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Dossier : 2008-3718(IT)I

ENTRE :

SERGIO SARSONAS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels fixés pour audition le 24 octobre 2011

Appels entendus le 25 octobre 2011, à Toronto (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée:

Me Erin Strashin

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, les appels interjetés à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2006 sont rejetés.

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e  jour de décembre 2011.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19jour de janvier 2012.

 

Martine Maltais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2011CCI559

Date : 20111208

Dossier : 2008-3718(IT)I

ENTRE :

SERGIO SARSONAS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]              L’appelant, Sergio Sarsonas, est l’un des nombreux contribuables dont on a découvert les documents d’un spécialiste en préparation de déclarations de revenus, lequel a finalement été reconnu coupable d’avoir vendu à ses clients des reçus pour don de bienfaisance. Pendant les années visées par l’appel, Ambrose Danso-Dapaah[1] et son associé, George Gudu, faisaient affaire sous le nom de ADD Accounting et/ou de Payless Tax (collectivement « Payless Tax »). Payless Tax facturait à ses clients des honoraires pour la préparation de leurs déclarations de revenus, ainsi que 10 %  de la somme inscrite sur tout reçu pour don de bienfaisance fourni.

 

[2]              Les témoins de l’intimée, Barbara Lovie et Deborah Edyvean, qui ont participé à l’enquête menée par l’Agence du revenu du Canada sur Payless Tax en 2006, ont décrit le stratagème utilisé par l’entreprise. Toutes les deux ont rendu un témoignage clair et précis et j’accepte cette preuve sans hésitation. À la date de la présente audience, Mme Lovie était au service de l’Agence du revenu du Canada depuis 35 années, dont 26 passées au secteur de l’exécution. D’après son témoignage, les montants inscrits sur les faux reçus délivrés par Payless Tax s’élevaient à approximativement 21,6 millions de dollars, et avait mené à l’attribution de 6,2 millions de dollars en crédits d'impôt non remboursables pour dons de bienfaisance.  

 

[3]              Les dossiers de l’appelant faisaient partie de ceux saisis chez Payless Tax y compris, en format électronique ou papier, des copies de déclarations de revenus, des formulaires de reçus pour don de bienfaisance et des factures aux clients. Par conséquent, le ministre du Revenu national a établi à l’égard de l’appelant de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2006, pour lesquelles l’appelant avait au départ obtenu des crédits d’impôt non remboursables pour des dons de bienfaisance s’élevant à 4 000 $, à 6 200 $ et à 5 692 $ respectivement. Lors de l’établissement de ces nouvelles cotisations, le ministre a supposé que dans les faits, aucun de ces montants n’avait réellement fait l’objet d’un don aux organismes de bienfaisance mentionnés sur les reçus produits avec les déclarations de revenu de l’appelant. Le ministre a de plus supposé que plutôt que de faire des dons à ces organismes, l’appelant avait simplement acheté les soi‑disant « reçus officiels », pour un montant équivalant à 10 % de la valeur inscrite sur les reçus.

 

[4]              Il incombe à l’appelant de réfuter ces hypothèses. Dans le cas de l’année d’imposition 2003 uniquement, comme la nouvelle cotisation a été établie après la période normale de nouvelle cotisation, le fardeau de prouver que la nouvelle cotisation était justifiée repose sur le ministre en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[5]              L’appelant s'est représenté lui-même et il a été le seul témoin à comparaître pour son propre compte. Il n’a pas caché que Payless Tax avait préparé ses déclarations de revenu pour les années 2003, 2004 et 2006, qu’il avait demandé des déductions pour dons de bienfaisance pour les montants correspondant aux montants supposés par le ministre et qu’il ne savait rien des organismes de bienfaisance en cause. Cependant, il a nié n’avoir versé à Payless Tax que 10 % de la somme inscrite sur les reçus pour dons de bienfaisance qui lui ont été délivrés. Il a affirmé avoir payé en espèces à Payless Tax les pleins montants qui devaient être remis aux organismes de bienfaisance recommandés par Payless Tax.

 

[6]              En utilisant l’année 2003 à titre d’exemple, l’appelant a dit avoir donné à la CanAfrica International Foundation des sommes totales de 4 000 $ en espèces, soit 2 000 $ remis à Payless Tax avant la production de sa déclaration de revenu et 2 000 $ remis après qu’il a reçu le remboursement découlant de la production du reçu pour don de bienfaisance. Cependant, il n’a en sa possession aucun reçu qui démontrerait le versement de ces sommes en espèces à Payless Tax. Il n’a pas non plus produit de relevés bancaires ou autres documents qui pourraient démontrer qu’il a effectivement remis ces sommes.

 

[7]              Le témoignage Mme Lovie fait contrepoids à celui de l’appelant. Expliquant que les dossiers de celui‑ci avaient été retrouvés parmi les documents saisis chez Payless Tax, elle a alors identifié une feuille de calculs[2] de Payless Tax, sur laquelle il était inscrit que l’appelant et son épouse avaient donné  4 000 $ et 2 000 $, respectivement, en 2003 et qui contenait une description de biens en nature (jouets, vêtements et matériel). Ont également été découvertes des copies de formulaires « T‑1 DON » pour chacun de ces montants[3] ainsi qu’une facture au nom de l’appelant seul, laquelle est rédigée ainsi :   

 

[TRADUCTION]

 

 

Objet : Préparation de la déclaration de revenus personnelle du demandeur pour l’année 2003 et annexes s’y rapportant.

Honoraires pour la préparation de la déclaration

0,00 $

reçu  4 000 $

400,00 $

reçu  2 000 $

200,00 $

 

 

Brut

600,00 $

 

 

Total

600,00 $

 

[8]              Étant donné ce qu’elle connaissait du stratagème de dons de bienfaisance de Payless Tax et compte tenu des déclarations de revenu et des reçus pour dons de bienfaisance produits par l’appelant et son épouse, l’interprétation de Mme Lovie quant à cette facture est que Payless Tax avait facturé à l’appelant les montants de 400 $ (représentant 10 % du montant de 4 000 $ pour lequel il a demandé une déduction pour don de bienfaisance pour l’année 2003) et de 200 $ (10 % du montant de 2 000 $ pour lequel son épouse a demandé une déduction) pour l’achat de reçus pour dons de bienfaisance.

 

[9]              L’appelant n’a pu fournir aucune réponse à cette analyse, sinon que d’insister sur le fait qu’il avait payé au complet le montant de 4 000 $ pour lequel il avait demandé une déduction. Il a déclaré ne pas avoir une connaissance approfondie des questions d’impôt et avoir fait entièrement confiance à Payless Tax pour bien faire les choses. Malgré ce dernier commentaire, il a confirmé en contre‑interrogatoire qu’il avait fourni à Payless Tax les chiffres figurant sur ses déclarations de revenu, et que ceux‑ci avaient été reproduits de façon exacte dans les documents saisis y correspondant. 

 

[10]         L’avocate de l’intimée a également soulevé le fait que l’appelant avait demandé un crédit d’impôt non remboursable de 1 092 $ pour abonnement au transport en commun pour l’année 2006. En contre‑interrogatoire, l’appelant a nié avoir demandé cette déduction, insistant sur le fait qu’il avait utilisé son automobile pour se rendre au travail pendant l’année en question et qu’il ne détenait pas alors de laissez‑passer pour l’autobus. Cependant, l’enquête révèle que le crédit en question a bel et bien été demandé. L’appelant a déclaré qu’il n’avait jamais eu l’intention de demander cette déduction et qu’il ne s’était pas rendu compte que Payless Tax l’avait fait. Il a dit, de toute façon, ne pas faire appel en ce qui concerne cet aspect pour l’année 2006.

 

 

Analyse

[11]         L’intimée ayant convenu que les reçus pour dons de bienfaisance pour les années 2003, 2004 et 2006 respectaient les exigences de la loi au moment où ils ont été produits, la seule question est de savoir si l’appelant a fait à un organisme de bienfaisance enregistré un « don » lui donnant droit à un crédit d’impôt non remboursable selon l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[12]         Le mot « don » n’est pas défini dans la loi. L’arrêt‑clé quant à la signification de ce mot est The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031, dans lequel le juge Linden, à la page 6032, définit le mot « don » :

 

[…] [U]n don est le transfert volontaire du bien d'un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d'avantage ni de contrepartie […]

 

[13]         L’avocate de l’intimée a aussi cité le jugement intitulé Coombs et al v. The Queen, 2008 DTC 4004, dans lequel la juge Woods a énuméré les éléments constitutifs de la définition :

 

[15] […] Premièrement, le bien donné doit appartenir au donateur. Deuxièmement, le transfert à l’organisme de bienfaisance doit être volontaire. Troisièmement, le donateur ne doit pas recevoir de contrepartie en échange du don. Quatrièmement, l’objet du don doit être un bien, ce qui distingue le don de la fourniture de services à un organisme de bienfaisance. Ces éléments reflètent l’idée générale voulant qu’un contribuable doive avoir une intention libérale relativement au transfert d’un bien à l’organisme de bienfaisance pour qu’il s’agisse d’un don. [Non souligné dans l’original.]

 

[14]         Dans Webb c. La Reine, 2004 TCC 619, [2004] A.C.I. N453, au paragraphe 16, le juge Bowie a étendu la notion « [d’]intention libérale » :

 

[16]      Il s’est écrit beaucoup de documents au sujet des dons de bienfaisance au cours des années. Cependant, la loi est selon moi très claire. Je suis lié par la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire La Reine c. Friedberg, entre autres. Ce cas et les autres du genre indiquent clairement que pour qu’un montant soit considéré comme un don fait à un organisme de bienfaisance, il doit être versé sans qu’il n’y ait d’avantage ou de contrepartie directs ou indirects pour le donateur, et sans qu’il n’y ait d’attente d’avantage ou de contrepartie. En d’autres mots, l’intention du donateur doit être entièrement libérale. 

 

[15]         À mon avis, l’appelant n’a pas réussi à démontrer, pour aucune des années d’imposition en question dans cet appel, qu’il avait fait un « don » au sens où ce terme est compris dans la jurisprudence. Même si j’acceptais le compte-rendu de l’appelant selon lequel il aurait remis à Payless Tax 4 000 $ pour les donner à la CanAfrica International Foundation en 2003, le paiement du montant en question ne peut constituer un « don  » parce que le transfert de ce montant en espèces dépendait entièrement du fait qu’il obtienne une déduction d’impôt. Mais je doute que les choses se soient ainsi passées. L’appelant a admis ne rien savoir à propos des organismes de bienfaisance pour lesquels il aurait supposément fait des dons, mais voudrait que je sois convaincue qu’il leur aurait donné une partie considérable de son revenu net plutôt modeste. Ses antécédents, en ce qui concerne les dons, se limitent aux années où Payless Tax produisait ses déclarations de revenu et menait son stratagème de dons de bienfaisance. Comme le montre sa demande de déduction pour l’achat d’un abonnement au transport public, l’appelant n’était pas, dans le meilleur des cas, particulièrement prudent lorsqu’il produisait ses déclarations. Même si je mettais de côté le témoignage accablant de Mme Lovie, il n’en demeure pas moins que le témoignage de l’appelant n’est dans l’ensemble tout simplement pas crédible. Je ne crois pas, en général, qu’il a fait des dons correspondant aux sommes déclarées, et ce, pour aucune des années d’imposition visées par l’appel. 

 

[16]         Je crois que c’est à cause des crapules de chez Payless Tax que l’appelant a connu des problèmes. Cependant, le fait demeure que celui‑ci n’a pas fait les dons en question et qu’il était prêt à produire ses déclarations de revenus tout en sachant qu’elles contenaient de faux renseignements. Cela suffit pour que le ministre ait eu raison d’établir une nouvelle cotisation pour l’année 2003, même si la période normale de nouvelle cotisation était terminée.

 

[17]         Pour les motifs qui précèdent, les appels interjetés par l’appelant pour les années d’imposition 2003, 2004 et 2006 sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8jour de décembre 2011.

 

 

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 19jour de janvier 2012.

 

Martine Maltais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2011CCI559

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3718(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Sergio Sarsonas et La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 décembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Erin Strashin

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                       Nom :                        

 

                  Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Pièce R-3. Transcription de l’audience de détermination de la peine de M. Ambrose Danso‑Dapaah.

[2] Pièce R-4, à la page 17.

 

[3] Pièces R-6 et 7, respectivement.

 

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