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Dossier : 2010-1331(IT)APP

ENTRE :

 

SUGANTHI NATARAJAN,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Demande entendue le 14 juin 2010 à Windsor (Ontario).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de la requérante :

Me John Mill

 

Avocat de l’intimée :

Me Ryan Hall

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Le 27 juillet 2010, Suganthi Natarajan, (la « requérante ») a déposé une demande de prorogation du délai pour le dépôt d’avis d’opposition à l’encontre de nouvelles cotisations établies pour ses années d’imposition 2004 à 2006 (les « nouvelles cotisations 2004-2006 »).

 

À l’audience, l’avocat de la requérante a reconnu que la demande avait été mal formulée. La requérante a demandé à la Cour de modifier le consentement à jugement tranchant ses appels à l’encontre des nouvelles cotisations 2004-2006, faisait valoir que le consentement en question était fondé sur une erreur commune. L’avocat de l’intimée fut surpris par ce changement d’orientation. Pour éviter que l’une ou l’autre des parties soit lésée, j’ai permis aux parties de déposer des observations écrites sur la question. Elles l’ont fait, et je suis maintenant prêt à me prononcer sur cette question.

 

          La demande est rejetée conformément aux motifs d’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa (Canada), le 9 novembre 2010.

 

 

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 582

Date : 20101109

Dossier : 2010-1331(IT)APP

 

ENTRE :

 

SUGANTHI NATARAJAN,

 

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Hogan

 

Introduction

 

[1]             Le 27 juillet 2010, Suganthi Natarajan, (la « requérante ») a déposé une demande de prorogation du délai pour le dépôt d’avis d’opposition à l’encontre de nouvelles cotisations établies pour ses années d’imposition 2004 à 2006 (les « nouvelles cotisations 2004-2006 »).

 

[2]             À l’audience, l’avocat de la requérante a reconnu que la demande avait été mal formulée. La requérante a demandé à la Cour de modifier le consentement à jugement tranchant ses appels à l’encontre des nouvelles cotisations 2004-2006. L’avocat de l’intimée fut surpris par ce changement d’orientation, et, pour éviter que l’une ou l’autre des parties soit lésée, j’ai permis, après avoir entendu la preuve sur la question, aux avocats de m’exposer par écrit leur position respective. Je suis maintenant prêt à me prononcer sur cette question.

 

 

Le contexte factuel

 

[3]             Pendant les années en question, la requérante vivait au Canada, dans la région de Windsor, mais travaillait à Detroit en tant que programmeuse en informatique. Elle fut admise à participer au régime de revenu différé (le « RRD ») établi par son employeur américain, une partie de son salaire pouvant être différée jusqu’à la fin de son emploi. Elle a cotisé au RRD en 2003, 2005 et 2006 (les « cotisations au RRD »).

 

[4]             En tant que Canadienne travaillant aux États-Unis, elle était imposée par le fisc américain sur son traitement et son salaire. Elle n’était pas, cependant, immédiatement imposée aux États-Unis sur ses cotisations au RRD, celles-ci n’étant pas considérées, selon les règles fiscales en vigueur aux États-Unis, comme ayant été reçues ou comme réputées avoir été reçues. Les cotisations au RRD ne seraient en effet imposées aux États-Unis que lorsque les sommes correspondantes sont effectivement touchées par le contribuable, c’est-à-dire, de manière générale, en fin d’emploi.

 

[5]             Dans sa déclaration de revenus canadienne, la requérante n’a pas fait état de l’argent qu’elle avait versé au RRD, étant donné qu’elle ne l’avait pas touché. Si les nouvelles cotisations établies par le ministre étaient confirmées, la requérante risquerait de faire l’objet d’une double imposition, puisqu’elle ne pourrait pas bénéficier d’un crédit pour impôt étranger au titre des impôts qu’il lui faudrait acquitter aux États-Unis à la réception, en fin d’emploi, des cotisations au RRD. Cela peut se produire lorsque, dans les deux ressorts, l’impôt ne frappe pas le contribuable au même moment.

 

[6]             Le fait de remplir une déclaration de revenus dans les deux ressorts permet à la requérante de réaliser des économies avant impôt, puisque, à peu près de la même façon qu’avec les cotisations à un régime enregistré d’épargne‑retraite, elle a droit à un report d’impôt.

 

[7]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard des sommes que la requérante avait versées en 2003 au RRD (la « nouvelle cotisation de 2003 »), au motif qu’elle les avait touchées. La requérante a déposé un avis d’opposition à l’encontre de la nouvelle cotisation de 2003.

 

[8]             Le 6 mars 2008, la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 a été confirmée par lettre à la requérante.

 

[9]             Le 31 mars 2008, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lui a envoyé une lettre expliquant que ses déclarations de revenus pour les années 2004 à 2006 feraient l’objet de nouvelles cotisations. Ces nouvelles cotisations ont été émises le 31 mars 2008. Aux fins de l’impôt, les cotisations au RRD ont été considérées comme un revenu imposable pour les années où elles avaient été versées dans le RRD.

 

[10]        Le 12 juin 2008, la requérante a, sous le régime de la procédure informelle, déposé à la Cour canadienne de l’impôt, un avis d’appel relatif aux années 2003 à 2006.

 

[11]        Le 3 novembre 2009, au début de l’audition des appels formés par la requérante à l’encontre des nouvelles cotisations pour les années 2003 à 2006, l’avocat de l’intimée a fait remarquer à l’avocat de la requérante que celle-ci n’avait pas signifié d’avis d’opposition aux nouvelles cotisations 2004-2006 et que les appels n’avaient, par conséquent, pas été correctement introduits à la Cour. Étant donné que plus d’un an et 90 jours s’étaient écoulés depuis l’établissement des nouvelles cotisations 2004-2006, le délai durant lequel la requérante pouvait demander une prorogation du délai pour le dépôt des avis d’opposition aux nouvelles cotisations était expiré. Après avoir consulté sa cliente, l’avocat de la requérante a reconnu que seul l’appel de la nouvelle cotisation de 2003 pouvait être entendu. L’appel visant l’année 2003 a donc été entendu et, à l’issue de l’audience, la Cour a mis l’affaire en délibéré.

 

[12]        Le 4 décembre 2009, avant que la Cour ne se prononce sur l’appel visant l’année 2003, les parties ont déposé un consentement à jugement (le « consentement »), aux termes duquel les parties convenaient que soit accueilli l’appel visant l’année 2003 et que le ministre établisse une nouvelle cotisation dans laquelle les 83 229 $ versés au RRD cette année-là seraient considérés comme n’ayant pas été reçus par la requérante. Le consentement prévoyait également que les appels visant les années 2004 à 2006 seraient rejetés, la requérante n’ayant pas produit d’avis d’opposition aux cotisations établies pour ces années-là. Le 19 décembre 2009, j’ai rendu un jugement donnant effet au consentement.

 

[13]        Le 21 janvier 2010, la requérante a déposé une demande de prorogation du délai pour le dépôt d’avis d’appel à l’encontre des nouvelles cotisations 2004-2006. À l’audition de la demande, l’avocat de la requérante a reconnu que la demande n’avait pas été correctement formulée. Cette demande visait en fait à obtenir de la Cour un jugement modifiant le consentement relativement aux nouvelles cotisations 2004-2006. L’avocat de la requérante affirme que le consentement a été signé par erreur et que je devrais le modifier, invoquant à l’appui de sa demande la doctrine de l’erreur commune.

 

[14]        La requérante a été la seule à témoigner à l’audience. Elle affirme que, le 29 décembre 2009, elle a donné à son avocat les documents dont il avait besoin pour présenter une demande dans le cadre du programme d’équité. J’ai cru comprendre que par cette demande d’équité la requérante entendait convaincre le ministre d’établir les nouvelles cotisations 2004-2006 selon la formule qu’il avait appliquée, après le consentement à jugement, à la nouvelle cotisation visant l’année 2003.

 

[15]        Parmi les documents que la requérante a fournis à son avocat pour l’aider à préparer la demande d’équité se trouvait un relevé de compte, daté du 17 décembre 2008 (le relevé 2008), reçu de l’ARC. Ce relevé de compte indiquait les montants que la requérante devait au fisc à cette date. Ce relevé comporte une mention intéressante. D’après ce document, la requérante ne doit rien au fisc, mais il y a aussi une mention qui précise que ce solde nul ne comprend pas les impôts dus par la requérante et à l’égard desquels elle fait opposition. Voici la formulation exacte de cette mention :

 

[traduction]


Le solde indiqué ne comprend pas les 84 241,80 $ qui sont dus au titre des années d’imposition à l’égard desquelles vous avez déposé des avis d’opposition.

 

[16]        Le solde de 84 241,80 $ au titre de l’impôt dû englobe deux sommes, soit 30 037 $ environ relativement aux nouvelles cotisations 2004-2006, et le reste au titre de la nouvelle cotisation visant l’année 2003.

 

[17]        La requérante a expliqué qu’après avoir reçu les nouvelles cotisations 2004‑2006, elle avait communiqué verbalement avec l’ARC et avait mentionné qu’elle entendait s’opposer à ces nouvelles cotisations comme elle s’était opposée à la nouvelle cotisation de 2003. On peut raisonnablement supposer que le relevé de 2008 lui a été envoyé à la suite de cet appel téléphonique.

 

[18]        La requérante a produit en preuve une série de courriels échangés avec son avocat. Il semble, d’après cet échange de courriels, que son avocat a en grande partie consacré ses efforts à obtenir que les nouvelles cotisations 2004-2006 soient réunies à l’appel qu’il se préparait à former à l’encontre de la nouvelle cotisation de 2003. En ce qui concerne les nouvelles cotisations 2004-2006, il a, semble‑t‑il, laissé à la requérante le soin de s’occuper de toutes les démarches administratives, sans lui rappeler la nécessité de déposer des avis formels d’opposition aux nouvelles cotisations 2004-2006, et sans lui dire que cette étape était une condition préalable au dépôt d’un appel à la Cour à l’encontre de ces nouvelles cotisations. La requérante semble ne pas avoir su qu’elle était tenue de déposer des avis d’opposition.

 

Les positions des parties

 

La requérante

 

[19]        La requérante demande que le jugement fondé sur le consentement soit modifié, faisant valoir que le consentement a été signé par erreur. L’erreur commune proviendrait du fait que les deux parties n’avaient pas compris que l’ARC avait été informée de vive voix par la requérante qu’elle entendait s’opposer aux nouvelles cotisations 2004-2006 et que l’ARC traitait cette communication comme un avis d’opposition. La requérante soutient que le relevé de 2008 montre que l’ARC entendait considérer la communication verbale en question comme un avis d’opposition valable.

 

[20]        Selon l’avocat de la requérante, l’article 165 est une disposition facultative qui n’oblige aucunement le contribuable à déposer l’avis d’opposition par écrit. Il fait valoir que l’avis d’opposition est « signifié » au ministre à partir du moment où celui-ci prend connaissance du fait que le contribuable entend contester une nouvelle cotisation.

 

[21]         L’avocat de la requérante précise qu’il ne demande aucunement à la Cour d’annuler intégralement le jugement ou le consentement, mais plutôt d’annuler la partie du consentement qui rejette les appels formés par la requérante à l’égard des années 2004 à 2006. Le consentement et le jugement concernant la modification de la nouvelle cotisation de 2003 demeureraient donc en l’état. La Cour aurait alors, à moins que les parties ne conviennent d’un nouveau consentement en ce qui concerne les nouvelles cotisations 2004-2006, à se prononcer sur ces nouvelles cotisations au vu des preuves produites lors du procès initial.

 

[22]        La requérante affirme que la Cour a compétence pour modifier son jugement et que la doctrine de l’autorité de la chose jugée invoquée par l’avocat du ministre ne pose aucun obstacle à la mesure de redressement demandée par la requérante.

 

L’intimée

 

[23]        L’intimée affirme qu’il n’y a eu aucune erreur commune de la part des parties, parce que rien ne démontre que la requérante a officiellement transmis par écrit un avis d’opposition formel qui aurait été signifié au chef des Appels, comme l’exige l’article 165 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »). Selon l’intimée, le paragraphe 165(1) n’est facultatif que dans le sens que le contribuable « peut » signifier une opposition. Si le contribuable ne le fait pas, il peut se voir priver du droit d’interjeter appel à la Cour, à moins de réparer cette omission.

 

[24]        Selon l’intimée, la règle de l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’examen de cette question. Elle estime que cette doctrine interdit de se pencher à nouveau sur les questions qui n’avaient pas été tranchées, mais qui étaient liées et qui auraient pu être soulevées dans le cadre de l’affaire. On fait valoir qu’en l’espèce, l’avocat de la requérante n’avait aucune connaissance des éléments de preuve qui auraient pu être invoqués pour faire valoir qu’un avis d’opposition avait, d’une façon ou d’une autre, été déposé. Il appartenait à l’avocat de la requérante de vérifier ces points avant de signer le consentement. Et, enfin, l’intimée fait valoir qu’il n’y a pas lieu d’accorder à la requérante la mesure de redressement qu’elle demande. Si j’en venais à conclure qu’un avis d’opposition a vraiment été déposé et que j’ai compétence pour modifier le consentement, et le jugement en conséquence, celui-ci devrait être intégralement annulé. L’équité l’exigerait. Il se peut que l’intimée ait accepté de signer le consentement en raison du rejet des appels visant les années 2004-2006. Les parties reviendraient alors au point de départ, c’est-à-dire qu’elles pourraient soit signer un nouveau consentement, soit me demander de prononcer un jugement au vu de la preuve produite à l’audience.

 

Les questions en litige

 

[25]        Compte tenu de ce qui précède, les questions en litige peuvent se résumer ainsi :

 

1.     Un avis d’opposition a-t-il été valablement déposé, et dans l’affirmative, les parties ont-elles signé le consentement sur le fondement d’une erreur commune?

2.     La règle de l’autorité de la chose jugée empêche-t-elle la Cour de modifier le jugement?

3.     Dans la négative, quelle est la mesure de redressement qu’il conviendrait d’accorder en l’espèce?

 

Analyse

 

[26]        À mon avis, la prétention de la requérante, selon laquelle un avis d’opposition a été donné conformément à ce que prévoit la LIR, ne semble guère étayée. Dans sa demande de prorogation du délai, elle reconnaît ne pas avoir signifié d’opposition écrite formelle au ministre. L’avocat de la requérante a, au nom de sa cliente, signé un consentement en ce sens.

 

[27]        La requérante demande maintenant à la Cour de modifier les termes du consentement, faisant valoir que l’ARC savait que la requérante entendait contester les nouvelles cotisations 2004-2006. Selon la requérante, le relevé 2008 démontre que la dette fiscale découlant de la nouvelle cotisation établie pour les années d’imposition 2003-2006 est pendante en raison du litige dont fait l’objet l’affaire. La requérante affirme qu’une opposition peut être notifiée verbalement et qu’elle n’est soumise à aucune condition de forme, même en ce qui concerne sa signification à l’ARC. La requérante se fonde pour cela sur son interprétation du mot « peut » qui se trouve au paragraphe 165(1) de la LIR. Voici ce que prévoit cette disposition :

 

(1) Opposition à la cotisation. Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents […]

 

[28]        Je considère, même si c’est le mot « peut » qui est utilisé, que cette disposition exige qu’un avis d’opposition soit fait par écrit et signifié de la manière prévue au paragraphe 165(2) de la LIR. Selon ce paragraphe, le contribuable doit signifier l’avis au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal de l’Agence du revenu du Canada, soit par personne, soit par courrier. Cela confirme, d’après moi, que l’avis d’opposition doit être fait par écrit. Selon le paragraphe 165(6), le ministre peut accepter un avis d’opposition malgré l’inobservation des modalités de signification prévues au paragraphe 165(2), c’est‑à‑dire si l’avis d’opposition n’est pas signifié par personne ou par courrier au destinataire désigné dans cette disposition. Rien n’indique que le ministre puisse renoncer à l’exigence voulant que l’avis d’opposition soit fait par écrit. Cela étant, le mot « peut » employé au paragraphe 165(1) ne modifie pas cette obligation, et n’a pas pour effet de rendre ce paragraphe facultatif. Un requérant peut décider de ne pas déposer d’avis d’opposition, mais d’essayer tout de même de persuader le ministre de modifier la nouvelle cotisation.

 

[29]        Si, cependant, le contribuable opte pour cette manière de faire, sans toutefois parvenir à persuader le ministre de modifier la nouvelle cotisation, il ne pourra pas interjeter appel à la Cour, car le paragraphe 169(1) de la LIR précise bien que le contribuable doit signifier un avis d’opposition conformément à l’article 165 avant de pouvoir déposer un appel à la Cour.

 

[30]        Les tribunaux judiciaires ont avalisé diverses manières de déposer un avis d’opposition, mais, dans ces cas exceptionnels, l’avis en question a toujours été un écrit remis au représentant du ministre. Par exemple, dans Schneidmiller c. La Reine[1], le contribuable s’opposant à une cotisation a téléphoné à l’ARC, laquelle lui avait envoyé une « Demande de redressement d’une T1 », qu’il a effectivement déposée, mais que l’ARC a perdue par la suite. Plus d’un an plus tard, il a déposé des avis d’opposition, mais l’ARC lui a répondu qu’il était trop tard. Compte tenu des circonstances, le juge Beaubier a accueilli l’appel, estimant que la demande de redressement pouvait être considérée comme un avis d’opposition.

 

[31]        Dans les cas où le contribuable n’a rien signifié d’avis écrit qui puisse être considéré comme une opposition, la jurisprudence ne permet guère de conclure qu’un avis d’opposition valable a été donné.

 

[32]        Dans 870 Holdings Ltd. c. Canada, le requérant avait envoyé à l’ARC une lettre demandant que lui soit accordé davantage de temps pour fournir certains renseignements. La Cour d’appel fédérale a jugé impossible de considérer la lettre en question comme un avis d’opposition. Pour constituer un tel avis, il aurait fallu que la lettre s’oppose d’une manière ou d’une autre à une cotisation en particulier et fasse état de faits pertinents à l’appui des arguments avancés par le contribuable. La Cour a rejeté l’appel, estimant que :

 

La Loi prévoit des exigences minimales pour le dépôt d’un avis d’opposition valide mais encore faut-il y satisfaire. […][2]

 

[33]        La requérante a cité Jones c. Canada (Ministre du Revenu national)[3]. Dans cette affaire, le demandeur affirmait avoir, en 1990, envoyé au ministre un avis d’opposition à sa cotisation d’impôt pour l’année 1988. Le ministre a répondu que ce n’est qu’en 2001 qu’il avait reçu un avis d’opposition pour l’année d’imposition en cause. Le demandeur a fait appel devant la Cour canadienne de l’impôt, demandant que le ministre exerce le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît le paragraphe 165(6) et accepte l’avis d’opposition bien qu’il ne réponde pas, au niveau de sa signification, aux exigences prévues au paragraphe 165(2).

 

[34]        La juge Snider a envisagé la question sous un autre angle : la question était plutôt de savoir si le demandeur avait respecté les exigences prévues au paragraphe 165(1). Selon la Cour, ces exigences s’imposent au contribuable. En ce qui concerne l’avis d’opposition, la juge Snider s’est exprimée en ces termes :

 

[…] Selon moi, la partie qui veut se fonder sur une disposition et qui est la mieux placée pour prouver les faits lui permettant d’invoquer la disposition est celle qui doit prouver qu’elle est fondée à l’invoquer. […][4]

 

[35]        Bref, l’avis d’opposition doit être fait par écrit, doit comprendre une véritable opposition à une cotisation, doit invoquer des faits à l’appui, et doit être signifié au ministre. La Cour a accepté de considérer comme un avis d’opposition divers types de documents, pourvu qu’ils soient correctement signifiés au ministre. Lorsqu’un contribuable affirme avoir transmis un avis d’opposition au ministre, il a la charge de le démontrer. Je n’ai rien trouvé dans la jurisprudence qui permette à un contribuable d’interjeter appel sans avoir au préalable déposé par écrit un avis d’opposition sous une forme ou une autre.

 

[36]        La requérante ne m’a pas convaincu qu’elle avait respecté les conditions prévues à l’article 165 et envoyé un avis d’opposition écrit signifié de la manière prescrite au paragraphe 165(2). Je considère, par conséquent, qu’en formulant, dans le cadre du consentement, leurs arguments au sujet du rejet des appels visant les années 2004-2006, les parties n’ont pas agi en fonction d’une erreur commune. Je suis, par ailleurs, d’accord avec l’intimée que le principe de la chose jugée ou la préclusion fondée sur la cause d’action m’interdit de modifier le consentement et le jugement que j’ai rendu au vu de celui-ci. Pour qu’il y ait préclusion fondée sur la cause d’action, il faut que soient réunies les quatre conditions suivantes :

 

1.     Un tribunal ayant la compétence voulue doit avoir rendu une décision définitive dans l’action antérieure;

 

2.     Les parties au litige subséquent doivent avoir été parties à l’action antérieure ou avoir connexité d’intérêts avec les parties à l’action antérieure;

 

3.     La cause d’action dans l’action antérieure ne doit pas être séparée et distincte;

 

4.     Le fondement de la cause d’action dans l’action subséquente a été plaidé ou aurait pu être plaidé dans l’action antérieure si les parties avaient fait preuve d’une diligence raisonnable.

 

[37]        Il est satisfait à la seconde condition, puisqu’en l’espèce il s’agit des mêmes parties. Ce dossier répond également à la troisième condition, étant donné que l’action initialement engagée portait déjà sur la question d’un appel des nouvelles cotisations 2004-2006. En ce qui concerne la quatrième condition, la requérante fait maintenant valoir l’existence de certains faits, dont elle n’avait pas connaissance à l’époque du procès, affirmant que ces faits tendent à démontrer qu’un avis d’opposition a été donné. Mais, même si l’on admet cet argument aux fins de la discussion, je ne suis pas convaincu que la requérante et son avocat ont montré une diligence raisonnable dans la recherche des preuves permettant d’affirmer que des avis d’opposition avaient effectivement été déposés.

 

[38]        Cela dit, la requérante semble fondée à solliciter du ministre une décision d’équité, étant donné que les nouvelles cotisations 2004-2006 portent sur précisément la même question que la nouvelle cotisation visant l’année 2003. Je ne vois pas pourquoi les cotisations au RRD seraient traitées différemment dans le cadre des nouvelles cotisations visant les années en cause.

 

[39]        Pour l’ensemble de ces motifs, la demande est rejetée.

 

Signé à Ottawa (Canada), ce 9 novembre 2010.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


RÉFÉRENCE :                                 2010 CCI 582

 

DOSSIER :                                       2010-1331(IT)APP

 

INTITULÉ :                                      SUGANTHI NATARAJAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 juin 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 9 novembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

L’avocat de la requérante :

Me John Mill

 

 

L’avocat de l’intimée :

Me Ryan Hall

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour la requérante :

 

                          Nom :                     John Mill

                            Cabinet :               Windsor (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

 



[1] 2009 CCI 354, 2009 DTC 1192.

[2] 870 Holdings Ltd. c. Canada, 2003 CAF 460, au par. 2; [2004] 2 CTC 83; 2004 DTC 6001.

[3] Jones c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 382; [2004] 2 CTC 339; 2004 DTC 6185.

[4] Ibid., par. 20.

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