Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2006-1405(IT)G

ENTRE :

MYRON A. GARRON et BERNA V. GARRON,

en leur qualité de fiduciaires de la FIDUCIE FAMILIALE GARRON,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Berna V. Garron (2006‑1407(IT)G), de Myron A. Garron (2006‑1408(IT)G), du Fundy Settlement (2006‑1409(IT)G), d’Andrew T. Dunin (2006‑1410(IT)G) et du Summersby Settlement (2006-1411(IT)G), du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats des appelants :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’aucune partie du gain en capital réalisé par le Fundy Settlement lors de la disposition des actions de 1287333 Ontario Ltd. ne doit être incluse dans le revenu des appelants.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

          Le greffe modifiera l’intitulé de la cause de façon qu’il soit conforme au présent jugement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

Dossier : 2006-1407(IT)G

ENTRE :

BERNA V. GARRON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la fiducie familiale Garron (2006‑1405(IT)G), de Myron A. Garron (2006‑1408(IT)G), du Fundy Settlement (2006‑1409(IT)G), d’Andrew T. Dunin (2006‑1410(IT)G) et du Summersby Settlement (2006-1411(IT)G),

du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’aucune partie du gain en capital réalisé par le Fundy Settlement lors de la disposition des actions de 1287333 Ontario Ltd. ne doit être incluse dans le revenu de l’appelante.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

Dossier : 2006-1408(IT)G

 

ENTRE :

MYRON A. GARRON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la fiducie familiale Garron (2006‑1405(IT)G), de Berna V. Garron (2006‑1407(IT)G), du Fundy Settlement (2006‑1409(IT)G), d’Andrew T. Dunin (2006‑1410(IT)G) et du Summersby Settlement (2006-1411(IT)G),

du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

___________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’aucune partie du gain en capital réalisé par le Fundy Settlement lors de la disposition des actions de 1287333 Ontario Ltd. ne doit être incluse dans le revenu de l’appelant.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

Dossier : 2006-1409(IT)G

 

ENTRE :

ST. MICHAEL TRUST CORP.,

en sa qualité de fiduciaire du FUNDY SETTLEMENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la fiducie familiale Garron (2006‑1405(IT)G), de Berna V. Garron (2006‑1407(IT)G), de Myron A. Garron (2006‑1408(IT)G), d’Andrew T. Dunin (2006‑1410(IT)G) et du Summersby Settlement (2006-1411(IT)G), du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

Le greffe modifiera l’intitulé de la cause de façon qu’il soit conforme au présent jugement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

Dossier : 2006-1410(IT)G

 

ENTRE :

ANDREW T. DUNIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la fiducie familiale Garron (2006‑1405(IT)G), de Berna V. Garron (2006‑1407(IT)G), de Myron A. Garron (2006‑1408(IT)G), du Fundy Settlement (2006‑1409(IT)G) et du Summersby Settlement (2006-1411(IT)G),

du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

_________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’aucune partie du gain en capital réalisé par le Summersby Settlement lors de la disposition des actions de 1287325 Ontario Ltd. ne doit être incluse dans le revenu de l’appelant.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

 

Dossier : 2006-1411(IT)G

 

ENTRE :

ST. MICHAEL TRUST CORP.,

en sa qualité de fiduciaire du SUMMERSBY SETTLEMENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de la fiducie familiale Garron (2006‑1405(IT)G), de Berna V. Garron (2006‑1407(IT)G), de Myron A. Garron (2006‑1408(IT)G), du Fundy Settlement (2006‑1409(IT)G) et d’Andrew T. Dunin (2006‑1410(IT)G), du 21 juillet au 6 août 2008, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

_________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté.

 

L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocats dans tous les appels entendus sur preuve commune.

 

          Le greffe modifiera l’intitulé de la cause de façon qu’il soit conforme au présent jugement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


 

Référence : 2009 CCI 450

Date : 20090910

Dossiers : 2006-1405(IT)G

 2006-1407(IT)G

2006-1408(IT)G

2006-1409(IT)G

2006-1410(IT)G

2006-1411(IT)G

 

ENTRE :

 

MYRON A. GARRON et BERNA V. GARRON,

en leur qualité de fiduciaires de la FIDUCIE FAMILIALE GARRON,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

 

BERNA V. GARRON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

 

MYRON A. GARRON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

 

 

ET ENTRE :

 

ST. MICHAEL TRUST CORP.,

en sa qualité de fiduciaire du FUNDY SETTLEMENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

 

ANDREW T. DUNIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

ET ENTRE :

 

ST. MICHAEL TRUST CORP.,

en sa qualité de fiduciaire du SUMMERSBY SETTLEMENT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]     Les présents appels découlent de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») par suite de la disposition d’actions de sociétés canadiennes par des fiducies de la Barbade. Toutes les cotisations se rapportent à l’année d’imposition 2000.

 

I. Historique

 

[2]     En 1998, lors d’une réorganisation de la structure des actions de PMPL Holdings Inc. (« PMPL »), deux fiducies (les « fiducies ») dont les bénéficiaires étaient Canadiens ont été constituées par un particulier résidant dans l’île de Saint‑Vincent, dans les Antilles. L’unique fiduciaire de chaque fiducie était une société résidant à la Barbade.

 

[3]     Dans le cadre de la réorganisation, les fiducies ont souscrit des actions de sociétés canadiennes qui venaient d’être constituées en personnes morales et les sociétés ont de leur côté souscrit des actions de PMPL. Ces opérations ont été effectuées moyennant une contrepartie symbolique.

 

[4]     En 2000, dans le cadre d’une vente entre parties sans lien de dépendance de PMPL, les fiducies ont disposé de la majorité des actions qu’elles détenaient dans les sociétés de portefeuille. Des gains en capital de plus de 450 000 000 $ ont été réalisés.

 

[5]     Certains montants avaient été versés au gouvernement au titre de l’impôt éventuel sur les gains en capital conformément aux procédures de retenue énoncées à l’article 116 de la Loi. Dans les déclarations de revenus qui ont été produites pour l’année d’imposition 2000, les fiducies ont demandé le remboursement des montants retenus, en alléguant être exemptées de l’impôt conformément à l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (l’« Accord »).

 

[6]     L’exemption invoquée, à savoir le paragraphe XIV(4) de l’Accord, prévoit ce qui suit :

 

4. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

 

[7]     Le ministre a pris la position selon laquelle cette exemption ne s’applique pas et chacune des fiducies a fait l’objet d’une cotisation à l’égard des gains.

 

[8]     En plus d’établir des cotisations à l’égard des fiducies, le ministre a également établi des cotisations à l’égard de quatre résidents canadiens quant aux mêmes gains. Ces personnes avaient toutes des parts dans PMPL, directement ou par l’entremise d’une société de portefeuille, avant la réorganisation de 1998. Dans les présents motifs, ce groupe sera appelé collectivement les « autres appelants ».

 

[9]     Les cotisations établies à l’égard des autres appelants ont été établies en tant que mesures préventives seulement; elles ne visaient pas à imposer les mêmes gains plus d’une fois. Lors de sa plaidoirie, l’avocate du ministre a précisé que les cotisations dont les fiducies avaient fait l’objet devaient avoir priorité sur ces cotisations.

 

[10]    Toutes les cotisations ont été portées en appel et les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune sur une période de trois semaines.

 

II. Résumé des points en litige

 

[11]    Les appels mettent en cause plusieurs dispositions législatives relativement complexes et un grand nombre d’arguments ont été soulevés.

 

[12]    Je tiens à mentionner que les arguments invoqués par l’avocate du ministre à la suite de la présentation de la preuve étaient légèrement différents de ceux que le ministre avait invoqués dans ses réponses. J’ai limité l’analyse ci‑dessous aux points qui ont été soulevés dans l’argumentation, oralement ou par écrit.

 

[13]    Il y a toutefois une exception, qui se rapporte à l’interaction entre le paragraphe 75(2) de la Loi et le paragraphe XIV(4) de l’Accord. Il s’agissait d’un point que j’avais soulevé au cours des plaidoiries et pour lequel des observations écrites ont par la suite été soumises.

 

[14]    Un résumé des points litigieux qui seront examinés figure ci‑dessous. Les dispositions législatives pertinentes ont été reproduites dans une annexe.

 

[15]    Tout d’abord, le ministre soutient que l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) de l’Accord ne s’applique pas parce que les fiducies résident au Canada. Il est reconnu que la société fiduciaire de chaque fiducie réside à la Barbade, mais le ministre affirme que la gestion et le contrôle de chaque fiducie sont effectués au Canada.

 

[16]    Subsidiairement, le ministre soutient que les fiducies sont réputées résider au Canada du fait qu’elles ont reçu des biens de bénéficiaires résidant au Canada. La disposition pertinente est l’alinéa 94(1)c) de la Loi.

 

[17]    Le ministre fait également valoir que les gains sont imposables entre les mains des autres appelants conformément à une règle d’attribution énoncée au paragraphe 75(2) de la Loi.

 

[18]    En outre, le ministre cherche à invoquer la disposition générale anti‑évitement (la « DGAE ») de l’article 245 de la Loi à l’appui de toutes les cotisations.

 

[19]    Enfin, le ministre affirme que l’attribution du produit de la vente, dans la vente entre parties sans lien de dépendance, n’était pas raisonnable et que le produit devrait être en partie réattribué des fiducies aux autres appelants. La disposition législative invoquée est l’article 68 de la Loi.   

 

[20]    Par souci d’exhaustivité, je tiens à mentionner deux autres arguments que le ministre a soulevés dans les réponses, mais qui n’ont pas été invoqués lors de l’argumentation, à savoir en premier lieu, que les fiducies n’ont pas validement été constituées et en second lieu, que le résultat recherché par les appelants constituait un abus dans l’application de l’Accord indépendamment de la DGAE.

 

III. Les faits

 

A. Introduction

 

[21]    En 1992, PMPL a été constituée en personne morale à titre de société de portefeuille pour une société canadienne qui s’occupait de la fabrication et de l’assemblage de pièces pour l’industrie de l’automobile. PMPL détenait également des actions dans une petite société qui fabriquait des outils pour la principale société en exploitation. L’entreprise se spécialisait dans les systèmes intérieurs de voitures, comme des tableaux de bord.

 

[22]    La principale filiale était Progressive Moulded Products Inc. (« Progressive »). L’autre s’appelait Progressive Tools Limited (« Tools »).

 

[23]    Les autres appelants sont Andrew Dunin, Myron Garron, Berna Garron et une fiducie appelée la fiducie familiale Garron.

 

[24]    Immédiatement avant la réorganisation de 1998, les actions de PMPL appartenaient en parts égales à M. Dunin et à une société de portefeuille qui appartenait à 100 pour 100 aux autres appelants.

 

[25]    La réorganisation de 1998 était semblable à un gel successoral typique dans lequel (1) un actionnaire existant convertit des actions ordinaires en actions privilégiées à valeur fixe rachetables au gré de la société émettrice ou du détenteur, et (2) de nouvelles actions ordinaires sont émises, moyennant une contrepartie symbolique, en faveur des enfants et des autres descendants de l’ancien détenteur des actions ordinaires ou à leur profit.

 

[26]    L’avocate du ministre a souligné que la réorganisation de 1998 n’était pas réellement un gel successoral, au sens communément attribué à ces termes, parce que les nouvelles actions ordinaires n’étaient pas détenues exclusivement pour les enfants et les autres descendants. Les parents détenaient également une participation. Selon l’avocate, il serait plus exact de parler de [traduction] « non‑gel ».

 

[27]    Les principales étapes de la réorganisation étaient les suivantes. Les détenteurs des actions ordinaires de PMPL ont converti ces actions en actions privilégiées à valeur fixe. Les nouvelles actions ordinaires de PMPL ont ensuite été émises, moyennant une contrepartie symbolique, en faveur de sociétés de portefeuille canadiennes qui venaient d’être constituées en personnes morales. Les fiducies ont chacune souscrit des actions dans les sociétés de portefeuille moyennant une contrepartie symbolique. Par conséquent, les sociétés de portefeuille appartenaient à 100 pour 100 aux fiducies.

 

[28]    En 2000, PMPL a été vendue dans le cadre d’une opération entre parties sans lien de dépendance dans laquelle PMPL était évaluée à environ 532 000 000 $. Dans le cadre de la vente, les fiducies ont disposé de la majorité des actions des sociétés de portefeuille.

 

[29]    Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (l’« ECF ») qui indique en détail un grand nombre des étapes de la réorganisation de 1998. L’ECF fait partie de mes conclusions factuelles; il est reproduit dans une annexe.

 

[30]    À l’ECF sont joints des diagrammes schématiques décrivant la structure pertinente des sociétés avant et après la réorganisation de 1998. L’ECF comprend également un tableau résumant les montants qui ont fait l’objet de cotisations. Ce tableau n’a pas été reproduit.

 

B. Liste des témoins

 

[31]    Des témoignages ont été présentés pour le compte des appelants par :

 

·        Andrew Dunin, l’un des deux dirigeants de PMPL;

 

·        Myron Garron, l’autre dirigeant de PMPL;

 

·        Ian Hutchinson, résident de la Barbade qui, à l’heure actuelle, est président de St. Michael Trust Corp. (« St. Michael »), la fiduciaire des fiducies;

 

·        Mary Mahabir, avocate faisant partie des Lex Carribbean Law Offices, à la Barbade. Me Mahabir a présenté un témoignage d’expert quant à la question de savoir si les fiducies résidaient à la Barbade;

 

·        Peter Hatges, président de KPMG Finance Inc., à Toronto. M. Hatges a présenté un témoignage d’expert au sujet de la valeur de PMPL lors de la réorganisation.

 

[32]    Le seul témoin du ministre était Howard E. Johnson, du cabinet Campbell Valuation Partners Limited. M. Johnson a présenté un témoignage d’expert au sujet de la valeur de PMPL lors de la réorganisation.

 

[33]    M. Johnson a également témoigné au sujet de la valeur d’une option hypothétique d’achat de toutes les actions de PMPL immédiatement après la réorganisation de 1998. Ce témoignage a été présenté à l’appui de la position prise par le ministre, à savoir que les actions qui étaient détenues par les fiducies avaient une valeur élevée lors de la réorganisation de 1998. L’opinion de M. Johnson était limitée à l’option hypothétique. M. Johnson n’a pas exprimé d’opinion au sujet de la valeur des actions détenues par les fiducies.

 

C. Les principales opérations

 

[34]    En 1990, l’entreprise de moulage du plastique exploitée par Progressive était chancelante. Le dirigeant de la société, Myron Garron, a communiqué avec Andrew Dunin en vue de le convaincre de venir travailler pour la société à titre de directeur général.

 

[35]    M. Dunin, qui avait des antécédents dans le domaine des affaires et de l’expérience dans l’industrie de l’automobile, a relevé le défi. Avec le temps, il a transformé l’entreprise de Progressive d’une entreprise fabriquant divers produits moulés en plastique en une entreprise se spécialisant dans la production de systèmes intérieurs de voitures.

 

[36]    Sur une période d’une dizaine d’années, l’entreprise a pris un essor considérable et Progressive est devenue un fournisseur important pour de grosses sociétés automobiles, et surtout pour General Motors.

 

[37]    Lorsque M. Dunin est entré au service de Progressive en 1990, M. Garron a promis à celui‑ci une participation dans la société. Les modalités relatives à la participation ont été fixées en 1992; elles étaient consignées dans une convention d’actionnaires. Aux termes de cette convention, M. Dunin pouvait obtenir jusqu’à 50 p. 100 des parts, en fonction des bénéfices réalisés par l’entreprise.

 

[38]    Pour faciliter cette convention, PMPL a été constituée en personne morale en 1992 en vue de détenir les actions des deux sociétés en exploitation, Progressive et Tools.

 

[39]    Peu de temps après la conclusion de la convention d’actionnaires de 1992, les conditions de la convention ne plaisaient plus à M. Dunin, qui a tenté de les renégocier. M. Garron a accepté de renégocier les conditions, mais uniquement après que M. Dunin eut obtenu la participation maximale de 50 p. 100, ce qui est arrivé en 1996.

 

[40]    En 1996, 50 p. 100 des actions de PMPL étaient détenues par M. Dunin et les 50 p. 100 restants étaient détenus par Garron Holdings Limited (« GHL »). Les actionnaires de GHL étaient M. Garron, son épouse Berna Garron et une fiducie familiale connue sous le nom de fiducie familiale Garron. M. et Mme Garron étaient fiduciaires de la fiducie.

 

[41]    À la suite de négociations longues et difficiles entre M. Garron et M. Dunin, une nouvelle entente a été mise en œuvre au mois d’avril 1998. À ce moment‑là, M. Garron n’avait plus de rôle actif dans la gestion de l’entreprise.

 

[42]    Le nouvel arrangement était passablement exhaustif. Il comprenait une réorganisation de la structure des actions de PMPL, une participation accrue de M. Dunin ainsi qu’une augmentation de son salaire, une modification des dispositions d’achat et de vente figurant dans la convention d’actionnaires, et des conditions en vertu desquelles M. Dunin pouvait gérer l’entreprise et, notamment, décider de sa disposition.

 

[43]    La convention d’actionnaires révisée renferme un certain nombre de dispositions qui sont censées avoir un effet sur les actions détenues par les fiducies (articles 6.2, 6.4, 6.6), mais les fiducies ne sont pas parties à l’entente.

 

[44]    Les étapes suivies dans le cadre de la réorganisation sont en bref les suivantes :

 

·        M. Dunin a transféré ses actions ordinaires[1] de PMPL à une société de portefeuille qui venait d’être constituée en personne morale, Dunin Holdings Inc. (« DHI »). M. Dunin était l’unique actionnaire de DHI;

 

·        les actions ordinaires de PMPL, qui appartenaient alors en parts égales à DHI et à GHL, ont été converties en actions privilégiées avec droit de vote rachetables au gré de la société émettrice. Le prix de rachat était égal à la juste valeur marchande des actions ordinaires immédiatement avant la conversion. Le montant devait être déterminé par PMPL, et il a été fixé à 50 000 000 $. Le prix de rachat était assujetti à un rajustement au cas où le fisc ou un tribunal établirait que l’évaluation était inexacte;

 

·        des actions ordinaires sans droit de vote de PMPL ont été émises, moyennant une contrepartie symbolique, en faveur de deux sociétés canadiennes qui venaient d’être constituées en personnes morales, 1287325 Ontario Ltd. (« 325 ») et 1287333 Ontario Ltd. (« 333 »). Les actions émises en faveur de 325 comportaient des droits de participation légèrement plus étendus que les actions émises en faveur de 333;

 

·        des actions de 325 ont été émises en faveur du Summersby Settlement (« Summersby ») (une fiducie de la famille Dunin) et des actions de 333 ont été émises en faveur du Fundy Settlement (« Fundy ») (une fiducie de la famille Garron), moyennant une contrepartie symbolique dans les deux cas.

 

[45]    Au mois de décembre 1998 ou vers le mois de décembre 1998, une expression spontanée d’intérêt quant à l’achat de PMPL a été portée à la connaissance de M. Dunin. L’acheteur éventuel appartenait à une société suisse, Sarna Knuststoff Holding AG (« Sarna »).

 

[46]    M. Dunin a informé le représentant de Sarna qu’il était disposé à poursuivre les négociations en vue de la vente. Lorsqu’on lui a demandé quelle était la valeur de l’entreprise, M. Dunin a proposé un montant de 400 000 000 $.

 

[47]    Les négociations avec Sarna se sont déroulées sur plusieurs mois. Toutefois, elles n’ont pas abouti à une vente parce que Sarna a mis fin aux négociations peu de temps avant la conclusion prévue de l’opération. M. Dunin craignait donc que Sarna n’ait jamais réellement voulu acheter la société.

 

[48]    Immédiatement après que le marché avec Sarna eut échoué, vers le mois de juin 1999, M. Dunin a mis sur pied un processus en vue de faciliter la vente de PMPL. Il croyait qu’il était sensé de le faire parce que les affaires de PMPL allaient bon train et que le travail nécessaire afin d’assurer un processus de vérification au préalable venait tout juste d’être accompli pour les négociations avec Sarna.

 

[49]    M. Dunin a eu recours aux services de Timothy W. Carroll, du cabinet de Chicago d’Arthur Anderson, pour gérer le processus de vente. Arthur Anderson a estimé la valeur de PMPL à environ 500 000 000 $.

 

[50]    M. Carroll a tenté de trouver des acheteurs éventuels pour PMPL parmi ses concurrents et parmi des fonds d’investissement. Un fonds d’investissement établi à New York, Oak Hill Capital Partners, L.P. (« Oak Hill ») a manifesté de l’intérêt et a finalement acheté l’entreprise.

 

[51]    La vente en faveur d’Oak Hill a été conclue au mois d’août 2000, la valeur de PMPL étant fixée à environ 532 000 000 $. La contrepartie a été versée sous la forme d’actions participatives de l’acheteur, au montant de 50 000 000 $, le solde étant payé en espèces[2].

 

[52]    Dans le cadre des négociations, M. Dunin a accepté de continuer à travailler pour PMPL pendant un certain temps.

 

D. Summersby et Fundy

 

(1)   Les conditions générales des fiducies

 

[53]    Summersby et Fundy ont chacune été établies le 2 avril 1998, à titre de fiducies irrévocables. Les conditions applicables aux fiducies sont similaires.

 

[54]    Les bénéficiaires de Summersby sont M. Dunin, son épouse, ses enfants et ses autres descendants, et toute fiducie établie au profit de l’un d’entre eux. Lorsque Summersby a été établie, M. Dunin avait deux enfants, âgés de deux et de quatre ans.

 

[55]    Les bénéficiaires de Fundy sont M. Garron, son épouse, ses enfants et ses autres descendants, et toute fiducie établie au profit de l’un d’entre eux. M. Garron a deux enfants, qui étaient respectivement âgés de 31 et de 35 ans lorsque Fundy a été établie.

 

[56]    Conformément aux actes de fiducie, en tout temps, le fiduciaire pouvait à son gré distribuer certains montants au titre du revenu ou du capital, à un bénéficiaire ou plus.

 

[57]    À la « date de partage », définie comme étant 80 ans après la date des actes de fiducie ou toute date antérieure choisie par le fiduciaire, les biens de la fiducie doivent être distribués ainsi :

 

a)       dans le cas de Summersby, si M. Dunin est vivant, les biens de la fiducie doivent être remis à celui‑ci, et s’il est décédé, les biens doivent être remis à ses descendants;

 

b)      dans le cas de Fundy, les biens de la fiducie doivent être remis aux descendants de M. Garron et de son épouse.

 

[58]    Chacun des actes de fiducie prévoit la nomination d’un protecteur, qui est habilité à destituer et à remplacer le fiduciaire, et ce, en tout temps.

 

[59]    En outre, aux termes de chacun des actes de fiducie, le protecteur peut être remplacé n’importe quand par la majorité des bénéficiaires qui ont atteint un âge déterminé. Dans le cas de Summersby, cet âge est fixé à 35 ans, et dans le cas de Fundy, il est fixé à 40 ans.

 

[60]    Les actes de fiducie confèrent dans chaque cas au protecteur un pouvoir discrétionnaire absolu quant à ses fonctions. La disposition pertinente est reproduite ci‑dessous :

 

[traduction]

 

8.4       Le protecteur n’est pas un mandataire. Le protecteur ne sera assujetti à aucune obligation fiduciaire en faveur de quelque personne que ce soit dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont ici dévolus et ne sera pas considéré comme un fiduciaire de la fiducie ni comme un mandataire de quelque personne que ce soit ou comme une personne désignée par quelque personne que ce soit. Le pouvoir discrétionnaire qui est par les présentes conféré au protecteur est un pouvoir absolu qui n’est assujetti à aucun contrôle. Aucune disposition du présent acte de fiducie n’impose au protecteur une obligation de quelque genre que ce soit d’agir conformément aux dispositions du présent acte de fiducie. Le protecteur n’assumera aucune responsabilité quant aux pertes subies à l’égard des biens de la fiducie par suite de ses décisions ou de ses actes (ou omissions).

 

          (2) Le fiduciaire, le constituant et le protecteur

 

[61]    L’unique fiduciaire de chaque fiducie est St. Michael Trust Corp. (« St. Michael »). St. Michael est constituée en personne morale; elle est enregistrée à la Barbade et elle est réglementée par la banque centrale de la Barbade.

 

[62]    St. Michael a commencé à exercer ses activités vers l’année 1987. À ce moment‑là, ses actions appartenaient aux associés d’un cabinet comptable de la Barbade, appelé Price Waterhouse. Par la suite, ce cabinet a fusionné avec un autre cabinet comptable de la Barbade, Coopers & Lybrand, et les associés du cabinet de la Barbade issu de la fusion qui exerçait ses activités sous le nom de PricewaterhouseCoopers sont ensuite devenus propriétaires de St. Michael. La preuve ne montre pas clairement à quel moment la fusion a eu lieu, mais cela importe peu aux fins qui nous occupent. Pour plus de commodité, je désignerai le cabinet, avant et après la fusion, sous le nom de PwC‑Barbade.

 

[63]    En 2002, PwC-Barbade a vendu les actions de St. Michael à Oceanic Bank & Trust, une banque située aux Bahamas. Au mois de janvier 2008, St. Michael a encore une fois été vendue à Premier Bank International NV, une banque située à Curaçao.

 

[64]    Pendant la période où PwC‑Barbade était propriétaire de St. Michael (de 1987 à 2002), le cabinet comptable exploitait St. Michael par l’entremise de sa division responsable des fiducies. St. Michael n’avait pas elle‑même d’employés.

 

[65]    Les personnes, au sein de PwC‑Barbade, qui, en 1998, s’occupaient de Summersby et de Fundy pour le compte de St. Michael étaient Peter Jesson, qui était associé fiscaliste chez PwC‑Barbade ainsi qu’administrateur de St. Michael, et Jim Knott, qui était le directeur général de St. Michael.

 

[66]    Il y a un certain temps que M. Jesson ne travaille plus chez PwC‑Barbade. M. Jesson a exercé sa profession chez PricewaterhouseCoopers, au Canada, pendant un certain temps et il a ensuite pris sa retraite. La preuve ne montre pas clairement à quel moment M. Jesson a cessé de s’occuper des fiducies.

 

[67]    M. Knott s’est occupé de Summersby et de Fundy jusqu’à sa retraite, le 30 juin 2003. Ian Hutchinson a pris sa relève.

 

[68]    À l’heure actuelle, M. Hutchinson est président de St. Michael, dont il est administrateur. Il est encore le principal responsable de Summersby et de Fundy pour le compte de St. Michael.

 

[69]    M. Hutchinson travaillait comme comptable chez Coopers & Lybrand, à la Barbade. En 1999, il est passé à la division chargée des fiducies, chez PwC‑Barbade, et avant d’assumer les fonctions de M. Knott, en 2003, il ne s’occupait que très peu de Summersby et de Fundy[3]. M. Hutchinson a décrit ses activités, avant 2003, comme consistant à [traduction] « enregistrer les placements ».

 

[70]    Le constituant de chaque fiducie était Paul Ambrose, un ami de M. Garron qui vit à Saint‑Vincent, une île située à proximité de la Barbade.

 

[71]    Le protecteur de chaque fiducie est Julian Gill, un autre ami de M. Garron, qui vit également à Saint‑Vincent.

 

          (3) Les notes de service concernant les intentions du fiduciaire

 

[72]    Peu de temps après la création des fiducies, M. Jesson a rédigé, pour chaque fiducie, une note de service interne énonçant les intentions du fiduciaire. Les notes de service sont reproduites au complet à l’annexe III.

 

(4) Les opérations effectuées par les fiducies

 

[73]    Les appelants n’ont pas fourni d’éléments de preuve détaillés au sujet de l’ensemble des opérations effectuées par les fiducies. Voici un résumé général des principales opérations dans la mesure où je puis les établir :

 

Opérations effectuées par Summersby :

 

·        avril 1998 – acquisition d’actions de 325 moyennant une contrepartie symbolique;

 

·        août 2000 – vente de la majorité des actions de 325 en faveur d’Oak Hill moyennant un produit en espèces de 240 366 978 $. Summersby a conservé une participation d’une valeur de 25 000 000 $;

 

·        août 2000 – dépôt du produit de la vente reçu en espèces dans un compte bancaire chez UBS (Bahamas) Ltd.;

 

·        août 2000 – remise des actions de 325 qui avaient été conservées à une nouvelle fiducie comportant les mêmes bénéficiaires que dans le cas de Summersby et dont St. Michael était fiduciaire;

 

·        fin de l’année 2000 – remise d’environ 90 p. 100 du produit reçu en espèces par Summersby et du revenu gagné sur ce produit à une nouvelle fiducie, Sandfield Settlement, dont les bénéficiaires étaient les mêmes que dans le cas de Summersby ou des bénéficiaires similaires. Le fiduciaire de Sandfield Settlement était Abacus Bank and Trust Ltd., qui appartenait également aux associés de PwC‑Barbade. Sandfield Settlement était admissible à titre de fiducie internationale à la Barbade, de sorte qu’à la Barbade, elle était exemptée d’impôt sur le revenu de placement;

 

·        années 2000‑2003 – placement de l’argent que Summersby avait reçu dans des obligations d’État et dans des effets similaires sur les conseils de Graham Carter, de CAP Advisers Inc., à Toronto;

 

·        vers 2004 – choix du cabinet Cranston, Gaskin, O’Reilly & Vernon (« CGOV »), à Toronto, comme gestionnaire de placement de Summersby. La politique de placement que CGOV a suivie a été élaborée par M. Dunin et par Colin Carleton, un conseiller établi à Toronto.

 

Opérations effectuées par Fundy :

 

·        avril 1998 – acquisition d’actions de 333 moyennant une contrepartie symbolique;

 

·        août 2000 – vente d’actions de 333 moyennant un produit en espèces de 217 118 436 $;

 

·        août 2000 – dépôt du produit de la vente reçu en espèces à la Barclays Bank PLC (Barbade);

 

·        fin de l’année 2000 – remise d’environ 90 p. 100 de l’argent reçu par Fundy et du revenu gagné sur ce produit à une nouvelle fiducie, Tidal 2000 Trust, dont les bénéficiaires étaient les mêmes que dans le cas de Fundy ou des bénéficiaires similaires. La structure de Tidal 2000 Trust était semblable à celle de Sandfield Settlement;

 

·        vers 2001 – début de la gestion des biens de Fundy par une équipe de gestionnaires de placement supervisée par Doug Farley, de Guardian Capital Advisers Inc., à Toronto.

 

[74]    Les placements n’étaient pas toujours effectués par Summersby et par Fundy directement. À un moment donné, les placements étaient effectués par des sociétés constituées en personnes morales dans les îles Vierges britanniques (les « IVB »). Summersby et Fundy détenaient des actions ordinaires et des actions privilégiées de ces sociétés.

 

[75]    Fort peu de détails ont été fournis au sujet des sociétés des IVB. Selon l’une des pièces, la société qui plaçait les biens de Fundy avait été constituée en personne morale le 12 avril 2001; M. Knott et M. Hutchinson étaient administrateurs de cette société au moment où M. Knott a pris sa retraite (pièce R‑1, onglet 135).

 

[76]    En plus des placements susmentionnés, le produit en espèces que Summersby avait reçu a en partie été transféré à d’autres fiducies, à la demande de M. Dunin, au profit de M. Dunin et de sa famille. Les fonds ont servi aux fins suivantes :

 

·        un placement immobilier de 20 000 000 $ composé d’un terrain adjacent à la maison de la famille Dunin, près de Toronto;

 

·        deux placements immobiliers composés d’îles des Bahamas, qui ont été achetées au prix global de 5 000 000 $. Ces propriétés sont détenues pour l’usage personnel de la famille Dunin et à des fins de placement.

 

E. La valeur de PMPL au moment de la réorganisation de 1998

 

[77]    Les appelants et le ministre ont chacun présenté une preuve au sujet de la juste valeur marchande de toutes les actions de PMPL au 6 avril 1998, soit la date à laquelle les actions ordinaires de PMPL ont été converties en actions privilégiées à valeur fixe.

 

[78]    En établissant les cotisations, le ministre a supposé que la juste valeur marchande des actions privilégiées de PMPL, au 6 avril 1998, était de beaucoup supérieure à 50 000 000 $.

 

[79]    L’expert en évaluation du ministre, Howard E. Johnson, de Campbell Valuation Partners Ltd., a fixé la valeur de toutes les actions de PMPL à 102 000 000 $. Il n’a pas évalué les différentes catégories d’actions.

 

[80]    Je tiens à mentionner que cette évaluation était assujettie à plusieurs restrictions, réserves et hypothèses. En particulier, M. Johnson, dans son rapport, a noté que certains renseignements lui avaient été fournis par la direction et qu’ils n’avaient pas été vérifiés d’une façon indépendante ([traduction] « Rapport d’évaluation Campbell », annexe F).

 

[81]    L’expert en évaluation des appelants était Peter Hatges, président de KPMG Corporate Finance Inc., à Toronto. À son avis, la juste valeur marchande de toutes les actions de PMPL, au 6 avril 1998, était de 50 000 000 $.

 

[82]    L’opinion de M. Hatges était en bonne partie fondée sur une évaluation qu’il avait préparée en 1998 afin d’aider PMPL à fixer le prix de rachat des actions privilégiées comme l’exigeaient les conditions relatives aux actions dans les statuts de modification.

 

[83]    Les évaluations des deux experts sont de beaucoup inférieures aux évaluations utilisées aux fins des négociations ultérieures par des parties sans lien de dépendance. Au mois de décembre 1998. M. Dunin a proposé une valeur de 400 000 000 $ à Sarna. Au mois d’août 1999, un rapport d’Arthur Anderson mentionnait ce qui suit (pièce R‑1, onglet 69‑2) :

 

[traduction]

 

Compte tenu de notre vérification au préalable et d’autres analyses, nous croyons toujours que Progressive pourrait obtenir une valeur nette supérieure à 500 millions de dollars.

 

[84]    Malgré cette différence, l’avocate du ministre n’a pas soutenu que la valeur de PMPL était supérieure à 102 000 000 $ au 6 avril 1998. Je tiens à faire remarquer que l’expert du ministre a donné une explication détaillée de la raison de cet important écart. Au moment pertinent, PMPL était une société en transition, et en fin de compte, PMPL allait connaître un essor phénoménal qui n’était pas entièrement prévisible le 6 avril 1998.

 

[85]    J’aimerais en particulier faire remarquer que la réorganisation de 1998 a eu lieu à un moment où PMPL était en train de lancer deux gammes de produits importantes pour General Motors. Il s’agissait des tableaux de bord désignés comme étant le GMT800 et le GMT425. Lors de la réorganisation de 1998, ces nouvelles gammes de produits comportaient certains risques sur le plan commercial.

 

[86]    J’examinerai maintenant l’opinion de M. Hatges, dont les hypothèses factuelles étaient en partie étayées par le témoignage de M. Dunin.

 

[87]    Selon moi, l’opinion de M. Hatges n’est pas convaincante. Dans l’ensemble, son rapport et son témoignage semblaient mettre énormément l’accent sur les défis que PMPL devait relever sur le plan commercial et ne mettaient pas suffisamment l’accent sur les occasions d’affaires.

 

[88]    L’opinion que M. Hatges a exprimée au sujet des nouvelles gammes de produits GMT800 et GMT425 en est un exemple. De l’avis de M. Hatges, un acheteur éventuel n’accorderait pas de valeur au potentiel de rentabilité de l’une ou l’autre des gammes. Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je ne suis pas convaincue du caractère raisonnable de cette opinion.

 

[89]    Le contrat GMT800 avait été accordé par General Motors environ trois ans plus tôt, et au moment de l’évaluation, les gammes de produits devaient être lancées quelques mois plus tard. Je reconnais que, au moment pertinent, ces gammes de produits comportaient certains risques commerciaux, mais je ne suis pas convaincue que M. Hatges a accordé suffisamment de poids à son potentiel de rentabilité.

 

[90]    Quant à l’autre nouvelle gamme de produits, le GMT425, ce tableau de bord était déjà à l’étape de la production, mais au moment pertinent, General Motors et PMPL ne s’entendaient pas sur le prix à fixer. Je reconnais que ce différend entraînerait une baisse de valeur, mais l’ensemble de la preuve mise à ma disposition m’amène à conclure que M. Hatges a surestimé le risque pour cette gamme de produits.

 

[91]    Je tiens également à mentionner un autre sujet de préoccupation, à savoir si M. Hatges a exprimé une opinion indépendante. En effet, M. Hatges travaillait pour KPMG ou pour KPMG Corporate Finance Inc. pendant toute la période pertinente. Or, KPMG entretenait d’étroites relations d’affaires avec PMPL en sa qualité de vérificateur de PMPL en 1998, et le cabinet avait également fourni des avis fiscaux à M. Dunin et à M. Garron.

 

[92]    Une autre préoccupation se rapporte au fait qu’en exprimant une opinion aux fins des présents appels, M. Hatges défendait essentiellement l’évaluation qu’il avait antérieurement préparée pour PMPL afin de faciliter la réorganisation de 1998.

 

[93]    J’examinerai maintenant l’opinion de M. Johnson. Le rapport et le témoignage de M. Johnson me semblent impartiaux et exhaustifs.

 

[94]    Les appelants ont critiqué l’opinion de M. Johnson parce que celui‑ci avait tenu compte de renseignements qui n’étaient pas disponibles à la date d’évaluation du 6 avril 1998. Ainsi, certaines prévisions financières n’étaient pas disponibles au moment pertinent.

 

[95]    Je reconnais que l’utilisation de renseignements subséquents constitue une faiblesse dans la méthode employée par M. Johnson, mais il convenait pour M. Johnson de tenir d’une façon ou d’une autre compte de la rentabilité future prévue. Rien ne me permet de conclure que l’utilisation de ces renseignements par M. Johnson a entraîné une évaluation beaucoup trop élevée.

 

[96]    Où cela nous mène‑t‑il? Je suis arrivée à la conclusion selon laquelle la juste valeur marchande de toutes les actions de PMPL au 6 avril 1998 était de beaucoup supérieure à 50 000 000 $. Étant donné qu’il n’est pas nécessaire, dans la présente décision, d’établir une valeur réelle, je m’abstiendrai de le faire.

 

F. Les autres faits

 

[97]    Les gains réalisés par les fiducies lors de la vente en faveur d’Oak Hill n’étaient pas assujettis à un impôt sur le revenu à la Barbade.

 

[98]    Summersby et Fundy étaient assujetties à l’impôt sur le revenu à la Barbade en ce qui concerne le revenu gagné au cours d’une année (et non sur les gains en capital) à moins que le revenu n’ait été distribué au cours de l’année. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, en 2000, les fiducies ont distribué presque tout leur revenu de placement.

 

[99]    Les actions privilégiées de PMPL créées lors de la réorganisation de 1998 étaient rachetables au gré de PMPL et de leurs détenteurs (DHI et GHL). Toutefois, si l’un des détenteurs s’opposait à un rachat d’actions demandé par l’autre, les actions privilégiées n’étaient pas rachetées à ce moment‑là. Toutes les actions privilégiées commençaient alors à accumuler un dividende fixe.

 

[100]  Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le ministre a présenté la preuve de M. Johnson au sujet de la valeur d’une option hypothétique en vue d’acquérir toutes les actions de PMPL. Il était estimé que l’option était de l’ordre de 2 400 000 $ à 21 600 000 $. 

 

[101]  Cet élément de preuve a été fourni à l’appui de l’argument du ministre selon lequel les actions ordinaires acquises par les fiducies avaient une valeur considérable lorsqu’elles avaient été émises.

 

[102]  Il m’est difficile de sauter à la conclusion tirée par le ministre, lorsqu’il affirme que la valeur d’une option représente la valeur des actions acquises par les fiducies. Je comprendrais mieux l’analogie si les actions privilégiées de PMPL n’étaient pas immédiatement rachetables au gré de la société ou du détenteur (ou ne comportaient pas de dividendes). L’une des principales hypothèses sur laquelle M. Johnson s’est fondé en évaluant l’option est la période pendant laquelle l’option pouvait être levée.

 

IV. Le premier point en litige – Les fiducies résident‑elles au Canada selon les principes généraux?

 

A. Aperçu de l’exemption prévue par l’Accord

 

[103]  Les appelants soutiennent que les fiducies ont droit à l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) de l’Accord. Il vaut la peine de reproduire encore une fois cette disposition :

 

4. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

 

[104]  L’expression « résident d’un État contractant » a un sens précis pour l’application de l’Accord. Le paragraphe IV(1) de l’Accord prévoit ce qui suit :

 

1.  Au sens du présent Accord, l’expression « résident d’un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, et les expressions « résident du Canada » et « résident de la Barbade » ont le sens correspondant.

 

[105]  Compte tenu de la définition, chacune des fiducies est un « résident du Canada » pour l’application de l’Accord si elle est assujettie à l’impôt au Canada en raison de sa résidence ou de l’un des autres critères énumérés.

 

[106]  Le critère est le même lorsqu’il s’agit de décider si les fiducies résident à la Barbade.  

 

B. Les fiducies résident-elles à la Barbade?

 

[107]  Les appelants soutiennent que les fiducies résident à la Barbade pour l’application de l’Accord.

 

[108]  Le ministre n’a pas exprimé d’opinion d’une façon ou de l’autre sur ce point; il a fait remarquer que l’application de la disposition de départage de la résidence figurant dans l’Accord n’a pas été déclenchée par une entente entre les autorités compétentes.

 

[109]  Étant donné que le ministre n’a pas soulevé la question, je ne me fonderai pas sur la question de savoir si les fiducies résidaient à la Barbade afin de trancher les appels.

 

[110]  Néanmoins, il peut être utile de faire un résumé de la preuve qui a été soumise au sujet de la résidence à la Barbade.

 

[111]  Les appelants ont présenté une preuve d’expert sous la forme du témoignage de Mary Mahabir, avocate à la Barbade. À son avis, les fiducies résident à la Barbade pour l’application de l’Accord parce qu’elles résident à la Barbade en vertu de la législation fiscale interne de ce pays et qu’elles sont assujetties à une assiette fiscale des plus complètes dans ce pays. En fait, cette opinion se rapportait uniquement à la législation pertinente, comme il se devait. Les faits nécessaires à l’appui de l’opinion étaient fondés sur des hypothèses.

 

[112]  Me Mahabir a au départ déclaré, en exprimant son opinion au sujet du droit fiscal interne de la Barbade, qu’il n’y avait à la Barbade aucun précédent ni aucune loi traitant de la résidence d’une fiducie.

 

[113]  Malgré l’absence de précédent à la Barbade, Me Mahabir était d’avis qu’en vertu de la common law, la résidence d’une fiducie est fonction du lieu de résidence des fiduciaires, compte tenu de l’hypothèse selon laquelle le contrôle et l’administration de la fiducie étaient effectués à cet endroit par les fiduciaires résidents.

 

[114]  Je ferai deux remarques au sujet de cette opinion.

 

[115]  En premier lieu, Me Mahabir a déclaré, lors du contre‑interrogatoire, que son opinion était basée sur l’hypothèse selon laquelle St. Michael exerçait sa fonction de fiduciaire d’une façon compatible avec ses obligations fiduciaires et compte tenu du fait que seule St. Michael exerçait un contrôle sur la gestion et sur l’administration des fiducies à la Barbade. Me Mahabir n’a pas procédé à une enquête indépendante sur ce point, et elle a reconnu que son opinion pourrait être différente si ce n’était pas le cas.

 

[116]  En second lieu, quant à l’opinion qu’elle a exprimée au sujet du critère de la common law, Me Mahabir renvoie à deux auteurs à l’appui.

 

[117]  Dans une référence, l’auteur soutient que la Barbade suivrait les principes énoncés dans la décision canadienne Thibodeau, mentionnée ci‑dessous, ainsi que dans la politique administrative canadienne. Sur ce point, Me Mahabir fait les commentaires suivants :

 

[traduction]

 

[Le critère de common law susmentionné] est conforme à l’approche adoptée par le professeur Gilbert Kodilinye, dans l’ouvrage intitulé Commonwealth Caribbean Trusts Law, lorsqu’il a déclaré que « [...] Ces principes d’interprétation de la résidence d’une fiducie [énoncés dans la décision canadienne faisant autorité Fiducie de la famille Thibodeau c. La Reine et dans le bulletin d’interprétation IT‑447 intitulé Résidence d’une fiducie ou succession, 30 mai 1980*] se voient accorder toute l’importance voulue et sont entièrement acceptés dans les ressorts des Antilles qui sont membres du Commonwealth […] ».

 

* Non révisé

 

[118]  L’autre référence à l’appui dont Me Mahabir a fait mention est d’une pertinence contestable. Me Mahabir renvoie à un extrait de Stanley & Clarke, Offshore Tax Planning (Londres, Butterworths, 1986), page 75. Cette référence semble porter sur un critère législatif de résidence plutôt que sur un critère de common law.

 

[119]  C’est pourquoi je mets en question la pertinence du renvoi à l’ouvrage Offshore Tax Planning. Il reste donc les textes canadiens faisant autorité mentionnés par Me Mahabir, à savoir la décision Thibodeau et la pratique administrative canadienne.

 

[120]  Compte tenu de l’opinion exprimée par Me Mahabir et des conclusions de fait énoncées ci‑dessous, il semble se poser une question sérieuse quant au bien‑fondé de la position des appelants selon laquelle les fiducies résident à la Barbade pour l’application de l’Accord. Comme la question n’a pas été soulevée, je ne me propose pas de faire des remarques additionnelles.

 

C. Les fiducies résident-elles au Canada?

 

          (1) Aperçu

 

[121]  En tranchant la question de la résidence canadienne pour l’application du paragraphe IV(1) de l’Accord, il faut se demander si les fiducies sont assujetties à l’impôt en vertu de la Loi en raison de la résidence ou de l’un des autres critères énumérés.

 

[122]  Selon le ministre, les fiducies sont assujetties à l’impôt en vertu de la Loi en raison de la résidence. Telle est la question à trancher.

 

[123]  En ce qui concerne la Loi, il n’existe pas de définition législative du mot « résident » qui soit ici pertinente. La résidence doit donc être interprétée conformément aux principes généraux.

 

(2) Positions des parties

 

[124]  Les appelants soutiennent que, pour l’application de la Loi, les fiducies ne résident pas au Canada selon les principes généraux.

 

[125]  Les appelants affirment en premier lieu que la résidence d’une fiducie est déterminée par la résidence du fiduciaire et que la gestion et le contrôle effectifs de la fiducie ne constituent pas une considération pertinente.

 

[126]  Il est soutenu que la décision qui fait autorité est celle que la Section de première instance de la Cour fédérale a rendue dans l’affaire Dill and Pearman, Trustees of the Thibodeau Family Trust v. The Queen, 78 DTC 6376 (« Thibodeau »).

 

[127]  Selon les appelants, la décision Thibodeau établit qu’une fiducie réside dans le ressort où réside le fiduciaire. En l’espèce, il n’est pas contesté que St. Michael, le fiduciaire, réside uniquement à la Barbade.

 

[128]  Il est en outre soutenu que, dans la décision Thibodeau, la Cour a conclu que le critère du centre de gestion et de contrôle (qui a toujours été appliqué lorsqu’il s’agissait de déterminer la résidence de sociétés) ne s’applique pas aux fiducies.

 

[129]  Subsidiairement, les appelants font valoir que la preuve établit que la gestion et le contrôle des fiducies relevaient en fait de St. Michael.

 

[130]  Pour sa part, le ministre affirme que Summersby et Fundy étaient respectivement contrôlées par M. Dunin et par M. Garron. St. Michael était un fiduciaire accommodant, est‑il soutenu, qui mettait en œuvre les décisions prises par M. Dunin ou pour le compte de M. Dunin, dans le cas de Summersby, et par M. Garron ou pour le compte de M. Garron, dans le cas de Fundy.

 

[131]  Il est soutenu que les fiducies devraient être considérées comme résidant au Canada eu égard à ces faits, selon le critère du centre de gestion et de contrôle qui a été retenu dans le cas des sociétés.

 

[132]  L’avocate du ministre reconnaît que, dans la décision Thibodeau, la Cour a rejeté le critère du centre de gestion et de contrôle dans une remarque incidente. Toutefois, l’avocate fait remarquer que le juge avait en fait pris ce facteur en compte en arrivant à la conclusion selon laquelle la fiducie de la famille Thibodeau ne résidait pas au Canada. Elle a soutenu que la décision Thibodeau est une décision [traduction] « inhabituelle » qui n’est pas très utile dans les présents appels.

 

[133]  Quant aux autres décisions faisant autorité, le ministre a invoqué deux décisions rendues par des commissaires spéciaux au Royaume‑Uni : Wensleydale’s Settlement Trustees v. Inland Revenue Commissioners, [1996] STC (SCD) 241 (« Wensleydale »); et Smallwood and Smallwood, Trustees of the Trevor Smallwood Trust, et al v. Commissioners for Revenue and Customs, [2008] UKSPC SPC0069 (« Smallwood »). Je crois comprendre que la décision Smallwood fait actuellement l’objet d’un appel, la décision des commissaires spéciaux ayant été annulée par la Haute cour de justice pour des motifs n’ayant rien à voir avec la question qui est ici en litige ([2009] EWHC 777 (Ch.)).

 

          (3) Quel est le critère à appliquer à la résidence d’une fiducie?

 

[134]  Un point de départ approprié aux fins de l’analyse consiste à examiner les décisions citées par les parties : Thibodeau, Wensleydale et Smallwood.

 

[135]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’ai conclu qu’aucune de ces décisions n’est très utile.

 

[136]  Premièrement, je ne puis souscrire à l’argument des appelants selon lequel la décision Thibodeau énonce, à l’égard de la résidence d’une fiducie, un critère fondé uniquement sur la résidence du fiduciaire.

 

[137]  Il ressort clairement des motifs énoncés dans la décision Thibodeau que le juge n’a pas tenté d’énoncer un critère général à l’égard de la résidence d’une fiducie. La décision était limitée aux faits particuliers de l’affaire. Voici ce que le juge a dit à la page 6386 :

 

Dans la présente affaire, […] seule peut être employée une formule judiciaire applicable aux faits de l’espèce, […].

 

[138]  Je tiens également à faire remarquer qu’eu égard aux faits particuliers de l’affaire Thibodeau, rien ne permet de conclure que la fiducie résidait au Canada. Dans cette affaire‑là, le ministre avait soutenu qu’un fiduciaire résidant au Canada contrôlait effectivement la fiducie de la famille Thibodeau, et ce, bien qu’il y ait eu deux autres fiduciaires résidant aux Bermudes. Le juge a rejeté cet argument et il a tiré une conclusion factuelle selon laquelle le fiduciaire canadien ne contrôlait pas la fiducie.

 

[139]  À mon avis, il serait erroné de conclure que la décision Thibodeau étaye la thèse selon laquelle la résidence d’un fiduciaire est toujours le facteur décisif lorsqu’il s’agit de déterminer la résidence d’une fiducie.

 

[140]  En l’espèce, la décision Thibodeau est plus pertinente en ce qui concerne la remarque incidente que le juge Gibson a faite en rejetant l’application aux fiducies du critère du centre de gestion et de contrôle.

 

[141]  La raison pour laquelle ce critère a été rejeté est énoncée en ces termes dans la décision Thibodeau, à la page 6385 :

 

            La formule judiciaire à cet égard, s’agissant d’une compagnie, ne peut, à mon avis, s’appliquer aux fiduciaires car les fiduciaires ne peuvent déléguer aucune partie de leur mandat à des co-fiduciaires. Un fiduciaire ne peut adopter la « politique d’inactivité [magistrale] » qui fait l’objet d’un commentaire dans Underhill on the Law of Trusts and Trustees, 12e édition, page 284, et d’après les éléments de preuve, aucun des fiduciaires n’a adopté une telle politique.

 

[142]  Si la remarque qui précède est censée s’appliquer dans tous les cas, indépendamment des circonstances et des faits particuliers, je dois dire que je ne peux malheureusement pas y souscrire.

 

[143]  Il est peut‑être exact de dire que les fiduciaires manqueraient généralement à leurs obligations fiduciaires s’ils adoptaient une politique d’« inactivité magistrale ». Cependant, il m’est difficile d’appliquer la remarque incidente eu égard aux circonstances dans leur ensemble parce qu’il est présumé que les fiduciaires se conforment toujours à leurs obligations fiduciaires.

 

[144]  Il était peut‑être bien raisonnable pour le juge Gibson de tirer cette conclusion eu égard aux faits particuliers portés à sa connaissance, mais il n’en est pas toujours ainsi.

 

[145]  Les faits, dans une décision que la Cour d’appel fédérale avait rendue peu de temps avant la décision Thibodeau, constituent un exemple d’un cas dans lequel les fiduciaires ne s’étaient peut‑être pas conformés à leurs obligations fiduciaires  : Robson Leather Company Ltd. v. MNR, 77 DTC 5106 (« Robson Leather »).

 

[146]  J’aimerais mentionner, en particulier, que l’argument qui a été retenu dans la décision Thibodeau, à savoir qu’il devrait être présumé que les fiduciaires se conforment à leurs obligations fiduciaires, a été rejeté par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Robson Leather. Or, cet arrêt n’a pas été cité dans la décision Thibodeau.

 

[147]  L’arrêt Robson Leather portait sur une opération entre parties sans lien de dépendance et non sur la résidence. Il s’agissait de savoir si un fiduciaire exerçait un contrôle de fait sur une fiducie, et ce, bien qu’il y ait eu d’autres fiduciaires.

 

[148]  Le contexte, dans l’affaire Robson Leather, est passablement différent, mais la décision est révélatrice parce que le degré de contrôle exercé par les fiduciaires a été examiné par la cour.

 

[149]  L’extrait pertinent de la décision rendue par le juge Urie dans l’affaire Robson Leather, page 5112, est reproduit ci‑dessous :

 

            [...] On a soutenu qu’il était impossible de présumer que les fiduciaires n’exécuteraient pas les obligations juridiques qui leur incombaient à titre de fiduciaires dans la formulation de leurs jugements sur des questions afférentes aux fiducies, mais suivraient plutôt les instructions de Robson et ce, simplement parce qu’il avait le pouvoir d’imposer le départ de l’un ou de l’autre des deux autres fiduciaires, ou même des deux s’ils ne se conformaient pas à sa volonté.

 

 

  Le savant juge de première instance a refusé d’accepter cet argument pour les motifs suivants :

 

[traduction]

 

      Toutefois, pour régler l’important litige dont je suis saisi, je dois regarder la réalité pratique et commerciale du fonctionnement de la fiducie. En exigeant le départ des fiduciaires ou même en menaçant de l’exiger, ou seulement parce que les co-fiduciaires savaient que M. Robson avait toujours le dernier mot à dire, je suis certain qu’aux fins pratiques et juridiques, ce dernier a contrôlé la fiducie et a donc contrôlé Robson Leather. J’ajoute une mise en garde, à savoir que le seul contrôle des actions (ou l’absence de ce contrôle) n’est pas nécessairement concluant; c’est un facteur à considérer lorsqu’on détermine si une opération a été traitée ou non « à distance ».

 

  Ces conclusions ont mon accord. […]

 

[150]  Quant à l’avis contraire exprimé par le juge dans la décision Thibodeau, il n’est pas sensé à mon avis de supposer que les fiduciaires se conformeront toujours à leurs obligations fiduciaires. Les circonstances et les faits particuliers doivent être pris en considération.    

 

[151]  Pour ces motifs, la décision Thibodeau ne constitue pas, à mon avis, un fondement solide pour rejeter la position prise par le ministre, selon laquelle la résidence doit être déterminée au moyen du critère du centre de gestion et de contrôle.

 

[152]  J’examinerai maintenant les décisions Wensleydale et Smallwood.

 

[153]  Il est possible de répondre brièvement à l’argument invoqué par le ministre à l’égard de ces décisions. L’avocate a reconnu que le critère de la résidence qui était pertinent dans ces décisions était un critère législatif plutôt qu’un critère de common law, mais elle soutient que les décisions sont néanmoins pertinentes étant donné que les tribunaux étaient influencés par le critère du centre de gestion et de contrôle.

 

[154]  Je ne souscris pas à cet argument. Il m’est impossible de conclure que ces décisions sont utiles lorsqu’il s’agit d’établir un critère de common law approprié à l’égard de la résidence d’une fiducie.

 

[155]  Puisque j’ai conclu que les décisions judiciaires citées par les deux avocats ne sont pas très utiles, je ferai également remarquer que mon propre examen de la jurisprudence et des ouvrages n’en a pas révélé beaucoup plus.

 

[156]  Compte tenu de cette lacune, comment faut‑il aborder la question de la résidence d’une fiducie?

 

[157]  Comme il en a ci‑dessus été fait mention, j’ai conclu que la décision Thibodeau ne fait pas suffisamment autorité pour me permettre de rejeter le critère du centre de gestion et de contrôle afin de trancher la question de la résidence d’une fiducie. En fait, comme je l’expliquerai ci‑dessous, il existe à mon avis d’excellentes raisons pour lesquelles le critère judiciaire qui a été élaboré à l’égard de la résidence dans le contexte des sociétés doit également s’appliquer aux fiducies.

 

[158]  Premièrement, le fondement de l’application de ce critère aux sociétés s’applique également dans le contexte des fiducies. Dans l’un des passages les plus fréquemment cités de la jurisprudence fiscale canadienne, les motifs pour lesquels ce critère a été adopté ont été énoncés par lord Loreburn dans l’arrêt De Beers Consolidated Mines Ltd. v. Howe, [1906] AC 455, page 458 :

 

[traduction]

 

[...] En appliquant la notion de résidence à une société, nous devons à mon avis faire le plus possible une analogie avec les particuliers. Une société ne peut pas manger ou dormir, mais elle peut avoir un siège et faire des affaires. Nous devrions donc nous demander où elle a réellement son siège et où elle fait réellement des affaires. Un particulier peut être de nationalité étrangère, tout en résidant au Royaume‑Uni. Il en va de même pour une société. Si ce n’était pas le cas, le siège de la direction et le centre des activités commerciales de la société pourraient se trouver en Angleterre sous la protection du droit anglais, tout en échappant à l’impôt approprié du simple fait que la société est enregistrée à l’étranger et qu’elle distribue ses dividendes à l’étranger. La décision rendue par le baron en chef Kelly et par le baron Huddleston dans l’affaire Calcutta Jute Mills v. Nicholson and the Cesena Sulphur Co. v. Nicholson ((1876) 1 Ex. D. 428), il y a maintenant trente ans, portait sur le principe selon lequel une société réside, aux fins de l’impôt sur le revenu, là où elle fait réellement des affaires. Il a depuis lors été donné suite à ces décisions. J’estime qu’il s’agit de la règle à suivre, et que les affaires se font réellement là où se trouve effectivement le centre de gestion et de contrôle.

 

  Il reste à décider si cette règle s’applique à la présente affaire. Il s’agit d’une simple question de fait à trancher, non selon l’interprétation d’un règlement administratif ou autre quelconque, mais en examinant le cours des activités de l’entreprise et des opérations commerciales.

[Non souligné dans l’original.]

 

[159]  Il existe d’importantes différences entre la nature juridique d’une fiducie et celle d’une société, mais lorsqu’il s’agit d’établir la résidence aux fins de l’impôt, les caractéristiques sont passablement similaires. La fonction de chacune consiste fondamentalement à gérer les biens.

 

[160]  Deuxièmement, l’adoption d’un critère de résidence similaire pour les fiducies et les sociétés favorise le respect des principes importants d’uniformité, de prévisibilité et d’équité dans l’application du droit fiscal.

 

[161]  Le législateur a laissé aux tribunaux la tâche d’élaborer un critère de résidence des fiducies au Canada. Si les tribunaux décident d’élaborer pour les fiducies un critère de résidence tout à fait différent de celui qu’ils ont élaboré pour les sociétés, il devrait y avoir de bonnes raisons de le faire. Or, je ne suis pas convaincue de l’existence de telles raisons.

 

[162]  Je conclus donc que le critère judiciaire de la résidence qui a été établi pour les sociétés doit également s’appliquer aux fiducies, avec les modifications qui s’imposent. Ce critère est celui de « l’endroit où se trouve effectivement le centre de gestion et de contrôle ».

 

[163]  Avant de passer à autre chose, j’aimerais mentionner qu’il existe un certain nombre de décisions canadiennes très anciennes dans lesquelles il a été conclu que le revenu d’une fiducie était imposable au Canada si le fiduciaire résidait au Canada, notamment : McLeod v. Min. of Customs & Excise, [1917-27] CTC 290, 1 DTC 85 (C.S.C.), MNR v. Royal Trust Co., [1928-34] CTC 129, 1 DTC 243 (C.P.), et MNR v. Holden, [1928-34] CTC 127, 1 DTC 234 (C.P.).

 

[164]  Ni l’un ni l’autre avocat n’a cité ces décisions, et ce, avec raison, selon moi. En effet, ces décisions ne sont plus utiles parce que, de nos jours, le régime législatif est fort différent de ce qu’il était au moment où ces décisions ont été rendues.

 

[165]  Dans l’ancienne jurisprudence, les tribunaux ont mis l’accent sur la résidence du fiduciaire parce que, à ce moment‑là, la législation fiscale ne visait pas à imposer les fiducies. C’étaient plutôt le fiduciaire ou les bénéficiaires qui étaient assujettis à l’impôt sur le revenu de fiducie.

 

[166]  Le régime législatif, en ce qui concerne l’imposition des fiducies, a évolué avec le temps. Selon le régime qui s’applique dans les présents appels, c’est la fiducie qui fait l’objet de l’impôt, quoique la nécessité de la participation du fiduciaire à certaines fins soit reconnue. Ce régime est essentiellement hybride, comme le montrent les paragraphes 104(1) et (2) de la Loi, qui sont reproduits à l’annexe.

 

[167]  Je souscris à la remarque que le juge Gibson a faite dans la décision Thibodeau, à savoir que l’article 104 n’est pas utile lorsqu’il s’agit de déterminer la résidence d’une fiducie (page 6377).

 

[168]  J’aimerais également mentionner que le régime législatif qui était en vigueur lorsque l’affaire Thibodeau a été tranchée était moins clair sur ce point qu’il ne l’est maintenant.

 

[169]  Au moment où la décision Thibodeau a été rendue, le paragraphe 104(1) prévoyait que le mot « fiducie » dans la Loi « s’entend[ait] » également du fiduciaire. À compter de l’année 1998, cette disposition a été modifiée en vue de prévoir que la mention d’une fiducie dans la Loi « va[lait] également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire ».

 

[170]  Pour ces motifs, je conclus que le critère du centre de gestion et de contrôle doit s’appliquer aux fins de la détermination de la résidence des fiducies pour l’application de la Loi. Il peut être soutenu qu’un membre de phrase tel que « âme dirigeante et gestion » est peut‑être plus descriptif, mais l’expression « centre de gestion et de contrôle » comporte l’avantage de promouvoir l’uniformité et la certitude. Il est souhaitable que le critère applicable aux sociétés et aux fiducies soit aussi similaire que les circonstances le permettent.

 

          (4) Qu’entend‑on par gestion et contrôle?

 

[171]  Avant d’appliquer le critère de la gestion et du contrôle aux faits de la présente affaire, il est utile de se demander comment d’autres tribunaux ont abordé la question.

 

[172]  À ma connaissance, le critère de la gestion et du contrôle n’a été appliqué, à ce jour, que dans le contexte des sociétés. Un examen des décisions judiciaires dans ce domaine donne à penser qu’il a habituellement été conclu que la gestion et le contrôle se trouvent au sein du conseil d’administration, et ce, même si des actionnaires ou d’autres personnes peuvent grandement influencer les administrateurs.

 

[173]  C’est ce qui ressort des quelques décisions canadiennes qui sont pertinentes. La décision la plus connue est peut‑être bien la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’affaire Birmount Holdings Ltd. v. The Queen, 78 DTC 6254, paragraphe 33.

 

[174]  Au Royaume‑Uni, la Cour d’appel a examiné la question assez récemment dans l’affaire Wood v. Holden, [2006] EWCA Civ 26, [2006] STC 443.

 

[175]  Dans l’affaire Wood v. Holden, il s’agissait de savoir si une société des Pays‑Bas, Eulalia, résidait au Royaume‑Uni selon le critère du centre de gestion et de contrôle. La Cour d’appel a décidé que la résidence d’Eulalia se trouvait aux Pays‑Bas, là où se trouvait son directeur général, ABN AMRO.

 

[176]  Le niveau préliminaire de prise de décision que la Cour d’appel a accepté pour le directeur général semble être peu élevé. En particulier, le fait qu’ABN AMRO ne possédait pas de renseignements pour prendre une décision éclairée ne semblait pas être un facteur important.

 

[177]  Les conclusions tirées par le lord juge Chadwick sont énoncées aux paragraphes 40 et 41 :

 

[traduction]

 

40.       À mon avis, le juge a eu raison de décider que la seule conclusion qu’il était loisible aux commissaires spéciaux de tirer, eu égard aux faits qu’ils avaient constatés, était qu’Eulalia résidait aux Pays‑Bas. Les commissaires spéciaux ont tiré deux conclusions de fait qui, me semble‑t‑il, mènent nécessairement à cette conclusion. La première (paragraphe 119 de leur décision) était que « les administrateurs d’Eulalia [...] n’étaient pas exclus ni tenus à l’écart étant donné que leurs représentants signaient ou validaient les documents ». Cette conclusion a pour effet d’exclure la présente affaire de la catégorie dont les faits de l’affaire Unit Construction Co Ltd. v. Bullock constituent un exemple. La seconde conclusion – qui est implicite dans la conclusion selon laquelle « leurs représentants signaient ou validaient les documents », mais qui a été explicitement énoncée dans l’observation suivante (paragraphe 134 de la décision des commissaires spéciaux) : « Du point de vue d’Eulalia, nous concluons qu’il n’y a rien de surprenant à ce que les administrateurs aient accepté l’entente rédigée par Price Waterhouse [...] » – était qu’ABN AMRO (le directeur général d’Eulalia), par l’entremise de M. Fricot et de M. Schmitz, avait signé et validé les documents (y compris la convention d’achat) et qu’elle doit donc en fait avoir décidé de le faire.

 

41.       Par suite de ces deux faits, il est impossible de considérer la présente affaire comme étant une affaire dans laquelle ABN AMRO, en sa qualité de directeur général d’Eulalia, ne prenait pas de décisions. Rien ne montrait que Price Waterhouse (ou quelqu’un d’autre) dictait la décision qu’ABN AMRO devait prendre, quoique, comme les commissaires spéciaux et le juge l’ont signalé, Price Waterhouse voulait qu’ABN AMRO prenne les décisions qu’elle prenait et s’attendait à ce qu’elle le fasse. Rien ne permettait de conclure que Price Waterhouse (ou quelqu’un d’autre) dictait à ABN AMRO la décision qu’elle devait prendre; et il est intrinsèquement peu probable qu’une grosse banque (ou sa société de fiducie) permette que ses actions soient dictées par les conseillers professionnels d’un client (aussi éminents soient‑ils). En fin de compte, la position qui a été prise était que rien n’empêchait ABN AMRO de décider d’accepter (pour le compte d’Eulalia) les conditions auxquelles les actions de Holdings étaient mises en vente par CIL; et il existe bon nombre de raisons pour lesquelles elle devait faire ce que l’on s’attendait qu’elle fasse.

 

[178]  Si le paragraphe 40 précité est considéré isolément, sans qu’il soit tenu compte du paragraphe 41, le critère de la gestion et du contrôle semble être habituellement respecté du simple fait que les documents sont signés.

 

[179]  Toutefois, les remarques qui suivent atténuent les remarques figurant au paragraphe 40. Au paragraphe 41, le juge fait remarquer que les actions d’ABN AMRO étaient raisonnables et que personne n’avait dicté ces actions.

 

[180]  Il est difficile, et peut‑être peu sage, de donner un énoncé définitif du principe en se fondant sur des décisions judiciaires portant sur la gestion et sur le contrôle, lesquelles dépendent fortement des faits qui leur sont propres. Toutefois, il est probablement juste de dire qu’afin de conclure que ce sont les actionnaires qui exercent les fonctions de gestion et de contrôle, les tribunaux exigent généralement quelque chose de plus que la preuve de l’influence exercée par un actionnaire.

 

[181]  Quant aux décisions judiciaires qui ont été rendues dans le contexte des fiducies, il est bon d’examiner la décision Smallwood.

 

[182]  L’affaire Smallwood se rapportait à une fiducie créée par M. Smallwood, un résident du Royaume‑Uni, à son profit et au profit de sa famille. Dans le but d’éviter l’impôt britannique sur une vente d’actions par la fiducie, on avait changé de fiduciaire, pour une brève période, en désignant une société, à Maurice. Il a été soutenu que la fiducie avait droit, selon la convention pertinente, à une exemption qui est semblable à celle qui est ici en cause.

 

[183]  La décision des commissaires spéciaux portait sur l’application d’une disposition de départage de la convention aux fins de la détermination de la résidence. Ce critère était le [traduction] « siège de direction effective » (le « SDE »).

 

[184]  Il a été conclu que la gestion effective était encore effectuée depuis le Royaume‑Uni, et ce, bien que le fiduciaire, à Maurice, eût pris les décisions de moindre importance. Au paragraphe 140, les commissaires spéciaux ont dit que l’administration de la fiducie était désormais effectuée depuis Maurice, mais que les décisions [traduction] « cruciales » étaient prises au Royaume‑Uni.

 

[185]  La décision des commissaires spéciaux est utile pour l’examen qui a été fait de la gestion effective d’une fiducie lorsque le choix du fiduciaire est une décision de nature purement fiscale.

 

[186]  Il importe de noter que cette décision a été annulée par la Haute cour de justice pour d’autres motifs. Je crois comprendre qu’un autre appel est en instance.

 

(5) L’application aux présents appels

 

[187]  Je me pencherai maintenant sur la question de l’application du critère de la gestion et du contrôle aux faits particuliers de la présente affaire.

 

[188]  Le moment pertinent auquel il faut établir la résidence est celui où les fiducies ont disposé des actions. Il est approprié d’examiner les faits et les circonstances qui existaient à ce moment‑là, mais il est également utile de les examiner sur une période plus longue. Cependant, j’ai accordé peu de poids aux circonstances et aux faits postérieurs à l’établissement des cotisations.

 

[189]  Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que St. Michael avait été choisie par M. Dunin et par M. Garron, ou par des conseillers agissant pour le compte de ceux‑ci, en vue de fournir des services administratifs à l’égard des fiducies. St. Michael était chargée de signer au besoin des documents et de fournir des services administratifs connexes. On ne s’attendait généralement pas à ce que St. Michael soit chargée de prendre d’autres décisions.

 

[190]  Je tiens à faire remarquer qu’aucun élément de preuve explicite n’établit la nature restreinte des fonctions de St. Michael. Dans le contexte de ces arrangements d’ordre fiscal, qui semblent avoir été minutieusement planifiés et mis en œuvre avec l’aide considérable d’avocats, on ne s’attendrait pas à ce que pareils éléments de preuve existent. La conclusion est fondée sur la preuve dans son ensemble, et notamment sur l’omission des appelants de fournir une preuve satisfaisante établissant le contraire.

 

[191]  Les arrangements dont il a été convenu au sujet du rôle de St. Michael n’étaient probablement pas consignés par écrit, mais ils avaient effectivement force exécutoire grâce à la capacité du protecteur de remplacer St. Michael comme fiduciaire au moyen du mécanisme y afférent. Ce mécanisme incluait la capacité de M. Dunin et de M. Garron, ainsi que de leurs épouses, de remplacer le protecteur.

 

[192]  La nature générale des prises de décisions qui seraient nécessaires pour administrer les fiducies aurait été comprise dès la création des fiducies. Ces décisions comprenaient l’achat et la vente de la participation des fiducies dans PMPL, le placement du produit reçu en espèces lors de la vente, la distribution de certains montants aux bénéficiaires et la prise de mesures appropriées visant à réduire au minimum le fardeau fiscal des fiducies.

 

[193]  Je mentionne les impôts en particulier parce que la structure générale semble comporter un grand nombre de fiducies et de sociétés.

 

[194]  Quels ont été les arrangements à l’égard de ces décisions? Je conclus que St. Michael avait fort probablement convenu au départ de donner suite aux recommandations de M. Dunin et de M. Garron. Je conclus en outre que M. Dunin et M. Garron avaient au départ compris que tels étaient les arrangements.  

 

[195]  Certains facteurs dont j’ai tenu compte pour conclure que le rôle de St. Michael était restreint sont énumérés ci‑dessous.

 

[196]  Premièrement, peu de temps après la création des fiducies, M. Jesson a rédigé des notes de service internes énonçant les intentions du fiduciaire. Il semble clair d’après ces documents, qui sont reproduits à l’annexe, qu’il y avait une entente selon laquelle le rôle de St. Michael serait plus restreint que celui qui était envisagé dans les actes de fiducie.

 

[197]  En particulier, les notes de service donnent à penser que St. Michael devait exercer ses fonctions administratives uniquement à l’égard de la vente de PMPL et qu’elle ne distribuerait pas d’argent aux membres de la famille de M. Dunin ou de M. Garron sans obtenir leurs consentements respectifs.

 

[198]  Deuxièmement, il y avait fort peu d’éléments de preuve indiquant la façon dont le placement du produit en espèces avait été effectué, mais les éléments de preuve existants donnent à penser que le placement avait été effectué sous la direction de M. Dunin et de M. Garron pour Summersby et pour Fundy respectivement.

 

[199]  La preuve révélait que les fiducies gérées par St. Michael avaient souvent recours aux conseillers en placement auxquels les bénéficiaires faisaient appel. Il a été soutenu que la chose était souhaitable afin de coordonner la stratégie de placement.

 

[200]  Le recours à cette pratique permettait non seulement l’utilisation d’une stratégie de placement coordonnée, mais il avait aussi pour résultat que les bénéficiaires pouvaient choisir les conseillers en placement pour les fiducies, que les conseillers eux‑mêmes pouvaient les mettre au fait de l’état des choses et que les bénéficiaires pouvaient donner des instructions aux conseillers. En outre, les conseillers pouvaient suivre ces instructions sans l’approbation du fiduciaire, selon les paramètres de placement qui leur étaient fournis. Bref, les bénéficiaires pouvaient à toutes fins utiles diriger l’activité de placement.

 

[201]  Summersby et Fundy agissaient probablement ainsi pendant qu’elles plaçaient les fonds directement. De plus, rien ne permet de penser que le placement des fonds par les sociétés des IVB était traité différemment.

 

[202]  J’aimerais également faire remarquer que la preuve ne me convainc pas que M. Dunin ou M. Garron ont eu recours aux conseillers initiaux en placement (M. Carter et M. Farley respectivement) pour leurs placements personnels avant la vente de PMPL. M. Dunin et M. Garron les ont peut‑être principalement choisis pour les placements des fiducies, plutôt que pour leurs propres placements.

 

[203]  En ce qui concerne M. Carter, il avait déjà participé aux activités de PMPL à cause de son expertise dans le domaine de l’assurance, et je note qu’il avait offert à M. Dunin et à DHI de gérer les placements au mois d’avril 2000 (pièce R‑1, onglet 85).

 

[204]  En ce qui concerne M. Farley, le témoignage suivant présenté par M. Garron lors de son interrogatoire principal est révélateur (pages 391 et 392 de la transcription) :

 

[traduction]

 

                        Q.        Selon un fait qui a été admis, Berna et vous‑même ainsi que la fiducie de la famille Garron avez reçu 25 millions de dollars d’Oak Hill, n’est‑ce pas?

 

                        R.         Oui.

 

                        Q.        Qu’avez-vous fait et qu’est-ce que Berna et la fiducie de la famille Garron ont fait des 25 millions de dollars?

 

                        R.         Nous avons donné une partie de l’argent à nos deux garçons et nous avons ensuite établi une fondation.

 

                        Q.        Quel genre de fondation?

 

                        R.         Une fondation de bienfaisance, principalement de nature médicale.

 

                        Q.        Avez-vous conservé une partie de l’argent pour vous‑même?

 

                        R.         Oui.

 

                        Q.        Qu’avez-vous fait des fonds que vous avez conservés?

 

                        R.         Je les ai placés, principalement dans des actions.

 

                        Q.        Avez-vous recours à des conseillers en placement pour ces placements personnels?

 

                        R.         Non, pas pour choisir les placements, non.

 

                        Q.        Vous ne le faites-pas?

 

                        R.         Non.

 

                        Q.        Avez-vous parfois recours à des conseillers en placement, personnellement?

 

                        R.         Oui. J’ai confié certains fonds à Guardian Capital.

 

[205]  Troisièmement, en ce qui concerne les stratégies fiscales mises en œuvre par Summersby et par Fundy, le cabinet Thorsteinssons a probablement assumé un rôle crucial dans la coordination de l’équipe de conseillers professionnels. Le cabinet Thorsteinssons agissait à titre de conseiller fiscal pour les fiducies, pour M. Dunin et pour M. Garron. Les programmes de minimisation de l’impôt ont sans aucun doute été élaborés par l’équipe de conseillers fiscaux, notamment PwC‑Barbade, sous la direction, expresse ou autre, de M. Dunin pour Summersby et de M. Garron pour Fundy.

 

[206]  Quatrièmement, les appelants n’ont produit presque aucun document étayant leur point de vue, lorsqu’ils ont affirmé que St. Michael avait assumé un rôle actif dans la gestion des fiducies. Presque tous les documents que les appelants ont produits étaient composés d’ententes formelles, de comptes de fiduciaire et de déclarations de revenus.

 

[207]  Cinquièmement, la preuve documentaire produite par le ministre, qui comprend quatre relieurs de correspondance et d’autres documents, est généralement compatible avec la conclusion susmentionnée. En particulier, il existe fort peu de preuves documentaires montrant que St. Michael participait aux affaires des fiducies si ce n’est pour signer les ententes ainsi que pour s’occuper des questions administratives, comptables et fiscales.

 

[208]  Une autre considération pertinente est que, de l’année 1998 à l’année 2002, St. Michael était une division d’un cabinet comptable. St. Michael a probablement été formée en vue de fournir des services venant s’ajouter à ses principaux domaines de pratique et, en particulier, des services fiscaux. Il semble que PwC‑Barbade ait fourni d’importants conseils fiscaux au sujet de l’ensemble de la structure étrangère des biens détenus par les fiducies, et que PwC‑Barbade ait aidé PwC, à Toronto, à essayer de fournir d’autres services fiscaux.

 

[209]  PwC-Barbade possédait une vaste expertise en matière comptable et en matière fiscale, mais selon la preuve il est contestable qu’elle ait possédé de l’expertise dans la gestion d’actifs en fiducie.

 

[210]  Je note en particulier un courriel envoyé en 1999 par Brandon Fahy, de PwC‑Barbade, à Dean Levitt, de PwC, au Canada (pièce R‑1, onglet 70). Ce courriel donne à penser que M. Garron était peut‑être considéré à l’interne comme le [traduction] « client » à l’égard de Fundy. Le courriel est reproduit ci‑dessous en entier :

 

[traduction]

 

Nous avons un client qui réside au Canada qui recevra probablement un gros montant d’argent dans sa fiducie de la Barbade par suite d’un gel successoral (c.‑à‑d., par suite de la vente d’actions de Canco par la fiducie de la Barbade).

 

Le client pourrait communiquer avec vous afin d’obtenir des renseignements sur les gestionnaires de placement compte tenu de vos fonctions au sein du groupe consultatif en matière de placement. Il a fondamentalement besoin de conseils en ce qui concerne des gestionnaires étrangers qualifiés et veut savoir ce que PwC Toronto pourrait être en mesure de faire. Toutefois, la fiducie continuera d’être une non‑résidente du Canada et, selon les dispositions législatives fiscales canadiennes proposées à l’égard des fiducies, elle continuera à être exemptée de l’impôt canadien. À l’heure actuelle, le client a recours au cabinet Thorsteinssons à titre de conseiller fiscal pour la vente de la société.

 

S’il communique avec vous, veuillez m’en informer. Il s’appelle Myron Garron. Peter Jesson ainsi que Jim Knott ont aidé à organiser le gel successoral.

 

[211]  J’examinerai maintenant les témoignages oraux. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je conclus qu’ils sont compatibles avec la conclusion selon laquelle St. Michael avait un rôle restreint.

 

[212]  Seuls M. Dunin, M. Garron et M. Hutchinson ont été appelés à témoigner pour les appelants au sujet de la gestion et du contrôle des fiducies.

 

[213]  Le principal problème que posent ces témoignages est qu’ils ne donnaient pas une idée très claire des modalités de fonctionnement des fiducies. Les témoignages de M. Dunin et de M. Garron étaient intéressés et, à mon avis, ils étaient loin d’être complets, comme on peut s’y attendre.

 

[214]  Quant à M. Hutchinson, il avait une connaissance très limitée des fiducies au cours de la période la plus pertinente, lorsque St. Michael appartenait à PwC‑Barbade. Il n’avait pas vraiment pris part aux activités des fiducies avant de prendre la relève de M. Knott, au mois de juillet 2003.

 

[215]  Un grand nombre d’autres particuliers auraient pu nous éclairer sur ce point. La liste des témoins possibles comprend les personnes suivantes :

 

·        Paul Gibney, avocat fiscaliste du cabinet Thorsteinssons, à Toronto. M. Gibney aurait probablement été un témoin important parce qu’il semblait être le principal point de contact pour St. Michael ainsi que pour M. Dunin et pour M. Garron, en ce qui concerne toutes les questions intéressant les fiducies;

 

·        Stephen Bowman, avocat fiscaliste qui travaillait autrefois pour le cabinet Thorsteinssons, à Toronto. Il semble que M. Bowman ait eu un rôle important dans le cadre de la réorganisation de 1998. En particulier, M. Bowman s’est rendu à la Barbade avec M. Dunin en vue de rencontrer des fiduciaires éventuels. Ils ont notamment rencontré M. Jesson;

 

·        Peter Jesson, autrefois associé fiscaliste de PwC‑Barbade. M. Jesson était l’associé de PwC‑Barbade responsable pour le compte de St. Michael lorsque les fiducies ont été créées, et il a rédigé les notes de service énonçant les intentions des fiduciaires;

 

·        Jim Knott, autrefois directeur général de St. Michael. Il était responsable des activités quotidiennes des fiducies pour le compte de St. Michael;

 

·        Tim Carroll, du cabinet Arthur Anderson, à Chicago. Il était le principal conseiller lors de la vente de PMPL. Il aurait pu témoigner au sujet de la question de savoir s’il avait eu des discussions avec St. Michael au cours du processus de vente;

 

·        Doug Farley, de Guardian Capital, à Toronto. Il était le principal gestionnaire de placement pour Fundy;

 

·        Un représentant de Mercers, qui a mené le processus en vue de choisir les gestionnaires de placement pour Fundy;

 

·        Graham Carter, de CAP Advisers, à Toronto. Il a fourni des conseils en matière de placement au sujet des placements de Summersby, de l’année 2000 à l’année 2003;

 

·        Colin Carleton, conseiller de Summersby, qui a travaillé avec M. Dunin en vue d’élaborer une stratégie de placement vers l’année 2003;

 

·        Un représentant de CGOV, qui est devenu gestionnaire de placement pour Summersby en 2003;

 

·        Julian Gill, un ami de M. Garron et le protecteur des fiducies.

 

[216]  J’ai été informée qu’à l’heure actuelle, M. Knott vit en Espagne et qu’il ne voulait pas participer aux activités de St. Michael après avoir pris sa retraite, en 2003. Si l’on s’attendait à ce que le témoignage de M. Knott soit utile aux appelants, je me demande si d’autres mesures auraient pu être prises en vue d’obtenir son témoignage. Néanmoins, il y avait un grand nombre d’autres témoins possibles qui n’ont pas non plus témoigné.

 

[217]  Le fait qu’aucun autre témoin n’a été cité me préoccupe. Cela m’amène à conclure qu’aucun d’eux n’aurait fourni une preuve favorable aux appelants.

 

[218]  J’examinerai maintenant les témoignages oraux qui ont été présentés, à commencer par celui de M. Dunin.

 

[219]  M. Dunin est un homme d’affaires impressionnant, dont les réussites à l’égard de PMPL se passent de commentaires.

 

[220]  M. Dunin avait fort probablement une bonne compréhension conceptuelle du rôle restreint de St. Michael.

 

[221]  M. Dunin a témoigné qu’il croyait comprendre que St. Michael contrôlait les fiducies, mais je conclus que cette déclaration n’est pas sincère. M. Dunin a supervisé la vente de PMPL, il a choisi les conseillers en placement pour Summersby, et il a collaboré à l’élaboration de la stratégie de placement avec M. Carleton. En outre, M. Dunin et sa femme étaient effectivement en mesure de remplacer St. Michael n’importe quand.

 

[222]  M. Dunin a donné des explications au sujet de sa participation au processus de vente de PMPL en disant qu’il négociait la vente de PMPL et non des actions des sociétés de portefeuille détenues par les fiducies.

 

[223]  Cette explication n’est pas sensée étant donné le gros montant d’impôt canadien qui aurait été à payer si les actifs de PMPL, ou les actions de PMPL, avaient été vendus directement. M. Dunin aurait su qu’il négociait une vente d’actions par les fiducies.

 

[224]  Quant à la capacité de remplacer St. Michael, on pouvait le faire en demandant au protecteur de le faire, ou en remplaçant le protecteur s’il ne se conformait pas aux instructions. Rien ne montrait que le protecteur croyait que son rôle était autre que celui d’aider M. Dunin et M. Garron à exercer un contrôle sur les fiducies.

 

[225]  En témoignant, M. Dunin a donné l’impression qu’il s’intéressait peu à ce que St. Michael faisait réellement à l’égard de Summersby et qu’il ne cherchait pas à connaître les personnes, au sein de St. Michael, qui s’occupaient de Summersby.

 

[226]  Selon moi, ce manque d’intérêt apparent n’aide pas les appelants. Si St. Michael avait réellement un rôle fondamental dans la gestion de Summersby, M. Dunin se serait probablement fortement intéressé à ce que St. Michael faisait et aurait veillé à ce que les personnes qui s’occupaient de Summersby aient la compétence voulue pour assurer la gestion. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, rien ne montre que le personnel de PwC‑Barbade ait été qualifié pour exercer des fonctions de fiduciaire.

 

[227]  M. Dunin a témoigné que M. Garron traitait avec St. Michael à l’égard de Sarna et que M. Carroll traitait avec St. Michael à l’égard d’Oak Hill. Rien ne montre que ces hommes, ou quelqu’un d’autre, ait tenu St. Michael au courant de quoi que ce soit au sujet de ces opérations, sauf lorsqu’il était nécessaire de le faire pour que les ententes soient signées.

 

[228]  J’aimerais expressément faire des remarques au sujet du compte bancaire utilisé par Summersby, lequel était ouvert chez UBS, aux Bahamas. M. Dunin a témoigné qu’il n’était pas au courant de l’existence de ce compte bancaire. Je ne sais pas trop si M. Dunin voulait dire qu’il n’était pas au courant du nom de la banque ou du numéro de compte bancaire précis. Quoi qu’il en soit, la preuve donne à penser que le contact pour UBS a été fait à Toronto (pièce R‑1, onglet 102).

 

[229]  En ce qui concerne l’autre témoignage de M. Dunin, j’ai eu l’impression générale que, sur des points cruciaux, M. Dunin semblait choisir minutieusement ses mots, à un point tel que ses réponses étaient bien souvent des non-réponses. Je ne crois pas que les réponses qu’il a données ont permis de brosser un tableau complet de la situation.

 

[230]  Ainsi, lors du contre‑interrogatoire, les propos suivants ont été échangés au sujet des négociations que M. Dunin avait entamées avec Sarna (transcription, page 219) :

 

[traduction]

 

                        Q.        […] Afin d’assurer l’efficacité fiscale et d’éviter de payer de l’impôt, 325 et 333 devaient vendre les actions de PMPL à l’acheteur?

 

                        R.         Je ne crois pas que nous évitions l’impôt. Cette opération n’a pas eu lieu, mais lors de l’opération suivante, l’impôt a été payé. Il m’est difficile de dire que nous ne paierions pas d’impôt si la structure était en place, parce qu’un achat similaire avait eu lieu avec Oak Hill et que l’impôt avait été payé.

 

[231]  La réponse susmentionnée donne l’impression que l’impôt a été évité. Il semble qu’elle se rapportait au versement de l’impôt retenu conformément à l’article 116. Cependant, M. Dunin ne répond pas à la question qui a été posée, c’est‑à‑dire si la vente avec Sarna devait avoir lieu au niveau de la fiducie afin d’assurer l’efficacité fiscale de l’opération.

 

[232]  En outre, on a posé la question suivante à M. Dunin au sujet de la lettre d’intention de Sarna :

 

[traduction]

 

                        Q.        Était-ce l’idée de Sarna d’acheter les quatre actionnaires de PMPL?

 

                        R.         Oui, je le crois. C’est leur lettre.

 

[233]  M. Dunin était chargé des négociations avec Sarna. Il est insensé que Sarna offre d’elle‑même d’acheter les actions de 325 et de 333 plutôt que celles de PMPL. Selon moi, il ne s’agit pas d’une réponse sincère.

 

[234]  J’examinerai maintenant le témoignage de M. Garron.

 

[235]  Le témoignage de M. Garron était passablement bref et il n’a pas jeté beaucoup de lumière sur la façon dont Fundy était gérée et contrôlée.

 

[236]  Comme M. Dunin, M. Garron a donné l’impression qu’il s’intéressait peu à ce que St. Michael faisait. Il a déclaré que les quelques repas qu’il avait pris avec M. Knott, lorsqu’il était en vacances à la Barbade, étaient essentiellement des rencontres sociales. Cela est incompatible avec ce à quoi on s’attendrait si St. Michael devait avoir un rôle plus important dans la gestion des actifs de Fundy.

 

[237]  Je ne crois pas que M. Garron s’attendait à ce que St. Michael exerce un contrôle sur les actifs de Fundy. Ainsi, je note que la lettre de M. Fahy dont il a ci‑dessus été fait mention donnait à penser qu’il se pouvait que M. Garron assure le suivi au sujet des [traduction] « gestionnaires étrangers qualifiés » quant au produit de la vente que Fundy devait recevoir (pièce R‑1, onglet 70).

 

[238]  Il vaut peut-être la peine de mentionner que M. Garron était surpris d’apprendre que PMPL était évaluée à 400 000 000 $ aux fins des négociations avec Sarna. Je retiens ce témoignage parce que M. Garron ne participait pas activement aux opérations de PMPL en 1998 et qu’à ce moment‑là, les relations qu’il entretenait avec M. Dunin étaient tendues.

 

[239]  J’examinerai maintenant le témoignage de M. Hutchinson.

 

[240]  Dans son témoignage, M. Hutchinson était censé témoigner à titre de représentant de St. Michael. J’ai trouvé que cela créait bien de la confusion parce qu’il était souvent difficile de savoir si M. Hutchinson parlait de ce qu’il savait personnellement ou de ce qu’il avait lu dans l’un des dossiers de St. Michael.

 

[241]  M. Hutchinson aurait directement eu une excellente connaissance de la façon dont St. Michael fonctionnait à compter du moment où il a pris la relève de M. Knott au mois de juillet 2003. Toutefois, à ce moment‑là, St. Michael n’appartenait plus à PwC‑Barbade. En ce qui concerne la période antérieure, on ne sait pas trop jusqu’à quel point M. Hutchinson avait directement connaissance de la situation. Quant aux fiducies, M. Hutchinson a déclaré avoir examiné les dossiers que St. Michael possédait à l’égard des fiducies et il a déclaré avoir parlé à M. Knott en 2003 avant de prendre sa relève.

 

[242]  M. Hutchinson a témoigné au sujet de la façon dont St. Michael exerçait généralement ses fonctions et il a déclaré que St. Michael était au courant des obligations fiduciaires qui lui incombaient à l’égard des fiducies et qu’en général, St. Michael faisait preuve d’une diligence raisonnable.

 

[243]  Indépendamment du fait que M. Hutchinson ne savait peut‑être pas grand chose au sujet de St. Michael au cours de la période la plus pertinente, j’ai également conclu que son témoignage ne comportait pas suffisamment de détails pour être convaincant. Ainsi, il a déclaré que St. Michael avait effectué une vérification au préalable, mais il a donné fort peu de détails au sujet de ce qui était réellement fait sur ce plan.

 

[244]  Compte tenu de la preuve dans son ensemble (et de l’absence de preuve), la vérification au préalable effectuée par St. Michael était, selon toute probabilité, passablement restreinte.

 

[245]  En particulier, je note que M. Dunin a témoigné que Summersby n’avait pas de stratégie de placement avant qu’une telle stratégie soit élaborée avec M. Carleton en 2003. Cela donne à penser que la vérification au préalable, dont on pourrait s’attendre d’un fiduciaire professionnel expérimenté, n’a pas été effectuée après que le produit de la vente a été reçu d’Oak Hill.

 

[246]  M. Hutchinson a témoigné que les administrateurs de St. Michael devaient ratifier les mesures envisagées ou les mesures qui étaient prises pour le compte des fiducies. En outre, il a témoigné que l’on parlait aux administrateurs avant les réunions afin de leur donner les renseignements nécessaires, de façon qu’ils puissent approuver les opérations. Le processus d’approbation avait lieu avant ou après la conclusion des opérations.

 

[247]  L’approbation du conseil d’administration n’établit pas en soi qu’il y a eu vérification au préalable. Le fait que rien ne montre que St. Michael avait à sa disposition un grand nombre de renseignements au sujet des opérations qui étaient exécutées donne à penser que les administrateurs savaient que St. Michael devait avoir un rôle restreint à l’égard des fiducies, un rôle qui était essentiellement de nature administrative.

 

[248]  M. Hutchinson a témoigné être plus ou moins satisfait des conseillers de CAP Advisers parce que ses placements semblaient beaucoup trop prudents. Si la preuve est examinée dans son ensemble, il y a lieu de se demander si M. Hutchinson s’est fait cette idée de sa propre initiative, ou uniquement après que M. Gibney, du cabinet Thorsteinssons, lui eut fait savoir que M. Dunin travaillait avec M. Carleton à l’élaboration d’une stratégie de placement.

 

[249]  M. Hutchinson a témoigné croire qu’aucun rapport de placement pour Summersby ou pour d’autres fiducies Dunin n’avait été remis à M. Dunin. Selon moi, ce témoignage n’est pas sincère. Il est tout à fait insensé que l’on n’informe pas M. Dunin du résultat des placements des fiducies Dunin. M. Dunin a confirmé avoir vu les rapports.

 

[250]  En outre, une partie du témoignage de M. Hutchinson nous amène à nous demander jusqu’à quel point il était au courant des placements des fiducies. Ainsi, M. Hutchinson ne savait pas qu’un bien immeuble canadien appartenant à l’une des fiducies Dunin était adjacent à la maison de la famille Dunin, au Canada. M. Hutchinson ne semblait pas non plus avoir une connaissance détaillée de la difficulté que CGOV avait à mettre en œuvre la stratégie de placement que M. Dunin et M. Garron avaient élaborée.

 

[251]  Le témoignage que M. Hutchinson a présenté au sujet des notes de service énonçant les intentions du fiduciaire qui avaient été rédigées par M. Jesson est également préoccupant. Selon son témoignage, les notes de service sont compatibles avec l’obligation du fiduciaire d’agir au mieux des intérêts des bénéficiaires dans leur ensemble parce que les intérêts de M. Dunin et de M. Garron sont les mêmes que les intérêts des autres bénéficiaires de Summersby et de Fundy respectivement. Cela n’a aucun sens et je ne crois pas que la réponse soit crédible.

 

[252]  Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je conclus que la gestion et le contrôle des deux fiducies se trouvaient au Canada, à savoir que c’était M. Dunin dans le cas de Summersby et M. Garron dans le cas de Fundy qui en étaient responsables. C’était eux qui prenaient les décisions fondamentales au sujet des fiducies, directement ou indirectement, par l’entremise des conseillers qu’ils dirigeaient.

 

[253]  L’avocat des appelants a soutenu que, en raison des obligations fiduciaires imposées à St. Michael par la loi, il doit être présumé que St. Michael avait fait tout ce qu’il fallait faire afin de veiller à ce que les opérations effectuées par les fiducies soient au mieux des intérêts des bénéficiaires.

 

[254]  Je ne retiens pas cet argument.  

 

[255]  Si le fiduciaire de ces fiducies avait été une société de fiducie bien connue possédant une vaste expérience et expertise en matière de gestion de fiducie, une telle présomption aurait peut‑être bien été sensée. Toutefois, rien ne montre que PwC‑Barbade, qui exploitait St. Michael, possédait l’expertise voulue ou qu’elle avait beaucoup d’expérience dans ce domaine.

 

[256]  J’aimerais également mentionner qu’aux termes des actes de fiducie, la responsabilité du fiduciaire était généralement limitée aux cas de négligence ou d’omission volontaire. La responsabilité sur le plan juridique n’entrait probablement pas en ligne de compte en pratique.

 

[257]  L’avocat a également soutenu qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que les fiducies participent au processus de vente de PMPL parce que 325 et 333 détenaient uniquement des actions de PMPL sans droit de vote.

 

[258]  Je ne souscris pas non plus à cette prétention. Les sociétés 325 et 333 détenaient peut‑être bien des actions de PMPL sans droit de vote, mais ces actions représentaient l’ensemble de la valeur de la société. Le sens commun veut que M. Dunin ait mené les négociations pour le compte des fiducies.

 

[259]  L’avocat des appelants soutient que la distinction qui a été faite dans Wood v. Holden entre le fait [traduction] d’« influencer » et le fait de [traduction] « dicter » s’applique en l’espèce.

 

[260]  Je ne suis pas d’accord.

 

[261]  Dans la décision Wood v. Holden, il a été conclu que personne n’avait dicté les décisions que le directeur général avait prises. Toutefois, cette conclusion était fondée sur un grand nombre d’éléments de preuve portant sur la façon dont les décisions étaient prises. La Cour d’appel a cité, au paragraphe 31, le passage suivant de la décision rendue par la cour d’instance inférieure :

 

[traduction]

 

[…] Ils [M. et Mme Wood] ont démontré qu’à compter du moment où Eulalia avait été acquise par CIL, son directeur général était la fiducie [ABN AMRO], une grosse société néerlandaise ayant des bureaux à Amsterdam. Ils ont présenté une preuve au sujet des résolutions et des mesures corrélatives qui avaient été prises à Amsterdam. Ils ont reconnu que ce que faisait Eulalia faisait partie d’un stratagème fiscal qui était supervisé par Price Waterhouse, dans ses bureaux, à Manchester. Ils ont cité comme témoins des associés de Price Waterhouse qui, à ce moment‑là, étaient chefs des services de finances des sociétés et de fiscalité du cabinet, à Manchester. Ils ont produit une déclaration de témoin du chef [M. Wirix] du contentieux de la fiducie [ABN AMRO]. Ils ne s’opposaient pas à ce que l’appel soit ajourné afin de permettre au témoin de se présenter en personne pour être contre‑interrogé. Ils ont produit tous les documents qui existaient (comme je le suppose, et personne n’a soutenu que des documents avaient été supprimés). Les documents montraient que c’était Price Waterhouse qui donnait des conseils et qui exerçait une influence, mais ils n’en montraient pas plus. M. et Mme Wood ont pu souligner que le ministère du Revenu des Pays‑Bas avait déclaré au ministère du Revenu du Royaume‑Uni que la gestion effective d’Eulalia était assurée par la fiducie [ABN AMRO], « ce qui voulait dire que le domicile imposable d’Eulalia Holding BV est situé aux Pays‑Bas ». À coup sûr, à ce moment‑là, ils peuvent dire : « Nous en avons fait assez pour établir qu’Eulalia ne résidait pas au Royaume‑Uni. Qu’est‑ce que les commissaires spéciaux veulent de plus de nous? La charge de la preuve doit maintenant passer au ministère du Revenu qui doit produire des documents montrant que, malgré ce qui ressort de tout ce que nous avons produit, Eulalia résidait en fait au Royaume‑Uni ».

 

[262]  En revanche, en l’espèce, les appelants ont présenté fort peu d’éléments de preuve au sujet de la création et de l’exploitation des fiducies. Dans ces conditions, rien ne permet de conclure que St. Michael n’avait pas accepté d’assumer un rôle restreint dans la gestion des fiducies.

 

[263]  Malgré les savants arguments de l’avocat, je ne puis souscrire à ces prétentions.

 

[264]  Avant de passer à autre chose, j’aimerais faire certaines brèves remarques au sujet de la pertinence de la décision Smallwood.

 

[265]  La décision Smallwood portait sur le lieu de la gestion effective, soit l’expression employée dans la disposition de départage de la convention pertinente. Le critère semble être fort semblable à celui de la gestion et du contrôle.

 

[266]  À mon avis, il importe de noter que, dans l’affaire Smallwood, le fiduciaire, à Maurice, avait été mis en place depuis peu de temps et qu’il avait uniquement été désigné en vue de mettre en œuvre un seul achat et une seule vente d’actions. Les faits de la présente affaire sont différents à un point tel que la décision Smallwood n’est pas très utile.

 

[267]  Pour ces motifs, je conclus que le centre de gestion et de contrôle des fiducies se trouvait au Canada et que les fiducies résidaient au Canada pour l’application de l’Accord.

 

[268]  Cette conclusion est suffisante pour qu’il soit possible de trancher les appels, mais je ferai certaines remarques au sujet de certaines autres questions qui ont été soulevées.

 

V. Deuxième point en litige – Les fiducies résident‑elles au Canada en vertu de l’article 94?

 

A. Aperçu

 

[269]  L’article 94 de la Loi s’applique à certaines fiducies non résidentes et à leurs bénéficiaires. À cette fin, les fiducies non résidentes comprennent les fiducies qui seraient non‑résidentes si la Loi était lue indépendamment de l’article 94.

 

[270]  Le ministre soutient que l’article 94 s’applique à Summersby et à Fundy, de sorte qu’elles sont réputées être des personnes résidant au Canada.

 

[271]  Selon le ministre, les conséquences sont les suivantes : (1) les gains en capital réalisés par les fiducies par suite de la vente d’actions de 325 et de 333 sont assujettis à l’impôt au Canada en vertu de la Loi, et (2) les fiducies ne sont pas admissibles à l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) de l’Accord.

 

[272]  Les appelants contestent la position prise par le ministre au sujet de l’application de l’article 94 et de l’exemption prévue par l’Accord. Les deux questions seront examinées séparément.

 

B. L’article 94 s’applique‑t‑il?

 

          (1) Introduction

 

[273]  L’article 94 est une disposition inhabituelle; il est utile de comprendre l’historique qui a mené à son adoption.

 

[274]  Dans le Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité de 1966, la Commission a fait des remarques sur les problèmes qui se poseraient si l’on tentait d’imposer le revenu gagné par une fiducie non‑résidente. Un extrait de la page 618 du Rapport est reproduit ci‑dessous :

 

Les fiducies non résidantes. Il est fort possible que certains contribuables s’efforcent d’éviter l’impôt en créant des fiducies non résidantes qui recueilleraient le revenu et l’accumuleraient au profit de bénéficiaires canadiens. Cette opération peut constituer un défi important au fisc canadien à cause des possibilités de report d’impôt que comportent de tels procédés. Si les participations de bénéficiaires canadiens étaient soumises à des conditions ou à la discrétion des fiduciaires, il deviendrait parfois difficile d’élaborer une technique pour imposer, au Canada, un tel revenu selon une comptabilité d’exercice. Toutefois, dans la mesure où le revenu d’une fiducie non résidante serait payable ou dévolu à un bénéficiaire canadien, nous recommandons que ce revenu soit considéré comme un revenu de placement direct et assujetti à l’impôt suivant les règles que nous avons recommandées pour les autres revenus de placements directs à l’étranger.

 

[275]  La version de l’article 94 qui est pertinente en l’espèce vise à résoudre le problème défini par la Commission en prévoyant un régime d’imposition différent en fonction de la question de savoir si la participation du bénéficiaire est discrétionnaire ou non.

 

[276]  Une description générale de la façon dont la version pertinente doit s’appliquer, préparée par le ministre des Finances, est reproduite ci‑dessous[4] :

 

            L’article 94 prévoit deux méthodes d’imposition, qui dépendent des modalités de la fiducie non-résidente.

 

            Si la somme à distribuer au bénéficiaire de la fiducie dépend d’un pouvoir discrétionnaire, la fiducie est réputée, selon l’alinéa 94(1)c), résider au Canada pour l’application de la partie I de la Loi, et son revenu imposable est réputé, aux fins de l’impôt, correspondre au total de son revenu de source canadienne et de son revenu étranger accumulé, tiré de biens, le cas échéant. Les bénéficiaires sont solidairement responsables du paiement de l’impôt canadien de la fiducie. Toutefois, ils sont tenus de payer cet impôt uniquement si la fiducie leur a attribué un montant ou s’ils ont reçu le produit de la vente d’une participation dans la fiducie.

            Pour ce qui est des autres fiducies non-résidentes auxquelles l’article 94 s’applique, l’alinéa 94(1)d) prévoit qu’elles sont assujetties au même traitement que les sociétés non-résidentes. Si un bénéficiaire résidant au Canada détient dans la fiducie une participation dont la juste valeur marchande représente au moins 10 % de la juste valeur marchande totale de l’ensemble des participations dans la fiducie, celle-ci est réputée être une société étrangère affiliée contrôlée du bénéficiaire. Par conséquent, les règles régissant le revenu étranger accumulé, tiré de biens s’appliquent à la fiducie et au bénéficiaire, ce dernier devant ainsi inclure dans le calcul de son revenu une partie du revenu étranger accumulé, tiré de biens de la fiducie. […]

 

[277]  La méthode décrite ci‑dessus à l’alinéa 94(1)c) est celle qui est ici en cause. Les participations des bénéficiaires de Summersby et de Fundy sont fonction de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire.

 

          (2) L’application aux faits

 

[278]  Le ministre fait valoir que les fiducies sont assujetties à l’article 94 parce qu’elles ont chacune acquis un bien, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, d’une personne désignée à l’alinéa 94(1)b). Il est soutenu que Summersby a acquis un bien de M. Dunin et que Fundy a acquis un bien de M. Garron.

 

[279]  Les appelants ne souscrivent pas à l’avis selon lequel les fiducies ont acquis un bien de M. Dunin et de M. Garron. Ils affirment en outre que les gains réalisés par suite de la vente d’actions de 325 et de 333 ne sont pas un type de revenu qui est visé à l’article 94.

 

[280]  Il s’agit en premier lieu de savoir si un « bien » a été acquis. Le ministre affirme que le bien qui a été acquis est constitué de [traduction] « droits de croissance » dans PMPL. D’une façon fort simple, les appelants affirment de leur côté que les droits de croissance ne constituent pas un bien.

 

[281]  La Cour d’appel fédérale a examiné la question dans deux arrêts, The Queen v. Kieboom, 92 DTC 6382 et Romkey v. The Queen, 2000 DTC 6047.

 

[282]  Dans la décision Gehres v. The Queen, 2003 DTC 913 (C.C.I.), le juge Bowie décrit, au paragraphe 5, le principe qui ressort de ces deux arrêts :

 

[…] Selon ces décisions, [Kieboom et Romkey], une personne, qui par une série d’opérations cause la réduction de la valeur de sa participation dans une société et l’accroissement de la valeur d’un intérêt bénéficiaire détenu par ses enfants, effectue un transfert indirect de biens à ses enfants au sens du paragraphe 74.1(2).

 

[283]  L’avocate du ministre affirme que l’arrêt Romkey va encore plus loin en concluant qu’il y a un transfert de bien même s’il n’y a pas réduction de la valeur des actions de l’auteur du transfert.

 

[284]  À mon avis, l’arrêt Romkey laisse certaines questions en suspens sur ce point. Au paragraphe 20 des motifs de la décision, le juge Stone remet expressément à plus tard l’examen de cette question :

 

     […] ils ont avancé qu’ils ne détenaient aucun « avoir » et que, par conséquent, ils n’avaient aucun « bien » à transférer aux fiducies établies au profit des enfants. À la lumière de ce qui suit, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’émission des actions aux fiducies au moment où la société ne possédait peut‑être aucun actif constituait en soi un transfert de bien aux enfants.

 

[285]  Eu égard aux faits particuliers de la présente affaire, il n’est pas nécessaire de se demander si l’arrêt Romkey a élargi la portée du principe énoncé dans l’arrêt Kieboom étant donné qu’il y a eu un mouvement de valeur dans ce cas‑ci.

 

[286]  Les actions ordinaires de PMPL immédiatement avant la réorganisation de 1998 valaient beaucoup plus que 50 000 000 $. Ces actions ont ensuite été converties en actions privilégiées dont la valeur était moindre, la différence étant transmise aux nouvelles actions ordinaires émises en faveur de 325 et de 333.

 

[287]  Les actions privilégiées renfermaient un mécanisme de rajustement du prix, mais les appelants eux‑mêmes ont soutenu que la vente des actions privilégiées à Oak Hill pour la somme de 50 000 000 $ était raisonnable parce que le mécanisme de rajustement du prix n’avait pas encore entraîné un changement du prix de rachat[5].

 

[288]  Par conséquent, la réorganisation de 1998 a entraîné un mouvement des droits afférents aux actions attribuables à la participation existante, lesquels droits sont passés des anciens détenteurs d’actions ordinaires de PMPL aux nouveaux détenteurs d’actions ordinaires. Selon l’arrêt Kieboom, il s’agit d’un transfert de bien.

 

[289]  Il s’agit ensuite de savoir si le bien a été acquis par les fiducies, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, de M. Dunin et de M. Garron.

 

[290]  Sur ce point, je suis d’accord avec les appelants.

 

[291]  Les faits pertinents sont différents pour Fundy et pour Summersby. La situation de Fundy sera examinée en premier lieu.

 

[292]  Il s’agit de savoir si Fundy a acquis un bien de M. Garron. Je ne puis souscrire à l’avis du ministre lorsqu’il affirme que Fundy a ainsi acquis un bien.

 

[293]  Si le principe qui ressort de l’arrêt Kieboom est appliqué, c’était GHL qui avait transféré le bien en convertissant en actions privilégiées les actions ordinaires qu’elle détenait dans PMPL. La participation de M. Garron découlait simplement du fait qu’il était actionnaire de GHL. M. Garron n’a rien transféré, que ce soit directement ou indirectement.

 

[294]  Toutefois, les faits sont différents dans le cas de Summersby. Dans ce cas‑ci, M. Dunin détenait directement les actions de PMPL avant la réorganisation de 1998. L’une des premières étapes de la réorganisation consistait à transférer à DHI les actions que M. Dunin détenait dans PMPL. De cette façon, M. Dunin a indirectement transféré un droit sur un bien qu’il détenait dans PMPL dans le cadre de la réorganisation.

 

[295]  Une question plus difficile, en ce qui concerne Summersby, est de savoir si le bien, composé de droits afférents à PMPL, a été indirectement acquis par Summersby lorsque ce bien a été acquis par 325.

 

[296]  Les appelants affirment qu’une acquisition de bien par 325 n’est pas une acquisition de bien par Summersby. Ils soutiennent que le membre de phrase « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » est censé s’appliquer uniquement à la manière dont un transfert est effectué.

 

[297]  Le ministre affirme de son côté que les termes employés sont suffisamment généraux pour s’appliquer à la détention indirecte d’actions par l’entremise de sociétés de portefeuille.

 

[298]  Le membre de phrase « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » est fort ambigu. On ne sait pas trop laquelle de ces interprétations le législateur envisageait.

 

[299]  À mon avis, l’interprétation à retenir est l’interprétation la plus restrictive.

 

[300]  L’incertitude inhérente à la position prise par le ministre est particulièrement troublante. La détermination de la propriété d’un bien dans une chaîne de sociétés est une tâche obscure, dont les résultats ne sont pas clairs. Doit‑on aller au‑delà du premier palier de filiales? Qu’en est‑il d’une société qui n’est pas une société possédée en propriété exclusive? Doit‑on tenir compte du fait que les actions ne comportent pas de droit de vote?

 

[301]  La question est importante, étant donné que les termes « directement ou indirectement » sont employés dans d’autres dispositions de la Loi. J’hésite à adopter une interprétation qui suscitera probablement énormément d’incertitude. À mon avis, l’interprétation préconisée par les appelants est celle qu’il faut retenir.

 

[302]  Par conséquent, je suis portée à conclure que les fiducies n’ont pas acquis de biens de M. Dunin et de M. Garron.

 

[303]  Le ministre affirme à titre subsidiaire qu’il y a eu acquisition réputée de biens en vertu du paragraphe 94(6) de la Loi parce que les actions acquises par les fiducies représentent une aide financière fournie par M. Dunin et par M. Garron.

 

[304]  Je ne me propose pas d’examiner cet argument en détail. À mon avis, en appliquant les mots « aide financière » à des actions ordinaires, on élargirait la portée du sens ordinaire de ces termes au‑delà de ce qui était prévu.

 

[305]  J’aimerais également faire une brève remarque au sujet de l’argument des appelants selon lequel l’article 94 ne s’applique pas au type de revenu qui a été obtenu.

 

[306]  Les appelants reconnaissent que les gains réalisés par les fiducies constituent un type de revenu qui est inclus à la division 94(1)c)(i)(B). Toutefois, ils affirment que la disposition applicable est la division 94(1)c)(i)(A), qui exclut expressément ce type de revenu. Les appelants soutiennent que l’exclusion, à la division (A), devrait l’emporter sur l’inclusion, à la division (B).

 

[307]  Je ne souscris pas à l’argument des appelants sur ce point. À mon avis, le législateur voulait probablement que tous les éléments du revenu décrits dans la division (A) ou (B) soient inclus dans l’assiette fiscale. Cette interprétation est conforme au sens clair de la disposition, et je ne suis pas convaincue qu’une interprétation contextuelle et téléologique donnerait un résultat différent.

 

C. L’article 94 influe-t-il sur l’exemption prévue par l’Accord?

 

[308]  Le ministre fait valoir que, si l’alinéa 94(1)c) s’applique aux fiducies, ces fiducies n’ont pas droit à l’exemption prévue par l’Accord parce qu’elles sont réputées résider au Canada.

 

[309]  La question dépend du sens des mots « résident du Canada » pour l’application de l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) de l’Accord.

 

[310]  La résidence est définie au paragraphe IV(1) de l’Accord, qui prévoit ce qui suit :

 

            1. Au sens du présent Accord, l’expression « résident d’un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, et les expressions « résident du Canada » et « résident de la Barbade » ont le sens correspondant.

 

[311]  Le ministre fait valoir que, pour l’application de la définition susmentionnée, les fiducies qui sont assujetties à l’impôt en vertu de l’alinéa 94(1)c) sont redevables de l’impôt en vertu de la Loi en raison de leur « résidence ».

 

[312]  Les appelants affirment qu’une personne ne réside pas au Canada pour l’application de l’Accord à moins d’être redevable de l’impôt au Canada à l’égard de son revenu de toutes provenances. L’argument est fondé sur l’interprétation que les appelants donnent de l’arrêt The Queen v. Crown Forest Industries Ltd., 95 DTC 5389 (C.S.C.).  

 

[313]  L’interprétation proposée par le ministre est une interprétation possible du paragraphe IV(1), mais à mon avis elle n’est pas conforme à l’économie de l’Accord.

 

[314]  La notion de résidence est au cœur de l’Accord parce qu’elle définit à qui l’Accord s’applique (article premier). Au paragraphe IV(1), les rédacteurs de l’Accord prévoient que la résidence est en général déterminée en fonction de la législation fiscale interne.

 

[315]  La principale difficulté que j’éprouve, en ce qui concerne la position prise par le ministre, est que Summersby et Fundy ne sont pas redevables de l’impôt en vertu de l’alinéa 94(1)c) de la même façon que les fiducies qui résident au Canada en vertu des principes généraux.

 

[316]  L’imposition prévue à l’alinéa 94(1)c) a une portée plus restreinte. Fondamentalement, il s’agit d’un régime qui est fondé sur la source. Essentiellement, la disposition relative à la résidence réputée, à l’alinéa 94(1)c), fait partie d’une formule utilisée aux fins de la détermination de l’assiette fiscale. Il ne serait possible de dire que dans un sens restreint que les fiducies qui sont redevables de l’impôt en vertu de l’alinéa 94(1)c) sont imposées en raison de leur résidence. Il serait plus exact de dire que les fiducies sont redevables de l’impôt en vertu de l’alinéa 94(1)c) parce qu’elles satisfont aux exigences énoncées aux alinéas 94(1)a) et b), c’est‑à‑dire au critère du bénéficiaire et de la contribution.

 

[317]  Les appelants invoquent l’arrêt Crown Forest. À mon avis, cette décision ne règle pas la question parce qu’elle portait sur une question différente. Néanmoins, je suis d’accord avec les appelants pour dire que l’interprétation donnée par le ministre n’est pas conforme à l’approche adoptée dans l’arrêt Crown Forest.  

 

[318]  L’extrait suivant de l’arrêt Crown Forest donne à penser que des dispositions telles que le paragraphe IV(1) de l’Accord ont pour but d’accorder les avantages prévus par une convention uniquement lorsque l’État pertinent « fait valoir un droit absolu d’imposer [le] revenu ». Le juge Iacobucci dit ce qui suit :

 

            57        Les commentaires relatifs au Modèle de convention de l’OCDE de même que les auteurs indiquent qu’en général les lois nationales des États contractants ont recours à la résidence pour créer un « assujettissement intégral à l’impôt » : les paragraphes 3 et 8 du commentaire sur l’article IV; Nathan Boidman, L. Frank Chopin et Alan W. Granwell, « Tax Effects for Canadians of the New U.S. Code and Treaty Residency Rules (Part Two) » (1985), 14 Tax Mgmt. Int’l J. 183, aux pp. 184 et 185.  Il en est de même de l’American Law Institute, Federal Income Tax Project International Aspects of United States Income Taxation II — Proposals on United States Income Tax Treaties (1992), aux pp. 127 et 128 :

 

[traduction] Selon la pratique actuelle, le pays qui conclut un traité fiscal étend les bénéfices de ce traité à la personne ou à l’entité qui est un « résident de l’(autre) État contractant ». La « résidence », quant à elle, est déterminée en fonction de la compétence en matière fiscale. La personne ou l’entité est considérée comme étant un résident d’un pays si celui‑ci fait valoir un droit absolu d’imposer son revenu — à savoir un droit fondé sur les liens personnels du contribuable avec le pays (par opposition à la source du revenu ou à d’autres facteurs se rapportant au revenu ou aux avoirs). Le critère de la résidence requiert que la personne ou l’entité qui prétend aux bénéfices du traité soit « soumise à une imposition intégrale » dans le pays de résidence, c’est‑à‑dire qu’elle soit entièrement assujettie à sa compétence absolue en matière fiscale.

 

            Il n’y a pas assujettissement intégral à l’impôt lorsque l’entité est, dans un ressort, assujettie à un impôt sur une partie seulement de son revenu.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[319]  Il est peu probable que les rédacteurs de l’Accord aient voulu inclure à titre de « résidents d’un État contractant » les personnes qui sont assujetties à une imposition plus restreinte que celle à laquelle sont assujetties, selon les principes généraux, les personnes qui sont des résidents. Cela étant, je rejette l’argument invoqué par le ministre.

 

[320]  Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas à me demander si la mention de la « résidence » au paragraphe IV(1) peut inclure la résidence déterminée par des facteurs autres que des facteurs physiques.

 

[321]  Je mentionne la chose parce que la juge Simpson, de la Cour fédérale, s’est récemment penchée sur la question dans la décision RCI Trust, qui fait actuellement l’objet d’un appel. La question a également été examinée dans une remarque incidente dans les motifs de la décision rendue par les commissaires spéciaux dans l’affaire Smallwood, au paragraphe 101.

 

VI. Troisième point en litige – Le paragraphe 75(2) s’applique‑t‑il aux autres appelants?

 

[322]  Le paragraphe 75(2) de la Loi est une disposition d’attribution qui s’applique aux fiducies avec droit de retour.

 

[323]  Le ministre a appliqué cette disposition en établissant les cotisations des autres appelants (M. Dunin, M. Garron, Mme Garron et la fiducie de la famille Garron) à l’égard des gains réalisés par les fiducies.

 

[324]  Le paragraphe 75(2) inclut une disposition d’« acquisition de bien » qui est semblable à celle qui figure à l’article 94. Par conséquent, les deux avocats ont soumis à l’égard de cette disposition les mêmes arguments que ceux qu’ils ont invoqués à l’égard de l’exigence relative à l’acquisition de bien, à l’article 94.

 

[325]  Le passage pertinent du paragraphe 75(2) prévoit ce qui suit :

 

75(2) Fiducies — Lorsque, en vertu d’une fiducie créée de quelque façon que ce soit depuis 1934, des biens sont détenus à condition :

 

a) soit que ces derniers ou des biens qui leur sont substitués puissent :

 

(i) ou bien revenir à la personne dont les biens ou les biens qui leur sont substitués ont été reçus directement ou indirectement (appelée « la personne » au présent paragraphe), […]

 

[326]  Le texte pertinent précité est légèrement différent de l’article 94, mais à mon avis les différences ne sont pas importantes. Je conclus donc que le paragraphe 75(2) ne s’applique pas aux faits de la présente affaire.

 

[327]  Avant de passer à autre chose, j’aimerais faire remarquer que les appelants n’ont pas invoqué l’exemption prévue par l’Accord à l’égard du paragraphe 75(2). Il semble que les deux avocats aient conclu que l’Accord ne s’appliquait pas en vue d’exempter un résident canadien de l’impôt en vertu de la Loi, même si les gains étaient réalisés par un résident de la Barbade.

 

[328]  Compte tenu du libellé général du paragraphe XIV(4) de l’Accord, j’ai demandé aux parties de soumettre des observations au sujet de la question de savoir si les autres appelants pouvaient invoquer l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) à l’égard des gains réalisés par les fiducies. J’ai étudié ces observations ainsi que d’autres observations que j’avais demandées.

 

[329]  Dans ces observations, il n’était pas fait mention de décisions judiciaires faisant autorité portant précisément sur cette question. Il semble que la question n’ait pas été antérieurement examinée par les tribunaux au Canada.

 

[330]  Il est utile de reproduire encore une fois la disposition pertinente de l’Accord. Le paragraphe XIV(4) prévoit ce qui suit :

 

4. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

 

[331]  Selon le libellé clair de cette disposition, les gains réalisés par suite de l’aliénation d’un bien par des fiducies résidant uniquement à la Barbade ne peuvent pas être imposés au Canada. La disposition n’est pas ambiguë, et il est clair qu’elle est suffisamment générale pour s’appliquer à une disposition d’attribution telle que le paragraphe 75(2).

 

[332]  Par conséquent, à moins que le sens clair du paragraphe XIV(4) ne reflète pas l’objet et l’esprit de cette disposition, l’exemption s’applique.

 

[333]  Le ministre soutient que l’Accord n’a pas pour but d’entraîner ce résultat parce que, si tel était le cas, le Canada céderait son droit d’imposer ses propres résidents.

 

[334]  La question pourrait être reformulée ainsi : Les États contractants visés par l’Accord avaient‑ils l’intention de se réserver un droit résiduel, en vertu du paragraphe XIV(4), d’imposer les gains réalisés dans l’autre État contractant?

 

[335]  Je suis portée à penser qu’il faut répondre à cette question par la négative.

 

[336]  L’interprétation proposée par le ministre n’est pas compatible avec l’un des principaux objectifs de l’Accord, qui est de réduire au minimum la possibilité de double imposition.

 

[337]  La position prise par le ministre risque de contrecarrer cet objectif et contrevient au sens clair du paragraphe XIV(4).

 

[338]  J’aimerais également faire remarquer que l’Accord renferme une disposition de dérogation précise par rapport à toute autre règle d’attribution. Le paragraphe XXX(2) est une disposition de dérogation en ce qui concerne l’imposition canadienne d’un revenu étranger accumulé, tiré de biens (« REATB »), gagné par des sociétés non résidentes. Si les rédacteurs de l’Accord avaient voulu que cette disposition l’emporte sur d’autres règles d’attribution, ils auraient pu le prévoir expressément.

 

[339]  Pour ces motifs, je conclus que l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) l’emporte sur l’application du paragraphe 75(2) aux autres appelants

 

[340]  Enfin, j’aimerais faire remarquer que la question de l’interaction entre les règles d’attribution dans la législation étrangère connexe et dans les conventions a été examinée par Robert Couzin, un avocat fiscaliste canadien bien connu, dans l’ouvrage intitulé Corporate Residence and International Taxation (Amsterdam, IBFD, 2002), aux pages 235 à 238. Dans cet examen, l’auteur mentionne certaines décisions judiciaires britanniques et françaises. La conclusion susmentionnée semble être conforme à cette jurisprudence.

 

VII. Quatrième point en litige – La DGAE s’applique-t-elle?

 

A. Généralités

 

[341]  Le ministre a invoqué l’article 245 de la Loi (la « DGAE ») comme argument subsidiaire à l’appui de toutes les cotisations. La disposition est reproduite dans une annexe.

 

[342]  La DGAE exige une analyse en trois étapes : (1) l’établissement d’un « avantage fiscal », telle que cette expression est définie, (2) l’établissement d’une « opération d’évitement », telle que cette expression est définie, et (3) la formulation d’une conclusion selon laquelle il y a abus dans l’application des dispositions législatives.

 

[343]  Les appelants reconnaissent l’existence d’un avantage fiscal et d’une opération d’évitement[6]. Ils admettent donc implicitement qu’une opération ou une série d’opérations ont été principalement effectuées aux fins de l’obtention d’une réduction, d’un évitement ou d’un report d’impôt en application de la Loi ou de l’Accord. Cependant, ils font valoir que la DGAE ne s’applique pas parce qu’il n’y a pas eu abus dans l’application de l’Accord.

 

[344]  Le ministre affirme que chacune des étapes en cause dans la réorganisation de 1998 visait principalement à permettre d’éviter l’impôt canadien sur les gains réalisés par les fiducies. Il soutient que les fiducies et les autres appelants ont obtenu des avantages fiscaux.

 

[345]  Plus précisément, le ministre a supposé que les opérations suivantes étaient des opérations d’évitement : la création des fiducies, la constitution en personnes morales de 325 et de 333, la réorganisation de la structure des actions de PMPL, et la souscription par les fiducies d’actions de 325 et de 333.

 

[346]  Étant donné que les appelants n’ont pas contesté ces hypothèses, je mettrai l’accent, aux fins de l’analyse, sur la question de l’abus dans l’application de la DGAE, figurant au paragraphe 245(4).

 

[347]  J’aimerais en premier lieu mentionner brièvement que les appelants n’ont pas contesté que la DGAE pouvait s’appliquer à l’Accord. À cet égard, il est utile de mentionner l’article 4.1 de la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, qui prévoit expressément ce résultat. Cette disposition est également reproduite en annexe.

 

B. Les positions prises par les parties au sujet de la question de l’abus

 

[348]  En ce qui concerne la détermination des dispositions législatives qui ont censément entraîné des abus, les réponses du ministre pour tous les appelants sont les mêmes. Les dispositions mentionnées sont les articles 39 et 94, et les sous‑alinéas 110(1)f)(i) et 115(1)b)(i) de la Loi ainsi que le paragraphe XIV(4) de l’Accord. Il a également été mentionné qu’il y avait eu abus dans l’application des dispositions de la Loi et de l’Accord lus dans leur ensemble.

 

[349]  La position que le ministre a prise dans sa plaidoirie était plus sélective. En effet, des arguments distincts ont été invoqués à l’égard des fiducies et des autres appelants.

 

[350]  Quant aux fiducies, l’avocate du ministre a de nouveau mentionné, dans sa plaidoirie, les dispositions législatives susmentionnées. Toutefois, en ce qui concerne les autres appelants, le ministre a uniquement soutenu qu’il y avait eu abus dans l’application de l’article 39 et du paragraphe 75(2) de la Loi.

 

[351]  J’aimerais en premier lieu faire certaines remarques au sujet de l’article 39 de la Loi. Il s’agit d’une disposition d’application générale qui prévoit le calcul des gains et des pertes en capital.

 

[352]  Dans son argumentation, l’avocate du ministre n’a mentionné qu’en passant cette disposition. Ses remarques étaient si brèves que je n’ai pas été réellement en mesure de déterminer quelle était la nature de l’argument fondé sur l’abus se rapportant à l’article 39. Je ne me propose pas d’examiner cette disposition plus à fond.

 

[353]  Le ministre affirme que la réorganisation de 1998 visait uniquement à réduire au minimum l’impôt canadien afférent à la vente de PMPL, mais l’avocate n’a pas soutenu que les attributs fiscaux devaient être déterminés en vertu de la DGAE comme si la réorganisation de 1998 n’avait pas eu lieu.

 

[354]  Si je comprends bien la position que le ministre a prise, la réorganisation de 1998 visait uniquement à réduire au minimum l’impôt canadien afférent à la vente de PMPL. Le ministre soutient que les dispositions d’évitement de l’article 94 et du paragraphe 75(2) sont censées s’appliquer lorsque les fiducies sont utilisées de cette manière. Il est soutenu que les attributs fiscaux doivent donc être déterminés comme si l’article 94 ou le paragraphe 75(2) s’appliquait. En effet, le ministre soutient qu’il faut déterminer les attributs fiscaux comme si la réorganisation n’avait pas été mise en œuvre de manière à éviter l’application de ces dispositions.

 

[355]  Selon moi, cet argument repose sur l’idée selon laquelle les sociétés de portefeuille, 325 et 333, ont été insérées dans la structure de façon que les fiducies n’acquièrent pas les actions de PMPL.

 

[356]  Le ministre affirme également qu’il y a eu abus dans l’application de l’Accord, mais uniquement en ce qui concerne les appels des fiducies.

 

[357]  En ce qui concerne l’Accord, le ministre affirme qu’il y a eu abus dans l’application du paragraphe XIV(4). Les arguments suivants ont été invoqués :

 

a)       le fait d’éviter une disposition anti‑évitement telle que l’article 94 constitue un abus dans l’application de l’Accord;

 

b)      le paragraphe XIV(4) de l’Accord vise à exempter uniquement les véritables non‑résidents du Canada;

 

c)       l’Accord ne visait pas à exempter le REATB;

 

d)      le paragraphe XIV(4) vise uniquement à empêcher la double imposition;

 

e)       l’Accord n’avait pas pour but de permettre une érosion de l’assiette fiscale canadienne telle qu’elle pourrait se produire si ce type de planification était utilisé d’une façon générale.

 

[358]  Les appelants ont choisi de limiter leurs observations, en ce qui concerne la DGAE, à un seul point. Ils ont affirmé que la DGAE ne s’applique pas parce qu’il n’y a pas eu abus dans l’application de l’Accord.

 

[359]  Au cours des plaidoiries, j’ai demandé à l’avocat des appelants de traiter également de la question de savoir s’il y avait eu abus dans l’application du paragraphe 75(2). L’avocat a affirmé en réponse qu’il ne devrait pas être nécessaire de traiter de cette question puisque le ministre n’en avait fait mention dans aucune des réponses.

 

[360]  En ce qui concerne le recours par les fiducies à l’exemption prévue par l’Accord, les appelants affirment que cela est conforme au sens clair et à une interprétation téléologique du paragraphe XIV(4).

 

[361]  L’avocat a fait mention, en particulier, des remarques suivantes formulées par le juge Pelletier, dans l’arrêt La Reine c. MIL (Investments) S.A., 2007 CAF 236, 2007 DTC 5437 :

 

[1]        Pour obtenir gain de cause dans cet appel, l’appelante, Sa Majesté la Reine, doit nous persuader [...] que l’avantage fiscal obtenu par l’intimée, MIL (Investments) S.A., constitue un abus de l’objet de l’article 13(4) de la [Convention Canada‑Luxembourg].

 

[6]        […] L’appelante nous a invités à aller au‑delà de cette conformité textuelle aux dispositions applicables et à conclure à l’existence d’un objet qui nous autoriserait, dit‑elle, à nous écarter des termes mêmes du texte législatif. Il nous est impossible de conclure à l’existence d’un tel objet.

 

C. Analyse

 

[362]  Je ferai d’abord certaines remarques au sujet de la question de procédure que les appelants ont soulevée quant à la question de savoir s’il y avait eu abus dans l’application du paragraphe 75(2).

 

[363]  Je suis d’accord avec l’avocat des appelants sur ce point. Il serait inéquitable pour les appelants d’avoir à répondre à un argument qui n’a pas été soulevé avant les plaidoiries. Étant donné que, dans les actes de procédure et dans l’exposé préliminaire du ministre, il n’a pas été fait mention d’un abus dans l’application du paragraphe 75(2), je conclus que la question a été soulevée trop tard.

 

[364]  Je note également qu’au cours du processus d’interrogatoire préalable, les appelants ont cherché à obtenir du ministre une confirmation au sujet de l’argument concernant l’abus. La question et la réponse, constituant l’engagement 54, tirées de la partie de la transcription de l’interrogatoire préalable qui a été produite en preuve par les appelants, figurent ci‑dessous :

 

[traduction]

 

Q.        En ce qui concerne l’alinéa 17xxx) de la réponse applicable au Summersby Settlement, cet alinéa renferme‑t‑il un énoncé complet de ce qui, selon l’intimée, constitue un abus dans l’application de l’article 245 de la LIR?

 

R.         Veuillez vous reporter à la réponse applicable au Summersby Settlement. La réponse renferme un énoncé complet de ce qui, selon l’intimée, constitue un abus dans l’application de l’article 245 de la LIR.

 

            Dans le cas où l’intimée voudrait ajouter quelque chose à cet énoncé, elle le fera savoir.

 

            Cette réponse s’applique également à A. Dunin, au Fundy Settlement, à M. Garron, à B. Garron et à la fiducie familiale Garron.

 

[365]  Dans la réponse précitée, il est fait mention de la réponse applicable à Summersby. Il n’est fait mention du paragraphe 75(2), en ce qui concerne la DGAE, ni dans cette réponse ni dans aucune autre réponse.

 

[366]  Les appelants ont le droit de se fonder sur les réponses et sur la réponse précitée en formulant leur argument au sujet de la DGAE.

 

[367]  Les appelants ont choisi de limiter leurs arguments, en ce qui concerne la DGAE, à la question de savoir s’il y a eu abus dans l’application de l’Accord. Les arguments auraient probablement été différents si le ministre avait soutenu plus tôt qu’il y avait eu abus dans l’application du paragraphe 75(2).

 

[368]  Il suffit donc de se demander s’il y a eu abus dans l’application de l’Accord.

 

[369]  Il est bien établi que le ministre doit déterminer l’objet ou l’esprit des dispositions qui auraient entraîné un abus. Dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. La Reine, 2005 CSC 54, 2005 DTC 5523, la juge en chef McLachlin et le juge Major ont dit ce qui suit :

 

[65] […] Une fois qu’il a démontré qu’il respecte le libellé d’une disposition, le contribuable ne devrait pas avoir à prouver qu’il n’a pas, de ce fait, contrevenu à l’objet ou à l’esprit de la disposition. Il appartient au ministre qui tente d’invoquer la RGAÉ de décrire l’objet ou l’esprit des dispositions qui auraient été contournées, selon une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi. Le ministre est mieux placé que le contribuable pour présenter des observations sur l’intention du législateur dans le but d’interpréter les dispositions de façon harmonieuse avec le régime législatif général qui s’applique à l’opération en cause.

 

[370]  Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le ministre a invoqué plusieurs arguments.

 

[371]  Premièrement, le ministre fait valoir que le fait d’utiliser l’exemption prévue au paragraphe XIV(4) en vue d’éviter une disposition anti‑évitement telle que l’article 94 constitue un abus dans l’application de l’Accord. L’avocate se fonde sur la remarque suivante que le juge Bowman a faite dans la décision RMM Canadian Enterprises Ltd. v. The Queen, 97 DTC 302 (C.C.I.), aux pages 313 et 314 :

 

[…] Il serait surprenant de conclure que le Canada, ou de fait l’un quelconque des autres pays, y compris les États‑Unis, avec lesquels des conventions fiscales sont conclues, avait intentionnellement ou par inadvertance renoncé à son droit de traiter de l’évitement d’impôt par les résidents d’États contractants dans sa propre législation fiscale interne. Il serait également surprenant que les stratagèmes d’évitement d’impôt qui sont susceptibles d’être contestés en vertu des dispositions générales anti‑évitement ou de dispositions anti‑évitement précises, s’ils étaient ourdis par des résidents canadiens, puissent être machinés impunément par des non‑résidents sous la protection d’une convention. Tel n’est pas le but visé par les conventions.

 

[372]  Ce raisonnement ne me convainc pas.

 

[373]  Premièrement, le raisonnement en question est contraire à l’approche proposée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt MIL précité. Il n’est pas sensé qu’une opération qui est assujettie à l’impôt en vertu de la Loi en raison d’une disposition anti‑évitement constitue nécessairement un abus dans l’application de l’Accord. Je ferais remarquer, en particulier, que l’expression « disposition anti‑évitement » est communément utilisée dans une vaste gamme de dispositions de la Loi.

 

[374]  En outre, je souscris à l’argument de l’avocat des appelants selon lequel la position prise par le ministre est contraire au commentaire publié par l’OCDE en 1977 au sujet du modèle de convention fiscale sur la double imposition de cette organisation.

 

[375] Le commentaire pertinent se rapporte à l’article premier du modèle de convention qui correspond à l’article premier de l’Accord. Le paragraphe 7 de ce commentaire confirme que les conventions ne visent pas à faciliter la fraude fiscale, mais il donne à penser que les conventions devraient être modifiées de façon à tenir compte de la législation interne relative à l’évitement de l’impôt. Le paragraphe pertinent est reproduit ci‑dessous :

 

Le but des conventions de double imposition est de promouvoir […] en éliminant la double imposition internationale; elles ne devraient pas, en revanche, faciliter l’évasion et la fraude fiscales. Les contribuables ont certes la possibilité d’utiliser, en dehors de toute convention de double imposition, les différences de charges fiscales existant entre les États et les avantages fiscaux prévus par les diverses législations fiscales, mais il incombe aux États concernés de prendre dans leurs législations internes des dispositions allant à l’encontre de manœuvres éventuelles. Ces États voudront alors, dans leurs conventions bilatérales de double imposition, sauvegarder l’application de dispositions de ce genre figurant dans leurs législations internes.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[376]  Ce commentaire n’a pas force exécutoire pour l’application de l’Accord, mais je tiens à faire remarquer qu’il avait été adopté par les membres de l’OCDE (y compris le Canada) au moment où l’Accord a été conclu, en 1980, et que le commentaire en question aurait été disponible à titre de ligne directrice lorsque le Canada et la Barbade ont négocié l’Accord.

 

[377]  Deuxièmement, j’aimerais mentionner que le juge qui a tranché l’affaire RMM, l’ancien juge en chef Bowman, s’est par la suite distancié de l’analyse relative à la question de l’abus qui avait été faite dans cette décision.

 

[378]  Dans la décision Evans c. La Reine, 2005 CCI 684, 2005 DTC 1762, l’ancien juge en chef a fait la remarque suivante :

 

  [34] Les avocats allèguent que les faits de la présente affaire sont similaires aux faits dans l’affaire McNichol c. La Reine, 97 DTC 111, à l’égard de laquelle le juge Bonner a rendu une décision, et aux faits dans l’affaire RMM Canadian Enterprises Inc. c. La Reine, 97 DTC 302, une décision que j’ai moi‑même rendue. Il s’agit de litiges mettant en jeu la règle générale anti‑évitement, et nous ne bénéficiions pas des directives de la Cour suprême du Canada que nous avons de nos jours. Si nous avions bénéficié des points de vue de la Cour suprême du Canada, notre analyse aurait pu être passablement différente. Le principal fondement de ma décision dans le dossier RMM Canadian Enterprises Inc, c’était le paragraphe 84(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il faut se rappeler que ce que les appelants tentaient de contourner dans les affaires RMM et McNichol, c’était les dispositions du paragraphe 84(2). Ce n’est pas le cas dans l’affaire qui nous occupe. La société 117679 poursuivait ses activités et, dans les faits, elle versait des dividendes. Le cas n’est pas analogue aux affaires RMM et McNichol. Quoi qu’il en soit, le renvoi à ces deux affaires précoces ne permet pas, à mon avis, à la Couronne de s’acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe selon la Cour suprême du Canada.

[Non souligné dans l’original.]

 

[379]  Je ne suis pas convaincue qu’un abus dans l’application de l’Accord a été établi simplement parce qu’il a été conclu que l’article 94 s’applique, que ce soit isolément ou en vertu de la DGAE par suite de la conclusion d’une opération qui constitue un abus dans l’application de l’article 94.

 

[380]  Le ministre affirme également que l’exemption prévue par l’Accord n’avait pas pour but de s’appliquer aux fiducies puisque celles‑ci avaient fort peu de liens avec la Barbade. Il a été noté que les actifs, les contribuants et les bénéficiaires étaient tous Canadiens. L’application de l’exemption prévue par l’Accord dans ces circonstances faciliterait l’évitement d’impôt par des Canadiens.

 

[381]  Le problème que pose selon moi cet argument est que, s’il était retenu, il entraînerait une application sélective de l’Accord aux résidents de la Barbade, et ce, selon des critères autres que la résidence. Il me semble que cela va à l’encontre de l’objet et de l’esprit de l’Accord, tel qu’il ressort de l’article premier et du paragraphe IV(1). Les résidents de la Barbade, selon la définition qui s’applique à l’Accord, ont droit aux avantages qu’offre le paragraphe XIV(4), dans la mesure où ils ne résident pas également au Canada.

 

[382]  Je tiens également à mentionner que l’Accord ne renferme aucune règle spéciale pour les fiducies. À l’alinéa III(1)c) de l’Accord, les fiducies sont définies comme étant des personnes.

 

[383]  L’Accord prévoit que le paragraphe XIV(4) s’applique aux fiducies si elles résident uniquement à la Barbade en vertu de ces principes. Il importe peu que les fiducies aient peu de liens avec la Barbade.

 

[384]  Le ministre affirme en outre que l’Accord ne visait pas à exempter le revenu étranger accumulé, tiré de biens.

 

[385]  Le fondement de cet argument figure au paragraphe XXX(2) de l’Accord, qui prévoit ce qui suit :

 

            2. Aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme empêchant le Canada de prélever son impôt sur les montants inclus dans le revenu d’un résident du Canada en vertu de l’article 91 de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

 

[386]  Le problème que pose cette position est que le paragraphe XXX(2) n’englobe pas tout le revenu qui peut être décrit comme étant un « revenu étranger accumulé, tiré de biens ».

 

[387]  Par son sens clair, le paragraphe XXX(2) s’applique uniquement aux montants qui sont inclus dans le revenu de résidents canadiens en vertu de l’article 91 de la Loi. Il ne s’applique pas aux gains réalisés par les fiducies qui sont ici en cause. Je ne suis pas convaincue que l’objet et l’esprit de cette disposition s’étendent au‑delà du sens clair.

 

[388]  Le ministre fait également valoir que le paragraphe XIV(4) devrait s’appliquer uniquement aux cas où il y a double imposition.

 

[389]  Les appelants m’ont renvoyée à la remarque suivante que la Cour fédérale de l’Australie a faite dans l’arrêt FC of T. v. Lamesa Holdings BV, 97 ATV 4752, à la page 4755 :

 

[traduction]

 

L’attribution [dans une convention] se rapporte au droit d’imposition. Il n’y a rien dans l’accord qui contraigne un ressort à exercer ce droit.

 

[390]  Les appelants m’ont également renvoyée à la décision rendue par la Haute cour de justice dans l’affaire Smallwood, au paragraphe 40.

 

[391]  Je souscris à l’argument des appelants sur ce point. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’examiner la question plus à fond.

 

[392]  Enfin, l’avocate du ministre soutient que l’on ne peut pas considérer l’Accord comme si l’article 94 et le REATB n’y figuraient pas parce qu’il ne resterait plus d’assiette fiscale. Il est soutenu que tous les Canadiens transféreraient leurs actifs à l’étranger.

 

[393]  Même si le ministre a raison de dire qu’il y aurait une grave érosion de l’assiette fiscale si le paragraphe XIV(4) de l’Accord était considéré comme l’emportant sur l’article 94, cela ne permet pas pour autant de conclure qu’il y a eu abus dans l’application de l’Accord.

 

[394]  Il faut se demander ce qu’envisageaient les rédacteurs des deux États lorsqu’ils ont élaboré l’Accord. Je crois que si le Canada avait voulu que l’article 94 l’emporte sur l’Accord, il en aurait expressément été fait mention dans l’Accord.

 

[395]  Pour ces motifs, le ministre n’a pas établi que les opérations d’évitement, dans les présents appels, ont entraîné un abus dans l’application de l’Accord.

 

VIII. Cinquième point en litige – Le produit de la vente doit-il être réattribué en vertu de l’article 68?

 

[396]  Le ministre affirme que les fiducies ont reçu une partie déraisonnable du produit de la vente de PMPL. Il est soutenu que le produit devrait en partie être réattribué aux autres appelants. L’observation écrite que le ministre a présentée au sujet de l’article 68 est reproduite ci‑dessous :

 

 

          [traduction]

 

L’article 68

 

160.     La juste valeur marchande des actions privilégiées au 6 avril 1998 était de beaucoup supérieure au montant de 50 000 000 $ qui, selon KMPG, représentait la juste valeur marchande des 50 actions de catégorie A et des 50 actions de catégorie B au 28 février 1998.

 

161.     Par suite de la mise en œuvre du plan fiscal, GHL et DHI se sont vu attribuer un montant de 50 millions de dollars sur le produit de la vente en faveur d’Oak Hill. Le montant attribué à GHL et à DHI est inférieur au montant qu’il est raisonnable de considérer comme représentant la contrepartie versée lors de la disposition des actions que celles‑ci détenaient dans le capital de PMPL.

 

162.     Le montant du produit de la disposition qui a été attribué à l’actionnaire de 325, Summersby, par suite de la vente des actions de 325, lequel détenait les actions de catégorie B et de catégorie C de PMPL, était donc supérieur au montant qu’il est raisonnable de considérer comme représentant la contrepartie versée lors de la disposition des actions indirectement détenues dans PMPL.

 

163.     Le montant du produit de la disposition qui a été attribué à l’actionnaire de 333, Fundy, par suite de la vente des actions de 333, lequel détenait les actions de catégorie C de PMPL, était donc supérieur au montant qu’il est raisonnable de considérer comme représentant la contrepartie versée lors de la disposition des actions indirectement détenues dans PMPL.

 

[397]  Les appelants affirment que l’attribution du produit de la vente en faveur d’Oak Hill était raisonnable. Même si la valeur de PMPL au moment de la réorganisation de 1998 était supérieure à 50 000 000 $, les actions privilégiées étaient rachetables uniquement pour la somme de 50 000 000 $ au moment de la vente parce que le mécanisme de rajustement n’avait pas été déclenché à ce moment‑là.

 

[398]  Les appelants soutiennent également que l’article 68 peut uniquement être utilisé aux fins du rajustement des montants entre les biens, et non entre les contribuables. Ils invoquent à l’appui les motifs que le juge C. Miller a énoncés dans la décision Robert Glegg Investment Ltd. c. La Reine, 2008 CCI 20, 2008 DTC 2466. La décision a été confirmée pour d’autres motifs par la Cour d’appel fédérale (2008 CAF 332, 2009 DTC 5009).

 

[399]  L’observation écrite du ministre ne répond pas complètement à ces questions. J’ai conclu qu’eu égard aux circonstances dans leur ensemble, il serait préférable de reporter à plus tard l’examen de l’article 68.

 

IX. Conclusion

 

[400]  Compte tenu des conclusions susmentionnées :

 

a)       les appels interjetés par le Summersby Settlement et par le Fundy Settlement seront rejetés;

 

b)      les appels interjetés par Andrew Dunin, par Myron Garron, par Berna Garron et par la fiducie familiale Garron seront accueillis, et leurs cotisations seront renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’aucune partie du produit reçu par le Summersby Settlement et par le Fundy Settlement lors de la vente de 325 et de 333 ne doit être incluse dans leur revenu.

 


[401]  L’intimée a droit aux dépens, un seul mémoire de frais étant accordé au titre des honoraires d’avocat dans tous les appels.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de septembre 2009

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 


Annexe I

 

Les dispositions légales pertinentes

 

Accord Canada-Barbade en matière d’impôt sur le revenu

 

Article I — Personnes visées

 

            Le présent Accord s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un État contractant ou de chacun des deux États contractants.

 

Article III — Définitions générales

 

1. c) le terme « personne » comprend les personnes physiques, les successions (estates), les fiducies (trusts), les sociétés, les sociétés de personnes (partnerships) et tous autres groupements de personnes;

 

Article IV — Domicile fiscal

 

1. Au sens du présent Accord, l’expression « résident d’un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, et les expressions « résident du Canada » et « résident de la Barbade » ont le sens correspondant.

 

Article XIV — Gains provenant de l’aliénation de biens

 

4. Les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.

 

Article XXX — Dispositions diverses

 

2. Aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme empêchant le Canada de prélever son impôt sur les montants inclus dans le revenu d’un résident du Canada en vertu de l’article 91 de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

 

Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu

 

4.1 Malgré toute convention ou la loi y donnant effet au Canada, le droit du Canada est tel que l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu s’applique à tout avantage prévu par la convention.

 

Loi de l’impôt sur le revenu du Canada

 

     68. Contrepartie mixte. Dans le cas où il est raisonnable de considérer que le montant reçu ou à recevoir d’une personne est en partie la contrepartie de la disposition d’un bien d’un contribuable ou en partie la contrepartie de la prestation de services par un contribuable :

 

     a) la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme la contrepartie de cette disposition est réputée être le produit de disposition du bien, quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat ou de la convention, et la personne qui a acquis le bien à la suite de cette disposition est réputée l’acquérir pour un montant égal à cette partie;

 

     b) la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme la contrepartie de la prestation de services est réputée être un montant reçu ou à recevoir par le contribuable pour ces services, quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat ou de la convention, et être un montant payé ou payable au contribuable par la personne à qui ces services ont été rendus.

 

***

 

75(2) Fiducies – Lorsque, en vertu d’une fiducie créée de quelque façon que ce soit depuis 1934, des biens sont détenus à condition :

 

a) soit que ces derniers ou des biens qui leur sont substitués puissent :

 

(i) ou bien revenir à la personne dont les biens ou les biens qui leur sont substitués ont été reçus directement ou indirectement (appelée « la personne » au présent paragraphe),

 

(ii) ou bien être transportés à des personnes devant être désignées par la personne après la création de la fiducie;

 

b) soit que, pendant la vie de la personne, il ne soit disposé des biens qu’avec son consentement ou suivant ses instructions,

 

tout revenu ou perte résultant des biens ou de biens y substitués ou tout gain en capital imposable ou toute perte en capital déductible provenant de la disposition des biens ou de biens y substitués est réputé, durant la vie de la personne et pendant qu’elle réside au Canada, être un revenu ou une perte, selon le cas, ou un gain en capital imposable ou une perte en capital déductible, selon le cas, de la personne.

 

***

 

94. (1) Application de certaines dispositions aux fiducies ne résidant pas au Canada.

 

Lorsque :

 

a) d’une part, à un moment donné d’une année d’imposition d’une fiducie qui ne réside pas au Canada, ou qui, sans l’alinéa c), n’y résiderait pas, une personne ayant un droit de bénéficiaire sur la fiducie (appelé un « bénéficiaire » au présent article) était :

 

            (i) une personne résidant au Canada,

 

            (ii) une société ou une fiducie avec laquelle une personne résidant au Canada avait un lien de dépendance,

 

            (iii) une société étrangère affiliée contrôlée d’une personne résidant au Canada;

 

b) d’autre part, à un moment donné avant la fin de l’année d’imposition de la fiducie :

 

(i) soit la fiducie, ou une société non‑résidente qui serait une société étrangère affiliée contrôlée de la fiducie si la fiducie résidait au Canada, a acquis des biens, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, en des circonstances différentes des circonstances prévues par règlement, auprès :

 

(A) ou bien d’une personne donnée qui remplit les conditions suivantes :

 

(I) elle était le bénéficiaire visé à l’alinéa a), elle était liée à ce bénéficiaire ou elle était l’oncle, la tante, le neveu ou la nièce de ce bénéficiaire,

 

(II) elle résidait au Canada à un moment donné de la période de 18 mois précédant la fin de cette année ou, dans le cas d’une personne qui a cessé d’exister, elle résidait au Canada à un moment donné de la période de 18 mois avant de cesser d’exister,

 

(III) dans le cas d’un particulier, elle avait, avant la fin de cette année, résidé au Canada pendant une ou plusieurs périodes représentant, au total, plus de 60 mois,

 

(B) ou bien d’une fiducie ou d’une société qui a acquis le bien directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, auprès d’une personne donnée visée à la division (A) avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

 

            et la fiducie n’était :

 

                        (C) ni une fiducie non testamentaire créée à un moment donné avant 1960 par une personne qui, à ce moment, n’était pas résidante,

 

                        (D) ni une fiducie testamentaire créée à la suite du décès d’un particulier avant 1976,

 

                        (E) ni régie par un mécanisme de retraite étranger,

 

(ii) soit la totalité ou une partie de la participation du bénéficiaire de la fiducie a été acquise, directement ou indirectement, par le bénéficiaire par :

 

(A)  achat,

 

(B) don, legs ou héritage auprès d’une personne visée à la division (i)(A) ou (B),

 

(C) l’exercice par toute personne visée à la division (i)(A) ou (B) d’un pouvoir de nomination,

 

les règles suivantes s’appliquent pour cette année d’imposition de la fiducie :

 

c) lorsque le montant du revenu ou du capital de la fiducie à attribuer à un moment donné à un bénéficiaire de la fiducie en fonction de l’exercice ou de l’absence d’exercice, par une personne, d’un pouvoir discrétionnaire :

 

            (i) la fiducie est réputée, pour l’application de la présente partie et des articles 233.3 et 233.4, être une personne résidant au Canada dont aucune partie du revenu imposable n’est exonérée, par l’effet de l’article 149, de l’impôt prévu à la présente partie et dont le revenu imposable pour l’année correspond à l’excédent éventuel de la somme des montants suivants :

 

                        (A) le montant qui constituerait son revenu imposable gagné au Canada pour l’année si ce n’était le présent sous‑alinéa,

 

                        (B) le montant qui constituerait son revenu étranger accumulé, tiré de biens pour l’année si, à la fois :

 

                                    (I) sauf pour l’application des paragraphes 104(4) à (5.2) aux jours postérieurs à 1998 qui sont déterminés selon le paragraphe 104(4), la fiducie était une société non‑résidente dont l’ensemble des actions appartiennent à une personne résidant au Canada,

 

                                    (II) en ce qui concerne les dividendes reçus après 1998, il n’était pas tenu compte de l’alinéa b) de l’élément A de la formule figurant à la définition de « revenu étranger accumulé, tiré de biens » au paragraphe 95(1),

 

                                    (III) en ce qui concerne les dispositions effectuées après 1998, il n’était pas tenu compte du passage « autres que des dispositions de biens exclus auxquelles aucun des alinéas (2)c), d) et e) ne s’applique » aux éléments B et E de cette formule,

 

                                    (IV) la valeur de l’élément C de cette formule était nulle,

 

                                    (V) pour ce qui est du calcul du revenu étranger accumulé, tiré de biens de la fiducie, les conséquences de l’application des paragraphes 104(4) à (5.2) s’appliquaient aux jours postérieurs à 1998 qui sont déterminés selon le paragraphe 104(4),

 

(C) l’excédent éventuel du total des montants représentant chacun un montant à inclure, en application des paragraphes 91(1) ou (3), dans le calcul de son revenu pour l’année sur le total des montants représentant chacun un montant qu’elle déduit pour cette année en application des paragraphes 91(2), (4) ou (5),

 

                        (D) le montant éventuel à inclure, en application de l’article 94.1, dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

            sur l’excédent éventuel du total des montants représentant chacun un montant qu’elle déduit, en application des paragraphes 91(2), (4) ou (5), dans le calcul de son revenu pour l’année sur le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le calcul de son revenu pour l’année par l’effet des paragraphes 91(1) ou (3),

 

(ii) pour l’application de l’article 126 :

 

            (A) l’excédent qui serait déterminé selon le sous‑alinéa (i) à l’égard de la fiducie pour l’année s’il n’était pas tenu compte de la division (i)(A) est réputé faire partie de son revenu pour l’année provenant de sources situées dans le pays étranger où elle aurait sa résidence si ce n’était de ce sous‑alinéa,

 

            (B) l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices payé par la fiducie pour l’année (à l’exception de l’impôt payé par l’effet du présent article) dans la mesure où est raisonnable de considérer qu’il a été payé à l’égard de ce revenu, est réputé être l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’elle a payé au gouvernement de ce pays;

 

d) dans les autres cas, pour l’application des paragraphes 91(1) à (4) et des articles 95 et 233.4 :

 

(i) la fiducie est, à l’égard d’un bénéficiaire en vertu de la fiducie qui détient sur celle‑ci un droit de bénéficiaire ayant une juste valeur marchande non inférieure à 10 % de la juste valeur marchande totale de tous les droits de bénéficiaire détenus sur la fiducie, réputée être une société non‑résidente qui est contrôlée par le bénéficiaire,

 

            (ii) la fiducie est réputée être une société non‑résidente ayant un capital‑actions d’une seule catégorie divisé en 100 actions émises,

 

            (iii) chaque bénéficiaire de la fiducie est réputé posséder, à un moment donné, une certaine quantité des actions émises égale au produit de la multiplication de 100 par le rapport entre :

 

                        (A) d’une part, la juste valeur marchande, à ce moment, de son droit de bénéficiaire sur la fiducie,

 

                        (B) d’autre part, la juste valeur marchande, à ce moment, de tous les droits de bénéficiaire sur la fiducie.

 

[…]

 

(6) Cas où une aide financière est consentie. Pour l’application de l’alinéa (1)b), une fiducie ou une société non‑résidente est réputée avoir acquis un bien auprès d’une personne qui a fourni une garantie pour son compte ou dont elle a reçu quelque autre aide financière.

 

***

 

     104(1) Fiducie ou succession. Dans la présente loi, la mention d’une fiducie ou d’une succession (appelées « fiducie » à la présente sous‑section) vaut également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire, de l’exécuteur testamentaire, de l’administrateur successoral, du liquidateur de succession, de l’héritier ou d’un autre représentant légal ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie. Toutefois, sauf pour l’application du présent paragraphe, du paragraphe (1.1), du sous‑alinéa b)(v) de la définition de « disposition » au paragraphe 248(1) et de l’alinéa k) de cette définition, l’arrangement dans le cadre duquel il est raisonnable de considérer qu’une fiducie agit en qualité de mandataire de l’ensemble de ses bénéficiaires pour ce qui est des opérations portant sur ses biens est réputé ne pas être une fiducie, sauf si la fiducie est visée à l’un des alinéas a) à e.1) de la définition de « fiducie » au paragraphe 108(1).

     [Nota : la condition, aux sept dernières lignes, ne s’applique pas à l’égard des transferts de biens effectués avant le 24 décembre 1998.]

 

 

         (2) Impôt à titre de particulier. Pour l’application de la présente loi, et sans que l’assujettissement du fiduciaire ou des représentants légaux à leur propre impôt sur le revenu en soit atteint, une fiducie est réputée être un particulier relativement aux biens de la fiducie; mais lorsqu’il existe plus d’une fiducie et que:

a) d’une part, dans l’ensemble, tous les biens des diverses fiducies proviennent d’une seule personne;

            b) d’autre part, les diverses fiducies sont telles que le revenu en découlant revient ou reviendra finalement au même bénéficiaire ou groupe ou catégorie de bénéficiaires,

ceux des fiduciaires que le ministre peut désigner sont réputés être, pour l’application de la présente loi, relativement à toutes les fiducies, un particulier dont les biens sont les biens de toutes les fiducies et dont le revenu est le revenu de toutes les fiducies.

 

***

 

110. (1) Déductions — Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, il peut être déduit celles des sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[…]

 

     f) Déduction des paiements — […] toute somme dans la mesure où elle a été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année, représentant, selon le cas :

 

            (i) une somme exonérée de l’impôt sur le revenu au Canada par l’effet d’une disposition de quelque convention ou accord fiscal avec un autre pays qui a force de loi au Canada,

 

[…]

 

***

 

245.     Évitement fiscal.

 

(1) Définitions.  Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« attribut fiscal » — « attribut fiscal » S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l’impôt ou l’autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

« avantage fiscal » — « avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal.

« opération » — « opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement.

 

(2) Disposition générale anti-évitement. En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

 

(3) Opération d’évitement. L’opération d’évitement s’entend :

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables – l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables – l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

 

(4) Non-application du par. (2). Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

(i)      la présente loi,

(ii)    le Règlement de l’impôt sur le revenu,

(iii)    les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

(iv)   un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions – compte non tenu du présent article – lues dans leur ensemble.

 

(5) Attributs fiscaux à déterminer. Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l’impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d’un revenu, d’une perte ou d’un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

 

(6) Demande en vue de déterminer les attributs fiscaux. Dans les 180 jours suivant la mise à la poste d’un avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire, envoyé à une personne, qui tient compte du paragraphe (2) en ce qui concerne une opération, ou d’un avis concernant un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11) envoyé à une personne en ce qui concerne une opération, toute autre personne qu’une personne à laquelle un de ces avis a été envoyé a le droit de demander par écrit au ministre d’établir à son égard une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire en application du paragraphe (2) ou de déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11) en ce qui concerne l’opération.

 

(7) Exception. Malgré les autres dispositions de la présente loi, les attributs fiscaux d’une personne, par suite de l’application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire ou que par avis d’un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11), compte tenu du présent article.

 

(8) Obligations du ministre. Sur réception d’une demande présentée par une personne conformément au paragraphe (6), le ministre doit, dès que possible, après avoir examiné la demande et malgré le paragraphe 152(4), établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ou déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11), en se fondant sur la demande. Toutefois, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ne peut être établie, ni un montant déterminé, en application du présent paragraphe que s’il est raisonnable de considérer qu’ils concernent l’opération visée au paragraphe (6).

 


Annexe II

 

[traduction]

 

Exposé conjoint des faits

 

1.         L’appelant Andrew T. Dunin (« M. Dunin ») est un particulier résidant à Aurora (Ontario).

 

2.         L’appelant Myron A. Garron (« M. Garron ») est un particulier résidant à Unionville (Ontario).

 

3.         L’appelante Berna V. Garron (« Mme Garron ») est un particulier résidant à Unionville (Ontario).

 

4.         La fiducie de la famille Garron appelante (la « fiducie FG ») était une fiducie établie conformément à un acte de fiducie daté du 26 avril 1993.

 

5.                  M. et Mme Garron étaient les fiduciaires de la fiducie FG.

 

6.                  Les bénéficiaires de la fiducie FG comprenaient les enfants et les petits‑enfants de M. et Mme Garron.

 

7.                  Avant l’année 1992, M. Garron et sa femme, Berna Garron, possédaient toutes les actions de Progressive Moulded Products Limited (« Products ») et de Progressive Tools Limited (« Tools ») par l’entremise d’une société de portefeuille familiale, Garron Holdings Limited (« GHL »).

 

8.                  Products et Tools s’occupaient, sous le nom de « Progressive », de la fabrication de moules à injection et de pièces en plastique utilisés dans diverses entreprises.

 

9.                  Au mois de novembre 1990, M. Dunin a été embauché par M. Garron à titre de directeur général de Progressive.

 

10.              Sous la supervision de M. Dunin, l’entreprise de Progressive a commencé à se concentrer sur la production de pièces en plastique utilisées dans l’assemblage d’automobiles.

 

11.              En 1992, PMPL Holdings Ltd. (« PMPL ») a été constituée en personne morale. GHL a transféré à PMPL les actions qu’elle détenait dans le capital de Products et de Tools en échange d’actions de PMPL. À compter de l’année 1992, M. Dunin a commencé à acquérir des actions de PMPL.

 

12.              M. Garron, GHL, la fiducie Garron, M. Dunin, PMPL, Products et Tools ont conclu une convention d’actionnaires datée du 20 novembre 1992 (la « convention d’actionnaires de 1992 »).

 

13.              En 1996, M. Dunin avait acquis une participation de 50 p. 100 dans PMPL, de sorte que les seules actions émises et en circulation de PMPL étaient les suivantes :

 

a)      50 actions ordinaires de catégorie A appartenant à GHL;

 

b)      50 actions ordinaires de catégorie B appartenant à M. Dunin.

 

14.              Après l’acquisition par M. Dunin des 50 actions ordinaires de catégorie B, les actions ordinaires de catégorie A et les actions ordinaires de catégorie B de PMPL comportaient les mêmes droits et les mêmes restrictions et les actions détenues par GHL et par M. Dunin étaient d’égale valeur.

 

15.              La structure organisationnelle à ce moment‑là est décrite au moyen d’un graphique, à l’annexe A.

 

16.              1287325 Ontario Limited (« 325 ») a été constituée en personne morale le 19 mars 1998.

 

17.              1287333 Ontario Inc. (« 333 ») a été constituée en personne morale le 19 mars 1998.

 

18.              Le 24 mars 1998, M. Dunin a fait en sorte que Dunin Holdings Inc. (« DHI ») soit constituée en personne morale en vertu de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) et a souscrit une action ordinaire le 27 mars 1998.

 

19.              Au 31 mars 1998, PMPL était détenue à 50 p. 100 par GHL et à 50 p. 100 par M. Dunin. GHL détenait 50 actions ordinaires de catégorie A et M. Dunin détenait 50 actions ordinaires de catégorie B.

 

20.              Le 1er avril 1998, M. Dunin a transféré à DHI les 50 actions ordinaires de catégorie B qu’il détenait dans PMPL conformément à l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») en échange de 499 actions ordinaires de DHI.

 

21.              Paul Ambrose (« M. Ambrose ») est un ami de longue date de M. Garron, qui réside à Kingstown, Saint‑Vincent.

 

22.              M. Ambrose n’est pas, et n’a jamais été, résidant du Canada.

 

23.              Avant le 2 avril 1998, M. Garron a demandé à M. Ambrose s’il était disposé à lui faire une faveur et à constituer une fiducie à son profit et au profit de sa famille et une fiducie au profit de M. Dunin et de la famille de M. Dunin. M. Ambrose a accepté de répondre à la demande de M. Garron.

 

24.              Le 2 avril 1998, M. Ambrose a signé un document intitulé « Acte de fiducie du Fundy Settlement ».

 

25.              Au cours du processus de rédaction de l’acte de fiducie du Fundy Settlement, M. Ambrose n’a pas donné de détails ni d’instructions au sujet du contenu ou des conditions du document.

 

26.              La signature de M. Ambrose dans l’acte de fiducie du Fundy Settlement a été attestée par Agnes E. Cato, avocate à Saint‑Vincent‑et‑les-Grenadines (« Me Cato »).

 

27.              Avant que M. Ambrose signe l’acte de fiducie du Fundy Settlement, Me Cato a examiné le contenu du document avec M. Ambrose.

 

28.              M. Ambrose a signé l’acte de fiducie du Fundy Settlement et l’a transmis à St. Michael Trust Corporation avec une traite bancaire au montant de 100 $US à titre de montant afférent à l’acte constitutif mentionné à l’article 1.2 de l’acte de fiducie du Fundy Settlement.

 

29.              Le montant de 100 $US remis à St. Michael Trust Corporation à titre du montant afférent à l’acte constitutif mentionné à l’article 1.2 de l’acte de fiducie du Fundy Settlement provenait des fonds de M. Ambrose.

 

30.              Le 2 avril 1998, M. Ambrose a signé un document intitulé « Acte de fiducie du Summersby Settlement ».

 

31.              Au cours du processus de rédaction de l’acte de fiducie du Summersby Settlement, M. Ambrose n’a pas fourni de détails ni d’instructions au sujet du contenu ou des conditions du document.

 

32.              La signature de M. Ambrose dans l’acte de fiducie du Summersby Settlement a été attestée par Me Cato.

 

33.              Avant que M. Ambrose signe l’acte de fiducie du Summersby Settlement, Me Cato a examiné le contenu du document avec M. Ambrose.

 

34.              M. Ambrose a signé l’acte de fiducie du Summersby Settlement et l’a transmis à St. Michael Trust Corporation avec une traite bancaire au montant de 100 $US à titre du montant afférent à l’acte constitutif mentionné à l’article 1.2 de l’acte de fiducie du Summersby Settlement.

 

35.              Le montant de 100 $US remis à St. Michael Trust Corporation à titre du montant afférent à l’acte constitutif mentionné à l’article 1.2 de l’acte de fiducie du Summersby Settlement provenait des fonds de M. Ambrose.

 

36.              Le 2 avril 1998, Julian Gill (« M. Gill »), un membre de la famille de M. Ambrose et un ami des Garron, a prêté 7 190 $US au Summersby Settlement (« Summersby »).

 

37.              Selon les conditions du prêt que M. Gill avait consenti à Summersby, le prêt portait intérêt au taux de 10 p. 100 et était remboursable au moment de la vente par Summersby des actions que celle‑ci détenait dans 325 ou au moment du paiement d’un dividende par 325.

 

38.              Le 2 avril 1998, M. Gill a prêté 7 190 $US au Fundy Settlement (« Fundy »).

 

39.              Selon les conditions du prêt que M. Gill avait consenti à Fundy, le prêt portait intérêt au taux de 10 p. 100 et était remboursable au moment de la vente par Fundy des actions que celle‑ci détenait dans 333 ou au moment du paiement d’un dividende par 333.

 

40.              Le 3 avril 1998, 1 000 actions de catégorie A et 1 000 actions de catégorie B de 325 ont été émises en faveur de Summersby.

 

41.              Le 3 avril 1998, 1 000 actions de catégorie A et 1 000 actions de catégorie B de 333 ont été émises en faveur de Fundy.

 

42.              PMPL, M. Dunin et M. Garron ont demandé à KPMG de fournir une évaluation de PMPL. La valeur à laquelle KPMG est arrivée pour toutes les actions ordinaires émises et en circulation de PMPL au 28 février 1998 était de 50 millions de dollars.

 

43.              Le 6 avril 1998, le capital‑actions de PMPL a été réorganisé de la façon suivante :

 

a)         chaque action ordinaire existante de catégorie A et chaque action ordinaire existante de catégorie B a été convertie en 10 actions de catégorie A (les « actions privilégiées »), de sorte qu’il y avait en tout 1 000 actions privilégiées;

 

b)         100 actions de catégorie B ont été créées (les « actions à valeur spéciale »);

 

c)            un nombre illimité d’actions de catégorie C ont été créées (les « nouvelles actions ordinaires »).

 

44.              Au 6 avril 1998, DHI et GHL possédaient chacune un nombre égal d’actions privilégiées.

 

45.              Le 6 avril 1998, 325 a souscrit 100 actions à valeur spéciale de PMPL au prix de souscription total de 10 $ et a souscrit 800 nouvelles actions ordinaires au prix de souscription global de 80 $.

 

46.              Le 6 avril 1998, 333 a souscrit 800 nouvelles actions ordinaires au prix de souscription total de 80 $.

 

47.       Les actions privilégiées :

 

a)      étaient des actions privilégiées à valeur fixe avec droit de vote;

 

b)      n’étaient pas des actions participatives à moins d’avoir été rachetées, les dividendes devenant alors des dividendes cumulatifs payables entre la date d’une demande de rachat des actions privilégiées et la date du rachat de ces actions privilégiées.

 

48.       Les actions à valeur spéciale :

 

a)   ne comportaient pas de droit de vote;

 

b)   ne donnaient pas droit à des dividendes;

 

c)      étaient rachetables au gré du détenteur pour un montant représentant 10 p. 100 du montant par lequel la juste valeur marchande de toutes les actions de PMPL et de Progressive Marketing, Inc., (selon la définition figurant dans les statuts de modification de PMPL) au moment du rachat excédait 50 000 000 $ divisé par 100.

 

49.       Les nouvelles actions ordinaires étaient des actions entièrement participatives, mais sans droit de vote.

 

50.       La structure organisationnelle au 6 avril 1998 est décrite au moyen d’un graphique à l’annexe B.

 

51.       La convention d’actionnaires de 1992 a été modifiée et reformulée le 6 avril 1998 (la « convention d’actionnaires de 1998 ») entre PMPL, les actionnaires de PMPL (GHL, DHI, 333 et 325) et MM. Dunin et Garron.

 

52.       Après le 6 avril 1998, PMPL a continué à exploiter son entreprise.

 

53.       Une offre d’achat a été faite au mois de mars 2000 par Oak Hill Capital Partners LP, un gros fonds de capital d’investissement privé basé aux États‑Unis qui était un tiers, et ce, par l’entremise de 1424666 Ontario Ltd.

 

54.       L’offre de 1424666 Ontario Ltd. a été acceptée et elle a fait l’objet d’une convention d’achat d’actions conclue le 21 juin 2000 (la « convention d’achat d’actions »).

 

55.       Conformément à la convention d’achat d’actions, le 10 août 2000 :

 

a)   Fundy a vendu les 1 000 actions de catégorie A et les 1 000 actions de catégorie B qu’elle détenait dans 333 à 1424666 Ontario Ltd., pour la somme de 217 118 436 $ en espèces;

 

b)   les actionnaires de GHL (M. Garron, Mme Garron et la fiducie FG) ont vendu toutes les actions de GHL à 1424666 Ontario Ltd., pour la somme de 25 000 000 $;

 

c)   Summersby a vendu 907 actions de catégorie A et 907 actions de catégorie B de 325 à 1424666 Ontario Ltd., pour la somme de 240 366 978 $ en espèces;

 

d)      DHI a transféré les actions privilégiées qu’elle détenait à 3045036 Nova Scotia Limited, la société mère de 1424666 Ontario Ltd., en échange d’une participation dans 3045036 Nova Scotia Limited, évaluée à 25 000 000 $.

 

56.       Le 29 août 2000, après la vente des actions de 325, le prêt de 7 190 $US que M. Gill avait consenti à Summersby a été remboursé au complet avec les intérêts.

 

57.       Le 29 août 2000, après la vente des actions de 333, le prêt de 7 190 $US que M. Gill avait consenti à Fundy a été remboursé au complet avec les intérêts.

 

58.       Conformément à la convention d’achat d’actions, M. Dunin a continué à travailler pour le nouvel acheteur de PMPL.

 

59.       Les relations entre PMPL et M. Garron, Mme Garron et Anne Dunin (l’épouse de M. Dunin) ont pris fin le 10 août 2000.

 

60.       La société 1424666 Ontario Limited a retenu un montant de 80 122 326 $ sur le prix d’achat des 907 actions de catégorie A et des 907 actions de catégorie B de 325 et a versé ce montant au receveur général du Canada.

 

61.       La société 1424666 Ontario Limited a retenu un montant de 72 372 812 $ sur le prix d’achat des actions de 333 et a versé ce montant au receveur général du Canada

 

62.       Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2000, Summersby n’a pas déclaré de gain en capital par suite de la disposition des 907 actions de catégorie A et des 907 actions de catégorie B de 325 en faveur de 1424666 Ontario Limited, à titre de gain assujetti à l’impôt au Canada, parce qu’à son avis, le gain était uniquement assujetti à l’impôt à la Barbade par l’effet du paragraphe XIV(4) de l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion  fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (l’« Accord »).

 

63.       Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2000, Fundy n’a pas déclaré de gain en capital par suite de la disposition des actions de 333 en faveur de 1424666 Ontario Limited, à titre de gain assujetti à l’impôt au Canada, parce qu’à son avis, le gain était uniquement assujetti à l’impôt à la Barbade par l’effet du paragraphe XIV(4) de l’Accord.

 

64.       En ce qui concerne l’année d’imposition 2000 de chacun des appelants, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de chacun des appelants (les « cotisations ») de la manière suivante :

 

a)         Summersby a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 160 244 591 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 1er septembre 2004;

 

b)         Fundy a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 144 745 557 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 1er septembre 2004;

 

c)         M. Dunin a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 162 298 420 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 17 juin 2004;

 

d)         M. Garron a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 14 147 031 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 30 juin 2004;

 

e)            Mme Garron a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 938 441 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 16 juin 2004;

 

f)          la fiducie FG a fait l’objet d’une cotisation au titre d’un revenu imposable de 133 514 811 $ au moyen d’un avis de cotisation daté du 18 juin 2004.

 

65.       Un rapprochement des montants déclarés par chacun des appelants qui a fait l’objet d’une cotisation de la part du ministre est joint à l’annexe C.

 

66.       Chaque appelant a déposé un avis d’opposition auprès du ministre, et le ministre a ratifié chacune des cotisations au moyen d’un avis de ratification daté du 21 février 2006; chaque avis de ratification fait maintenant l’objet d’un appel devant la présente cour.


[traduction]

 

STRUCTURE ORGANISATIONNELLE AVANT LE 6 AVRIL 1998

______________________________________________



Annexe III

 

[traduction]

 

Déclaration d’intention du fiduciaire

 

Fundy

 

En ce qui concerne le Fundy Settlement (la « fiducie »), l’intention du fiduciaire est la suivante :

 

 

1.     Politique de placement

 

a)      les actions de 1287333 Ontario Limited (« 1287333 ») seront détenues tant que les autres actionnaires de PMPL Holdings Inc. ne décideront pas de vendre leurs actions. À ce moment‑là, nous faciliterons la vente des actions de 1287333;  

 

b)      tout produit découlant de la vente des actions de 1287333 (et tout autre montant reçu par la fiducie par suite de la réalisation de quelque actif de 1287333 ou de quelque entité dans laquelle celle‑ci a une participation directe ou indirecte) sera placé prudemment en vue de la préservation à long terme du capital de la fiducie;

 

c)      nous demanderons de temps en temps des conseils à Myron Garron en matière de placement.

 

2.     Politique de distribution

 

a)      durant la vie de Myron Garron, la principale considération, lorsque des montants seront distribués au titre du revenu et du capital, devrait consister à agir au mieux des intérêts de Myron Garron, sous réserve uniquement de ses vœux quant aux montants distribués à d’autres bénéficiaires;

 

b)      dans l’éventualité où Myron Garron décéderait à un moment où nous détenons encore des actifs conformément aux conditions de la fiducie, les montants seront distribués au mieux des intérêts de la veuve de Myron Garron durant la vie de cette dernière et, par la suite, au mieux des intérêts des descendants de M. Garron, conformément à la définition figurant dans l’acte de fiducie.

 

Summersby

 

1.     Politique de placement

 

a)   les actions de 1287325 Ontario Limited (« 1287325 ») seront détenues tant que les autres actionnaires de PMPL Holdings Inc. ne décideront pas de vendre leurs actions. À ce moment‑là, nous faciliterons, en notre qualité de fiduciaire, la vente des actions de 1287325;  

 

b)   tout produit découlant de la vente des actions de 1287325 (et tout autre montant reçu par la fiducie par suite de la réalisation de quelque actif de 1287325 ou de quelque entité dans laquelle celle‑ci a une participation directe ou indirecte) sera placé prudemment en vue de la préservation à long terme du capital de la fiducie;

 

c)   en notre qualité de fiduciaire, nous pourrons de temps en temps demander des conseils à Andrew Dunin en matière de placement.

 

2.   Politique de distribution

 

Durant la vie d’Andrew Dunin, la principale considération, lorsque des montants seront distribués au titre du revenu et du capital, devrait consister à agir au mieux des intérêts d’Andrew Dunin, sous réserve uniquement de ses vœux quant aux montants distribués à d’autres bénéficiaires. Dans l’éventualité où Andrew Dunin décéderait à un moment où, en notre qualité de fiduciaire, nous détenons encore des actifs conformément aux conditions de la fiducie, les montants seront distribués au mieux des intérêts de la veuve d’Andrew Dunin durant la vie de cette dernière et, par la suite, au mieux des intérêts des descendants d’Andrew Dunin (conformément à la définition figurant dans l’acte de fiducie).

 

3.  Pouvoir de modification de la fiducie

 

      En notre qualité de fiduciaire, nous consulterons Andrew Dunin au mois d’avril de chaque année (*) en vue de décider si les clauses 3.1e)(iv) ou 3.1f) de l’acte de fiducie doivent être modifiées de façon à correspondre à toute modification apportée au testament d’Andrew Dunin.

 

 


 

 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 450

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-1405(IT)G, 2006-1407(IT)G

                                                          2006-1408(IT)G, 2006-1409(IT)G

                                                          2006-1410(IT)G, 2006-1411(IT)G

 

INTITULÉS :                                     Myron A. Garron et Berna V. Garron, en leur qualité de fiduciaires de la fiducie familiale Garron c. Sa Majesté la Reine; Berna V. Garron c. Sa Majesté la Reine; Myron A. Garron c. Sa Majesté la Reine; St. Michael Trust Corp., en sa qualité de fiduciaire du Fundy Settlement c. Sa Majesté la Reine; Andrew T. Dunin c. Sa Majesté la Reine; St. Michael Trust Corp., en sa qualité de fiduciaire du Summersby Settlement c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Du 21 juillet au 6 août 2008

 

MOTIFS DES JUGEMENTS :           L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DES JUGEMENTS :               Le 10 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelants :

Me Douglas H. Mathew

Me Matthew G. Williams

 

Avocats de l’intimée :

Me Elizabeth Chasson

Me Margaret Nott

Me Martin Beaudry

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                             Douglas H. Mathew

 

                   Cabinet :                         Thorsteinssons LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

 

 



[1] Dans les présents motifs, l'expression « actions ordinaires » est employée en vue de décrire des actions ordinaires ou des actions spéciales comportant une droit de participation aux bénéfices.

[2] La contrepartie en actions de 50 000 000 $ était détenue en parts égales par M. Dunin et par Summersby ou pour le compte de ceux‑ci. M. Dunin a acquis une participation en faisant en sorte que DHI échange les actions qu'elle détenait dans PMPL contre des actions d'une société appartenant à l'acheteur. La preuve ne montre pas clairement de quelle façon la participation de Summersby a été acquise, mais cela importe peu aux fins qui nous occupent. Cela ne fait pas partie du gain qui est ici en litige.

[3] Selon la transcription, M. Hutchinson a déclaré, à un moment donné, qu'il avait commencé à travailler pour St. Michael en 1990. Cela me semble être une erreur d'écriture dans la transcription.

[4] Sherman, David, éd., Notes techniques du ministère des Finances, Impôt sur le revenu, 20e éd. (Toronto, Carswell, 2008).

[5] Cet argument a été invoqué à l'égard de l'article 68.

[6] Il a été admis qu'il y avait eu opération d'évitement, à condition que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. MacKay, 2008 DTC 6238, soit une décision définitive. Or, cette décision est maintenant définitive étant donné que la Cour suprême du Canada a refusé l'autorisation de pourvoi.

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