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Dossier : 2012-1675(IT)I

ENTRE :

WEN ZHANG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 22 novembre 2012, à Nanaimo (Colombie‑Britannique).

 

Par : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocat de l’intimée :

Me Zachary Froese

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 est rejeté.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 18e jour de janvier 2013.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2013.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 19

Date : 20130118

Dossier : 2012-1675(IT)I

ENTRE :

WEN ZHANG,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]             Wen Zhang interjette appel à l’encontre de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), dans lesquelles le revenu de M. Zhang a été calculé au moyen de ce que l’on a appelé la méthode de l’« utilisation des fonds ». L’utilisation de cette méthode a amené le ministre à supposer que les dépenses personnelles de M. Zhang étaient financées à l’aide de revenus non déclarés dans la mesure où les dépenses étaient supérieures aux fonds provenant d’autres sources connues. M. Zhang soutient que les montants qui ont fait l’objet de cotisations étaient des emprunts et non des revenus non déclarés.

 

[2]             Les cotisations concernent les années d’imposition 2006, 2007 et 2008. Il y a deux questions à trancher : (1) Les montants qui ont fait l’objet de cotisations sont‑ils des emprunts ou des revenus? (2) La cotisation établie pour l’année d’imposition 2006 est‑elle prescrite?

 

Les faits

 

[3]             M. Zhang a suivi une formation d’ingénieur en Chine et s’est établi au Canada en 2001. Il habite actuellement à Nanaimo, en Colombie‑Britannique, avec sa femme et ses trois enfants. Il travaille comme chauffeur de taxi.

 

[4]             Durant la période pertinente, M. Zhang a gagné des revenus en tant qu’expert‑conseil pour avoir fourni de l’aide à une entreprise exploitée par son frère et sa soeur qui sont en Chine. En l’espèce, la question en litige porte sur le montant que M. Zhang a tiré de cette activité.

 

[5]             M. Zhang a témoigné que, lorsque son frère et sa sœur ont perdu leur travail en Chine, il leur a suggéré de lancer une entreprise de vente de minéraux de cristal sur eBay (l’« entreprise eBay »). Apparemment, le frère et la sœur de M. Zhang vivaient dans une région où ils pouvaient trouver ces minéraux.

 

[6]             M. Zhang a déclaré que son frère et sa sœur avaient hésité à lancer l’entreprise, étant donné qu’ils ne parlaient pas anglais et qu’ils n’avaient aucune connaissance d’Internet. M. Zhang leur a donc offert son aide et, apparemment, ils l’ont acceptée. Il leur a appris comment réaliser des ventes sur eBay et a ouvert des comptes eBay et PayPal pour eux. M. Zhang a également accepté de s’occuper des clients parlant anglais, étant donné que la plus grande partie des clients se trouvaient aux États‑Unis.

 

[7]             Selon son témoignage, M. Zhang ne voulait pas recevoir de rémunération pour l’aide qu’il apportait à son frère et à sa sœur. Toutefois, ces derniers voulaient que M. Zhang touche une commission, qui a été au départ fixée à 5 pour 100 (exception faite des coûts d’expédition) et qui a été par la suite ramenée à 3 pour 100 (y compris les frais d’expédition) afin de simplifier les calculs.

 

[8]             M. Zhang a affirmé que l’entreprise eBay connaissait beaucoup de succès. En conséquence, le frère et la sœur ont accepté de l’aider financièrement après la fin de ses études, étant donné qu’il ne bénéficierait plus de prêts étudiants. Il a déclaré qu’il n’avait pas de trace du montant réel emprunté, mais qu’il était d’environ 70 000 $. Il a également précisé que le frère et la sœur avaient fait le suivi du montant qu’il avait emprunté, étant donné qu’il les avisait lorsqu’il retirait de l’argent des comptes. Il a ajouté que le frère et la sœur aidaient aussi d’autres membres de la famille et qu’ils étaient motivés à consentir les prêts en partie parce qu’ils voulaient garder de l’argent au Canada pour diverses raisons personnelles.

 

[9]             Les revenus annuels de l’entreprise eBay étaient d’environ 1 000 000 $ durant la période en question.

 

[10]        Dans ses déclarations de revenus des particuliers, M. Zhang a déclaré les revenus suivants provenant de cette entreprise : 23 768 $, 36 974 $ et 28 828 $ pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008, respectivement.

 

[11]        L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a pris connaissance du fait que M. Zhang avait des comptes eBay, et elle a communiqué avec lui pour obtenir des renseignements supplémentaires. Lors du premier entretien téléphonique, M. Zhang a nié avoir des comptes eBay ou PayPal, mais il a reconnu l’existence de ces comptes dans un entretien ultérieur. Après un complément d’enquête, l’ARC a établi que M. Zhang avait une quarantaine de comptes bancaires associés à l’entreprise eBay, dans lesquels des sommes importantes étaient déposées.

 

[12]        L’ARC n’a reçu aucun document d’entreprise pour lui permettre de valider le revenu déclaré. En conséquence, le revenu a été calculé selon la méthode de l’« utilisation des fonds ». Le point de départ a été le calcul des dépenses personnelles réelles de M. Zhang. Ces montants ont alors été réduits en fonction des fonds provenant de sources connues, et l’on a supposé que le solde représentait des revenus non déclarés provenant de l’entreprise d’expert‑conseil.

 

[13]        Des cotisations ont été établies en tenant compte du fait que M. Zhang avait omis de déclarer un revenu supplémentaire provenant de l’entreprise d’expert‑conseil correspondant aux montants suivants : 25 737 $, 20 425 $ et 23 304 $ pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008, respectivement.

 

[14]        M. Zhang ne conteste pas le fait qu’il a reçu ces montants en faisant des retraits des comptes bancaires dans lesquels il y avait les revenus provenant de l’entreprise eBay. Toutefois, il soutient que ces montants étaient des prêts consentis par son frère et sa sœur et qu’ils n’étaient pas des revenus.

 

[15]        Aucune somme d’argent n’a été remboursée à ce jour. M. Zhang a avancé qu’il serait difficile de rembourser l’argent maintenant, parce que le revenu qu’il tire de son emploi de chauffeur de taxi est très faible. Il a déclaré qu’il espérait plus tard trouver un travail mieux rémunéré, compte tenu des qualifications qu’il avait obtenues en Chine à titre d’ingénieur civil et du fait qu’il avait suivi une formation en informatique au Canada.

 

L’analyse

 

[16]        La première question est de savoir si les montants qui ont fait l’objet de cotisations sont des revenus ou des emprunts.

 

[17]        Une des principales difficultés à laquelle je suis confrontée à l’égard de la position de M. Zhang est que celle‑ci dépend en grande partie du témoignage intéressé de M. Zhang lui‑même. Aucun document d’entreprise n’a été fourni relativement à l’entreprise eBay ou à l’entreprise d’expert‑conseil de M. Zhang, ni aucun document justificatif contemporain concernant les commissions ou les emprunts.

 

[18]        L’absence de documents n’est pas nécessairement fatale à l’appel de M. Zhang, mais, dans une pareille situation, le témoignage de M. Zhang concernant les circonstances pertinentes doit être détaillé, franc et convaincant. J’ai conclu que tel n’était pas le cas.

 

[19]        Premièrement, le témoignage de M. Zhang n’était pas détaillé quant à l’aide qu’il avait apportée à l’entreprise eBay. Par exemple, dans l’avis d’appel, M. Zhang a déclaré qu’il avait appris à son frère et à sa sœur comment faire des ventes sur eBay, et qu’il avait ouvert des comptes eBay et PayPal pour eux. Toutefois, il a été révélé lors du contre‑interrogatoire que M. Zhang avait ouvert de nombreux comptes bancaires pour l’entreprise et qu’il en gérait les fonds. Cela laisse penser que M. Zhang participait peut‑être activement aux activités quotidiennes de l’entreprise et qu’il a peut‑être gagné bien plus que la modeste commission qu’il a incluse dans ses déclarations de revenus.

 

[20]        Deuxièmement, le rapprochement entre la commission que M. Zhang dit avoir touchée et les montants qu’il a inclus dans ses déclarations de revenus n’était pas évident. M. Zhang a fourni certaines explications, mais celles‑ci semblaient soulever plus de questions qu’elles n’apportaient de réponses. Par exemple, M. Zhang a fourni a posteriori un calcul de la commission, mais celle-ci ne correspond pas aux montants inclus dans les déclarations de revenus. En outre, le calcul de M. Zhang n’équivaut pas à 3 pour 100. Selon le calcul, 97 pour 100 des fonds ont été transférés au frère et à la sœur et 3 pour 100 ont été répartis entre la commission et les frais de virement télégraphique en Chine des 97 pour 100. Les chiffres fournis ne concordaient vraiment pas.

 

[21]        M. Zhang a expliqué que, dans deux de ses déclarations de revenus, il a déclaré un montant supérieur au revenu qu’il avait gagné afin de convaincre les autorités de l’immigration canadienne du fait qu’elles devraient délivrer un visa à ses beaux‑parents. Il semble étrange que le fait d’inclure quelques milliers de dollars de plus dans le revenu puisse faciliter l’obtention d’un visa.

 

[22]        En outre, si M. Zhang devait de l’argent à sa sœur et à son frère, je trouve invraisemblable le fait qu’il n’ait pas conservé de documents concernant ces montants.

 

[23]        En l’espèce, l’absence de documents justificatifs contemporains est un problème important, parce qu’il n’y a rien sur quoi s’appuyer pour corroborer le témoignage intéressé de M. Zhang lui‑même. Les contribuables sont tenus de conserver des documents suffisants pour que leurs revenus puissent être validés.

 

[24]        Enfin, je tiens à souligner que le fait que M. Zhang ait reconnu avoir induit l’ARC en erreur en disant qu’il n’avait pas de compte eBay ou de compte PayPal n’est d’aucun secours pour lui. M. Zhang a également témoigné avoir déclaré plus qu’il n’avait gagné dans le but d’induire en erreur les autorités de l’immigration. Même si j’accepte les explications de M. Zhang concernant ses fausses déclarations, cela ne m’encourage pas à conclure que le témoignage qu’il a présenté à l’audience est crédible.

 

[25]        Au vu de la preuve dans son ensemble, je conclus que les montants ayant fait l’objet de cotisations étaient des revenus et non des emprunts.

 

[26]        La deuxième question concerne la cotisation établie pour l’année d’imposition 2006, cotisation qui a été établie après la période normale de nouvelle cotisation. La Couronne soutient que la cotisation a été établie à juste titre en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, parce que le fait de déclarer des montants inférieurs au revenu gagné était une omission volontaire.

 

[27]        Il incombe à la Couronne d’établir que le défaut de déclarer le revenu était imputable à l’inattention, à la négligence ou à une omission volontaire. La Couronne s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait en établissant que M. Zhang avait retiré de l’entreprise eBay un montant supérieur aux revenus qu’il avait déclarés, et qu’il avait tenté de cacher à l’ARC cette source de revenus. Des arguments crédibles ont été présentés quant au fait que M. Zhang avait sciemment déclaré des montants inférieurs au revenu gagné, et M. Zhang n’a pas réussi à fournir de preuve crédible pour réfuter ces arguments. Je conclus que la cotisation établie pour l’année d’imposition 2006 n’est pas prescrite.

 

[28]        L’appel est rejeté.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 18e jour de janvier 2013.

 

 

 

« J. M. Woods »

La juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mars 2013.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 19

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1675(IT)I

                                                         

INTITULÉ :                                      WEN ZHANG c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Nanaimo (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 janvier 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

MZachary Froese

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

      

            Nom :                                    s/o

 

            Cabinet :                              

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

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