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Dossiers : 2012-1360(EI)

2012-1359(CPP)

ENTRE :

HIRE ROLLER INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

GREG WOLSKI,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

Appels entendus le 13 novembre 2012 à Toronto (Ontario).

 Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. James T. Marley

Avocate de l’intimé :

Pour l’intervenant :

Me Cherylyn Dickson

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

         

Les appels interjetés à l’égard des décisions prises par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada selon lesquelles Greg Wolski était employé par l’appelante et occupait un emploi assurable et ouvrant droit à pension, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 13 janvier 2011, sont rejetés. Les décisions du ministre sont confirmées conformément aux motifs de jugement ci-joints.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de février 2013.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

Référence : 2013 CCI 10

Date : 20130116

Dossiers : 2012-1360(EI)

2012-1359(CPP)

ENTRE :

 

HIRE ROLLER INC.,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé,

et

 

 

GREG WOLSKI,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

Introduction

 

[1]             Il s’agit d’appels à l’encontre des déterminations du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon lesquelles Greg Wolski (le « travailleur ») était un employé de Hire Roller Inc. (l’« appelante ») pendant la période du 1er janvier 2010 au 13 janvier 2011 (la « période ») aux fins de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et aux fins du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). 

 

[2]             L’appelante a demandé la révision de ces déterminations, lesquelles ont été confirmées. Le travailleur a comparu en tant qu’intervenant pour soutenir les déterminations du ministre.

 

[3]             L’appelante a fait valoir qu’elle a présenté des éléments de preuve suffisants pour permettre à la Cour de conclure que le travailleur consentait à être considéré comme un entrepreneur indépendant lorsqu’il travaillait pour l’appelante. Selon cette dernière, le fait même que le travailleur ait accepté des chèques de la part de l’appelante, sans que toutes les retenues à la source prévue par la loi ne soient effectuées, prouve que le travailleur approuvait la manière dont l’appelante avait qualifié la nature de leur relation.

 

[4]             Je ne suis pas d’accord avec l’appelante pour dire que les témoignages démontrent que le travailleur acceptait le statut d’entrepreneur indépendant que lui avait conféré l’appelante. M. Wolski a témoigné ne pas avoir compris ce que l’appelante voulait signifier lorsqu’elle a déclaré qu’il devait être traité en tant que travailleur indépendant. Il a expliqué que, dans le cadre de ses postes précédents, il avait toujours eu le statut d’employé. En ce qui concerne le travail en cause, les modalités quotidiennes dont M. Wolski avait convenu avec l’appelante étaient semblables aux arrangements qui étaient en vigueur dans les postes que M. Wolski occupait antérieurement. En outre, M. Wolski a refusé de signer un accord écrit que l’appelante avait rédigé dans le but de confirmer que le travailleur était un chauffeur sous contrat.

 

[5]             Quoi qu’il en soit, la question n’est pas de savoir si le travailleur acceptait ou non la manière dont l’appelante définissait leur relation. Il est bien établi que la description que des parties font de la relation qui les unit n’est pas en soi déterminante. Dans l’arrêt TBT Personnel Services c. Canada, 2011 CAF 256, la Cour d’appel fédérale met en garde sur le fait qu’il faut néanmoins appliquer les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door[1]pour déterminer la nature réelle de la relation entre les parties. Les employeurs ne peuvent se dérober aux obligations prévues par la LAE et le RPC en se contentant d’informer de nouveaux travailleurs qu’ils seront traités comme des entrepreneurs indépendants. En effet, si l’arrangement entre les parties ne coïncide pas dans la pratique avec l’existence d’une relation faisant intervenir un entrepreneur indépendant, l’appellation utilisée pour décrire la relation ne sera pas prise en compte.

 

[6]             À la lumière des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, peut-on déduire des témoignages, comme l’appelante le déclare, que le travailleur opérait à son compte lorsqu’il a fourni ses services?

 

Le contrôle

 

[7]             Le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes en ce qui concerne le facteur du contrôle :

 

[traduction]

u)         la veille d’une course à effectuer, l’appelante communiquait avec le travailleur, par téléphone, pour l’informer des courses disponibles qu’il pouvait accepter ou refuser d’accomplir;

 

v)         le temps de début et de fin des courses était fixé soit par l’appelante, soit par les clients, soit par l’appelante et les clients à la fois;

 

w)                les clients de l’appelante décidaient si une course durerait plus longtemps que prévu et il était entendu que le travailleur se conformerait à leur demande;

 

x)                  l’appelante décidait si le travailleur devait effectuer des courses supplémentaires dans l’intervalle entre ses courses principales;

 

y)                  Ken VanGeest et Patrick Wasiack supervisaient le travailleur;

 

z)                  l’appelante exigeait que le travailleur assiste aux réunions d’équipe;

 

aa)              le travailleur devait suivre les règles, les règlements et les directives imposés par l’appelante;

 

bb)              le travailleur devait obtenir l’approbation de l’appelante avant de pouvoir accomplir certaines actions, telles que mettre fin à une course avec un client en raison de problèmes de comportement;

 

cc)               le travailleur était tenu de compléter des feuilles de route;

 

dd)             le travailleur pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires dans les cas suivants :

 

(i)                 si le travailleur ne suivait pas les lignes directrices établies par la société, le nombre de courses serait réduit;

(ii)               si les renseignements fournis par le travailleur sur sa demande d’emploi ou lors de l’entrevue d’embauche étaient faux ou trompeurs, le travailleur pourrait être congédié;

 

ee)               le travailleur n’était pas autorisé par l’appelante à percevoir des sommes en espèces dans le cadre de ses services;

 

ff)                le travailleur devait avertir l’appelante en cas d’absence;

 

gg)        le travailleur devait porter un costume et une cravate.

 

[8]             J’ai trouvé que le travailleur était un témoin crédible. Son témoignage a confirmé que les hypothèses de fait du ministre sont exactes pour ce qui est du facteur de contrôle.

 

[9]             Le témoin de l’appelante ne m’a pas convaincu du fait que le travailleur n’était pas soumis à la direction et au contrôle de l’appelante. Ce facteur fait ressortir une relation employeur‑employé.

 

La propriété des instruments de travail et de l’outillage

 

[10]        La preuve établit que l’appelante fournissait au travailleur les véhicules, des feuilles de route, un GPS, des cartes, des stylos, une planchette à pince, un passe‑partout, etc. Ces éléments étaient nécessaires pour que le travailleur puisse opérer et étaient fournis par l’appelante au travailleur sans aucuns frais. L’appelante assumait tous les coûts de fonctionnement des véhicules et avait la responsabilité de leur entretien. Ce facteur fait aussi ressortir une relation employeur‑employé.

 

Les chances de bénéfice et les risques de perte

 

[11]        Le travailleur était rémunéré pour conduire les véhicules de l’appelante, soit 10 $ de l’heure au volant d’une berline limousine et 13 $ de l’heure au volant d’autres véhicules.

 

[12]        Les témoignages montrent que les clients faisaient affaire directement avec l’appelante. Cette dernière décidait des courses à effectuer et versait au travailleur un salaire horaire. Le travailleur recevait des pourboires comme c’est souvent la pratique dans ce secteur d’activité. Cependant, les sommes d’argent ainsi gagnées ne sont pas suffisantes pour constituer une occasion de profits réelle. Les serveurs et les serveuses perçoivent des pourboires en échange de bons services fournis, mais ils demeurent employés de l’établissement où ils travaillent.

 

[13]        Les témoignages montrent que le travailleur fournissait ses services en personne. Il n’a pas engagé de suppléants ni de remplaçants. Même si le témoin de l’appelante a affirmé que le travailleur pouvait le faire, dans la réalité, il ne le pouvait pas. Les témoins de l’appelante reconnaissent que le recours à tout chauffeur suppléant aurait dû être approuvé au préalable par l’appelante. Le travailleur ne gagnait pas suffisamment d’argent pour se permettre d’engager des chauffeurs suppléants ou des aides.

 

[14]        Les témoins de l’appelante ont affirmé que le travailleur était libre de refuser du travail et qu’il pouvait travailler pour d’autres. Le travailleur a nié cette affirmation. Les témoignages montrent en effet qu’il était en disponibilité sept jours par semaine et qu’il aurait perdu sa place dans l’ordre de priorité s’il ne s’arrangeait pas pour être disponible. Les témoins de l’appelante ne m’ont pas convaincu du fait que le travailleur pouvait modifier son horaire de travail comme bon lui semblait. L’appelante décidait de l’emploi du temps du travailleur en lui attribuant des courses. J’accepte le témoignage du travailleur selon lequel ce dernier, parce qu’il craignait de ne plus être appelé s’il refusait le travail qu’on lui attribuait, se sentait obligé d’accepter le travail à l’échelle du Canada qui lui était offert.

 

[15]        À la lumière de la preuve et en vertu des facteurs énoncés par l’arrêt Wiebe Door, je conclus que le travailleur était un employé de l’appelante tout au long de la période en cause.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 2013.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de février 2013.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 10

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :        2012-1360(EI), 2012-1359(CPP)

 

INTITULÉ :                                      Hire Roller Inc. c. Le ministre du Revenu national et Greg Wolski

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 16 janvier 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. James T. Marley

Avocate de l’intimée :

Me Cherylyn Dickson

Pour l’intervenant :                 L’intervenant lui‑même

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

       Pour l’intervenant :

 

                          Nom :

                          Cabinet :

 



[1] Wiebe Door Services ltd. c. M.R.N, [1986] 3 C.F.553, [1986] 2 C.T.C. 200.

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