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Dossier : 2012-1911(IT)APP

ENTRE :

LAURIE TURCOTTE,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Demande entendue le 18 mars 2013, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Randall Bocock

 

Comparutions :

 

Avocat de la requérante :

Me G. James Fyshe

Avocat de l’intimée :

Me Laurent Bartleman

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          ATTENDU que la requérante a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti pour interjeter appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 de la requérante;

 

          ET ATTENDU qu’après avoir lu les documents déposés, entendu le témoignage de vive voix de la requérante et reçu les observations des avocats respectifs de la requérante et de l’intimée;

 

          LA COUR ORDONNE :

 

1.                 la demande présentée en vue d’obtenir l’autorisation de déposer un avis d’appel est accueillie, compte tenu du fait que l’appel est raisonnablement fondé;

 

2.                 la requérante doit déposer, dans les trente jours suivant la date de la présente ordonnance, un nouvel avis d’appel dans lequel elle exposera les faits particuliers et les dispositions légales concernant son appel;

 

3.                 l’intimée peut déposer une nouvelle réponse, si le ministre le souhaite, dans les trente jours suivant la réception du nouvel avis d’appel.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 29jour de mai 2013.

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28jour d’août 2013.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 171

Date : 20130529

Dossier : 2012-1911(IT)APP

 

ENTRE :

LAURIE TURCOTTE,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Bocock

 

I.                   La question en litige

 

[1]             Selon la loi, le contribuable peut, « de droit », interjeter appel auprès de la Cour à l’encontre de toute nouvelle cotisation, à condition qu’un avis d’appel ait été déposé dans un délai de 90 jours suivant la réception d’un avis de ratification.

 

[2]             En l’espèce, l’avis de ratification a été délivré le 26 janvier 2012.

 

[3]             Aucun avis d’appel n’a été reçu avant le 15 mai 2012. Le délai pour interjeter appel « de droit » a expiré le 28 avril 2012. En vertu du paragraphe 167(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), le contribuable peut présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel dans l’année suivant l’expiration du délai de 90 jours imparti pour interjeter appel « de droit ». La demande de la requérante présentée en vue d’obtenir une prorogation de délai a été reçue le 15 mai 2012. La Cour peut accorder une prorogation de délai relativement à une telle demande, pourvu que certaines conditions soient réunies.

 

[4]             Dans la présente demande, la seule opposition exprimée par l’intimée, et aussi la seule question non résolue dont la Cour est saisie, est de savoir s’il a été satisfait à la dernière condition énoncée au sous‑alinéa 167(5)b)(iv) de la Loi, qui est ainsi libellée :

 

167(5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies:

 

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

 

b) le contribuable démontre ce qui suit :

 

[…]

 

(iv) l’appel est raisonnablement fondé.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

II.      La procédure à ce jour

 

[5]             L’avis de demande, en soi, ne comporte pas pour l’essentiel des détails factuels précis particulièrement pertinents à la demande et à l’appel connexe, qui peuvent être entendus devant la Cour. Les faits ont été complétés à l’audience relative à la demande au moyen d’un témoignage de vive voix et lors du contre‑interrogatoire de la requérante, à savoir Mme Turcotte.

 

[6]             La demande qui nous occupe est largement associée à de nombreux appels présentés devant la Cour par Native Leasing Services (« NLS »), en tant que représentant, pour le compte de certains Indiens inscrits. Chacun d’eux demande à bénéficier d’une exemption de taxation établie sur des biens meubles, sous la forme d’un revenu d’emploi, en application de l’article 87 de la Loi sur les Indiens. La requérante, Mme Turcotte, s’était auparavant présentée devant la Cour relativement à un appel du même genre concernant son revenu d’emploi, bien que l’appel portait sur des années d’imposition antérieures. La défense du dossier de la requérante est maintenant assurée par un avocat, qui a diligemment pris le dossier en charge et demande qu’une audience en bonne et due forme soit tenue sur le fonds relativement à la demande d’exemption de taxation. Bien que cela ne soit pas déterminant, la demande de prorogation de délai a été déposée quelque 20 jours après l’expiration du délai imparti pour interjeter appel « de droit ».

 

III.     Les faits

 

[7]             Bien que la demande et l’avis d’appel ne soient pas assez descriptifs, Mme Turcotte a témoigné de vive voix à l’audition de la demande. Elle a suffisamment démontré son intention d’interjeter appel, ce qui a amené l’intimée à se désister d’une contestation accessoire qu’elle avait déjà faite antérieurement, contestation selon laquelle la requérante n’avait pas réussi à établir qu’elle avait véritablement l’intention d’interjeter appel en vertu du sous‑alinéa 167(5)b)(i) de la Loi.

 

[8]              Mme Turcotte est une Indienne inscrite et est membre de la bande des Six Nations de la rivière Grand. Elle réside à Ayr, en Ontario, une petite ville située sur les rives de la rivière Grand, entre Kitchener et Brantford. Elle travaille à Kitchener, en Ontario, une grande ville de l’Ontario qui chevauche aussi les rives de la rivière Grand. À Kitchener, elle est employée par le projet K-W Urban Native Wigwam, une organisation de soutien pour les familles autochtones dont l’aide est déterminée « en fonction du revenu ». Les bureaux principaux de l’organisation sont situés dans la réserve des Six Nations, mais ses bureaux opérationnels se trouvent hors la réserve. On affirme que les biens meubles de Mme Turcotte sont créés dans la réserve pour des raisons liées aux autochtones et dans l’intérêt des autochtones et de leur communauté. Si tel était l’ensemble des arguments, il manquerait vraisemblablement à la demande l’exigence voulant que l’appel soit « raisonnablement fondé » pour qu’il y soit fait droit, étant donné que la Cour a déjà examiné ces arguments juridiques précis fondés sur ces faits précis. Des appels interjetés à l’égard de faits presque identiques, y compris l’appel antérieur interjeté par la requérante même, ont été rejetés sur cette base. Les deux avocats ont cité de nombreuses causes, à part celle que la requérante avait instituée, qui ont été soumises à la présente Cour, à la Cour d’appel fédérale et à la Cour suprême.

 

a)      L’argument concernant les « terres de réserve en litige »

 

[9]              En l’espèce, et relativement aux années d’imposition subséquentes, l’avocat de la requérante a habilement insisté sur l’argument selon lequel le lieu de résidence et le lieu de travail de la requérante sont situés à l’intérieur des terres qui font l’objet d’une revendication territoriale des Six Nations en instance, revendication très médiatisée et connue sous de nombreux noms, dont le plus commun est peut‑être la revendication territoriale concernant la Concession de Haldimand. Il est bien connu et constaté que la Couronne impériale a accordé le titre des terres en question, qui s’étendent sur une distance de six milles le long des deux rives de la rivière Grand, à partir de son embouchure jusqu’à sa source. L’octroi de cette terre, ainsi que les renonciations subséquentes contestées qui y sont liées, a fait couler beaucoup d’encre et fait l’objet de bien des allégations et des débats, sans que l’on aboutisse à un règlement. Mis à part cette confusion de longue date, il reste toujours évident, à l’heure actuelle, que la revendication territoriale, sa portée et la méthode utilisée pour aboutir à quelque règlement que ce soit demeurent des questions en suspens sur le plan politique, social et juridique, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la vallée de la rivière Grand, ainsi que devant les divers tribunaux.

 

b)      Les observations

 

[10]        L’avocat de l’intimée a soutenu que, dans l’appel antérieur interjeté par la requérante, l’argument concernant les terres de réserve en litige aurait pu facilement être soulevé par la requérante ou par son représentant. Il s’agissait d’une question qui se posait à ce moment-là, mais elle n’a été ni plaidée ni soulevée. Mis à part cet argument qui est maintenant censé être un nouvel argument, l’intimée avance que la requérante n’a pas réussi à présenter une demande ou un appel suffisamment précis, que l’appel n’était pas raisonnablement fondé quant aux faits (compte tenu des précédents faisant autorité) et, enfin, que la requérante n’a pas démontré que le droit avait suffisamment évolué en ce qui a trait au critère des facteurs de rattachement énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Williams c. Canada, [1992] 1 R.C.S. 877.

 

[11]        Aucun des facteurs susmentionnés n’ayant pu être établi, la condition préalable prévue par la loi, qui consiste à présenter un appel « raisonnablement fondé », n’a pas été remplie.

 

[12]        L’avocat de la requérante a fait valoir qu’une jurisprudence récente a établi à nouveau le cadre concernant le critère des « facteurs de rattachement ». En outre, l’emplacement du bien est une conclusion de droit qui doit être traitée au moyen des faits, lesquels sont entendus et tranchés en bonne et due forme par le juge du fond. À tout le moins, il s’agit de questions actuellement en évolution devant les tribunaux, lesquelles nécessitent et justifient qu’un appel soit interjeté, parce que la nature [traduction] « changeante » de la jurisprudence donne lieu à des motifs juridiques qui n’existaient pas auparavant.

 

IV.     Analyse

 

[13]        La question dont la Cour est saisie concerne une procédure interlocutoire, mais elle peut néanmoins avoir un effet décisif si la Cour n’accueille pas la demande et refuse ainsi que l’appel soit entendu. La décision d’accorder la prorogation de délai et de permettre que l’appel suive son cours exige qu’il soit conclu à l’existence d’un appel raisonnablement fondé. En l’espèce, une telle conclusion n’est pas appuyée par l’avis de demande ni par un avis d’appel qui ont été rédigés d’une manière générale et peu descriptive et au moyen d’une formule toute faite. L’intimée a raison de soutenir que les deux questions, à savoir la présence de motifs raisonnables et le caractère suffisant des actes de procédure, doivent être résolues avant qu’un appel soit entendu. La première question concerne la compétence de la Cour quant à l’accueil de la demande et la seconde porte sur le respect de la procédure ainsi que sur l’équité procédurale à l’égard de l’intimée.

 

a)      L’appel raisonnablement fondé

 

[14]        Pour procéder à quelque analyse sérieuse que ce soit de la question de savoir si l’on est en présence d’un appel raisonnablement fondé, la Cour doit supposer pour le moment que l’avis d’appel de la requérante pourrait par ailleurs contenir les affirmations factuelles et juridiques présentées lors du témoignage de vive voix à l’audition de la demande, aussi bien sur les faits que sur les questions en litige. Si tel était le cas, la question concernant les terres de réserve en litige aurait figuré dans la demande en grande partie de la même manière non équivoque que les fondements factuels et juridiques d’une telle assertion qui existaient dans l’esprit de la requérante et qui ont été exprimés clairement par des paroles, de sa bouche même.

 

[15]        La Cour est appelée à trancher la question de savoir si l’argument concernant les terres de réserve en litige est raisonnablement fondé et s’il arrive à surmonter l’obstacle que présente le sous‑alinéa 167(5)b)(iv) de la Loi. Pour y parvenir, l’on doit se demander quelle est la signification de l’expression « raisonnablement fondé » dans ce paragraphe.

 

[16]        Dans la décision Johnston c. La Reine, 2009 CCI 327, 2009 DTC 1198, le juge Webb a fait les observations suivantes au paragraphe 26 :

 

26 À mon avis, l’exigence législative voulant que le demandeur démontre que l’appel est raisonnablement fondé est une condition qu’il faut remplir pour que la Cour ait compétence en vue de rendre l’ordonnance prorogeant le délai dans lequel un appel peut être interjeté et il ne s’agit pas d’une exigence à laquelle l’intimée peut renoncer. Il ne s’agit pas d’une exigence qui est imposée uniquement au profit de l’intimée. L’exigence voulant que le demandeur démontre que l’appel est raisonnablement fondé est une condition à remplir pour que la Cour rende l’ordonnance demandée.

 

[17]        Bien qu’il n’en ait pas été fait mention ci‑dessus, la décision de la Cour selon laquelle les conclusions de fait qui constituaient le fondement de l’appel dans la décision Johnston étaient presque identiques à ceux des appels qui ont été déjà entendus par la Cour et qui ont été rejetés était essentielle à la décision quant à l’absence du caractère raisonnablement fondé de l’appel. En outre, lorsque de tels faits étaient différents de ceux de la décision Johnston, ils étaient moins contraignants que dans les causes qui avaient été auparavant rejetées.

 

[18]        Ce mode de raisonnement est semblable à celui adopté par la juge Woods dans la décision Keshane c. la Reine, 2010 CCI 651, 2011 DTC 1040, où elle a fait les observations suivantes, aux paragraphes 16 et 21 :

 

16 À la lumière de ce contexte, je conviens avec l’avocat de l’intimée que, pour convaincre la Cour que leur appel est raisonnablement fondé à l’égard de ces demandes, les demandeurs doivent présenter un argument raisonnable voulant que les conclusions des arrêts Shilling et Horn ne s’appliquent pas en raison de leurs faits particuliers. Aucun des demandeurs n’a tenté de démontrer cela.

 

[…]

 

21 Même s’il faut donner une interprétation large à l’exigence prévue au sous‑alinéa 167(5)b)(iv) afin de ne pas exclure d’arguments raisonnables, aucun des demandeurs n’a démontré dans son appel avoir des chances raisonnables de succès.

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]        La juge Woods semble avoir relevé la barre plus haut en suggérant une analyse prospective de la question de savoir si les arguments pourraient raisonnablement prévaloir. Mis à part ce seuil potentiellement relevé, il était évident, au vu des faits des deux décisions Johnston et Keshane, que les appels étaient factuellement et textuellement identiques à des appels que la Cour avait entendus antérieurement et qu’elle avait rejetés, et qu’ils avaient été présentés et plaidés de la même manière.

 

[20]        Un exemple de faits et/ou d’arguments légèrement différents ou nouveaux présentés à la Cour, au moyen d’actes de procédure par ailleurs déficients, est l’affaire Rock v. Canada, 2010 TCC 607, 2011 DTC 1006. Plus précisément, les paragraphes 35, 36, 38 et 39 énoncent la séquence logique et les étapes du critère de l’appel « raisonnablement fondé ». Le juge Hershfield s’est exprimé ainsi :

 

[traduction]

 

35        Je n’ai pas demandé que des observations soient présentées à cet égard et je ne me suis pas non plus aventuré à faire des recherches sur la question. Mes conclusions sont simples et claires. Elles sont pragmatiques et, à mon avis, en toute logique, elles se fondent principalement sur le droit des requérantes d’être entendues. En termes simples, le sous‑alinéa 167(5)b)(iv) ne concerne pas les probabilités relatives d’obtenir gain de cause, mais le fait d’avoir un appel raisonnablement fondé.

 

36        Les requérantes ont un avocat compétent, qui représente des personnes sérieuses, lesquelles cherchent soit à rentrer dans un cadre duquel elles et d’autres personnes ont été exclues soit à élargir ce cadre en voulant, de manière persistante, à appliquer ces principes et arguments juridiques dont elles ont espoir qu’ils pourraient être retenus, dans certains cas au moins. La loi n’est pas figée, après tout, et certaines situations peuvent justifier l’application du critère des facteurs de rattachement, comme l’a fait valoir l’avocat relativement à ces demandes. Toutefois, je tiens particulièrement à souligner que toute demande visant à appliquer l’exemption prévue à l’article 87 en fonction de tout autre élément que le critère des facteurs de rattachement pourrait être tellement futile que cela justifierait une conclusion selon laquelle l’appel n’est pas raisonnablement fondé. La Cour d’appel fédérale a davantage éclairci ce point. Le juge Evans a conclu, au paragraphe 5 de l’arrêt Horn et Williams, comme je l’ai déjà mentionné, que le critère des facteurs de rattachement est le seul critère applicable. Il a également conclu que la protection accordée aux Indiens par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd c. Première Nation de God’s Lake concernant les biens situés sur une réserve et déterminés par le lieu de résidence du débiteur, s’applique uniquement à l’égard d’une saisie, et non à l’égard de la taxation.

 

38        En définitive donc, comme les appels interjetés dans ces affaires seront vraisemblablement rejetés, j’accueillerai les demandes. […] J’ai entendu six causes concernant NLS cette semaine, et aucun indice ne permet de conclure que le fait d’ajouter une autre année à l’un ou l’autre des appels aurait ajouté une minute de plus à la procédure.

 

39        Deuxièmement, après avoir entendu les six appels cette semaine, je demeure incertain quant à leur issue. Cela veut dire qu’il pourrait bien y avoir certaines situations où les faits particuliers et les circonstances factuelles d’un appel concernant NLS pourraient permettre d’invoquer l’exemption prévue à l’article 87. Comme l’a souligné le juge Evans dans l’arrêt Horn et Williams, au paragraphe 8, il appartient avant tout au juge de première instance, selon les circonstances de l’affaire, d’évaluer le poids relatif qu’il doit accorder aux éléments constitutifs d’un critère comportant de multiples facteurs. Par conséquent, il convient de faire preuve de prudence, et le juge saisi de la demande ne doit pas exercer cette fonction prématurément en effectuant un classement par catégorie de toutes les causes de NLS, même celles où il est évident que les faits sont similaires à ceux des causes qui ont été rejetées, comme relevant d’une catégorie non-exemptée. Certaines causes dont les faits sont très semblables peuvent être présentées sous un angle différent, comme en témoignent les décisions Robertson c. La Reine et Ballantyne c. La Reine. Dans ces affaires, chacun des juges a été influencé par différents facteurs, en fonction des éléments de preuve présentés. Et ici, je tiens à souligner que, dans l’arrêt Shilling, aux paragraphes 40 et 41, on a relevé l’absence d’éléments de preuve. Des éléments de preuve complets auraient donné lieu à des résultats différents. D’où la prudence de se garder de préjuger.

 

[21]        Dans cette cause, l’on se fonde sur la directive énoncée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Horn c. Canada, 2008 CAF 352, 2008 DTC 6743, à savoir que le juge de première instance évalue le poids à accorder aux éléments constitutifs du critère au cas par cas. Selon la Cour d’appel fédérale, le juge saisi de la demande pourrait éviter l’évaluation critique en exerçant cette fonction prématurément, même en présence de faits presque identiques.

 

b) La présentation de nouveaux faits particuliers?

 

[22]        L’affaire dont je suis saisi repose sur un meilleur fondement que l’affaire Rock, étant donné que des faits plus complets font partie intégrante de la question concernant les terres de réserve en litige. Il y a lieu pour la Cour de l’appliquer à ces faits et à ces arguments connexes. En outre, certains de ces faits, bien qu’ils existaient vraisemblablement à l’époque des appels antérieurs de la requérante, n’ont pas été triés pour présenter la question concernant les terres de réserve en litige.

 

[23]        À la lumière des faits additionnels et des arguments potentiels présentés, et compte tenu du fait qu’aucun tribunal n’a ni récemment ni auparavant, de manière précise, entendu et tranché des faits semblables, l’issue de l’appel ne sera pas déterminée sous peu au moyen d’une ordonnance décisive rendue à l’égard d’une simple demande de prorogation de délai pour déposer l’avis d’appel. Au contraire, ils devraient être mis au jour lors d’une audience présidée par un juge de la Cour. L’accueil de la présente demande est conforme à la jurisprudence, étant donné que les faits particuliers de la demande, compte tenu du poids le plus élevé qui leur est accordé à cette étape‑ci de la procédure, non seulement méritent, mais exigent que l’esprit ou la « raison » de la Cour soit exercés sur ces faits et ces arguments connexes, puisque cela ne s’est pas encore produit, en fonction de la jurisprudence présentée, relativement à la question concernant les terres de réserve en litige.

 

[24]        L’existence éventuelle de tels faits et arguments « non jugés », une fois portée à la connaissance du juge saisi de la demande, donne compétence à la Cour, comme l’exige la décision Johnston, et rend l’appel différent des appels qui ont été auparavant tranchés, à l’instar de ce que commande la décision Keshane. D’une manière peut‑être aussi importante, les faits allégués exigent un examen du motif d’appel présenté lorsque des faits similaires, mais non identiques, concernant le contribuable en question nécessitent que le juge du fond apprécie la situation particulière du requérant/de l’appelant pour appliquer le même critère, « […] selon les circonstances de l’affaire, […] aux éléments constitutifs d’un critère comportant de multiples facteurs », comme cela est décrit dans la décision Rock, laquelle, ainsi que je l’ai déjà souligné, cite l’arrêt Horn et Williams rendu par la Cour d’appel fédéral.

 

[25]        En bref, les faits et les prétentions allégués par la requérante justifient la tenue d’une audience par le juge du fond, parce qu’un motif d’appel susceptible d’être raisonnable, et qui milite en faveur d’un appel raisonnablement fondé, a été rattaché à des faits allégués et à des arguments connexes qui n’ont pas été appliqués et qui n’ont pas été auparavant tranchés par la Cour.

 

[26]        Pour corriger les lacunes liées aux actes de procédure et afin d’aider la Cour et les parties à l’audience, la requérante, qui est maintenant l’appelante, doit déposer un nouvel avis d’appel dans un délai de trente jours, conformément aux règles, en y invoquant précisément les arguments de faits qui doivent être présentés devant la Cour et en y incluant les dispositions légales applicables sur lesquelles elle se fonde. L’intimée disposera par la suite d’un délai de trente jours pour déposer une nouvelle réponse, si elle le souhaite.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 29e jour de mai 2013.

 

 

 

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28jour d’août 2013.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 171

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-1911(IT)APP

                                                         

INTITULÉ :                                      LAURIE TURCOTTE c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 mars 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Randall Bocock

 

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 29 mai 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de la requérante :

Me G. James Fyshe

Avocat de l’intimée :

MLaurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour la requérante :

      

            Nom :                                    G. James Fyshe

 

       Cabinet :                                    Fyshe, McMahon LLP

                                                          Hamilton (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

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