Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2005-4015(GST)G

2006-511(GST)G

ENTRE :

 

LA CORPORATION DE L’HÔPITAL D’OTTAWA,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus les 20, 21 et 22 octobre 2008,

à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Daniel Sandler

Me L. Michele Anderson

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

Me Michael Ezri

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

Les appels interjetés des cotisations établies au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, pour la période allant du 16 juillet 2001 au 30 septembre 2002, datées du 13 février 2004, et pour la période allant du 1er octobre 2002 au 31 octobre 2003, datées du 8 août 2005, respectivement, sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs ci-annexés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2010.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mai 2010.

 

 

François Brunet, Réviseur


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 53

Date : 20100129

Dossiers : 2005-4015(GST)G

2006-511(GST)G

 

ENTRE :

 

LA CORPORATION DE L’HÔPITAL D’OTTAWA,

appelante,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

Introduction

 

[1]              Les présents appels résultent de ce que l’appelante, un organisme public, a négligé et/ou refusé de se plier aux conditions qui lui étaient imposées pour équilibrer son budget. À la suite de l’examen opérationnel ordonné par le ministre de la Santé et des Soins de longue durée (le ministre), l’appelante a été placée sous l’autorité temporaire d’un superviseur nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil de l’Ontario (le LGCO). En l’espèce, la Cour est appelée à rechercher si l’appelante a droit au remboursement de la taxe sur les produits et services (la TPS) pour les produits et services acquis par elle dans l’exercice de ses activités durant cette période, ainsi que durant une certaine période par la suite.

 

[2]              L’appelante est un hôpital public régi par la Loi sur les hôpitaux publics, L.R.O. 1990, ch. P.40, et modifications, (la LHP) et une personne morale régie par la Loi sur les personnes morales, L.R.O. 1990, ch. C.38, et modifications, au nom de la province. Par le décret n° 1704/2001 daté du 16 juillet 2001, le LGCO, agissant sur la recommandation du ministre, a nommé Dennis Timbrell à titre de superviseur de l’appelante. Durant la mission de M. Timbrell, c’est-à-dire du 16 juillet 2001 au 30 septembre 2002 (la période de supervision), ainsi que durant une certaine période par la suite, c’est-à-dire du 1er octobre 2002 au 31 octobre 2003 (la période ultérieure), l’appelante a demandé, en application du paragraphe 261(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la LTA), L.R.C. 1985, ch. E-15, le remboursement de 17 p. 100 de la TPS payée durant ces périodes, au motif que les montants de TPS avaient été payés par erreur. L’appelante et certains autres organismes de services publics ont droit, aux termes de l’article 259 de la LTA, au remboursement d’une partie de la TPS qu’ils ont payée sur certains intrants. L’appelante avait donc déjà demandé des remboursements, à titre d’organisme de services publics, représentant 83 p. 100 de la TPS payée, en se fondant sur le paragraphe 259(3) de la LTA. L’appelante fait maintenant appel du rejet de ses demandes de remboursement de 17 p. 100 de la TPS pour la période de supervision et la période ultérieure.

 

[3]              Au soutien de ses demandes de remboursement, l’appelante a fait valoir qu’elle était une autorité publique, ou une mandataire, de la Province d’Ontario et que, par conséquent, en application de l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3. (R.-U.), elle était dispensée de payer les 17 p. 100 restants de la TPS, selon le principe de l’immunité de la Couronne.

 

[4]              Les demandes de remboursement de l’appelante ont été rejetées, pour les motifs suivants :

 

a)                 l’appelante n’était pas une autorité publique, ni la mandataire, de la Province d’Ontario;

 

b)                même si l’appelante était la mandataire de la Couronne, elle n’avait pas la qualité requise pour déposer les demandes de remboursement, ni pour interjeter les présents appels devant la Cour;

 

c)                 même si l’appelante était la mandataire de la Couronne, son immunité à ce titre était levée par l’effet de l’Accord de réciprocité fiscale (l’ARF) conclu entre la Province d’Ontario et le gouvernement du Canada. En outre, selon l’intimée, l’appelante n’avait pas droit au remboursement de sommes payées par erreur, et cela, parce que le paragraphe 262(2) de la LTA exclut l’introduction d’une deuxième demande portant sur le même objet.

 

Les faits

 

[5]              Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits et des points litigieux, qui constitue l’annexe A des présents motifs.

 

[6]              Au printemps de 2001, il était devenu évident que l’incapacité persistante de l’appelante de respecter son budget allait forcer le ministre à prendre la décision draconienne de nommer un superviseur qui aurait pour tâche d’encadrer le conseil d’administration de l’appelante et d’exécuter un plan de redressement à long terme. M. Brian Patterson, chef de cabinet du ministre de l’époque, Tony Clement, a dit de cette mesure qu’elle [traduction] « s’apparentait à la bombe atomique en fait de contrôle… L’Hôpital était soumis à un contrôle absolu dont l’effet était d’écarter sa direction et son conseil, et c’est nous qui allions tenir la barre… » (Transcription, page 243). Le 29 juin 2001, le conseil d’administration était informé par lettre de la décision du ministre de recommander au LGCO la nomination d’un superviseur, conformément à l’article 9 de la LHP. La nomination d’un superviseur fut recommandée à l’issue d’un examen opérationnel de l’appelante mené par le Hay Group, examen qui contenait 127 recommandations.

 

[7]              Le 16 juillet 2001, le ministre écrivait au président du conseil d’administration pour l’informer qu’il avait recommandé la nomination d’un superviseur et que Dennis Timbrell avait été nommé par décret. Le décret précisait que M. Timbrell avait [traduction] « le droit exclusif d’exercer tous les pouvoirs du conseil d’administration, de la Corporation de l’Hôpital d’Ottawa et des membres de la corporation », ainsi que [traduction] « le droit exclusif d’exercer tous les pouvoirs des dirigeants de l’Hôpital d’Ottawa » autres que ceux du président‑directeur général de l’Hôpital.

 

[8]              M. Timbrell est un vieux routier de la politique, puisqu’il s’y consacre depuis 1971, et il a une connaissance approfondie du système des soins de santé de l’Ontario. Il a occupé sept portefeuilles ministériels et a été ministre de la Santé de 1977 à 1982. Durant cette période, il a piloté plusieurs modifications apportées à la LHP qui concernaient la nomination d’inspecteurs et de superviseurs pour les hôpitaux publics.

 

[9]              Les attributions de M. Timbrell en tant que superviseur étaient les suivantes :

 

[traduction]

1.         Le superviseur examinera les questions de gouvernance, notamment le fonctionnement et la composition du conseil, ainsi que la qualité de membre du conseil d’administration.

 

2.         Le président‑directeur général de l’hôpital restera chargé de la gestion quotidienne de l’hôpital. Tenant lieu de conseil d’administration de l’hôpital, le superviseur donnera, s’il y a lieu, des directives à l’équipe de la haute direction pendant la durée de sa mission.

 

3.         Le superviseur pilotera la mise en application du plan de redressement entériné par le ministère, en tenant compte des recommandations figurant dans l’examen opérationnel, et en concertation avec les partenaires sociaux internes et externes.

 

4.         Le superviseur exercera toutes les fonctions du conseil d’administration, de la corporation, de ses dirigeants (autres que le président‑directeur général de l’hôpital) et de ses membres dans la gestion de l’hôpital, en conformité avec la Loi sur les hôpitaux publics, ses règlements d’application et tous autres textes applicables.

 

5.         Le superviseur établira un organe consultatif et fera appel, le cas échéant, à des ressources externes.

 

6.         Le superviseur se tiendra en liaison avec le sous-ministre adjoint, Division des programmes de soins de santé, et avec le directeur régional de la région Est.

 

7.         Le superviseur relèvera du ministre de la Santé et des Soins de longue durée.

 

(Onglet 2, Recueil conjoint de documents)

 

[10]         M. Timbrell a qualifié de désastreuse, à l’époque, la situation financière de l’appelante, puisque l’hôpital prévoyait une perte d’environ 250 000 $ par jour alors même qu’il avait [traduction] « bénéficié l’année antérieure d’un sauvetage atteignant la bagatelle de 30 ou 40 millions de dollars, et l’année d’avant également ». (Transcription, page 96).

 

[11]         Conformément à ses attributions, M. Timbrell avait nommé un petit groupe consultatif chargé de cerner les difficultés de l’appelante et de déterminer les mesures à prendre. Il avait aussi établi des sous-comités chargés de la gouvernance, des finances, de la qualité et de la planification. Cependant, il a témoigné que, en fin de compte, c’est lui qui prenait les décisions et que [traduction] « […] à toutes fins utiles, le conseil d’administration, c’était lui » (Transcription, page 125). M. Timbrell a témoigné également qu’il communiquait constamment et régulièrement avec le chef de cabinet, M. Patterson, qui était [traduction] « l’alter ego du ministre » (Transcription, page 154), et cela, tout au long de sa mission, y compris durant l’étape du suivi, la mise en application du plan de redressement et la préparation du budget 2002‑2003, ainsi que durant l’élaboration de nouveaux règlements administratifs et la constitution d’un nouveau conseil d’administration. M. Timbrell a déclaré que, en dernière analyse, si le ministre était en désaccord avec ses propositions, le ministre avait le pouvoir d’y mettre son veto.

 

[12]         La subordination de M. Timbrell au ministre se manifestait surtout par l’entremise du chef de cabinet du ministre, la plupart de leurs rencontres prenant la forme de conversations téléphoniques hebdomadaires. Les face-à-face avec le ministre étaient rares, puisque, au cours de la période de 15 mois, elles n’ont totalisé que trois à cinq heures.

 

[13]         Le président‑directeur général de l’appelante, le Dr J. Kitts, a témoigné que M. Timbrell ne lui avait jamais donné de directives concernant les biens et services achetés au nom de l’appelante. En contre-interrogatoire, le Dr Kitts a déclaré que les commandes permanentes et autres marchés de fournitures et de services conclus avant la période de supervision n’avaient pas été touchés par la nomination de M. Timbrell.

 

[14]         M. Timbrell est demeuré à la barre de l’appelante durant près de 15 mois. Dès qu’il fut mis fin à ses fonctions par le décret n° 1675/2002 le 30 septembre 2002, un nouveau conseil d’administration, qu’il avait lui-même désigné, a géré l’hôpital durant un peu plus d’un an.

 

[15]         L’appelante présentait régulièrement, en application du paragraphe 259(3) de la LTA, et à titre d’organisme de services publics (OSP), des demandes de remboursement de TPS correspondant à 83 p. 100 de la TPS payée durant la période pour ses achats de produits et services taxables. Les sommes réclamées étaient vérifiées, puis payées à l’appelante. Le 1er décembre 2003 et le 19 janvier 2004, l’appelante a présenté deux autres demandes de remboursement de TPS fondées sur le paragraphe 261(1) de la LTA, l’une concernant la période de supervision, chiffrée à 1 704 984,55 $, et l’autre concernant la période ultérieure, chiffrée à 1 582 291 $. Ces demandes portaient toutes les deux sur un remboursement additionnel de 17 p. 100 de la TPS payée durant les périodes considérées. Elles ont été rejetées, tant pour la période de supervision que pour la période ultérieure.

 

[16]         L’appelante a admis que sa demande portant sur la période du 16 juillet 2001 au 30 novembre 2001 n’était plus recevable en raison du paragraphe 261(3) de la LTA.

 

[17]         En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur les questions suivantes :

 

(i)                L’appelante était-elle une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision?

 

(ii)              L’appelante était-elle une autorité publique la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période ultérieure?

 

(iii)            Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne ou était la mandataire de la Couronne durant la période de supervision et/ou durant la période ultérieure, avait-elle qualité pour déposer les demandes de remboursement qui font l’objet des présents appels, et a-t-elle qualité pour s’adresser à la Cour canadienne de l’impôt en alléguant l’immunité de la Couronne?

 

(iv)            Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne ou était la mandataire de la Couronne durant la période de supervision et/ou durant la période ultérieure, l’exemption fiscale fédérale prévue par l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 a-t-elle été levée par l’effet d’un accord de réciprocité fiscale conclu entre le gouvernement du Canada, représenté par le ministre fédéral des Finances, et le gouvernement de l’Ontario, représenté par le ministre des Finances de l’Ontario, accord qui a pris effet le 1er juillet 2000?

 

(v)              Les articles 262, 297, 299 et 306 et le paragraphe 301(1.1) de la LTA excluent-ils la réclamation, par l’appelante, des remboursements de la TPS payée par erreur?

 

La qualité de mandataire de la Couronne

 

[18]         (i) L’appelante était-elle une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision?

 

(ii) L’appelante était-elle une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période ultérieure?

 

La thèse de l’appelante

 

[19]         L’appelante a soutenu que, même si elle n’était pas la mandataire de la Couronne aux termes d’une loi, elle une autorité publique rattachée à la Couronne ou était la mandataire de la Couronne selon la common law, plus précisément du ministère de la Santé et des Soins de longue durée, et cela, tant durant la période de supervision que durant la période ultérieure. Se fondant sur l’arrêt R. c. Eldorado Nucléaire Ltée, [1983] 2 R.C.S. 551, l’appelante a soutenu que l’existence d’un mandat se détermine d’après le critère du contrôle et que ce critère se fonde sur le niveau de contrôle que l’État est légalement habilité à exercer (contrôle de droit), et non sur le niveau de contrôle qu’il exerce effectivement (contrôle de fait).

 

[20]         Selon l’appelante, les pouvoirs conférés au ministre par la LHP sont étendus. Ils peuvent être exercés sur l’appelante même si aucun superviseur n’a été nommé. Lorsqu’un superviseur est nommé, le ministère et/ou le LGCO sont fondés à exercer un contrôle total sur l’appelante par le truchement du superviseur. En conséquence, les pouvoirs conférés au ministre par les dispositions de la LHP, à quoi s’ajoute le droit de nommer un superviseur et d’exercer sur lui une autorité totale, font de l’appelante la mandataire de la Couronne, tant durant la période de supervision que durant la période ultérieure.

 

La thèse de l’intimée

 

[21]         L’appelante n’était en aucun cas une autorité publique rattachée à la Couronne ni la mandataire de la Couronne. Son existence et sa gouvernance en tant qu’organisation sont distinctes de celles du ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Ni la Loi sur le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, L.R.O. 1990, ch. M.26 (la LMSSLD) ni la LHP ne font de l’appelante une autorité rattachée au ministère. L’intimée a signalé plusieurs dispositions de la LMSSLD et de la LHP qui sont incompatibles avec l’idée selon laquelle l’appelante serait rattachée au ministère : les activités du ministère sont menées par des employés nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. P.47, mais le personnel de l’appelante n’est pas nommé en vertu de cette loi; lorsque le gouvernement veut qu’un hôpital soit rattaché au ministère, il le dit explicitement; les fonctions premières de chacun sont différentes; les plans d’activités du ministère décrivent les hôpitaux comme des organisations autonomes gérées par des conseils autonomes; le ministère n’a pas de droit de retour sur les biens de l’appelante; le décret de nomination du superviseur n’a pas modifié le statut juridique de l’appelante. Par conséquent, les textes ne permettent pas de conclure que l’appelante est une autorité rattachée à la Couronne. L’intimée s’est fondée sur le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Halifax (City) v. Halifax Harbour Commissioner, [1935] S.C.R. 215, pour soutenir que l’appelante ne pouvait être une mandataire de la Couronne en common law lorsqu’étaient appliqués les facteurs du critère de contrôle. L’appelante ne s’est jamais considérée comme mandataire et elle n’était pas mandataire au moment d’acquérir des produits et des services. Dans la gestion de l’hôpital, elle a toujours mené elle-même ses activités, toujours été propriétaire des biens qu’elle utilisait et toujours recruté elle-même ses employés.

 

Analyse – La qualité de mandataire de la Couronne

 

[22]         Un organisme public peut soit être explicitement désigné comme mandataire de la Couronne par un texte législatif, soit être considéré comme mandataire en common law parce qu’il répond au critère du contrôle en common law lorsque divers facteurs sont analysés. En l’espèce, l’appelante ne prétend pas qu’elle était mandataire de la Couronne selon la loi (paragraphe 18, Exposé des faits et du droit de l’appelante). Dans l’arrêt Halifax Harbour Commissioner, la Cour suprême a examiné le critère permettant de dire si un organisme public doit ou non être assimilé au mandataire de la Couronne en common law. La Cour suprême a considéré [traduction] « […] la nature des pouvoirs et fonctions des intimés […] » (page 226).

 

[23]         La Cour suprême a réexaminé ce critère dans l’arrêt Westeel-Rosco Ltd. c. South Saskatchewan Hospital Centre, [1977] 2 R.C.S. 238. Elle a fait les observations suivantes, aux pages 249‑250 :

 

Le point de savoir si un organisme donné est un mandataire de la Couronne dépend de la nature et du degré du contrôle que la Couronne exerce à son égard. […]

 

[24]         Elle poursuivait ainsi, à la page 250, citant un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, R. v. Ontario Labour Relations Board, Ex p. Ontario Food Terminal Board (1963), 38 D.L.R. (2d) 530 :

 

[traduction] Il ne m’est pas possible de formuler un critère à la fois général et précis permettant de déterminer dans tous les cas avec certitude si un organisme est ou non mandataire de la Couronne. La réponse à cette question dépend pour partie de la nature des fonctions exercées et des personnes auxquelles le service est destiné. Elle dépend pour partie de la nature et de l’étendue des pouvoirs conférés. Elle dépend principalement de la nature et du degré du contrôle que peut exercer ou qu’a conservé la Couronne.

 

[25]         Ce critère a été résumé ainsi par Hogg et Monahan (Liability of the Crown, 3e édition, Carswell, 2000, à la page 334) :

 

[traduction] […] Si l’organisation est dirigée par un ministre (ou par le cabinet) plus ou moins de la même manière qu’un ministère, alors elle est une mandataire de la Couronne. Si en revanche l’organisation échappe largement au contrôle ministériel, alors elle n’est pas une mandataire de la Couronne.

 

[26]         Le critère fut aussi résumé de la manière suivante par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Eldorado Nucléaire, aux pages 573-574 :

 

[…] En common law, la question de savoir si une personne est un mandataire ou un préposé de l’État dépend du degré de contrôle que l’État, par ses ministres, peut exercer sur l’exécution de ses fonctions. Plus ce contrôle est sévère, plus la personne est susceptible d’être reconnue comme mandataire de l’État. Lorsqu’une personne, physique ou morale, exerce un pouvoir discrétionnaire important non assujetti au contrôle ministériel, la common law lui refuse le statut de mandataire de l’État. Il ne s’agit pas de savoir à quel point la personne est autonome en fait, mais de savoir quelle mesure d’autonomie elle peut revendiquer en raison des conditions de sa nomination et de la nature de ses fonctions: Bank voor Handel en Scheepvaart N.V. v. Administrator of Hungarian Property, [1954] A.C. 584, aux pp. 616 et 617; voir également l’ouvrage de Hogg, Liability of the Crown, 1971, à la p. 207. […]

 

[27]         En définitive, l’élément essentiel du critère du contrôle est le contrôle de droit par opposition au contrôle de fait. Par conséquent, le niveau requis de contrôle est celui que le ministre est légalement fondé à exercer sur l’organisme ou institution en cause, et non le degré de contrôle qui est exercé en fait. Dans l’arrêt Eldorado Nucléaire, la Cour suprême faisait les observations suivantes, à la page 574 :

 

La common law ne dit pas que les personnes assujetties au contrôle de droit ont droit à l’immunité de l’État, mais plutôt que l’immunité s’applique aux personnes qui agissent pour le compte de l’ÉtatNéanmoins, il ressort de cet arrêt [l’arrêt Board v. Sheedy, [1927] A.C. 899], que le critère du contrôle de droit s’applique uniquement en l’absence de termes précis qui indiquent que l’organisme agit pour le compte de l’État ou en sa qualité de mandataire de l’État. […]

 

[28]         Selon Hogg et Monahan, dans Liability of the Crown, on répond à la question en examinant la loi d’habilitation de l’organisme, et il n’est pas nécessaire d’étudier la relation effective entre l’organisme concerné et le gouvernement (page 336).

 

[29]         Comme c’est le cas pour maints domaines du droit, c’est là une question fort incertaine. La ligne de démarcation entre les organismes qui sont considérés comme mandataires de la Couronne en common law et ceux qui ne le seront pas est pour le moins imprécise. Il existe [traduction] « une incertitude sur le niveau précis de contrôle gouvernemental qui suffit à conférer à un organisme le statut de mandataire de la Couronne » (Robert Flannigan, Crown Agent Status (1988), 67 R. du B. can. 229, à la page 231). Cependant, aux pages 573 et 574 de l’arrêt Eldorado Nucléaire, le juge Dickson s’exprimait ainsi :

 

[…] Lorsqu’une personne, physique ou morale, exerce un pouvoir discrétionnaire important non assujetti au contrôle ministériel, la common law lui refuse le statut de mandataire de l’État. […]

 

L’article susmentionné, Crown Agent Status, s’appuie sur l’enseignement de l’arrêt Eldorado Nucléaire et, à la page 249, son auteur trace ainsi la ligne de démarcation :

 

[traduction] […] Il semblerait que l’on puisse en conclure que, dès lors que l’organisme n’exerce pas un pouvoir discrétionnaire important, on peut le considérer comme mandataire de la Couronne. Autrement dit, un contrôle gouvernemental notable, même si l’on ne saurait dire qu’il s’agit d’un contrôle important, suffit à conférer à l’organisme le statut de mandataire de la Couronne. Si tel est le cas, le niveau précis de contrôle requis est un contrôle notable […]

 

[30]         Pour savoir ce qu’il en était du critère de contrôle avant l’arrêt Halifax Harbour Commissioner, il faut remonter dans le temps, plus précisément à l’arrêt Fox v. Government of Newfoundland, [1898] A.C. 667. Dans cette affaire, le Conseil privé était appelé à rechercher si les soldes figurant dans les comptes d’une banque au crédit de divers conseils locaux chargés d’administrer l’éducation dans la Colonie constituaient des créances auxquelles s’appliquait la priorité de la Couronne. Il a décidé que le conseil scolaire n’était pas mandataire de la Couronne, parce qu’il était investi d’un pouvoir discrétionnaire autonome sur la manière d’employer et d’affecter ses ressources.

 

[31]         Le Conseil privé s’est prononcé dans le même sens dans l’arrêt Metropolitan Meat Industry Board c. Sheedy, [1927] A.C. 899. Même si c’est le gouverneur en conseil qui avait nommé les membres du Conseil métropolitain de l’industrie de la viande et même s’il pouvait opposer son veto à certaines décisions de cet organisme, le Conseil privé a néanmoins décidé qu’il n’était pas un mandataire de la Couronne. À la page 905, il s’exprimait ainsi :

 

[traduction] […] Il s’agit d’un organisme investi de pouvoirs discrétionnaires qui lui sont propres. Même si un ministre de la Couronne a le pouvoir de s’interposer dans leur exercice, la loi ne contient rien qui permette d’attribuer au ministre les actes administratifs de l’organisme. […]

 

Le Conseil privé s’est attardé sur le fait que le texte constituant le Conseil métropolitain de l’industrie de la viande (le MMIB) conférait de larges pouvoirs au MMIB et que celui-ci avait le loisir de les exercer à sa guise, sans devoir en référer aux représentants de l’État. Le Conseil privé comptait parmi les pouvoirs du MMIB la possibilité qu’il avait d’acquérir des terrains, de construire des abattoirs et des ouvrages, de vendre du bétail et de la viande et de louer des biens-fonds. Il a aussi relevé que le MMIB ne versait pas ses recettes au Trésor public.

 

[32]         De même, dans l’arrêt Tamlin c. Hannaford, [1950] 1 K.B. 18, lord Denning a décidé que la British Transport Commission n’était pas mandataire de la Couronne, parce que ses préposés n’étaient pas des fonctionnaires, que ses biens-fonds n’étaient pas ceux de la Couronne et que le contrôle exercé par le ministre des Transports n’atteignait pas le niveau fixé par la norme.

 

[33]         Dans l’arrêt University of Toronto c. Minister of National Revenue (1950), 50 D.T.C. 738, la Cour de l’Échiquier a elle aussi suivi le critère du contrôle pour rechercher si le conseil des gouverneurs de l’Université de Toronto était mandataire de la Couronne, de telle sorte que les sommes recueillies par cet organisme étaient de ce fait exonérées de l’impôt successoral. Aux termes de l’University Act, L.R.O. 1937, ch. 372, le conseil, en tant qu’organe directeur de l’Université de Toronto, avait le pouvoir de nommer les préposés et de recruter les employés, de fixer les droits de scolarité, de réguler et gérer les résidences universitaires et les réfectoires, d’investir des fonds, d’acheter et de faire construire des édifices avec l’approbation du LGCO, d’administrer ses biens et dotations et de recevoir des revenus et engager des dépenses. L’appel a été rejeté, le conseil des gouverneurs ne pouvant prétendre à une exonération à titre de mandataire de la Province d’Ontario. Les pouvoirs du LGCO étaient surtout de nature financière, mais ils n’avaient pas pour effet de limiter l’indépendance du conseil des gouverneurs dans la gestion de l’université.

 

[34]         Suivant le critère du contrôle de l’arrêt Westeel-Rosco, la Cour suprême d’abord examiné la loi organique de l’appelante dans cette affaire-là, à savoir la South Saskatchewan Hospital Centre Act, R.S.S. 1965, ch. 254. Aux pages 251 et 252, elle observait que le conseil d’administration de l’hôpital était « investi de larges pouvoirs pour la construction et l’administration de l’hôpital [le South Saskatchewan Hospital] ». Les dispositions applicables conféraient les pouvoirs suivants : le pouvoir, avec l’autorisation du LGCO, d’acheter, louer et vendre des terrains et de construire ou acquérir d’autres édifices; le pouvoir de conclure des ententes portant sur l’exploitation des équipements hospitaliers et sur la gestion de l’hôpital; le pouvoir de recevoir des fonds de la Couronne; le pouvoir d’établir des règles se rapportant à l’exploitation et à la gestion de l’hôpital; le pouvoir d’emprunter; le pouvoir d’autoriser l’Assemblée législative à affecter des fonds pour la maintenance hospitalière et les frais du conseil; enfin, le pouvoir de soumettre l’hôpital à un audit et de le contraindre à présenter un rapport sur ses finances au ministre de la Santé publique. À la page 253, la Cour suprême concluait ainsi :

 

[…] les pouvoirs dont le Conseil est investi sont fort éloignés de ceux d’un mandataire de la Couronne constamment assujetti, dans l’exercice de ses pouvoirs, au contrôle de cette dernière, comme c’était le cas des Commissaires du port de Halifax […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

La Cour suprême a conclu que les pouvoirs du conseil d’administration de l’hôpital « se rapprochaient davantage de ceux du Conseil métropolitain de l’industrie de la viande », au sujet duquel le Conseil privé avait décidé qu’il n’était pas mandataire de la Couronne. Il convient de noter cependant que, lors du prononcé de l’arrêt Westeel‑Rosco, la province de la Saskatchewan n’avait pas de loi prévoyant la nomination d’un superviseur.

 

[35]         Plus récemment, dans la décision Conseil scolaire de district de Toronto c. Canada, [2009] A.C.I. no 25, prononcé par le juge Campbell Miller, était en cause la nomination d’un superviseur en application de la Loi sur l’éducation de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. E.2, pour qu’il encadre le Conseil scolaire de district de Toronto (le CSDT). Le juge Miller a recherché si la TPS était une taxe sur des terres ou des biens-fonds appartenant à la Province d’Ontario; autrement dit, il a recherché si la province était devenue le propriétaire des biens du CSDT. La Cour canadienne de l’impôt a décidé que, même si le CSDT avait été un mandataire de la Couronne durant l’application de l’ordonnance de dévolution, les pouvoirs du CSDT en tant que mandataire de la Couronne selon la Loi sur l’éducation n’avaient pas eu pour effet de le dépouiller de ses biens, y compris des fonds qu’il consacrait à l’acquisition de biens et de services, pour en faire des biens de la province. Le juge Miller a donc conclu que, si le CSDT était devenu mandataire de la Couronne, c’était pour que ses affaires soient assujetties au contrôle de la province, non pour qu’il soit dépossédé de l’ensemble de ses biens.

 

[36]         La Cour d’appel fédérale a confirmé ce jugement ([2009] A.C.F. no 1422), au motif que le CSDT n’agissait pas comme mandataire de la Couronne, que ce soit selon la common law ou selon un texte législatif.

 

[37]         Les décisions de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Conseil scolaire de district de Toronto méritent plus ample examen vu que j’ai demandé aux avocats des deux parties de présenter des observations écrites dans le présent appel après le prononcé de son arrêt par la Cour d’appel fédérale. Cependant, je voudrais d’abord exposer les motifs qui m’amènent à rejeter l’argument principal de l’appelante selon lequel elle est une autorité publique rattachée à la Couronne ou la mandataire de la Couronne.

 

[38]         Ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’on peut conclure qu’un organisme est mandataire de la Couronne en common law, vu que le critère applicable est strict. Ainsi que l’observait lord Denning dans l’arrêt Tamlin c. Hannaford, à la page 25 :

 

[traduction] […] Quand le législateur entend qu’une nouvelle corporation soit une mandataire de la Couronne, il a coutume de le préciser. […]

 

Cela est d’autant plus vrai dans la province d’Ontario, où nombreuses sont les lois qui établissent des organismes, pour les désigner ensuite explicitement mandataires de la Couronne.

 

[39]         Plusieurs facteurs, en l’espèce, militent contre l’idée qu’existe le niveau de contrôle qui permettrait de conclure que l’appelante est mandataire de la Couronne selon la common law. L’appelante est constituée conformément à la LHP. Aucune disposition de la LMSSLD ou de la LHP ne dit que l’appelante fait partie du ministère. Par ailleurs, comme l’a fait observer l’intimée, lorsque le ministère souhaite inclure, comme éléments du ministère, des entités distinctes telles que conseils régionaux de la santé ou hôpitaux psychiatriques, il exprime clairement cette intention (Accord de réciprocité fiscale, Recueil conjoint de documents, onglet 21). Comme on peut le lire dans l’arrêt Tamlin c. Hannaford, à la page 25 :

 

[traduction] […] en l’absence d’une telle disposition explicite [faisant de l’organisme la mandataire de la Couronne selon la loi], la déduction qui s’impose, à tout le moins dans le cas d’une organisation commerciale, est que cette organisation agit en son propre nom, même si elle est contrôlée par un ministère.

 

Par conséquent, l’appelante ne peut être la mandataire de la Couronne que si la Couronne exerce le degré requis de contrôle sur l’appelante en common law.

 

[40]         Comme l’a expliqué M. Timbrell dans son témoignage sur l’origine du système hospitalier actuel, les hôpitaux tels que l’appelante ont toujours été considérés comme autonomes et généralement indépendants du gouvernement. L’adoption d’un dispositif de supervision, et son application à l’appelante, n’ont pas modifié cela s’agissant de l’appelante. Le dispositif de supervision a été qualifié de changement marginal apporté à un pouvoir rarement exercé. Le rôle de l’appelante et celui du ministère sont de nature très différente. L’appelante n’exerce pas les activités du ministère, mais c’est plutôt le ministère qui a délégué à l’appelante le pouvoir d’administrer les soins de santé dans la région d’Ottawa en tant qu’activité propre de l’appelante (contre-interrogatoire de M. Patterson; interrogatoire principal de J. McKinley).

 

[41]         L’appelante a fait valoir que le ministère était légalement habilité à exercer un niveau élevé de contrôle sur elle, et cela, même lorsqu’il n’y a pas eu nomination d’un superviseur. À l’appui de cette thèse, elle a dit que l’agrément du ministre était requis avant qu’elle puisse procéder à une fusion, ajouter à ses édifices et équipements, vendre, louer, hypothéquer ou aliéner des terrains, continuer de fonctionner comme hôpital et procéder à sa dissolution. En outre, la plus grande part du soutien financier sur lequel comptait l’appelante venait du ministère, et le ministère pouvait nommer des représentants provinciaux au conseil d’administration de l’appelante. Cependant, nombre de ces facteurs sont les mêmes que ceux qui furent étudiés dans l’arrêt Westeel-Rosco (le pouvoir de continuer de fonctionner comme hôpital, et la capacité de vendre ou louer des terrains ou d’ajouter de nouveaux édifices, avec l’agrément de la Couronne), dans lequel la Cour suprême a jugé que le conseil d’administration de l’hôpital n’était pas mandataire de la Couronne. Contrairement à l’espèce Westeel-Rosco, l’appelante n’est pas soumise à un audit annuel, et son conseil d’administration n’est pas ordinairement nommé par le LGCO. Ce sont là deux facteurs qui tendent à établir un degré encore plus élevé de contrôle sur l’organisme en cause; or, la Cour suprême a rejeté l’argument selon lequel le conseil d’administration de l’hôpital, dans l’affaire Westeel-Rosco, était mandataire de la Couronne.

 

[42]         Dans l’affaire Townsville Hospitals Board c. Townsville City Council (1982), 149 CLR 282, la Haute Cour d’Australie était appelée à rechercher si un conseil d’administration d’hôpital jouissait de l’immunité de la Couronne dans la construction d’un édifice sur une terre publique. La juridiction australienne a décidé que, bien que le conseil d’administration de l’hôpital ait été soumis à des contrôles serrés pour ce qui concernait la construction de l’édifice, il conservait néanmoins le pouvoir discrétionnaire propre de juger de l’opportunité d’entreprendre les travaux, ce qui signifiait qu’il était indépendant de la Couronne. Au paragraphe 15, la Haute Cour d’Australie, faisait les observations suivantes :

 

[traduction]

15. La Cour a affirmé à plusieurs reprises qu’« il existe une tendance très nette à considérer comme distinct de la Couronne l’organisme officiel constitué pour exercer des fonctions publiques, sauf si, par disposition explicite, le législateur lui a conféré la qualité de préposé de la Couronne » : Launceston Corporation v. Hydro-Electric Commission, [1959] HCA 12; (1959), 100 CLR 654, à la page 662; State Electricity Commission (Victoria) v. City of South Melbourne, [1968] HCA 49; (1968), 118 CLR 504, à la page 510. Toutes les personnes sont présumées égales devant la loi, et nul organisme officiel ne bénéficie de privilèges spéciaux ou d’immunités particulières, sauf s’il apparaît clairement que le législateur entendait les lui attribuer. Il n’est pas difficile pour le législateur de dire explicitement que l’organisme jouira des privilèges et immunités de la Couronne et, s’il ne le fait pas, alors on ne doit pas d’emblée conclure qu’il avait cette intention. La Loi sur les hôpitaux ne prévoit pas explicitement qu’un conseil d’administration jouira des privilèges et immunités de la Couronne lorsqu’il décidera d’entreprendre des activités de construction et, selon moi, elle ne le prévoit pas non plus implicitement. Le fait que plusieurs agréments ministériels doivent être obtenus si l’Office est contraint d’emprunter ou de lever des fonds ou de prendre des dispositions financières aux fins d’un ouvrage projeté ne signifie pas que, dans l’exécution des travaux, il agit pour la Couronne. L’Office ne peut se voir ordonner de faire les travaux, et, s’il doit emprunter ou lever des fonds à cette fin, c’est lui, et non la Couronne, qui sera responsable en cas de défaillance. À certains égards, un conseil d’administration d’hôpital est soumis à des contrôles plus rigoureux que les contrôles qui s’appliquaient aux organismes officiels dans les décisions Metropolitan Meat Industry Board v. Sheedy, [1972] AC 899; Grain Elevators Board (Vict.) v. Dunmunkle Corporation, [1946] HCA 13; (1946), 73 CLR 70; Gladstone Town Council v. Gladstone Harbour Board, [1964] QdR 505, mais il n’y a, selon moi, aucune raison d’opérer une distinction entre la présente espèce et ces affaires. (À la page 292.)

 

C’est là l’opinion de la Haute Cour d’Australie sur l’état du droit australien, mais cette opinion semble s’accorder avec l’approche canadienne.

 

[43]         L’appelante a soutenu qu’elle était la mandataire de la Couronne durant la période de supervision, parce que le superviseur, M. Timbrell, exerçait tous les pouvoirs du conseil d’administration, relevait du ministre, recevait de celui-ci ses directives et était tenu d’y donner suite. Ces pouvoirs sont conférés au superviseur conformément à la LHP. Cependant, comme l’a fait observer l’intimée, aucune disposition de la LHP ne dit que les actes du superviseur sont assimilés à ceux du ministre et, au contraire, ils demeurent les actes de l’hôpital, au nom duquel agit le superviseur en application du paragraphe 9(5) de la LHP (observations écrites de l’intimée, page 19). Le principe selon lequel les actes de l’organisme ne sont pas assimilés à ceux du ministre avait été évoqué dans l’arrêt Metropolitan Meat Industry Board, où le Conseil privé faisait les observations suivantes, à la page 905 :

 

[traduction] […] Même si le ministre de la Couronne a le pouvoir de s’interposer dans leur exercice, la loi ne contient rien qui permette d’attribuer au ministre les actes administratifs de l’organisme. […]

 

La Cour d’appel fédérale a elle aussi évoqué ce point dans l’arrêt Conseil scolaire de district de Toronto.

 

[44]         Le critère du contrôle porte surtout sur le niveau de contrôle qui peut être exercé, et non à celui qui a de fait été exercé, mais, par souci d’exhaustivité, je m’attarderai sur le contrôle qui a été effectivement exercé durant la période de supervision. M. Timbrell, en sa qualité de superviseur, était investi d’un pouvoir discrétionnaire important dans la manière d’assurer le fonctionnement de l’appelante. Outre qu’il avait été nommé par le ministère et tenait le ministère au courant tout au long de la période, il ne recevait pas de directives précises, ou très peu, pour l’accomplissement d’une tâche ou la mise à exécution d’une décision. En fait, invité en contre-interrogatoire à expliquer de quelle manière le ministre avait resserré les contrôles sur l’hôpital durant cette période, M. Timbrell n’a évoqué que les tentatives de relancer le financement de projets d’investissement (Transcription, page 192). Dans la mesure où l’hôpital recevait des directives du ministère durant les périodes en cause, elles ne présentaient aucune différence avec celles qui étaient données aux autres hôpitaux non soumis à supervision (Extraits de l’interrogatoire préalable de J. Kitts, questions 52 et 53). Le conseil d’administration de l’appelante n’était pas nommé par le LGCO. Même quand le superviseur avait nommé le nouveau conseil d’administration, il avait eu toute latitude d’en choisir les membres. En fait, M. Timbrell avait refusé de s’engager à nommer un nombre minimum de francophones au moment de choisir les membres du nouveau conseil (J. Kitts, questions 162 et 163). Tant avant qu’après les périodes en cause, le conseil d’administration aurait conservé un pouvoir discrétionnaire important dans la manière d’assurer le fonctionnement de l’hôpital. Le mode d’établissement des rapports financiers de l’hôpital était resté inchangé durant les périodes considérées et les rapports financiers n’étaient pas consolidés avec les états financiers de la province (Interrogatoire principal et contre-interrogatoire de J. McKinley). Les employés de l’appelante n’étaient pas fonctionnaires et n’étaient pas assujettis aux lois provinciales sur la fonction publique (Interrogatoire principal de J. McKinley et contre-interrogatoire de J. Kitts). L’appelante a toujours conservé son statut d’organisation distincte. L’appelante n’était pas tenue d’obtenir l’agrément ministériel pour adopter des règlements administratifs. En fait, l’obligation d’obtenir cet agrément a été supprimée dans les dispositions qui permettaient aux superviseurs d’exercer les pouvoirs d’un conseil d’administration d’hôpital. Le pouvoir de modifier les règlements administratifs appartenait au conseil d’administration, et non au ministre (Interrogatoire principal de D. Timbrell; Règlements administratifs, onglet 15, section 12.1, Recueil conjoint de documents).

 

[45]         Dans l’arrêt Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, la Cour suprême a décidé qu’un hôpital de la Colombie-Britannique était soumis à la Charte des droits et libertés, mais uniquement à l’égard de la prestation effective des soins de santé, et non de la gestion interne de l’hôpital. Cet arrêt est instructif parce que le Hospital Act de la Colombie-Britannique (R.S.B.C. 1996, ch. 200) contenait des dispositions qui sont aussi restrictives, voire peut-être davantage, que les dispositions contenues dans la LHP. Par exemple, dans l’affaire Eldridge, le lieutenant-gouverneur en conseil nommait 14 des 16 membres du conseil d’administration et pouvait avoir un représentant siégeant au conseil, tous les règlements administratifs de l’hôpital devaient être approuvés avant de prendre effet et le ministre pouvait imposer l’adoption de règlements administratifs.

 

[46]         En résumé, l’appelante n’est pas la mandataire de la Couronne. Elle exerce ses propres activités, qui consistent à assurer le fonctionnement de l’hôpital. Elle n’exerce pas les activités du ministère. Elle jouit d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’accomplissement de sa mission, elle est propriétaire de ses biens, elle recrute elle-même son personnel et elle prend elle-même ses décisions. Son autonomie est relativement plus large que celle d’autres organismes, lesquels, pour autant, n’ont pas été assimilés à des mandataires de la Couronne par la jurisprudence. Puisque le conseil d’administration de l’hôpital n’est pas mandataire de la Couronne, alors il n’est pas possible pour le superviseur d’être mandataire s’il est soumis au même niveau de contrôle. Le paragraphe 9(9) de la LHP dispose que le superviseur d’un hôpital doit présenter un rapport au ministre à la demande de celui-ci, et le paragraphe 9(11) qu’il est tenu d’exécuter les ordres du ministre, mais cela ne change rien à l’affaire.

 

[47]         Quand bien même pourrait-on dire que l’appelante était une mandataire de la Couronne à certaines fins, l’appelante agissait de son propre chef dans sa gestion interne et dans l’acquisition de biens et de services. Cette manière de voir s’accorde avec les décisions suivantes : Cloutier c. Science Council of Canada, [1995] O.J. No. 4893 (Cour divisionnaire), et Ontario Realty Corp. c. P. Gabriele & Sons Ltd., [2000] O.J. No. 3270 (Cour supérieure de l’Ontario). Dans la décision Cloutier, la Cour divisionnaire de l’Ontario observait, aux paragraphes 48 à 51, que, lorsqu’une personne, même mandataire de la Couronne, conclut un accord (en l’occurrence un contrat d’embauche) en son propre nom, il ne lui confère pas pour autant toutes les prérogatives et immunités de la Couronne. Dans de tels cas, la jurisprudence examine le cadre légal et les faits pour savoir en quelle qualité agit l’organisme en cause. En l’espèce, les faits, de même que les dispositions législatives, confirment que c’est à l’appelante, et non à la Couronne, que les fournisseurs livraient leurs produits et services. Ainsi, les terrains et les biens de l’appelante, y compris les fournitures taxables achetées durant les périodes en cause, étaient en tout temps la propriété de l’appelante et non celle de la Couronne. L’appelante ne s’est jamais présentée comme la mandataire de la Couronne ni n’a jamais signifié aux tiers, par exemple ses fournisseurs, qu’elle était la mandataire de la Couronne. Elle n’a jamais rempli de formulaire de dispense de paiement de la TPS pour l’achat de fournitures taxables. Il ressort de la preuve que l’appelante appliquait un système préexistant de commandes permanentes pour l’acquisition automatique de fournitures. Les méthodes d’achat n’ont pas changé après la nomination de M. Timbrell, et les fournitures ont continué d’être acquises selon les ententes en vigueur. Ces commandes permanentes étaient des arrangements conclus par l’appelante pour l’acquisition de biens et services en son propre nom. Cette conclusion s’accorde avec la décision Ontario Realty Corp., où il fut jugé que la demanderesse était la mandataire de la Couronne aux fins de la passation de marchés, notamment parce qu’elle soutenait avoir été dispensée du paiement de la TPS. En outre, M. Timbrell n’a jamais évoqué, durant ses rencontres avec le ministère, la question de l’acquisition automatique de produits et services, et il ne recevait pas de directives du ministère pour l’achat de produits et services. L’appelante n’est pas mandataire pour ce qui concerne l’achat de produits et services, car elle ne s’est jamais fait passer pour une mandataire, elle ne recevait pas de directives du ministère en la matière et elle ne présentait pas de rapports sur la question au ministère.

 

[48]         Quant à la thèse de l’appelante selon laquelle elle était aussi la mandataire de la Couronne durant la période ultérieure, il n’importe pas que le conseil d’administration de l’hôpital ait été nommé durant cette période, puisque la LHP ne contenait aucune disposition particulière conférant au ministre le droit d’exercer un contrôle plus serré sur un conseil d’administration de ce type. Par conséquent, ayant conclu que le conseil d’administration de l’hôpital n’est pas la mandataire de la Couronne, le conseil d’administration qui a été nommé par le superviseur, M. Timbrell, ne saurait être la mandataire de la Couronne.

 

La décision Conseil scolaire de district de Toronto

 

[49]         J’ai examiné les observations écrites des parties concernant l’effet, sur l’issue du présent appel, des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale et la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Conseil scolaire de district de Toronto. Mes conclusions sur la question du mandat demeurent toutefois inchangées.

 

[50]         Dans ses motifs, le juge C. Miller ne s’est pas attardé outre mesure sur la question du mandat, si ce n’est pour dire, au paragraphe 30, que les avocats accordaient trop d’importance à cet aspect et qu’il fallait en fait rechercher « si, dans les circonstances, la TPS était une taxe sur une terre ou une propriété appartenant à l’Ontario ».

 

[51]         Confirmant la décision du juge Miller de rejeter l’appel, la Cour d’appel fédérale a exprimé une vue divergente sur la question du mandat. Elle a fait les observations suivantes, au paragraphe 4 de son arrêt :

 

Nous sommes tous d’avis que le juge, en rejetant l’appel, n’a commis aucune erreur justifiant l’infirmation de la décision. Toutefois, à notre avis, la décision se fonderait sur le motif que le conseil n’a en aucun temps agi comme mandataire de la Couronne, que ce soit en vertu d’une loi ou selon la common law.

 

[52]         Selon l’appelante, il existe des distinctions, tant de fait que de droit, entre l’affaire Conseil scolaire de district de Toronto et les faits dont je suis saisie. D’abord, l’appelante a fait valoir que, dans l’affaire Conseil scolaire de district de Toronto, la Loi sur l’éducation contenait une disposition excluant, selon elle, toute idée qu’un conseil scolaire puisse être assimilé au mandataire de la Couronne (article 257.43), disposition qui n’apparaît pas dans la LHP. Deuxièmement, l’appelante a fait valoir que le ministre peut exercer un contrôle plus serré sur un superviseur d’hôpital que celui qui pourrait être exercé par le ministre de l’Éducation lorsqu’il nomme un superviseur.

 

[53]         L’article 257.43 de la Loi sur l’éducation dispose :

 

257.43      Lorsqu’un conseil est assujetti à un décret pris en vertu du paragraphe 257.31(2) ou (3), les actes accomplis par le ministre ou en son nom en vertu de la présente section, relativement aux affaires du conseil, sont à toutes fins réputés l’avoir été par ce conseil, pour lui et en son nom.

 

[54]         Sans doute est-il possible, par des textes législatifs sans équivoque, de disposer que l’organisme par ailleurs mandataire de la Couronne en common law n’est pas un mandataire aux fins d’une loi, mais le texte de l’article 257.43 ne semble pas atteindre ce résultat, car législateur se bonne à y assimiler les actes du superviseur aux actes du conseil scolaire. S’agissant de cette disposition, la Cour d’appel fédérale faisait l’observation suivante, au paragraphe 6 de l’arrêt Conseil scolaire de district de Toronto :

 

L’article 257.43 de la Loi sur l’éducation établit clairement que le conseil n’était pas le mandataire de la Couronne durant la période où le superviseur a administré ses affaires. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[55]         Je ne saurais déduire de ces observations que, selon la Cour d’appel fédérale, l’article 257.43 était une disposition excluant l’idée qu’un conseil scolaire puisse être le mandataire de la Couronne. En fait, il semble que, en déclarant que le Conseil scolaire n’était pas le mandataire de la Couronne, la Cour d’appel fédérale voulait dire – quoiqu’elle n’ait pas motivé précisément sa conclusion – que le Conseil scolaire n’était pas le mandataire de la Couronne, quand bien même un superviseur aurait exercé sur lui un contrôle depuis quelque temps. Du reste, ce n’est qu’après s’être prononcée sur la question du mandat que la Cour d’appel fédérale a fait référence à l’article 257.43; elle ne l’a donc mentionné qu’à titre indicatif.

 

[56]         Selon l’appelante, si la Cour d’appel fédérale n’a pas, dans son arrêt, examiné toutes les dispositions de la Loi sur l’éducation, c’est parce qu’elles n’avaient pas été portées à son attention; cependant, je ne crois pas qu’il m’appartienne de conjecturer sur ce que la Cour d’appel fédérale aurait pu faire ou ne pas faire si elle avait eu devant elle le texte intégral de la Loi sur l’éducation, étant donné que le texte auquel j’ai affaire ici dans les présents appels, c’est la LHP. Je dois simplement présumer que la Cour d’appel fédérale a effectivement examiné dans leur intégralité les dispositions de la Loi sur l’éducation lorsqu’elle a suivi le critère de qualité de mandataire de la Couronne selon la common law et lorsqu’elle a conclu que le superviseur n’était pas, selon la common law, le mandataire de la Couronne.

 

[57]         Après examen de la preuve et des dispositions de la LHP, je ne puis discerner de la part du gouvernement quelque intention que ce soit de modifier la qualité de l’appelante ni l’autonomie dont elle jouissait. L’immixtion temporaire dans cette autonomie n’a pas transformé les activités de l’appelante en activités de la Couronne. Cela s’accorde avec la décision de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Conseil scolaire de district de Toronto, selon laquelle la Loi sur l’éducation ne faisait pas du conseil scolaire le mandataire de la Couronne pendant la période où un superviseur avait la responsabilité des affaires du conseil. Après lecture de l’arrêt, je suis d’avis que c’était là le fondement essentiel de la conclusion de la Cour d’appel fédérale et que l’article 257.43 de la Loi sur l’éducation ne constituait qu’une simple confirmation supplémentaire la confortant dans sa conclusion.

 

[58]         L’avocat de l’appelante a soutenu qu’un certain nombre de distinguos s’imposaient entre le présente affaire et l’affaire; cependant, je ne saurais constater en l’espèce, l’existence des éléments constitutifs du mandat.

 

[59]         L’intimée a avancé trois autres arguments subsidiaires si je devais conclure que l’appelante était une autorité publique rattaché à la Couronne, ou était la mandataire de la Couronne, durant l’une ou l’autre des périodes en cause, ou les deux. Ayant conclu que l’appelante n’était pas la mandataire de la Couronne, je ne suis donc pas tenue d’examiner ces autres arguments; cependant, j’y répondrai brièvement vu que les avocats des deux parties étaient bien préparés et leur ont consacré beaucoup de temps.

 

La qualité pour agir

 

[60]         Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision et/ou la période ultérieure, avait-elle qualité pour déposer les demandes de remboursement qui sont l’objet des présents appels, et a-t-elle qualité pour s’adresser à la Cour canadienne de l’impôt et invoquer l’immunité de la Couronne?

 


La thèse de l’appelante

 

[61]         L’appelante a qualité pour déposer les demandes de remboursement et interjeter appel devant la Cour, parce que ces demandes relèvent d’une loi fédérale que la Cour est habilitée à interpréter et parce que la notion d’immunité de la Couronne est une question de droit sur laquelle il revient au juge de se prononcer. L’appelante a donc automatiquement qualité pour former les présents appels, parce qu’elle est explicitement concernée par le refus opposé à ses demandes de remboursement. Il y a donc un lien direct de causalité entre la perte financière de l’appelante et le refus opposé par l’intimée à ses demandes de remboursement (Exposé des faits et du droit de l’appelante, pages 12 à 14).

 

La thèse de l’intimée

 

[62]         L’appelante n’a pas qualité pour agir, parce que c’est la province d’Ontario qui est titulaire de l’immunité de la Couronne et que seul le procureur général est habilité à représenter la Couronne provinciale ou ses organismes devant les tribunaux. Le mandataire de la Couronne qui exerce un recours devant le tribunal doit ajouter le procureur général comme partie. On peut lire dans la décision Ontario Realty Corp. que, sauf certaines exceptions, lorsque le mandataire s’engage par contrat au nom de son mandant, le contrat est celui du mandant et non celui du mandataire, et seul le mandant peut engager des poursuites ou être poursuivi au titre du contrat. L’intimée, se fondant sur deux arrêts de la Cour d’appel fédérale, West Windsor Urgent Care Centre Inc. c. La Reine, [2008] A.C.F. n° 24, et United Parcel Service Canada Ltd. c. La Reine, [2008] A.C.F. n° 178, soutient que le mandataire n’est pas en général recevable à ester en justice de son propre chef (observations écrites de l’intimée, pages 21 et 22).

 

Analyse – La qualité pour agir

 

[63]         Les avocats des deux parties se sont attardés sur la notion d’immunité de la Couronne. Cependant, on devrait en réalité ici porter l’attention sur les décisions relatives à l’article 261 de la LTA. Dans l’affaire West Windsor Urgent Care Centre Inc. c. Canada, [2005] A.C.I. no 564, le juge Hershfield examinait le principe général du mandat selon lequel c’est au mandant, et non au mandataire, qu’il appartient d’ester en justice. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt observait, au paragraphe 64, qu’une clinique n’avait pas qualité pour agir en vertu de l’article 261, ni ne pouvait être considérée comme le représentant de ses mandants (les médecins), notamment parce qu’il est « généralement accepté que le motif d’action d’un mandant ne peut être avancé par son mandataire ». Confirmant le jugement, la Cour d’appel fédérale écrivait, au paragraphe 1, que « la Cour canadienne de l’impôt n’a[vait] pas commis d’erreur qui justifierait notre intervention en concluant que l’appelant n’avait pas qualité pour réclamer un remboursement en vertu de l’article 261 […] »

 

[64]         Cependant, dans un arrêt récent, United Parcel Service du Canada Ltée c. Canada, [2009] A.C.S. n° 20, la Cour suprême du Canada, recherchant si l’appelante avait droit à un remboursement de TPS au titre de l’article 261, a porté une attention particulière sur l’expression « paie un montant ». Selon elle, cette expression se référait à la personne qui avait effectivement payé le montant, qu’elle fût ou non celle qui avait l’obligation légale de payer la TPS. Cet arrêt enseigne que, en l’espèce de, c’est l’appelante qui serait fondée à un remboursement selon l’article 261, puisque c’est elle qui payait la TPS. Il en serait ainsi sans qu’il importe de savoir si l’appelante agissait ou non comme mandataire de la Couronne. L’arrêt United Parcel Service enseigne que, en l’espèce, l’appelante aurait qualité pour engager la procédure, qu’elle soit ou non une mandataire de la Couronne.

 

L’Accord de réciprocité fiscale

 

[65]         Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision et/ou la période ultérieure, l’immunité d’imposition fédérale que lui reconnaît l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 a-t-elle été levée par l’ARF conclu entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Ontario, qui a pris effet le 1er juillet 2000?

 

Analyse – L’Accord de réciprocité fiscale

 

[66]         L’ARF dispose essentiellement que toutes les sociétés d’État provinciales doivent payer la TPS sur leurs achats à moins qu’elles ne figurent dans l’annexe A jointe à l’accord. L’ARF est censé s’imposer au gouvernement fédéral, à la Province d’Ontario et à leurs mandataires. L’appelante soutient que la Cour n’a pas compétence pour appliquer l’ARF puisqu’il se limite à traiter de sujets relevant de la partie IX de la LTA, compte tenu du paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2. L’appelante soutient aussi que la Cour n’est pas compétente parce que, si elle appliquait effectivement l’ARF, elle étendrait ses pouvoirs à des personnes échappant à sa compétence explicite (Exposé des faits et du droit de l’appelante, page 17).

 

[67]         Hormis les observations du juge Miller dans la décision Conseil scolaire de district de Toronto concernant l’application de l’ARF et le pouvoir de la Cour d’interpréter un accord conclu entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, aucune des parties ne m’a cité quelque autre jurisprudence sur cette question, et je n’ai pu, moi non plus, trouver une jurisprudence de la Cour canadienne de l’impôt portant directement sur la question. Voici les observations incidentes du juge Miller au paragraphe 50 de ses motifs :

 

[…] Je présume que les parties estiment que la procédure appropriée, si ma conclusion était que le CSDT était exonéré de la taxe (sans faire référence à l’accord de réciprocité fiscale), serait que les parties soumettent ensuite l’affaire à l’arbitrage en vue d’une interprétation de l’accord de réciprocité fiscale pour décider si celui‑ci excluait une telle exonération pour le CSDT. J’aurais couru avec plaisir le risque d’abréger un contentieux aussi inutile et prolongé en saisissant le contrat par les cornes et en l’interprétant d’une manière qui, selon moi, saute aux yeux : le CSDT n’est pas inscrit à l’annexe A et donc non exonéré de la taxe, et la cotisation était de ce fait correcte.

 

Mes observations sur ce point sont elles aussi incidentes; cependant, j’abonde dans le sens du juge Miller. L’appelante a soutenu que la Cour n’avait pas compétence pour appliquer les dispositions de l’ARF d’une manière qui étendrait l’application d’une loi fiscale au-delà de sa portée explicite, mais je suis d’avis que cet accord ne diffère pas, dans sa nature, de tout autre accord que la Cour doit interpréter et appliquer lorsqu’elle est saisie d’un appel. L’appelante fait manifestement erreur lorsqu’elle soutient que, si la Cour interprétait l’ARF, elle élargirait explicitement la portée de la partie IX de la LTA, étant donné que l’article 122 de la LTA dispose que la partie IX lie Sa Majesté du chef du Canada et Sa Majesté du chef de la province et qu’elle leur est applicable. Si j’avais conclu que l’appelante était la mandataire de la Couronne durant les périodes en cause ici, et donc était exonérée d’obligations fiscales et fondée à demander un remboursement, j’aurais recherché si  l’ARF avait bien eu pour effet de lever l’immunité fiscale. Comme pour le juge Miller, la logique l’emporte et, l’accord semblant à première vue sans équivoque, j’aurais conclu que, puisque l’appelante ne figure pas dans l’annexe A de l’ARF, elle est tenue de payer la TPS. Selon l’ARF, toutes les sociétés d’État provinciales et leurs organismes doivent payer la TPS à moins de figurer à l’annexe A. L’inclusion dans l’annexe A de huit hôpitaux psychiatriques de l’Ontario écarte d’emblée tous les autres hôpitaux de l’Ontario, y compris l’appelante.

 

Le dépôt d’une deuxième demande de remboursement

 

[68]         L’appelante est-elle empêchée par les articles 262, 297, 299 et 306 et par le paragraphe 301(1.1) de la LTA de réclamer le remboursement de la TPS payée par erreur?

 

La thèse de l’appelante

 

[69]         Les demandes de remboursement de TPS sont régies par l’article 261 de la LTA et ne sont donc pas exclues par le paragraphe 262(2). L’appelante soutient que la décision Fanshawe College of Applied Arts & Technology c. Canada, [2006] A.C.I. no 504, par laquelle la Cour avait rejeté une demande de remboursement de TPS payée par erreur, n’est pas pertinente en l’espèce parce que, d’abord, dans cette affaire, le contribuable tentait de récupérer un total de 167 p. 100 de la TPS payée à l’origine (ce que l’appelante n’a pas demandé) et parce que, deuxièmement, si le législateur avait voulu restreindre la portée du terme « objet » dans le paragraphe 262(2), c’est l’expression « un remboursement au titre d’une fourniture quelconque », plutôt que l’expression « l’objet d’un remboursement », qui aurait dû être employée au début de ce paragraphe. Dans la décision Fanshawe College, la juge Woods a conclu que le terme « objet » s’entendait d’« une opération donnant lieu à l’application de la TPS ».

 

[70]         L’appelante propose deux autres interprétations textuelles que pourrait autoriser le terme « objet ». Elle soutient que ce terme pourrait signifier [traduction] « le montant du remboursement demandé » ou [traduction] « la base légale d’une demande de remboursement ». Selon ces interprétations, les demandes de remboursement présentées par l’appelante en application du paragraphe 261(1) se rapportent à un objet distinct de ses demandes de remboursement selon le paragraphe 259(3), et elles ne seraient pas exclues par le paragraphe 262(2). Puisque la LTA emploie uniformément le terme « fourniture » pour évoquer une opération qui donne lieu à la TPS, alors le terme « objet » doit signifier autre chose, c’est-à-dire une chose différente de l’opération donnant lieu au paiement de la TPS. L’interprétation textuelle du mot « objet » devient dès lors ambiguë.

 

[71]         S’agissant du délai applicable de présentation de la demande, l’appelante soutient que l’article 262 doit par implication, être interprété de concert avec les dispositions visant les remboursements pour OSP, y compris avec les dispositions relatives aux oppositions et appels, ce qui voudrait dire un délai de présentation de deux ans (prévu par le paragraphe 261(3)), et non de 90 jours (prévu par le paragraphe 301(1.1)). Si le législateur avait voulu que s’applique le délai de 90 jours indiqué dans le paragraphe 301(1.1) pour une opposition à cotisation, plutôt que le délai de deux ans indiqué dans le paragraphe 261(3), alors il aurait inclus dans le paragraphe 261(2) une référence à l’article 297, en plus de la référence à l’article 296. L’absence d’une telle référence dans le paragraphe 261(2) indique que le délai de deux ans indiqué dans le paragraphe 261(3) est applicable. En outre, l’esprit et l’objet de la LTA militent en faveur de l’application du délai de deux ans aux demandes de remboursement.

 

La thèse de l’intimée

 

[72]         La demande, par l’appelante, de remboursement des montants de TPS payés par erreur est exclue par le paragraphe 262(2) de la LTA, parce qu’elle vise le même objet que la demande de remboursement OSP de l’appelante portant sur 83 p. 100 de la TPS payée durant la période de supervision et la période ultérieure. Dès lors, vu la limite énoncée dans le paragraphe 262(2), selon laquelle l’objet d’un remboursement ne peut être visé par plus d’une demande, l’appelante ne peut de déposer une demande de remboursement des 17 p. 100 restants. Il est préférable d’interpréter le paragraphe 262(2) dans son contexte global : il s’agit d’une interdiction résiduelle de présenter des demandes multiples de remboursement portant sur la même opération, sans égard à la catégorie de la demande de remboursement.

 

Analyse – Le dépôt d’une deuxième demande de remboursement

 

[73]         À titre de rappel, pour chaque période mensuelle de déclaration comprise dans la période de supervision et la période ultérieure, l’appelante a demandé un remboursement de 83 p. 100 de la TPS, en application du paragraphe 259(3) de la LTA. Chaque demande de remboursement OSP a été vérifiée conformément au paragraphe 297(1) et le remboursement ainsi calculé a été payé à l’appelante conformément au paragraphe 297(3).

 

[74]         L’appelante a demandé un remboursement de 17 p. 100 de la TPS payée durant la période de supervision et la période ultérieure, en application du paragraphe 261(1), au motif que les montants avaient été payés par erreur (ci-après les demandes de remboursement). Les demandes de remboursement ont été rejetées en application du paragraphe 262(2).

 

[75]         Le paragraphe 262(2) dispose ainsi :

 

(2) L’objet d’un remboursement ne peut être visé par plus d’une demande selon la présente section.

 

[76]         La décision Fanshawe College semble être la seule jurisprudence portant directement sur la question de savoir si une demande additionnelle de remboursement de TPS peut être déposée conformément au paragraphe 262(2) de la LTA.

 

[77]         Contrairement aux observations faites par le juge Miller dans la décision Conseil scolaire de district de Toronto, au paragraphe 51, où il observait qu’il n’aurait pas suivi la décision Fanshawe College, je suis d’avis de retenir le raisonnement de la juge Woods et de rejeter les demandes de remboursement de 17 p. 100. Au paragraphe 58, la juge Woods s’exprimait en ces termes :

 

[…] Le mot « objet » à l’article 262, à mon sens, se rattache à une opération -- en l’espèce l’achat d’un livre. Si, par exemple, le collège a droit à un remboursement de 10 $ relativement à l’achat d’un livre, mais que, par erreur, il demande seulement 8 $, l’article 262 l’empêche d’inclure le 2 $ restant dans une autre demande de remboursement. Pour corriger sa demande concernant la TPS relative au livre, le collège doit s’opposer à la cotisation qui établissait le remboursement, dans le délai prévu pour le dépôt des oppositions.

 

[78]         L’exemple donné ci-dessus par la juge Woods, où le terme « objet » est interprété comme s’il se rapportait à chaque achat de livre, s’apparente manifestement aux faits dont je suis saisie. Le texte même du paragraphe 262(2) me convainc de suivre la décision Fanshawe College, parce qu’elle est respecte la lettre du texte, encore que, comme le notait la juge Woods, elle produise des résultats qui vont sans doute à l’encontre de la manière dont le ministère des Finances lui-même, dans ses notes techniques, envisageait le jeu du remboursement.

 

[79]         Les première et deuxième demandes de remboursement relèvent toutes les deux de la section VI de la LTA. L’appelante a soutenu que la jurisprudence Fanshawe College doit être écartée en l’espèce ici, parce que, dans cette affaire-là, le contribuable tentait de récupérer injustement un montant de TPS supérieur à 100 p. 100. Cependant, cet argument doit être rejeté, compte tenu de l’exemple du livre évoqué par la juge Woods au paragraphe 58 de sa décision. L’approche suivie par la juge Woods s’accorde avec la technique d’interprétation des lois exposée dans l’arrêt Nowegijick c. La Reine et al., [1983] 1 R.C.S. 29, où la Cour suprême du Canada donnait la portée la plus vaste possible à la locution « quant à ». Elle écrivait :

 

[…] Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large.

 

[80]         Selon l’appelante, si l’on s’en tient à une interprétation textuelle, le sens du terme « objet » est ambigu. La restriction dont fait état le paragraphe 262(2) signifie que, dès lors qu’une opération donnée a fait l’objet de quelque demande de remboursement, elle ne peut faire l’objet d’une deuxième demande quelle qu’elle soit. Le paragraphe 262(2), interprété au regard de son contexte global, doit être considéré comme une disposition résiduelle à l’intérieur de la section VI de la LTA.

 

[81]         En accord avec la jurisprudence Fanshawe College, les paragraphes 259(3) et (6) font obstacle au dépôt de demandes OSP multiples portant sur une période quelconque ou sur la même opération. L’article 261 vise le remboursement d’un montant payé par erreur, qu’il s’agisse d’une taxe, d’une taxe nette, d’une pénalité, d’intérêts ou d’une autre obligation selon cette partie de la LTA. Il faut en conclure qu’il doit exister une formulation assez large pour englober les éléments allant au‑delà d’une « fourniture ». Le paragraphe 262(2) doit être considéré comme une interdiction résiduelle de déposer des demandes multiples de remboursement portant sur la même opération.

 

[82]         Le paragraphe 262(2), reproduit au paragraphe 75 des présents motifs, autorise encore une fois l’interprétation qu’en donne la juge Woods.

 

[83]         Selon de récentes décisions de la Cour suprême, Caisse populaire Desjardins de l’Est de Drummond c. R., [2009] 2 R.C.S. 94, et R. c. S.A.C., [2008] 2 R.C.S. 675, lorsqu’il s’agit de dissiper une ambiguïté dans une loi fédérale, il faut prendre en compte à la fois la version française et la version anglaise de la loi en question. Si l’une des versions de la loi est ambiguë, comme c’est le cas ici pour la version anglaise du paragraphe 262(2), et que l’autre version est claire et sans équivoque, comme cela semble être le cas pour la version française, alors il convient d’adopter la version claire et non équivoque qui est commune aux deux versions. Cette méthode va aussi dans le sens de la conclusion tirée par la juge Woods dans la décision Fanshawe College.

 

[84]         L’argument de l’appelante concernant l’emploi du terme « objet » plutôt que du terme « fourniture » dans le paragraphe 262(2) n’est pas sans fondement, mais je suis d’avis, après examen des interprétations textuelle, contextuelle et téléologique devant être données du paragraphe 262(2), que l’appelante ne pouvait présenter une demande additionnelle de remboursement de TPS. Cette conclusion peut sembler injuste, mais elle demeure néanmoins la conclusion qu’appelle le texte.

 

[85]         En résumé, puisque l’appelante n’était pas une autorité publique rattachée à la Couronne, ni la mandataire de la Couronne, que ce soit durant la période de supervision ou durant la période ultérieure, sa demande de remboursement de la TPS payée par erreur est rejetée avec dépens.

 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de janvier 2010.

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de mai 2010.

 

 

François Brunet, Réviseur


Annexe A

 

Exposé conjoint partiel des faits et des points litigieux

 

 

Nos du greffe : 2005-4015(GST)G

       2006-511(GST)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

CONCERNANT LA LOI SUR LA TAXE D’ACCISE

 

ENTRE :

 

 

LA CORPORATION DE L’HÔPITAL D’OTTAWA

            appelante

 

- et –

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS ET DES POINTS LITIGIEUX

 

Couzin, Taylor LLP                                          John H. Sims

Avocats                                                            Sous-procureur général du Canada

Tour Ernst & Young                                         Ministère de la Justice

222, rue Bay, C.P. 143                                                Édifice Banque du Canada, tour Est

Toronto (Ontario)                                             234, rue Wellington

M5K 1H1                                                        Ottawa (Ontario)

                                                                        K1A 0H8

 

Daniel Sandler                                                  Ernest Wheeler

Michele Anderson                                            Michael Ezri

 

Avocats de l’appelante                                     Avocats de l’intimée

 

APERÇU GÉNÉRAL

 

1.                  Ces appels concernent la question du droit de la Corporation de l’Hôpital d’Ottawa (l’appelante) à un remboursement de TPS pour la TPS payée en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, et modifications (la LTA), pour la période commencée le 16 juillet 2001 et terminée le 30 septembre 2002 (la période de supervision) et pour la période commencée le 1er octobre 2002 et terminée le 31 octobre 2003 (la période ultérieure).

 

EXPOSÉ DES FAITS

 

Aux seules fins de la présente instance, les faits suivants sont constants :

 

2.                  L’appelante est, et elle était, à toutes les époques pertinentes, un hôpital public régi par la Loi sur la santé publique, L.R.O. 1990, ch. P.40, et modifications, (la LHP) et une personne morale régie par la Loi sur les personnes morales, L.R.O. 1990, ch. C.38, et modifications.

 

3.                  Le 16 juillet 2001, Dennis R. Timbrell a été nommé, par le décret n° 1704/2001, superviseur de l’appelante, conformément au paragraphe 9(1) de la LHP.

 

4.                  Selon les termes du décret, le superviseur avait [traduction] « le droit exclusif d’exercer tous les pouvoirs du conseil d’administration, de la Corporation de l’Hôpital d’Ottawa et des membres de la corporation », ainsi que « le droit exclusif d’exercer tous les pouvoirs des dirigeants de l’Hôpital d’Ottawa », autre que ceux de son président‑directeur général.

 

5.                  Durant la période de supervision, il n’y a pas eu de réunions du conseil d’administration, et il n’y avait aucun comité exécutif. Au lieu de cela, le superviseur organisait des « réunions périodiques avec le superviseur », réunions pour lesquelles un ordre du jour officiel était rédigé et des procès-verbaux conservés. De telles réunions ont été tenues le 30 août 2001, le 16 octobre 2001, le 8 novembre 2001, le 17 décembre 2001, le 26 février 2002, le 4 avril 2002, le 23 avril 2002, le 30 mai 2002, le 22 août 2002 et le 27 septembre 2002.

 

6.                  Conformément au décret n° 1675/2002, le mandat de Dennis R. Timbrell en tant que superviseur de l’hôpital a pris fin à minuit le 30 septembre 2002.

 

7.                  Durant la période de supervision et la période ultérieure, l’appelante a payé la TPS à l’égard des biens et services qu’elle avait acquis.

 

8.                  Pour chacune des périodes mensuelles de déclaration de l’appelante comprises dans la période de supervision et la période ultérieure, l’appelante a demandé un remboursement de 83 p. 100 de la TPS payée sur les produits et services acquis durant la période de supervision et la période ultérieure, en se fondant sur le paragraphe 259(3) de la LTA (le remboursement OSP).

 

9.                  Chaque demande de remboursement OSP était vérifiée par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu du paragraphe 297(1) de la LTA, et le remboursement ainsi calculé était payé à l’appelante en vertu du paragraphe 297(3), ainsi que les intérêts en vertu du paragraphe 297(4) dans les cas où le remboursement était fait plus de 21 jours après le dépôt de la demande de remboursement.

 

10.              Le 1er décembre 2003 et le 19 janvier 2004, respectivement, l’appelante a demandé le remboursement de 17 p. 100 de la TPS payée durant la période de supervision et la période ultérieure, en invoquant le paragraphe 261(1) de la LTA (c’est-à-dire la TPS payée durant chacune de ces périodes et non comprise dans les demandes de remboursement OSP mentionnées dans le paragraphe 8 ci-dessus), en invoquant le fait que cette TPS avait été payée par erreur (ci-après les demandes de remboursement). Les demandes de remboursement portaient sur les sommes de 1 704 984,55 $ et 1 582 291 $ respectivement.

 

11.              Le ministre a établi des avis de cotisation ou de nouvelle cotisation datés du 13 février 2004 (en ce qui concerne la période de supervision) et du 8 août 2005 (en ce qui concerne la période ultérieure) (collectivement les avis de cotisation) qui rejetaient les demandes de remboursement faites par l’appelante. Le ministre a confirmé les avis de cotisation par des avis de décision datés respectivement du 24 août 2005 et du 19 décembre 2005.

 

12.              L’appelante a déposé des avis d’appel devant la Cour des cotisations.

 

13.              Les parties reconnaissent qu’elles seront fondées à déposer des éléments de preuve additionnels et à demander à la Cour canadienne de l’impôt de tirer des conclusions de la preuve produite, pour autant que cette preuve et ces conclusions ne soient pas incompatibles avec le présent exposé conjoint partiel des faits.

 

14.              En application du paragraphe 261(3) de la LTA, les parties reconnaissent que la demande de l’appelante portant sur la période allant du 16 juillet 2001 au 30 novembre 2001 n’est pas payable par le ministre.

 

15.              Si les présents appels sont accueillis, les parties reconnaissent que les affaires seront renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation, afin qu’il établisse le montant du remboursement payable à l’appelante.

 

EXPOSÉ DES POINTS EN LITIGE

 

16.              Les parties reconnaissent que les questions en litige dont est saisie la Cour sont les suivantes :

 

                                                   i.                  L’appelante était-elle une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision?

 

                                                 ii.                  L’appelante était-elle une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était-elle la mandataire de la Couronne, durant la période ultérieure?

 

                                                iii.                  Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision et/ou la période ultérieure, avait-elle qualité pour déposer les demandes de remboursement qui font l’objet des présents appels, et a-t-elle qualité pour s’adresser à la Cour canadienne de l’impôt et revendiquer l’immunité de la Couronne?

 

                                               iv.                  Si l’appelante était une autorité publique rattachée à la Couronne, ou était la mandataire de la Couronne, durant la période de supervision et/ou la période ultérieure, son immunité d’imposition fédérale conférée par l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 a-t-elle été levée par l’accord de réciprocité fiscale conclu entre le gouvernement du Canada, représenté par le ministre fédéral des Finances, et le gouvernement de l’Ontario, représenté par le ministre des Finances de l’Ontario, accord qui a pris effet le 1er juillet 2000 (l’ARF)?

 

                                                 v.                  Les articles 262, 297, 299 et 306 et par le paragraphe 301(1.1) de la LTA excluant-ils la réclamation, par l’appelante du remboursement de la TPS payée par erreur?

 

ACCORD CONCERNANT LA PREUVE

 

17.              L’appelante et l’intimée s’engagent à produire devant la Cour les documents suivants à titre de pièces, aux fins de la présente instance :

 

[Cette liste n’a pas été reproduite en tant que partie intégrante de l’exposé conjoint des faits et des points en litige, car elle n’est pas essentielle pour mes motifs.]

 

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

 

Par :_« Daniel Sandler »_le 17 oct. 2008

 

Par :_« Michael Ezri »_le 17 oct. 2008

 

 

 

Daniel Sandler

 

Ernest Wheeler

Michele Anderson

 

Michael Ezri

 

 

 

Couzin, Taylor LLP

 

Ministère de la Justice

Avocats

 

Section des services de droit fiscal

Tour Ernst & Young

 

Édifice Banque du Canada

222, rue Bay, C.P. 143

 

Tour Est, 9e étage

Toronto (Ontario)

 

234, rue Wellington

M5K 1H1

 

Ottawa (Ontario)

 

 

K1A 0H8

 

 

 

Avocats de l’appelante

 

Avocats de l’intimée

 

 

 

Tél. : 416-943-4434 / 943-5445

 

Tél. : 613-957-4805 / 957-4807

Téléc. : 416-943-2700

 

Téléc. : 613-941-2293


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 53

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2005-4015(GST)G

                                                          2006-511(GST)G

 

INTITULÉ :                                       LA CORPORATION DE L’HÔPITAL D’OTTAWA

                                                          et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Les 20, 21 et 22 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Daniel Sandler

Me L. Michele Anderson

 

 

Avocats de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

Me Michael Ezri

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Daniel Sandler et L. Michele Anderson

 

                          Cabinet :                  Couzin, Taylor LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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