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Référence : 2011 CCI 224

Date : 20110421

Dossiers : 2008-3646(IT)G

2008-3647(GST)G

 

 

ENTRE :

ILYAS MALIK,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Tels qu'ils ont été rédigés en vue d'être prononcés à l'audience le 23 mars 2011, à Toronto (Ontario))

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L'appelant a fait l'objet de cotisations au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR ») relativement à des revenus non déclarés pour les années 2004 et 2005. Il a également fait l'objet de cotisations établies au titre des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») qui concernent la TPS relativement à la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2005. Toutes ces cotisations sont portées en appel, et les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

[2]     Pour ce qui concerne les nouvelles cotisations établies au titre de la LIR, le revenu brut déclaré en 2004 était de 80 030 $. Le montant qui a fait l'objet d'une nouvelle cotisation au titre de la LIR était de 116 623 $, à la suite d'un rajustement de 36 594 $. L'appelant a également déduit des dépenses d'entreprise de 67 457 $ qui ont été réduites à 37 525 $ à la suite d'un rajustement de 29 930 $ dans la nouvelle cotisation. Les dépenses refusées se rapportaient à des frais d'automobile, à des frais de déplacement, au téléphone, aux services publics et aux déductions pour amortissement. Le contribuable a également déduit des frais de location de 6 800 $ qui ont été réduits à 4 000 $ après un rajustement de 2 800 $.

 

[3]     Relativement à 2005, le revenu brut déclaré de 71 024 $ a fait l'objet d'une nouvelle cotisation au titre de la LIR, et il a été établi à 147 066 $ après une majoration de 76 042 $. De plus, des rajustements aux mêmes dépenses d'entreprise que celles mentionnées relativement à l'année d'imposition 2004 ont été faits pour 2005, et 35 954 $ des 49 585 $ déduits ont été refusés. Des rajustements de 11 009 $ ont également été faits à l'égard de frais de location.

 

[4]     Les cotisations au titre de la LTA ont été établies en fonction de l'hypothèse que l'appelant était un inscrit aux fins de la TPS et qu'il était tenu à ce titre de percevoir et de remettre la TPS. Il n'est pas contesté que l'appelant n'a ni perçu ni remis de TPS, prétendant que ses fournitures étaient détaxées ou que ses fournitures taxables étaient inférieures à 30 000 $. À titre d'inscrit, cependant, il a demandé des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») pour les années 2002, 2003 et 2004. Des cotisations ont été établies à l'égard de l'appelant relativement à la TPS exigible en supposant que les fournitures taxables correspondaient à l'intégralité de ses revenus bruts ayant fait l'objet de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2004 et 2005. Pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, il a été établi que les revenus d'entreprise bruts rajustés de l'appelant étaient de 85 443 $ pour l'année civile 2002 et de 98 130 $ pour l'année civile 2003. Bien qu'il n'y ait eu aucune nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour ces deux années, le témoin de l'intimée à l'audience, la vérificatrice responsable de la nouvelle cotisation, a affirmé que les revenus déclarés étaient de 88 383 $ en 2002 et de 73 260 $ en 2003.

 

[5]     L'appelant a exploité une entreprise sous le nom commercial Ilyas Enterprises, qui a été présumée être exploitée à titre d'entreprise individuelle, comme l'appelant l'a affirmé dans son témoignage. Cependant, l'appelant a également affirmé qu'il était en fait un des associés d'une société de personnes constituée au Pakistan qui faisait affaire par l'entremise de ses mandataires ou associés à l'étranger comme lui‑même au Canada et le père d'un des associés au Pakistan qui représentait la société de personnes aux États‑Unis.

 

[6]     Les principaux responsables au Pakistan obtenaient des articles en cuir fabriqués au Pakistan et cherchaient des marchés pour ces articles au Canada, aux États‑Unis et ailleurs. Selon son témoignage, le rôle de l'appelant au Canada consistait à chercher à obtenir des commandes de détaillants et de grossistes canadiens éventuels. Il communiquait personnellement avec les clients éventuels, dont certains étaient des vendeurs aux marchés aux puces locaux et d'autres étaient tout simplement des clients possibles, d'après des listes produites au Pakistan de personnes ou d'entités au Canada qui étaient des acheteurs d'articles en cuir et dont on pourrait solliciter des affaires en leur offrant des articles similaires à de meilleurs prix. L'appelant a affirmé qu'à cette fin, il faisait des voyages d'affaires à des endroits comme Ottawa et Vancouver pour montrer des échantillons et générer des ventes.

 

[7]     À ce moment, je note que, dans son témoignage, l'appelant a également affirmé que seulement 10 p. 100 à 15 p. 100 de ses ventes étaient canadiennes. Il a affirmé que le reste de ses ventes avaient été faites aux États‑Unis et au Japon. Bien qu'il paraisse vraisemblable que seulement 10 p. 100 à 15 p. 100 des affaires de la société de personnes aient été faites au Canada, il n'est tout simplement pas vraisemblable que l'appelant lui‑même ait fait affaire ailleurs qu'au Canada avec des clients canadiens. Le fait de dire que ses ventes ont été réalisées pour la plupart aux États‑Unis mine tout ce qu'il a dit au sujet de la façon dont il faisait affaire au Canada et au sujet de la façon dont la société de personnes faisait affaire aux États‑Unis par l'intermédiaire de son représentant dans ce pays.

 

[8]     Je note également ici que les hypothèses énoncées dans la réponse à l'avis d'appel portant sur la TPS faisaient état de ce qui avait été dit à la vérificatrice lors des vérifications initiales, à savoir que les clients de l'appelant étaient situés au Canada, aux États‑Unis et au Japon. Je ne crois pas que le témoignage de l'appelant étaye ces hypothèses de fait. Cela ne veut pas dire que je ne trouve pas crédible le témoignage de la vérificatrice; ma conclusion se rapporte plutôt au peu de souci qu'a l'appelant de dire les choses comme elles le sont.

 

[9]     À vrai dire, le témoignage de l'appelant m'a laissé l'impression que, de façon générale, il n'était pas fiable. Lorsque l'appelant devait faire une affirmation précise à une fin qu'il croyait lui être avantageuse, son récit changeait souvent en conséquence. En revanche, lorsqu'il ne voyait aucun avantage évident, une bonne part de son témoignage brossait de son entreprise un tableau qui était plutôt probable, sinon entièrement vrai.

 

[10]    Par exemple, après qu'il eut admis qu'il y avait plusieurs sociétés de personnes au Pakistan qui étaient toutes liées à la même entreprise, on lui a demandé pourquoi ces sociétés étaient si nombreuses. Sa réponse a laissé entendre qu'il n'y avait en réalité qu'une seule société de personnes ou entreprise et que les associés au Pakistan géraient tout simplement toute la comptabilité entre différentes sociétés de personnes de manière à obtenir les meilleurs arrangements bancaires et les meilleurs résultats fiscaux. En d'autres termes, il se peut bien que les répartitions des revenus à l'appelant aient été faites d'une manière quelque peu arbitraire ou suivant certaines formules fondées sur des considérations autres que les ventes au Canada.

 

[11]    D'ailleurs, selon la première version des faits que l'appelant a donnée à la vérificatrice, les recettes non comptabilisées que la vérificatrice a finalement incluses à titre de revenus non déclarés provenaient toutes de l'entreprise pakistanaise. L'appelant a ensuite dit dans son avis d'appel que ces montants étaient des dons de membres de sa famille. Puis, au procès, il a présenté des éléments de preuve indiquant que ces montants étaient des prêts de membres de sa famille au Pakistan. Les éléments de preuve produits étaient attestés par des déclarations certifiées de membres de sa famille au Pakistan qui reconnaissaient avoir accordé des prêts au cours des années en cause dont les totaux se trouvaient à égaler chaque année le montant imposé à titre de revenu non déclaré pour l'année en cause. De plus, il ressortait du libellé de chaque déclaration que celles-ci avaient été dictées à leurs auteurs afin qu'ils les signent. [TRADUCTION] « J'ai payé — (tel montant) — à titre de prêt — Parce qu'il a eu des difficultés au Canada et qu'il vit avec sa famille. » Cette même citation apparaît dans les trois pièces.

 

[12]    Lorsqu'on a affirmé que les éléments de preuve qu'il produisait relativement à des prêts de membres de sa famille au Pakistan avaient été préparés pour le procès, et ce, longtemps après que les prêts eurent effectivement été accordés, l'appelant a témoigné qu'il y avait de la correspondance contemporaine de l'octroi des prêts dans des lettres qu'il avait envoyées pour confirmer que des fonds lui étaient prêtés, mais que ces lettres seraient en la possession des membres de sa famille au Pakistan, et non en sa possession. Il convient de noter qu'aucune des reconnaissances certifiées ne mentionne de telles lettres.

 

[13]    Lorsqu'il a été confronté aux affirmations faites dans l'avis d'appel selon lesquelles il s'agissait de dons, il a alors dit qu'il s'agissait effectivement de dons au début, mais qu'il avait toujours été entendu que les donateurs pouvaient demander de ravoir l'argent plus tard, qu'ils avaient d'ailleurs demandé de ravoir l'argent quelques années plus tard et qu'en fin de compte, les sommes avaient été remboursées cette année. Il est difficile de deviner quelle histoire l'appelant inventerait pour expliquer la contradiction dans son témoignage pour ce qui concerne les lettres qu'il a dit avoir écrites et qui attestent qu'il s'agissait à l'origine de prêts. Son avocat a proposé comme explication que cette façon de faire illustrait comment l'entraide familiale était pratiquée au Pakistan, mais cette explication ne m'a pas impressionné, étant donné ma méfiance générale à l'égard du témoignage de l'appelant.

 

[14]    Cela ne signifie pas, toutefois, que je ne ferais pas certaines concessions au titre de malentendus à l'égard de questions et de réponses lors d'un litige, surtout dans un cas comme celui-ci, où la connaissance de l'anglais de l'appelant était telle qu'il s'est souvent fié à l'interprète engagé exprès par la Cour. Par exemple, l'appelant a affirmé dans son témoignage qu'il faisait toutes ses affaires à domicile, c'est‑à‑dire qu'il prenait des commandes et les exécutait par téléphone, et qu'il faisait d'autres choses du même genre, le tout à partir de son bureau à domicile. Il a aussi affirmé qu'il allait à des marchés aux puces les fins de semaine pour y faire affaire avec des vendeurs, et il a aussi affirmé qu'il apportait des échantillons lors de voyages d'affaires à des endroits comme Vancouver et Ottawa. J'admets la probabilité qu'il ait voulu que toutes ses réponses décrivent fidèlement la façon dont il exploitait son entreprise. Il n'a tout simplement pas ressenti le besoin de détailler ses réponses aux questions posées en premier lieu. Cependant, n'eût été les questions de suivi sur la façon dont il exploitait son entreprise, les réponses aux questions originales au sujet du bureau à domicile auraient laissé une impression complètement fausse de la façon dont l'appelant exploitait l'entreprise. Cela dit, tout en étant sensible aux difficultés de communication, je demeure méfiant à l'égard d'une bonne part du témoignage de l'appelant.

 

[15]    Si je reviens un moment aux reconnaissances certifiées de prêts produites comme pièces, je note que l'avocat de l'intimée s'est opposé à l'admission de ces pièces au motif qu'elles constituaient du ouï‑dire, en laissant entendre qu'il y avait des façons de recueillir des éléments de preuve de témoins à l'étranger qui permettraient le contre‑interrogatoire. L'avocat de l'intimée a raison de dire que les éléments de preuve constituent du ouï-dire et qu'aucun poids ne pouvait leur être accordé quant à la véracité de leur contenu, mais j'ai différé ma décision quant à l'admission de ces pièces afin de pouvoir apprécier leur pertinence dans le contexte de l'ensemble de la preuve présentée à l'audience. Considérant ce contexte, j'ai par la suite rejeté l'opposition et j'ai permis que les pièces soient produites telles qu'elles avaient été présentées, y compris une pièce qui était l'affidavit de M. Malik lui‑même concernant les prêts allégués. Cet affidavit ne concordait pas avec le témoignage que M. Malik avait livré sous affirmation solennelle à l'audience. À l'audience, il a dit que le prêt en 2005 venait d'une seule personne — un ami. L'affidavit dit que les prêts provenaient de deux membres de sa famille.

 

[16]    Si je reviens maintenant aux nouvelles cotisations, il importe de traiter de la méthode que la vérificatrice a employée pour établir le revenu non déclaré. Les cotisations ont été établies au moyen de ce qui a été désigné comme la méthode des dépôts bancaires. L'appelant avait plusieurs comptes bancaires. En bref, il y avait deux comptes qui comptaient pour près de 100 p. 100 du rapprochement de revenus effectué par la vérificatrice. Il y avait un compte commercial et un compte de chèques personnel. La vérificatrice a inclus tous les dépôts de ces deux comptes à titre de revenus d'entreprise. Elle a fait cela au motif que l'appelant lui avait dit qu'il ne déposait pas toutes les recettes de l'entreprise dans le compte commercial, mais les déposait plutôt dans l'un ou l'autre compte, et que les revenus du Pakistan étaient déposés dans le compte personnel. Une lecture de la transcription de l'interrogatoire préalable a également confirmé une admission de l'appelant selon laquelle des versements reçus du Pakistan au titre de la société de personnes étaient déposés dans ses comptes au Canada.

 

[17]    Il faut reconnaître qu'il est difficile d'opposer une défense à une telle méthode, mais l'appelant est une victime de sa propre insouciance totale à l'égard des pratiques commerciales et comptables acceptables. Il a dit qu'il s'était fié à ce que des gens lui avaient dit ainsi qu'à un service de comptabilité exploité par une personne qui n'était pas un comptable professionnel.

 

[18]    Malgré les difficultés linguistiques et culturelles en l'espèce, qui ont pu influer sur la conduite de l'appelant en ce qui concerne sa façon d'exploiter son entreprise, le choix des personnes à qui il s'est fié pour obtenir des conseils en matière de comptabilité et d'impôt, et la façon dont il a traité avec la vérificatrice et a fait face au processus d'appel, je ne suis pas convaincu qu'en dernière analyse, l'appelant puisse bénéficier de quelque latitude que ce soit à l'égard des présents appels. Le système fiscal canadien est fondé sur un système d'autodéclaration. Cela s'applique tant aux nouveaux Canadiens qui se lancent dans de nouvelles activités commerciales au Canada qu'aux gens d'affaires expérimentés. L'absence de registres comptables et de documents justificatifs appropriés en l'espèce fait non seulement qu'il est impossible de déterminer avec quelque degré de certitude que ce soit le revenu d'entreprise réel de l'appelant; en outre, la question est davantage obscurcie par la structure organisationnelle au Pakistan. De tels arrangements doivent être documentés de manière à définir avec certitude la nature juridique des rapports entre les parties, de même que leurs droits à des revenus, afin de permettre des répartitions cohérentes et juridiquement efficaces des revenus et des dépenses parmi les différents ressorts où ces entreprises sont exploitées.

 

[19]    Monsieur Malik a affirmé que ses revenus au Pakistan étaient déclarés au Pakistan, et non au Canada. Lorsqu'il a été confronté à des contradictions relativement à ce témoignage, Monsieur Malik a dit que ce n'était pas lui qui aurait déclaré quelque revenu que ce soit au Pakistan, mais plutôt la société de personnes. Il va sans dire que M. Malik n'a pas indiqué laquelle des différentes sociétés de personnes qu'il avait dit exister avait déclaré les revenus. J'ai la nette impression qu'il ne connaîtrait pas la réponse à cette question, pas plus que je ne crois que quelque déclaration fiable que ce soit ait été faite au Pakistan.

 

[20]    Quoi qu'il en soit, à titre de résident du Canada, M. Malik est tenu de déclarer ses revenus mondiaux au Canada, et l'absence de registres est inacceptable. Pour obtenir gain de cause, le contribuable a le fardeau de me tirer du brouillard dans lequel je me trouve dans la présente affaire. L'absence de forme juridique, l'importance des transactions au comptant et l'insouciance totale à l'égard de la tenue de livres font qu'il est presque impossible d'en faire davantage que ce qu'a fait la vérificatrice, à savoir examiner les dépôts bancaires. À cet égard, l'avocat de l'appelant a produit des éléments de preuve indiquant que la vérificatrice avait également établi une cotisation fondée sur l'avoir net, selon laquelle les revenus non déclarés seraient beaucoup moins élevés que ceux qui avaient été imposés en employant uniquement la méthode des dépôts bancaires. En fait, il a souligné que la méthode de l'avoir net avait mené à la conclusion qu'il n'y avait eu aucune sous‑déclaration de revenus en 2004 et seulement quelque 20 000 $ de revenus non déclarés en 2005. L'avocat de l'appelant a demandé une justification du choix de la méthode employée, alors qu'il était clair que la méthode de l'avoir net aurait donné un résultat complètement différent.

 

[21]    La réponse de la vérificatrice comportait deux volets. Premièrement, elle a dit que l'analyse de l'avoir net qui avait été montrée à l'appelant et qui avait été produite comme pièce était seulement une ébauche et que l'on ne pouvait tout simplement pas s'y fier. Deuxièmement, et chose plus importante à mon avis, la vérificatrice a établi la cotisation sur le fondement des dépôts bancaires à cause de ce que M. Malik lui avait dit lors de leurs entretiens initiaux, à savoir que les dépôts provenaient de son arrangement commercial au Pakistan et que des fonds étaient déposés directement dans ses comptes commercial et personnel.

 

[22]    Aussi, je note que dans une autre pièce, produite pour expliquer d'autres sources d'argent, il y a une correspondance traduite relative à la vente d'un bien immobilier au Pakistan indiquant que le produit de la vente devait être affecté à la réduction d'un prêt. En revanche, il a été souligné en contre‑interrogatoire que M. Malik avait acheté un bien immobilier en 2006 au Pakistan, et l'inférence de cette question était qu'il détenait encore le produit de la vente antérieure qu'il comptait employer pour réaliser d'autres achats de biens immobiliers au Pakistan. Monsieur Malik a répondu qu'il achetait des biens immobiliers et les revendait à profit chaque année au Pakistan.

 

[23]    Il va sans dire qu'il n'y a aucune explication au fait que ces profits réalisés lors de la vente de biens immobiliers au Pakistan chaque année ne sont pas mentionnés dans les deux déclarations produites comme pièces à l'audience. Si ces transactions avaient été divulguées à la vérificatrice, la cotisation selon l'avoir net aurait peut‑être donné un résultat différent, mais, indépendamment de cela, je doute fort que M. Malik ait fait le moindre effort pour savoir quelles étaient ses responsabilités au Canada à titre de résident canadien relativement à ses obligations fiscales.

 

[24]    Cela m'amène à commenter les refus des dépenses relativement aux cotisations d'impôt sur le revenu. Dans des cas comme celui‑ci, j'envisage souvent de faire ce que même l'avocat de l'appelant en l'espèce ne m'a pas demandé de faire, soit de mieux reconnaître des dépenses qui ont de toute évidence dû être faites. Un exemple de cela serait les frais d'automobile. L'appelant a affirmé dans son témoignage qu'il avait deux voitures et que l'une des deux était utilisée à 100 p. 100 pour l'entreprise. Cependant, il n'a tenu aucun carnet de route ou autre registre qui aiderait à déterminer l'ampleur de l'utilisation commerciale. En revanche, je tenterais peut‑être d'éviter de ne reconnaître aucune utilisation commerciale, en dépit d'un témoignage que j'ai accepté. Après tout, il est vraisemblable qu'il y ait eu une utilisation commerciale de la voiture de l'appelant dans la région de Toronto, par exemple, pour se rendre à des marchés aux puces les fins de semaine. Cependant, l'appelant n'a pas précisé la distance parcourue pour se rendre aux marchés aux puces ni à quelle fréquence il s'y rendait. Il n'a pas produit de documents qui indiqueraient le kilométrage au début de l'année par opposition au kilométrage à la fin de l'année de manière à permettre d'établir un rapport entre les distances parcourues pour se rendre à des endroits comme des marchés aux puces et la distance totale parcourue dans une année. Bien que de tels éléments de preuve ne soient pas du type généralement préféré, à comparer à des carnets de route détaillés, il est néanmoins possible de reconstituer avec un certain degré de précision l'importance de l'utilisation commerciale d'une automobile. Parfois, même un carnet de rendez‑vous, qui n'a évidemment pas été tenu en l'espèce, peut être d'une certaine utilité à cet égard.

 

[25]    Tout de même, le fait de reconnaître que de telles dépenses sont inévitables pour l'entreprise dont j'ai accepté qu'elle avait été exploitée au Canada devrait logiquement permettre une certaine appréciation. D'ailleurs, il m'est arrivé à l'occasion dans le passé de rendre justice de façon sommaire sur le fondement de la simple logique, et aussi de favoriser les ententes entre les parties sur ce fondement. Je demeure convaincu du bien-fondé de cette position malgré la décision Haniff c. La Reine[1] invoquée par la Couronne, une décision de février 2011 du juge Boyle qui citait une décision de l'ancien juge en chef Bowman, qui disait essentiellement qu'il n'appartient pas au juge qui n'a que la vague impression que des cotisations sont peut‑être quelque peu erronées de les corriger lorsqu'il est clair que le contribuable est incapable de fournir le moindre degré de précision quant au traitement requis. Bien que cela soit tout à fait vrai en l'espèce en ce qui a trait à l'inclusion des revenus, je ne suis pas aussi convaincu qu'il en va de même en l'espèce de l'acceptation de certaines dépenses.

 

[26]    Cependant, à cet égard, j'ai encore les mains essentiellement liées. Il semble que la vérificatrice ait déjà admis, par exemple, 10 p. 100 des frais d'automobile et une bonne part des frais de téléphone vraisemblablement occasionnés par l'utilisation du téléphone au bureau à domicile de l'appelant. Je n'ai aucun motif d'augmenter la portion admissible de ces frais ni d'admettre d'autres dépenses liées au bureau à domicile qui n'ont pas été déduites.

 

[27]    La seule autre dépense dont il a été question à l'audience était les frais de déplacement, lorsque l'appelant a affirmé que les frais de déplacement de son épouse et de son fils pour aller au Pakistan auraient dû être admis à titre de dépenses d'entreprise, puisque son épouse et son fils étaient allés au Pakistan pour faire des affaires pour son compte, alors que l'appelant était assujetti à des restrictions quant à ses déplacements. Je ne trouve pas ce témoignage, qui est tout sauf désintéressé, très fiable. Je suis d'avis que les affaires au Pakistan étaient gérées par une société de personnes au Pakistan avec laquelle l'épouse et le fils de l'appelant auraient eu, selon toute probabilité, peu à voir. En conséquence, je ne rajuste aucunement les cotisations en ce qui a trait aux déductions de dépenses admissibles, sauf pour ce qui concerne les dépenses de 2005 reliées à des revenus locatifs durant cette année‑là, dont l'intimée a concédé qu'elles étaient admissibles.

 

[28]    Aussi, à l'audience, la vérificatrice qui témoignait pour l'intimée a admis une surévaluation du revenu brut de 5 000 $ pour l'année 2004, et le montant imposé devrait donc être réduit d'autant.

 

[29]    Il me reste donc, en dernier lieu, à traiter des cotisations de TPS. En qualité d'inscrit, l'appelant est tenu de percevoir et de remettre la TPS sur toutes les transactions. Son affirmation selon laquelle ses transactions seraient détaxées en vertu de la partie V de l'annexe VI de la LTA, à titre de fournitures destinées à l'exportation, n'a pas été prouvée. Comme je l'ai mentionné, je ne trouve pas vraisemblable que son entreprise ait réalisé des ventes à l'étranger, sauf dans la mesure où une part des revenus des sociétés de personnes pakistanaises lui a été attribuée. Cependant, dans la mesure où un revenu est considéré à juste titre comme un revenu du fait qu'il est reçu comme tel d'une société de personnes pakistanaise, il ne s'agit pas d'un revenu qu'on pourrait présumer être assujetti à la TPS. Évidemment, je pourrais adopter la pratique énoncée dans la décision Haniff, à savoir que, lorsqu'il n'y a pas de précision, il n'y a pas d'allègement fiscal, mais je ne peux pas, en mon âme et conscience, faire cela en l'espèce. La vérificatrice elle‑même a formulé sa méthode de cotisation en se fondant sur l'hypothèse que les revenus non déclarés provenaient du Pakistan. C'était la théorie qui sous‑tendait la démarche de l'Agence du revenu du Canada. Il serait parfaitement incompatible avec cette théorie d'établir une cotisation relative à la TPS sur de tels revenus bruts comme s'ils provenaient de ventes au Canada. En outre, le fait que je sois exactement du même avis en l'espèce ne peut pas être une coïncidence. Tout en reconnaissant qu'il y a inévitablement un certain degré d'arbitraire à admettre des ventes brutes déclarées comme des affaires canadiennes et à admettre des recettes non déclarées, attestées seulement par des dépôts bancaires, comme ne provenant pas de fournitures taxables, je demeure convaincu que les éléments de preuve appréciés à la lumière de la théorie sous‑jacente aux cotisations exigent que j'admette une telle démarche relativement à l'établissement de la dette de l'appelant au titre de la LTA pour la période en question. De toute façon, personne ne prétend ici que les cotisations sont exactes — elles ne tiennent pas compte des transactions au comptant qui ne sont jamais parvenues aux comptes bancaires et que l'appelant a admises — elles ne tiennent pas compte de ventes de biens immobiliers au Pakistan, et il se peut, en fait, qu'elles en aient inclus certaines à titre de recettes commerciales, mais, en fin de compte, sauf dans la mesure admise ici, l'appelant ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que les cotisations étaient erronées.

 

[30]    Pour ce qui concerne les refus de CTI selon la cotisation établie au titre de la LTA, aucun élément de preuve n'a été produit relativement à quelque droit que ce soit aux crédits que l'appelant a demandés. L'appelant n'a probablement pas payé de TPS relativement à l'un ou l'autre de ses achats.

 

[31]    Je voudrais faire un dernier commentaire au sujet des obligations en matière de déclaration et de la méthode des dépôts bancaires employée dans la présente affaire, au cas où l'appelant n'aurait rien appris au cours des cotisations en cause et de la poursuite de ses appels. Deux choses devraient ressortir à l'évidence des présents motifs. L'une est que les arrangements commerciaux de l'appelant, tant au pays qu'à l'étranger, doivent être organisés et structurés, d'une manière légale, et la documentation appropriée doit être constituée pour étayer les déclarations faites en fonction de cette structure juridique. Deuxièmement, un commis comptable ou un comptable devra montrer tôt ou tard à l'appelant que les comptes bancaires commerciaux doivent être séparés pour rendre compte de toutes les transactions commerciales, et que toutes les écritures bancaires doivent être inscrites dans un livre qui indique la nature de l'écriture et son contexte. À l'appui de ce livre, il y a les documents matériels qui étayent ou prouvent l'explication de l'écriture. Sans cette dernière documentation justificative, les livres deviendront discutables et perdront leur valeur au soutien d'un traitement précis relativement à une écriture sur un relevé bancaire.

 

[32]    Enfin, donc, pour résumer mes conclusions, l'appel pour l'année 2004 relatif à la nouvelle cotisation établie au titre de la LIR est accueilli en réduisant de 5 000 $ le revenu d'entreprise ayant fait l'objet d'une nouvelle cotisation, qui est ainsi ramené de 116 623 $ à 111 623 $. L'appel pour l'année 2005 relatif à la nouvelle cotisation établie au titre de la LIR est accueilli en augmentant de 11 009 $ la dépense admissible quant au bien locatif. L'appel relatif aux cotisations établies au titre de la LTA est accueilli en ramenant les montants des fournitures taxables aux montants suivants : 73 260 $ pour l'année civile 2003, 80 030 $ pour l'année civile 2004, et 71 024 $ pour l'année civile 2005.

 

[33]    Les dépens sont accordés à l'intimée selon le tarif applicable à un seul appel de catégorie A.

 

Signé, avec des corrections mineures, à Winnipeg (Manitoba), ce 21e jour d'avril 2011.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de juin 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                            2011 CCI 224

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :          2008‑3646(IT)G; 2008‑3647(GST)G

 

INTITULÉ :                                                 ILYAS MALIK c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 22 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                         L'honorable juge J. E. Hershfield

 

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT :      Le 21 avril 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Bhupinder Singh Moondi

 

Avocat de l'intimée :

Me Thang Trieu

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           Bhupinder Singh Moondi

 

                   Cabinet :      101, promenade Westmore

                                       Etobicoke (Ontario) M9V 3Y6

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous‑procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] 2011 CCI 112.

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