Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-2540(IT)G

 

ENTRE :

SAIPEM UK LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 15 avril 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Wilfrid Lefebvre

Me Dominic Belley

 

Avocates de l'intimée :

Me Natalie Goulard

Me Christina Ham

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006 sont rejetés avec dépens conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 2011.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'avril 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 25

Date : 20110114

Dossier : 2008-2540(IT)G

 

ENTRE :

SAIPEM UK LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              Il s'agit d'un appel de nouvelles cotisations datées du 18 novembre 2008 dont l'appelante a fait l'objet à l'égard de ses années d'imposition qui ont pris fin les 31 décembre 2004, 2005 et 2006. Ces nouvelles cotisations ont remplacé les cotisations initiales, que le ministre du Revenu national avait ratifiées le 14 mai 2008.

 

[2]              L'appelante, une non‑résidente du Canada, a demandé des déductions dans le calcul de son revenu imposable, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), lequel était tiré d'activités qu'elle exerçait au Canada par l'intermédiaire d'un « établissement stable » (un « ES »), au sens de la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et les gains en capital, dans sa forme modifiée (la « Convention entre le Canada et le R.‑U. »).

 

[3]              Les déductions se rapportent à certaines pertes autres que des pertes en capital résultant d'activités commerciales exercées au Canada par la société Saipem Energy International Limited (« SEI ») qui, pendant la période pertinente, était liée à l'appelante au sens de la Loi et qui a fait l'objet d'une fusion‑absorption par l'appelante au sens du paragraphe 88(1.1) de la Loi. Les déductions demandées à l'égard des pertes de SEI s'élevaient à 592 697 $ pour l'année d'imposition 2004, à 839 799 $ pour l'année d'imposition 2005 et à 5 601 461 $ pour l'année d'imposition 2006, déductions que le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusées.

 

[4]              Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits, qui est reproduit ci‑dessous :

 

[TRADUCTION]

 

1.         L'appelante a été constituée en société au Royaume‑Uni; pendant toute la période pertinente, elle était une non‑résidente du Canada et une résidente du Royaume‑Uni pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni.

 

2.         Saipem Energy International Limited (« SEI ») a été constituée au Royaume‑Uni; pendant toute la période pertinente, elle était résidente du Royaume‑Uni, et non du Canada, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni.

 

3.         SEI a été constituée à titre de filiale à cent pour cent de Saipem International B.V. (« SIBV »), une société constituée aux Pays‑Bas, laquelle était, pendant toute la période pertinente, résidente des Pays‑Bas et non du Canada.

 

4.         L'appelante et SEI faisaient partie du même groupe de sociétés liées (le « groupe Saipem »).

 

Les pertes subies par SEI

 

5.         Au cours des années d'imposition 2001, 2002 et 2003, SEI exploitait une entreprise au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable, au sens de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni.

 

6.         Le 31 décembre 2003, le solde de fermeture des pertes autres que des pertes en capital de SEI aux fins de l'impôt sur le revenu s'élevait à 7 033 957 $. SEI n'a pas déduit ces pertes dans le calcul de son revenu.

 

7.         SEI aurait pu déduire les pertes au cours des années d'imposition 2004, 2005 et 2006, si SEI avait eu ces années d'imposition et si son revenu avait été suffisant au cours de ces années.

 

La liquidation de SEI

 

8.         Le 7 février 2003, l'appelante a avisé certains employés de SEI qu'ils seraient mutés et deviendraient des employés de l'appelante le 1er avril 2003.

 

9.         Le 19 mai 2003, le conseil d'administration de SEI a recommandé que les actions, les actifs et l'entreprise de SEI soient transférés à l'appelante en vue de faciliter la réorganisation du groupe Saipem au Royaume‑Uni, l'objectif énoncé étant la fusion‑absorption de SEI par l'appelante.

 

10.       Le 30 juin 2003, SEI avait mis fin à ses activités commerciales et la plupart de ses employés avaient été mutés chez l'appelante.

 

11.       Le 21 novembre 2003, le conseil d'administration de l'appelante a adopté une résolution en vue d'acheter de SIBV toutes les actions émises et en circulation de SEI et de procéder à la liquidation volontaire de SEI.

 

12.       Le 9 décembre 2003, le conseil de gestion de SIBV a résolu de vendre à l'appelante toutes les actions émises et en circulation de SEI.

 

13.       Le 16 décembre 2003, les actions de SEI ont été transférées à l'appelante.

 

14.       Le 16 décembre 2003, SEI a vendu certains de ses actifs (du matériel de bureau et des contrats) à l'appelante.

 

15.       Le 10 juillet 2006, la déclaration finale des liquidateurs concernant la liquidation de SEI a été produite auprès de la Companies House (registre des sociétés) du R.‑U.

 

16.       Le 13 octobre 2006, SEI a été radiée du registre de la Companies House du R.‑U. conformément à la loi du Royaume‑Uni intitulée Insolvency Act, 1986 (Loi de 1986 sur l'insolvabilité).

 

Les années d'imposition 2004, 2005 et 2006 de l'appelante

 

17.       Au cours des années d'imposition 2004, 2005 et 2006, l'appelante exploitait une entreprise au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable, au sens de la Convention fiscale entre le Canada et le Royaume‑Uni.

 

18.       L'appelante a fixé au 21 novembre 2003 la date du début de la liquidation de SEI.

 

19.       En produisant ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006, l'appelante a demandé des déductions de 592 697 $, de 839 799 $ et de 5 601 461 $ respectivement à l'égard des pertes subies par SEI.

 

20.       Au mois d'octobre 2007, le ministre du Revenu national a délivré des avis de cotisation pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2006 de l'appelante, par lesquels la déduction des pertes subies par SEI était refusée. Les avis de cotisation ont été ratifiés le 14 mai 2008.

 

[5]              L'intimée a refusé d'accorder les déductions pour les années d'imposition en question compte tenu du fait qu'il n'avait pas été satisfait à l'exigence que la société mère, à savoir l'appelante, et la filiale liquidée, SEI, soient des sociétés canadiennes selon la définition figurant au paragraphe 89(1) de la Loi. L'appelante le reconnaît, mais elle soutient que les déductions devraient être admises compte tenu du fait que l'exigence concernant les sociétés canadiennes figurant au paragraphe 88(1) de la Loi constitue, à l'endroit d'un ES, de la discrimination fondée sur la nationalité, en violation de l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

[6]              Le paragraphe 89(1) de la Loi définit l'expression « société canadienne » ainsi :

 

« société canadienne » À un moment donné, société qui réside au Canada et qui :

 

a) soit a été constituée au Canada;

 

b) soit a résidé au Canada tout au long de la période qui a commencé le 18 juin 1971 et se termine à ce moment.

 

[...]

 

[7]              Le paragraphe 89(1) prévoit donc deux façons par lesquelles une société peut être considérée comme une « société canadienne » : en étant une société qui réside au Canada et qui a été constituée au Canada, ou en étant une société non constituée au Canada qui a résidé au Canada depuis au moins le 18 juin 1971.

 

[8]              Afin de résider au Canada, une société doit satisfaire au critère du « centre de la gestion et de la direction » qui s'applique en common law à l'égard de la résidence ou être considérée comme résidant au Canada en vertu du paragraphe 250(4) de la Loi, qui prévoit qu'une société constituée au Canada après le 26 avril 1965 est réputée résider au Canada.

 

[9]              Le paragraphe 250(5) de la Loi établit une exception au paragraphe 250(4) de la Loi; il prévoit ce qui suit :

 

Personne réputée non‑résidente. Malgré les autres dispositions de la présente loi (sauf l'alinéa 126(1.1)a)), une personne est réputée ne pas résider au Canada à un moment donné dans le cas où, à ce moment, si ce n'était le présent paragraphe ou tout traité fiscal, elle résiderait au Canada pour l'application de la présente loi alors que, en vertu d'un traité fiscal conclu avec un autre pays, elle réside dans ce pays et non au Canada.

 

[10]         La mention d'un traité fiscal se rapporte à la règle de départage concernant le statut de résident figurant dans les conventions fiscales. La règle est énoncée à l'article 4 de la Convention entre le Canada et le R.‑U., qui précise le sens de l'expression « résident d'un État contractant ».

 

[11]         Le paragraphe 88(1.1) de la Loi (qui apparaît à la fin des présents motifs) énonce les exigences, autres que celles voulant que la société mère et la filiale soient des sociétés canadiennes, auxquelles il faut satisfaire pour que ce paragraphe puisse s'appliquer. Ces autres exigences, telles que le moment où les déductions sont effectuées, la nature de la perte et la propriété, ne sont pas ici en litige, comme les parties en ont informé la Cour.

 

[12]         Le premier paragraphe de l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. interdit la discrimination fondée sur la nationalité. Il est libellé en ces termes :

 

1.         Les nationaux d'un État contractant ne sont soumis dans l'autre État contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre État se trouvant dans la même situation.

 

[13]         Le paragraphe 2 de l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. interdit la discrimination fondée sur le statut d'établissement stable. Il est libellé ainsi :

 

2.         L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un État contractant a dans l'autre État contractant n'est pas établie dans cet autre État d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre État qui exercent la même activité. La présente disposition ne peut être interprétée comme obligeant l'un ou l'autre État contractant à accorder aux personnes physiques qui ne résident pas sur son territoire les déductions personnelles et les abattements d'impôt qui sont, de par la loi, accordés uniquement aux personnes physiques résidentes.

 

[14]         Bref, l'appelante demande à la Cour de décider si le fait que le paragraphe 88(1.1) de la Loi ne s'applique qu'aux seules « sociétés canadiennes », ce qui exclut son application à l'égard de la fusion‑absorption de SEI par l'appelante, viole le droit qui lui est reconnu, à titre de « national » du Royaume‑Uni et pour l'application de la Convention entre le Canada et le R.‑U., au traitement non discriminatoire garanti aux paragraphes 1 et 2 de l'article 22 de la Convention, qui sont ci‑dessus reproduits.

 

Les principes d'interprétation des conventions fiscales

 

[15]         Dans la décision Saunders v. M.N.R., 54 D.T.C. 424, la Commission d'appel de l'impôt a traité ainsi des principes d'interprétation applicables aux conventions fiscales (page 526) :

 

[TRADUCTION]

 

Le principe reconnu semble être qu'il faut interpréter une loi fiscale, soit contre la Couronne soit contre le contribuable, d'une façon tout à fait rigoureuse, dans la mesure où il est possible de déceler l'intention du législateur. Toutefois, lorsqu'une convention fiscale est en cause, la situation est différente et une interprétation libérale est habituellement donnée, eu égard au principe de courtoisie internationale. Les conventions fiscales sont principalement négociées afin de remédier à la situation fiscale dans laquelle se trouve le contribuable en évitant la double imposition plutôt que de rendre l'obligation plus lourde. C'est ce qu'indique le préambule de la Convention. Par conséquent, il n'est pas souhaitable d'aller au‑delà du libellé de la Convention et du protocole lorsque l'on cherche à déterminer le sens exact d'une expression ou d'un mot particulier qui y figure.

 

[16]         Dans l'arrêt Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802, le juge Iacobucci, de la Cour suprême du Canada, a dit que « [l]'interprétation d'un traité vise d'abord et avant tout à trouver le sens des termes en question. Il convient donc de considérer le langage utilisé ainsi que l'intention des parties » (paragraphe 22). Au paragraphe 43, le juge a dit :

 

L'analyse de l'intention des rédacteurs d'une convention fiscale est très importante pour déterminer le champ d'application de ce traité. Comme le fait remarquer le juge Addy dans Succession J. N. Gladden c. La Reine, [1985] 1 C.T.C. 163 (C.F. 1re inst.), aux pp. 166 et 167 :

 

Contrairement à une loi fiscale ordinaire un traité ou une convention en matière d'impôt doit être interprété de façon libérale, de manière à appliquer les véritables intentions des parties. Il faut éviter une interprétation littérale ou légaliste lorsque l'objet fondamental du traité pourrait être rejeté ou contrecarré dans la mesure où le point particulier à l'étude est visé.

 

[17]         L'Organisation de coopération et de développement économiques (l'« OCDE ») a publié, au mois de juillet 2008, des commentaires sur son Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune (le « Modèle de convention »). L'article 24 du Modèle de convention est semblable à l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U., mais le Canada a fait une réserve à l'égard de l'article 24. La Cour ne peut pas accorder de poids, sur le plan juridique, aux commentaires de l'OCDE, à moins que ces commentaires n'aient fait l'objet d'interprétation judiciaire au Canada, mais les tribunaux ont néanmoins utilisé ces commentaires comme guide d'interprétation et d'application des conventions fiscales lorsque les signataires n'ont pas fait de réserve. Dans l'arrêt Prévost Car Inc. c. La Reine, 2009 CAF 57, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit :

 

[10]      La reconnaissance mondiale des dispositions du Modèle de Convention et leur intégration dans la plupart des conventions bilatérales ont fait des Commentaires sur les dispositions du Modèle de Convention de l'OCDE un guide largement reconnu en matière d'application et d'interprétation des conventions fiscales bilatérales (voir l'arrêt Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802 [...]

 

[11]      Il en va de même en ce qui concerne les Commentaires ultérieurs, lorsqu'ils représentent une interprétation juste des termes du Modèle de Convention et ne contredisent pas les Commentaires qui existaient lors de l'entrée en vigueur d'un traité déterminé et, évidemment, lorsque ni l'un ni l'autre des signataires du traité ne s'est opposé aux nouveaux Commentaires. [...]

 

L'existence d'une discrimination, en violation du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

La thèse de l'appelante

 

[18]         L'appelante soutient qu'aux fins fiscales, les non‑résidents qui exploitent une entreprise au Canada sont traités comme s'ils y résidaient en ce qui concerne les activités qu'ils exercent au Canada. Elle mentionne à l'appui les articles 111 et 115 de la Loi. L'article 115 définit le revenu imposable gagné au Canada par un non‑résident qui y exploite une entreprise et, selon l'appelante, son ES au Canada et l'ES de la filiale liquidée sont assujettis à l'impôt en vertu de l'article 115 de la Loi.

 

[19]         Cela étant, l'appelante signale que les non‑résidents qui exploitent une entreprise au Canada ont droit à des déductions; en particulier, ils peuvent déduire des pertes autres que des pertes en capital en vertu du paragraphe 111(1) dans le calcul de leur revenu aux fins fiscales. L'appelante mentionne également l'alinéa 115(1)f) de la Loi : lorsque la totalité, ou presque, du revenu d'un non‑résident est inclus dans le calcul de son revenu imposable gagné au Canada pour une année d'imposition, le non‑résident a droit aux autres déductions permises pour le calcul du revenu imposable s'il est raisonnable de les considérer comme étant entièrement applicables. Par conséquent, en vertu de l'alinéa 115(1)d) de la Loi, il n'y a pas de différence entre un résident et un non‑résident au point de vue du traitement des pertes.

 

[20]         L'appelante soutient que le paragraphe 88(1.1) de la Loi, qui permet à une société mère de déduire la perte subie par la filiale liquidée, est le complément de l'article 111 de la Loi et qu'au paragraphe 88(1.1), le législateur reconnaît qu'il est possible d'utiliser des pertes au sein d'un groupe de sociétés.

 

[21]         L'avocat de l'appelante se reporte à la « Convention de Vienne sur le droit des traités », qui énonce les règles d'interprétation des traités. Selon l'appelante, les traités [TRADUCTION] « devraient être interprétés de manière fort libérale, de façon à donner effet à l'intention des parties »; en d'autres termes, si les parties à un traité disent « Notre entente renfermera une clause telle qu'une clause de non‑discrimination », cela doit vouloir dire que cette clause s'applique parfois.

 

[22]         À l'appui de sa position, l'avocat de l'appelante a également cité les fiscalistes Richard Lewin et J. Scott Wilkie dans les Cahiers de droit fiscal international, vol. LXXVIIIb, aux pages 357 et 358 :

 

[TRADUCTION]

 

Faire de la discrimination, c'est faire une distinction ou créer une différence à l'égard du traitement des contribuables par des moyens ou pour des motifs qui sont « déraisonnables, arbitraires ou non pertinents », de sorte que la personne concernée ou l'objet de la discrimination est traité d'une façon moins favorable que la personne ou l'objet avec lequel la comparaison est faite.

 

[23]         L'appelante cite également les commentaires des fiscalistes sur la discrimination et la politique fiscale et affirme que la Loi peut renfermer des dispositions discriminatoires si celles‑ci sont justifiées pour des motifs d'intérêt public, et elle affirme qu'il n'existe aucune justification d'intérêt public l'empêchant de se prévaloir de l'avantage prévu au paragraphe 88(1.1).

 

[24]         Par conséquent, l'avocat de l'appelante soutient que l'exigence relative à la « société canadienne » figurant au paragraphe 88(1.1) de la Loi est contraire au paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., qui interdit la discrimination fondée sur la nationalité. Imposer les exigences relatives à la résidence et à la constitution en personne morale figurant au paragraphe 89(1) de la Loi, exigences qui doivent être respectées pour qu'une entité soit admissible à titre de « société canadienne », c'est exiger que les sociétés soient des nationaux du Canada. L'avocat de l'appelante explique que l'exigence relative à la constitution en personne morale figurant au paragraphe 89(1) est fondée sur la nationalité, en ce sens qu'une société constituée au Canada est un national du Canada. À l'appui de son argument, l'avocat de l'appelante se reporte au paragraphe 250(4) de la Loi, selon lequel les sociétés constituées au Canada sont réputées résider au Canada pour l'application de la Loi. Par conséquent, selon l'avocat de l'appelante, une société doit être constituée au Canada (c'est‑à‑dire qu'elle doit être un national du Canada) afin de résider au Canada.

 

[25]         En ce qui concerne les mots « dans la même situation » figurant au paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., l'avocat de l'appelante reconnaît que la Convention s'applique uniquement aux contribuables qui se trouvent « dans la même situation » que les nationaux de l'État concerné, mais il n'est pas d'accord pour dire que l'appelante et une société canadienne ne sont pas dans la même situation simplement parce que l'une réside au Canada alors que l'autre n'y réside pas. Selon lui, si l'on acceptait cette thèse, le paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. ne s'appliquerait jamais parce que l'on compare toujours un résident et un non‑résident. L'avocat de l'appelante énonce sa position ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

Selon la position que nous avons prise en ce qui concerne l'application du paragraphe 88(1.1), le fait que l'appelante réside au R.‑U. ne suffit pas pour faire une distinction, en ce qui concerne les pertes, entre la situation de cette société en tant que société du Royaume‑Uni et celle d'une société canadienne; la résidence en soi n'est pas un élément distinctif suffisant. Comme je l'ai déjà dit, le point de départ est que l'article 111 s'applique à tous de la même façon, qu'il s'agisse de résidents ou de non‑résidents, de sorte que le critère à appliquer se rapporte aux activités canadiennes.

 

L'avocat de l'appelante donne ensuite des raisons à l'appui de sa position (pages 59 à 64 de la transcription) :

 

[TRADUCTION]

 

[...] premièrement [...] si SUK et SEI [...] ont été constituées au Canada, chacune serait réputée, en vertu du paragraphe 250(4), résider au Canada. Par conséquent [...] l'élément de la résidence, dans la définition figurant au paragraphe 88(1.1), est ramené à simplement une société [...] à l'exigence relative à la constitution en personne morale au Canada. Si la constitution d'une société au Canada est suffisante pour l'application du paragraphe 88(1.1), aucune autre condition n'est imposée aux nationaux canadiens, la seule condition se rapportant à la constitution en personne morale au Canada. La discrimination est donc fondée sur le lieu de la constitution en personne morale dans ce cas‑ci. Si les deux sociétés avaient été constituées ici, aucune autre condition ne serait imposée.

 

Deuxièmement, les non‑résidents se trouvent dans la même situation que les résidents canadiens à l'égard de leurs pertes [...] le paragraphe 115(1), l'alinéa 115(1)d), et c'est exactement la même chose que ce qui était permis aux résidents, comme le confirme la Convention.

 

[...] troisièmement, l'alinéa 115(1)d) est non limitatif et s'il y avait eu des empêchements, ou si des conditions additionnelles avaient été imposées à l'égard des déductions, comme c'est le cas en vertu de l'alinéa 115(1)f), et si le législateur avait dit : « Vous aurez droit à vos pertes, le report rétrospectif ou prospectif, mais uniquement si quatre‑vingt‑dix pour cent (90 %) de votre revenu est tiré d'activités canadiennes. »

 

Quatrièmement, les résidents et les non‑résidents se trouvent dans la même situation en ce qui concerne leur ES. [...]

 

[...] en ce qui concerne le paragraphe (1), la dernière raison [...] pour l'application du paragraphe (1) [...] il va sans dire que la résidence de l'appelante, SUK, ne peut pas constituer un fondement de discrimination acceptable; en effet, cela pourrait violer le paragraphe (2) puisque l'on dirait « Eh bien, une discrimination fondée sur la résidence sera faite », et [...] la violation du paragraphe (2) justifierait la violation du paragraphe (1). [...]

 

[26]         L'avocat de l'appelante conclut en donnant des exemples de discrimination existant dans la Loi qui sont, à son avis, justifiables pour des motifs d'intérêt public, contrairement à la discrimination qui est faite au paragraphe 88(1.1) de la Loi. Il affirme ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Dans le cas des pertes, on ne peut pas déterminer [...] un objectif d'intérêt public. Si les activités sont exercées au Canada, si elles sont toutes exercées au Canada, et si des pertes sont subies, les dispositions de l'article [...] 111 s'appliquent et la seule question en litige est de savoir si les dispositions relatives à la liquidation s'appliquent dans le cas d'une partie signataire à un traité, soit dans ce cas‑ci le R.‑U., lorsqu'il existe une clause de non‑discrimination. [...]

 

[27]         L'avocat de l'appelante convient qu'il existe, en vertu de la loi canadienne, une politique interdisant le transfert au Canada de pertes subies à l'étranger. Il affirme qu'il s'agit en réalité de comparer les entités étrangères qui exploitent une entreprise au Canada par l'intermédiaire de leur ES et les entités canadiennes qui exercent des activités similaires au Canada. En d'autres termes, s'il existe une société mère canadienne et une filiale canadienne et que la société peut se prévaloir des pertes subies par sa filiale, et si on la compare à une société mère étrangère ayant un ES canadien, il s'agit de savoir s'il existe un motif d'intérêt public de ne pas permettre que toutes les pertes subies en raison des activités canadiennes soient, au moyen d'une liquidation, traitées comme des pertes de la famille d'entités, de sorte que la société mère puisse s'en prévaloir.

 

La thèse de l'intimée

 

[28]         L'intimée a commencé par rappeler à la Cour qu'afin de se prévaloir du paragraphe 88(1.1) de la Loi, la société mère et la filiale liquidée doivent toutes deux être des « sociétés canadiennes » selon la définition figurant dans la Loi. Pour les deux motifs ci‑après énoncés, l'intimée ne souscrit pas à l'argument de l'appelante lorsque cette dernière affirme que l'exigence relative à la société canadienne est ramenée à une exigence relative à la constitution en personne morale compte tenu de la disposition déterminative du paragraphe 250(4) de la Loi :

 

a) En premier lieu, l'intimée se reporte à la définition du terme « société canadienne » au paragraphe 89(1) de la Loi. Cette disposition prévoit deux façons par lesquelles une société peut être admissible à titre de société canadienne. Une société est une société canadienne dans l'un ou l'autre des cas suivants :

 

(i) elle réside et a été constituée au Canada,

 

(ii) elle réside au Canada selon, par exemple, le critère de la common law (le critère du centre de la gestion et de la direction), mais elle a été constituée ailleurs.

 

b) En second lieu, l'intimée explique qu'il y a trois façons de déterminer la résidence des sociétés au Canada :

 

(i) en vertu des règles légales,

 

(ii) en common law,

 

(iii) selon les conventions fiscales internationales.

 

[29]         L'intimée fait valoir qu'il est possible pour une société de résider dans plus d'un pays. Ainsi, une société peut résider au Canada parce qu'elle a été constituée dans ce pays en vertu du paragraphe 250(4) et résider au R.‑U. selon le critère de la common law (centre de la gestion et de la direction). En pareil cas, selon l'intimée, le paragraphe 250(5) de la Loi s'applique, ainsi que les règles de départage figurant dans la Convention entre le Canada et le R.‑U., lorsqu'il s'agit de déterminer la résidence de la société à des fins fiscales. Il se pourrait qu'en appliquant les règles de départage, on établisse que la société ne réside pas au Canada, même si elle a été constituée au Canada. Un autre exemple serait le cas d'une société qui est constituée dans un ressort particulier (comme le Canada) et qui continue d'exister dans un autre ressort. En vertu du paragraphe 250(5.1) de la Loi, une telle société est réputée ne pas avoir été constituée au Canada et la disposition déterminative du paragraphe 250(4) de la Loi ne s'applique pas de façon qu'elle devienne résidente du Canada.

 

[30]         Quant aux principes d'interprétation des traités, l'intimée a également mentionné les arrêts Crown Forest, précité, et Prévost Car, précité, à l'appui de la thèse selon laquelle le but primordial est de déterminer le sens des mots en examinant le libellé de la convention et l'intention des parties. En ce qui concerne la détermination de l'intention des parties, l'intimée rappelle à la Cour que, dans les arrêts susmentionnés, la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale ont accepté le recours au Modèle de convention de l'OCDE et au commentaire officiel y afférent en vue d'aider à déterminer cette intention. La Cour d'appel fédérale a également fait remarquer qu'un commentaire rédigé après que les parties ont conclu une convention peut également être utilisé s'il ne contredit pas le commentaire qui existait au moment où la convention en question a été conclue et lorsque ni l'une ni l'autre partie n'a fait de réserve à l'égard du commentaire.

 

[31]         L'intimée soutient que l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. ne constitue pas une règle générale interdisant tous les types de discrimination, mais qu'il élimine plutôt la discrimination dans certains cas fort précis. L'intimée affirme que le Canada s'est montré prudent en prévoyant un droit à la non‑discrimination dans ses conventions. À l'appui, l'intimée a cité un passage tiré d'une étude de la non‑discrimination effectuée par Joel Nitikman et Lincoln Schreiner intitulée « Non‑discrimination at the Crossroads of International Taxation », laquelle a été publiée dans les Cahiers de droit fiscal international, vol. 93a (Rotterdam, Association fiscale internationale, 2008). Le passage cité est libellé ainsi (page 192) :

 

[TRADUCTION]

 

Le modèle de convention canadienne n'est pas mis à la disposition du public, et peu de politiques gouvernementales portant sur les clauses de non‑discrimination ont été publiées, mais le Canada semble croire qu'il a le droit de faire de la discrimination fondée sur la résidence et il le fera, comme le montrent les négociations relatives aux conventions qui ont tout récemment été tenues avec la Finlande (un membre de l'UE), d'une part, ainsi qu'avec les É.‑U. et le Mexique (qui sont tous deux membres de l'ALÉNA), d'autre part. Ces exemples indiquent clairement que le Canada est fort prudent lorsqu'il s'agit d'accorder le droit à la non‑discrimination dans ses conventions fiscales tendant à éviter la double imposition, ce qui étaye la prémisse figurant au début du présent rapport, à savoir que le Canada se réserve le droit de faire de la discrimination lorsque la chose est justifiée dans l'intérêt public canadien.

 

En pratique, la discrimination aux fins fiscales n'est pas une question importante au Canada en ce qui concerne les nationaux étrangers, comme le montrent l'absence de litiges et le fait que les nationaux étrangers constatent simplement (en s'en remettant à de bons conseils) les différences et soupèsent ensuite d'une façon appropriée ce qu'il en coûte pour s'adapter. [...]

 

[32]         Selon l'intimée, [TRADUCTION] « le Canada a fait une réserve au sujet du Modèle de l'OCDE en ce qui concerne la non‑discrimination; il a adopté des clauses de non‑discrimination fort précises et [...] si ces clauses de non‑discrimination ne s'appliquent pas, il n'existe aucune règle générale l'empêchant de le faire et, de toute évidence, ni l'une ni l'autre de ces clauses ne s'applique, selon nous, à la situation dans ce cas‑ci ».

 

[33]         L'intimée soutient qu'il est possible d'interpréter le paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. comme prévoyant que [TRADUCTION] « l'appelante, qui est un national du R.‑U., ne peut pas être soumise, au Canada, à une imposition qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle un national canadien se trouvant dans la même situation — et il s'agit là de l'élément crucial — est assujetti ou pourrait être assujetti ». L'intimée affirme que l'expression « dans la même situation » veut dire que tous les facteurs pertinents, notamment le pays de résidence du contribuable, sont les mêmes, de sorte que l'on ne peut pas dire qu'une société qui ne réside pas au Canada, aux fins de l'impôt sur le revenu, se trouve dans la même situation qu'un contribuable qui réside au Canada. Selon l'intimée, il s'ensuit donc que l'appelante, qui est un national du R.‑U., ne peut pas être soumise, au Canada, à une imposition qui est plus lourde que celle à laquelle un national canadien qui ne réside pas non plus au Canada peut être soumis.

 

[34]         L'intimée ajoute qu'afin de déterminer si le paragraphe 88(1.1) de la Loi viole les droits reconnus à l'appelante en vertu du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., il faut établir la façon dont le paragraphe 88(1.1) s'applique aux nationaux canadiens qui sont des non‑résidents. Selon l'intimée, une société qui est un national canadien, mais qui ne réside pas au Canada, ne peut pas bénéficier de l'application du paragraphe 88(1.1) de la Loi parce que, en sa qualité de non‑résidente, cette société n'est pas admissible à titre de « société canadienne ». Par conséquent, l'appelante n'est pas traitée d'une façon différente des nationaux canadiens qui se trouvent dans la même situation qu'elle.

 

[35]         À l'appui de son argument, l'intimée se reporte au Modèle de convention de l'OCDE et au commentaire y afférent afin de déterminer quelle était l'intention des parties lorsqu'elles ont conclu la Convention entre le Canada et le R.‑U. L'article 24 du Modèle de convention prévoit ce qui suit :

 

Les nationaux d'un État contractant ne sont soumis dans l'autre État contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont [...] assujettis les nationaux de cet autre État qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence.

 

[36]         Selon l'intimée, cette disposition indique que la question de la résidence est un facteur déterminant lorsqu'il s'agit d'établir si des contribuables se trouvent dans la même situation. L'intimée a en outre mentionné le commentaire sur le Modèle de convention, qui indique clairement que l'expression « dans la même situation » serait suffisante en soi pour établir qu'un contribuable qui réside dans un État contractant et un contribuable qui n'y réside pas ne se trouvent pas dans la même situation.

 

[37]         L'intimée explique en outre que si l'appelante résidait au Canada en vertu de la common law et des règles de départage, le paragraphe 22(1) s'appliquerait, s'il était également satisfait aux autres exigences du paragraphe 88(1.1), parce que l'appelante se trouverait, pour ce qui est de la résidence, dans la même situation qu'une société qui est un national canadien. L'intimée fait valoir que, même si l'appelante résidait au Canada, elle ne bénéficierait pas de l'application du paragraphe 88(1.1) de la Loi parce que sa filiale liquidée n'est pas une société canadienne. Elle affirme qu'il n'y aurait pas de discrimination en pareil cas parce qu'une société canadienne qui procède à la liquidation d'une filiale étrangère qui a un ES au Canada ne bénéficierait pas non plus de l'application du paragraphe 88(1.1) de la Loi.

 

[38]         En réponse à la question soulevée par l'appelante, selon laquelle les sociétés constituées au Canada sont toujours réputées résider au Canada, l'intimée s'est reportée au paragraphe 17 du commentaire portant sur l'article 24 du Modèle de convention fiscale :

 

[...] Une société est généralement constituée conformément à la législation en vigueur de l'État où elle a été constituée ou enregistrée. Cependant, en vertu de la législation en vigueur dans de nombreux pays, la constitution ou l'enregistrement constitue le critère, ou l'un des critères, permettant de déterminer la résidence des sociétés aux fins de l'article 4. Étant donné que le paragraphe 1 de l'article 24 interdit les différences de traitement fondées sur la nationalité, mais uniquement pour des personnes ou des entités « dans la même situation, notamment au regard de leur résidence », il est important de distinguer, aux fins de ce paragraphe, entre une différence de traitement qui se baserait uniquement sur la nationalité et une différence de traitement liée à d'autres critères, en particulier la résidence.

 

[39]         L'intimée affirme que le paragraphe 88(1.1) de la Loi ne crée pas de distinction uniquement entre les sociétés constituées au Canada et celles qui sont constituées ailleurs. La première distinction qui est établie se rapporte à la question de savoir si la société est une société qui réside au Canada.

 

Analyse

 

[40]         Le paragraphe 1 de l'article 22 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. interdit la discrimination fondée sur la nationalité. Le terme « national » est défini ainsi dans la convention :

 

(i)         en ce qui concerne le Royaume‑Uni, tout citoyen britannique ou tout sujet britannique ne possédant pas la citoyenneté d'un autre État ou territoire du Commonwealth, pourvu qu'il ait droit de séjour au Royaume‑Uni; et toute personne morale, société de personnes, association ou autre entité constituée conformément à la législation en vigueur au Royaume‑Uni;

 

(ii)        en ce qui concerne le Canada, tous les citoyens du Canada et toutes les personnes morales, sociétés de personnes et associations constituées conformément à la législation en vigueur au Canada.

 

[41]         Il s'ensuit donc que la nationalité d'une société est fonction de l'endroit où elle a été constituée. (Voir également Janson v. Driefontein Consolidated Mines, Ltd., [1902] A.C. 484 (Ch. des lords), page 501, et Daimler Co. v. Continental Tyre and Rubber Co. (Great Britain) Ltd., [1916] 2 A.C. 307 (Ch. des lords). La discrimination prohibée est celle qui est fondée sur la nationalité, et non sur la résidence.

 

[42]         Il est pertinent et juste de dire qu'il n'existe aucune décision canadienne portant sur l'application d'une disposition de non‑discrimination dans une convention fiscale. Cela dit, la Cour d'appel de la Nouvelle‑Zélande, dans l'arrêt C.I.R. v. United Dominions Trust Ltd., [1973] 2 N.Z.L.R. 555, a eu l'occasion d'examiner l'application du paragraphe XIX(1) de l'entente sur l'allégement visant à éviter la double imposition conclue entre le R.‑U. et la Nouvelle‑Zélande, en ce qui concerne la loi intitulée Land and Income Tax Act, 1954 (Loi de 1954 sur l'impôt foncier et sur l'impôt sur le revenu) de la Nouvelle‑Zélande. Le paragraphe XIX(1) est une disposition de non‑discrimination, semblable au paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., qui interdit la discrimination fiscale fondée sur la nationalité. Le paragraphe XIX(1) est libellé ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

Les nationaux de l'un des territoires ne sont soumis dans l'autre territoire à aucune imposition ou obligation y relative qui est plus lourde que celles auxquelles sont ou peuvent être assujettis les nationaux de cet autre territoire se trouvant dans la même situation.

 

[43]         La Cour d'appel de la Nouvelle‑Zélande avait à trancher la question de savoir si United Dominions Trust Ltd., une société bancaire et financière du R.‑U. qui exploitait une entreprise en Angleterre, avait à payer de l'impôt sur le revenu sur les intérêts qu'elle avait reçus de sa filiale, une société constituée et exploitant son entreprise en Nouvelle‑Zélande, à un taux plus élevé que l'impôt qu'elle aurait eu à payer si elle avait résidé en Nouvelle‑Zélande et, en outre, si elle avait à payer à un taux plus élevé l'impôt sur sa part au prorata du revenu de sa filiale de la Nouvelle‑Zélande pour lequel elle avait fait l'objet d'une cotisation. Il s'agissait de savoir si l'une ou l'autre des questions portait sur un type de discrimination prohibé au paragraphe XIX(1) de l'entente sur l'allégement visant à éviter la double imposition.

 

[44]         La cour a conclu que la discrimination fondée sur la résidence ne constitue pas de la discrimination fondée sur la nationalité pour l'application de la disposition de non‑discrimination figurant au paragraphe XIX(1). Il vaut la peine de reproduire une partie de la décision du président McCarthy (pages 561 et 562) :

 

[TRADUCTION]

 

[...] les mots importants, lorsqu'il s'agit de trancher la première question, sont « dans la même situation ». Le mot « même » comporte une idée d'uniformité ou d'exactitude lors de la comparaison. Cette expression ne veut habituellement pas dire « dans une situation à peu près similaire »; elle veut dire « dans une situation fondamentalement identique » en tous points, sauf la nationalité. La différence de résidence peut‑elle donc être acceptée en l'espèce comme un fondement valable permettant d'appliquer un taux d'imposition différent, ou la nationalité doit‑elle être considérée comme le fondement véritable de la distinction qui est effectuée?

 

Je tiens compte du fait que ces deux termes, « résidence » et « nationalité », et en particulier le mot « nationalité », sont des mots trompeurs étant donné que leur application à des personnes morales est plutôt artificielle. Cependant, je constate que l'entente reconnaît fortement l'importance de la notion de résidence en tant que source du pouvoir d'imposition et du droit des parties contractantes d'imposer aux sociétés différents taux ou différentes conditions d'imposition en fonction de leur lieu de résidence. C'est ce que je constate dans les définitions figurant à l'article II, en particulier aux alinéas (1)l) et (1)m), à l'article VII, à l'article XVII et, comme je l'ai déjà dit, aux paragraphes (2) et (4) de l'article XIX lui‑même. En outre, l'entente me semble reconnaître le droit de l'État taxateur de décider des critères permettant de déterminer la résidence, et je crois qu'il en est ainsi de la résidence des sociétés ainsi que de celle des particuliers. Ainsi, le sous‑alinéa II(1)l)(i) définit l'expression « résident de la Nouvelle‑Zélande » comme s'entendant d'une société de la Nouvelle‑Zélande et de toute autre personne qui réside en Nouvelle‑Zélande aux fins de l'impôt de la Nouvelle‑Zélande [voir le paragraphe 4(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.]. [...] Il me semble donc que les mots « aux fins de l'impôt de la Nouvelle‑Zélande » ont pour effet de reconnaître le droit de la Nouvelle‑Zélande de décider des personnes morales, et même peut‑être des sociétés autres que celles qui sont visées par la définition de ce qu'est une société de la Nouvelle‑Zélande figurant à l'alinéa II(1)j), qui doivent être traitées comme des résidentes aux fins de leur imposition.

 

Selon moi, l'exemple hypothétique de la société constituée en Nouvelle‑Zélande qui est en fait située à l'étranger et qui exerce ses activités commerciales à l'étranger sur lequel Me Patterson a tant insisté dans les observations qu'il nous a présentées ne nous empêche pas pour autant d'accorder de l'importance à la question de la résidence en décidant s'il est juste de dire qu'en l'espèce, la discrimination était fondée sur la nationalité. Il est vrai que la seule différence entre la société hypothétique et l'intimée est que cette société hypothétique a été créée dans notre pays, mais ce n'est pas un facteur de peu d'importance lorsqu'il s'agit d'appliquer aux sociétés un critère de la résidence. Si une société existe et obtient le statut de société uniquement en vertu des lois du pays dans lequel elle a été constituée, il me semble justifiable, pour des raisons de justice ainsi que selon la pratique fiscale reconnue, de baser la résidence sur la constitution en personne morale. C'est ce que la Nouvelle‑Zélande a décidé de faire, et il est selon moi plutôt futile de dire, en pareil cas, que la différence entre les deux sociétés est essentiellement et fondamentalement liée à une question de nationalité et non de résidence. Il ne faudrait pas omettre de tenir compte du fait que le critère de la résidence peut être avantageux pour une société constituée au Royaume‑Uni qui, du fait que son centre de gestion administrative est situé en Nouvelle‑Zélande et non au Royaume‑Uni, est considérée, pour ce qui est de l'article 166, comme résidant dans notre pays et comme bénéficiant d'un taux d'imposition inférieur, alors qu'une autre société créée dans le même pays, mais résidant au Royaume‑Uni, doit être assujettie à un taux plus élevé.

 

À mon avis, l'interprétation la plus juste est que la discrimination dont l'intimée se plaint est fondée sur une différence quant à la résidence et non quant à la nationalité, et que cette discrimination ne contrevient pas à l'entente. L'intimée ne peut pas affirmer qu'elle se trouve « dans la même situation », pour l'application du paragraphe XIX(1), qu'une société qui réside en Nouvelle‑Zélande. [...]

 

[45]         Il vaut également la peine de reproduire le commentaire de l'OCDE portant sur l'article 24, lequel est compatible avec la décision néo‑zélandaise selon laquelle les nationaux d'un État contractant qui sont des non‑résidents de l'autre État contractant ne se trouvent pas dans la même situation que les nationaux qui résident dans cet autre État contractant. Le commentaire est libellé ainsi :

 

Les différentes dispositions de l'article 24 empêchent les différences de régime fiscal qui se fondent uniquement sur certaines raisons spécifiques (par exemple, la nationalité pour le paragraphe 1). Ainsi, pour que ces paragraphes soient applicables, les autres aspects pertinents doivent être identiques. Les dispositions de l'article utilisent différentes formulations à cet effet (par exemple « qui se trouvent dans la même situation » aux paragraphes 1 et 2; « qui exercent la même activité » au paragraphe 3 [...]

 

L'expression « se trouvant dans la même situation » doit s'entendre de contribuables (personnes physiques, personnes morales, sociétés de personnes et associations) placés, au regard de l'application de la législation et de la réglementation fiscales de droit commun, dans des circonstances de droit et de fait analogues. L'expression « notamment au regard de la résidence » [nota : cette expression ne figure pas au paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.] vise à préciser que la résidence du contribuable est l'un des éléments entrant en ligne de compte lorsqu'il s'agit de déterminer si des contribuables se trouvent dans la même situation. La seule expression « se trouvant dans la même situation » permettrait de conclure qu'un contribuable qui est résident d'un État contractant et un contribuable non résident de cet État ne se trouvent pas dans la même situation. [...]

 

En vertu de cette définition [la définition du terme « national » à l'alinéa 3(1)g) du Modèle de Convention], toute personne morale, telle qu'une société, « national d'un État contractant » signifie une personne morale « constituée conformément à la législation en vigueur dans cet État contractant ». Une société est généralement constituée conformément à la législation en vigueur de l'État où elle a été constituée ou enregistrée. Cependant, en vertu de la législation en vigueur dans de nombreux pays, la constitution ou l'enregistrement constitue le critère, où l'un des critères, permettant de déterminer la résidence des sociétés aux fins de l'article 4. Étant donné que le paragraphe 1 de l'article 24 interdit les différences de traitement fondées sur la nationalité, mais uniquement pour des personnes ou des entités « dans la même situation, notamment au regard de leur résidence », il est important de distinguer, aux fins de ce paragraphe, entre une différence de traitement qui se baserait uniquement sur la nationalité et une différence de traitement liée à d'autres critères, en particulier la résidence. [...] le paragraphe 1 n'interdit une discrimination que si celle‑ci est fondée sur la différence de nationalité et exige que tous les autres facteurs pertinents soient identiques, y compris la résidence de l'entité. La différence de traitement entre résidents et non‑résidents est une caractéristique fondamentale des divers systèmes fiscaux et des conventions fiscales : lorsque l'article 24 est lu dans le contexte des autres articles de la Convention qui, pour la plupart, prévoient un traitement fiscal différent pour les résidents et les non-résidents, il apparaît clairement que deux sociétés qui ne sont pas résidentes du même État aux fins de la Convention (en vertu des règles de l'article 4) [au même article dans la Convention entre le Canada et le R.‑U.] ne se trouvent généralement pas dans une même situation aux fins du paragraphe 1.

 

[46]         Compte tenu de l'arrêt Crown Forest, précité, dans lequel la Cour suprême du Canada a accepté d'examiner le commentaire de l'OCDE portant sur une disposition du Modèle de convention dont le libellé est légèrement différent de celui de la disposition de la Convention entre le Canada et le R.‑U. ici en cause, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes à utiliser le commentaire portant sur le paragraphe 24(1) du Modèle de convention comme outil d'interprétation du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., et ce, même si le paragraphe 22(1) de la Convention n'est pas identique au paragraphe 24(1) du Modèle de convention.

 

[47]         Dans le document intitulé « Canadian Tax Paper No. 90: Tax Discrimination Against Aliens, Non-Residents, and Foreign Activities: Canada, Australia, New Zealand, the United Kingdom, and the United States » (Association canadienne d'études fiscales, 1991, pages 69 et 70), l'auteur Brian J. Arnold explique le lien entre la nationalité, la constitution en personne morale et la résidence, et arrive à la même conclusion que celle qui est énoncée dans le commentaire de l'OCDE. Selon lui, on ne peut pas dire qu'une disposition fiscale qui établit une discrimination sur la base de la résidence établit une discrimination sur la base de la nationalité, à moins qu'elle ne le prévoie expressément :

 

[TRADUCTION]

 

[...] le lieu de constitution d'une société est semblable, à maints égards, à la citoyenneté en ce qui concerne les particuliers. La citoyenneté est fort peu pertinente lorsqu'il s'agit de décider si un particulier est imposable sur son revenu de toutes provenances ou uniquement sur son revenu de source canadienne. Par contre, la constitution en société au Canada (sauf pour certaines dispositions transitoires) détermine la résidence fiscale d'une société au Canada et, partant, son assujettissement à l'impôt canadien sur son revenu de toutes provenances. Selon le Modèle de convention de l'OCDE et la plupart des conventions fiscales, une société est considérée comme un national du pays dont les lois lui confèrent son statut. Par conséquent, on peut considérer que les dispositions fiscales établissent une discrimination sur la base de la nationalité lorsqu'elles traitent les sociétés constituées à l'étranger d'une façon moins favorable que celles qui sont constituées au Canada. Le problème est le suivant : étant donné que le Canada traite les sociétés constituées au Canada comme résidant au Canada aux fins de l'impôt, il est impossible de faire une distinction entre les dispositions qui établissent une discrimination sur la base de la nationalité et celles qui établissent une discrimination sur la base de la résidence. Le régime fiscal canadien renferme un grand nombre de dispositions qui établissent une distinction entre les sociétés résidentes et les sociétés non‑résidentes et fait donc peut‑être une distinction entre les sociétés constituées au Canada et les sociétés constituées à l'étranger. Toutefois, la plupart des sociétés constituées au Canada seraient également considérées comme résidant au Canada compte tenu du fait que leur centre de gestion et de direction est situé au Canada, même si elles n'avaient pas été constituées au Canada. En fait, en ce qui concerne la plupart des sociétés, le critère du lieu de constitution est assimilable au critère de la résidence fondé sur le centre de gestion et de direction. Par conséquent, seules les dispositions qui font expressément une distinction entre les sociétés compte tenu de leur lieu de constitution peuvent raisonnablement être considérées comme faisant de la discrimination sur la base de la nationalité. De fait, le régime fiscal canadien ne renferme aucune disposition établissant une discrimination sur cette base.

 

[48]         Cela m'amène à la prétention de l'appelante selon laquelle les seules sociétés qui peuvent être des « sociétés canadiennes » en vertu du paragraphe 89(1) de la Loi sont les sociétés qui sont des nationaux canadiens et que l'exigence relative à la société canadienne, au paragraphe 88(1.1) de la Loi, constitue donc de la discrimination fondée sur la nationalité, en violation du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

[49]         Il est vrai que l'alinéa a) de la définition du terme « société canadienne », au paragraphe 89(1) de la Loi, impose une exigence à l'égard de la nationalité, en ce sens que la société doit avoir été constituée au Canada, de sorte qu'elle devient un national du Canada, mais cette exigence vient s'ajouter à l'exigence relative à la résidence canadienne énoncée au début de la définition. De plus, en vertu de l'alinéa b) de la définition, une société qui réside au Canada depuis au moins le 18 juin 1971 est admissible à titre de société canadienne. Cet alinéa n'impose pas d'exigence relative à la nationalité, parce qu'il n'exige pas que la société ait été constituée au Canada. Par conséquent, si l'appelante et sa filiale liquidée avaient toutes deux été admissibles à titre de « sociétés canadiennes » en vertu de l'alinéa b) de la définition de ce terme au paragraphe 89(1) de la Loi, l'appelante aurait pu déduire les pertes subies par sa filiale en vertu du paragraphe 88(1.1) de la Loi.

 

[50]         En d'autres termes, l'alinéa a) de la définition de l'expression « société canadienne », au paragraphe 89(1), impose une exigence relative à la nationalité ainsi qu'une exigence relative à la résidence, mais l'alinéa b) n'impose pas d'exigence en ce qui concerne la nationalité. Par conséquent, une société n'a pas à être constituée au Canada afin de résider au Canada. Il est également possible de déterminer la résidence par application des paragraphes 250(4) et 250(5) de la Loi ou par application du critère relatif au « centre de la gestion et de la direction » existant en common law. Par conséquent, une société qui n'a pas été constituée au Canada peut résider au Canada s'il est conclu que son centre de gestion et de direction est au Canada, ou une société qui a été constituée au Canada peut être réputée ne pas résider au Canada par application du paragraphe 250(5) de la Loi. Les sociétés ne sont pas admissibles à titre de « sociétés canadiennes » simplement à cause de leur nationalité canadienne, comme l'a soutenu l'appelante.

 

[51]         L'autre prétention de l'appelante est que le paragraphe 88(1.1) est discriminatoire parce que, en sa qualité de national du R.‑U., elle est soumise à une imposition plus lourde que l'imposition à laquelle les nationaux du Canada qui se trouvent « dans la même situation » sont soumis. L'appelante affirme en outre qu'afin d'établir si le paragraphe 88(1.1) est discriminatoire, il faut, compte tenu du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., la comparer avec un national du Canada qui se trouve dans la même situation qu'elle. Par conséquent, l'appelante affirme que sa filiale liquidée et elle‑même se trouvent dans la même situation qu'une entité canadienne exploitant une entreprise similaire au Canada qui peut se prévaloir des dispositions du paragraphe 88(1.1) de la Loi du fait qu'elle est une « société canadienne » en vertu de l'alinéa a) de la définition de ce terme, au paragraphe 89(1) de la Loi. Selon l'appelante, la nationalité des sociétés est la seule distinction entre les deux situations. Je souscrirais à l'avis de l'appelante si la résidence était assimilable à la nationalité, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Les nationaux canadiens ne peuvent pas tous être réputés résider au Canada en vertu du paragraphe 250(4) de la Loi du fait qu'ils ont été constitués en personne morale au Canada. En outre, comme il en a ci‑dessus été fait mention, selon le paragraphe 250(5) de la Loi, les sociétés constituées au Canada sont réputées être des non‑résidentes dans certaines circonstances.

 

[52]         Compte tenu des remarques qui précèdent, la comparaison appropriée consisterait à comparer l'appelante à un national canadien qui ne réside pas au Canada et qui a une filiale liquidée non résidante. Ce national canadien non résidant ne serait pas admissible à titre de « société canadienne » en vertu du paragraphe 89(1) et n'aurait donc pas accès aux pertes de sa filiale liquidée en vertu du paragraphe 88(1.1) de la Loi.

 

[53]         Je conclus donc que l'exigence relative à la société canadienne figurant au paragraphe 88(1.1) ne constitue pas, à l'endroit de l'appelante, de la discrimination fondée sur la nationalité, en violation du paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

[54]         Enfin, j'aimerais faire remarquer que, comme l'intimée l'a soutenu, dans un cas où l'on compare l'appelante à une société qui est un national canadien résidant au Canada et qui a une filiale liquidée qui est un national canadien résidant au Canada — l'appelante (aux fins de l'hypothèse) résidant également au Canada et ayant une filiale liquidée résidant au Canada et ni l'une ni l'autre n'étant admissible à titre de « société canadienne » en vertu du paragraphe 89(1) (à cause de l'année ou de la période de résidence) — il y aurait alors de la discrimination, étant donné que la société canadienne résidant au Canada pourrait déduire les pertes autres que des pertes en capital de sa filiale liquidée en vertu du paragraphe 88(1.1) de la Loi, alors que l'appelante, qui réside également au Canada, ne pourrait pas le faire. À mon avis, le paragraphe 22(1) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. s'appliquerait en pareil cas.

 

L'existence d'une discrimination, en violation du paragraphe 22(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

La thèse de l'appelante

 

[55]         Selon l'interprétation donnée par l'appelante du paragraphe 22(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., le Canada, en signant la Convention, a convenu qu'une entreprise de l'appelante au Canada ne devrait pas se trouver dans une situation moins favorable qu'un national canadien exploitant une entreprise au Canada. L'avocat de l'appelante déclare qu'en vertu du paragraphe 22(2), les articles 111 et 115 de la Loi et les règles sur le report prospectif et rétrospectif s'appliquent à pareille entreprise. L'appelante cite la version de 2003 du commentaire de l'OCDE portant sur le paragraphe 24(3) du Modèle de convention, lequel est libellé ainsi :

 

Il faut accorder aux établissements stables la faculté, admise dans la plupart des pays pour les entreprises résidentes, de reporter un déficit d'exploitation constaté à la clôture d'un exercice sur les résultats des exercices suivants ou précédents dans la limite d'une certaine période de temps (par exemple 5 ans). Il est à peine besoin de préciser que dans le cas des établissements stables, c'est le déficit résultant de leur exploitation propre, tel qu'il apparaît dans la comptabilité tenue séparément pour leurs opérations, qui pourra donner lieu à report.

 

La thèse de l'intimée

 

[56]         L'intimée rappelle à la Cour que le paragraphe 22(2) de la Convention parle de l'imposition d'un établissement stable et elle fait valoir que ce qui est comparé, au paragraphe 22(2), c'est l'imposition de l'ES d'un non‑résident et l'imposition d'entreprises résidant au Canada.

 

[57]         L'intimée mentionne l'article 7 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. et dit que le Canada et le R.‑U. ont convenu de ne pas imposer les bénéfices d'entreprise gagnés au Canada ou au R.‑U. par des résidents de l'autre État, à moins que le contribuable n'ait un ES dans l'État source. Le paragraphe 7(2) prévoit que les bénéfices imputés à l'ES sont les bénéfices que l'ES aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. L'intimée mentionne également le paragraphe 7(3), qui dispose que dans le calcul des bénéfices d'un ES, ne sont admissibles en déduction que les dépenses exposées aux fins poursuivies par l'ES.

 

[58]         L'intimée fait valoir que l'imposition d'un ES dont il est question au paragraphe 22(2) de la Convention se rapporte aux bénéfices de cet établissement stable et à la déduction des dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable. Selon l'intimée, la portée du paragraphe 22(2) est limitée à l'imposition de l'établissement stable lui‑même et ne se rapporte pas à l'imposition de l'entreprise dans son ensemble; en outre, cette disposition ne tient pas compte de la relation qui existe entre une entreprise et d'autres entreprises, en particulier au moyen de règles qui permettent le transfert de pertes entre sociétés. Voici ce que l'intimée affirme, et je cite un passage de la transcription (page 118) :

 

[TRADUCTION]

 

Le paragraphe 88(1.1) porte sur le transfert de pertes entre sociétés, ce qui n'a rien à voir avec ce qui est imposé dans le cas d'un établissement stable. Il s'agit de pertes entre les sociétés de l'entreprise, si l'on peut dire, de la société qui a l'établissement stable.

 

[59]         L'intimée fait valoir que le paragraphe 22(2) de la Convention ne fait donc pas de discrimination à l'endroit de l'appelante puisque les pertes dont celle‑ci demande la déduction ne sont pas des pertes résultant de ses propres activités commerciales, exercées par l'intermédiaire d'un ES, mais plutôt des pertes entre sociétés. L'intimée cite le même passage du commentaire de l'OCDE que l'appelante, ainsi que le paragraphe suivant, qui a été ajouté dans la version de 2008 du commentaire, qui renferme une explication plus détaillée au sujet du report prospectif et rétrospectif de pertes dont les ES devraient pouvoir se prévaloir :

 

Comme il est clairement indiqué à l'alinéa c) ci‑dessus, le principe d'égalité de traitement du paragraphe 3 [de l'article 24 du Modèle de convention] ne s'applique qu'à l'imposition des seules activités de l'établissement stable. Ce principe se limite donc à une comparaison entre les règles régissant l'imposition des activités propres à un établissement stable et celles s'appliquant aux activités d'entreprise similaires menées par une entreprise résidente indépendante. Il ne s'étend pas aux règles qui tiennent compte des relations qu'une entreprise peut entretenir avec d'autres entreprises (par exemple les règles autorisant la consolidation, le transfert des pertes [...]), celles‑ci ne portant pas sur l'imposition des activités d'entreprise propres à une entreprise qui seraient similaires à celles d'un établissement stable, mais plutôt sur l'imposition d'une entreprise résidente en tant que partie intégrante d'un groupe d'entreprises associées. De telles règles permettent souvent de garantir ou de faciliter le respect des obligations fiscales et l'administration fiscale au sein d'un groupe national. Il s'ensuit donc que le principe d'égalité de traitement n'est pas applicable. [...]

 

[60]         L'intimée soutient donc que le paragraphe 88(1.1) de la Loi n'est pas visé par la portée du paragraphe 22(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. Elle conclut en soutenant que même si l'appelante est visée par les groupes de comparaison, et je cite la page 123 de la transcription :

 

[TRADUCTION]

 

[...] 1'article 22.2 [le paragraphe (22(2)] n'aiderait néanmoins pas l'appelante parce que l'appelante dans ce cas‑ci n'est pas traitée d'une façon moins favorable qu'une entreprise du Canada qui exerce les mêmes activités, soit le traitement qui est garanti à l'article 22.2 [le paragraphe (22(2)]. Comme je l'ai déjà mentionné, les sociétés canadiennes n'ont pas droit aux pertes autres que des pertes en capital de filiales non‑résidentes [qui ont un ES au Canada], et c'est précisément ce que l'appelante essaie de faire : elle cherche à se prévaloir des pertes de SEI, qui est une non‑résidente.

 

(pages 123 et 124 de la transcription)

 

Analyse

 

[61]         Le paragraphe 2 de l'article 22 de la Convention entre le Canada et le Royaume‑Uni prévoit ce qui suit :

 

Non‑discrimination

 

L'imposition d'un établissement stable qu'une entreprise d'un État contractant a dans l'autre État contractant n'est pas établie dans cet autre État d'une façon moins favorable que l'imposition des entreprises de cet autre État qui exercent la même activité. [...]

 

[62]         Cette disposition interdit la discrimination fondée sur le statut d'établissement stable. Les mots « entreprise de l'autre État contractant » sont définis à l'alinéa 3(1)e) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. comme désignant « une entreprise exploitée par un résident de l'autre État contractant ».

 

[63]         Le commentaire de l'OCDE portant sur le paragraphe 24(3) du Modèle de convention, lequel est presque identique au paragraphe 22(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U., précise ce qui suit :

 

Ce paragraphe a pour objet de remédier aux discriminations qui ne sont pas à proprement parler fondées sur une notion de nationalité mais sur le lieu même d'établissement d'une entreprise. Il intéresse donc indistinctement, quelle que soit leur nationalité, tous les résidents d'un État contractant qui ont des établissements stables dans l'autre État contractant.

 

(Commentaires de l'OCDE sur le Modèle de convention fiscale — 17 juillet 2008, pages 321 et 322, par. 33)

 

[64]         L'auteur Brian Arnold semble adopter le même raisonnement dans le document intitulé « Tax Paper No. 90 », précité, aux pages 37 et 38, où il explique les modalités d'application du paragraphe 24(4) (maintenant le paragraphe 24(3)) du Modèle de convention fiscale et son interaction avec le paragraphe 24(1) :

 

[TRADUCTION]

 

Contrairement au paragraphe 24(1), le paragraphe 24(4) interdit la discrimination fondée sur la résidence; la nationalité n'est pas pertinente. Une entreprise exploitée dans le pays A par un résident du pays B (qu'il soit ou non citoyen du pays A) par l'intermédiaire d'un établissement stable situé dans le pays A ne doit pas être traitée d'une façon moins favorable que la même entreprise exploitée dans le pays A par un résident du pays A. [...]

 

[...]

 

La disposition relative à l'établissement stable ne comprend pas d'exigence que la situation soit la même, comme l'exigence qui existe dans le cas de la disposition relative à la nationalité. Il faut plutôt comparer les fardeaux fiscaux dans le cas de l'établissement stable d'un non‑résident et dans le cas des mêmes activités commerciales exercées par un résident. Cette différence s'explique parce qu'un établissement stable se trouve de toute évidence dans une situation différente de celle dans laquelle se trouve une entreprise interne, étant donné qu'un établissement stable n'est pas une entité distincte, mais uniquement une succursale, une partie d'une entreprise étrangère. L'article 24 et le commentaire ne comportent aucune indication sur la façon de déterminer si des activités sont les mêmes.

 

La disposition relative à la nationalité et la disposition relative à l'établissement stable sont également différentes en ce sens que la disposition relative à la nationalité interdit une imposition autre ou plus lourde, alors que la disposition relative à l'établissement stable interdit une imposition moins favorable. Par conséquent, en ce qui concerne un établissement stable, un pays a le droit d'imposer des règles fiscales différentes de celles qu'il impose aux résidents (c'est‑à‑dire qu'une « autre » imposition n'est pas prohibée) dans la mesure où le résultat n'est pas moins favorable.

 

[...]

 

Le rapport entre les paragraphes 24(1) et 24(4) du Modèle de convention de l'OCDE en ce qui concerne les sociétés présente des difficultés. Une société établie en vertu des lois d'un État est un national de cet État pour l'application du paragraphe 24(1), même si elle réside ailleurs. La société n'est pas considérée comme un national de l'État dans lequel elle réside pour l'application du paragraphe 24(1), mais elle a droit à la protection fournie au paragraphe 24(4) en sa qualité de résidente de cet État. Cette interprétation donne à penser que lorsqu'une société est constituée et réside dans le même pays et qu'elle exploite une entreprise par l'intermédiaire d'un établissement stable dans l'autre État signataire, les paragraphes 24(1) et 24(4) s'appliquent tous deux. Toutefois, le commentaire indique implicitement qu'un établissement stable ne peut pas se trouver dans la même situation qu'une entreprise interne. Par conséquent, le paragraphe 24(1) ne s'applique pas aux sociétés étrangères qui ont des établissements stables; il s'applique uniquement aux sociétés étrangères qui tirent un revenu d'un pays dans lequel elles n'ont pas d'établissement stable.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[65]         Le commentaire de l'OCDE, aux pages 323 et 324, au paragraphe 40, et en particulier à l'alinéa 40c), traite de la question du report prospectif et du report rétrospectif des pertes en général, mais il ne traite pas de la question du transfert, en faveur de la société mère, de la déduction des pertes subies par une filiale liquidée, tel que celui qui est autorisé au paragraphe 88(1.1) de la Loi. Toutefois, il est mentionné, dans le commentaire, que dans le cas d'un ES, c'est la perte résultant des activités commerciales de l'ES lui-même qui pourrait faire l'objet d'un report prospectif ou rétrospectif :

 

c)         Il faut accorder aux établissements stables la faculté, admise dans la plupart des pays pour les entreprises résidentes, de reporter un déficit d'exploitation constaté à la clôture d'un exercice sur les résultats des exercices suivants ou précédents dans la limite d'une certaine période de temps [...] Il est à peine besoin de préciser que dans le cas des établissements stables, c'est le déficit résultant de leur exploitation propre, tel qu'il apparaît dans la comptabilité tenue séparément pour leurs opérations, qui pourra donner lieu à report.

 

[...]

 

41.       Comme il est clairement indiqué à l'alinéa c) ci‑dessus, le principe d'égalité de traitement du paragraphe 3 ne s'applique qu'à l'imposition des seules activités de l'établissement stable. Ce principe se limite donc à une comparaison entre les règles régissant l'imposition des activités propres à un établissement stable et celles s'appliquant aux activités d'entreprise similaires menées par une entreprise résidente indépendante. Il ne s'étend pas aux règles qui tiennent compte des relations qu'une entreprise peut entretenir avec d'autres entreprises (par exemple les règles autorisant la consolidation, le transfert des pertes ou les transferts en franchise d'impôt d'actifs entre sociétés ayant les mêmes propriétaires), celles‑ci ne portant pas sur l'imposition des activités d'entreprise propres à une entreprise qui seraient similaires à celles d'un établissement stable, mais plutôt sur l'imposition d'une entreprise résidente en tant que partie intégrante d'un groupe d'entreprises associées. [...]

 

[66]         Le commentaire précité semble être conforme aux dispositions figurant aux paragraphes 1 à 3 de l'article 7 de la Convention entre le Canada et le R.‑U., qui porte sur les bénéfices d'entreprise d'un établissement stable. Les paragraphes 1 à 3 sont libellés ainsi :

 

BÉNÉFICES DES ENTREPRISES

 

1.         Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce ou a exercé son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable.

 

2.         Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un État contractant exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable.

 

3.         Dans le calcul des bénéfices d'un établissement stable situé dans un État contractant, sont admises en déduction les dépenses de l'entreprise (autres que les dépenses qui ne seraient pas déductibles selon la législation de cet État si l'établissement stable constituait une entreprise séparée) qui sont exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d'administration ainsi exposés, soit dans l'État où est situé cet établissement stable, soit ailleurs.

 

[67]         Le paragraphe 7(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U. prévoit que les bénéfices imputés à un ES sont les bénéfices que l'ES aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un ES. Le paragraphe 7(3) précise que les déductions dont un ES peut se prévaloir sont les dépenses de l'entreprise qui sont exposées aux fins poursuivies par l'ES. L'article 7 ne traite pas expressément de la déduction des pertes, mais il semble logique de supposer et de conclure que les seules déductions de pertes possibles aux fins du calcul des bénéfices de l'ES sont celles qui se rapportent à des pertes qui seraient imputables à l'ES si celui‑ci traitait en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un ES. C'est là, selon moi, ce dont les parties voulaient convenir à l'article 7.

 

[68]         Cela dit, l'appelante, dans ce cas‑ci, cherche à déduire dans le calcul du revenu imposable gagné par son ES des pertes qui ne résultent pas des activités de l'ES lui‑même au Canada; or, une telle déduction n'est pas permise en vertu de l'article 7 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. Le refus de l'intimée d'admettre la déduction ne viole pas la disposition de non‑discrimination figurant au paragraphe 22(2) de la Convention entre le Canada et le R.‑U.

 

[69]         Selon moi, les arguments de l'appelante sont logiques et conformes à l'esprit de la Loi en ce qui concerne les déductions de pertes qui sont autorisées, mais je ne puis omettre de tenir compte de l'article 7 de la Convention entre le Canada et le R.‑U. ou du commentaire de l'OCDE qui donne à penser que le principe de l'égalité de traitement s'applique uniquement à l'imposition des activités de l'ES lui‑même. L'article 7 ne s'applique donc pas aux dispositions dans lesquelles il est tenu compte de la relation existant entre une entreprise et d'autres entreprises et qui permettent le transfert de pertes.

 

[70]         Je suis d'accord avec l'intimée lorsqu'elle affirme qu'eu égard aux circonstances, l'appelante n'est pas traitée d'une façon moins favorable qu'une entreprise canadienne exerçant les mêmes activités qui veut déduire des pertes autres que des pertes en capital de filiales non résidantes qui ont un ES au Canada, comme l'appelante essaie de le faire.

 

[71]         L'appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 2011.

 

 

« François Angers »

Le juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour d'avril 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 25

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008‑2540(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Saipem UK Limited c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 15 avril 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 janvier 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Wilfrid Lefebvre

Me Dominic Belley

 

Avocates de l'intimée :

Me Natalie Goulard

Me Christina Ham

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

                   Noms :        Wilfrid Lefebvre

                                       Dominic Belley

 

                   Cabinet :      Ogilvy Renault

                                       Montréal (Québec)

 

          Pour l'intimée :       John H. Sims, c.r.

                                      Sous‑procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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