant incitatif à long terme (un montant directement lié à l'augmentation de valeur des éléments d'actif de BMSI (US)) que Blackburn Group Incorporated a payé à M. Goldstein.

 

[29]         L'avocat de l'intimée s'est fondé sur la décision du juge Thurlow dans Minister of National Revenue v. Granite Bay Timber Co.[2] pour dire que le mot « opération » était suffisamment large pour inclure un arrangement. En conclusion, sur cette question, l'avocat a déclaré qu'au titre du paragraphe 247(11) de la Loi, la définition du mot « opération », à l'article 247, s'applique à ce mot tel qu'il est employé au sous‑alinéa 152(4)b)(iii).

 

[30]         Tout d'abord, je ne suis pas d'accord pour dire que la définition du mot « opération » qui figure à l'article 247 s'applique à ce mot tel qu'il est utilisé à l'article 152. Les dispositions pertinentes de l'article 247 sont les suivantes :

 

247(1) Définitions – Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 

« opération » Sont assimilés aux opérations les arrangements et les événements.

 

(11) Dispositions applicables – Les articles 152, 158, 159 et 162 à 167 et la section J de la partie I s'appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

 

[31]         Selon la partie liminaire du paragraphe 247(1), il est manifeste que les termes définis dans cette disposition ne s'appliquent qu'à l'article 247. En outre, le paragraphe 247(11) fait en sorte que les dispositions de la partie I de la Loi en matière de cotisation, de paiement, de pénalité, de remboursement, d'opposition et d'appel s'appliquent à la partie XVI.I[3]. Le fait qu'il soit fait référence à des dispositions de la partie I de la Loi ne fait pas intégrer dans ces dispositions‑là la totalité des termes définis à l'article 247.

 

[32]         Deuxièmement, je suis d'avis que le mot « opération », tel qu'il est employé au sous-alinéa 152(4)b)(iii), n'inclut pas un arrangement.

 

[33]         Le mot « opération » est défini à l'article 245 et à l'article 247 et il englobe un arrangement ou un événement. Dans l'arrêt Canadien Pacifique limitée c. La Reine[4], le juge Sexton a écrit ce qui suit :

 

De par la définition donnée dans le paragraphe 245(2), une convention, un mécanisme ou un événement sont assimilés à une opération. Ainsi, la définition de « opération » est élargie pour englober des circonstances qui ne seraient pas strictement considérées comme une opération au sens ordinaire de ce mot.

 

[34]         Au vu de ce qui précède et en recourant à une approche textuelle, contextuelle et téléologique[5] à l'égard de l'interprétation du mot « opération » qui figure au sous‑alinéa 152(4)b)(iii), je conclus que ce mot n'englobe pas un arrangement. Je suis également d'avis que le mot « opération », au sous‑alinéa 152(4)b)(iii), n'englobe pas une série d'opérations. Si le législateur avait envisagé d'inclure une série d'opérations, il l'aurait mentionné expressément, ainsi qu'il l'a fait dans d'autres dispositions, comme celles qui se rapportent aux opérations d'évitement[6].

 

[35]         Il n'y a pas de définition générale du mot « opération » à l'article 248 de la Loi, mais ce terme (en anglais, « transaction ») est défini comme suit dans le dictionnaire Canadian Oxford Dictionary :

 

[TRADUCTION]

 

1(a) un élément d'une activité, notamment commerciale; une affaire (une opération rentable)

 

(b) Amér. du N. = COMMERCE 4b

 

(c) la gestion d'activités commerciales, etc.

 

2 (plur.) rapports écrits de discussions, de communications, etc., lors d'une réunion d'une société savante

 

[36]         L'« opération » décrite par l'intimée (voir le paragraphe 28 qui précède) n'a pas eu lieu. Les services de placement de M. Goldstein ont plutôt été fournis à l'appelante et ses services de supervision à Carfax. Il s'agissait là, pour M. Goldstein, de deux rôles différents. La prime payée à ce dernier était liée aux services de placement qu'il fournissait à l'appelante.

 

[37]         Il s'agit maintenant de savoir si, durant l'année d'imposition 1999, il y a eu une opération ou un élément d'activité commerciale entre l'appelante et une personne non résidente avec laquelle l'appelante avait un lien de dépendance.

 

[38]         Dans le présent appel, des preuves montrent que trois opérations ont eu lieu en 1999. Dans la première de ces trois, l'appelante a décidé que BMSI (US) vendrait ses actions de Carfax. Dans la deuxième, BMSI (US) a vendu ses actions de Carfax à Polk (US). L'appelante n'était pas partie à cette opération. Comme l'a fait valoir l'avocat de l'intimée, BMSI (US) était une entité juridique et elle était la propriétaire juridique des actions de Carfax. Dans la troisième, l'appelante a payé la prime à M. Goldstein.

 

[39]         Dans les circonstances du présent appel, la nouvelle cotisation a été établie par suite du paiement, par l'appelante, de la prime à M. Goldstein. Cependant, ce dernier était un employé sans lien de dépendance de l'appelante et il était un résident du Canada. Je suis d'avis que le sous‑alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi ne permettait pas au ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1999 de l'appelante au cours de la période de nouvelle cotisation prorogée.

 

[40]         Comme cette décision tranche l'appel, je ne ferai pas de commentaires sur la question des prix de transfert qui a aussi été soulevée.

 

[41]         L'appel est accueilli, avec dépens.

 

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 17e jour de mars 2009.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2009.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 

 


Annexe A

 

Le 31 août 1993

 

Canada

États-Unis


Annexe B

 

Le 2 novembre 1993

 

 

 


Annexe C

 

Le 1er septembre 1997

 

Zone de Texte: TBGI

 

 

Canada

 

 

 

BMSI  US

 
 

 

 


 

Polk US

 
États‑Unis

65%

 
 

 


                                                                                      

 

 

 

 


Zone de Texte: 100%

 

VRH

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



RÉFÉRENCE :                                  2009CCI155

 

NO DE DOSSIER DE LA COUR :      2007-1971(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Blackburn Radio Inc. et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 9 et 10 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 27 février 2009

 

DATE DU JUGEMENT

MODIFIÉ :                                       Le 17 mars 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Daniel Sandler

Avocat de l'intimée :

Me André LeBlanc

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Nom :           Me Daniel Sandler

 

                   Cabinet :      Couzin, Taylor LLP

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                       Sous‑procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada



[1] 2003 CAF 479.

 

[2] 58 D.T.C. 1066 (C. de l'É.).

 

[3] Canada Tax Service, 247-26.

 

[4] 2001 CAF 398.

 

[5] Cie pétrolière Impériale ltée c. Canada, 2006 CSC 46.

 

[6] Voir, par exemple, les articles 183.1, 188.1, 233.1 et 247 de la Loi.

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