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Dossier : 2009-1066(GST)G

ENTRE :

JAMES BOLES,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

 

Appel entendu le 4 mai 2011 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Shatru Ghan

__________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 5 février 2008 et porte le numéro A115049, est rejeté avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'août 2011.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

Référence : 2011 CCI 288

Date : 20110609

Dossier : 2009-1066(GST)G

ENTRE :

JAMES BOLES,

appelant

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Boyle

 

[1]              Les questions soulevées en l’espèce sont les suivantes : 1) l’appelant était‑il administrateur de Begley Associates Inc. (« Begley Associates ») aux dates pertinentes ou à tout autre moment? 2) Dans l’affirmative, a‑t‑il démissionné plus de deux ans avant la cotisation en cause relative à la taxe sur les produits et services (« TPS ») non versée? 3) A-t-il agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le défaut de verser la TPS que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances pour ainsi se dégager de la responsabilité de l’administrateur en vertu du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise (Canada) (la « loi relative à la TPS »)?

 

 

I. Le droit

 

[2]              La décision la plus récente portant sur l’étendue de la responsabilité des administrateurs à l’égard de la TPS ou des retenues d’impôt sur le revenu non versées et sur les moyens de défense qu’ils peuvent invoquer à cet égard a été rendue le 21 avril 2011 par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada c. Buckingham, 2011 CAF 142. Dans Buckingham, la Cour d’appel fédérale a confirmé que la portée des dispositions en matière de responsabilité des administrateurs est potentiellement très large et importante, et ce, afin que le risque d’une omission par une société de faire des versements soit dans les faits transféré du fisc et des contribuables canadiens en général aux administrateurs de la société, lesquels ont légalement le droit de superviser, de contrôler ou d’effectuer la gestion de ses affaires. La Cour a également confirmé qu’un administrateur cherchant à être disculpé pour avoir agi avec soin, diligence et compétence doit avoir pris les mesures nécessaires « pour prévenir le manquement » à l’obligation de faire les versements et non pour remédier à ce manquement par la suite. De plus, la norme  requise de soin, de diligence et de compétence est généralement une norme objective. Plus précisément, la Cour a écrit ce qui suit :

 

38        […] Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d’administrateurs inactifs choisis pour l’apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d’administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s’acquitter des devoirs qui s’attachent à sa fonction et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l’exécution de ses obligations en invoquant son inaction […] 

 

[…] 

 

40        […] Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

 

Voici ce qu’elle a écrit plus loin :

 

52        Le Parlement n’a pas requis des administrateurs qu’ils soient assujettis à une responsabilité absolue relativement aux versements de leurs sociétés. En conséquence, le Parlement accepte qu’une société puisse, dans certaines circonstances, ne pas effectuer des versements sans que la responsabilité de ses administrateurs ne soit engagée. Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

 

 

II. Les faits

 

[3]              Monsieur Boles était le propriétaire exploitant d’une entreprise de gestion de projets et de gestion de construction appelée F.D. Begley and Associates Inc. (« F.D. Begley »). En 1995, il était un administrateur, le président et l’actionnaire contrôlant de F.D. Begley. À l’époque, monsieur Clark était employé de F.D. Begley et s’occupait de l’aspect construction des activités de cette société, laissant à l’appelant l’aspect planification et design de l’entreprise. En 1995, l’appelant a vendu ses actions de F.D. Begley à monsieur Clark. Monsieur Boles a continué de travailler pour des clients et était toujours un dirigeant de F.D. Begley; plus particulièrement, il était le président et monsieur Clark a été nommé vice‑président à l’époque.

 

[4]              Monsieur Clark a ensuite constitué une nouvelle société, Begley Associates Inc. — soit la société dont l’omission de verser la TPS a donné lieu à la cotisation en cause en l’espèce — afin d’exercer des activités semblables, mais pour des honoraires qui étaient fondés sur le risque plutôt que d’être établis uniquement en fonction des services fournis. Il ne fait aucun doute que monsieur Boles a assumé la fonction d’administrateur de Begley Associates à cette époque.

 

[5]              Monsieur Boles a soutenu dans son interrogatoire principal qu’il ne savait pas qu’il était administrateur de Begley Associates avant 2005, lorsque l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») s’est mise à le poursuivre. Plus précisément, il a affirmé qu’il n’a jamais été consulté au sujet des activités de l’entreprise ni n’a jamais participé à ses activités et qu’il n’avait aucune connaissance directe des activités ou des affaires commerciales de l’entreprise, ni à aucun moment n’a, de quelque manière que ce soit, dirigé son exploitation ou participé à son exploitation. La seule exception, a-t-il dit, était une période débutant en 2000 lorsque son contrat de consultation a été exécuté par le truchement de Begley Associates à la demande de monsieur Clark. Selon monsieur Boles, il a sûrement signé les documents de Begley Associates au moment où il a signé nombre de documents opérant le transfert de F.D. Begley à monsieur Clark et constituant pour lui-même une nouvelle société dont il se servirait pour ses propres activités de consultation en attendant de sa retraite.

 

[6]              L’ARC, par avis de cotisation daté du 5 février 2008, a établi une cotisation à l’égard de monsieur Boles pour la TPS non versée par Begley Associates ainsi que les intérêts et les pénalités s’y rapportant, pour un total approximatif de 23 000 $.

 

[7]              Dans les circonstances, je dois conclure que monsieur Boles est effectivement devenu administrateur de Begley Associates au moment de la constitution de cette société. Tous les registres de l’entreprise et tous les documents déposés par elle l’indiquaient clairement. Je n’accepte pas l’explication de monsieur Boles selon laquelle il a signé par inadvertance la documentation de Begley Associates le désignant comme administrateur puisque son contre-interrogatoire et la preuve de son comptable ont révélé qu’en 1997, l’une des premières années de son exploitation, Begley Associates générait des revenus de presque quatre cent mille dollars et, plus important encore, que la femme de monsieur Boles détenait 20 % des actions de Begley Associates et recevait des dividendes liés aux revenus que l’entreprise a générés cette année‑là.

 

[8]              Je conclus également de la preuve que monsieur Boles n’a jamais légalement démissionné de son poste d’administrateur de Begley Associates. J’accepte le témoignage de monsieur Boles selon lequel, en avril 2003, compte tenu de ses préoccupations au sujet de monsieur Clark et de Begley Associates, il a demandé à monsieur Clark de vérifier son statut d’administrateur ou de dirigeant de Begley Associates parce qu’il voulait démissionner de telles fonctions et donner à monsieur Clark toute liberté d’exploiter son entreprise à sa manière. Cette conversation est corroborée par une inscription dans l'agenda de monsieur Boles. Toutefois, un administrateur, pour cesser de l’être, doit prendre certaines mesures qu'exige la loi, et monsieur Boles n’a fait aucune demande ou tentative à cet égard. Apparemment, il n’a même pas envoyé à monsieur Clark une lettre de confirmation lui demandant de faire préparer les documents nécessaires pour le démettre de ses fonctions d’administrateur. Les faits sont jusqu'à un certain point favorables à monsieur. Boles étant donné qu’il se pourrait bien qu’il ait oublié à un certain moment qu’il était toujours administrateur de Begley Associates. La preuve indique, d’ailleurs, qu’il ne participait pas directement aux activités de Begley Associates pendant les deux années précédant l’omission de celle-ci de verser la taxe. Toutefois, ce seul élément n’est pas suffisant selon la loi pour le soustraire à la responsabilité résultant de la cotisation établie à son égard, puisque le délai de prescription de deux ans s’applique aux personnes qui ne sont plus administrateurs.

 

[9]              Reste la question de savoir si monsieur Boles a en fait agi avec le soin, la diligence et la compétence voulus pour prévenir l’omission de l’entreprise de verser la TPS dans les circonstances. Absolument rien dans la preuve n’indiquait que monsieur Boles intervenait de quelque manière que ce soit dans les affaires de Begley Associates durant les années en question et, par conséquent, il ne peut affirmer avoir fait quoi que ce soit pour prévenir l’omission de verser la TPS. Certains éléments de preuve ont indiqué que, dans des années subséquentes, il a peut-être aidé à dégager des fonds pour monsieur Clark, avant son décès, afin qu’il puisse réduire considérablement ou acquitter intégralement tout arriéré de taxe de Begley Associates. Toutefois, il est évident que les mesures prises doivent viser à prévenir le manquement et non à simplement y remédier. Il se pourrait que, dans certaines circonstances, un administrateur puisse oublier complètement et véritablement qu’il est administrateur et donc ne participer aucunement aux affaires de l’entreprise, ou ignorer qu’il est habilité à y participer et à s'y impliquer, de sorte qu’aucune action directe ne pourrait représenter le soin, la diligence, la compétence et la prudence suffisants qu'une personne raisonnable aurait exercés dans les mêmes circonstances, si bien que cette personne serait soustraite à la responsabilité de l’administrateur. Toutefois, compte tenu de mes préoccupations à l’égard du manque de franchise dans le témoignage de l’appelant concernant sa nomination comme administrateur de Begley Associates, je ne puis conclure qu’il a véritablement oublié qu’il était toujours administrateur et, par conséquent, cette question pourra être tranchée ultérieurement si une telle situation se présente.

 

[10]         L’appel est rejeté, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2011.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 31e jour d'août 2011.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 288

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-1066(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JAMES BOLES c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Shatru Ghan

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

              Pour l’appelant :

 

                              Nom :                 

 

                          Cabinet :                 

 

 

                 Pour l’intimée :                  Myles J. Kirvan

                                                         Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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