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Dossier : 2009-1626(EI)

ENTRE :

 

RONALD S. CRAIGMYLE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Ronald S. Craigmyle (2009‑1627(CPP)), le 18 août 2010, à Prince George (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Amandeep K. Sandhu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel est accueilli, les dépens, au montant de 250 $, devant être versés à l’appelant, et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de mai 2011.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mai 2011.

 

 

Marie-Christine Gervais


 

 

 

Dossier : 2009-1627(CPP)

ENTRE :

 

RONALD S. CRAIGMYLE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Ronald S. Craigmyle (2009‑1626(EI)), le 18 août 2010, à Prince George (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge L.M. Little

 

Comparutions :

 

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Me Amandeep K. Sandhu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel est accueilli, les dépens, au montant de 250 $, devant être versés à l’appelant, et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de mai 2011.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mai 2011.

 

 

Marie-Christine Gervais


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 128

Date : 20110504

Dossiers : 2009-1626(EI)

2009-1627(CPP)

ENTRE :

RONALD S. CRAIGMYLE,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

Le juge Little

 

A.    LES FAITS

 

[1]              La période ici en cause va du 16 février au 5 novembre 2008 (la « période »).

 

[2]              Au cours de la période en question, l’appelant exploitait, dans la région de Quesnel, en Colombie-Britannique, une école de conduite automobile sous le nom de Ron’s Driving School (1’« entreprise »).

 

[3]              L’appelant exploitait l’entreprise en tant qu’entreprise individuelle.

 

[4]              L’entreprise de l’appelant offrait des cours de conduite théoriques et pratiques.

 

[5]              L’entreprise de l’appelant était réglementée par le gouvernement provincial.

 

[6]              L’appelant exploitait son entreprise depuis sa résidence personnelle, 3102, chemin Gook, à Quesnel.

 

[7]              La travailleuse, Tessa Murray (la « travailleuse »), fournissait à l’entreprise ses services de monitrice d’auto‑école.

 

[8]              La travailleuse était agréée à titre de monitrice.

 

[9]              L’appelant maintient que la travailleuse s’était vu offrir la possibilité d’agir à titre d’employée ou à titre d’entrepreneur. Toutefois, l’appelant a déclaré que la travailleuse avait accepté d’agir à titre d’entrepreneur indépendant. L’appelant et la travailleuse ont signé un contrat (contrat de travail, pièce A‑l, onglet 1). Le contrat prévoyait clairement que la travailleuse était un [traduction] « entrepreneur ».

 

[10]         L’appelant maintient que la travailleuse accomplissait des tâches additionnelles; elle prenait notamment les réservations pour les cours de conduite, elle fournissait des renseignements sur les frais d’inscription et sur les heures de cours, elle effectuait des tests au volant et elle aidait les clients à se préparer pour subir l’examen de conduite.

 

[11]         La travailleuse fournissait chaque semaine ses services à l’entreprise pendant une quinzaine d’heures.

 

[12]         L’appelant reconnaît que la travailleuse accomplissait la plupart de ses tâches dans le véhicule spécialisé qu’il fournissait.

 

[13]         La travailleuse devait soumettre une facture à l’appelant les 15e et 30e jours de chaque mois.

 

[14]         L’appelant se chargeait des réparations et de l’entretien du véhicule spécialisé.

 

[15]         L’appelant fournissait à la travailleuse une carte d’essence en vue de lui permettre de faire le plein du véhicule spécialisé.

 

[16]         L’appelant fournissait à la travailleuse des cartes d’affaires et la papeterie.

 

[17]         L’appelant se chargeait du règlement des plaintes faites par les clients.

 

[18]         La travailleuse fournissait son propre ordinateur, son propre téléphone et Internet et elle avait un bureau à domicile.

 

[19]         L’appelant maintient qu’il se chargeait de la publicité relative à l’entreprise. Toutefois, la travailleuse a témoigné avoir également personnellement fait de la publicité lors du rodéo, à Williams Lake.

 

[20]         L’appelant fournissait à la travailleuse le véhicule spécialisé utilisé pour les cours pratiques.

 

[21]         La travailleuse n’était pas autorisée à utiliser le véhicule spécialisé de l’appelant à des fins personnelles.

 

[22]         L’appelant rémunérait la travailleuse au taux horaire de 20 $.

 

[23]         L’appelant maintient que la travailleuse était assurée dans le cadre du régime d’indemnisation des victimes d’accidents du travail et du cautionnement des employés qu’il avait fourni.

 

[24]         Le contrat écrit (contrat de travail, pièce A-l, onglet 1) renfermait des engagements restrictifs qui avaient pour effet de limiter les personnes pour lesquelles la travailleuse pouvait travailler et qui restreignaient notamment les possibilités d’emploi de la travailleuse au cours de l’année suivant la fin du contrat conclu avec l’appelant. Toutefois, le contrat prévoyait que l’appelant pouvait renoncer à ces restrictions.

 

[25]         Par une lettre datée du 15 octobre 2008, l’appelant informait la travailleuse qu’il serait mis fin au contrat le 15 novembre 2008 (pièce R‑1). Dans cette lettre, l’appelant déclarait que le contrat était résilié par suite d’une pénurie de travail.

 

[26]         Aux mois de novembre et de décembre 2008, la travailleuse a communiqué avec des représentants de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »); elle leur a fait savoir que, pendant la période en cause, elle était une employée de l’appelant.

 

[27]         Par une lettre datée du 4 décembre 2008, les représentants de l’ARC informaient l’appelant qu’ils avaient décidé que, pendant la période allant du 16 février au 5 novembre 2008, Tessa Murray avait agi à titre d’employée de l’appelant (pièce A‑1, onglet 3).

 

B.      LES POINTS EN LITIGE

 

[28]         Les points en litige sont les suivants :

 

a)     En ce qui concerne le Régime de pensions du Canada (le « Régime »), il s’agit de savoir si, au cours de la période en question, la travailleuse occupait un emploi ouvrant droit à pension selon la définition figurant dans le Régime;

 

b)    En ce qui concerne la Loi sur l’assurance-emploi (la « LAE »), il s’agit de savoir si, au cours de la période en question, la travailleuse exerçait auprès de l’appelant un emploi assurable selon la définition figurant dans la LAE.

 

C.      ANALYSE ET DÉCISION

 

[29]         Au cours de l’audience, l’appelant a déposé un document intitulé [traduction] « Contrat de travail » (le « contrat ») (pièce A‑1, onglet 1). Le contrat était daté du 18 février 2008; il était signé par l’appelant et par la travailleuse.

 

[30]         Au haut de la page, le contrat stipule ce qui suit :

 

            [traduction]

 

LE PRÉSENT CONTRAT EST CONCLU ENTRE L’ÉCOLE DE CONDUITE RON’S, CI‑APRÈS APPELÉE L’ENTREPRISE, ET TESSA MURRAY, CI‑APRÈS APPELÉE L’ENTREPRENEUR.

 

[31]         Le premier paragraphe du contrat prévoit ce qui suit :

 

            [traduction]

 

1.         La relation existant entre l’entrepreneur et l’entreprise est une relation d’entrepreneur ou de sous‑traitant; les frais, les cotisations au régime de pension, l’impôt sur le revenu, les primes d’assurance médicale, les retenues à la source et ainsi de suite sont à la charge de l’entrepreneur.

 

[32]         Il importe de noter que le mot [traduction] « entrepreneur » (se rapportant à Tessa Murray, la travailleuse) figure 17 fois dans le contrat. Le mot [traduction] « employée » n’y figure pas, c’est‑à‑dire que la travailleuse était toujours désignée à titre  [traduction] d’« entrepreneur ».

 

[33]         Il importe également de noter que l’entreprise acceptait de prêter de l’argent à la travailleuse. L’entente concernant les prêts consentis par l’entreprise (l’« entente de prêt ») (pièce A‑l, onglet 2) renferme notamment les dispositions suivantes :

 

            [traduction]

 

LE PRÉSENT CONTRAT EST CONCLU ENTRE L’ÉCOLE DE CONDUITE RON’S, CI‑APRÈS APPELÉE L’ENTREPRISE, ET TESSA MURRAY, CI‑APRÈS APPELÉE L’ENTREPRENEUR.

 

[34]         L’entente de prêt prévoit également ce qui suit :

 

[traduction]

 

IL EST ENTENDU :

 

1.         Que l’entreprise versera à1’entrepreneur un montant de 2 000 $ (DEUX MILLE DOLLARS) à titre de prêt sans intérêt, [...]

 

[35]         L’entente de prêt était signée par l’appelant et par la travailleuse. La travailleuse a signé l’entente de prêt à titre d’entrepreneur.

 

[36]         Au cours de l’audience, l’appelant a déposé une copie d’une lettre qu’il avait envoyée aux représentants de l’ARC (pièce A‑l, onglet 3). Dans cette lettre, l’appelant faisait les remarques suivantes :

 

            [traduction]

 

            En sa qualité d’entrepreneur :

 

o       Mme Murray s’était vu offrir la possibilité d’agir à titre d’employée ou d’entrepreneur; elle a finalement convenu d’agir à titre d’entrepreneur et elle a signé avec l’entreprise un contrat en ce sens;

o       Mme Murray planifiait le travail à accomplir et assurait la coordination avec les élèves;

o       Mme Murray veillait à ce que le travail soit accompli dans les délais prévus par les lignes directrices de l’ICBC;

o       Mme Murray décidait de ses heures de travail;

o       Mme Murray décidait du lieu de travail;

o       Mme Murray n’était pas supervisée; elle était entièrement libre d’accomplir le travail comme elle l’entendait;

o       Mme Murray décidait de la quantité de travail à accomplir avec le nombre d’élèves à former. Elle pouvait effectuer le nombre d’heures qu’elle voulait et elle fixait ces heures en fonction de ses propres besoins et de son horaire. Mme Murray avait également accepté de travailler pour d’autres personnes au cours de la durée du contrat ici en cause, de sorte qu’elle n’était pas toujours disponible afin d’assurer la formation des élèves, ce sur quoi nous n’avions aucun contrôle;

o       lorsque les élèves ne se présentaient pas aux cours, Mme Murray n’était pas rémunérée, ce qui indique clairement qu’il existait pour elle un risque de perte. On lui avait clairement expliqué à plusieurs reprises que l’entreprise ne pouvait pas la rémunérer pour les heures non travaillées;

o       Mme Murray devait assumer les frais engagés pour se perfectionner et elle devait notamment acquitter les frais engagés pour suivre des cours de formation en matière de conduite; elle consignait par écrit les dépenses effectuées au cours de sa formation, lesquelles pouvaient par la suite être déclarées au titre de dépenses d’entreprise légitimes effectuées en sa qualité d’entrepreneur travaillant à son propre compte;

o       la région servie était clairement la région de Quesnel, mais lors de discussions avec Mme Murray, il avait été question de servir en outre les régions de Williams Lake et de Prince George et il avait été mentionné que Mme Murray devrait fournir son propre véhicule afin de travailler dans ces autres collectivités;

o       Mme Murray tenait les dossiers des élèves, qu’elle remettait à l’entreprise à la fin des cours. L’entreprise n’avait pas directement accès à ces dossiers, que Mme Murray conservait chez elle et qui étaient entièrement en sa possession et n’étaient pas conservés dans les bureaux de l’école de conduite. L’école n’était pas en mesure de vérifier la formation suivie avec les élèves ou avec leurs parents sans d’abord consulter Mme Murray afin d’obtenir les dossiers;

o       Mme Murray aurait pu embaucher une personne pour l’aider à exécuter toute partie de ce travail, par exemple, pour travailler à la réception, répondre au téléphone, prendre des réservations et ainsi de suite et elle aurait pu embaucher un moniteur conformément aux lignes directrices établies par l’ICBC. L’entreprise ne peut tout simplement pas embaucher un moniteur, étant donné que certaines règles et lignes directrices précises s’appliquent; ainsi, l’école doit conserver les permis des moniteurs à son siège social et l’ICBC doit être avisée à l’avance, aux fins des assurances, des moniteurs qui travaillent pour l’entreprise. Mme Murray le sait bien étant donné qu’il en a été question lorsqu’elle a été désignée à titre de monitrice et qu’elle ne pouvait pas obtenir l’autorisation de travailler tant que l’ICBC n’avait pas approuvé sa nomination et tant que l’ICBC n’avait pas confirmé par écrit qu’elle était acceptée;  

o       Mme Murray possédait son propre bureau, son propre téléphone résidentiel et son propre téléphone cellulaire ainsi que son ordinateur et elle engageait diverses dépenses, qui n’étaient pas assumées par l’entreprise et qu’elle déduisait à titre de dépenses d’entreprise qu’elle était tenue d’effectuer en vue de satisfaire aux conditions de travail stipulées dans le contrat. L’entreprise fournissait de fait à Mme Murray certains formulaires de travail et lui accordait parfois l’accès à Internet étant donné que Mme Murray avait de la difficulté à recevoir ou à envoyer ses courriels et à avoir accès à Internet, mais la chose ne visait qu’à lui assurer du soutien à cause des difficultés financières auxquelles elle faisait face. On savait que pour avoir un accès non sécurisé à Internet, Mme Murray se rendait aux bureaux d’autres entreprises afin de s’acquitter de son travail et de lire ses courriels ou d’envoyer des courriels.

 

Existait-il un contrat de louage de services entre l’appelant et la travailleuse?

 

[37]         Il s’agit en premier lieu de savoir si la travailleuse était employée « aux termes d’un contrat de louage de services [...] exprès ou tacite ». Ce n’est que si la travailleuse était employée aux termes d’un contrat de louage de services qu’elle est admissible à l’« assurance-emploi » et qu’elle occupe un « emploi ouvrant droit à pension » (selon les définitions figurant dans la LAE et dans le Régime).

 

[38]         Les tribunaux ont examiné à maintes reprises ce qui constitue un « contrat de louage de services », souvent lorsqu’il s’agissait de faire une distinction entre la relation qui existe dans le cadre d’un tel contrat et celle qui existe dans le cadre d’un contrat d’entreprise. En d’autres termes, la Cour doit décider si la travailleuse était une employée de l’appelant ou si elle était plutôt un entrepreneur indépendant.

 

[39]         Il faut examiner ce qui, selon les tribunaux, constitue un contrat de louage de services. Les tribunaux ont élaboré une série de critères axés sur la relation globale existant entre les parties, l’analyse étant centrée sur quatre volets :

 

          a)       le degré de contrôle et de supervision;

 

          b)      la propriété des instruments de travail;

 

          c)       la possibilité de profit;

 

          d)      le risque de perte.

 

[40]         Ces éléments ont été proposés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R. (1986), 87 DTC 5025 (C.A.F.) [Wiebe Door], et acceptés et précisés dans certains arrêts subséquents. La Cour suprême du Canada a examiné la question dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] A.C.S. no 61 [Sagaz]. Au nom de la cour, le juge Major a dit ce qui suit (paragraphe 47) :

 

            47        Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

[41]         Le juge Major estimait donc que la question primordiale à trancher est « de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte » ou si elle les fournit à titre d’employée.

 

[42]         La Cour d’appel fédérale a par le passé insisté sur le fait qu’en examinant les critères, il faut adopter une approche holistique :

 

[...] nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l’entreprise de la requérante. C’est maintenant l’approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle‑ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l’ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

 

(Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. v. M.N.R., [1988] 2 C.T.C. 2377 (C.A.F.), 88 DTC 6099, p. 6100)

 

De même, le juge Major a dit ce qui suit dans l’arrêt Sagaz (paragraphe 48) :

 

            48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer.  Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[43]         Avant d’appliquer les principes susmentionnés aux faits de la présente affaire, il importe de noter que la décision du ministre, lorsqu’il a conclu que la travailleuse était employée aux termes d’un contrat de louage de services, est assujettie à un examen indépendant de la part de la Cour. Il n’est pas nécessaire de faire preuve de retenue à l’égard de la décision du ministre (Jencan Ltd. c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 876 (C.A.F.), paragraphe 24; cité avec approbation dans l’arrêt Candor Enterprises Ltd. c. M.R.N, [2000] A.C.F. no 2110 (C.A.F.)).

 

[44]         Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door peut être divisé en quatre volets :

 

Le contrôle

 

[45]         Le juge MacGuigan a dit ce qui suit dans l’arrêt Wiebe Door (page 5027) :

 

En common law, le critère traditionnel qui confirme l’existence d’une relation employeur-employé est le critère du contrôle, que le baron Bramwell a défini dans Regina v. Walker (1858), 27 L.J.M.C. 207, à la page 208 :

 

[TRADUCTION] À mon sens, la différence entre une relation commettant-préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante : un mandant a le droit d’indiquer au mandataire ce qu’il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite.

 

[46]         En d’autres termes, l’aspect crucial du « contrôle » est la possibilité pour l’employeur d’exercer un contrôle sur la manière dont l’employé s’acquitte de son travail; l’accent n’est donc pas mis sur le contrôle que l’employeur exerce de fait sur l’employé, comme par exemple le pouvoir de décider des heures de travail, de définir les services à fournir et de décider du travail à effectuer au cours d’une journée donnée (Caron c. M.R.N., [1987] A.C.F. no 270 (C.A.F.)).

 

[47]         Dans ses conclusions finales, l’appelant a dit ce qui suit :

 

            [traduction]

 

[…] Le contrôle du travail à effectuer. Encore une fois, elle exerçait à cet égard un contrôle absolu. Elle exerçait le contrôle en ce qui concerne les élèves. Je n’ai pas accès à son agenda, à son horaire. Je ne pourrais même pas essayer de prendre un rendez-vous en son nom puisque je ne sais pas à quels moments elle travaille, à quels moments elle ne travaille pas, quel est son horaire. De plus, aucun élément de preuve n’indiquait que j’exerçais un contrôle.

 

(Transcription des conclusions finales, page 8, lignes 1 à 8.)

 

[48]         L’appelant a ajouté :

 

[traduction]

 

Par conséquent, le contrôle du travail était certes – selon moi, il n’y a rien dans le témoignage qui donne à entendre que j’exerçais de quelque façon que ce soit un contrôle sur son travail, en ma qualité d’employeur. Et, à coup sûr, je ne donnais des renseignements que lorsqu’elle le demandait, dans le cadre des conversations générales que nous avions au début et à la fin de la journée.

 

(Transcription des conclusions finales, page 9, lignes 18 à 23.)

 

[49]         Je conclus qu’en l’espèce, la preuve montre que le degré de contrôle que l’appelant exerçait sur la travailleuse n’est pas le type de contrôle qu’un employeur exercerait sur un employé. À mon avis, le degré de contrôle exercé par l’appelant est le type de contrôle qu’il est possible de constater dans une relation d’entrepreneur indépendant.

 

La propriété des instruments de travail

 

[50]         Dans ce cas‑ci, le principal outil était le véhicule spécialisé qui appartenait à l’appelant. Toutefois, la travailleuse possédait son propre ordinateur, son propre bureau ainsi que son propre téléphone résidentiel et son propre téléphone cellulaire.

 

[51]         Je ne crois pas que cet élément soit important dans ce cas‑ci.

 

La possibilité de profit et le risque de perte

 

[52]         L’appelant a déclaré :

 

[traduction]

 

[…] Il existait sans aucun doute une possibilité de profit ou un risque de perte. Cet élément entrait en ligne de compte dans son travail, lorsque les élèves omettaient de se présenter et qu’elle se déplaçait et ainsi de suite. Elle assumait entièrement ce risque. [...]

 

(Transcription des conclusions finales, page 10, lignes 21 à 24.)

 

[53]         Bien que ce facteur ne soit pas important dans ce cas-ci, je crois que cet élément indique que la travailleuse était un entrepreneur indépendant plutôt qu’une employée.

 

L’intention contractuelle

 

[54]         Dans certaines décisions récentes, la Cour d’appel fédérale a accordé de 1’importance à l’intention des parties, entre autres dans les décisions suivantes :

 

a)       Le Royal Winnipeg Ballet c. Ministre du Revenu  national, 2006 CAF 87, [2007] 1 C.F. 35;

 

b)      Combined Insurance Company of America c. M.R.N., 2007 CAF 60, [2007] A.C.F. no 124; et

 

c)       City Water International Inc. c. M.R.N., 2006 CAF 350, [2006] A.C.F. no 1653.

 

[55]         Il importe de noter dans ce cas‑ci que le contrat précise clairement à maintes reprises que la travailleuse acceptait d’être reconnue et traitée à titre d’entrepreneur. De plus, il importe de noter qu’après que l’appelant eut résilié le contrat de la travailleuse, cette dernière a affirmé être une employée de l’appelant plutôt qu’un entrepreneur. Cela étant, elle a déposé, le 13 juillet 2009, un avis d’intervention auprès du greffe de la Cour. Par une lettre adressée au ministère de la Justice, en date du 21 juillet 2010, la travailleuse déclarait ce qui suit :

 

            [traduction]

 

            À qui de droit :

 

Je me désiste, en ma qualité d’intervenante, dans l’affaire susmentionnée.

 

[56]         En ce qui concerne la décision de la travailleuse de retirer son avis d’intervention, l’avocate de l’intimé a affirmé ce qui suit :

 

             [traduction]

 

Me SANDHU:                 Je puis me reporter à mes notes, mais je crois comprendre qu’elle a décidé qu’il lui fallait se rendre ici, et elle ne voulait pas le faire, simplement par principe.

 

LE JUGE :                       Elle a pris cette décision avant de recevoir le subpœna.

 

Me SANDHU:                 Pardon? 

 

LE JUGE :                       Elle a pris cette décision avant de recevoir votre subpœna.

 

             Me SANDHU:                 C’est exact.

 

(Transcription des conclusions finales, page 49, lignes 14 à 23.)

 

[57]         En d’autres termes, la travailleuse ne cherchait apparemment plus à faire valoir sa position, à savoir qu’elle était une employée de l’appelant, et elle a uniquement comparu devant la Cour à titre de témoin aux fins de l’appel après que l’intimé lui eut signifié un subpœna.

 

[58]         Je retiens le témoignage de 1’appelant lorsqu’il déclare que la travailleuse et lui-même voulaient entretenir une relation d’entrepreneur au cours de la période en question et que Mme Murray n’était pas une employée de 1’appelant.

 

[59]         Je tire les conclusions suivantes :

 

A.               La travailleuse n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension selon la définition figurant dans le Régime.

 

B.                La travailleuse n’exerçait pas un emploi assurable selon la définition figurant dans la LAE.

 

[60]         Les appels sont accueillis, les dépens, au montant de 250 $, devant être versés à l’appelant dans chaque appel.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 4e jour de mai 2011.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mai 2011.

 

 

Marie-Christine Gervais


 

 

RÉFÉRENCE :

2011 CCI 128

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2009-1626(EI)

2009-1627(CPP)

 

INTITULÉ :

Ronald S. Craigmyle

c.

Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Prince George (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 août 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge L.M. Little

 

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 4 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

Avocate de l’intimé :

L’appelant lui-même

 

Me Amandeep K. Sandhu

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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