Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2015-4796(GST)G

ENTRE :

9118-5322 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 23 janvier 2018, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Claude Germain

Pour l’intimée :

Me David Roulx

Arnaud Prud’Homme (stagiaire en droit)

 

JUGEMENT MODIFIÉ

L’appel interjeté de la nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 12 septembre 2014 et porte sur certaines périodes de déclaration comprises entre le 1er aout 2010 et le 28 février 2013, est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 23e jour de janvier 2019.

Ce jugement modifié avec motifs du jugement est émis en remplacement du jugement avec motifs du jugement daté du 18 mai 2018. À noter que seules la page du jugement et la page des avocats ont été modifiées pour corriger une erreur au niveau des comparutions.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


Référence : 2018 CCI 96

Date : 20180518

Dossier : 2015-4796(GST)G

ENTRE :

9118-5322 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[1]  La société 9118-5322 Québec inc. (l’« appelante ») fait appel d’une cotisation dont l’avis est daté du 12 septembre 2014, établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (LRC (1985), ch. E‑15, telle que modifiée) (la « LTA ») par l’Agence du revenu du Québec (l’« ARQ ») intervenant au nom de la ministre du Revenu national (la « ministre ») pour certaines des périodes de déclaration de l’appelante incluses entre le 1er aout 2010 et le 28 février 2013 (les « périodes visées »). Aux termes de l’avis de cotisation, divers rajustements ont été effectués et divers montants ont été cotisés. Toutefois, le présent appel ne concerne que les rajustements apportés par la ministre au calcul de la taxe nette de l’appelante en vertu desquels une déduction au montant de 92 767,91 $ relative aux divers remboursements de la taxe sur les produits et services (« TPS ») pour habitations neuves (« RHN ») crédités par l’appelante à ses clients a été refusée. Les RHN ainsi crédités concernent vingt-six transactions de vente immobilière effectuées par l’appelante en faveur de ses clients s’échelonnant entre les mois de septembre 2010 et mai 2012 (les « Ventes Immobilières »).

II. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[2]  Les dispositions pertinentes de la LTA se trouvent à l’annexe des présents motifs.

[3]  Toutes les références à un article de loi dans les présents motifs se rapportent à la LTA, sauf indication contraire.

III. FAITS

[4]  L’appelante a été constituée en juin 2002 et compte de 3 à 10 employés; son entreprise consiste principalement en la construction d’immeubles résidentiels.

[5]  Monsieur Marc Lacombe, président et unique actionnaire de l’appelante, de même que monsieur Daniel Guillemette, cpa, l’expert-comptable de l’appelante depuis sa constitution, ont témoigné à l’audience, de même que monsieur Christopher Gagnon, vérificateur en impôt des sociétés pour l’ARQ. À l’époque de la vérification de l’appelante, monsieur Gagnon était vérificateur technique en TPS et en taxe de vente du Québec (« TVQ ») à l’ARQ. Il a expliqué à la Cour avoir entamé la vérification de l’appelante en février 2014; la vérification couvrait la période du mois d’aout 2010 au mois de février 2013.

[6]  Monsieur Lacombe a témoigné qu’il s’occupe de toute l’entreprise de l’appelante mais ne fait que la comptabilité manuelle. Monsieur Gaston Quirion, teneur de livres, fait la comptabilité de l’appelante une fois par mois. La comptabilité annuelle de l’appelante est effectuée par monsieur Daniel Guillemette. Plus particulièrement, le mandat de monsieur Guillemette consistait à préparer les missions d’examen ou les avis aux lecteurs et de préparer les déclarations fiscales de l’appelante.

[7]  Au cours de son témoignage, monsieur Lacombe a expliqué la manière dont l’appelante a procédé dans le cadre des Ventes Immobilières. Ainsi, lorsqu’une personne était intéressée à acheter une maison, cette personne et l’appelante signaient un contrat d’achat préliminaire (pièce A-1). Sur ce contrat, un montant à titre de crédit en TPS (équivalent à 36% du montant de TPS applicable sur le prix d’achat de l’immeuble) était déduit du montant total de TPS payable par l’acheteur sur le prix d’achat.

[8]  Après signature du contrat d’achat préliminaire et suite à l’obtention du financement, l’appelante procédait à la construction de la maison. Suite à la construction et l’inspection finale, un contrat notarié était signé par l’appelante et l’acheteur (pièce A-2). Le notaire était chargé des ajustements et de gérer les déboursés.

[9]  Les contrats d’achat notariés contenaient tous une clause à l’effet que les conditions prévues par la LTA pour l’obtention du RHN étaient remplies. À titre d’exemple :

L’acheteur déclare et reconnaît ce qui suit :

[…]

  • - Aux fins de la ristourne de T.P.S. et de T.V.Q., l’acheteur déclare et assure être résident canadien, s’engage à être le premier occupant de l’immeuble décrit ci-dessus ou à y loger à titre de premier occupant un ou des proches au sens de la Loi sur la taxe d’accise concernant la taxe sur les produits et services, ledit immeuble devant servir de résidence habituelle; s’il fait défaut de remplir l’une des conditions et qu’il perd le droit à la ristourne, il s’engage à rembourser le vendeur du crédit que ce dernier lui aura accordé;

[…]

[10]  Monsieur Lacombe a expliqué qu’en mai 2014, il a reçu un projet de cotisation en TPS et en TVQ. Monsieur Lacombe a alors immédiatement rencontré messieurs Quirion et Guillemette pour en discuter. C’est à ce moment que monsieur Quirion a expliqué à monsieur Lacombe qu’il manquait un formulaire en TPS, soit le formulaire FP‑2190.C, relativement aux Ventes Immobilières. Monsieur Lacombe a expliqué à la Cour qu’il n’avait jamais vu ce formulaire auparavant. Monsieur Lacombe a donné mandat à monsieur Guillemette de régler les questions soulevées par le projet de cotisation.

[11]  Suite à cette rencontre, monsieur Lacombe s’est empressé de compléter les formulaires FP-2190.C et de faire signer les acheteurs relativement aux Ventes Immobilières. Les formulaires ont tous été signés en date contemporaine, soit en juin 2014. Il manque toutefois environ la signature de 2 à 3 acheteurs que monsieur Lacombe n’a pas réussi à joindre. Monsieur Guillemette a ainsi transmis à l’ARQ les formulaires FP-2190.C par lettre datée du 19 juin 2014.

[12]  Également, monsieur Lacombe a témoigné qu’un des acheteurs, monsieur Rémi Bélliveau, a reçu une demande de l’ARQ lui enjoignant de lui fournir certains renseignements et documents relativement à l’achat effectué auprès de l’appelante (pièce A-4). Le représentant de l’ARQ lui aurait alors fait parvenir un courriel daté du 1er décembre 2015 indiquant que le dossier « a été classé conforme » (pièce A-5). Monsieur Lacombe a ainsi conclu que le dossier de monsieur Bélliveau était correct et que ce dernier avait reçu un remboursement adéquat. Monsieur Lacombe a témoigné qu’il ignorait si d’autres acheteurs avaient reçu une communication semblable de la part de l’ARQ.

[13]  Monsieur Gagnon a témoigné que, par lettre datée du 12 février 2014, il a demandé copie de certains documents, incluant une copie des comptes de taxes (TPS/TVH et TVQ) du grand livre de l’appelante; par la suite, par lettre datée du 25 avril 2014, monsieur Gagnon a demandé une copie des formulaires de demande de remboursement accordé par le constructeur pour une nouvelle habitation, qui devaient lui être transmis au plus tard le 8 mai 2014, soit copies des formulaires FP-2190.C. Il a expliqué à la Cour avoir donné un bref délai puisque les formulaires auraient déjà dû être en possession de l’appelante. Monsieur Gagnon a finalement reçu copies des formulaires en date du 20 juin 2014, après avoir consenti à la prorogation des délais pour l’envoi des formulaires. Les formulaires reçus sont tous datés de juin 2014.

[14]  Il a expliqué à la Cour avoir refusé la déduction à l’égard des Ventes Immobilières puisque les formulaires FP-2190.C n’avaient pas été fournis dans un délai de 2 ans suivant la date de transfert des immeubles. Monsieur Gagnon a confirmé que le calcul des montants de RHN était correct et que les acheteurs étaient admissibles aux RHN, si l’on ne tenait pas compte des formulaires FP‑2190.C manquants.

IV. QUESTION EN LITIGE

[15]  Il s’agit de déterminer si l’appelante avait droit à une déduction d’un montant de 92 767,91 $ dans le calcul de sa taxe nette en vertu du paragraphe 234(1) pour les périodes visées, représentant les RHN réclamés dans le cadre des Ventes Immobilières.

V. THÈSES DES PARTIES

1.  Selon l’appelante :

[16]  L’appelante est d’avis que, puisque les acheteurs étaient admissibles aux RHN et que les calculs des crédits accordés par l’appelante aux acheteurs étaient conformes à la LTA, il serait déraisonnable et contraire à l’esprit de la LTA de refuser la déduction dans le calcul de sa taxe nette en raison du défaut d’avoir fait remplir aux acheteurs les formulaires exigés par la ministre.

[17]  L’appelante soutient que les demandes de RHN lui ont été dûment faites par ses clients dans les délais prescrits puisque tous les renseignements exigés par le formulaire FP-2190.C se retrouvaient dans les documents contractuels relatifs aux Ventes Immobilières. En outre, l’appelante soutient que, de toute façon, elle n’est pas assujettie au délai de deux ans prescrit par la LTA, puisque seuls les acheteurs réclamant le RHN doivent le respecter, et non pas les constructeurs accordant un crédit à cet égard aux acheteurs.

[18]  Selon l’appelante, c’est au moment où le constructeur accorde un crédit pour le RHN à l’acheteur en vertu du paragraphe 254(4) que le délai de 2 ans dans lequel l’acheteur doit présenter le formulaire au constructeur commence alors à courir (alinéa 254(4)c)), et qu’en conséquence, le constructeur ne peut jamais savoir lorsqu’il accorde un tel crédit si l’acheteur lui soumettra le formulaire dans le délai prescrit.

[19]  En effet, l’appelante soutient que ce délai est incompatible avec le paragraphe 254(6), car l’application de cette dernière disposition s’apprécie au moment où le constructeur octroie le crédit et ce, contrairement au paragraphe 254(4). Ainsi, l’appelante soutient que lorsqu’elle a octroyé le crédit, sa responsabilité ne pouvait être engagée qu’en vertu du paragraphe 254(6). Toutefois, selon l’appelante, le paragraphe 254(6) n’est pas applicable en l’espèce, l’appelante ayant fait preuve de diligence raisonnable.

[20]  L’appelante soutient également qu’un agent de l’ARQ, par son courriel indiquant que le dossier de monsieur Bélliveau était conforme, a procédé à une remise tacite de la dette, de sorte que tous les acheteurs et l’appelante, en vertu de la responsabilité solidaire, soient libérés de la dette fiscale totale au montant de 92 767,91 $.

[21]  L’appelante a convenu toutefois que les conditions prévues par l’alinéa 254(5)a) n’ont pas été remplies en l’espèce, bien qu’elle soutienne que ce ne soit pas fatal à sa cause.

2.  Selon l’intimée :

[22]  Selon l’intimée, la ministre était fondée de refuser la déduction au montant de 92 767,91 $ dans le calcul de la taxe nette de l’appelante en vertu du paragraphe 234(1) et représentant les RHN réclamés dans le cadre des Ventes Immobilières, puisque les conditions prévues par les alinéas 254(4)c) et 254(5)a) n’étaient pas remplies : les acheteurs n’ont pas complété et remis à l’appelante dans la forme et les délais prescrits par la LTA les formulaires visés par ces dispositions législatives, soit le formulaire FP-2190.C (Remboursement de taxes accordé par le constructeur pour une nouvelle habitation) et l’appelante n’a pas joint ces formulaires à ses déclarations de taxe qu’elle doit produire en application de la section V de la LTA pour les périodes de déclaration au cours desquelles elle a crédité les montants de RHN à ses clients.

[23]  L’intimée convient que les autres conditions prévues par le paragraphe 254(2) ne sont pas en cause dans le présent appel.

[24]  En l’espèce, puisque les formulaires ont été remplis et reçus en juin 2014, et sont tous signés en juin 2014, le délai de deux ans prévu par l’alinéa 254(4)c) étant de rigueur, les RHN ne peuvent être accordés. L’intimée s’appuie notamment sur la jurisprudence 494743 BC Ltd c La Reine, 2007 CCI 27 [494743 BC Ltd], pour soutenir que ce délai de deux ans est de rigueur.

[25]  Alternativement, l’intimée soutient qu’aux termes du paragraphe 254(6), l’appelante est solidairement responsable avec les acheteurs des montants de TPS crédités au titre des RHN sur les Ventes Immobilières, car l’appelante savait ou devait savoir que les acheteurs n’avaient pas droit aux RHN, vu l’absence des formulaires FP-2190.C.

VI. DISCUSSION

[26]  Pour les motifs exposés ci-dessous, l’interprétation des dispositions pertinentes de la LTA avancée par l’appelante ne peut être retenue par la Cour; l’appel est donc rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée.

1.  Interprétation de la LTA :

[27]  Ainsi que l’a signalé la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Canada c Livingston, 2008 CAF 89 :

15  Le point de vue de la Cour suprême du Canada sur l’interprétation des lois demeure fondé sur le principe contemporain formulé par Elmer A. Driedger à la page 67 de The Construction of Statutes, Toronto, Butterworths, 1974 :

[TRADUCTION] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, à la page 41; et Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, au paragraphe 26.

[28]  En outre, l’objet de la LTA a été confirmé par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Canada c Sneyd, [2000] GSTC 46, [2000] ACF no 955 (QL), de la façon suivante : « La Loi sur la taxe d’accise est une loi de nature fiscale qui vise à produire des recettes publiques. Le remboursement de la TPS pour habitations neuves est une exception restreinte. »

[29]  Et très récemment, à l’occasion de l’affaire Canada v Cheema, 2018 FCA 45 [Cheema], la Cour d’appel fédérale (motifs de la majorité) a réitéré les principes d’interprétation de la LTA dans le contexte du RHN :

[TRADUCTION]

85  Dans l’ensemble, « la [Loi sur la taxe d’accise] comporte des règles claires et précises en vue de faciliter son application, son uniformité et sa prévisibilité » et c’est ce « qui fait ressortir le rôle primordial que joue le sens ordinaire du libellé de la Loi dans le processus d'interprétation de ses dispositions » : arrêt Quinco Financial, au par. 8.

86  Dans un cas comme en l’espèce où le législateur accorde une remise en vertu d’un article pour un objet particulier, il ne s’exprime pas normalement au moyen d’expressions vagues ni ne contraint le lecteur à suivre une trajectoire sinueuse à travers diverses autres dispositions de la loi l’obligeant à faire plusieurs détours avant de pouvoir déterminer quand la remise est disponible. Normalement, il suffira de lire le libellé simple de la disposition prévoyant le droit à la remise pour savoir qui y a droit et dans quelles circonstances.

85  Overall, “the [Excise Tax Act] consists of clear, precise rules to facilitate ease of application, consistency and predictability” and this “underscores the dominance of the plain meaning of the text of the Act in the process of interpreting provisions of the Act”: Quinco Financial at para. 8.

86  Where, as here, Parliament grants a rebate in a discrete section for a discrete policy reason, it does not normally express itself in vague terms or require that we undertake a circuitous, serpentine and roundabout tour of various other provisions in the Act to find out when the rebate is available. To understand who may claim a rebate and in what circumstances, normally we need only read the plain language granting the rebate.

[30]  C’est au regard de ces principes que la Cour interprétera les dispositions en cause dans le présent appel.

2.  Le remboursement de TPS pour habitations neuves :

[31]  De façon générale, lorsque les conditions prévues par le paragraphe 254(2) sont remplies, l’acheteur d’un immeuble d’habitation neuve a droit de recevoir un remboursement d’une partie de la TPS payée par celui-ci lors de l’acquisition de cet immeuble, d’un montant calculé selon ce même paragraphe, que l’on appelle le RHN. Selon le paragraphe 254(3), l’acheteur doit transmettre au ministre une demande afin d’avoir droit au RHN, dans les deux ans suivant le jour où la propriété de l’immeuble lui est transféré. Le RHN appartient donc à l’acheteur (Canada c Polygon Southampton Development Ltd, 2003 CAF 193, [2003] ACF no 674 (QL) au para 42 [Polygon Southampton Development Ltd]).

[32]  Toutefois, le constructeur peut convenir de verser ou de porter au crédit de l’acheteur un montant au titre du RHN, si les conditions prévues par les paragraphes 254(4) et (5) sont réunies. Plus particulièrement, selon l’alinéa 254(4)c), l’acheteur doit présenter une demande à cet égard au constructeur dans les deux ans suivant le jour du transfert de la propriété de l’immeuble à l’acheteur; de plus, selon l’alinéa 254(5)a), le constructeur doit transmettre cette demande au ministre avec sa déclaration de taxe produite pour la période de déclaration au cours de laquelle le RHN est versé ou porté au crédit de l’acheteur. Le paragraphe 234(1) permet alors au constructeur de réclamer une déduction dans le calcul de sa taxe nette du montant du RHN ainsi versé ou porté au crédit de l’acheteur.

[33]  L’appelante soutient que lorsque l’appelante a octroyé le crédit équivalant au RHN à ses clients, elle ne pouvait savoir si les clients rempliraient la demande visée par l’alinéa 254(4)c) puisque ces derniers ont alors 2 ans suivant le jour du transfert de la propriété de l’immeuble pour soumettre cette demande. De plus, puisque toutes les informations exigées dans le formulaire prescrit FP-2190.C se retrouvaient aux contrats préliminaires et aux contrats notariés conclus par l’appelante et ses clients, il serait déraisonnable et contraire à l’esprit de la LTA d’exiger le dépôt des formulaires FP-2190.C. De plus, l’appelante a convenu que les conditions prévues par le paragraphe 254(5) n’avaient pas été remplies mais que cela n’était pas fatal à sa cause. De l’avis de cette Cour, cette interprétation ne peut être retenue.

[34]  Le libellé du paragraphe 234(1) est clair : le constructeur qui verse ou porte au crédit d’un acheteur un montant au titre du RHN dans les circonstances visées par le paragraphe 254(4) et qui transmet au ministre la demande de remboursement de l’acheteur conformément au paragraphe 254(5) peut alors déduire ce montant dans le calcul de sa taxe nette pour la période de déclaration au cours de laquelle  le montant est ainsi versé ou porté au crédit de l’acheteur.

[35]  Ainsi, avant de verser ou de porter au crédit d’un acheteur un montant au titre du RHN et de pouvoir ainsi déduire un montant dans le calcul de sa taxe nette tel que permis par le paragraphe 234(1), le constructeur doit donc s’assurer que les conditions prévues par le paragraphe 254(4) sont préalablement remplies. De plus, le constructeur doit transmettre à la ministre la demande de remboursement conformément aux conditions prévues par le paragraphe 254(5).

3.  La forme de la demande de RHN :

[36]  Pour les motifs suivants, la Cour est d’avis que le formulaire FP-2190.C est le formulaire visé par l’alinéa 254(4)c) et que la présentation de ce formulaire par l’acheteur au constructeur est une condition essentielle à l’octroi du crédit par le constructeur. Autrement dit, le constructeur ne peut octroyer le crédit à l’acheteur si l’acheteur ne lui a pas présenté le formulaire. Même si les contrats préliminaires et les contrats notariés contenaient en grande partie les informations requises par le formulaire FP-2190.C, ces documents ne peuvent remplacer le formulaire FP-2190.C.

[37]  Concernant la forme que doit prendre la demande, le libellé de l’alinéa 254(4)c) est clair : le RHN ne peut être versé ou porté au crédit d’un particulier par un constructeur que si le particulier présente au constructeur une demande, en la forme et selon les modalités déterminées par le ministre, et contenant les renseignements requis par le ministre.

[38]  Les mots « en la forme et selon les modalités déterminées par le ministre » et « contenant les renseignements requis par le ministre » ne sont toutefois pas définis dans la version française de la LTA. Toutefois, la version anglaise de la LTA utilise le mot « prescribed » à l’alinéa 254(4)(c) : le particulier « submits to the builder in prescribed manner an application in prescribed form containing prescribed information ».

[39]  Le mot « prescribed » est défini au paragraphe 123(1) de la façon suivante :

123(1) Definitions — In section 121, this Part and Schedules V to X,

. . . 

prescribed means

(a) in the case of a form or the manner of filing a form, authorized by the Minister,

(b) in the case of the information to be given on a form, specified by the Minister,

(c) in the case of the manner of making or filing an election, authorized by the Minister, and

(d) in any other case, prescribed by regulation or determined in accordance with rules prescribed by regulation; (Version anglaise seulement)

. . . 

[Non souligné dans l’original]

[40]  Ainsi, la Cour est d’avis que, vu le contexte de l’alinéa 254(4)c), le mot « prescribed » signifie le formulaire autorisé par le ministre incluant l’information spécifiée ou requise par celui-ci. En l’occurrence, selon le guide RC4028 [1] de l’Agence du revenu du Canada, il s’agit des documents préparés par Revenu Québec, soit le formulaire intitulé « Remboursement de taxes accordé par le constructeur pour une nouvelle habitation» [2] , soit le formulaire « FP-2190.C ».

[41]  Toutefois, malgré le libellé de l’alinéa 254(4)c), il faut poser la question suivante : cette disposition qui prévoit un certain formalisme est-elle de nature impérative (ou obligatoire) ou simplement de nature directrice (ou indicative)? Autrement dit, il faut rechercher si la présentation par l’acheteur au constructeur de la demande de RHN selon les modalités fixées par le ministre est une condition essentielle à la légalité de la démarche ou n’est qu’une directive. Une disposition de nature directrice n’a qu’à être satisfaite en substance et n’a pas d’effet invalidant en cas d’inobservation, tandis qu’une disposition de nature impérative doit être respectée rigoureusement, le non-respect de celle-ci ayant un effet invalidant (Senger-Hammond c Canada, [1996] ACI no 1609 (QL) aux para 23-25).

[42]  Relativement à la LTA, le juge Bowman a conclu ainsi à l’occasion de l’affaire Helsi Construction Management Inc c Canada, [2001] ACI no 149 (QL) au para 11 (conclusion confirmée par la jurisprudence Helsi Construction Management Inc c Canada, 2002 CAF 358, [2002] ACF no 1367 (QL)) :

11  . . . Bien qu’il puisse être justifié, dans certains cas, de considérer les conditions techniques ou mécaniques comme indicatives plutôt qu’obligatoires (voir par exemple l’affaire Senger-Hammond c. R., C.C.I., no 96-1117(IT)I, 6 décembre 1996 ([1997] 1 C.T.C. 2728), ce n’est pas le cas pour ce qui est des dispositions relatives à la TPS de la Loi sur la taxe d’accise.

[Non souligné dans l’original]

[43]  Selon cette observation, une condition technique ou de forme imposée par la LTA ne peut généralement être simplement directrice (ou indicative). La Cour abonde dans le même sens. La Cour est d’avis que les formalités prévues par la LTA sont impératives dans le cadre de notre système d’autocotisation en matière de taxe de vente. Le respect scrupuleux des règles et formalités prescrites par la LTA est essentiel au bon fonctionnement du système. Ainsi que l’a conclu la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Cheema, supra :

[TRADUCTION]

109  Rappelons-le, nous avons affaire ici à un système d’autocotisation concernant des millions de déclarations de taxes assujetties à une vérification.

110  Un des objets de la Loi sur la taxe d’accise est d’assurer l’efficacité administrative. En l’absence d’un libellé dans la Loi à l’effet contraire, toutes choses étant égales par ailleurs, il est vraisemblable que l’intention du législateur était de favoriser l’efficacité administrative.

 

109  It must be recalled that we are dealing with a self-assessment system comprised of millions of tax returns verified through audits.

110  One of the purposes of the Excise Tax Act is to ensure administrative efficiency. Absent statutory wording to the contrary and all else being equal, an interpretation that favours administrative efficiency is more likely to have been intended by Parliament over one that does not.

[44]  La jurisprudence de notre Cour va dans le même sens.

[45]  À l’occasion de l’affaire 494743 BC Ltd, supra, la Cour a conclu que le constructeur ne pouvait demander le remboursement au nom des acheteurs, car les formulaires n’étaient pas remplis adéquatement. En effet, les acheteurs n’avaient pas valablement concédé leurs droits au remboursement au constructeur au sens de l’alinéa 254(4)c) (para 35-40). Ainsi, logiquement, si les formulaires prescrits par la LTA qui ont été mal remplis n’ont pas eu l’effet de concéder les droits au constructeur, a fortiori, il en va de même en cas d’absence de formulaire, comme en l’espèce.

[46]  Dans le même sens, le paragraphe 262(1) s’appliquant au RHN demandé directement par l’acheteur prévoit aussi qu’une demande de remboursement est présentée au ministre selon une forme déterminée :

262(1) Forme et production de la demande — Une demande de remboursement selon la présente section, exception faite de l’article 253, est présentée au ministre en la forme et selon les modalités qu’il détermine et contient les renseignements requis.

262(1) Form and filing of application — An application for a rebate under this Division (other than section 253) shall be made in prescribed form containing prescribed information and shall be filed with the Minister in prescribed manner.

[Non souligné dans l’original]

[47]  À l’occasion de l’affaire Chandna c La Reine, 2009 CCI 230 (para 3 et 9) [Chandna], la Cour a rejeté l’appel de l’acheteur qui n’avait pas présenté une demande en la forme déterminée par le ministre avec les renseignements requis au sens du paragraphe 262(1), puisque la signature du constructeur et les informations de la section D du formulaire étaient manquantes.

[48]  Il ressort de ces décisions relatives au RHN demandé directement par l’acheteur que le respect du formalisme prévu à la LTA est impératif. De l’avis de la Cour, il n’y a aucun motif valable qui appellerait une différence de traitement pour les demandes de RHN présentées via le constructeur.

[49]  De surcroît, ainsi qu’il est mentionné plus haut, le RHN appartient aux acheteurs, et non pas aux constructeurs (Polygon Southampton Development Ltd, supra). La Cour est d’avis que le législateur voulait impérativement assujettir les constructeurs à des formalités strictes afin d’éviter les fraudes et les abus de ces acteurs dans l’exécution de leur rôle d’intermédiaire. Il est donc raisonnable d’assujettir les constructeurs à certaines formalités. Toutefois, la Cour ne conclut pas et n’insinue nullement que l’appelante ou monsieur Lacombe ont commis quelques abus ou fraudes que ce soit en l’espèce.

4.  Le délai de présentation de la demande au constructeur :

[50]  Pour les motifs suivants, la Cour est d’avis que, ainsi que le prescrit l’alinéa 254(4)c), le formulaire FP-2190.C doit être présenté par l’acheteur au constructeur dans les deux ans du transfert de l’immeuble à l’acheteur, ce délai étant de rigueur. Le constructeur ne peut tout simplement pas accorder le crédit sans avoir obtenu préalablement ce formulaire dans le délai prescrit. Le délai de deux ans est donc applicable au constructeur, contrairement à ce que soutenait l’appelante. Vu que les formulaires FP-2190.C ont été signés en juin 2014, il est clair que ce délai de deux ans n’a pas été respecté, les transferts en l’espèce ayant eu lieu entre septembre 2010 et mai 2012. L’appelante s’est donc conformée à ces exigences de forme après l’expiration du délai de deux ans suivant le jour du transfert de la propriété des immeubles.

[51]  La position de l’appelante exposée à l’audience est la suivante : lorsqu’elle a octroyé le crédit équivalant aux RHN à ses clients, elle ne pouvait savoir si les clients rempliraient la demande  visée par l’alinéa 254(4)c) puisque ces derniers disposaient alors de 2 ans suivant le jour du transfert de la propriété de l’immeuble pour soumettre cette demande. Ainsi, selon l’appelante, ce délai de deux ans ne peut jouer dans les circonstances.

[52]  La Cour est d’avis que la lecture de la LTA par l’appelante est erronée, car le constructeur ne peut tout simplement pas octroyer le crédit sans avoir reçu préalablement le formulaire prescrit de l’acheteur au sens de l’alinéa 254(4)c). Ce n’est qu’après avoir reçu le formulaire dans le délai prescrit de deux ans à compter du transfert de la propriété qu’il est permis au constructeur d’octroyer un crédit à l’acheteur et de réclamer une déduction dans le calcul de sa taxe nette en vertu du paragraphe 234(1) pour la période de déclaration du constructeur au cours de laquelle le crédit a été ainsi octroyé.

[53]  La jurisprudence de notre Cour en matière de remboursement de TPS pour habitations neuves est constante à l’égard du particulier qui n’a pas respecté le délai prescrit pour réclamer un tel remboursement et ce, même dans les cas où le résultat peut paraître injuste (voir Brar c La Reine, 2014 CCI 76, [2014] ACI no 60 (QL) au para 12 [Brar]; Doerksen c La Reine, 2009 CCI 350, [2009] ACI no 264 (QL) aux para 3-4 [Doerksen]; Napoli c La Reine, 2013 CCI 307, [2013] ACI no 269 (QL) aux para 13-15 [Napoli]; Slovack c La Reine, 2006 CCI 687 au para 11 [Slovack]; Zubic c La Reine, 2004 CCI 533 au para 7 [Zubic]).

[54]  À l’occasion de l’affaire Brar, supra, portant sur le paragraphe 254(3) prévoyant que le particulier doit présenter sa demande dans les deux ans suivant le jour où la propriété de l’immeuble lui est transférée, notre Cour a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accorder des dispenses en matière de délai prévu :

12  Malheureusement, lorsque le délai prévu par la loi est dépassé, aucun remboursement pour habitations neuves ne peut être obtenu. Dans Cairns c. La Reine, 2001 GSTC 52, la Cour a statué :

[…] L’intention du législateur de fixer un délai pour la présentation d’une demande de remboursement est énoncée en termes non équivoques. […] Lorsque la signification d’un texte est claire, notre cour n’a pas compétence pour en atténuer les conséquences. […]

[55]  D’ailleurs, ce délai doit être respecté même si les nouveaux propriétaires ont reçu des informations incorrectes de la part du constructeur (voir Slovack, supra para 11).

[56]  La jurisprudence de cette Cour enseigne que les délais prévus par la LTA en matière de RHN ainsi que les remboursements prévus par les paragraphes 256(3) et 256.2(7) sont de rigueur (voir Brar, supra para 12; Doerksen, supra para 3-4; Mercure c La Reine, 2012 CCI 148, [2012] GSTC 45, [2012] ACI no 133 (QL) au para 21 (confirmé par Mercure c Canada, 2013 CAF 102, [2013] GSTC 56, [2013] ACF no 401 (QL)); Napoli, supra para 13-15; Nijaf Enterprises Inc. c La Reine, 2013 CCI 241, [2013] ACI no 205 (QL) au para 39; Slovack, supra au para 11; Zubic, supra para 7).

[57]  De l’avis de la Cour, la même conclusion s’applique quant au délai prévu par l’alinéa 254(4)c); ce délai est de rigueur. La cohérence exige que ce délai soit de rigueur lorsque la demande est présentée par l’intermédiaire du constructeur. Sinon, l’acheteur pourrait présenter cette demande à n’importe quel moment via le constructeur, même lorsque le délai pour présenter la demande directement par lui-même au ministre est expiré, ce qui serait illogique et déraisonnable.

5.  Alinéa 254(5)a) :

[58]  Pour les motifs suivants, la Cour est d’avis que le constructeur qui ne respecte pas les modalités prescrites par le paragraphe 254(5) relativement à la transmission de la demande ne peut réclamer une déduction dans le calcul de sa taxe nette en vertu du paragraphe 234(1).

[59]  Selon l’alinéa 254(5)a), le constructeur qui reçoit une demande de RHN d’un particulier conformément au paragraphe 254(4) doit transmettre la demande au ministre avec la déclaration qu’il produit en application de la section V pour la période de déclaration au cours de laquelle il verse le remboursement au particulier ou le porte à son crédit. Le paragraphe 234(1) prévoit que le constructeur peut alors déduire un montant dans le calcul de sa taxe nette s’il transmet au ministre la demande de remboursement de l’acheteur conformément aux paragraphes 254(5) (et si les conditions prévues par le paragraphe 254(4) sont remplies). L’appelante a admis que les conditions prévues par l’alinéa 254(5)a) n’avaient pas été remplies eu égard aux Ventes Immobilières.

[60]  Ainsi, la Cour doit rechercher si le respect de l’alinéa 254(5)a) est obligatoire pour le constructeur afin qu’il lui soit permis de réclamer une déduction dans le calcul de sa taxe nette.

[61]  De l’avis de la Cour, le caractère obligatoire de cette disposition ressort de sa version anglaise :

254(5) Forwarding of application by builder — Notwithstanding subsections (2) to (3), where an application of an individual for a rebate under this section in respect of a single unit residential complex or a residential condominium unit is submitted under subsection (4) to the builder of the complex or unit,

(athe builder shall transmit the application to the Minister with the builder’s return filed under Division V for the reporting period in which the rebate was paid or credited; and

. . . 

[Non souligné dans l’original]

[62]  Le mot « shall » (le mot « doit » en français) dans une disposition relative à la TPS a généralement un sens impératif et non simplement directif (Chandna, supra para 4). La Cour est donc d’avis que l’alinéa 254(5)a) doit être strictement respecté, d’autant plus que la Cour a préalablement établi que les conditions mécaniques de la LTA étaient généralement obligatoires dans le cadre de notre système d’autocotisation en matière de taxe de vente.

[63]  Cette conclusion est également confirmée par le texte même du paragraphe 234(1), lequel prévoit que la transmission de la demande de remboursement « conformément aux paragraphes. . . 254(5) » est une condition de réclamation d’une déduction dans le calcul de la taxe nette.

[64]  Par conséquent, le constructeur qui ne se conforme pas aux prescriptions de l’alinéa 254(5)a) ne peut déduire un montant à cet égard dans le calcul de sa taxe nette, l’inobservation d’une disposition impérative ayant effectivement un effet invalidant.

[65]  Dans l’affaire 494743 BC Ltd, supra, le constructeur n’avait également pas transmis la demande au ministre avec la déclaration qu’il était tenu de produire pour la période de déclaration au cours de laquelle le remboursement avait été versé ou crédité. La Cour a alors retenu la thèse portant que le constructeur qui ne transmet pas la demande du particulier dans le délai prévu par le paragraphe 254(5) n’a pas droit au remboursement (para 41-46).

VII. CONCLUSION

[66]  Pour ces motifs, la Cour est d’avis que l’appelante ne pouvait déduire le montant de 92 767,91 $ dans le calcul de sa taxe nette en vertu du paragraphe 234(1) à l’égard des RHN concernant les Ventes Immobilières, puisque les conditions prévues par le paragraphe 234(1) et par les alinéas 254(4)c) et 254(5)a) n’ont pas été remplies dans les délais prescrits. L’appel est donc rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée.

VIII. PARAGRAPHE 254(6)

[67]  Bien que les motifs exposés ci-dessus soient suffisants pour disposer du présent appel, la Cour examinera brièvement le moyen tiré du paragraphe 254(6).

[68]  L’intimée a soutenu, à titre subsidiaire, qu’aux termes du paragraphe 254(6), l’appelante était solidairement responsable avec les acheteurs des montants de TPS crédités, car elle savait ou devait savoir que ceux-ci n’avaient pas droit aux remboursements de taxes, vu que les acheteurs n’ont pas fourni à l’appelante les formulaires prescrits par la LTA. Pour sa part, l’appelante a soutenu que, vu la remise tacite de la dette effectuée par l’agent de l’ARQ ainsi qu’il est indiqué dans le courriel envoyé par ce dernier à monsieur Belliveau, tous les débiteurs de la dette fiscale, en l’occurrence les acheteurs et l’appelante, sont ainsi libérés. L’appelante a également ajouté que puisque toutes les conditions objectives prévues par le paragraphe 254(2) étaient réunies, logiquement, elle ne peut être tenue responsable des montants ainsi crédités en vertu paragraphe 254(6).

[69]  Vu que la Cour a déjà conclu au rejet de l’appel, la question de savoir si le paragraphe 254(6) joue dans le cas où toutes les conditions prévues par le paragraphe 254(2) sont remplies ne sera pas abordée dans le cadre du présent appel. La Cour se bornera à faire les observations suivantes.

[70]  Tout d’abord, le courriel envoyé par l’agent de l’ARQ à monsieur Belliveau et indiquant que le « dossier a été classé conforme » ne peut d’aucune façon être assimilé à une remise de dette. À l’audience, l’appelante n’a pas fait témoigner l’auteur de ce courriel; la Cour n’a pas été éclairée sur la réelle signification de ce courriel et l’intention de son auteur. Ce courriel est trop ambigu pour être qualifié de remise tacite. La Cour n’accorde aucune valeur probante à cet élément de preuve.

[71]  De plus, la Cour ne peut retenir la thèse portant que tous les acheteurs étaient codébiteurs de la dette fiscale de 92 767,91 $. Le paragraphe 254(6) prévoit qu’un particulier et le constructeur sont débiteurs solidaires. Ce paragraphe ne prévoit pas que tous les acheteurs ayant fait affaire avec un constructeur sont codébiteurs solidaires. Enfin, l’appelante n’a pas rapporté la preuve qu’un courriel de la même nature que celui qui fut envoyé à monsieur Bélliveau a également été envoyé aux autres acheteurs.

Signé à Ottawa, Canada, le 23e jour de janvier 2019.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

234(1) Déduction pour remboursementLa personne qui, dans les circonstances visées aux paragraphes 252.41(2), 254(4), 254.1(4) ou 258.1(3) ou prévues par règlement pour l’application du paragraphe 256.21(3), verse à une autre personne, ou porte à son crédit, un montant au titre d’un remboursement et qui transmet la demande de remboursement de l’autre personne au ministre conformément aux paragraphes 252.41(2), 254(5), 254.1(5), 256.21(4) ou 258.1(4), selon le cas, peut déduire ce montant dans le calcul de sa taxe nette pour la période de déclaration au cours de laquelle le montant est versé à l’autre personne ou porté à son crédit.

[…]

254(2) Remboursement — habitation neuve — Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui‑ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

c) le total des montants — appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe — dont chacun représente la contrepartie payable pour la fourniture de l’immeuble ou du logement et pour toute autre fourniture taxable, effectuée au profit du particulier, d’un droit sur l’immeuble ou le logement est inférieur à 450 000 $;

d) le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

e) la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

f) entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

i) l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

ii) le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

g) selon le cas :

i) le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

(A) dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

(B) dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

ii) le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

Le remboursement est égal au montant suivant :

h) si la contrepartie totale est de 350 000 $ ou moins, un montant égal à 6 300 $ ou, s’il est inférieur, le montant représentant 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

i) si la contrepartie totale est supérieure à 350 000 $ mais inférieure à 450 000 $, le montant calculé selon la formule suivante :

A × [(450 000 $ - B)/100 000 $]

où :

A représente 6 300 $ ou, s’il est moins élevé, 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

B la contrepartie totale.

[…]

(3) Demande de remboursement — Le montant d’un remboursement prévu au présent article n’est versé que si le particulier en fait la demande dans les deux ans suivant le jour où la propriété de l’immeuble ou du logement lui est transférée.

(4) Demande présentée au constructeurLe constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété peut verser un remboursement à un particulier, ou en sa faveur, ou le porter à son crédit, dans le cas où, à la fois :

a) le constructeur a effectué la fourniture taxable de l’immeuble ou du logement par vente au particulier auquel il en a transféré la propriété aux termes de la convention portant sur la fourniture;

b) la taxe prévue à la section II a été payée, ou est payable, par le particulier relativement à la fourniture;

c) le particulier présente au constructeur, en la forme et selon les modalités déterminées par le ministre, dans les deux ans suivant le jour du transfert au particulier de la propriété de l’immeuble ou du logement, une demande contenant les renseignements requis par le ministre et concernant le remboursement auquel il aurait droit selon les paragraphes (2) ou (2.1) s’il en faisait la demande dans le délai imparti;

d) le constructeur convient de verser au particulier, ou en sa faveur, le remboursement qui est payable à celui-ci relativement à l’immeuble, ou de le porter à son crédit;

e) la taxe payable relativement à la fourniture n’a pas été payée au moment de la présentation de la demande au constructeur et, si le particulier avait payé cette taxe et en avait demandé le remboursement, celui-ci aurait été payable au particulier selon les paragraphes (2) ou (2.1), selon le cas.

(5) Transmission de la demande par le constructeur — Malgré les paragraphes (2) à (3), dans le cas où la demande d’un particulier en vue d’un remboursement visé au présent article est présentée au constructeur en application du paragraphe (4) :

a) le constructeur doit transmettre la demande au ministre avec la déclaration qu’il produit en application de la section V pour la période de déclaration au cours de laquelle il verse le remboursement au particulier ou le porte à son crédit;

b) les intérêts prévus au paragraphe 297(4) ne sont pas payables relativement au remboursement.

(6) Obligation solidaire — Le constructeur qui, en application du paragraphe (4), verse un remboursement à un particulier, ou en sa faveur, ou le porte à son crédit, alors qu’il sait ou devrait savoir que le particulier n’a pas droit au remboursement ou que le montant payé au particulier, ou porté à son crédit, excède le remboursement auquel celui-ci a droit, est solidairement tenu, avec le particulier, au paiement du remboursement ou de l’excédent au receveur général en vertu de l’article 264.

123(1) Definitions — In section 121, this Part and Schedules V to X,

. . . 

prescribed means

(a) in the case of a form or the manner of filing a form, authorized by the Minister,

(b) in the case of the information to be given on a form, specified by the Minister,

(c) in the case of the manner of making or filing an election, authorized by the Minister, and

(d) in any other case, prescribed by regulation or determined in accordance with rules prescribed by regulation; (Version anglaise seulement)

. . . 

234(1) Deduction for rebateIf, in the circumstances described in subsection 252.41(2), 254(4), 254.1(4) or 258.1(3) or in circumstances prescribed for the purposes of subsection 256.21(3), a particular person pays to or credits in favour of another person an amount on account of a rebate and transmits the application of the other person for the rebate to the Minister in accordance with subsection 252.41(2), 254(5), 254.1(5), 256.21(4) or 258.1(4), as the case requires, the particular person may deduct the amount in determining the net tax of the particular person for the reporting period in which the amount is paid or credited.

. . . 

254(2) New housing rebate — Where

(a) a builder of a single unit residential complex or a residential condominium unit makes a taxable supply by way of sale of the complex or unit to a particular individual,

(b) at the time the particular individual becomes liable or assumes liability under an agreement of purchase and sale of the complex or unit entered into between the builder and the particular individual, the particular individual is acquiring the complex or unit for use as the primary place of residence of the particular individual or a relation of the particular individual,

(c) the total (in this subsection referred to as the “total consideration”) of all amounts, each of which is the consideration payable for the supply to the particular individual of the complex or unit or for any other taxable supply to the particular individual of an interest in the complex or unit, is less than $450,000,

(d) the particular individual has paid all of the tax under Division II payable in respect of the supply of the complex or unit and in respect of any other supply to the individual of an interest in the complex or unit (the total of which tax under subsection 165(1) is referred to in this subsection as the “total tax paid by the particular individual”),

(e) ownership of the complex or unit is transferred to the particular individual after the construction or substantial renovation thereof is substantially completed,

(f) after the construction or substantial renovation is substantially completed and before possession of the complex or unit is given to the particular individual under the agreement of purchase and sale of the complex or unit

(i) in the case of a single unit residential complex, the complex was not occupied by any individual as a place of residence or lodging, and

(ii) in the case of a residential condominium unit, the unit was not occupied by an individual as a place of residence or lodging unless, throughout the time the complex or unit was so occupied, it was occupied as a place of residence by an individual, or a relation of an individual, who was at the time of that occupancy a purchaser of the unit under an agreement of purchase and sale of the unit, and

(g) either

(i) the first individual to occupy the complex or unit as a place of residence at any time after substantial completion of the construction or renovation is

(A) in the case of a single unit residential complex, the particular individual or a relation of the particular individual, and

(B) in the case of a residential condominium unit, an individual, or a relation of an individual, who was at that time a purchaser of the unit under an agreement of purchase and sale of the unit, or

(ii) the particular individual makes an exempt supply by way of sale of the complex or unit and ownership thereof is transferred to the recipient of the supply before the complex or unit is occupied by any individual as a place of residence or lodging,

the Minister shall, subject to subsection (3), pay a rebate to the particular individual equal to

(h) where the total consideration is not more than $350,000, an amount equal to the lesser of $6,300 and 36% of the total tax paid by the particular individual, and

(i) where the total consideration is more than $350,000 but less than $450,000, the amount determined by the formula

A × [($450,000 - B)/$100,000]

where

A is the lesser of $6,300 and 36% of the total tax paid by the particular individual, and

B is the total consideration.

. . . 

(3) Application for rebate — A rebate under this section in respect of a residential complex or residential condominium unit shall not be paid to an individual unless the individual files an application for the rebate within two years after the day ownership of the complex or unit is transferred to the individual.

(4) Application to builderwhere

(a) the builder of a single unit residential complex or a residential condominium unit has made a taxable supply of the complex or unit by way of sale to an individual and has transferred ownership of the complex or unit to the individual under the agreement for the supply,

(b) tax under Division II has been paid, or is payable, by the individual in respect of the supply,

(c) the individual, within two years after the day ownership of the complex or unit is transferred to the individual under the agreement for the supply, submits to the builder in prescribed manner an application in prescribed form containing prescribed information for the rebate to which the individual would be entitled under subsection (2) or (2.1) in respect of the complex or unit if the individual applied therefor within the time allowed for such an application,

(d) the builder agrees to pay or credit to or in favour of the individual any rebate under this section that is payable to the individual in respect of the complex, and

(e) the tax payable in respect of the supply has not been paid at the time the individual submits an application to the builder for the rebate and, if the individual had paid the tax and made application for the rebate, the rebate would have been payable to the individual under subsection (2) or (2.1), as the case may be,

the builder may pay or credit the amount of the rebate, if any, to or in favour of the individual.

(5) Forwarding of application by builder — Notwithstanding subsections (2) to (3), where an application of an individual for a rebate under this section in respect of a single unit residential complex or a residential condominium unit is submitted under subsection (4) to the builder of the complex or unit,

(a) the builder shall transmit the application to the Minister with the builder’s return filed under Division V for the reporting period in which the rebate was paid or credited; and

(b) interest under subsection 297(4) is not payable in respect of the rebate.

(6) Joint and several liability — If the builder of a single unit residential complex or a residential condominium unit pays or credits a rebate to or in favour of an individual under subsection (4) and the builder knows or ought to know that the individual is not entitled to the rebate or that the amount paid or credited exceeds the rebate to which the individual is entitled, the builder and the individual are jointly and severally, or solidarily, liable to pay the amount of the rebate or excess to the Receiver General under section 264.

[Non souligné dans l’original]


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 96

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2015-4796(GST)G

INTITULÉ :

9118-5322 QUÉBEC INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 janvier 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 23 janvier 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Claude Germain

Pour l’intimée :

Me David Roulx

Arnaud Prud’Homme (stagiaire en droit)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Claude Germain

Cabinet :

Sylvestre & Associés S.E.N.C.R.L.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Agence du revenu du Canada, Guide RC4028, « Remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves » (4 octobre 2016)

(https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/rc4028/remboursement-tps-tvh-habitations-neuves.html#P2215_02362).

[2] Revenu Québec, Formulaire FP-2190.C, « Remboursement de taxes accordé par le constructeur pour une nouvelle habitation » (http://www.revenuquebec.ca/fr/sepf/formulaires/fp/fp-2190_c.aspx).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.