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Dossier : 2008-1720(IT)I

ENTRE :

JAMES O. GROSSETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 28 mars 2012 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Erin Strashin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 à 2006 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7jour de juin 2012.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20jour de juillet 2012.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Dossier : 2009-705(IT)I

 

ENTRE :

ONEIL GROSSETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 28 mars 2012 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux‑mêmes

Avocate de l’intimée :

Me Erin Strashin

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 à 2006 sont accueillis en partie et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7jour de juin 2012.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20jour de juillet 2012.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

                                                                                               


                                                                                    

 

 

 

                                                                                    

                                                                                     Référence : 2012 CCI 179

Date : 20120607

Dossiers : 2008-1720(IT)I,

2009-705(IT)I

ENTRE :

JAMES O. GROSSETT,

ONEIL GROSSETT,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]             Les appelants interjettent appel à l’encontre de nouvelles cotisations établies à leur égard relativement aux années d’imposition 2002 à 2006, dans lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé leurs demandes de crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour les montants suivants :

 

 

 

James Grosset

 

Oneil Grosset

 

2002

2003

2004

2005

2006

 

          23 039 $

            9 500 $

          10 500 $

          13 041 $

            8 200 $

 

         10 200 $

         10 900 $

     11 545,98 $

         10 565 $

           3 590 $

 

 

 

 

[2]             Le ministre a refusé les demandes compte tenu du fait que les appelants n’avaient fait aucun don à des organismes de bienfaisance dans les années visées par l’appel, et qu’ils avaient acheté des reçus pour don de bienfaisance qu’ils ont utilisés à l’appui de leurs demandes.

 

[3]             À titre subsidiaire, s’il est conclu que les appelants ont fait un quelconque don à quelque organisme de bienfaisance que ce soit dans les années visées par l’appel, l’intimée soutient que les reçus pour don de bienfaisance délivrés aux appelants ne satisfont pas aux exigences énoncées dans le Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

[4]             Une nouvelle cotisation a aussi été établie à l’égard d’Oneill Grossett, dans laquelle certains frais de garde d’enfants qu’il avait déduits pour ses années d’imposition 2003 à 2006 ont été refusés. Toutefois, l’intimée a admis les frais en question à l’audience.

 

[5]             Les appelants avaient le fardeau de réfuter les hypothèses émises par le ministre, sauf en ce qui concerne les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 2002 et 2003 qui ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation selon le paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

LES FAITS

 

[6]             À la demande de l’intimée, et avec le consentement des appelants, les appels ont été entendus sur preuve commune. Les appelants ont tous les deux témoigné à l’audience et l’intimée a appelé trois témoins de l’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC »).

 

[7]             Il ressort de la preuve que les appelants ont tous les deux fait appel aux services d’Ambrose Danso‑Dapaah, faisant affaire sous le nom d’ADD Accounting (« ADD »), pour l’établissement de leurs déclarations de revenus pour les années 2002, 2003 et 2004.

 

[8]             Le 15 décembre 2008, M. Danso‑Dapaah a plaidé coupable pour avoir vendu à des clients de faux reçus pour don de bienfaisance pour les années d’imposition allant de 2002 à 2005 afin de leur permettre de réduire frauduleusement leur impôt sur le revenu à payer. M. Danso‑Dapaah vendait les reçus pour une partie (habituellement 10 %) du montant du don figurant sur le reçu. Il a reconnu qu’il avait fourni de faux reçus pour don de bienfaisance pour une valeur nominale totale de plus de 39 millions de dollars durant la période.

 

[9]             M. Danso‑Dapaah a délivré de faux reçus pour dons au nom de plusieurs organismes de bienfaisance dont il était administrateur, y compris la Canafrica International Foundation et la Canadian Foundation for Child Development.

 

[10]        L’ARC a entamé une enquête à l’égard des activités de M. Danso‑Dapaah en 2006, et a saisi des documents en vertu de mandats de perquisition exécutés en novembre 2006. Ces documents comportaient environ 6 800 dossiers fiscaux électroniques provenant de Cantax ainsi que des factures de clients d’ADD qui indiquaient les frais d’établissement de déclarations, la valeur nominale des reçus pour don de bienfaisance et des frais correspondant à 10 % de ce montant. La vérificatrice principale chargée du dossier, à savoir Barbara Lovie, a témoigné sur le fait qu’elle avait trouvé des factures provenant d’ADD adressées à Oneil et à James Grossett pour l’établissement de leurs déclarations de revenus pour 2003 et 2004. La facture concernant la déclaration de revenus pour 2003 d’Oneil Grossett contenait la note [traduction] « reçu 10 900 $ » et des frais correspondants de 1 090 $. La facture concernant sa déclaration de revenus pour 2004 contenait la note [traduction] « reçu 11 545,98 $ » et des frais correspondants de 1 150 $. La facture relative à l’établissement de la déclaration de revenus de James Grossett pour 2003 mentionnait un reçu de 9 500 $ et des frais correspondants de 800 $. Mme Lovie a déclaré qu’elle croyait que James Grossett avait obtenu une ristourne pour les frais figurant sur le reçu parce qu’il avait adressé d’autres personnes à ADD. La facture de James Grossett concernant sa déclaration de revenus pour 2004 mentionnait [traduction] « reçu 10 500 $ Canafrica Foundation » et des frais correspondants de 1 050 $.

 

[11]        Un des employés de M. Danso‑Dapaah, George Gudu, travaillait aussi pour Frances Kungu, qui exploitait Payless Tax Inc. (« Payless »). Parallèlement, M. Gudu exploitait sa propre entreprise sous le nom de Senyo Accounting (« Senyo »). Senyo et Payless établissaient toutes les deux des déclarations de revenus, et il semblait y avoir un certain chevauchement entre ces activités. En 2007, M. Kungu a été accusé d’avoir vendu de faux reçus pour don de bienfaisance. Il n’a pas comparu à l’instruction de sa cause et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. M. Gudu a également été accusé d’avoir vendu et utilisé de faux reçus dans l’établissement de déclarations de revenus, et il a plaidé coupable à ces accusations. Là encore, les reçus étaient habituellement vendus pour 10 % de la valeur nominale du reçu. Rien qu’en 2006, les reçus vendus représentaient plus de quatre millions de dollars. Les organismes de bienfaisance qui ont utilisé ces stratagèmes sont entre autres : Pan Africa Multicultural Centre, Avenue Development Foundation et Bible Teaching Ministries. Les fouilles effectuées dans les locaux de Payless ont permis aux enquêteurs de l’ARC de mettre la main sur des copies électroniques de déclarations de revenus ainsi que des factures indiquant les frais d’établissement de déclarations de revenus et les frais d’établissement de reçus pour don de bienfaisance. L’ARC a également trouvé des carnets de reçus pour dons à divers organismes de bienfaisance, dont certains reçus avaient été signés à l’avance, ainsi qu’une liste de personnes auxquelles on avait donné des reçus à vendre et un registre des montants qui avaient été payés pour les reçus.

 

[12]        Selon le témoignage de Deborah Edyvean, l’enquêteuse principale chargée des dossiers de Payless et de George Gudu, les documents saisis contenaient des factures pour Oneil Grossett concernant l’établissement de ses déclarations de revenus pour 2005 et 2006 et pour James Grossett pour l’établissement de sa déclaration de revenus pour 2006. Les factures établies pour Oneil indiquaient des frais de 1 050 $ pour 2005 relativement à un reçu de 10 565 $, et des frais de 360 $ pour 2006 relativement à un reçu de 3 590 $. La facture au nom de James Grossett pour l’année d’imposition 2006 indiquait des frais de 660 $ correspondant à un chiffre de « 8 200 ». James Grossett avait demandé une déduction de 8 200 $ au titre de dons de bienfaisance dans sa déclaration de revenus pour 2006.

 

[13]        Dans leur témoignage, les appelants affirment qu’ils n’ont pas acheté de faux reçus pour don de bienfaisance pour les années en question. Ils soutiennent qu’ils ont fait des dons en espèces et des dons d’articles ménagers ainsi que d’appareils électroniques d’une valeur égale au montant total des dons de bienfaisance déduits. Les appelants ont également déclaré qu’ils avaient consulté le site Web de l’ARC pour se renseigner au sujet des organismes de bienfaisance, et qu’ils avaient vérifié que ces organismes étaient enregistrés.

 

[14]        Après avoir examiné l’ensemble de la preuve présentée, je conclus que ni James ni Oneil ne sont des témoins crédibles. Il est difficile de croire, à mon avis, que l’un ou l’autre ait été dans une situation financière lui permettant de faire les dons qu’ils ont déduits. Par exemple, le don de 23 039 $ que James Grossett prétend avoir fait en 2002 aurait été égal à presque la moitié de son revenu total de 50 702 $. Pour Oneil, un père seul qui venait de commencer un travail en 2002, le don de 10 200 $ qu’il prétend avoir fait aurait été égal à environ un quart de son revenu total de 45 808 $. La même tendance peut être observée dans les autres années d’imposition en question. Même si une partie de tels dons avait été faite en nature, je ne vois toujours pas comment la situation financière des appelants pouvait leur permettre de faire les dons en argent ou les dons de biens qu’ils affirment avoir faits. En outre, des dons aussi importants auraient été totalement incompatibles avec les habitudes des appelants en matière de dons. Entre 1988 et 2010, James Grossett n’a demandé aucun crédit d’impôt pour don de bienfaisance autre que ceux en question. Il n’y avait aucun document concernant les années antérieures à 1988. La seule autre déduction pour don de bienfaisance demandée par Oneil depuis qu’il avait commencé à produire des déclarations de revenus en 1994 était de 25 $ pour 2001.

 

[15]        En outre, les explications des deux appelants quant à la manière dont les prétendus dons avaient été faits n’étaient pas plausibles. Malgré les gros montants en cause, les appelants ont tous les deux déclaré qu’une partie importante des dons avait été faite en espèces. Le reste consisterait en des dons d’articles ménagers d’occasion.

 

[16]        James Grossett a déclaré qu’il avait fait plusieurs dons en espèces dans chacune des années en cause, mais qu’il n’avait obtenu un reçu qu’à la fin de chaque année pour le montant total des dons. Il m’est difficile de croire qu’il aurait simplement donné des milliers de dollars en espèces à M. Danso‑Dapaah, à plusieurs reprises, sans lui demander de documents ou de reçus.

 

[17]        Oneil Grossett a déclaré qu’il retirait de l’argent de son compte bancaire à différents moments de l’année et qu’il le conservait à la maison. Il a affirmé qu’après avoir reçu son feuillet T4, il mettait l’argent dans une enveloppe, avec tous ses autres documents fiscaux, pour que son père les remette à M. Danso‑Dapaah. Il ne me semble pas logique qu’il retire de l’argent à divers moments de l’année et qu’il le conserve à la maison jusqu’à ce qu’il soit remis à M. Danso‑Dapaah, plutôt que de le laisser à la banque et d’émettre un seul chèque à l’ordre de l’organisme de bienfaisance.

 

[18]        En outre, il n’y a pas de concordance entre le moment où les prétendus dons auraient été faits et celui où les reçus ont été délivrés, étant donné qu’Oneil a déclaré qu’il avait remis les dons à son père après avoir reçu son feuillet T4 pour l’année civile précédente. Les reçus qu’il avait, pourtant, portaient tous soit une date de l’année civile en question soit la date du dernier jour de l’année.

 

[19]        Oneil et James Grossett ont tous les deux soutenu que les membres de leur collectivité effectuaient leurs opérations au comptant, mais il semblait également que les deux avaient des comptes bancaires qu’ils utilisaient. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne pouvaient lier les prétendus dons en espèces à de quelconques retraits précis de leurs comptes ou à une tout autre source de fonds.

 

[20]        Une autre difficulté posée par le témoignage des appelants consiste dans le fait qu’aucun d’eux n’était capable de donner autre chose qu’une description vague des biens qu’ils prétendent avoir donné, et ni l’un ni l’autre n’avaient de document écrit concernant ces biens.

 

[21]        En résumé, les documents saisis par l’ARC lors des enquêtes menées à l’égard des activités de M. Danso‑Dapaah, de M. Kungu et de M. Gudu montrent que les appelants ont tous les deux participé au stratagème de faux reçus pour don de bienfaisance. Compte tenu de l’absence totale de toute preuve crédible selon laquelle ils ont, en réalité, fait les dons en cause, je suis convaincu qu’ils ont acheté les reçus pour don de bienfaisance utilisés pour demander les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance à l’égard des années visées par l’appel.

 

[22]        Les montants payés pour les reçus ne seraient pas admissibles à titre de dons, étant donné qu’« un don est le transfert volontaire du bien d’un donateur à un donataire, en échange duquel le donateur ne reçoit pas d’avantage ni de contrepartie » (propos du juge Linden dans l’arrêt Her Majesty the Queen v. Albert D. Friedberg, 92 DTC 6031 à la page 6032). En l’espèce, les appelants ont acheté les reçus pour obtenir une réduction de leurs impôts, et ils n’avaient aucune intention de faire un don à quelque organisme de bienfaisance que ce soit.

 

[23]        Après avoir conclu que les appelants ont tous les deux acheté sciemment de faux reçus pour don de bienfaisance qui ont été utilisés pour demander des crédits d’impôt auxquels ils n’avaient pas droit, il est évident que les appelants ont tous les deux fait une présentation erronée des faits dans leurs déclarations de revenus pour 2002 et 2003 (ainsi que dans celles des autres années en question). Par conséquent, c’est à juste titre que le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard des appelants pour leurs années d’imposition 2002 et 2003 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[24]         Compte tenu des conclusions énoncées ci‑dessus, il n’est pas nécessaire que je me penche sur l’argument subsidiaire soulevé par l’intimée concernant le caractère suffisant des reçus pour dons.

 

[25]        Les appels interjetés par James Grossett sont rejetés. Les appels interjetés par Oneil Grossett sont accueillis en partie, compte tenu du fait que des frais de garde d’enfants de 3 600 $, de 2 100 $, de 4 000 $ et de 4 000 $ doivent lui être accordés dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7jour de juin 2012.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20jour de juillet 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 179

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2008-1720(IT)I, 2009-705(IT)I

 

INTITULÉ :                                      James O. Grossett

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                          Oneil Grossett

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 7 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

 

Les appelants eux‑mêmes

 

Avocate de l’intimée :

MErin Strashin

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

      

             Nom :                                  

 

             Cabinet :                             

                                                         

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                   Ottawa, Canada

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