Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2011-67(IT)G

ENTRE :

BLACKBURN RADIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 6 mars 2012 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Daniel Sandler

Me Sharona Ishmael

 

Avocates de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Serena Sial

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000 et 2005, dont les avis sont datés des 19 et 21 juillet 2010, est accueilli et les nouvelles cotisations sont annulées. L’appelante a droit à ses dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour de juillet 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de décembre 2012.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 255

Date : 20 120 716

Dossier : 2011-67(IT)G

ENTRE :

BLACKBURN RADIO INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]             Il faut rechercher en l’espèce si les nouvelles cotisations établies à l’égard de Blackburn Radio Inc. pour les années d’imposition 2000 et 2005 ont été dûment établies à titre de nouvelles cotisations corrélatives en vertu du paragraphe 152(4.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]             Le paragraphe 152(4.3) de la Loi autorise le ministre à établir une nouvelle cotisation corrélative après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Il joue généralement dans les cas où le montant de l’impôt à payer pour une année d’imposition donnée sera touché par une modification visant une année d’imposition antérieure. Concrètement, le ministre dispose d’un an pour établir une nouvelle cotisation conforme pour une année d’imposition subséquente.

 

[3]             Cette disposition est reproduite ci-dessous.

 

152(4.3) Cotisation corrélative – Malgré les paragraphes (4), (4.1) et (5), lorsqu’une cotisation ou une décision d’appel a pour effet de modifier un solde donné applicable à un contribuable pour une année d’imposition donnée, le ministre peut ou, si le contribuable en fait la demande par écrit, doit, avant le dernier en date du jour d’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour une année d’imposition subséquente et de la fin du jour qui tombe un an après l’extinction ou la détermination de tous les droits d’opposition ou d’appel relatifs à l’année donnée, établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt, des intérêts ou des pénalités payables, ou déterminer de nouveau un montant réputé avoir été payé, ou payé en trop, en vertu de la présente partie par le contribuable pour l’année subséquente, mais seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que la nouvelle cotisation ou la détermination se rapporte à la modification du solde donné applicable au contribuable pour l’année donnée.

 

[4]              L’intimée soutient que les nouvelles cotisations peuvent être établies pour les années d’imposition 2000 et 2005 de Blackburn en vertu du paragraphe 152(4.3) en raison d’une modification découlant d’une nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 1999. Les nouvelles cotisations corrélatives pour les années d’imposition 2000 et 2005 ont été établies pendant l’année qui a suivi l’établissement de la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999.

 

[5]             Selon les observations formulées par Blackburn, la date de la nouvelle cotisation applicable pour l’année d’imposition 1999 ne peut servir de point de départ du compte à rebours de l’année consécutive, car cette nouvelle cotisation vise une année frappée de prescription et est nulle. Subsidiairement, Blackburn soutient que la nouvelle cotisation établie pour 1999 n’a pas modifié un solde donné, comme l’exige le paragraphe 152(4.3).  

 

I.  Les faits

 

[6]             Les faits exposés ci-dessous reposent principalement sur un exposé conjoint des faits.

 

A.  Historique des cotisations pour 1999

 

[7]             Le ministre a envoyé un avis de cotisation initial à Blackburn pour l’année d’imposition 1999 en date du 24 mars 2000. Cette cotisation a fixé à zéro l’impôt de la partie I de la Loi.

 

[8]             Quatre nouvelles cotisations subséquentes ont été établies pour l’année d’imposition 1999. Les deux premiers avis de nouvelle cotisation ont été envoyés en date du 16 mars 2001 et du 8 avril 2002 (la « première nouvelle cotisation pour 1999 » et la « deuxième nouvelle cotisation pour 1999 »). Chacune de ces cotisations a aussi fixé à zéro l’impôt de la Partie I de la Loi.

 

[9]             Le troisième avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999 a été envoyé en date du 13 avril 2004 (la « troisième nouvelle cotisation pour 1999 »). Dans cet avis, la déduction que réclamait Blackburn pour une prime incitative à long terme de 7 681 517 $ a été refusée et l’impôt de la Partie I de la Loi a été fixé à 2 125 564 $.

 

[10]        Blackburn a déposé un avis d’opposition à la troisième nouvelle cotisation pour 1999, puis a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[11]        Dans un jugement modifié daté du 17 mars 2009, la Cour canadienne de l’impôt a accueilli l’appel et a annulé la troisième nouvelle cotisation pour 1999 (2009 CCI 155, 2009 DTC 1099). La décision de la juge V. Miller était fondée sur le fait que la nouvelle cotisation visait une année frappée de prescription; elle a rejeté la thèse du ministre selon laquelle le délai avait été prolongé en raison d’une disposition portant sur les liens de dépendance, à savoir le sous-alinéa 152(4)b)(iii). Le ministre n’a pas interjeté appel de la décision, et le délai pour ce faire a expiré le 16 avril 2009.

 

[12]        Afin de tenir compte de la décision de la Cour, le ministre a de nouveau établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999, par voie d’un avis daté du 7 août 2009 (la « quatrième nouvelle cotisation pour 1999 »). Cette cotisation reflétait la deuxième nouvelle cotisation pour 1999 et autorisait la déduction de la prime incitative à long terme. Aucun avis d’opposition n’a été déposé relativement à la quatrième nouvelle cotisation pour 1999.

 

[13]        Pendant les débats, les avocates de l’intimée ont avisé la Cour que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 était une nouvelle cotisation dite néant, c’est‑à‑dire qu’il n’y avait aucun montant exigible au chapitre de l’impôt, des intérêts ou des pénalités.

 

[14]        Peu après l’établissement de la quatrième nouvelle cotisation pour 1999, le ministre a versé un remboursement de l’impôt que Blackburn avait payé après s’être vu refuser la déduction de la prime.

 

B.  Historique de cotisation pour 2000

 

[15]        Un avis de cotisation a initialement été émis en date du 17 avril 2001 pour l’année d’imposition 2000.

 

[16]        Le ministre a établi trois nouvelles cotisations pour cette année-là. Le premier avis était daté du 8 avril 2002 (la « première nouvelle cotisation pour 2000 »).

 

[17]        Le deuxième avis de nouvelle cotisation a été envoyé en date du 13 avril 2004, à titre de nouvelle cotisation corrélative, après le refus de la déduction de la prime pour l’année d’imposition 1999 (la « deuxième nouvelle cotisation pour 2000 »). Cette nouvelle cotisation visait à réduire les gains en capital découlant de l’aliénation d’actions de Blackburn Marketing Services (US) Inc. Cela était jugé nécessaire compte tenu au refus de la déduction de la prime pour l’année d’imposition 1999. Le montant d’impôt exigible pour l’année d’imposition 2000 a été établi à zéro.

 

[18]        Le troisième avis de nouvelle cotisation a été envoyé en date du 19 juillet 2010, à titre de nouvelle cotisation corrélative en raison de l’autorisation de la déduction de la prime pour l’année d’imposition 1999 (la « troisième nouvelle cotisation pour 2000 »). Les gains en capital réduits par la nouvelle cotisation précédente ont été rajoutés dans la nouvelle cotisation. L’impôt a été établi à 710 373 $.

 

C.  Historique des cotisations pour 2005

 

[19]        Le ministre a établi une cotisation initiale pour l’année d’imposition 2005 en envoyant un avis daté du 5 avril 2006. Dans cette cotisation, des crédits de surtaxe étaient accordés en vertu du paragraphe 181.1(4) de la Loi.

 

[20]        Une seule nouvelle cotisation a été établie pour l’année 2005, au moyen d’un avis daté du 21 juillet 2010 (la « nouvelle cotisation pour 2005 »). Cette nouvelle cotisation a été établie pour refléter la déduction de la prime accordée pour l’année d’imposition 1999 et la hausse des gains en capital pour l’année d’imposition 2000. Dans cette nouvelle cotisation, des crédits de surtaxe d’un montant de 73 976 $ ont été supprimés.

 

II.  Analyse

 

A.  Introduction

 

[21]        La Cour est appelée à rechercher si la troisième nouvelle cotisation pour 2000 et la nouvelle cotisation pour 2005 (ensemble, les « nouvelles cotisations corrélatives ») respectent les exigences énoncées au paragraphe 152(4.3) de la Loi. Dans la négative, elles sont prescrites aux termes du paragraphe 152(4).

 

[22]        À titre d’observation préliminaire, je constate qu’il n’est pas controversé entre les parties que les nouvelles cotisations corrélatives sont corrélatives au sens où elles sont conformes à une année d’imposition antérieure. Il est admis que tel est le cas.

 

[23]        Une question clé dans la présente affaire est de savoir si le délai pour établir de nouvelles cotisations corrélatives énoncé au paragraphe 152(4.3) a commencé à s’écouler au moment de l’établissement de la quatrième nouvelle cotisation pour 1999. Blackburn soutient que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 n’est pas valide et qu’elle ne peut donc allonger le délai dont disposait le ministre pour établir de nouvelles cotisations corrélatives. Par conséquent, bien que les nouvelles cotisations corrélatives pour les années d’imposition 2000 et 2005 soient en cause, l’analyse porte principalement sur la validité d’une nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 1999.

 

[24]        Blackburn soutient que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 vise une année frappée d’une prescription et est donc nulle. L’intimée soutient que cette nouvelle cotisation ne vise pas une année frappée de prescription, et que, même si c’était le cas, la nouvelle cotisation est valide puisqu’aucun avis d’opposition n’a été présenté à son égard.

 

[25]        Subsidiairement, Blackburn soutient que, même si la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est valide, elle ne peut servir de fondement aux nouvelles cotisations établies en vertu du paragraphe 152(4.3), car la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 n’a pas modifié un solde, comme l’exige la disposition.

 

[26]        L’analyse présentée ci-dessous est subdivisée selon les rubriques suivantes :

 

B. Commentaire préliminaire au sujet des cotisations dites néant

C. La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 vise‑t‑elle une année frappée de prescription?

D. Si elle vise une année frappée de prescription, la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est-elle nulle?

E. La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 a-t-elle modifié un solde?

 

B.  Observation préliminaire au sujet des cotisations dites néant

 

[27]        D’emblée, je tiens à préciser que les faits de l’espèce soulèvent une question qui n’a pas été invoquée par l’une ou l’autre des parties. Il s’agit de la question de savoir si une cotisation communément appelée néant constitue en fait une cotisation.

 

[28]        Ainsi je l’ai déjà souligné, les avocates de l’intimée, pendant les débats, ont reconnu que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 était une nouvelle cotisation communément appelée néant, au sens où il n’y avait aucun montant exigible au chapitre de l’impôt, des intérêts ou des pénalités. Les deux parties estiment que cela n’est pas pertinent à l’appel puisqu’une cotisation néant constitue quand même une cotisation aux fins de la Loi.

 

[29]        Cette thèse se heurte à une observation faite dans un arrêt de la Cour d’appel fédérale. Voici ce que le juge Noël a ait dans la décision La Reine c Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, 2007 DTC 5342 :

 

[17]      Néanmoins, l’expression « cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable » (ou cotisation « néant ») est souvent employée dans la jurisprudence pour désigner une cotisation dont on ne peut faire appel. Il existe deux raisons pour lesquelles ce type de cotisation ne peut faire l’objet d’un appel. Premièrement, l’appel doit viser une cotisation et la cotisation aux termes de laquelle aucun impôt n’est payable n’est pas une cotisation (voir l’arrêt Okalta Oils Limited c. MNR, 55 DTC 1176 (CSC), à la page 1178 : [traduction] « Aux termes de ces dispositions, il n’y a pas de cotisation si aucun impôt n’a été réclamé »). Deuxièmement, il n’existe aucun droit d’en appeler d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable puisque [traduction] « [t]oute opposition autre que celle qui se rapporte au montant réclamé [au titre des impôts] est dépourvue de l’objet dont découle le droit d’appel […] » (Okalta Oils, précité, à la page 1178).

[Non souligné dans l’original.]

 

[30]        En l’espèce, les avocats des deux parties soutiennent que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 constitue une cotisation aux fins du paragraphe 152(4.3) même s’il s’agit d’une cotisation néant. Si ce n’en est pas une, ainsi que l’enseigne l’arrêt Interior Savings, je ne vois pas comment la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 pourrait servir de point de départ pour établir de nouvelles cotisations corrélatives.

 

[31]        Si cette question avait influencé ma conclusion, j’aurais invité les parties à présenter de plus amples observations sur ce point. Il s’avère que tel n’a pas été le cas. Aux seules fins de l’analyse, j’ai tenu pour acquis qu’une cotisation néant est une cotisation.

 

C.  La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 vise‑t‑elle une année frappée de prescription?

 

[32]        Blackburn soutient que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 n’est pas valide puisque le ministre n’avait pas le pouvoir légal de l’établir. La nouvelle cotisation a été établie à la suite d’une décision rendue par la Cour, dans laquelle la troisième nouvelle cotisation pour 1999 a été annulée. La Cour n’a pas renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen. La thèse de Blackburn s’appuie sur la jurisprudence La Reine c Canadian Marconi Company, [1992] 1 CF 655, 91 DTC 5626.

 

[33]        Les observations de l’intimée sur ce point sont abordées ci‑après.

 

(1)  Le ministre détient-il le pouvoir intrinsèque d’établir une nouvelle cotisation?

 

[34]        L’intimée fait valoir que le pouvoir d’établir la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 se rattache forcément à la Loi, en raison du pouvoir de la Cour canadienne de l’impôt d’annuler les nouvelles cotisations. Ce pouvoir de la Cour découle du paragraphe 171(1) de la Loi :

 

*           171(1) Règlement d’un appel – La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel :

*        

*   a) en le rejetant;

*    

*   b) en l’admettant et en :

*    

*  (i) annulant la cotisation,

*   

*  (ii) modifiant la cotisation,

*   

*  (iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

[35]        Pour l’essentiel, la thèse de l’intimée est que le ministre dispose obligatoirement du pouvoir d’établir la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 parce qu’il était nécessaire de le faire à la suite du jugement de V. Miller qui a annulé la nouvelle cotisation précédente.

 

[36]        L’intimée fonde sa thèse sur la décision rendue par le juge Thorson dans l’affaire Pure Spring Company Limited c MNR, [1946] R. C. de l’Éch. 471, 2 DTC 844.

 

[37]        Pure Spring est une jurisprudence fondamentale en ce qui a trait à la nature des cotisations. Toutefois, c’est un autre aspect de cette affaire qui est pertinent en l’espèce. L’intimée soutient que la décision Pure Spring enseigne qu’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt ne peut déterminer l’impôt à payer, et que seul le ministre peut établir l’impôt à payer, au moyen d’un avis de cotisation.

 

[38]        L’intimée soutient donc qu’après l’annulation de la troisième nouvelle cotisation pour 1999 par le jugement de la Cour de l’impôt, le ministre était tenu d’établir une nouvelle cotisation de l’impôt à payer. En l’espèce, le montant d’impôt à payer a été fixé à zéro.

 

[39]        L’intimée se fonde sur l’extrait suivant tiré de la décision Pure Spring, à la p. 859 :

 

[Traduction]

   

[…] Il est donc inexact de décrire la mesure prise par la Cour, en procédant au renvoi de l’affaire au ministre au motif qu’il n’a pas appliqué les principes juridiques adéquats, comme une entrave à son pouvoir discrétionnaire, puisque ce n’est pas le cas; la mesure fait suite à la conclusion de la Cour selon laquelle, en appliquant les principes juridiques inappropriés, le ministre n’a en fait pas du tout exercé son pouvoir discrétionnaire. La Cour ne peut pas aller plus loin. Elle ne peut elle-même exercer le pouvoir discrétionnaire, seul le ministre le peut. Il reste encore une troisième situation. Lorsqu’il n’est pas démontré que des principes juridiques appropriés ont été appliqués ou qu’ils ne l’ont pas été, il semble alors être clair, selon la jurisprudence, que la Cour n’a aucun motif d’intervenir. À mon avis, la Cour peut seulement intervenir lorsqu’il est démontré que le ministre n’a pas appliqué les principes juridiques appropriés et, même dans de tels cas, son intervention se limite à renvoyer l’affaire à celui-ci en vertu du paragraphe 65(2) : la Cour n’a aucun autre pouvoir.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[40]        Il m’est impossible de souscrire à l’interprétation de la jurisprudence Pure Spring défendue par l’intimée. L’extrait cité ci‑dessus n’est pertinent que dans des circonstances où un pouvoir discrétionnaire a été conféré au ministre par la loi. C’était le cas dans l’affaire Pure Spring, où la disposition pertinente de la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu était ainsi libellée :

 

6(2) Le ministre est autorisé à rejeter toute dépense qu’il peut discrétionnairement déterminer comme excédant ce qui est raisonnable ou normal en ce qui concerne l’entreprise du contribuable, ou faite relativement à une opération ou affaire qui, à son avis, a indûment ou artificiellement réduit le revenu.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[41]        Il est nécessaire de mettre en contexte l’extrait de la décision Pure Spring sur lequel se fonde l’intimée. Celui-ci ne peut jouer que si la disposition fiscale applicable confère un pouvoir discrétionnaire au ministre.

 

[42]        L’intimée ne soutien pas qu’une disposition discrétionnaire était en jeu dans la décision de la Cour d’annuler la troisième nouvelle cotisation pour 1999. Par conséquent, je suis d’avis que le passage précité de la décision Pure Spring n’est pas pertinent en l’espèce.

 

[43]        Il me semble que le libellé précis du paragraphe 171(1) de la Loi permet d’établir clairement la compétence de la Cour canadienne de l’impôt pour déterminer l’impôt à payer. Selon cette disposition, si l’appel est accueilli, la Cour peut annuler la cotisation, la modifier ou déférer la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation. Si la cotisation est annulée ou modifiée, le paragraphe 171(1) ne prévoit pas qu’une nouvelle cotisation soit ensuite établie.

 

(2)  Une nouvelle cotisation est-elle nécessaire pour que soit fait un remboursement?

 

[44]        L’intimée fait aussi valoir que le ministre détenait le pouvoir obligatoirement d’établir la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 puisque celle-ci était nécessaire pour que soit fait un remboursement à Blackburn.

 

[45]        À mon avis, il n’était pas nécessaire d’établir une autre nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999 pour faire un remboursement. Le ministre était tenu d’effectuer le remboursement en application du paragraphe 164(4.1) de la Loi.

 

[46]        Le jugement par lequel la Cour a annulé la troisième nouvelle cotisation pour 1999 a eu pour effet de rendre valide la deuxième nouvelle cotisation pour 1999 et d’établir à zéro l’impôt de Blackburn : Lornport Investments Ltd. c La Reine, [1992] 2 CF 293, 92 DTC 6231. Un remboursement doit être versé dans de telles circonstances. Le paragraphe 164(4.1) de la Loi est ainsi rédigé :

 

164(4.1) Obligation du ministreLorsque la Cour canadienne de l’impôt, la Cour d’appel fédérale ou la Cour suprême du Canada, en se prononçant sur un appel concernant des impôts, intérêts ou pénalités payables par un contribuable résidant au Canada en vertu de la présente loi, ordonne :

 

*   a) soit le renvoi d’une cotisation au ministre pour réexamen et pour établissement d’une nouvelle cotisation;

*    

*     b) soit la modification ou l’annulation d’une cotisation,

*      

le ministre, avec diligence, qu’un appel de la décision de la cour ait été ou puisse être interjeté ou non :

 

*   c) d’une part, réexamine la cotisation et en établit une nouvelle conformément à la décision de la cour, sauf instruction écrite contraire du contribuable, dans le cas du renvoi d’une cotisation au ministre;

*    

*   d) d’autre part, rembourse tout paiement en trop qui découle de la modification ou de l’annulation d’une cotisation, ou de l’établissement d’une nouvelle cotisation;

*    

de plus, le ministre peut rembourser tout impôt, tout intérêt ou toute pénalité ou remettre toute garantie qu’il a acceptée, pour ceux-ci, à ce contribuable ou à un autre contribuable qui a fait opposition ou interjeté appel, s’il est convaincu, compte tenu des motifs exposés dans le prononcé sur l’appel, qu’il serait juste et équitable de faire ce remboursement ou cette remise; il est entendu toutefois que le ministre peut en appeler de la décision de la cour conformément aux dispositions de la présente loi, de la Loi sur la Cour canadienne de limpôt, de la Loi sur les Cours fédérales ou de la Loi sur la Cour suprême relatives à l’appel d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt ou de la Cour d’appel fédérale, malgré la modification ou l’annulation de la cotisation par la cour ou l’établissement d’une nouvelle cotisation par le ministre en vertu de l’alinéa c).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[47]        Je rejette la thèse de l’intimée portant qu’il fallait établir une nouvelle cotisation pour autoriser le remboursement.

 

[48]        L’intimée fait valoir que d’autres dispositions de la Loi prévoient qu’une nouvelle cotisation est établie après qu’une cotisation eut été annulée. Elle a mentionné les paragraphes 165(1.1) et 169(2) de la Loi.

 

*       165(1.1) Restriction – Malgré le paragraphe (1), dans le cas où, à un moment donné, le ministre établit une cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou détermine un montant à l’égard d’un contribuable :

*    

*   a) soit en application des paragraphes 67.5(2) ou 152(1.8), du sous-alinéa 152(4)b)(i) ou des paragraphes 152(4.3) ou (6), 161.1(7), 164(4.1), 220(3.4) ou 245(8) ou en conformité avec l’ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

*    

*   b) soit en application du paragraphe (3), à la suite d’un avis d’opposition relatif à une cotisation établie ou un montant déterminé en application des dispositions visées à l’alinéa a) ou dans les circonstances qui y sont indiquées;

*    

*   c) soit en application d’une disposition d’une loi fédérale exigeant l’établissement d’une cotisation qui, sans cette disposition, ne serait pas établie en vertu des paragraphes 152(4) à (5),

*    

le contribuable peut faire opposition à la cotisation ou au montant déterminé dans les 90 jours suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation ou de l’avis portant qu’un montant a été déterminé, mais seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que les motifs d’opposition sont liés à l’une des questions ci-après que le tribunal n’a pas tranchée définitivement :

*    

*   d) dans le cas où la cotisation a été établie ou le montant, déterminé en application du paragraphe 152(1.8), une question précisée aux alinéas 152(1.8)a), b) ou c);

*    

*   e) dans les autres cas, une question qui a donné lieu à la cotisation ou au montant déterminé.

 

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter le droit du contribuable de s’opposer à quelque cotisation établie ou montant déterminé avant le moment donné.

 

*       169(2) Restriction Malgré le paragraphe (1), dans le cas où, à un moment donné, le ministre établit une cotisation concernant l’impôt, les intérêts, les pénalités ou d’autres montants payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou détermine un montant à l’égard d’un contribuable :

*    

*   a) soit en application des paragraphes 67.5(2) ou 152(1.8), du sous-alinéa 152(4)b)(i) ou des paragraphes 152(4.3) ou (6), 164(4.1), 220(3.4) ou 245(8) ou en conformité avec l’ordonnance d’un tribunal qui annule, modifie ou rétablit la cotisation ou la renvoie au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation;

*    

*   b) soit en application du paragraphe 165(3), à la suite d’un avis d’opposition relatif à une cotisation établie ou un montant déterminé en application des dispositions visées à l’alinéa a) ou dans les circonstances qui y sont indiquées;

*    

*   c) soit en application d’une disposition d’une loi fédérale exigeant l’établissement d’une cotisation qui, sans cette disposition, ne serait pas établie en vertu des paragraphes 152(4) à (5),

 

le contribuable peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt dans le délai précisé au paragraphe (1) seulement dans la mesure où il est raisonnable de considérer que les motifs d’appel sont liés à l’une des questions suivantes que la Cour n’a pas tranchée définitivement :

*    

*   d) dans le cas où la cotisation a été établie ou le montant, déterminé en application du paragraphe 152(1.8), une question précisée aux alinéas 152(1.8)a), b) ou c);

*    

*   e) dans les autres cas, une question qui a donné lieu à la cotisation ou au montant déterminé.

 

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter le droit du contribuable d’en appeler de quelque cotisation établie ou montant déterminé avant le moment donné.

 

[49]        Je rejette cet argument. Les dispositions citées ci-dessus ont pour objet de restreindre le droit du contribuable de faire opposition ou d’interjeter appel. Elles ne confèrent pas expressément au ministre le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation à la suite de l’annulation d’une nouvelle cotisation antérieure.

 

[50]        L’intimée soutient que ces dispositions ont implicitement cet effet.

 

[51]        Si la thèse de l’intimée était retenue, le ministre serait alors en mesure d’établir de nouvelles cotisations au-delà de la période générale de nouvelle cotisation énoncée au paragraphe 152(4). À mon avis, il faudrait un libellé précis pour que cela soit possible. Les paragraphes 165(1.1) et 169(2) ne répondent pas à cette exigence.

 

[52]        En outre, les paragraphes 165(1.1) et 169(2) ont tout leur sens  sans qu’il soit nécessaire de tirer les conclusions que suggère l’intimée. Des cotisations sont parfois permises après qu’une cotisation a été annulée par la Cour. Le paragraphe 152(4.3) est une disposition de ce genre, et il y est expressément fait renvoi dans ces dispositions. Il n’est pas nécessaire de déduire que le ministre a toujours le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation après qu’une cotisation a été annulée.

 

[53]        Par conséquent, je rejette l’idée que le ministre pouvait établir la quatrième nouvelle cotisation pour 1999. Cette nouvelle cotisation visait une année frappée de prescription en application du paragraphe 152(4).

 

D. La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est-elle nulle ou susceptible d’être annulée?

 

[54]        L’intimée soutient que, même si la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 était frappée de prescription, elle demeure néanmoins valide puisque Blackburn ne s’y est pas opposé. Sa thèse porte qu’une nouvelle cotisation frappée de prescription n’est pas nulle, mais seulement susceptible d’être annulée. La nouvelle cotisation est valide sauf s’il a été établi qu’elle était frappée de prescription dans le cadre du processus d’opposition et d’appel. L’intimée a invoqué deux arguments à l’appui de cette thèse.

 

(1)  La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est-elle valide en application du paragraphe 152(8)?

 

[55]        L’intimée invoque le paragraphe 152(8) à l’appui de sa thèse portant qu’une cotisation frappée de prescription demeure valide jusqu’à ce qu’elle ait été contestée avec succès. En voici le texte :

 

152(8) Présomption de validité de la cotisation Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

 

[56]        Ce même argument fut rejeté par la Cour d’appel fédérale par l’arrêt Lornport[1]. Dans cette affaire, elle devrait rechercher si une nouvelle cotisation frappée de prescription viciait une cotisation antérieure de sorte que le contribuable n’avait pas d’obligation fiscale en vertu de la cotisation établie précédemment. La Cour a conclu que la cotisation établie plus tôt existait toujours.

 

[57]        Dans les motifs exposés dans l’arrêt Lornport, le juge Stone s’est penché sur l’argument selon lequel, vu le paragraphe 152(8), est valide la nouvelle cotisation frappée de prescription jusqu’à ce qu’elle soit annulée par une ordonnance judiciaire. Voici, à la page 6233, en quels termes il rejette cet argument :

 

[…] J’estime qu’il [le paragraphe 152(8)] ne régit pas le cas où la cotisation est délivrée tardivement, mais plutôt celui où la cotisation, délivrée dans les délais, ou toute procédure s’y rattachant en vertu de la Loi, contient « [une] erreur, [un] vice de forme ou [une] omission ».

[58]        Cette observation tirée de l’arrêt Lornport est concluante. Le paragraphe 152(8) ne rend pas valide la nouvelle cotisation frappée de prescription.

 

(2)  La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est-elle valide du fait qu’il n’y a eu aucune opposition?

 

[59]        Par ailleurs, l’intimée soutient que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est valide puisqu’elle n’a fait l’objet d’aucune opposition.

 

[60]        Cet argument a été rejeté par la Cour d’appel fédérale par l’arrêt Canadian Marconi, précité. Dans cette affaire, il fallait rechercher si le ministre pouvait établir une nouvelle cotisation en dehors du délai, avec le consentement du contribuable. La Cour a retenu la thèse de la Couronne portant que le ministre ne détenait pas ce pouvoir.

 

[61]        Dans ses motifs, le juge Mahoney a examiné la question de savoir si un contribuable doit s’opposer à une nouvelle cotisation frappée de prescription. Il a conclu que ce n’était pas nécessaire à moins que le ministre n’allègue une fraude ou une présentation erronée des faits, dans quel cas une opposition s’avérerait nécessaire. Les extraits pertinents sont reproduits ci-dessous :

 

[6]        L’argument veut que, malgré le délai, le ministre peut, à une date quelconque, établir une nouvelle cotisation à l’égard de tout contribuable et à l’égard de toute année d’imposition. Le contribuable peut ensuite choisir de renoncer au délai en ne l’invoquant pas en défense. Voilà comment la renonciation s’inscrit dans le processus et, si le ministre avait le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation, il n’y aurait aucune raison, à mon avis, qui empêcherait un contribuable de renoncer au délai en s’abstenant d’exercer un droit personnel de s’opposer à une nouvelle cotisation. Puisque le ministre peut établir une nouvelle cotisation à l’égard de n’importe quelle année d’imposition à une date quelconque, il s’ensuit que tout contribuable, au gré du ministre, risque d’avoir à invoquer, dans les délais, d’abord par avis d’opposition, puis, si le ministre ne revient pas sur sa décision, en interjetant appel à la Cour de l’impôt pour invoquer le bénéfice du délai, et doit être prêt à contester l’affaire jusqu’à la dernière instance d’appel devant laquelle le ministre pourra choisir de faire valoir la nouvelle cotisation, avec permission ou de plein droit.

 

[…]

 

[8]        La décision qui fait jurisprudence en la matière est celle du juge Cameron dans l’affaire Minister of National Revenue v. Taylor, 61 DTC 1138 [sic, 1139] à 1139 (C. de l’Éch.) qui a affirmé ce qui suit :

 

[traduction] [...] dans tout appel à la Commission d’appel de l’impôt ou à cette Cour relatif à une nouvelle cotisation établie après l’expiration du délai prévu dans la loi et fondée sur la fraude ou une présentation erronée des faits, il incombe au ministre de convaincre d’abord la Cour que le contribuable [...] a « fait une présentation erronée des faits ou a commis quelque fraude [...] » à moins que le contribuable, dans ses plaidoiries [...] ou à l’audience, n’ait avoué avoir agi de la sorte. Du fait qu’il établit une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu dans la loi, il faut tenir pour acquis que le ministre allègue quelque présentation erronée des faits ou quelque fraude, si bien qu’il est tenu de la prouver.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

En l’absence d’une renonciation prévue au sous-alinéa 152(4)a)(ii), une nouvelle cotisation hors délai comprend implicitement une allégation de présentation erronée des faits.

 

[9]        Lorsque le ministre allègue, expressément ou implicitement, une présentation erronée des faits ou de la fraude, le fait d’obliger un contribuable à s’opposer à une nouvelle cotisation hors délai n’a rien d’odieux. En toute déférence, il en va tout autrement lorsqu’il n’y a pas eu d’allégation de fraude ou de présentation erronée des faits. Cette distinction de traitement est fondée sur des principes évidents relatifs à la politique.

 [Non souligné dans l’original.]

 

[62]        Il est clair, vu les extraits ci-dessus, qu’il n’est pas nécessaire de s’opposer à une nouvelle cotisation hors délai, à moins que le ministre n’ait allégué la fraude ou une présentation erronée des faits[2]. À mon avis, la jurisprudence Canadian Marconi enseigne très clairement qu’une nouvelle cotisation hors délai est nulle en l’absence d’allégation de fraude ou de présentation erronée des faits. Nulle allégation de ce genre n’est faite en l’espèce.

 

[63]        Avant de terminer sur cette question, j’aimerais faire une observation : j’ai eu de la difficulté à concilier l’enseignement de Canadian Marconi et une opinion incidente exposée dans Lornport. L’affaire Lornport a été instruite peu après que la décision eut été rendue relativement à Canadian Marconi. Les extraits pertinents, tirés de l’arrêt Lornport, sont reproduits ci-dessous.

 

[5]   […] En l’espèce, la question essentielle est de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur en statuant en fait que la deuxième nouvelle cotisation n’a pas remplacé ni annulé la première nouvelle cotisation, ce qui, en conséquence, pourrait obliger l’appelante à payer l’impôt établi en vertu de cette première nouvelle cotisation. Dans une plaidoirie détaillée et habile, l’avocat de l’appelante a soutenu que, compte tenu du cadre législatif (soit l’article 152 qui confère le pouvoir de cotiser, l’article 165, le paragraphe 171(1) et l’article 177 qui, conjointement, accordent au contribuable le droit de s’opposer à une cotisation, d’en appeler, et d’obtenir qu’il soit statué sur une opposition et un appel), la deuxième nouvelle cotisation était opérante en droit à partir de la date de sa délivrance et elle était réputée valide jusqu’à ce qu’elle soit finalement annulée par l’ordonnance de la Cour rendue le 20 avril 1989. En conséquence, selon l’avocat de l’appelante, puisque la deuxième nouvelle cotisation n’était pas une nouvelle cotisation supplémentaire, elle a remplacé et annulé la première nouvelle cotisation.

 

[…]

 

[8]     L’avocat de l’appelante soutient également que malgré la délivrance tardive de la deuxième nouvelle cotisation sa validité subsiste grâce au paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi libellé:

 

152(8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être apportées ou d’annulation qui peut être prononcée lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

 

Il soutient que la deuxième nouvelle cotisation existait et continuait d’exister jusqu’à ce qu’elle soit finalement annulée par l’ordonnance rendue par la Cour le 20 avril 1989. Bien que, comme je l’ai mentionné précédemment, le cadre législatif appuie la prétention de l’appelante que la deuxième nouvelle cotisation existait jusqu’à son annulation, à mon avis, le paragraphe 152(8) a l’effet contraire. J’estime qu’il ne régit pas le cas où la cotisation est délivrée tardivement, mais plutôt celui où la cotisation, délivrée dans les délais, ou toute procédure s’y rattachant en vertu de la Loi, contient « [une] erreur, [un] vice de forme ou [une] omission ».

 

[9]     J’en viens à la conclusion, dans les circonstances particulières de l’espèce, que la deuxième nouvelle cotisation, annulée par l’ordonnance de la Cour rendue le 20 avril 1989, n’a pas remplacé ni annulé la première nouvelle cotisation. Il me semble que, par son ordonnance, la Cour a reconnu judiciairement que la deuxième nouvelle cotisation, délivrée en dehors des délais prescrits par la Loi, n’a par conséquent pas été délivrée légalement. Pour ce motif, elle n’a pas remplacé ni annulé la première nouvelle cotisation. À mon avis, celle-ci continue d’exister.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[64]        La question est de savoir ce que signifie l’observation suivante au paragraphe 8 de l’arrêt Lornport : « […] le cadre législatif appuie la prétention de l’appelante que la deuxième nouvelle cotisation existait jusqu’à son annulation […] ».

 

[65]        Cette observation peut donner à penser que la Cour estimait qu’une cotisation frappée de prescription est valide si elle n’a fait l’objet d’aucune opposition. Si tel est le cas, cela est en contradiction directe avec l’observation faite ci-dessus dans l’arrêt Canadian Marconi, et il n’a pas été fait allusion à cette affaire dans l’arrêt Lornport. Pour ajouter au mystère, je relève que le juge qui a rédigé les motifs dans l’arrêt Lornport faisait également partie de la formation qui avait rendu la décision dans l’affaire Canadian Marconi quelques mois plus tôt.

 

[66]        Je conclus donc que l’opinion incidente exposée dans l’arrêt Lornport n’a pas répudié l’observation faite dans l’arrêt Canadian Marconi. Je conclus que la Cour doit retenir l’observation énoncée dans Canadian Marconi.

 

[67]        L’avocate de l’intimée, qui est également intervenue dans l’affaire Canadian Marconi, soutient que c’est attacher trop d’importance à la jurisprudence Canadian Marconi, car la seule question posée dans cette affaire était de savoir si le ministre détenait le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation hors délai avec le consentement du contribuable.

 

[68]        Je rejette cette idée. L’observation formulée dans l’arrêt Canadian Marconi n’était pas une simple remarque incidente; elle constituait une partie essentielle du raisonnement en l’espèce.

 

[69]        En dernier lieu, j’aimerais signaler que les faits de l’espèce illustrent la préoccupation exprimée dans l’arrêt Canadian Marconi. Pourquoi le ministre serait-il autorisé à prolonger le délai pour établir de nouvelles cotisations corrélatives en vertu du paragraphe 152(4.3) en établissant une nouvelle cotisation hors délai? Comme il est mentionné dans l’arrêt Canadian Marconi, des considérations de politique à suivre indiquent que le ministre ne doit pas pouvoir agir de la sorte.

 

E.  La quatrième nouvelle cotisation pour 1999 modifie-t-elle un solde?

 

[70]        Les avocats de Blackburn font valoir, subsidiairement, que même si la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 est valide, elle n’amorce pas le compte à rebours aux fins de l’application du paragraphe 152(4.3), car cette nouvelle cotisation n’a pas modifié un solde ainsi que l’exige la disposition.

 

[71]        Le sens de « solde » est défini au paragraphe 152(4.4) de la Loi :

 

152(4.4) Sens de solde – Pour l’application du paragraphe (4.3), le solde applicable à un contribuable pour une année d’imposition correspond au revenu, au revenu imposable gagné au Canada ou à une perte du contribuable pour l’année, à l’impôt ou autre montant payable par lui pour l’année, à un montant qui lui est remboursable pour l’année ou à un montant réputé avoir été payé, ou payé en trop, par lui pour l’année.

 

[72]        Je retiens l’argument subsidiaire défendu par Blackburn. À mon avis, un solde a été modifié en raison du jugement modifié qui a annulé la troisième nouvelle cotisation pour 1999. Dans le cadre du jugement modifié, la troisième nouvelle cotisation pour 1999 a été déclarée invalide; l’impôt de la partie I est ainsi passé de 2 125 564 $ à néant.

 

[73]        Pour cette raison, je conclus que la quatrième nouvelle cotisation pour 1999 n’a pas modifié un solde.

 

[74]        Avant de conclure la présente partie, j’aimerais souligner que cet argument n’a pas été soulevé par l’appelante dans l’avis d’appel et que l’intimée en ignorait l’existence jusqu’à l’exposé introductif de l’appelante. Les avocats de l’appelante m’ont informée que l’argument ne leur était venu à l’esprit que tout récemment. J’ai exprimé une réserve quant à l’équité d’avoir soulevé cet argument si tardivement. Si l’intimée avait demandé un délai pour présenter de plus amples observations, je le lui aurais très certainement accordé. 

 

III.  Conclusion

 

[75]        Par conséquent, l’appel est accueilli, et les nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2000 et 2005 au moyen d’avis datés des 19 et 21 juillet 2010, respectivement, sont annulées.

 

[76]        Des dépens sont adjugés à l’appelante conformément au tarif applicable.

 

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour de juillet 2012.

 

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de décembre 2012.

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 

 

 

 

 

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 255

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-67(IT)G

 

INTITULÉ :                                      BLACKBURN RADIO INC. c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 16 juillet 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Daniel Sandler

Me Sharona Ishmael

 

Avocates de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Serena Sial

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                                Nom :               Daniel Sandler

 

                            Cabinet :               Couzin Taylor LLP

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

 



[1] La même question a aussi été examinée dans la décision rendue plus tôt dans l’affaire Canadian Marconi, susmentionnée. Les motifs invoqués en conclusion par la Cour relativement à cette question ne sont plus pertinents en raison d’une modification apportée au paragraphe 152(4) de la Loi, disposition sur laquelle la Cour avait fondé son raisonnement.

[2] Il peut y avoir d’autres exceptions, mais il n’est pas nécessaire de les examiner ici. Un exemple qui me vient à l’esprit est la troisième nouvelle cotisation pour 1999 établie pour Blackburn. La validité de cette nouvelle cotisation reposait sur la détermination d’un lien de dépendance. 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.